Analyse cognitive de l’activité de
l’élève pour une personnalisation d’un environnement
numérique d’apprentissage.
Jean-François
HÉROLD (EA ADEF-Gestepro, Aix-Marseille Université)
|
RÉSUMÉ : La
conception d’un environnement numérique d’apprentissage
nécessite, entre autres, une prise en compte des
spécificités de l’apprenant. Cette prise en compte peut se
traduire par l’utilisation de profils d’apprenants afin
d’adapter et de personnaliser l’environnement numérique
d’apprentissage. Nous faisons alors l’hypothèse qu’une
analyse cognitive de l’activité de l’élève
à partir d’un dispositif papier-crayon permet de recueillir les
indices qui permettront d’établir des profils d’apprenants
suffisamment solides pour le paramétrage d’un environnement
numérique d’apprentissage. Nous avons conçu et testé
un environnement numérique d’apprentissage du traitement
arithmétique simple des entiers relatifs pour des élèves de
cinquième de Collège basé sur ces principes.
MOTS CLÉS : analyse
cognitive de l’activité, profils d’apprenants, environnement
numérique d’apprentissage. |
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ABSTRACT : Designing
a computer learning environment requires, among other things, taking into
account the specificities of the learner. This consideration may result in the
use of learner profiles to adjust and customize the computer learning
environment. We then assume that a cognitive analysis of student activity from a
paper activity allows to collect the elements of learner profiles sufficiently
robust to the configuration of a computer learning environment. We have designed
and tested a computer simulation to learn arithmetic of integers for students
(13-14 years old) based on these principles in order to help students understand
how to add and subtract signed numbers.
KEYWORDS : cognitive
analysis of student activity, learner profiles, computer learning
environment. |
Introduction
L’utilisation à
l’école d’un environnement numérique
d’apprentissage doit, comme tout dispositif d’apprentissage,
permettre à tous les élèves d’apprendre. Pour cela,
l’objectif d’un tel environnement est de fournir à
l’élève une aide qui lui soit réellement
adaptée (Bastien et Bastien-Toniazzo, 2004).
Pour pouvoir atteindre cet objectif, il est nécessaire de
s’intéresser aux différentes composantes d’un
environnement numérique d’apprentissage. Parmi ces composantes, on
distingue notamment la prise en compte de l’apprenant, la prise en compte
de la connaissance construite grâce à la situation
d’apprentissage proposée par l’environnement numérique (Balacheff, 2002) (Bastien et Bastien-Toniazzo, 2004).
Pour Bastien (1997, 2001), la prise en compte de la connaissance construite
amène à considérer son caractère fonctionnel,
caractère fonctionnel donnant à la connaissance une
stabilité qui lui permettra d’être plus facilement
réutilisée (Léonard et Sackur, 1990) cités par (Johsua et Dupin, 1990).
La prise en compte des particularités de chaque élève
peut se traduire, au niveau de la mise en œuvre d’un environnement
numérique d’apprentissage, par l’utilisation de profils
d’apprenants, utilisation qui devient un moyen d’adapter
l’apprentissage aux spécificités des apprenants (Jean-Daubias et al., 2009).
Cette prise en compte de l’apprenant intervient également dans la
conception de l’interface homme-machine du dispositif (Tricot, 2000) ; (Mayer, 2001) ; (Tchounikine, 2002).
Pour la mise en œuvre de cette prise en compte de l’apprenant, (Leroux, 2002) met en avant la difficulté d’une construction par
l’environnement d’un modèle de connaissances de
l’apprenant susceptible d’être exploitable par
l’environnement informatique. Ainsi, si un certain nombre de travaux ont
proposé des modèles, il fait remarquer qu’aucun ne
s’est véritablement imposé. En fait, la difficulté
semble résider dans une mise en œuvre en temps réel du
diagnostic des besoins de l’apprenant (Ibid).
Cet article a pour objectif de montrer qu’une analyse cognitive de
l’activité de l’élève dans une situation de
type papier-crayon offre la possibilité de recueillir les indices
permettant d’établir des profils cognitifs d’apprenants
suffisamment solides pour le paramétrage d’un environnement
numérique d’apprentissage qui, de ce fait, peut être
qualifié d’une certaine efficacité du point de vue de
l’apprentissage, car répondant plus réellement aux besoins
de l’apprenant.
Dans cette perspective, (Bastien et Bastien-Toniazzo, 2004) proposent, pour réaliser le dispositif, de partir d’une analyse
cognitive du fonctionnement de l’élève sur la façon
dont il traite la tâche correspondant à l’apprentissage de la
connaissance visée ; de donner du sens à la connaissance
visée en fournissant une représentation visuelle de la structure
de la solution facilement mémorisable ; d’alléger la
charge cognitive imposée par la tâche à
réaliser ; d’aider à la planification de la solution,
c’est-à-dire à l’élaboration des sous-buts
correspondant aux différents pas de solution ; de fournir
immédiatement à l’élève une information
pertinente sur la qualité de son action ou réponse.
Nous reprenons ainsi la proposition de (Norman et Draper, 1986) qui est de centrer sur l’utilisateur, ici l’élève, et
ses activités, la démarche de conception d’un environnement
numérique d’apprentissage.
Nous présentons dans cet article un dispositif expérimental
d’un environnement numérique d’apprentissage du traitement
arithmétique simple des nombres entiers relatifs pour des
élèves de cinquième de collège (Hérold, 2007),
s’appuyant sur trois types de profils d’apprenants
déterminés à partir de l’analyse de
l’activité d’élèves sur un dispositif de type
papier-crayon. Les principaux éléments de conception seront
décrits. Nous présentons ensuite les résultats d’une
première validation de notre démarche, validation effectuée
auprès de 21 élèves de cinquième de collège.
Nous concluons l’article en énonçant un certain nombre de
perspectives suite à ce travail.
1. Processus d’apprentissage et aides à
l’apprentissage
1.1. Eléments de compréhension de l’apprentissage
Toute situation d’apprentissage mobilise
à des degrés divers un certain nombre de processus cognitifs (Anderson, 2000) ; (Tricot, 2003) ; (Mayer, 2008). Si
la situation d’apprentissage est une situation d’enseignement alors
l’apprentissage est souvent coûteux cognitivement,
difficile pour l’élève qui doit donc fournir des
efforts, être motivé (Musial et Tricot, 2008).
Or, l’apprentissage d’une connaissance nouvelle est
d’autant plus facilité si cet apprentissage s’appuie sur des
connaissances antérieures, parfois appelées précurseurs (Cellérier, 1992),
qui permettent de donner du sens à la situation
d’apprentissage, et si l’élève comprend à
quoi sert la nouvelle connaissance (Bastien, 1997) ; (Séjourné et Tiberghien, 2001) ; (Richard, 2005) ; (Cook et al., 2008) ; (Mayer, 2008).
Pour (Richard, 2005),
il y a deux formes de base d’acquisition de connaissances :
l’apprentissage par la découverte par l’action (par exemple,
une situation d’apprentissage avec un environnement numérique) et
l’apprentissage par instruction. L’apprentissage par la
découverte par l’action est bien adapté à
l’apprentissage de procédure. Or, pour cet auteur, "le
procédural est une étape essentielle (...) qui ne peut être
court-circuitée" (Ibid, p. 153).
Dans le cas où la situation d’apprentissage implique la
réussite de la tâche proposée pour qu’il y est
apprentissage, alors (Chanquoy et al., 2007) précisent qu’il est important de réduire le coût
cognitif lié à la situation proposée à
l’élève pour que l’apprentissage puisse effectivement
avoir lieu. Cette réduction du coût cognitif passe notamment par la
mise en place d’un guidage dans la réalisation de la tâche (Tuovinen et Sweller, 1999).
Ainsi, élaborer une situation d’apprentissage d’un point
de vue cognitif revient à favoriser les processus cognitifs mis en
œuvre pour la réalisation de la tâche imposée par la
situation et qui permettront la construction de la connaissance
visée (Tricot, 2003) ; (Musial et Tricot, 2008),
mais aussi d’alléger la charge cognitive afférente à
la situation d’apprentissage proposée afin de libérer
suffisamment de ressources cognitives pour que chaque élève puisse
en disposer pour apprendre (Sweller et Merrienboër, 2005) ; (Chanquoy et al., 2007).
1.2. Éléments de mise en œuvre d’une aide
informatisée à l’apprentissage
Face à une nouvelle situation, le premier processus activé par
le système cognitif est le processus d’élaboration
d’une représentation mentale. Or, de nombreuses recherches (voir (Mayer, 2008) pour
une revue) montrent que l’interprétation de la
situation-problème, sa compréhension, représentent une des
principales difficultés pour les élèves dans leurs
activités de résolution de problèmes. Pour favoriser ce
processus, (Tricot, 2000) propose d’effectuer une représentation imagée de la
situation. Cette représentation va permettre à l’apprenant
de définir le but de son activité (Inhelder et Caprona, 1992).
Pour (Richard, 2005),
une des formes d’apprentissage des buts consiste en la création de
sous-buts, états intermédiaires de la situation qui doivent
être réalisés pour pouvoir atteindre le but. Afin
d’apporter une aide à la mise en œuvre de cette planification,
on indiquera à chaque instant de la procédure quelle
opération l’élève doit effectuer ce qui permettra
d’alléger la charge cognitive liée aux activités
d’évaluation de la situation et de décision
inhérentes à ce processus cognitif de planification (Hoc, 1992). La
charge cognitive extrinsèque présentée par
l’interface sera allégée dans la mesure du possible en
n’autorisant qu’une seule action à un instant donné ce
qui limitera l’effet de dissociation de l’attention (Mayer, 2001) ; (Chanquoy et al., 2007).
2. Mise en œuvre d’un outil informatisé d’aide
à l’apprentissage
Un outil informatisé d’aide à
l’apprentissage du traitement arithmétique simple des nombres
relatifs a été conçu pour des élèves de
cinquième de collège.
Cette réalisation s’est déroulée en deux
étapes principales que sont la spécification des besoins
(détermination des profils cognitifs d’élèves de
cinquième confrontés au problème du traitement
arithmétique simple des nombres relatifs) et la conception de
l’outil.
2.1. Détermination du profil cognitif des élèves
Un recueil de données (opérations d'addition et de
soustraction, énoncés à un opérateur,
énoncés à deux opérateurs avec ou sans
priorité, pour un ensemble de 30 exercices différents)
auprès de 50 élèves de cinquième de collège
au moyen d’un dispositif papier-crayon, suite au cours de
mathématiques portant sur le traitement simple des nombres relatifs, a
été effectué.
Nous avons recueilli 1500 réponses dont 496 fausses qui ont
été analysées (analyse des protocoles utilisés par
les élèves : voir (Hérold, 2006) pour les détails de l'expérimentation).
Lorsqu'un élève répond faux à un exercice,
très souvent sa réponse est élaborée à partir
de connaissances non adaptées à la situation. En fait, dans ce cas
là, le système cognitif de l'élève retraduit la
situation correspondant à la tâche proposée en une situation
lui permettant d'activer des connaissances familières (Boder, 1992) ; (Froment, 2007) ou connaissances fortes (Anderson, 2000).
C'est à partir de ces connaissances familières que le
système cognitif de l'élève va activer le processus
d'élaboration de la réponse. Par exemple, pour
l’énoncé suivant :
(-5) + 13 = ?
-18 a été proposé comme réponse par 33% des
élèves dont le système cognitif a donc retraduit
l’énoncé proposé en une opération
d’addition, bien plus familière aux élèves.
Si la charge cognitive extrinsèque (celle assujettie à
l'énoncé) est trop importante pour le système cognitif de
l'élève, alors la retraduction de la situation activera des
connaissances d'autant plus familières (donc d'autant plus anciennes) que
la charge cognitive est importante, comme pour l’énoncé
suivant :
(-2) + (+3) – (-1) = ?
auquel 78% des élèves ont proposé 0 comme
réponse. La connaissance familière qui est ici activée est
le schème du regroupement qui consiste à mettre en ensemble ce qui
se ressemble (on regroupe les termes négatifs, donc on les additionne, ce
qui donne -3 comme résultat intermédiaire qui est associé
à +3 pour donner 0).
Dans certains cas, la retraduction de la situation s'effectue avec une perte
d'informations concernant la situation initiale (Bastien, 1997),
ce qui devient un indicateur cognitif d'un élève en plus grande
difficulté. Ainsi à des énoncés du type -7 + 3, les
élèves qui répondent -10 font moins d’erreurs (11
fautes en moyenne) que ceux qui répondent 10 (18 fautes en moyenne)
réponse qui correspond à une perte de l’information signe
moins (voir (Jones et al., 2000) pour une étude similaire).
En résumé, l’analyse du fonctionnement de
l’élève confronté à une situation de
traitement arithmétique des nombres entiers relatifs a montré que,
pour l’élève, la fonctionnalité de
l’opérateur correspondant au signe moins n’est pas
perçue comme elle devrait l’être, à savoir la
relativisation d’un nombre par rapport à un autre nombre. Si
certains élèves fournissent effectivement parfois les bonnes
réponses, souvent c’est par le biais d’un apprentissage de
formules, ils tendent généralement à faire des associations
de type S-R (Mayer, 2008) ;
confrontés à un énoncé à forte charge
cognitive, ces élèves ont un fonctionnement cognitif similaire aux
élèves en plus grande difficulté.
Trois profils ont pu être établis :
- Profil 1 : élèves faisant peu ou pas
d’erreurs sur les énoncés à un opérateur, mais
quelques erreurs sur les énoncés à deux
opérateurs (rappel de schèmes familiers uniquement sur des
énoncés à forte charge cognitive) ; ces
élèves sont probablement en phase transitoire
d’apprentissage ;
- Profil 2 : élèves en difficulté sur les
énoncés à un opérateur qui retraduisent, souvent,
ces énoncés en une opération d’addition, plus
familière, sans perte d’informations avec leurs premières
représentations de l’énoncé (par exemple, les
élèves qui répondent -10 sur l’énoncé
-7 + 3) ;
- Profil 3 : élèves qui, lorsqu’ils sont en
difficulté, retraduisent quasi-systématiquement
l’énoncé en une opération d’addition plus
familière, et perdent une partie des informations issues de leurs
premières représentations de l’énoncé (les
élèves qui répondent 10 sur l’énoncé -7
+ 3) ; ces élèves sont en plus grande difficulté que les
élèves du profil 2.
2.2. Conception de l'outil informatisé d'aide à
l'apprentissage
2.2.1. Construction d’une connaissance fonctionnelle
Notre dispositif papier-crayon comportait une évaluation des
connaissances des élèves sur l’ordre des entiers relatifs
avec ou sans le zéro. Sur 50 élèves, seuls 5
élèves ont des problèmes avec l’ordre des
nombres : ils considèrent le chiffre 0 comme étant le
plus petit et ne tiennent pas compte du signe devant le nombre pour
établir leurs classements.
Aussi, ce résultat nous permet de considérer comme connu des
élèves cet élément de connaissance, savoir situer un
nombre dans l’ordre des nombres, et nous avons retenu le schème
d’action positionner un nombre sur un axe gradué comme
précurseur.
Pour apprendre aux élèves à relativiser un nombre par
rapport à un autre nombre en tenant compte du signe les
précédant, nous proposons à l’élève de
déplacer un curseur sur un axe gradué : la valeur
numérique de l’opérande correspond à un
déplacement relatif sur l’axe en fonction de sa valeur absolue, le
sens de déplacement dépendant du, ou des, signe(s)
précédant cette valeur absolue. Ainsi, un opérande
égal à -3 impose un déplacement de 3 graduations vers
la gauche alors que, par exemple, un opérande égal à
5 ou +5 entraîne un déplacement de 5 graduations vers la
droite. Une représentation visuelle de la situation est
proposée aux élèves : un axe gradué où
chaque graduation représente une valeur entière et sur lequel se
superpose le curseur qui peut être déplacé par
l’élève ; en position initiale, à la
présentation d’un nouvel énoncé, le curseur est sur
la valeur zéro qui est située au milieu de l’axe ; une
flèche s’oriente en fonction de la nature du, ou des, signe(s)
précédant l’opérande pour indiquer à
l’élève dans quel sens il doit déplacer le
curseur.
2.2.2. Principaux organisateurs utilisés
Les effets des facteurs de présentation des informations à
l’écran ont des implications certaines tant au niveau perceptif
qu’au niveau cognitif (Caro et Bétrancourt, 1998).
Nous avons donc défini un certain nombre d’organisateurs pour
présenter la situation d’apprentissage.
Les choix effectués à ce niveau tiennent compte du public
visé, à savoir des élèves de 5° de
collège (maladresses d’utilisation d’une IHM de type Windows,
tendance à ne pas lire les consignes, concentration de faible
durée sur une activité, prégnance des
éléments de compétence sociale dans la classe ...), ce qui
constitue le premier élément de personnalisation de notre
dispositif d’apprentissage. L’interface a donc été
conçue pour être adaptée aux réelles capacités
d’élèves de 5° de collège.
Sur l’énoncé de l’opération proposée,
le symbole textuel en cours de lecture est mis en vidéo inverse, ce qui
renforce l’importance de cette information selon le signaling
principle (Mayer, 2005) afin
de faciliter une représentation pertinente de la situation par rapport au
traitement à effectuer à cet instant (aide à la
représentation).
Un message court et directif propre à l’action à
accomplir est affiché dans une "bulle" rattachée à une
image représentant le tuteur (aide à la planification).
Une seule action est autorisée à un instant donné au
niveau de l’interface, les boutons de commande n’intervenant pas
dans l’action en cours sont grisés, donc inactifs afin
d’alléger la charge cognitive en n’activant que
l’information utile et ainsi limiter l’effet de dissociation de
l’attention.
Des fenêtres de type pop-up permettent de fournir un feed-back
à l’élève par rapport à ses réponses,
ses actions ; ces fenêtres s’affichent automatiquement pour
signaler à l’élève (principe du "giving productive
feedback", voir (Mayer, 2008), p.
280), par exemple, un mauvais choix dans le sens de déplacement du
curseur (le curseur correspond à un champ de type "ascenseur") ou pour le
résultat de ses évaluations (accompagné d’un message
toujours positif afin de tenir compte des facteurs conatifs, notamment
d’estime de soi).
2.2.3. Description de la remédiation proposée
L'outil d'aide réalisé comporte plusieurs fenêtres dont
une qui correspond à une séquence de pré-test où
l'élève est amené à faire une série de 15
exercices à faible niveau de difficulté (un seul opérateur
et deux opérandes). Ce pré-test permettra à l’outil
d’identifier le profil de l’élève.
La fenêtre qui suit correspond à la phase d’apprentissage
(figure 1).
Figure 1. La fenêtre de la
remédiation
Chaque étape de la procédure à réaliser par
l'élève pour déterminer la réponse à
l'exercice est guidée par le tuteur qui affiche la bulle de message
adéquat à l'instant donné et à l'emplacement
concerné de l'interface-utilisateur (figure 2) :
Figure 2. Le guidage dans la planification de la
procédure par le tuteur
Seuls seront validés les boutons de l'interface nécessaires
à la mise en œuvre de l'action tout en interdisant ceux qui
n'entrent pas dans cette mise en œuvre.
Ainsi, à partir de l’énoncé
proposé :
- l’élève effectue une lecture de
l’énoncé (action sur le bouton "Lecture"),
élément par élément, l’élément
lu étant en vidéo inverse ;
- le tuteur indique à l’élève la nature
de l’opération à effectuer (cliquer sur le bouton
"Changement de sens" si le symbole lu est un signe moins afin de modifier
l’orientation de la flèche indiquant le sens du déplacement
à effectuer, déplacer le curseur dans le sens de la flèche
d’autant de divisions que la valeur du nombre lu) ;
- l’élève continue la lecture de
l’énoncé en effectuant le traitement indiqué par le
tuteur jusqu’à la lecture du signe égal qui
génère l’affichage d’une zone de saisie dans laquelle
l’élève va pouvoir inscrire la valeur pointée par le
curseur (valeur correspondant au résultat de l’opération),
action commandée par le message du tuteur.
Un exemple de déroulement d’une procédure correspond
alors aux opérations suivantes (en reprenant l’énoncé
de la figure 1) :
- le système propose une opération, par exemple :
-3 – (-4) = ? ;
- l’élève clique sur le bouton
"Lecture" ;
- le signe "-" se met en vidéo inverse (symbole en
lecture) et le tuteur s’affiche avec un message directif indiquant
l’opération à effectuer (cliquer sur le bouton "Changement
de sens"), comme le montre la figure 3 ;
Figure 3. Un exemple de guidage par le tuteur
- l’élève clique sur le bouton "Changement de
sens", la flèche change de direction et s’oriente sur la gauche de
l’axe gradué ;
- l’élève continue sa lecture de
l’énoncé en cliquant sur le bouton "Lecture", le seul qui
soit actif à cet instant ;
- l’opérande 3 passe en vidéo inverse et le
tuteur s’affiche avec le message correspondant au déplacement
à effectuer (ici, déplacer le curseur dans le sens de la
flèche de 3 divisions, voir figure 4) ;
Figure 4. Autre exemple de guidage dans la
planification de la procédure
- l’élève continue sa lecture de
l’énoncé en cliquant sur le bouton "Lecture" ;
- le signe "-" se met en vidéo inverse (symbole en
lecture) et le tuteur s’affiche avec un message directif indiquant
l’opération à effectuer (cliquer sur le bouton "Changement
de sens"), la flèche change de sens ;
- l’élève continue sa lecture de
l’énoncé en cliquant sur le bouton "Lecture" ;
- le signe "-" situé devant l’opérande 4 se met
en vidéo inverse (symbole en lecture) et le tuteur s’affiche
avec un message directif indiquant l’opération à effectuer
(cliquer sur le bouton "Changement de sens"), la flèche change de sens
;
- l’élève continue sa lecture de
l’énoncé en cliquant sur le bouton "Lecture" ;
- l’opérande 4 passe en vidéo inverse et le
tuteur s’affiche avec le message correspondant au déplacement
à effectuer (ici, déplacer le curseur de 4 divisions dans le sens
de la flèche, donc vers la droite, puisqu’il y a eu deux
changements de sens consécutifs à la présence de deux
signes "-" dans l’énoncé) ;
- l’élève continue sa lecture de
l’énoncé en cliquant sur le bouton "Lecture" ;
- le signe "=" se met en vidéo inverse (symbole en
lecture) et le tuteur s’affiche avec un message directif indiquant
l’opération à effectuer (saisie du résultat), une
fenêtre de saisie s’affiche, l’élève saisit la
valeur au curseur correspondant au résultat de l’opération
(figure 5) ;
Figure 5. La saisie du résultat de
l’opération proposée
Enfin, une fois le travail d’apprentissage effectué par
l'élève, le tuteur propose à l'élève un
travail d'évaluation (post-test) qui s'appuie sur une fenêtre
identique au pré-test et qui en reprend les principes de fonctionnement
(15 exercices avec un seul opérateur et deux opérandes).
De même qu’au pré-test, une fenêtre d'analyse de ses
résultats en post-test est affichée.
D’un point de vue technique, l’outil a été
réalisé avec l’environnement de développement WinDev,
version 7.5, de PC Soft.
2.2.4. Eléments de personnalisation du dispositif de
remédiation
La durée de la phase d’apprentissage dépend des
résultats de l'élève en pré-test et est
déterminée par le diagnostic cognitif effectué par
l'environnement informatique (profil élève en phase transitoire
d’apprentissage, profil activation de connaissances familières
sans perte d’information dans la retraduction de la situation ou profil
activation de connaissances familières avec perte
d’information dans la retraduction de la situation).
Il est établi que l’établissement de liens fonctionnels
entre les connaissances et leur renforcement nécessitent que ces
connaissances soient activées un certain temps pour que leur
productivité différentielle s’accroisse,
c’est-à-dire pour que ces connaissances soient plus facilement
accessibles (Cellérier, 1992) ; (Houdé, 1999) ; (Bastien, 1997).
Plus une connaissance est utilisée, plus elle est accessible et aura donc
plus de chance d’être conservée en mémoire (Dauzat, 2002).
La durée maximale de la phase de remédiation a
été fixée de façon empirique à 15 minutes
(à partir de la prise en compte de la durée d’un cours au
collège). Sachant que la durée moyenne de la réalisation
d’un exercice de remédiation est de 45 secondes (donnée
issue de la phase expérimentale de validation écologique de
l’interface de remédiation, validation effectuée
auprès d’élèves de 5° de collège), le
nombre maximum d’exercices d’apprentissage a été
fixé à 20 pour cette phase de remédiation.
Ainsi, pour chacun des profils établis, le nombre d’exercices de
remédiation à effectuer pour passer à la phase de post-test
a été établi de la façon suivante : profil 1
(élèves en phase d’apprentissage) : 8 à 10
exercices ; profil 2 (élèves en moyenne difficulté) :
12 à 16 exercices ; profil 3 (élèves en plus grande
difficulté) : 16 à 20 exercices ; le nombre réel
d’exercices étant déterminé à partir du nombre
d’erreurs au pré-test.
De plus, pour les élèves des profils 2 et 3, la base de
données des énoncés était différente de celle
utilisée pour les élèves du profil 1, et
privilégiait les énoncés qui débutaient par un
opérande négatif (mauvaise représentation du signe "-"
à inhiber). Pour les élèves du profil 3, les retraductions
de l’énoncé avec oubli (réponse sans signe "-")
effectuées lors du pré-test et qui avaient été
comptabilisées, ont été prises en compte pour cette phase
de remédiation afin de pouvoir leur proposer bien plus
d’énoncés commençant par un opérande
négatif (renforcement de l’inhibition) que pour les
élèves du profil 2.
Les énoncés des exercices étaient tirés au hasard
dans les bases d’énoncés qui comportaient chacune 50
énoncés différents.
3. Validation du dispositif
3.1. Méthode
3.1.1. Participants
Notre environnement numérique d’aide
à l’apprentissage au traitement arithmétique simple des
nombres entiers relatifs a été expérimenté avec 21
élèves d’une classe de cinquième de collège,
quinze jours après la fin de leur cours sur les nombres relatifs. Les
élèves ont travaillé en salle d’informatique, 1
élève par poste. Le nombre de postes étant limité,
deux groupes ont été constitués.
3.1.2. Procédure
L’expérimentation s’est déroulée pendant une
tranche horaire correspondant à un cours de mathématiques au
collège, soit une durée de 55 mn. La mise en place d’une
séquence pédagogique nécessite toujours un certain temps
avec des élèves de collège. De plus, il a fallu leur
expliquer le pourquoi de cette séance un peu particulière, la
nature du travail qui les attendait. La salle étant équipée
d’un vidéoprojecteur, nous avons déroulé un exemple
pour l’utilisation de la fenêtre de remédiation (principe du worked-out example (Renkl, 2002), et
son effet sur la charge cognitive). De ce fait, le temps effectivement
passé par un élève sur la machine pour réaliser
l’ensemble du travail demandé a été d’environ
40 mn ce qui correspond à une durée de remédiation allant
de 10 à 15 mn selon les élèves et leurs profils. Tous les
résultats des exercices sont saisis informatiquement et
mémorisés sur la machine.
Le déroulement de l’expérimentation est alors le
suivant :
• Un pré-test de 15 exercices sur le traitement
arithmétique simple des entiers relatifs ne comportant que des
opérations à un seul opérateur, avec un formalisme de
présentation similaire au formalisme
papier1, comme le montre
l’exemple d’énoncé de la figure 6 ;
l’élève doit saisir son résultat, le valider et
passer à l’exercice suivant ; il a la possibilité de
revenir en arrière et de modifier sa saisie.
• Un travail d’apprentissage dont la durée dépend
du profil d’élève élaboré à partir des
résultats du pré-test.
• Un post-test de 15 exercices dont la forme est identique au
pré-test.
Figure 6. La fenêtre de pré-test ou de
post-test
3.2. Principaux résultats et discussion
3.2.1. Résultats fournis par l’environnement informatique
Le pré-test comportait 15 exercices différents. 21
élèves ont participé à
l’expérimentation. Nous avons donc un total de 315 réponses.
Pour ce pré-test, 177 erreurs ont été recensées. Le
pourcentage d’erreurs en pré-test est alors de 56 %, ce qui
correspond avec la propre évaluation de leur professeur ; ce
n’est pas l’activité proposée qui pénalise les
élèves.
Le post-test, suite à la phase de remédiation, était de
même nature que le pré-test et comportait donc également 15
exercices. Sur les 315 réponses, nous avons recensé 117 erreurs.
Le pourcentage d’erreurs en post-test est donné en figure 7 en
comparaison avec celui du pré-test :
Figure 7. Résultats du pré-test et du
post-test
Le pourcentage d’erreurs pour l’ensemble de la classe passe donc
de 56 % à 37 % ce qui valide en partie le principe du dispositif,
d’autant que la durée de remédiation, rappelons-le, a
été relativement courte (10 à 15 mn).
L’analyse des résultats-élèves est plus
significative (figure 8) :
Figure 8. Résultats-élèves
Pour beaucoup d’élèves (67 % d’entre eux, soit 14
élèves sur 21), leur réussite est bien meilleure en
post-test ; ils sont donc en progression, parfois très nette (cas de
l’élève 4, par exemple, qui passe de 12 erreurs en
pré-test à 1 erreur en post-test).
Seuls 5 élèves n’améliorent pas leur score (dont 3
élèves à 1 et 2 fautes, ce qui rendait difficile la
progression), et 2 élèves seulement ont une performance moins
bonne en post-test.
3.2.2. Résultats des observations
Au cours de l’expérimentation, des observations non
participantes directes et indirectes ont été effectuées,
observations qui peuvent participer à l’évaluation du
dispositif d’apprentissage en vue de son amélioration (Tchounikine, 2002).
L’observation directe comportait trois items :
• Est-ce que les textes du tuteur seront effectivement lus par les
élèves, de même que le texte des fenêtres de
feed-back ?
• Est-ce que les élèves en difficulté
(élèves du profil 3) vont accepter la durée plus importante
de leurs remédiations, notamment vis-à-vis de leurs camarades aux
profils 1 et 2 ?
• Est-ce que les élèves vont réutiliser la
procédure apprise en phase de remédiation pour répondre aux
exercices du post-test ?
Pour la première question, il est difficile de répondre par
l’affirmative. Plusieurs élèves n’ont pas
cherché à lire les textes informatifs qu’ils soient
situés dans les bulles du tuteur ou dans les fenêtres de feed-back.
Les textes étaient courts et concis et n’apparaissaient à
l’écran qu’à l’instant où ils
étaient nécessaires à l’élève. Beaucoup
ont malgré tout fait l’effort de lecture lorsque cela était
nécessaire.
Concernant, la deuxième question, l’effet de compétence
sociale, très présent encore dans les classes (Huguet, 2003),
s’est effectivement fait ressentir. Ainsi, six élèves en
plus grande difficulté (élèves 4, 7, 12, 13,18 et 19) ont
donc eu une durée de remédiation plus importante que les autres.
Cet effet s’est fait particulièrement ressentir sur les
élèves 13 et 19 car leurs voisins de salle (élèves
14 et élèves 20) ont eu une durée de remédiation
plus courte. Aussi, en voyant leurs camarades passer à la phase de
post-test, ils ont "déroulé" la procédure de
remédiation proposée dans la phase d’apprentissage sans
chercher à s’en imprégner, ceci afin de pouvoir rattraper
leurs camarades, ce qui, a priori, a eu un effet négatif sur leur
apprentissage.
Enfin, pour la troisième question, savoir si les élèves
utiliseraient, ou non, la procédure apprise en phase de
remédiation pour répondre aux exercices du post-test, nous avons
pu observer que beaucoup d’élèves ont soit verbalisé
à haute voix la procédure apprise, soit utilisé une feuille
de papier pour tracer le geste de déplacement du curseur. On peut, donc
établir que la plupart des élèves, à ce stade
de leur apprentissage, s’étaient bien imprégnés de la
procédure apprise.
Les observations non participantes indirectes qui ont pu être faites,
nous ont permis de relever les données suivantes :
- un certain nombre d’élèves (plus d’un
tiers de la classe) n’ont pas eu une capacité attentionnelle leur
permettant d’être suffisamment actifs pendant la durée
d’une séance de cours au collège (55 mn) ;
- il a été difficile d’empêcher leur
professeur de mathématiques, présent dans la salle, de ne pas
intervenir lorsqu’il constatait qu’un élève
répondait faux à un exercice du pré-test ou du
post-test ;
- globalement, à travers leurs réactions
verbalisées, les élèves ont apprécié
l’environnement.
3.2.3. Discussion
Trois profils d’apprenants avaient été établis
à partir de notre dispositif papier-crayon. Les élèves
ayant participé à la validation écologique de notre
environnement numérique n’étant pas les mêmes que ceux
qui ont contribué au recueil de données à partir de notre
dispositif papier-crayon, il est intéressant de voir si les trois profils
se retrouvent. Effectivement, les résultats du pré-test nous
permettent de retrouver nos trois profils, notamment les élèves du
profil 3 qui sont en grande difficulté et retraduisent
l’énoncé proposé avec une perte d’information
par rapport à leur représentation initiale (perte de
l’information "-"). Le principe d’élaboration des profils des
apprenants peut donc être validé même s’il est à
confirmer par d’autres expérimentations. Le précurseur
retenu pour la mise en œuvre de notre dispositif, à savoir positionner un curseur sur l’axe gradué était le
bon. Aucun élève n’a eu de problème pour se situer
sur l’axe gradué : pas d’hésitation pour
déplacer le curseur, très peu d’erreurs sur le choix du sens
de déplacement mises à part quelques étourderies ou
précipitations dans la mise en œuvre de la procédure. Le
principe de l’apprentissage d’une connaissance fonctionnelle avec
une représentation visuelle de la situation a bien fonctionné. Les
élèves n’ont pas eu de difficulté à utiliser
l’environnement numérique, la procédure à apprendre a
vite été comprise. Certains élèves ont
verbalisé son intérêt : "on sait à quoi
ça sert". La charge cognitive extrinsèque (caractéristiques
de l’IHM, type d’énoncés proposés, nature de la
procédure à construire), avait été limitée
par notre démarche de conception. Les élèves ont facilement
appréhendé la phase de remédiation (aucune question sur son
utilisation, comment il fallait faire). L’aide à la planification a
été appréciée par les élèves
(verbalisations positives de nombreux élèves, même ceux du
profil 1).
3.2.3.1. L’apprentissage, un processus sous contrôle de
l’apprenant
Le processus enseignement-apprentissage articule les activités de
l’enseignant à celles des élèves,
génère des interactions de natures multiples : entre les
élèves, entre l’élève avec son profil cognitif
et la connaissance visée par la situation d’apprentissage, avec
l’outil didactique mis en œuvre par l’enseignant ... (Jonnaert et Vander Borght, 1999).
Au sein de ce processus enseignement-apprentissage, si c’est
l’enseignant qui crée les conditions de l’apprendre,
c’est effectivement l’apprenant, l’élève, qui
apprend : l’enseignant n’apprend pas, ne peut pas apprendre
à la place de l’élève (Ibid). Cet aspect du processus
enseignement-apprentissage est clairement mis en évidence avec
l’analyse de l’activité de l’élève 4.
L’élève 4 fait 12 fautes au pré-test (ce qui est
conforme à la propre évaluation de son professeur) et a un profil
d’apprenant de type 3 (élèves qui, lorsqu’ils sont en
difficulté, retraduisent l’énoncé en une
opération d’addition plus familière et perdent une partie
des informations issues de leurs premières représentations de
l’énoncé, à savoir le signe moins qui débute
l’énoncé proposé). L’observation de son
activité pendant la phase de remédiation montre que
l’élève 4 a fait preuve de beaucoup d’application dans
l’apprentissage de la procédure proposée, a avancé
à son rythme sans chercher à se précipiter (abstraction de
l’effet de compétence sociale). L’élève 4 a
donc profité pleinement de sa phase de remédiation.
L’élève 4 fait partie des élèves qui ont
verbalisé la procédure apprise en l’appliquant pour
répondre aux énoncés du post-test (verbalisation à
mi-voix). L’élève 4 a fait 1 faute au post-test.
Par contre, les élèves 13 et 19 n’ont pas cherché
à rentrer dans le processus d’enseignement-apprentissage
proposé. De ce fait, ils ne progressent pas.
3.2.3.2. Aspect empirique de la conception de la remédiation
La durée de la remédiation a été fixée de
façon empirique en tenant compte de la contrainte de temps imposée
par la durée d’une séance de cours au collège
(durée = 55 minutes). Les données d’observation montrent que
certains élèves ont trouvé la durée de la
remédiation trop longue car ne disposant pas, pour la plupart,
d’une capacité attentionnelle suffisante pour demeurer sur la
même activité pendant une durée pouvant atteindre 15 mn. De
plus, comme il a été dit précédemment, ce biais a
été renforcé par l’effet de compétence sociale
présent au sein de la classe. Néanmoins, le renforcement
d’un lien fonctionnel entre connaissances antérieures et
connaissance à construire nécessite d’activer ce lien un
certain temps pour que la connaissance prenne le statut de procédure,
voire d’automatisme (Dauzat, 2002) ; (Merril, 2002) ; (Bastien et Bastien-Toniazzo, 2004).
Et pour (Houdé, 1999),
le développement cognitif se fait non seulement à partir
d’acquisition de nouvelles connaissances mais aussi par une
capacité d’inhibition de stratégies inadéquates
à la situation à laquelle le système cognitif de
l’apprenant est confronté, stratégies qui lui sont
habituelles mais qui dans la situation concernée entravent la
construction de la nouvelle connaissance. L’inhibition est donc un facteur
essentiel du développement cognitif. Mais, inhiber une structure de
pensée nécessite du temps.
3.2.3.3. Synthèse, perspectives
L’environnement présenté avait pour objectif
l’apprentissage du traitement arithmétique simple des nombres
entiers relatifs. Le dispositif réalisé permettait cet
apprentissage sur des entiers de faibles valeurs (entiers de valeurs absolues
inférieures ou égales à 20). Il faudrait maintenant
poursuivre ce travail pour la construction de connaissances fonctionnelles
relatives aux entiers relatifs de fortes valeurs, aux nombres décimaux
relatifs. Puis, faire utiliser ces connaissances dans des
situations-problèmes. Si apprendre une nouvelle connaissance
nécessite que les connaissances antérieures soient effectivement
mobilisées, apprendre implique également que la connaissance
nouvelle soit réutilisée fréquemment, dans des situations
diverses, pour qu’elle soit pérennisée (Bastien, 1997) ; (Merrill, 2002) ; (Tricot, 2003) ; (Mayer, 2008).
Dans notre étude, la prise en compte des particularités des
apprenants et de leur variabilité a été faite à
partir de profils d’apprenants établis préalablement
à l’aide d’une analyse cognitive de l’activité
de l’élève. Ces profils, dans le cadre de notre travail,
prennent en compte l’état des connaissances et des
représentations initiales des élèves, ce qui, pour (Bastien, 2001),
est une des voies de développement possibles des environnements
d’apprentissage. Ce sont donc des profils cognitifs d’apprenants. Ces profils ont permis, pour la phase de remédiation,
une « personnalisation » effective des apprentissages des
élèves selon la nature du profil identifié lors de la phase
de pré-test, d’où une efficacité réelle dans
l’apprentissage des élèves (comme par exemple
l’élève 15 de profil 2 ou l’élève 4 de
profil 3), ce qui a priori semble valider nos choix de catégorisation des
profils établis. Cette « personnalisation » pourrait
être améliorée, au sein de chaque profil d’apprenants,
par une catégorisation des traces d’interactions afin de mieux
répondre aux besoins et intérêts des élèves et
tenter d’apporter ainsi une réponse aux problèmes de
motivation et de compétence sociale. On pourrait alors adjoindre aux
profils cognitifs d’autres informations, notamment celles relatives au
comportement (Jean-Daubias et al., 2009).
Reste à définir comment exploiter ces informations pour adapter
l’outil aux apprenants à partir de ce type de données.
Conclusion
D’après les résultats
recueillis, données fournies par l’environnement informatique et
données d’observation non participante, l’environnement
numérique proposé aux élèves semble avoir
joué son rôle, à savoir faire acquérir aux
élèves une procédure de résolution efficace pour le
traitement arithmétique simple des nombres entiers relatifs. Nous avions
fait l’hypothèse qu’une analyse cognitive de
l’activité de l’élève sur un dispositif de type
papier-crayon doit permettre de pouvoir élaborer des profils
d’apprenants suffisamment solides pour la mise en œuvre d’une
personnalisation d’un environnement numérique
d’apprentissage, environnement qui soit véritablement efficace du
point de vue de l’apprentissage des élèves, car
adapté aux réelles capacités de l’apprenant.
Les résultats obtenus nous permettent de valider notre démarche
de conception d’un environnement numérique (représentation
visuelle de la situation, allègement de la charge cognitive, aide
à la planification) et la mise en œuvre d’une
remédiation à l’aide de profils établis à
partir d’une analyse cognitive du fonctionnement de
l’élève en activité a permis une réelle
personnalisation du dispositif d’apprentissage, car ces profils prennent
en compte l’aspect individualisé de l’apprentissage, les
modèles actuels du développement cognitif mettant en avant la
variabilité des différences interindividuelles.
Ainsi, concevoir un dispositif d’aide à l’apprentissage
à l’aide de profils établis à partir de
l’analyse du fonctionnement de l’élève permet de
prétendre à une certaine efficacité, notamment pour des
tâches prescrites de faible niveau de difficulté. Dans
l’expérience présentée, la personnalisation du
dispositif d’apprentissage s’est faite à partir de trois
profils d’élèves, ce qui, au regard des résultats
semble suffisamment pertinent. Pour des situations plus complexes, (Bastien, 1997) propose l’utilisation d’un guidage individuel qui s’appuie sur
une analyse du fonctionnement effectif du sujet. Mais, dans ce cas
l’auteur fait remarquer que la démarche est coûteuse pour la
mise au point des situations (recueil des données, analyse des
protocoles, élaboration des modèles ...).
La connaissance procédurale visée s’appuyait sur une
connaissance préalable acquise par les élèves. La situation
d’apprentissage proposée semble avoir permis à une
majorité d’élèves d’intégrer cette
nouvelle connaissance dans leurs systèmes de pensée : la
situation d’apprentissage proposée mettait fortement en avant une
représentation fonctionnelle de la connaissance visée et
l’apprentissage de la procédure était lié à
une aide à la planification. De plus, la situation était nouvelle
pour les élèves et s’est déroulée dans un
contexte particulier, celui d’une expérimentation, ce qui a
fortement contribué à la motivation des élèves. Nous
avons donc là réunies les trois conditions nécessaires
à l’apprentissage d’une connaissance nouvelle telles
qu’elles ont été définies par (Mayer, 2008).
C’est apprendre à l’école qui nous a servi de cadre
d’application. Dans ce cadre, la conception d’un environnement
numérique nécessite, les données d’observation
l’ont montré, une étroite collaboration avec
l’enseignant (Leroux, 2002) et
au-delà, d’un didacticien de la discipline, d’un psychologue
social ... L’analyse de l’activité de
l’élève dans un tel cadre, celui de l’école,
couvre ainsi un champ d’observables relevant de disciplines variées
qui nécessite, de ce fait, une approche pluridisciplinaire du processus
enseignement-apprentissage (Lebahar, 2007),
et impose de pouvoir définir des méthodologies spécifiques
et appropriées.
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A
propos de l’auteur
Jean-François HÉROLD est enseignant en
informatique en sections de techniciens supérieurs. Rattaché
à l’UMR ADEF (Apprentissage, Didactique, Evaluation, Formation) au
sein de l’équipe Gestepro (Groupe de recherche en éducation
scientifique, technologique et professionnelle), ses recherches portent sur
l’analyse cognitive de l’activité des apprenants en classe
afin de leur apporter une aide qui leur soit réellement
adaptée.
Adresse : 32, rue Eugène Cas,
13248 Marseille Cédex 04, France
Courriel : jf.herold@free.fr
1 Les exemples
d’énoncés ont été choisis dans les manuels
scolaires « Mathématiques 5° », Collection
Triangle, Editions Hatier et « Math 5° », Collection
Nouveau Transmath, Editions Nathan
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