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Volume 19, 2012
Editorial



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Éditorial du numéro spécial
Individualisation, personnalisation et adaptation des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain



Élise LAVOUÉ*, Jean-Luc RINAUDO**

*MAGELLAN, LIRIS, Université Jean Moulin Lyon 3, **Civiic, Université de Rouen

 

1. Introduction

Dans l’analyse qu’ils proposent de l’évolution de la société, des sociologues repèrent que l’hyper-modernité se traduit notamment par des conduites plus individuelles que collectives et qu’elle exacerbe la nécessité de s’affirmer comme individu autonome (Aubert, 2010).

Dans le champ de l’éducation, avec la centration sur l’élève ou le développement récent du coaching scolaire, certains notent un passage progressif, du moins dans les textes officiels, de l’école pour tous à l’école pour chacun. Les aides individualisées à l’école primaire ou l’individualisation des parcours de formation en constituent deux exemples, aux deux pôles les plus extrêmes de l’enseignement, en ce qui concerne les publics auxquels il s’adresse : l’école primaire et la formation des adultes. La personnalisation est également indiquée comme une clef d’organisation vers une école de qualité pour le XXIe siècle (Darling-Hammond, 2010). L’avènement de l’Internet participatif et collaboratif, popularisé sous le nom de Web 2.0, favorise la possible prise en charge des contenus et des dispositifs par chaque internaute.

Ces tendances semblent indiquer une demande sociale et institutionnelle de prise en compte de l’individu plus importante que par le passé. C’est dans ce contexte que se développe la variabilité des dispositifs pédagogiques, des apprenants eux-mêmes et de l’environnement dans lequel s’effectuent les apprentissages. Cette variabilité amène les concepteurs de dispositifs et d’environnements numériques, les praticiens et les chercheurs à penser et mettre en œuvre divers niveaux d’individualisation, de personnalisation et d’adaptation. C’est sur cette thématique de l’individualisation, de la personnalisation et de l’adaptation des environnements informatiques pour l’apprentissage humain que porte ce numéro spécial de la revue STICEF.

Individualisation, personnalisation sont des termes ambigus. Les noms individu et personne sur lesquels ils sont construits sont souvent confondus, dans le langage courant. D’ailleurs, les notions à la base de la thématique centrale de ce numéro débordent largement de la sphère scientifique pour envahir le langage ordinaire : bilan individualisé, aide personnalisée... Certains voient dans l’individualisation, le risque d’isolement des apprenants, et dans la personnalisation, l’opportunité de promouvoir une insertion scolaire, professionnelle ou sociale (Etienne, 2006). Pour notre part, nous avons fait le choix de ne pas formuler une définition particulière de ces deux notions mais de les garder comme des propositions ouvertes, qui permettent aux auteurs comme aux lecteurs de ce numéro, d’entrer dans les textes en fonction de leurs propres grilles de lecture et de leurs cadres théoriques et épistémologiques. À ces deux termes on aurait d’ailleurs pu associer subjectivation, comme le font Chen et Séjourné qui analysent dans leur article la manière dont le sujet apprenant est pris en compte par un concepteur de scénario pédagogique. Cette absence de cadrage de définition a priori a permis que ce numéro s’ouvre à des contributions de chercheurs issus de disciplines différentes (informatique, sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication) qui s’en sont emparés, avec des approches différentes et complémentaires, comme on le lira par la suite.

En utilisant les notions de personnalisation et d’individualisation, nous n’entrons pas davantage dans le débat qui dénonce le passage d’une École pour tous à une école de chacun et d’un déplacement des responsabilités de l’État sur celles de l’individu. En revanche, le terme adaptation semble a priori moins faire débat.

Ce numéro spécial de STICEF s’est constitué, à la suite de l’appel à proposition, à partir de 20 intentions de textes, transformées en 14 propositions effectives. Au final, ce sont 9 articles rédigés par 23 auteurs différents qui ont été retenus à l’issue du processus de sélection par les relecteurs. Ces articles proposent des approches différentes de la personnalisation, de l’individualisation et de l’adaptation. Trois thématiques principales émergent : (1) l’individualisation des scénarios pédagogiques et parcours d’apprentissage ; (2) la personnalisation des ressources pédagogiques proposées par les EIAH ; (3) l’aide aux concepteurs et utilisateurs de l’EIAH qui, même si elle est omniprésente dans ce numéro spécial, est surtout traitée dans trois articles.

2. Individualisation des scénarios pédagogiques et parcours d’apprentissage.

La diffusion des technologies en éducation est contemporaine du passage, au moins dans les discours, d’une logique de l’enseignement à une logique de l’apprentissage (Bélisle et Linard, 1996). Selon cette dernière, on envisage une implication forte de l’apprenant en tant qu’acteur actif dans son apprentissage, le plus souvent accompagné par un enseignant ou un tuteur. Cela implique que l’apprenant doit s’accomplir comme individu autonome (Linard, 2000) et doit faire preuve de capacités d’auto-régulation pour apprendre à gérer son temps de formation sur la durée et s’approprier les nombreuses ressources disponibles. Cependant, les scénarios pédagogiques (Pernin, 2003) sont bien souvent conçus pour un collectif, de quelques personnes à des centaines selon les formations. L’apprenant est alors confronté à la difficulté d’appliquer dans ce scénario sa propre démarche, répondant à ses propres besoins. Ainsi, selon une approche socio-constructiviste (Jonnaert, 2002), la conception de parcours d’apprentissage et de scénarios pédagogiques doit prendre en compte l’apprenant à la fois comme individu autonome et actif dans son apprentissage et comme individu appartenant à un collectif dans lequel l’apprentissage est favorisé par les liens sociaux. Trois contributions de ce numéro spécial s’intéressent à cette problématique et visent à offrir des guides et outils d’individualisation des parcours d’apprentissage utilisables dans différents contextes de formation.

L’article de Chen et Séjourné s’adresse plus particulièrement aux concepteurs de FOAD afin de les aider à individualiser les scénarios pédagogiques en prenant en compte trois dimensions : l’individu, les liens sociaux et une visée autonomisante. Leur étude porte sur 33 modules de 24h conçus entre 2002 et 2008 dans le Master à distance « didactique des langues » et s’intéresse à la manière dont le concepteur d’un scénario pédagogique prend en compte l’individu-apprenant dans une visée autonomisante, selon trois composantes : la flexibilité du dispositif, le potentiel interactionnel et la tâche (processus cognitif engagé). Cette étude montre que chaque scénario pédagogique a une configuration spécifique, privilégiant certaines composantes, et fait ressortir un rapport de détermination réciproque et de ce fait des tensions entre les trois composantes. Les auteurs montrent également que la pratique des concepteurs est variée, orientée par leurs perceptions de la formation à distance, et en évolution puisque certains dispositifs s’éloignent d’une organisation centrée sur le contenu pour viser une articulation entre ce dernier, le projet professionnel et la démarche d’apprentissage. Finalement, les auteurs concluent par l’importance de bien cibler le tutorat afin de concilier toutes les composantes du scénario pédagogique dans une visée de prise en compte de l’individu-apprenant.

Ortoleva, Bétrancourt et Morand proposent un outil offrant une personnalisation et une adaptation aux acteurs (enseignants et apprentis) et contextes de la formation professionnelle initiale : le Livret numérique de Suivi Pédagogique (LSP). Selon une approche par compétences, cet outil est conçu pour faciliter l’articulation entre expérience individuelle et expérience collective. Le Livret de Suivi Pédagogique contient un historique du niveau des compétences acquises par les apprenants pour favoriser la planification de parcours individualisés, cet historique étant basé sur une évaluation croisée des apprenants (auto-évaluation) et des enseignants. L’objectif est de promouvoir la réflexion de l’apprenant sur son processus d’apprentissage et sur le résultat (les compétences acquises), et ainsi faciliter l’auto-régulation de son apprentissage. Les auteurs mettent en avant l’importance de l’ergonomie des EIAH et l’intérêt pour cela d’une approche alliant la méthodologie de conception centrée utilisateur et ce qu’ils appellent la recherche basée sur la conception.

Loisy s’intéresse pour sa part à l’usage du e-portfolio selon trois angles : un objet technique (l’apprenant est actif, il construit son « objet-portfolio ») ; un objet de médiation réflexive (l’apprenant s’engage dans une démarche réflexive) ; un objet de médiation à autrui (le portfolio au centre de médiations interpersonnelles et d’un processus de socialisation). L’étude porte sur les productions des élèves de deux classes de collège et lycée et analyse les perceptions de l’acceptabilité de l’artefact e-portfolio selon les dimensions technique, cognitive et affective. Elle montre que les productions s’inscrivent bien dans les trois axes d’étude du e-portfolio, puisque sont observées des activités en lien avec la construction du système de ressources, d’une démarche réflexive sur soi, et d’une socialisation. L’analyse porte également sur des entretiens sur les pratiques des enseignants et des documents relatifs à ces pratiques et montre que l’accompagnement par l’enseignant concerne l’instrumentation au niveau des outils, mais également les plans cognitifs et affectifs. Les projets de classe observés visent, malgré leurs différences, l’individualisation des apprentissages avec une visée d’individualisation du développement. L’auteure souligne l’importance de l’engagement de l’apprenant dans cette démarche.

Ainsi, les contributions concernant l’individualisation des scénarios pédagogiques et des parcours d’apprentissage apportent des retours d’expérience utiles pour la formation des concepteurs pédagogiques, tant sur le plan de la scénarisation que des outils (Livret numérique de Suivi Pédagogique et e-portfolio) à proposer aux apprenants pour les aider à s’engager dans une démarche autonomisante. Cette problématique touche aussi bien la formation dans le second degré, la formation professionnelle, que la FOAD. Cependant, les contributions ne répondent pas à la question du manque d’informations pour le concepteur concernant les apprenants en amont de la formation afin de proposer des activités et ressources adaptées. Il ne peut y avoir une individualisation assurée pour tout apprenant et toute situation si le concepteur prévoit a priori des profils d’apprenants et des situations « types ». Une autre solution serait de préparer des scénarios adaptables dynamiquement, question non abordée dans les contributions de ce numéro spécial.

3. Personnalisation des ressources d’apprentissage

Les ressources, qu’elles soient des documents (textes, images, vidéos, etc.) ou des activités (exercices, QCM, jeux, etc.) constituent un élément central des environnements informatisés d’apprentissage humain, sous des formes très diverses pouvant faire ou non l’objet de scénarisation pédagogique (Peter et al., 2011). Les apprenants se retrouvent ainsi confrontés à la difficulté d’en trouver qui soient bien adaptées à leurs besoins et profils, afin d’être efficaces dans leur démarche d’apprentissage. Les enseignants ou tuteurs peuvent jouer le rôle d’accompagnateurs pour conseiller les ressources aux apprenants (Gounon et Leroux, 2009). Au-delà de l’accompagnement humain, la réponse à cette problématique est traitée dans ce numéro spécial sous l’angle de la personnalisation des ressources pédagogiques par l’EIAH. Les contributions sur cette thématique sont toutes situées dans le champ informatique et les ressources concernées sont essentiellement les activités et exercices d’apprentissage proposées aux apprenants. La personnalisation peut se faire en fonction du profil de l’apprenant (son profil cognitif, ses connaissances, ses compétences). Le but est de proposer aux apprenants des ressources adaptées à leur profil et ainsi faciliter le rôle de l’enseignant qui est généralement en charge d’attribuer ces ressources.

Dans son article, Hérold propose une personnalisation des exercices pour augmenter l’efficacité de l’apprentissage en réduisant la charge cognitive de l’apprenant. Les profils cognitifs des apprenants, établis à partir d’exercices en arithmétique effectués sur papier-crayon, sont ensuite utilisés pour paramétrer un EIAH du traitement arithmétique simple des entiers relatifs. Une étude, menée auprès d’élèves de cinquième de collège, analyse les effets de l’utilisation de cet EIAH ainsi paramétré. Elle montre que la mise en œuvre d’une remédiation à l’aide des profils établis à partir de l’analyse cognitive du fonctionnement de l’élève en activité a permis une personnalisation du dispositif d’apprentissage. Cette personnalisation a montré son efficacité pour des tâches prescrites de faible niveau de difficulté, mais également soulevé deux limites : la capacité d’attention des élèves parfois insuffisante sur une séance trop longue et le problème de l’influence sociale, les étudiants qui ont besoin d’une remédiation plus longue ayant tendance à « rattraper » leur retard sur leur camarade sans s’« imprégner » des exercices d’apprentissage.

Lefevre, Guin et Jean-Daubias proposent un modèle et un outil informatique pour personnaliser les activités pédagogiques de manière unifiée, en prenant en compte à la fois le profil d’apprentissage (connaissances, compétences, conceptions, comportement ou encore des informations d’ordre méta-cognitif), les besoins et habitudes de l’enseignant, et la façon d’affecter les activités aux apprenants. Le modèle PERSUA2 (PERsonnalisation Unifiée des Activités d’Apprentissage) associe stratégie pédagogique (manière dont les activités sont affectées aux apprenants) et contexte d’utilisation (informations caractérisant la situation d’apprentissage). Ce modèle a été implémenté dans le logiciel ADAPTE, qui fournit des séquences de travail propres à chaque apprenant, et un bilan de ces séquences à l’enseignant. À travers plusieurs scénarii d’usage, les auteures montrent comment l’outil proposé pourrait être utilisé par les enseignants de primaire, collège et supérieur pour les aider à la scénarisation pédagogique, faciliter le repérage d’élèves en difficulté, automatiser la personnalisation des exercices, ou encore faciliter l’utilisation des outils informatiques.

Le troisième article consiste en une comparaison des besoins et approches en terme de personnalisation à travers l’étude de quelques dispositifs. Cette contribution de Lefevre, Broisin, Butoianu, Daubias, Daubigney, Greffier, Guin, Jean-Daubias, Monod-Ansaldi et Terrat fait suite à l’atelier « Personnalisation de l’apprentissage : quelles approches pour quels besoins ? » qui s’est déroulé lors de la conférence EIAH 2011. Les auteurs montrent tout d’abord que, quels que soient le domaine disciplinaire et les publics, les besoins de personnalisation peuvent porter sur (1) le contenu des activités proposées à l’apprenant, qui peut différer de par les données elles-mêmes (valeurs ou sujet traité) mais aussi de par le niveau de difficulté ; (2) l’interface du logiciel et ses fonctionnalités ; (3) ou encore la séquence d’activités.

Cette personnalisation peut être effectuée par l’enseignant ou par le système lui-même, à partir des traces d’activité ou des profils d’apprenants. Les approches de personnalisation peuvent prendre la forme soit d’une recommandation de ressources numériques, soit celle d’une adaptation du parcours de chaque apprenant dans un cursus pédagogique, voire même une adaptation du contenu de ce cursus. Les auteurs concluent par les perspectives apportées par l’analyse des traces d’interactions afin d’offrir à l’enseignant, en plus des approches de personnalisation présentées dans l’article, des outils lui permettant de paramétrer l’élaboration automatique de profils.

Ainsi, ces trois contributions couvrent de façon assez complète la thématique de la personnalisation des ressources d’apprentissage sous l’angle informatique. Les situations d’apprentissage auxquelles est appliquée la personnalisation sont cependant assez simples, puisqu’il s’agit essentiellement de recommandations de ressources et/ou d’exercices pour un apprentissage individuel. Il pourrait être intéressant de proposer des méthodes, modèles et outils de personnalisation pour des situations plus complexes, telles que les situations d’apprentissage collaboratif. En effet, la notion de profil de groupe n’est pas traitée, alors qu’il pourrait être pertinent de personnaliser les ressources non seulement à l’individu mais également au (x) collectif (s) (groupe ou réseau) dans lequel il est engagé. L’angle de la personnalisation par l’acteur humain, indépendamment des outils informatiques, est également absent de ce numéro spécial. D’autres disciplines, telles que les sciences de l’éducation ou la psychologie, auraient pu apporter un regard différent à cette problématique.

4. L’aide aux concepteurs et utilisateurs de l’EIAH

La thématique de l’aide aux concepteurs et utilisateurs de l’EIAH (apprenants, enseignants, tuteurs), bien qu’omniprésente dans tous les articles de ce numéro spécial, est traitée est abordée de manière approfondie dans trois contributions.

La notion d’« aide » se distingue de celle d’« assistance » du fait que cette deuxième comporte une prise en charge partielle de la tâche de l’utilisateur (Fougères et al., 2007). La notion d’aide se veut plus générale et se rapporte couramment à l’aide en ligne disponible dans les environnements, que ce soit sous la forme de foire aux questions ou de compagnon logiciel. Les contributions présentées dans cette partie montrent une variété beaucoup plus grande dans les possibilités d’aide qui peuvent être offertes. Ces contributions, assez hétérogènes notamment de par la discipline des auteurs, ont en commun d’offrir des recommandations, méthodes, modèles et outils d’aide aux concepteurs et utilisateurs de l’EIAH. Cette aide peut passer aussi bien par la compréhension du processus d’aide lui-même, que par le soutien à l’activité d’enseignement en offrant un diagnostic des connaissances des apprenants ou une visualisation de leurs profils.

Dans leur article, Duthoit, Mailles-Viard Metz et Pelissier s’intéressent à la compréhension du processus d’aide tel qu’il est mis en œuvre dans les dispositifs de formation pour servir de base à la conception d’un EIAH et proposer des recommandations aux acteurs (tuteur, enseignant, gestionnaire de plate-forme ou apprenant).

L’objectif de leur contribution est de proposer des méthodologies de conception d’aides facilitant la mise en œuvre du phénomène d’auto-régulation chez l’apprenant et permettant une intégration d’interfaces plus adaptées aux difficultés individuelles et personnelles. Les auteurs décrivent le processus d’aide à chaque étape du processus : la demande, la conception et la réception de l’aide. Ils distinguent entre l’aide individualisée qui peut s’adresser à une seule personne mais est conçue avec l’idée qu’elle pourrait résoudre le problème d’autres et l’aide personnalisée qui n’est conçue que pour un cas qui semble unique à cet instant. Ces processus sont illustrés par des exemples liés à la plate-forme SPIRAL du campus à distance VCiel : une aide individualisée pour la « structuration du Chat », une aide personnalisée pour la « coloration des tours de parole » et des aides qui s’adaptent et se transforment dynamiquement, selon un processus décrit dans l’article.

Michelet et Luengo proposent quant à elles une méthode de diagnostic informatique permettant à l’enseignant une rétroaction et des remédiations adaptées et personnalisées à l’apprenant.

Les auteures étudient plus précisément la possibilité pour le système de diagnostic d’adapter la prise en compte des contradictions intra-apprenants (CIA) en fonction des modalités de résolution de problème (MRP) impliquées. Pour cela, le diagnostic informatique proposé combine plusieurs modalités d’expression de connaissances (ainsi que les contradictions intra-apprenants liées) et tient compte du contexte de leur expression (contexte d’interaction et contexte de résolution capté à partir des traces d’interactions collectées provenant de la combinaison des MRP). Le diagnostic repose sur une pondération des contradictions sur chaque MRP selon le contexte. Une étude, menée auprès d’élèves de collège et lycée pour l’apprentissage de l’électricité, montre que le modèle d’élève proposé (Skills, Knowledge, Error), ainsi que le fait de considérer plusieurs MRP dans le processus de diagnostic permet bien d’identifier des contradictions intra-apprenants (CIA). Les auteurs ouvrent la perspective d’explorer la prise en compte de l’incertitude du point de vue de l’apprenant (degré de croyance qu’il donne à sa formulation), ainsi que la conception d’un système de rétroaction adaptatif qui prenne en compte le résultat du diagnostic ainsi que les CIA détectées.

Ginon et Jean-Daubias proposent un modèle et des outils pour visualiser des profils d’apprenants et personnaliser ces activités de visualisation (consultation, comparaison, positionnement, appropriation et intervention). Les outils proposés sont destinés d’après les auteures à l’apprenant lui-même (outils réflexifs), à l’enseignant, aux chercheurs ou encore aux institutions. Le modèle de PERSonnalisation Unifiée Multi-aspects des Activités sur les Profils (PERSUMAP) fournit aux utilisateurs des activités interactives personnalisées basées sur les profils d’apprenants, pouvant prendre en compte différents aspects tels que les capacités cognitives (connaissances, compétences) de l’apprenant, ou encore les capacités physiques et les préférences de l’utilisateur. Le modèle PERSUMAP repose sur la définition par l’enseignant de vues qui spécifient comment le profil pourra être visualisé. Ce modèle est mis en œuvre dans deux modules de l’environnement Eprofilea : le module Regards qui permet à l’enseignant de préparer des séances d’activités autour de la visualisation de profils d’apprenants pour chaque type d’utilisateurs, et le module Perl qui propose ensuite des activités personnalisées sur les profils aux utilisateurs. Un scénario d’usage illustre comment ces outils peuvent être utiles à un enseignant. Une mise à l’essai auprès d’étudiants a montré l’intérêt et la faisabilité de l’approche proposée, tout en mettant en perspective le besoin d’une assistance adaptée au contexte, à ses spécificités et à l’application concernée.

L’ensemble des environnements informatiques de personnalisation / individualisation / adaptation proposés dans ce numéro spécial ont pour objectif d’aider l’enseignant et l’apprenant dans leurs activités et apprentissages. Les conclusions convergent sur le fait que ces environnements sont finalement difficilement utilisables en situation réelle, du moins sans formation spécifique des usagers. Cela est bien souvent dû à des problèmes d’ergonomie et à un manque d’assistance et de guidage dans la prise en main des outils. Il conviendrait donc d’approfondir les aspects Interface Homme-Machine (IHM) et pour cela que les communautés de recherche EIAH et IHM travaillent conjointement sur cette problématique.

5. Conclusion

Dans cette conclusion, nous reprendrons les questions qui nous avaient guidés lors de l’appel à contribution pour ce numéro. Certaines d’entre elles trouvent des propositions de réponse dans les articles retenus. Ainsi, en réponse à la question de quelle adaptation envisagée par les concepteurs, les informaticiens ou les ergonomes ou encore sur l’individualisation qu’autorisent les outils, nous constatons dans les propositions retenues que les processus de personnalisation, individualisation, adaptation peuvent être mis en œuvre automatiquement par un environnement numérique d’apprentissage, s’ils sont prévus a priori par les concepteurs, ou rester à l’initiative des différents utilisateurs (enseignants ou apprenants) ou encore s’appuyer sur une interaction entre l’utilisateur et l’environnement informatique.

Sur la question des apprentissages, si peu d’articles étudient les effets de la personnalisation, individualisation et adaptation, ils se rejoignent en revanche pour considérer les stratégies d’apprentissage dans des approches constructivistes, selon les différents contextes et situations étudiées. Ils mettent en avant la nécessité d’une posture active et réflexive de l’acteur (apprenant, enseignant ou concepteur) face à des situations et environnements numériques d’apprentissage qui deviennent de plus en plus complexes à appréhender. Face à cette complexité, les approches, modèles et outils proposés soulignent l’importance de la prise en compte dans la personnalisation-individualisation-adaptation du contexte et de l’environnement dans lequel les acteurs évoluent afin de leur fournir une aide appropriée.

Ce qui frappe à la lecture des articles, quelle que soit l’orientation scientifique ou disciplinaire des auteurs (informatique, sciences de l’éducation, psychologie, sciences de l’information et de la communication), c’est l’importance de cette notion d’aide : aide pour les concepteurs, pour les enseignants ou pour les apprenants, à tous les niveaux d’enseignement (primaire, collège, lycée, enseignement supérieur) ou encore en formation professionnelle, pour des disciplines diverses (mathématiques, informatique, physique, etc.) et selon différentes modalités d’enseignement (présentiel, hybride ou distance). Ainsi, personnalisation, individualisation et adaptation sont envisagées comme une aide possible offerte aux concepteurs d’environnements et d’applications numériques, aux enseignants et formateurs ou aux apprenants, à tous les niveaux de la scolarité, quels que soient les disciplines ou les contenus de savoir et quelles que soient les modalités d’enseignement.

Enfin, nous retiendrons que les articles, s’ils apportent tous des éléments de compréhension à la personnalisation, l’individualisation ou l’adaptation des outils ou des ressources, en repèrent également les limites : il ne suffit pas que des concepteurs, des chercheurs ou des enseignants proposent la mise en œuvre d’une individualisation, personnalisation pour que celle-ci se mette en place de façon assurée. Cela tient peut-être au fait que, le plus souvent, la personnalisation, l’individualisation ou l’adaptation concernent des situations d’apprentissage relativement simples, dans lesquelles un apprenant est confronté à des tâches ou des exercices qu’il réalise à l’aide d’un dispositif technique. En revanche, nous l’avons déjà remarqué au cours de cet éditorial, les questions concernant les formes de personnalisation ou d’adaptation à un groupe, une communauté ou un réseau ne sont pas abordées par les auteurs. Nous y voyons une double raison. Tout d’abord, pour les situations groupales d’apprentissage, comme par exemple le travail collaboratif, la personnalisation, l’individualisation ou l’adaptation semblent, en l’état actuel des connaissances, moins efficientes. En outre, ces questions constituent une thématique récente dans le domaine des recherches en EIAH. Il y aurait sans doute un intérêt à développer des travaux sur la personnalisation, l’individualisation ou l’adaptation qui prennent en compte ces dimensions importantes des situations d’apprentissage ordinaires, en travaillant à partir de profil de groupes d’usagers, sur des plates formes collaboratives de travail ou d’apprentissage. La dimension des tonalités émotionnelles des groupes venant favoriser ou entraver la tâche de celui-ci, dans la perspective des travaux de Bion (Bion, 1961), serait probablement un élément intéressant à repérer dans ces questions de personnalisation ou d’adaptation pour des groupes d’apprentissage

Deux de nos questions initiales n’ont pas du tout été prises en compte dans les propositions qui nous sont parvenues. La première interrogeait les objectifs de la personnalisation et, plus particulièrement, la volonté d’offrir plus d’autonomie, de flexibilité et une souplesse d’usage en termes de technologie notamment grâce à l’apprentissage mobile. Il existe un décalage entre les discours des promoteurs du Web 2.0 et de la mobilité, qui nous vantent un acteur devenu auteur de son propre parcours d’apprentissage sur les réseaux numériques, dans une mobilité de plus en plus en importante, et le discours scientifique, du moins si on se réfère aux contributions de ce numéro. En effet, la personnalisation ou l’adaptation par l’apprenant lui-même est une question assez peu développée.

Enfin, la deuxième question non abordée concerne les aspects juridiques se rapportant au droit à la vie privée et la manière dont elles sont prises en compte dans la conception des dispositifs de formation et environnements informatiques. Non pas que cette question ne soit pas par elle-même intéressante, ou que les chercheurs qui publient ici ne s’en préoccupent pas, du moins en tant que citoyens, mais sans doute que les spécialistes de ce domaine n’ont soit pas été touchés par notre appel à publication, soit repèrent, dans la logique actuelle de publications utiles, que la revue STICEF n’est pas une revue de leur domaine. C’est dommage, car sur des questions aussi complexes que l’adaptation et la personnalisation, de multiples éclairages théoriques sont nécessaires à la compréhension des situations.

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Référence de l'article :
Élise Lavoué, Jean-Luc Rinaudo, Editorial du Numéro Spécial INDIVIDUALISATION, Revue STICEF, Volume 19, 2012, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 21/02/2013, http://sticef.org
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Mise à jour du 21/02/13