Personnaliser des activités pédagogiques de
manière unifiée : une solution à la diversité des
dispositifs
Marie LEFEVRE, Nathalie GUIN, Stéphanie JEAN-DAUBIAS (LIRIS,
Lyon)
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RÉSUMÉ : Dans
cet article, nous abordons la question de la personnalisation des
activités d’apprentissage en cherchant une solution au
problème causé par la diversité des dispositifs utilisables
par les enseignants dans leur préparation des activités des
apprenants. Pour cela, nous adoptons une approche générique qui
s’appuie sur PERSUA2, un modèle pour la personnalisation
unifiée des activités d’apprentissage. Dans cet article,
nous nous appuyons sur des scénarios d’usage pour décrire
les besoins en matière d’individualisation de l’enseignement.
Nous présentons ensuite le modèle PERSUA2 et la mise en œuvre
que nous en avons faite, qui permet à un enseignant d’expliciter
une stratégie de personnalisation qui est ensuite appliquée par le
système établissant des activités personnalisées
pour les élèves. Nous terminons par les évaluations que
nous avons menées, qui montrent que notre approche permet de
répondre aux différents besoins identifiés par les
scénarios d’usage.
MOTS CLÉS : Personnalisation
des activités d’apprentissage, approche unifiée,
stratégies pédagogiques, modèle. |
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ABSTRACT : In
this paper, we address the issue of personalization of learning activities by
seeking a solution to the problem caused by the variety of devices used by
teachers in preparing activities for learners. For this, we adopt a generic
approach based on PERSUA2, a model for a unified personalization of learning
activities. In this paper, we rely on use cases to describe needs for
individualization of teaching. We then present the PERSUA2 model and, the
implementation that we have made, which enable a teacher to define a
personalization strategy, which is then applied by the system that prepares
customized activities for students. We conclude by reporting evaluations that we
conducted, which show that our approach can satisfy the different needs
identified by the use cases.
KEYWORDS : Personalization
of learning, unified approach, teaching strategies, model. |
1. Introduction
La personnalisation des
activités d’apprentissage est une problématique fondamentale
dans les recherches sur les Environnements Informatiques pour
l’Apprentissage Humain (EIAH) (Marty et Mille, 2009).
Elle permet en effet d’une part d’améliorer
l’apprentissage en proposant des contenus plus pertinents prenant en
compte les connaissances et compétences des apprenants
(éventuellement en adaptant la manière et la temporalité
avec lesquelles ont propose ces contenus) (Wenger, 1987) ; (Brusilovsky, 2001),
et d’autre part de proposer des contenus plus accessibles, en prenant en
compte les capacités des utilisateurs et leurs éventuels
handicaps. Si elle est abordée de plus en plus fréquemment dans
les travaux de recherche, si de plus en plus d’EIAH offrent ou cherchent
à offrir des possibilités de personnalisation à leurs
utilisateurs apprenants et/ou enseignants (Lefevre et al., 2011b),
la situation des enseignants souhaitant personnaliser l’apprentissage de
leurs élèves n’est pas entièrement satisfaisante pour
autant. En effet, s’ils ont maintenant à disposition quelques EIAH
personnalisables qu’ils peuvent adapter parfois à leurs habitudes,
parfois aux besoins de leurs élèves, ces différents outils
sont hétérogènes : ils s’utilisent
différemment, ne proposent pas tous les mêmes
fonctionnalités, et diffèrent des procédures
employées pour personnaliser des activités papier-crayon. La
tâche de personnalisation est donc complexe et coûteuse en temps
pour l’enseignant.
L’approche que nous proposons vise à proposer un cadre
unificateur permettant de guider l’enseignant dans la personnalisation des
activités pédagogiques. Elle lui permet de s’appuyer sur les
connaissances des apprenants, fournies par des profils issus de sources
diverses, pour définir des séances de travail
personnalisées contenant des activités tant sous forme papier (des
feuilles d'exercices qui seront générées de façon
adaptée aux besoins exprimés) que sous forme logicielle (des
sessions également entièrement personnalisées au sein
d’EIAH existants). Cette définition de séances de travail
personnalisées variées se fait au sein d’un unique
dispositif, exploitant les informations sur les apprenants, et servant
d’interface entre l’enseignant et les différents EIAH
à personnaliser. Cette approche permet de prendre en compte
différents niveaux et les disciplines les plus variées.
Pour mettre en place une telle approche de personnalisation, il est
nécessaire de prendre en compte les spécificités des
apprenants, en s’appuyant par exemple sur leur profil
d’apprentissage, mais il est également pertinent de prendre en
compte les besoins des enseignants, que nous qualifions de stratégie
pédagogique. Nous définissons un profil d’apprentissage
comme un ensemble d'informations, concernant l’apprentissage d’un
apprenant ou d’un groupe d'apprenants, collectées ou
déduites à l'issue d'une ou plusieurs activités
pédagogiques, qu’elles soient ou non informatisées. Les
informations contenues dans le profil d’apprentissage d’un apprenant
peuvent concerner ses connaissances, compétences, conceptions, son
comportement, ou encore des informations d’ordre métacognitif (Jean-Daubias, 2011).
Ces informations peuvent détailler très finement les
spécificités des apprenants, elles sont donc une source riche pour
la personnalisation des activités qui leur seront proposées.
Pour fournir un dispositif de personnalisation tel que nous le
décrivons, nous nous appuyons sur PERSUA2, notre modèle de
PERsonnalisation Unifiée des Activités d’Apprentissage, sur
lequel nous centrons cet article. Ce modèle associe stratégie
pédagogique et contexte d’utilisation. La stratégie
pédagogique de l’enseignant définit comment affecter des
activités aux apprenants. Cette affectation est décrite à
l’aide d’un ensemble de liens hiérarchisés qui
associent des contraintes sur le profil des apprenants à des contraintes
sur une ou plusieurs activités pédagogiques. Les contraintes sur
le profil permettent de sélectionner un ensemble d’apprenants ayant
une ou plusieurs caractéristiques donnée(s) dans leur profil. Les
contraintes sur les activités permettent d’adapter les
activités (exercices papier à imprimer ou activités sur un
EIAH) en fonction des caractéristiques sélectionnées au
niveau des profils. Le contexte d’utilisation décrit
l’ensemble des informations permettant de caractériser la situation
d’apprentissage au moment de la séance de travail (apprenants
concernés, nombre d’exercices, durée, logiciels
disponibles...).
Dans la section 2 de cet article, nous présentons trois
scénarios d’usage illustrant les verrous liés à la
personnalisation de l’enseignement. Dans la section 3, nous
présentons les forces et les faiblesses des approches proposées
actuellement pour aider les enseignants dans leur tâche de
personnalisation. Dans la section 4, nous décrivons l’approche que
nous avons retenue afin de proposer un outil d’aide à la
personnalisation. Dans la section 5, nous présentons le modèle
PERSUA2 sur lequel s’appuie notre outil. Dans la section 6, nous
présentons la mise en œuvre de ce modèle et les
évaluations que nous avons menées, avant de revenir sur les
scénarios d’usage initiaux pour montrer en quoi nos propositions
changent ces situations. Dans la section 7, nous discutons nos propositions
avant de conclure cet article en présentant les perspectives
soulevées par ce travail.
2. Scénarios d’usage
Nous présentons dans cette section trois
scénarios montrant les enjeux de la personnalisation des activités
pédagogiques dans les pratiques des enseignants. Nous montrons ensuite
les limites freinant leur mise en œuvre, ainsi que les questions de
recherche associées. Par la suite, nous reviendrons sur le premier
scénario pour illustrer l’utilisation du modèle PERSUA2
proposé en réponse à ces questions, puis nous reprendrons
l’ensemble des scénarios lors de l’évaluation de nos
propositions pour montrer en quoi ces dernières peuvent changer les
situations décrites.
2.1. Aide personnalisée à l’école primaire
Dimitri, enseignant de CE2 de l’enseignement français, imprime
en début d’année les bilans personnels de ses
élèves de 8 ans proposés par le logiciel J’ADE (J’ADE, 2007).
Ces bilans correspondent aux résultats des évaluations nationales
en français et en mathématiques que ses élèves ont
passées à la fin de l’année précédente,
à la demande de l'institution scolaire. Il fait également
régulièrement utiliser à ses élèves le
logiciel AMBRE-add (Guin et al., 2011) pour l’apprentissage de la résolution de problèmes additifs,
logiciel qu’ils utilisent en autonomie lorsqu'ils ont terminé leur
travail.
Dans l’établissement où enseigne Dimitri, une aide
personnalisée est proposée aux élèves en
difficulté. Pour cela, chaque enseignant identifie les
élèves concernés dans sa classe. Ensuite les enseignants
forment des groupes de six élèves. Chaque élève
bénéficiera d’une heure de soutien en plus des heures de
cours, dispensée par un autre enseignant que le sien. Pour
préparer le contenu de ces séances de soutien, les enseignants se
rencontrent une heure par semaine : chaque enseignant fixe les objectifs
à atteindre par ses élèves et fournit à ses
collègues la liste des exercices à faire, tirés de manuels
scolaires.
Dimitri souhaiterait s’appuyer sur toutes les informations dont il
dispose sur ses élèves (données issues des
évaluations nationales, profils d’élèves
créés par le logiciel AMBRE-add, résultats en classe, bilan
d’orthophoniste, observations des enseignants relatives par exemple
à un problème de concentration, etc.) pour proposer des
séances de remédiation, soit sous forme papier, soit avec des
logiciels d'apprentissage, adaptées à chacun des
élèves concernés par les séances de soutien.
2.2. Combiner remédiation et approfondissement
Hélène, professeur d’anglais au collège, ne fait
actuellement ni remédiation, ni approfondissement avec ses classes de
trente élèves.
Elle souhaiterait, avec chacune de ses classes, faire une séance
d’une heure en salle informatique durant laquelle elle séparerait
la classe en deux groupes : les élèves ayant des
difficultés dans le premier et les autres dans le second. La salle
informatique de son établissement contient d’un côté
des ordinateurs et de l’autre des tables et un tableau. Pendant la
première demi-heure de chaque séance, le groupe
d’élèves sans difficulté apprendrait du nouveau
vocabulaire grâce aux logiciels Planet English (Planet English, 2006) et VocabOne (VocabOne, 2007).
De son côté, elle ferait travailler le groupe
d’élèves en difficulté sur des points non compris
précédemment grâce à des discussions orales et
à des exercices papier qu’elle inventerait. Durant la seconde
demi-heure, Hélène échangerait les groupes. Les
élèves en difficulté passeraient sur ordinateur pour faire
des activités adaptées à leurs difficultés de
prononciation sur le logiciel Sephonics (Sephonics, 2008),
tandis qu’elle travaillerait avec les autres élèves pour
approfondir des notions vues en cours.
Durant cette séance, elle souhaiterait que lors de l’utilisation
de l’un des trois logiciels, chaque élève se voie proposer
un contenu adapté à ses besoins, en tenant compte de ses
connaissances et de ses lacunes.
2.3. Recommandation de ressources pédagogiques à
l’université
Lucie est maître de conférences en informatique. Dans le cadre
de ses enseignements, elle utilise un Espace Numérique de Travail. Dans
cet ENT, elle dispose d’un profil pour chacun de ses étudiants,
profil composé de différentes notes, de commentaires et d’un
ensemble de compétences à acquérir. L’ENT lui permet
de mettre à disposition des étudiants des ressources
pédagogiques (cours ou exercices de types divers).
Actuellement, elle propose ces ressources, tout au long de
l’année, à l’ensemble des étudiants, mais elle
souhaiterait pouvoir proposer progressivement les ressources aux
étudiants en fonction des connaissances qu’ils ont acquises,
représentées dans leur profil.
2.4. Les besoins en termes de personnalisation
Avec les outils actuellement à la disposition des enseignants, le
travail qu’ils doivent effectuer pour mettre en œuvre ces
scénarios est très lourd.
En effet, pour chaque élève qu’il souhaite envoyer en
soutien, Dimitri doit analyser d’une part ses résultats aux
évaluations nationales, d’autre part son profil créé
par le logiciel AMBRE-add, et enfin les résultats de
l’élève en classe ainsi que les sources d’informations
extérieures (bilan d’orthophoniste par exemple). À partir de
l’ensemble de ces informations, il doit identifier les difficultés
de l’élève et choisir dans des manuels scolaires des
exercices adaptés à ces difficultés, exercices qu’il
photocopie et organise pour constituer une fiche d’exercices.
En ce qui concerne Hélène, elle souhaite utiliser trois
logiciels existants pour l’apprentissage de l’anglais, avec un
contenu adapté aux compétences et difficultés de chacun de
ses élèves. Elle doit donc apprendre à paramétrer le
logiciel VocabOne et étudier le contenu des logiciel Sephonics et Planet
English pour connaître les exercices qu’ils contiennent. Ensuite,
pour chacun de ses 30 élèves, elle doit définir une
séquence d’exercices en fonction de ce qu’elle connaît
de l’élève, et soit paramétrer le logiciel VocabOne
pour qu’il propose les exercices souhaités, soit donner à
chaque élève la liste des exercices à faire sur les
logiciels Sephonics et Planet English.
Quant à Lucie, elle dispose d’un profil pour chacun des
étudiants qui utilisent l’ENT, mais elle doit choisir manuellement
pour chacun d’entre eux des ressources pédagogiques existantes dans
la plateforme afin de leur constituer des séquences de travail
personnalisées.
Ces trois scénarios montrent les difficultés que rencontrent
les enseignants souhaitant mettre en place une personnalisation de
l’enseignement. Ainsi, si un enseignant souhaite adapter à ses
habitudes de travail les activités pédagogiques proposées
aux apprenants, il doit maîtriser une multitude d’outils. Il a le
choix entre créer ses exercices sur papier, utiliser différents
générateurs d’exercices, modifier les fichiers de
configuration des EIAH ou se servir des interfaces de paramétrage des
EIAH lorsqu’elles existent. Pour les outils informatisés, il doit
à chaque fois prendre en main un nouvel environnement, puisque d’un
outil à l’autre, les interfaces et les principes
d’utilisation diffèrent. De plus, s’il souhaite adapter les
activités aux informations dont il dispose sur chaque apprenant (ses
observations, divers profils papiers ou informatisés), il doit traiter
manuellement l’ensemble des informations pour chaque apprenant. Cette
complexité est illustrée sur la Figure 1.
Figure 1 • Principe de la
personnalisation par un enseignant des activités pédagogiques pour
chacun de ses élèves
Pour dépasser ces limites et permettre la réalisation des
différents scénarios présentés, il est
nécessaire de s’intéresser aux verrous suivants :
- Comment prendre en compte les individualités des
apprenants ? Et comment diminuer la charge de travail d’un enseignant
quand il traite les informations relatives aux apprenants ?
- Comment prendre en compte les besoins et habitudes de travail des
enseignants concernant les choix des activités à utiliser dans
leur enseignement ? Et donc comment homogénéiser les outils
de personnalisation des activités pédagogiques
(générateurs d’exercices papier et interfaces de
paramétrage des EIAH) du point de vue de l’enseignant ?
- Comment aider l’enseignant à affecter aux apprenants
des activités correspondant à ses habitudes de travail en fonction
des individualités de chaque apprenant ?
3. Approches relatives à la personnalisation de
l’apprentissage
Nous venons de voir que les verrous liés
à la mise en œuvre d’une personnalisation des activités
d’apprentissage par les enseignants sont variés. Ainsi, les
approches proposées dans le cadre de la personnalisation de
l’apprentissage le sont aussi : elles traitent de questions de
recherche précises, mais différentes. Certaines
s’intéressent à l’adaptation à
l’apprenant, d’autres à l’adaptation à
l’enseignant, d’autres encore à la façon
d’affecter les activités aux apprenants. L’adoption exclusive
de l’une de ces approches n’est pas entièrement
satisfaisante. En effet, adapter l’enseignement uniquement selon les
besoins de l’enseignant permet à ce dernier de préparer une
session conforme à ses souhaits, mais exclut la personnalisation en
fonction des spécificités de chaque apprenant. Certains travaux,
dans lesquels nous nous reconnaissons, font le choix de combiner plusieurs de
ces approches. Pour pouvoir proposer une personnalisation des activités
d’apprentissage, qui soit efficace, acceptée et utilisée par
les enseignants dans leurs pratiques, nous considérons en effet
qu’il est nécessaire de proposer des outils qui tiennent compte de
ces trois axes en même temps. C’est pourquoi nous proposons de
discuter des forces et des limites des approches existantes en
considérant les trois critères d’analyse suivants : la
prise en compte des individualités des apprenants, la prise en compte des
besoins et habitudes pédagogiques des enseignants et l’affectation
d’une activité à un apprenant.
3.1. Prendre en compte les individualités des apprenants
La prise en compte des individualités des apprenants nécessite
de disposer d’informations sur ces derniers (leurs connaissances, leur
parcours d’apprentissage, les erreurs qu’ils font, leurs
éventuels handicaps), provenant de l’apprenant lui-même, des
traces de ses activités d’apprentissage antérieures, des
indications données par l’enseignant, Ces informations sont
classiquement stockées dans des profils d’apprenant (Mitrovic, 1998), (Sørmo et al., 2002).
Un profil d'apprenant est spécifique à un individu. Il encode
finement les informations déduites sur les apprenants suites aux
différentes activités pédagogiques qu'ils ont
réalisées. Toutefois, le processus de construction des profils
d'apprenant n'est pas sans risque et des erreurs de diagnostic peuvent conduire
à la prise en compte d'informations erronées.
L’utilisation de stéréotypes permet à la fois de
prendre en compte cette limite et de simplifier le processus
d’intégration des informations sur l’apprenant et le
processus de personnalisation. Un stéréotype contient un ensemble
de caractéristiques que l'on trouve chez plusieurs apprenants (Rich, 1983). Le
système dispose de plusieurs stéréotypes et chaque
apprenant doit être associé à l’un de ces
stéréotypes. Cette factorisation a le défaut de ne pas
permettre de prise en compte fine des individualités des apprenants,
puisque deux apprenants aux connaissances différentes peuvent être
associés à un même stéréotype. En EIAH,
plusieurs travaux ont fait le choix d’adopter cette approche (Vincent et al., 2005), (Girard et Johnson, 2007).
Dans les deux approches, toute la difficulté consiste à
capturer des données pertinentes concernant les apprenants et à
donner les moyens à l’enseignant ou au système mettant en
œuvre la personnalisation d’accéder facilement à ces
données, afin de les utiliser pour la personnalisation des
activités.
3.2. Prendre en compte les besoins et habitudes pédagogiques des
enseignants
Chaque enseignant a ses propres habitudes de travail : certains
préfèrent par exemple travailler avec des activités sur
support papier, d’autres utilisent un ou plusieurs logiciels
pédagogiques.
Si nous prenons l’exemple de l’enseignement de l’addition
en CE1, certains enseignants préfèrent travailler sur papier,
d’autres sur ardoise, d’autres avec des logiciels. Certains
préfèrent des séances répétées de
3 minutes, d’autres préfèrent une seule séance
de 20 minutes. Certains présenteront les tables dans l’ordre
(de 1 à 10), d’autres commenceront par les doubles, d’autres
encore commenceront par les tables de 1, 2, 5, 10, puis feront travailler les
autres. À cela s’ajoute des contraintes organisationnelles :
disponibilités de la salle informatique, nombre
d’élèves, horaire des récréations.
Pour un même enseignement, les habitudes et besoins de chaque
enseignant peuvent être extrêmement variés. Pour prendre en
compte ces spécificités, et leur permettre de personnaliser leur
enseignement, une première approche consiste à utiliser des outils
auteurs. De nombreux outils auteurs ont été proposés,
permettant de définir des ressources pédagogiques variées.
Certains permettent de créer des exercices (David et al., 1996),
d’autres des logiciels pédagogiques (Van Joolingen et de Jong, 2003),
d’autres enfin des hypermédias adaptatifs (Cristea et Carro, 2008).
Pour cela, l’enseignant doit fournir entièrement le contenu
pédagogique de la ressource. Certains outils auteurs tels que REDEEM (Ainsworth, 2000),
GTE (Van Marcke, 1998),
Smart Trainer (Chen et al., 1998) et Eon (Murray, 2003a) offrent de plus aux enseignants créant un logiciel pédagogique la
possibilité de paramétrer des modèles de stratégies
pédagogiques. Ces stratégies pédagogiques sont ensuite
mises en œuvre lors de l’utilisation par l’apprenant du
logiciel créé. Ce principe est également proposé par
des outils auteurs permettant de créer des hypermédias adaptatifs (Cristea, 2005).
Quel que soit le type de ressources créées avec les outils
auteurs, leur utilisation permet aux enseignants d’obtenir des ressources
qui leur sont adaptées, mais cette utilisation est coûteuse en
temps.
Une seconde approche consiste à utiliser des scénarios
pédagogiques qui définissent les activités proposées
aux apprenants, en précisant le contexte dans lequel ils se trouvent, le
rôle de chaque participant et les actions à accomplir sur les
ressources (Pernin et al., 2004).
Les outils de définition de scénarios ne permettent cependant pas
de créer des ressources, mais seulement d’associer des ressources
existantes, qui sont soit contenues dans l’application sur laquelle le
scénario sera mis en œuvre, soit créées manuellement
par l’enseignant, soit créées en utilisant une application
spécifique (iClass, 2004).
Une autre approche consiste à réserver une partie du logiciel
pédagogique aux enseignants ou à leur proposer un module
spécifique leur permettant de paramétrer l’environnement
proposé à l’apprenant. Ces espaces réservés
aux enseignants permettent pour certains d’adapter le contenu
pédagogique (Duclosson et al., 2005) et/ou l’interface (Leroux, 2002),
pour d’autres de définir des stratégies pédagogiques (Murray, 2003a).
Toutefois, peu de logiciels possèdent un tel espace pour
l’enseignant et, lorsqu’ils existent, ces espaces diffèrent
d’un logiciel à l’autre. Ainsi, un enseignant voulant
utiliser plusieurs systèmes devra maîtriser les différents
outils de paramétrage correspondants.
En conclusion, pour prendre en compte les besoins et habitudes de chaque
enseignant, des solutions variées ont été proposées,
mais l’hétérogénéité des
différents systèmes constitue en elle-même une limite du
point de vue de l’enseignant. En effet, pour adapter des activités
de diverses provenances (issues de générateurs, décrites
dans des scénarios, contenues dans des logiciels, etc.) à ses buts
pédagogiques, l’enseignant doit apprendre à utiliser
l’interface de nombreux outils et il n’existe pas d’approche
unifiée permettant d’assister l’enseignant dans cette
tâche d’adaptation des activités.
3.3. Permettre l’affectation des activités
Le choix des activités proposées à l’apprenant
peut être fait directement par les EIAH. La personnalisation est alors
effectuée en fonction de la connaissance que le système a de
l’apprenant. Cette connaissance peut être simple, par exemple des
informations sur les réponses de l’apprenant (Burton, 1982),
ou plus complexe, par exemple sous forme de modèle de l’apprenant (Mitrovic, 1998).
Ces EIAH sont donc personnalisés en fonction de chaque apprenant, mais
cette personnalisation n’est pas forcément en adéquation
avec les objectifs pédagogiques des enseignants.
D’autres systèmes permettent à l’apprenant de
réguler lui-même son apprentissage en choisissant un thème
ou une connaissance à étudier (Melis et al., 2001),
ou plus directement une activité à effectuer (VanLehn et al., 2005).
Cette « auto-personnalisation » peut être efficace
lorsque l’apprenant travaille en autonomie (en complément de
l’enseignement classique, en formation à distance...) mais dans le
cadre d’un enseignement supervisé (en classe par exemple), il est
difficile pour l’enseignant de s’assurer que chaque
élève travaille sur des activités conformes aux objectifs
définis en classe.
D’autres systèmes enfin permettent à l’enseignant
d’intervenir dans les choix d’affectation des activités aux
apprenants. Certains systèmes fournissent une interface de
paramétrage permettant de choisir les activités que feront les
apprenants (Leroux, 2002), (Duclosson et al., 2005) ou de définir des règles d’affectation (Murray, 2003a).
Certains systèmes auteurs permettent de définir des
stratégies pédagogiques dès la création du logiciel (Murray, 2003b).
D’autres systèmes enfin n’offrent pas d’espace pour
l’enseignant, mais sont modifiables via des fichiers de configuration.
Dans tous les cas, l’enseignant doit bien connaître le logiciel
à personnaliser pour réussir à définir les
paramètres permettant que le logiciel corresponde à ses besoins.
De plus, pour réaliser cette affectation d’activités,
l’enseignant n’a pas facilement accès aux informations
relatives aux apprenants. Cette personnalisation est donc souvent longue
à mettre en place.
D’une manière générale, les choix
pédagogiques intervenant dans la personnalisation, et donc dans
l’affectation d’une activité à un apprenant, doivent
être effectués par l’enseignant si l’on souhaite que la
personnalisation mise en œuvre corresponde à ses buts et à
ses besoins pédagogiques. Or, rares sont les systèmes qui
permettent de prendre en compte ces besoins.
4. Notre approche de la personnalisation des activités
pédagogiques
L’étude de l’existant montre que
de nombreuses solutions ont été proposées pour faciliter la
mise en place de la personnalisation de l’enseignement. Ce que nous
proposons, c’est un cadre unificateur permettant de guider
l’enseignant dans la personnalisation des activités
d’apprentissage, ayant pour support un outil unique utilisé par
l’enseignant. Cet outil intègre les diverses informations sur les
apprenants et permet d’adapter les activités aux
élèves et aux besoins pédagogiques de l’enseignant,
à travers une interface unique (cf. Figure 2). Pour cela, cet outil
s’appuie sur des modèles de personnalisation définis en
fonction des buts pédagogiques de chaque enseignant.
Figure 2 • Principe d'une
personnalisation unifiée des activités pédagogiques
Notre approche repose sur la formalisation des
différents éléments nécessaires à la
personnalisation. Tout d’abord, les informations relatives aux apprenants
issues de sources diverses peuvent être décrites dans un même
formalisme. Dans notre approche, nous utilisons le langage de description de
profils PMDLe (Eyssautier-Bavay, 2008) ; (Jean-Daubias et Ginon, 2010).
Nous avons augmenté ce langage en proposant le modèle cPMDLe (Lefevre, 2009) ; (Ginon et Jean-Daubias, 2010) permettant de contraindre les éléments d’un profil pour en
sélectionner une partie.
De même, la création d’activités, papier ou
logicielles, repose sur des modèles implicites ou explicites, que nous
formalisons grâce à l’approche GEPPETO (Lefevre, 2010).
Cette formalisation permet aux enseignants de contraindre l’adaptation des
activités papier ou logicielles pour qu’elles correspondent
à leurs habitudes de travail.
Enfin, il est possible de définir des modèles de
personnalisation permettant d’acquérir les pratiques
éducatives des enseignants. Nous proposons pour cela le modèle
PERSUA2, détaillé dans la section suivante. Ce modèle
permet de faire le lien entre des éléments du profil de
l’apprenant sélectionnés grâce à notre
modèle cPMDLe et des activités définies grâce
à notre approche GEPPETO. Un processus d’exploitation du
modèle de personnalisation ainsi défini permettra d’affecter
à un apprenant dont le profil respecte certaines caractéristiques,
les activités pédagogiques prévues par
l’enseignant.
L’utilisation du modèle PERSUA2 permet à chaque
enseignant de mener une tâche réflexive sur son enseignement et sur
ses stratégies d’individualisation en les formalisant explicitement
dans un modèle, notamment sous forme de règles. Ces règles,
qui forment la stratégie pédagogique d’un enseignant,
peuvent représenter autant la part de routine dans la pratique des
enseignants (Perrenoud, 2000),
c’est-à-dire la part de tradition collective que chaque enseignant
reprend à son compte lorsqu’il crée ses enseignements, que
le style d’enseignement (Clot et Faïta, 2000),
c’est-à-dire la manière propre à chaque enseignant
d’utiliser les ressources pédagogiques dont il dispose, que
l’habitus de chaque enseignant (Bourdieu, 1980),
si celui-ci arrive à identifier et à formaliser les schèmes
de perception et d’actions qu’il met en œuvre inconsciemment
lors de son enseignement. Chaque modèle de personnalisation défini
selon le modèle PERSUA2 peut alors être partagé,
échangé et réutilisé entre enseignants.
5. PERSUA2 : un modèle pour une personnalisation unifiée
des activités d’apprentissage
Pour personnaliser une séance de travail, il
est nécessaire d’avoir des informations sur l’apprenant
(connaissances, compétences, etc.) auquel la séance de travail est
destinée, mais également sur la situation dans laquelle cette
séance va se dérouler (lieu, durée, but pédagogique,
etc.). La combinaison de ces deux types d’informations au sein d’un
même dispositif rend possible la création de séances de
travail adaptées d’une part à l’apprenant et
d’autre part aux buts pédagogiques de l’agent de la
personnalisation (l’enseignant ou l’EIAH).
Dans cette section, nous présentons le modèle PERSUA2 que nous
proposons pour définir une personnalisation des activités. Nous
expliquons tout d’abord les principes de ce modèle et de son
processus d’exploitation. Nous donnons ensuite la définition
formelle de PERSUA2 avant d’illustrer son utilisation à
l’aide du scénario présenté dans la section 2.1 Nous
terminons en présentant l’architecture du processus
d’exploitation du modèle permettant de créer des
séquences de travail personnalisées.
5.1. Principe du modèle PERSUA2
Pour aider l’enseignant à personnaliser les activités
d’apprentissage qu’il propose, il est nécessaire de
connaître les critères d’individualisation qu’il
souhaite mettre en œuvre. Ces critères portent d’une part sur
la manière dont il souhaite affecter une activité à un
apprenant, et d’autre part sur le contexte dans lequel les apprenants vont
utiliser la séquence de travail qui leur est destinée.
Le modèle PERSUA2 (PERSonnalisation Unifiée des
Activités d’Apprentissage) que nous proposons comprend deux
éléments (cf. Figure 3) : la stratégie pédagogique
à mettre en place, c'est-à-dire les règles permettant
d’affecter une activité à un apprenant, et le contexte
d’utilisation de cette stratégie pédagogique.
Figure 3 • Principe du modèle
PERSUA2
Une stratégie pédagogique définit comment affecter des
activités aux apprenants. Cette affectation est décrite à
l’aide d’un ensemble de liens appelés règles
d’affectation. Une règle d’affectation lie des contraintes
sur le profil des apprenants à des contraintes sur une ou plusieurs
activités pédagogiques. Les contraintes sur le profil permettent
de sélectionner certaines valeurs du profil des apprenants. Les
contraintes sur les activités permettent de sélectionner une
activité correspondant à la stratégie pédagogique
à mettre en place. Par activité, nous entendons d’une part
des exercices papier à imprimer, et d’autre part des
activités sur un logiciel pédagogique associées à la
configuration de l’environnement du logiciel. Un degré de
priorité est associé à chaque règle
d’affectation afin de pouvoir choisir la règle la plus importante
quand plusieurs règles peuvent s’appliquer.
Un contexte d’utilisation définit quant à lui un ensemble
d’informations permettant de caractériser la situation dans
laquelle se trouve un apprenant lorsque qu’il effectue la séance de
travail. Ces informations portent, entre autres, sur la liste des
élèves pour lesquels une personnalisation des séances est
souhaitée, sur leur profil, mais aussi sur des caractéristiques
plus générales de la séquence d’activités
(nombre d’exercices, durée, etc.). Le contexte contiendra, en plus
de ces informations globales à tous les apprenants, des exceptions pour
certains d’entre eux.
L’indépendance des deux parties du modèle de
personnalisation permet d’associer une même stratégie
pédagogique à plusieurs contextes d’utilisation et
inversement. Ainsi l’enseignant peut définir une unique
stratégie de personnalisation qui explicite comment il estime souhaitable
d’affecter les activités, et l’utiliser pour des
séances qui n’ont pas toutes la même durée et ne
concernent pas les mêmes élèves à chaque fois.
Inversement, pour un même groupe d’élèves et des
séances de durées identiques, l’enseignant pourra choisir
d’utiliser des stratégies de personnalisation différentes,
selon le contenu sur lequel il veut travailler pour une séance
donnée, chacune pouvant refléter un objectif pédagogique
différent.
La mise en œuvre de ce modèle PERSUA2 permet à un
enseignant de définir son propre modèle de personnalisation. Pour
que ce modèle puisse être utilisé, nous lui avons
associé un processus d’exploitation dont le principe est le
suivant :
- L’enseignant définit des règles
d’affectation des activités aux apprenants
• en contraignant le profil d’apprenant pour en
sélectionner une partie, puis en contraignant les valeurs que les profils
d’apprenants contiendront pour cette partie (cf. sur la Figure
4),
• en contraignant le choix ou la génération des
activités à fournir (cf. sur la Figure 4).
- L’enseignant hiérarchise ensuite ces règles
d’affectation en fonction de leur niveau de priorité pour
créer sa stratégie pédagogique (cf. sur la Figure
4).
- L’enseignant définit un contexte d’utilisation
de sa stratégie pédagogique contenant, entre autres, la liste des
apprenants pour lesquels il souhaite une séquence personnalisée
(cf. les deux points sur la Figure 4).
- Le système filtre les règles d’affectation
pour ne garder, pour chaque apprenant, que celles dont les prémisses sont
vérifiées par les valeurs de son profil (cf. sur la Figure
4).
- Le système construit une liste d’activités
à générer à partir des règles
d’affectation retenues et des contraintes du contexte (temps, nombre
d’exercices...) (cf. sur la Figure 4).
- Le système crée les sessions personnalisées
en fonction des listes d’activités à générer
(cf. sur la Figure 4).
Figure 4 • Principe du modèle
PERSUA2 et de son processus d'exploitation
En respectant ce processus d’exploitation, le système
crée autant de séances de travail personnalisées
qu’il y a de profils d’élèves, ainsi qu’un bilan
pour l’enseignant (cf. sur la Figure 4). La création des
séances de travail se fait soit en générant des
activités papier, soit en configurant des logiciels pédagogiques
existants.
5.2. Définition formelle du modèle PERSUA2
Nous venons de voir les principes de notre modèle de personnalisation
PERSUA2. Nous en donnons maintenant une définition formelle (cf. Figure
5).
Figure 5 • Définition formelle
du modèle PERSUA2
Le modèle de la personnalisation d’une séquence de
travail voulue par un agent a est noté Pa (cf.
sur la Figure 5). L’agent a est soit un enseignant, soit un
EIAH. Le modèle de personnalisation Pa peut être
appliqué à un apprenant ou à un ensemble
d’apprenants. Il se compose d’une stratégie
pédagogique SP et d’un contexte d’utilisation CU.
Une stratégie pédagogique SP (cf. sur la Figure 5)
est un ensemble de paires constituées d’une règle
d’affectation RA et de son degré de priorité DP. Une stratégie pédagogique SP peut contenir
autant de paires (RAi, DPi) que
nécessaire. Le degré de priorité DPi d’une règle d’affectation RAi est une valeur appartenant à une liste
graduée, définie par une borne inférieure, une borne
supérieure et un pas.
Une règle d’affectation RAi (cf. sur la
Figure 5) est un triplet composé d’une expression booléenne
portant sur des contraintes sur les profils CPj et de deux
listes de contraintes sur les activités CAk. Ce triplet
représente les conditions et les conclusions d’une règle de
type « si-alors ». L’équation est donc
équivalente à l’équation suivante :
RAi = SI Exp(CP1, ..., CPm) ALORS
(CAx, ..., CAy) SINON (CAx’, ...,
CAy’)
Les contraintes sur les profils CPj ont été
formalisées à partir du langage de description de profils PMDLe (Eyssautier-Bavay, 2008) (Jean-Daubias et Ginon, 2010).
Le modèle cPMDLe des contraintes CPj et les
différentes façons de les combiner pour construire une expression
booléenne sont définis dans (Lefevre, 2009).
La première liste de contraintes sur activités (CAx,
..., CAy) correspond aux contraintes permettant de créer
les activités qui seront fournies à un apprenant dont les valeurs
du profil respecteront l’expression booléenne. La seconde liste (CAx’, ..., CAy’), qui est optionnelle,
correspond aux contraintes permettant de créer les activités qui
seront fournies si les valeurs du profil ne respectent pas l’expression.
L’intersection entre les listes (CAx, ..., CAy) et (CAx’, ..., CAy’) peut
être non vide, c'est-à-dire qu’un même ensemble de
contraintes pourra être utilisé pour créer une
activité qui sera fournie à des apprenants dont les valeurs du
profil respectent ou non l’expression booléenne. La formalisation
des contraintes sur activités CAk respecte les
principes de l’approche GEPPETO (Lefevre 2010).
Un contexte d’utilisation CU (cf. sur la Figure 5)
contient la liste des profils d’apprenants LP, un ensemble de
contraintes de création des séquences d’activités CC et un ensemble de contraintes de présentation CP.
La liste des profils d’apprenants LP permet de connaître
les apprenants concernés par la personnalisation. Les contraintes de
création CC permettent de fixer des limites
générales pour la création des séquences
d’activités, et les contraintes de présentation CP permettent de fixer des conditions de présentation des activités
au sein des séquences. Les contraintes CC et CP du contexte
d’utilisation sont appliquées pour les séquences de tous les
apprenants contenus dans LP.
Les contraintes de création CC (cf. sur la Figure 5)
portent sur le nombre d’activités NA, la variation des
énoncés VE, la durée de la séance D,
le support de la séquence S et les exceptions Ex. Ces
contraintes vont intervenir lors de la création des séquences de
travail personnalisées.
Le nombre d’activités NA est un intervalle
[NAmin, NAmax] permettant de spécifier un
nombre d’activités minimum et un nombre d’activités
maximum que doit contenir la séquence de travail.
La variation des énoncés VE permet d’indiquer,
dans le cas où plusieurs apprenants doivent faire la même
activité, si l’instanciation de l’activité doit
être la même pour tous les apprenants, ou différente pour
chaque apprenant. Cette contrainte peut être utilisée pour fournir,
par exemple, une évaluation où les énoncés
d’exercices sont différents d’un élève à
l’autre.
La durée de la séance D est un intervalle [Dmin, Dmax] permettant de spécifier une durée minimum et une
durée maximum pour la séquence de travail. Cette contrainte sert
par exemple à adapter la durée de la séquence au temps dont
dispose un enseignant pour faire travailler ses élèves en soutien
ou pour fournir un devoir à la maison personnalisé d’une
certaine durée
Le support d’une séquence d’activités S (cf.
sur la Figure 5) précise les contraintes techniques pour
créer la séquence travail.
La première contrainte concerne le matériel M dont
disposent les apprenants pour effectuer la séquence de travail (papier,
ordinateur ou les deux). Si cette contrainte indique que les apprenants
travaillent sur papier, d’autres contraintes sont alors disponibles :
la longueur de la séquence L, la mise en page MP et le
format de sortie FS.
La longueur de la séquence L est un intervalle
[Lmin, Lmax] permettant de définir
une longueur physique pour la page à imprimer à l’aide
d’un minimum et d’un maximum. Cette longueur physique dépend
des contraintes de mise en page MP.
Les contraintes de mise en page MP permettent de spécifier
la mise en forme des caractères : police, taille, style, etc.
Le format de sortie FS permet de préciser le format de la
feuille d’exercices à imprimer (RTF, HTML...).
Les exceptions Ex permettent de définir des contraintes propres
à certains apprenants dont les profils sont fournis dans LP. Ces
exceptions peuvent porter sur le nombre d’activités NA, la
durée de la séance D, mais aussi le support de la
séquence d’activité S. Elles permettent de prendre en
compte les handicaps temporaires d’un apprenant, leurs contraintes
d’emploi du temps, etc. Un enseignant pourra par exemple faire travailler
tous ses élèves durant la dernière heure de cours de la
journée, sauf ceux qui doivent partir en soutien la dernière
demi-heure.
Les contraintes de création sont toutes optionnelles et peuvent
être combinées. Il est par exemple possible de demander une
séquence d’exercices sur papier (M) contenant entre trois et cinq
exercices (NA) pour une durée totale de trente minutes (D). Dans cet
exemple, les contraintes VE, L, MP, FS ne sont pas définies et aucune
exception n’est précisée. Pour ces contraintes non
définies par l’agent de personnalisation, les séquences
d’activités seront créées à partir des valeurs
par défaut propres au système mettant en œuvre cette
personnalisation. Par exemple, un premier système pourra proposer des
fichiers PDF à imprimer tandis qu’un autre fournira des feuilles au
format HTML.
Les contraintes de présentation CP (cf. sur la Figure 5)
portent sur l’ordonnancement des activités dans la séquence
de travail. Elles ne modifient pas le contenu d’une séquence, mais
permettent de classer les activités en fonction de certains
critères de tri CTk. Les critères portent sur
les métadonnées des activités contenues dans la
séance.
La Figure 6 reprend la Figure 3 en situant les différentes parties du
modèle formel présentées dans cette section.
Figure 6 • Représentation
graphique du modèle PERSUA2
5.3. Exemple d’utilisation du modèle PERSUA2
Pour illustrer l’utilisation du modèle PERSUA2, reprenons le
premier scénario d’usage présenté au début de
l’article (cf. section 2.1.). Dans ce scénario, Dimitri, enseignant
de CE2, souhaite s’appuyer sur les informations dont il dispose sur les
connaissances des six élèves concernés par le soutien pour
proposer des séances de remédiation adaptées à
chacun.
Les séances de soutien ont lieu dans une salle combinant une partie
classique, avec un tableau et des tables, et une partie informatique, avec des
ordinateurs disposant notamment d’un logiciel d’entraînement
aux tables d’addition et de multiplication. Les activités
proposées aux élèves peuvent donc être soit papier,
soit logicielles.
Pour préparer ces séances, Dimitri a créé, pour
chacun des six élèves, un profil contenant des informations sur
leurs compétences en français et en mathématiques. À
titre d’exemple, la Figure 7 montre les profils de Jean et de
Léa.
Figure 7 • Profils de Jean et de
Léa
Pendant ces séances de soutien, Dimitri veut faire travailler les
élèves qui ne maîtrisent pas les compétences de
conjugaison sur un exercice papier de type
P_B171 et ceux qui les
maîtrisent partiellement sur deux exercices papier, l’un de type
P_B18a et l’autre de type P_B18b. Cela revient à regarder la valeur
de l’élément « Français - Conjugaison »
dans le profil de l’élève, élément qui prend
pour valeur la moyenne de ses sous-éléments.
L’échelle associée à cette valeur est la liste
énumérée « non maîtrisé, partiellement
maîtrisé, maîtrisé ». Si la valeur de
l’élève est « non maîtrisé », alors
l’élève aura un exercice papier de type P_B17, si la valeur
est « partiellement maîtrisé », alors
l’élève aura un exercice papier de type P_B18a et un
exercice papier de type P_B18b, enfin si la valeur est «
maîtrisé », l’élève n’aura pas
d’exercice.
Dimitri souhaite également faire travailler les élèves
sur les problèmes additifs. Il souhaite que les élèves ne
maîtrisant pas cette compétence travaillent sur un exercice papier
de type P_C24a, que ceux la maîtrisant partiellement travaillent sur un
exercice papier de type P_C24b et un de type P_C24c et que ceux la
maîtrisant travaillent sur un exercice papier de type P_C24d. Cela revient
à regarder la valeur de l’élément
« Mathématiques – Addition – Savoir résoudre
un problème additif » dans le profil de l’élève.
Cette valeur est définie grâce à un entier allant de 0
à 10. Si la valeur de l’élève est strictement
inférieure à 5 alors l’élève aura un exercice
papier de type P_C24a, si la valeur est comprise entre 5 inclus et 8 exclu,
alors l’élève aura un exercice papier de type P_C24b et un
de type P_C24c, sinon l’élève aura un exercice papier de
type P_C24d.
Dimitri souhaite enfin faire travailler les élèves sur la
multiplication en utilisant le logiciel installé dans la salle
informatique où il se trouve. Il souhaite que les élèves ne
maîtrisant pas la multiplication fassent une activité de type S_A12
sur le logiciel et que les autres fassent une activité de type S_A75,
toujours sur le logiciel. Cela revient à regarder la valeur de
l’élément « Mathématiques - Multiplication
» dans le profil de l’élève, élément qui
prend la valeur de son seul sous-élément. Cette valeur est
définie grâce à un entier allant de 0 à 10. Si la
valeur pour l’élève est strictement inférieure
à 5, il aura une activité logicielle de type S_A12 sur le logiciel
de multiplication, dans le cas contraire il aura une activité logicielle
de type S_A75 sur le même logiciel.
Pour la prochaine séance de soutien, Dimitri souhaite faire travailler
ses élèves en priorité sur la conjugaison, puis sur la
multiplication. Il veut de plus que chacun des élèves fasse entre
trois et quatre activités.
Cette stratégie de création de séances de soutien
personnalisées peut être formalisée grâce au
modèle PERSUA2. Cette formalisation est fournie dans la Figure 8 et peut
être schématisée par la Figure 9. Comme nous le verrons dans
la section 6 de cet article, décrivant la mise en œuvre du
modèle PERSUA2, la façon dont l’enseignant explicitera sa
stratégie de personnalisation est plus proche de la schématisation
de la Figure 9 que de la formalisation de la Figure 8.
Figure 8 • Exemple d'un modèle
de personnalisation
Figure 9 • Schématisation du
modèle de personnalisation de la Figure 8
Pour exploiter ce modèle de personnalisation, une première
étape consiste à comparer les valeurs contenues dans les profils
des élèves avec les conditions des règles
d’affectation définies par l’enseignant afin d’obtenir
la liste des règles activées par le profil, ainsi que la liste des
types d’activités concernées pour chaque règle.
Illustrons cette exploitation à l’aide du profil de Jean (cf.
partie gauche de la Figure 7).
Pour interpréter les règles d’affectation RA1 et RA2, il faut obtenir la valeur de l’élément
« Français - Conjugaison » en faisant une moyenne des
valeurs de ses sous-éléments. On fait tout d’abord la
moyenne de l’élément « Français -
Conjugaison – Présent » qui a pour résultat
« partiellement maîtrisé ». Puis on fait la moyenne
des éléments « Français -
Conjugaison – Présent » et
« Français - Conjugaison - Imparfait » qui a
pour résultat « partiellement
maîtrisé ». Jean a donc la valeur
« partiellement maîtrisé » pour
l’élément « Français -
Conjugaison ». On retient donc la règle d’affectation
RA2.
Pour interpréter les règles d’affectation RA3,
RA4 et RA5, il faut exploiter
l’élément « Mathématiques – Addition
– Savoir résoudre un problème additif ». Jean a 6 pour
cet élément. Or 6 appartient seulement à l’intervalle
d’application de la règle d’affectation RA4 ([5,
8]). On retient donc uniquement la règle RA4.
Pour interpréter la règle RA6, il faut exploiter
l’élément « Mathématiques –
Multiplication ». Jean a 8 pour cet élément (note de
l’unique sous-élément). Or 8 n’appartient pas à
l’intervalle [0, 5[. La règle d’affectation RA6 ayant deux listes de types d’activités, une pour les
élèves validant la condition de la règle et une pour ceux
ne la validant pas. On retient donc la règle RA6 avec la
seconde liste de types d’activités.
La synthèse de cette interprétation des règles
d’affectation en fonction des valeurs du profil de Jean est fournie sur la
partie gauche de la Figure 10.
Figure 10 • Listes des règles
d’affectation, et des types d’activités associés,
activées par le profil de Jean (partie gauche) et par le profil de
Léa (partie droite)
Prenons maintenant le profil de Léa (cf. partie droite de la Figure
7).
Pour interpréter les règles d’affectation RA1 et RA2, il faut obtenir la valeur de l’élément
« Français - Conjugaison » en faisant une moyenne. On
fait tout d’abord la moyenne de l’élément
« Français - Conjugaison – Présent » qui
a pour résultat « maîtrisé ». Puis on
fait la moyenne des éléments « Français -
Conjugaison – Présent » et
« Français - Conjugaison – Imparfait » qui a
pour résultat « maîtrisé ». Léa a
donc la valeur « maîtrisé » pour
l’élément « Français -
Conjugaison ». On ne retient donc aucune des deux règles
d’affectation pour cette élève.
Pour interpréter les règles d’affectation RA3,
RA4 et RA5, il faut exploiter
l’élément « Mathématiques – Addition
– Savoir résoudre un problème additif ». Léa a
une note de 4 pour cet élément et valide donc la condition de la
règle d’affectation RA3.
Pour interpréter la règle d’affectation RA6,
il faut exploiter l’élément « Mathématiques
– Multiplication ». Léa a une note 2 pour cet
élément. On retient donc la règle RA6 avec la
première liste de types d’activités.
La synthèse de cette interprétation des règles
d’affectation en fonction des valeurs du profil de Léa est fournie
sur la partie droite de la Figure 10.
À partir des deux listes contenant, pour chaque élève,
la liste des types d’activités à générer, il
est possible de prendre en compte le contexte d’utilisation
représenté dans le modèle de personnalisation pour obtenir
la liste définitive des activités à générer
pour chaque élève.
Prenons la liste des activités à générer pour
Jean (cf. partie gauche de la Figure 10). Le résultat de
l’application des règles d’affectation sur son profil donne
cinq activités à générer (de type P_B18a, P_B18b,
P_C24b, P_C24c, S_A75). Or le contexte d’utilisation spécifie
qu’il en faut au maximum quatre. Il faut donc en supprimer une.
C’est à ce moment là que le niveau de priorité de la
règle d’affectation entre en ligne de compte. On va supprimer de la
liste l’activité à générer associée
à la règle d’affectation de plus faible niveau de
priorité, soit la règle RA4. Cette règle
étant associée à deux types d’activités, on en
supprime une choisie aléatoirement, soit l’activité à
générer P_C24b. Nous avons donc maintenant une liste
d’activités à générer correspondant à
la fois au profil de Jean, à la stratégie pédagogique de
l’enseignant et compatible avec le contexte d’utilisation (cf.
partie gauche de la Figure 11).
Prenons maintenant la liste des activités à
générer pour Léa (cf. partie droite de la Figure 10). Il y
a pour l’instant deux activités à générer (de
type P_C24a et S_A12), or le contexte d’utilisation spécifie
qu’il en faut au minimum trois. Il faut donc en ajouter une. On va ajouter
l’activité à générer associée à
la règle d’affectation de plus haute priorité, soit la
règle RA6 et l’activité à
générer de type S_A12. Nous avons donc maintenant une liste
d’activités à générer correspondant à
la fois au profil de Léa, à la stratégie pédagogique
de l’enseignant et compatible avec le contexte d’utilisation (cf.
partie droite de la Figure 11).
Figure 11 • Liste des activités
à générer pour Jean (partie gauche) et Léa (partie
droite)
Maintenant que nous avons pour chaque élève la liste des
activités à générer, il reste à les
générer et à créer, à partir des
résultats de la génération, les feuilles d’exercices
à imprimer et les sessions sur le logiciel de conjugaison. Pour les
activités papier, il est nécessaire de posséder des
générateurs d’exercices, ainsi que des connaissances
permettant de combiner ces exercices afin de créer une feuille
d’exercices à imprimer. Pour les activités sur le logiciel
de multiplication, un modèle respectant l’approche GEPPETO et
décrivant ce logiciel permet d’une part de générer
une activité ou de la choisir dans la base d’activités du
système en fonction des contraintes spécifiées par
l’enseignant, et d’autre part de créer les fichiers de
configuration du logiciel permettant de le paramétrer pour chaque
élève. Dans les deux cas, le modèle PERSUA2 s’appuie
sur l’approche GEPPETO (Lefevre, 2009), (Lefevre, 2010) afin de permettre cette création d’activités en fonction des
choix de l’enseignant.
Figure 12 • Résultat du
processus de création de séquences d'activités
personnalisées
À la fin de cette étape de génération des
activités et de création des séquences de travail pour
chaque élève, nous obtenons (cf. Figure 12) :
- Pour Jean :
• une feuille d’exercices à imprimer contenant trois
exercices respectant les types P_B18a, P_B18b et P_C24c ;
• un fichier de configuration pour le logiciel de multiplication
permettant de faire une activité de type S_A75.
- Pour Léa :
• une feuille d’exercices à imprimer contenant un exercice
de type P_C24b ;
• un fichier de configuration pour le logiciel de multiplication
permettant de faire deux activités de type S_A12. Ces activités ne
possèdent pas le même énoncé, mais possèdent
des caractéristiques en commun (par exemple, le nombre de tables à
connaître, ou des tables précises comme celle de 9).
- Pour l’enseignant :
• un bilan contenant un descriptif des activités fournies
à chacun de ses élèves, ainsi que la correction des
activités des feuilles d’exercices papier.
5.4. Architecture du processus de génération de
séquences personnalisées
Nous détaillons à présent formellement
l’architecture du processus d’exploitation du modèle PERSUA2
permettant la génération de séquences
personnalisées.
Figure 13 • Architecture du processus
de génération de séquences d’activités
personnalisées
Le processus prend en entrée trois éléments : les
profils des apprenants (cf. E1 sur la Figure 13), la stratégie
pédagogique de l’enseignant (cf. E2 sur la Figure 13) et le
contexte d’utilisation des séquences d’activités
personnalisées (cf. E3 sur la Figure 13). Il fournit en sortie deux types
d’éléments : les séquences d’activités
adaptées au profil de chaque apprenant (cf. S1 sur la Figure 13) et
un bilan des propositions à destination de l’enseignant (cf. S2 sur
la Figure 13).
Ce processus est constitué de quatre parties : le filtrage des
règles d’affectation (cf. P1 sur la Figure 13), la création
des listes d’activités à générer (cf. P2 sur
la Figure 13), la génération des activités (cf. P3 sur
la Figure 13) et la création de séquences de travail (cf. P4 sur
la Figure 13). Nous présentons, dans la suite de cette section, chacun de
ces constituants.
5.4.1. Filtrage des règles d’affectation
Le processus de filtrage (cf. P1 sur la Figure 13) permet de
sélectionner les règles d’affectation dans lesquelles les
conditions sont validées par les valeurs contenues dans le profil
d’un apprenant.
Pour décrire les profils d’apprenant, nous avons choisi
d’utiliser le formalisme PMDLe (Eyssautier-Bavay, 2008) ; (Jean-Daubias et Ginon, 2010).
Les profils contiennent des données potentiellement de toutes disciplines
et de tous niveaux, issues de profils papier-crayon venant des pratiques en
classe des enseignants, mais également de profils établis par des
logiciels.
La stratégie pédagogique respectant le modèle PERSUA2
rassemble un ensemble de règles d’affectation. Ces règles
d’affectation sont des liens entre des éléments du profil
des apprenants et des structures d’activités contenant un ensemble
de contraintes permettant de générer ou de choisir une
activité.
Les connaissances de sélection des règles d’affectation
en fonction d’un profil permettent d’interpréter les
règles d’affectation représentées dans les
stratégies pédagogiques en fonction des valeurs contenues dans les
profils d’apprenants. Ces connaissances contiennent d’une part des
règles permettant de savoir si les valeurs contenues dans le profil
respectent les conditions des règles d’affectation des
stratégies pédagogiques et d’autre part des formules
permettant de convertir les valeurs du profil dans une échelle
donnée.
Le filtrage des règles d’affectation prend en entrée la
stratégie pédagogique de l’enseignant et un ensemble de
profils d’apprenants. Pour chaque profil, les conditions des règles
d’affectation vont être évaluées pour savoir si elles
sont validées par les valeurs contenues dans le profil. Le cas
échéant, les règles d’affectation sont
ajoutées à la liste des règles applicables pour
l’apprenant. À la fin du filtrage, on obtient autant de listes de
règles d’affectation que l’on avait de profils
d’apprenants en entrée.
5.4.2. Création des listes d’activités à
générer
Le processus de création des listes d’activités à
générer (cf. P2 sur la Figure 13) permet, pour chaque apprenant,
de définir les activités qui doivent être
générées afin qu’il travaille dans les conditions
précisées dans le contexte d’utilisation.
Le contexte d’utilisation permet à l’enseignant de
préciser des contraintes permettant de « borner » les
feuilles d’exercices ou les sessions sur les EIAH,
c’est-à-dire donner une durée pour la séance de
travail, un nombre maximum d’exercices, etc. Le contexte
d’utilisation respecte le modèle PERSUA2.
Les connaissances de mise en œuvre du contexte d’utilisation
permettent d’interpréter les contraintes contenues dans le contexte
d’utilisation et de les mettre en relation avec les règles
d’affectation concernées par un profil. Elles permettent de
déterminer le nombre d’occurrences nécessaire pour chacune
des contraintes sur les activités contenues dans les règles
d’affectation, afin de respecter les contraintes du contexte
d’utilisation. Ces connaissances sont exprimées par des
règles permettant de dupliquer ou de supprimer les activités
à générer contenues dans les règles
d’affectation pour obtenir un nombre d’activités à
générer ou une durée de travail correspondant aux
contraintes du contexte d’utilisation.
La création des listes d’activités à
générer prend en entrée les règles
d’affectation concernées par un profil, ainsi que le contexte
d’utilisation, et retourne la liste des activités à
générer pour créer la séquence de travail d’un
apprenant. Un nombre d’occurrences est associé à ces
activités pour respecter les contraintes de temps, de nombre, etc. du
contexte d’utilisation. À la fin de cette étape, on obtient
autant de listes d’activités à générer que
l’on avait de listes de règles d’affectation et donc de
profils d’apprenants.
5.4.3. Génération des activités
Le processus de génération d’activités (cf. P3 sur
la Figure 13) permet de choisir ou de générer
l’énoncé de l’activité, ainsi que sa correction
en ce qui concerne les activités papier.
Les connaissances de génération d’activités papier
contiennent des patrons d’exercices associés à des
générateurs, respectant tous l’approche GEPPETO (Lefevre, 2010).
Les différents modèles des connaissances
OKEP/x2 permettant la personnalisation
des EIAH x sont des instances du méta-modèle
AKEPI3. Ce méta-modèle,
issu de l’approche GEPPETO (Lefevre et al., 2009),
permet à des experts de définir les connaissances
nécessaires à la personnalisation des EIAH. Nous appelons
« expert », pour chaque EIAH à prendre en charge, le
concepteur de l’EIAH ou toute personne connaissant suffisamment le
logiciel pour le décrire d’un point de vue pédagogique et
d’un point de vue technique. Cette expertise peut être
apportée par plusieurs personnes, chacun ayant sa
spécialité (le développeur du logiciel, un
pédagogue, etc.). Chaque modèle OKEP/x définit par un
expert contient donc la description pédagogique et la description
technique de l’EIAH x. La description pédagogique contient la liste
des propriétés personnalisables de l’EIAH, ainsi que les
règles qui permettent de les gérer. La description technique
regroupe toutes les informations nécessaires pour agir
concrètement sur le système : localisation du système,
des générateurs d’exercices ou de la base d’exercices,
place et contenu des fichiers de configuration et règles permettant de
remplir ces fichiers.
La génération des activités prend en entrée la
liste des activités à générer, ainsi que leur nombre
d’occurrences. Pour chaque activité à générer,
le processus génère le nombre d’activités
demandées en vérifiant éventuellement que
l’énoncé de chaque occurrence est unique et en
s’assurant, dans l’historique de chaque apprenant, que
l’activité générée ne lui a pas
déjà été proposée. Pour générer
les activités papier, le système se sert des
générateurs d’exercices contenus dans les connaissances de
génération d’activités papier. Pour les
activités sur des EIAH externes, le système se sert du ou des
générateurs contenus dans l’EIAH quand ceux-ci existent et
sont utilisables via des fichiers de configuration ; dans le cas contraire,
il choisit les activités dans la base de données de
l’EIAH.
5.4.4. Création des séquences de travail
personnalisées
Le processus de création des séquences de travail
personnalisées (cf. P4 sur la Figure 13) permet de combiner les
activités pour créer des feuilles d’exercices à
imprimer ou des séquences sur un EIAH.
Les connaissances de création de séquences
personnalisées contiennent d’une part les règles permettant
de créer des feuilles d’exercices papier à partir des
activités générées et d’autre part les
règles permettant de créer pour les EIAH externes des
séquences de travail valides.
La création de séquences de travail personnalisées
correspond donc à une mise en forme des activités
générées ou sélectionnées dans
l’étape précédente pour fournir soit une feuille
d’exercices papier à imprimer, soit une séance de travail
sur un EIAH, soit les deux. Dans le cas des EIAH, les connaissances techniques
des modèles OKEP/x sont nécessaires pour pouvoir créer des
fichiers de configuration valides pour chacun des EIAH. En plus des
séquences de travail destinées aux apprenants, le processus
fournit à l’enseignant un bilan contenant le résumé
des séquences proposées, et, dans le cas des activités
papier, leur correction.
À la fin du processus de génération de séquences
personnalisées, on obtient autant de feuilles d’exercices papier
et/ou de configuration d’EIAH que l’on avait de profils
d’apprenants. Les séquences créées sont toujours
proposées à l’enseignant pour validation ou modification
afin de lui laisser jusqu’au bout du processus sa place de
pédagogue.
6. Un logiciel de personnalisation des activités
pédagogiques
Dans cette section, nous présentons la mise
en œuvre que nous avons faite du modèle PERSUA2 et de son processus
d’exploitation, avant de présenter les évaluations
menées sur nos propositions. Nous terminons la section en revenant sur
les scénarios d’usage de la section 2 pour montrer en quoi nos
propositions changent ces situations.
6.1. Mise en œuvre et évaluations du modèle PERSUA2
Le modèle PERSUA2 a été mis en œuvre dans Adapte,
un logiciel intégré à l’environnement informatique
EPROFILEA.
Le rôle de cet environnement est d’assister l’enseignant
dans sa gestion de profils créés par l’enseignant
lui-même ou issus d’EIAH (Jean-Daubias et al., 2009).
Ces profils peuvent porter sur toutes les disciplines et tous les niveaux,
scolaires ou universitaires. EPROFILEA comporte deux parties : la constitution
de profils conformes à l’environnement et leur exploitation.
Le logiciel Adapte est l’une des exploitations possibles des profils :
il permet de fournir à chaque apprenant des activités
adaptées à son profil tout en respectant les choix
pédagogiques de son enseignant. Ces activités peuvent être
des activités papier-crayon proposées par le système ou des
activités logicielles gérées par un autre EIAH (Lefevre et al., 2011a).
Comme Adapte respecte le modèle PERSUA2, son utilisation se fait en
trois étapes : la définition d’une stratégie
pédagogique par l’enseignant (cf. Figure 14), la définition
du contexte d’utilisation par l’enseignant, et enfin la
génération des séquences de travail personnalisées
par le système (cf. Figure 15). Dans cette dernière étape,
lorsque le système propose à l’enseignant les
séquences de travail pour chaque apprenant, l’enseignant peut bien
sûr les modifier si elles ne correspondent pas exactement à ses
souhaits.
Figure 14 • Copie d’écran
du logiciel Adapte : définition par un enseignant d’une
stratégie pédagogique
Figure 15 • Copie d’écran
du logiciel Adapte : proposition par le logiciel d’activités
personnalisées en fonction de la stratégie pédagogique de
la Figure 14
Cette mise en œuvre du modèle PERSUA2 et de son processus
d’exploitation a d’une part montré leur faisabilité
technique et nous a d’autre part permis de les évaluer par des
mises en situation concrètes impliquant des enseignants.
Dans un premier temps, pendant une mise à l’essai de
l’environnement EPROFILEA, nous avons évalué pendant une
journée le modèle PERSUA2 permettant une personnalisation
unifiée de l’apprentissage et le logiciel Adapte le mettant en
œuvre. Cette évaluation s’est faite avec
Bérengère, une enseignante de français au collège,
que l’on peut qualifier de non experte puisque, d’une part, elle
n’est jamais intervenue dans la conception des modèles ou des
outils proposés dans le cadre de ce projet et, d’autre part, elle
n’est pas une utilisatrice avancée de l’informatique.
Pour pouvoir évaluer le modèle PERSUA2, nous avons tout
d’abord demandé à Bérengère de définir
sur papier la façon dont elle utiliserait les profils d’apprenants
qu’elle avait précédemment créés dans
EPROFILEA, pour proposer des séquences de travail adaptées
à chacun de ses élèves. Pendant deux heures, elle a ainsi
défini des règles de personnalisation pouvant s’appliquer
à des profils contenant 21 éléments. Ces
éléments étaient définis pour neuf d’entre eux
selon une échelle numérique (une note de 0 à 10) et pour
les douze autres selon une échelle textuelle ordonnée (une liste
énumérée de deux ou trois éléments selon les
cas). Ces règles établissaient un lien entre la valeur d’un
ou plusieurs des éléments du profil des élèves et
des descriptifs d’exercices.
Une fois « son modèle » de personnalisation
établi, nous avons demandé à Bérengère de le
retranscrire dans le logiciel Adapte en créant la stratégie
pédagogique correspondante. Pour cela, nous avons préalablement
créé des structures d’activités correspondant
à la description qu’elle avait faite des exercices. Cette
étape préliminaire a été menée afin que
l’évaluation de la partie principale d’Adapte (la
création des règles d’affectation des activités aux
apprenants), et donc du modèle PERSUA2, ne soit pas biaisée par
des problèmes lors de la création des structures
d’activités. La création de la stratégie
pédagogique par Bérengère à partir de ses notes
papier a duré une heure et a abouti à la création
d’une stratégie pédagogique contenant 24 règles
d’affectation des activités aux apprenants.
Le logiciel Adapte, et donc le modèle PERSUA2 sur lequel il
s’appuie, ont permis à Bérengère de créer une
stratégie pédagogique correspondant entièrement à
ses notes papier. Néanmoins, nous avons dû lui expliquer comment
utiliser les opérateurs « et, ou » afin de traduire
certaines de ses règles de personnalisation. De plus, dans certains cas,
elle aurait souhaité contraindre l’enchaînement des exercices
proposés. Par exemple, pour des élèves ayant une
difficulté donnée, leur faire faire l’exercice 1, puis
s’ils ont réussi cet exercice, leur faire faire alors
l’exercice 2, sinon l’exercice 3. Cette utilisation est une
utilisation détournée du logiciel Adapte et le modèle
PERSUA2 ne permet pas de créer ce type de règles. Toutefois, en
modifiant l’énoncé des exercices, elle a pu décrire
cette règle de la façon suivante « si un
élève a telle difficulté alors lui faire faire les
exercices 1, 2 et 3 ». Les contraintes sur l’enchaînement
des exercices ont alors été intégrées au
début du deuxième exercice par la phrase « Si vous avez
réussi l’exercice précédent, passez à
l’exercice 3, sinon faites uniquement cet exercice. ».
Une fois la stratégie pédagogique définie, nous avons
lancé la génération des séquences
personnalisées pour une de ses deux classes de 6ème.
Pour cette classe de 23 élèves, la génération des
séquences et leur enregistrement au format HTML a duré moins de 10
secondes. Afin de valider le processus associé au modèle PERSUA2
et sa mise en œuvre dans Adapte, nous avons étudié les 23
séquences d’activités générées et nous
avons pu vérifier que chacune correspondait bien à la
personnalisation que souhaitait mettre en place Bérengère.
Pour terminer cette évaluation, Bérengère a
créé une seconde stratégie pédagogique sur une autre
structure de profils d’apprenant, mais en utilisant cette fois directement
le logiciel Adapte. Cette création a duré 25 minutes pour une
stratégie contenant 13 règles.
Dans un second temps, nous avons effectué une évaluation
similaire avec Hélène, une enseignante de classe
spécialisée. Hélène devait dans sa pratique
quotidienne proposer à la main des activités entièrement
personnalisées pour chacun de ses cinq élèves en situation
de handicap. L’évaluation s’est déroulée de la
même manière : elle a permis à Hélène de
définir sur papier, puis avec Adapte, une stratégie
pédagogique adaptée à ses besoins. L’exécution
de cette stratégie a permis la définition de séquences
d’activités adaptées aux élèves
d’Hélène.
Par ailleurs, nous avons mis Adapte à l’essai d’une part
auprès d’une vingtaine de chercheurs dans le cadre de
l’école d’été du CNRS consacrée à
la personnalisation des EIAH, et d’autre part auprès d’une
centaine d’étudiants de Master 1 Informatique suivant une option
EIAH. Ces utilisateurs n’appartenant pas au public cible d’Adapte,
ce test n’a pas de valeur de validation, mais il donne toutefois des
indications sur l’utilité et l’utilisabilité de
l’outil. Ces différents utilisateurs avaient pour consigne
d’utiliser Adapte en adoptant le rôle d’un enseignant. Ils ont
pu définir des stratégies pédagogiques, et les
exécuter pour obtenir une séquence pédagogique
entièrement personnalisée pour chaque apprenant.
6.2. L’apport d’Adapte dans les scénarios
Nous avons présenté au début de cet article trois
scénarios montrant les enjeux de la personnalisation des activités
pédagogiques dans les pratiques des enseignants, puis nous avons mis en
évidence les freins actuels à leur mise en œuvre. Revenons
à présent sur ces scénarios pour montrer en quoi le
modèle PERSUA2 et l’implémentation qui a en
été faite dans le logiciel Adapte pourraient
s’intégrer aux trois scénarios, dans le but
d’alléger la charge de travail de l’enseignant.
6.2.1. Aide personnalisée à l’école primaire
Dimitri, enseignant de CE2, encadre des séances de soutien pour les
élèves en difficulté de son établissement. Pour
préparer le contenu de ces séances, il souhaite s’appuyer
sur toutes les informations dont ses collègues et lui disposent sur les
connaissances des élèves (connaissances qu’ils ont des
élèves, données issues des évaluations nationales et
profils d’élèves créés par le logiciel
AMBRE-add) pour proposer des séances de remédiation
adaptées à chacun des élèves, soit sous forme
papier-crayon, soit avec des logiciels d'apprentissage.
Avec l’environnement EPROFILEA, Dimitri et ses collègues peuvent
récupérer la structure de profils correspondant aux
évaluations nationales (c’est-à-dire le modèle des
profils correspondants) et la fusionner avec celle correspondant au profil du
logiciel AMBRE-add. Ils peuvent ainsi remplir cette unique structure de profils
avec les données de tous les apprenants. Au final, les enseignants
disposent d’un profil par élève contenant toutes les
informations issues des évaluations nationales et du logiciel AMBRE-add.
Chaque enseignant peut ensuite compléter la structure de profils pour
ajouter les informations dont il a besoin, puis compléter le profil de
ses élèves.
À partir de la structure de profils commune à tous les
enseignants, chaque enseignant peut définir dans Adapte sa
stratégie pédagogique pour le soutien, permettant de créer
des activités uniquement sur papier, uniquement sur un ou plusieurs
logiciels pédagogiques qu’il connait, ou combinant les deux
supports.
L’enseignant encadrant la séance de soutien, ici Dimitri, peut
ainsi, pour chaque élève présent, obtenir une
séquence de travail adaptée aux buts pédagogiques de
l’enseignant habituel de l’élève. Pour cela, Dimitri
récupère la stratégie pédagogique de
l’enseignant habituel de l’élève, définit le
contexte d’utilisation propre à la séance de soutien (temps,
matériel et logiciels disponibles) et demande la création
d’une séance de travail adaptée au profil de
l’élève. Dimitri peut faire cela pour les six
élèves de sa séance.
Avec l’environnement EPROFILEA et le module Adapte, Dimitri et ses
collègues peuvent mutualiser les informations dont ils disposent sur
leurs élèves (informations issues des enseignements classiques ou
des séances de soutien) et obtenir rapidement des séances de
remédiation adaptées à chacun des élèves
concernés. Après un travail de mise en place du dispositif, ils
gagnent le temps de traitement de chaque profil puisqu’ils ne le font
qu’une seule fois lors de la définition de la stratégie
pédagogique. Le traitement des profils est ensuite fait à chaque
fois par Adapte.
6.2.2. Combiner remédiation et approfondissement
Hélène, professeur d’anglais au collège, souhaite,
avec chacune de ses classes, faire une séance d’une heure en salle
informatique durant laquelle ses élèves travailleront une
demi-heure sur des logiciels pédagogiques et une demi-heure avec elle en
remédiation ou en approfondissement. Durant cette séance, elle
souhaite que les logiciels qu’elle fait utiliser à ses classes
aient des sessions adaptées aux besoins des élèves, ce qui
n’est actuellement pas le cas.
Avec EPROFILEA, Hélène peut définir une structure de
profils, puis la compléter avec ses propres données afin de
créer un profil par élève. Ensuite, dans Adapte, elle peut
définir une stratégie pédagogique indiquant que les
élèves ayant des difficultés de prononciation doivent
travailler sur le logiciel Sephonics, tandis que les autres doivent apprendre du
nouveau vocabulaire grâce aux logiciels Planet English et VocabOne. Pour
chaque logiciel, elle peut paramétrer les activités que les
élèves devront faire, en choisissant par exemple les thèmes
pour le vocabulaire à étudier dans VocabOne. Pour obtenir des
séquences de travail d’une demi-heure, elle définit son
contexte d’utilisation. À partir du profil des
élèves, Adapte peut ainsi lui proposer une séquence de
travail adaptée à chaque élève sur un ou deux des
logiciels pédagogiques.
En utilisant l’environnement EPROFILEA et plus particulièrement
le module Adapte, Hélène peut créer des profils pour ses
élèves afin d’obtenir des séquences de travail
adaptées. L’avantage majeur de cette approche est
qu’Hélène n’a pas à maîtriser trois
outils, mais un seul pour personnaliser les trois logiciels pédagogiques.
Ceci nécessite évidemment qu’une personne connaissant bien
ces logiciels ait défini leurs modèles OKEP, ce qui est fait une
seule fois et peut ensuite profiter à tous les enseignants utilisant
Adapte.
6.2.3. Plan licence à l’université
Lucie est maître de conférences en informatique. Dans le cadre
de ses enseignements, elle utilise un ENT contenant un profil pour chacun de ses
étudiants ainsi qu’un ensemble de ressources
pédagogiques.
Adapte peut utiliser les profils des étudiants de l’ENT pour
proposer à chacun d’entre eux des ressources à consulter
dans l’ENT. Pour cela, Lucie doit intégrer les profils de
l’ENT à l’environnement EPROFILEA, puis définir dans
Adapte sa stratégie pédagogique indiquant quelles ressources
fournir en fonction du contenu ou de l’évolution du contenu du
profil des étudiants.
Comme Dimitri, en utilisant Adapte, Lucie gagne le temps d’analyse de
tous les profils des étudiants.
7. Discussion
Notre revue de l’existant montre qu’il
n’y avait pas jusqu’à maintenant de tentative
d’unification des approches permettant une personnalisation des
activités d’apprentissage. En fonction des problématiques
qu'ils abordent, les différents travaux existants ne traitent qu'une
sous-partie de la question de la personnalisation de l’enseignement. Il
n’existe donc aucun système, en dehors d’Adapte, permettant
une personnalisation externalisée des activités papier et de
plusieurs EIAH, en adaptant les séquences d’activités
proposées aux apprenants à partir de leur profil, tout en laissant
intervenir l’enseignant dans les choix de personnalisation. Toutefois,
d’autres approches utilisent des règles pédagogiques
d’adaptation à l’apprenant.
Ainsi, dans le projet LINGOT, des stratégies d’apprentissage
sont proposées à l’enseignant pour chacun de ses apprenants.
Pour cela, le système PépiStéréo (Vincent et al., 2005) attribue un stéréotype à chaque apprenant, chaque
stéréotype ayant préalablement été
associé à une stratégie d’apprentissage.
Contrairement aux stratégies pédagogiques du modèle
PERSUA2, qui vont permettre de créer pour chaque apprenant une
séquence de travail personnalisée, les stratégies
d’apprentissage du projet LINGOT contiennent une suite
d’étapes permettant de faire travailler tous les apprenants
associés à un stéréotype. Ces étapes
contiennent des exemples d’exercices, ainsi qu’une liste
d’EIAH pouvant être utilisés pour faire ce type
d’exercices. Dans PépiStéréo, plusieurs apprenants
pourront donc être associés à la même stratégie
d’apprentissage et c’est l’enseignant qui devra construire la
séquence de travail à partir des indications de la
stratégie d’apprentissage. De plus, il existe un nombre
limité de stratégies d’apprentissage et celles-ci sont
spécifiques au domaine de l’algèbre
élémentaire.
Si l’on revient sur les outils auteurs, plusieurs d’entre eux
tels que REDEEM (Ainsworth, 2000),
GTE (Van Marcke, 1998),
Smart Trainer (Chen et al., 1998) et Eon (Murray, 2003a) permettent aux enseignants créant un logiciel pédagogique de
paramétrer des modèles de stratégies pédagogiques.
Certains de ces outils auteurs ont été définis en
respectant le méta-modèle KBT-MM (Murray, 2003b).
Ce méta-modèle est un guide permettant de proposer des outils
auteurs qui permettent de construire des tuteurs intelligents. Dans les tuteurs
créés, les connaissances relatives au contenu pédagogique
sont séparées des stratégies pédagogiques. Mais les
unes comme les autres sont incluses dans le tuteur créé. De la
même manière, dans le domaine des hypermédias adaptatifs,
des outils auteurs permettent de définir des hypermédias en
séparant le contenu des stratégies d’adaptation. Par
exemple, en utilisant de langage LAG (Cristea et Calvi, 2003),
il est possible de définir des règles d’adaptation
réutilisables pour des hypermédias adaptatifs construits selon le
modèle LAOS (Cristea et De Mooij, 2003).
Le modèle PERSUA2 repose également sur une séparation du
contenu pédagogique et des stratégies pédagogiques. Mais
dans notre approche, un système exploitant le modèle PERSUA2,
comme le logiciel Adapte, utilise des connaissances sur le contenu
pédagogique de divers EIAH. Ces connaissances sont fournies par des
experts grâce à l’approche GEPPETO qui permet
d’acquérir ces connaissances et de les exploiter (Lefevre, 2010).
En complément de ces connaissances, un système comme Adapte permet
à l’enseignant de définir ses propres stratégies
pédagogiques, et pas uniquement la stratégie pédagogique
mise en place par le concepteur d’un EIAH qui aura utilisé un outil
auteur respectant le méta-modèle KBT-MM ou le modèle LAOS.
Contrairement aux stratégies définies selon ces modèles,
celles définies selon le modèle PERSUA2 peuvent aussi porter sur
plusieurs EIAH. Ainsi, le modèle PERSUA2 peut être utilisé
dès lors que les EIAH sont configurables (via des fichiers de
configuration ou des interfaces) et ce quel que soit leur type (tuteur
intelligent, simulateur, micromonde...).
Ces deux approches reposent donc sur le même principe de
séparation entre contenu et stratégies pédagogiques, mais
le modèle PERSUA2 généralise les principes de KBT-MM ou de
LAOS en permettant d’externaliser la définition des
stratégies pédagogiques non pas dans un outil auteur, mais dans un
outil servant d’interface entre l’enseignant et les
différents EIAH à configurer. Cette externalisation permet de
personnaliser des logiciels existants, quelle que soit leur provenance (logiciel
conçu à partir d’outils auteurs ou directement), qui
n’incluent pas de stratégie pédagogique à
l’origine, mais également ceux qui ont des stratégies
pédagogiques décrites dans des fichiers de configuration ou
modifiables via une interface.
Le modèle de personnalisation PERSUA2 n’a à notre
connaissance pas d’équivalent à l’heure actuelle. Il a
été défini suite à des entretiens avec des
enseignants pour identifier leurs pratiques en matière de
personnalisation. Nous avions à la fin de la section 2 de cet article
identifié un ensemble de verrous à lever pour dépasser les
limites des approches existantes en termes de personnalisation de
l’apprentissage :
- Comment prendre en compte les individualités des
apprenants ? Comment diminuer la charge de travail d’un enseignant
quand il traite les informations relatives aux apprenants ?
- Comment prendre en compte les besoins et habitudes de travail des
enseignants concernant le choix des activités à utiliser dans leur
enseignement ? Et donc comment homogénéiser du point de vue
de l’enseignant les outils de personnalisation des activités
pédagogiques (générateurs d’exercices papier et
interfaces de paramétrage des EIAH) ?
- Comment aider l’enseignant à affecter des
activités en fonction des individualités des apprenants ?
L’approche que nous avons présentée permet
d’aborder ces verrous. Nous avons en effet montré que le logiciel
Adapte permet à l’enseignant qui a explicité sa
stratégie pédagogique d’être déchargé du
traitement de chaque profil d’apprenant et de la génération
d’activités adaptées. Cet enseignant n’a plus besoin
d’utiliser plusieurs outils, Adapte lui permettant de
générer des exercices papier, ainsi que des séquences sur
des EIAH variés.
Le modèle PERSUA2 n’est pas exhaustif, mais il possède
l’avantage d’être ouvert. Il a en effet été
conçu afin d’être extensible et peut ainsi évoluer
pour prendre en compte de nouvelles pratiques ou de nouveaux besoins
éducatifs. Pour l’instant, le modèle PERSUA2 permet la
personnalisation d’activités papier et de logiciels
pédagogiques utilisés individuellement par les apprenants. Comme
il est ouvert, il devrait permettre, à moindre coût,
d’intégrer de nouveaux types d’EIAH, comme ceux proposant des
situations d’apprentissage collaboratives ou collectives.
8. Conclusion
La recherche présentée dans cet
article consistait à définir un processus qui permette à la
fois de personnaliser des séances de travail sur papier et des
séances de travail sur des logiciels pédagogiques. Nous
souhaitions que ce processus permette de prendre en compte les
spécificités de chaque apprenant, en s’appuyant sur son
profil, mais qu’il prenne également en compte les buts et les
habitudes pédagogiques des enseignants. Enfin, nous souhaitions que ce
processus puisse être mis en œuvre dans un système unique
externe aux divers logiciels à personnaliser.
Pour répondre à cette problématique, nous avons
proposé le modèle PERSUA2 qui permet de lier des contraintes sur
profils à des contraintes sur activités. Ces liens, nommés
règles d’affectation, sont ensuite hiérarchisés selon
leur degré de priorité pour former une stratégie
pédagogique qui sera associée à un ou plusieurs contextes
d’utilisation. Nous avons mis en œuvre ce modèle dans Adapte,
un logiciel intégré à l’environnement informatique
EPROFILEA. Adapte permet de fournir des séquences de travail
adaptées au profil de chaque élève et aux buts
pédagogiques de l’enseignant.
Le modèle PERSUA2 est, à notre connaissance, le premier
modèle permettant à un enseignant, quel que soit le domaine
qu’il enseigne, de créer des séquences de travail propres
à chaque apprenant, séquences pouvant être effectuées
sur plusieurs supports, papier et/ou logiciels.
Les premières études menées sur le modèle PERSUA2
et sur sa mise en œuvre dans le logiciel Adapte ont montré
l’utilité du modèle et la pertinence des personnalisations
proposées par notre logiciel. Ces évaluations ont également
mis en évidence la complexité de la tâche demandée
aux enseignants lors de la formalisation de leurs règles de
personnalisation. Pour cet aspect critique du processus de personnalisation, il
apparaît donc essentiel d’assister l’enseignant avec une aide
et des outils appropriés. Fournir une telle assistance est un processus
complexe qui soulève plusieurs questions et oriente vers de nouvelles
perspectives de recherche. Comment apporter une aide pertinente sans perturber
l’enseignant dans sa tâche principale ? Que nécessite
une telle approche ? De quelles connaissances le système
d’assistance doit-il être doté pour que l’aide
apportée soit à la fois personnalisée, pertinente dans le
contexte de la tâche et cohérente avec les pratiques
pédagogiques de l’enseignant ? Comment exploiter les
interactions entre l’enseignant et le système pour acquérir
de nouvelles connaissances et donc améliorer au fil des usages
l’efficacité de l’assistance proposée ? Pour
répondre à ces questions nous envisageons notamment de nous
appuyer sur le paradigme du raisonnement à partir de
l’expérience tracée (Cordier et al., 2010).
Disposer d’un outil d’assistance flexible et répondant de
façon simple aux besoins des utilisateurs est un atout majeur pour tout
outil, en particulier parce qu’il accroît les chances que
l’utilisateur s’habitue à l’environnement, le fasse
sien et l’exploite à la hauteur des possibilités qu’il
offre.
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Systems. Los Altos, CA, Morgan Kaufmann.
À
propos des auteurs
Marie LEFEVRE est en post-doctorat au LIRIS au sein de
l'équipe SILEX (Supporting Interaction and Learning by Experience). Ses
recherches portent sur la personnalisation de l’apprentissage, et
notamment sur la proposition de modèles et d’outils
génériques permettant à chaque enseignant d’obtenir,
pour chacun de ses élèves, des activités
pédagogiques adaptées d’une part à ses intentions
pédagogiques et d’autre part au profil de
l’élève. Elle s’intéresse également
à l'étude des interactions utilisateur pour la construction
d'outils d'assistance dynamiques et adaptables, notamment au sein de wikis
sémantiques distribués.
Adresse : Université de Lyon, CNRS
- Université Lyon 1, LIRIS, UMR5205, F-69622, France
Courriel : Marie.Lefevre@liris.cnrs.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/marie.lefevre/
Nathalie GUIN est maître de conférences en
informatique à l'Université de Lyon. Elle est rattachée au
LIRIS (Laboratoire d'InfoRmatique en Images et Systèmes d'information,
UMR 5205) au sein de l'équipe SILEX (Supporting Interaction and Learning
by Experience). Ses recherches portent sur les systèmes à base de
connaissances pour les EIAH. Ses thèmes d'intérêt actuels
sont liés à la personnalisation des EIAH : interprétation
des traces d'activités, profils d'apprenants, génération
d'activités adaptées. L'ensemble des ces thématiques de
recherches sont mises en œuvre au sein du projet AMBRE.
Adresse : Université de Lyon,
Lyon, F-69003, France ; Université Lyon 1, Lyon, F-69003, France ; LIRIS
- UMR5205, Villeurbanne, F-69622, France
Courriel : Nathalie.Guin@liris.univ-lyon1.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/nathalie.guin
Stéphanie JEAN-DAUBIAS est professeur en
informatique à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Elle est
rattachée au LIRIS (Laboratoire d'InfoRmatique en Images et
Systèmes d'information, UMR 5205) au sein de l'équipe SILEX
(Supporting Interaction and Learning by Experience). Ses recherches portent sur
l’ingénierie des profils d’apprenants et la personnalisation
des apprentissages. Elles sont mises en œuvre, principalement au sein des
projets PERLEA et AMBRE, sous forme d’outils d’assistance
destinés aux enseignants.
Adresse : Université de Lyon, CNRS
- Université Lyon 1, LIRIS, UMR5205, F-69622, France
Courriel : Stephanie.Jean-Daubias@liris.univ-lyon1.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/stephanie.jean-daubias/
1 L’identifiant des types
d’activités (par exemple P_B17) est créé de la
façon suivante : une première lettre indiquant s’il
s’agit d’activités papier (P) ou logicielles (S) ; une
seconde lettre représentant le générateur ou l’EIAH
concerné (par exemple B pour des activités portant sur des
illustrations) ; un numéro incrémental qui permet de rendre
l’identifiant unique ; éventuellement des compléments
textuels saisis librement par le créateur du type
d’activités.
2 Le terme OKEP/x signifie
« Operational Knowledge Enabling Personalization of the ILE
x » où ILE signifie « Interactive Learning
Environments ».
3 Le terme AKEPI signifie
« Acquisition of Knowledge Enabling Personalization of
ILEs » où ILE signifie « Interactive Learning
Environments ».
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