Individualisation de parcours d’apprentissage :
potentiel de blogs
Catherine LOISY (IFE – ENS-Lyon)
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RÉSUMÉ : Cet
article examine l'individualisation de parcours d’apprentissage, dans le
cadre de l’utilisation de blogs. La théorie des genèses
instrumentales permet de définir les caractéristiques de
l'environnement numérique soutenant la construction de compétences
relatives à l’identité numérique et à
l’orientation ; elle conduit à mettre en place des
e-portfolios. La notion de tutorat donne un cadre pour analyser la gestion de
l’apprendre. La recherche interroge les pratiques d’enseignants de
trois classes du secondaire. La manière dont les enseignants
gèrent les apprentissages de leurs élèves est
analysée en termes d'acceptabilité des artefacts, et de soutien
des dimensions cognitives et affectives dans l'apprentissage. Par rapport
à l’individualisation des apprentissages, des variations sont
observées entre les données collectées, mais elles ne sont
pas liées à des différences de compétences
numériques des enseignants.
MOTS CLÉS : Individualisation,
e-portfolio, identité numérique, orientation active,
genèses instrumentales, gestion de l’apprendre. |
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ABSTRACT : The
present paper examines individualization of learning paths, in the context of
the use of blogs. The theory of instrumental genesis permits defining the
characteristics of the digital environment supporting development of
competencies related to digital identity and guidance, and leads to the
implementation of e-portfolios. Tutoring provides a framework for analyzing
learning management. This research examines the practices of teachers from three
high school classes. Teacher management of student learning is analyzed in terms
of the acceptability of artefacts, and of supporting cognitive and affective
dimensions in learning. In relation to the consideration of individualized
learning, there are differences between the collected data, but these cannot be
explained by differences in the teachers’ digital competencies.
KEYWORDS : Individualization,
e-portfolio, digital identity, career guidance, instrumental genesis, learning
management. |
1. Introduction
En France, les compétences relatives à
l’informatique et l’Internet des élèves sont
désormais évaluées à tous les niveaux de la
scolarité obligatoire. Cependant, avec l’évolution constante
des potentialités du numérique, de nouvelles questions
apparaissent régulièrement qui soulignent les limites des
référentiels. Ainsi, avec l’essor des réseaux
sociaux, se pose la question de l’identité numérique.
Parallèlement, pendant longtemps, l’orientation des
élèves en France était décidée par
l’institution, mais les choses changent ; aujourd'hui, il est
demandé à l’élève de s’investir dans son
projet d’orientation et les compétences relatives à ce
projet sont évaluées officiellement en fin de collège. La
construction du projet d’orientation passe par une réflexion sur
soi : il faut permettre à la personne à la fois de
conscientiser les formes identitaires qui lui paraissent souhaitables et
d’identifier les activités et interactions susceptibles de
permettre de se construire dans ces formes (Guichard et Huteau, 2005).
Pour ces deux visées, l’identité numérique et
l’orientation, la construction de l’identité est centrale.
Dans ce contexte, le projet INO(1) (Identité numérique
et orientation) vise à faire en sorte que les enseignants construisent
des situations pédagogiques dans lesquelles les élèves
travaillent leur projet d’orientation tout en développant des
compétences relatives à leur identité numérique.
Soutenir cette construction identitaire potentiellement permise nécessite
une individualisation des parcours d’apprentissage et de
développement des élèves. Cet article interroge comment
cette individualisation des parcours peut exister, via l’usage
d’environnements numériques, dans des classes ordinaires,
l’une de collège, les autres de lycée.
On parle d’identité numérique pour désigner les
représentations d’une personne qui sont présentes dans les
systèmes d’informations. L’identité numérique
est liée à l’avènement du Web qui offre des
possibilités d’expression avec les blogs, les forums, les
réseaux sociaux, etc. : on peut observer la multiplication de
données personnelles sur la toile. Cette représentation de soi
émanant directement de ce que l’usager décide de montrer de
lui-même en le saisissant sur la toile est l’identité
déclarative au sens de George (George, 2009). A
son propos, Cardon (Cardon, 2008) note que les usagers n’hésitent pas à entrer en relation
avec des inconnus, voire à montrer des traits de leur identité sur
lesquels on aurait pu supposer une certaine réserve. Une étude (Varga et Caron, 2009) indique que, chez les étudiants, une certaine porosité existe
entre les sphères privée et institutionnelle “dans la
mesure où leurs réseaux sociaux et les amitiés sont souvent
liés à leur formation” (p. 12) et alors même que
cette porosité n’est pas présente dans leurs
représentations. Par ailleurs, l’identité numérique
évolue aussi indépendamment des actions volontaires des personnes (George, 2009).
L’auteur distingue deux types de représentations de soi sur le Web
qui échappent partiellement à l’usager ;
l’identité agissante se compose des signes
interprétés par les systèmes d’information à
partir des activités de l’usager sur la toile (par exemple, les
connexions sur Google permettent au système de repérer à
quoi s’intéresse l’usager) ; l’identité
calculée est le produit des calculs du système d’information
(par exemple, le nombre d’amis sur Facebook). Pour Merzeau (Merzeau, 2010),
les usagers devraient avoir une visibilité sur la
traçabilité et apprendre à anticiper l’indexation que
peut mettre en place le système dès le dépôt de leurs
données. L’auteur souligne également que, pour
contrebalancer cette part passive grandissante, il faut encourager les usagers
à participer activement à la production de leur identité et
renforcer leur projet d’habiter l’espace numérique.
Pour ce qui concerne l’orientation, le Conseil Européen de
Lisbonne (2000) a défini une stratégie pour dix années, le
programme Éducation et formation 2010, avec un engagement de
l’Union Européenne à réformer sa politique
d’éducation et de formation en donnant une place centrale à
l’orientation. La conférence de Jyväskylä (Finlande) en
2006 prône le déploiement de politiques nationales
d’orientation tout au long de la vie. En France, depuis 2009, la
publication d’une circulaire(2) met l’accent sur la prise
en charge, par l’élève, de son orientation. Le texte dit que
l’élève doit construire un projet d’orientation en
s’appuyant sur sa personnalité, par une prise de conscience de ses
aspirations et compétences. On doit également lui donner
accès aux possibilités d’orientation scolaire et de
métiers. L’élève est accompagné par
l’équipe éducative, dont les enseignants. Au collège,
le socle commun de connaissances et de compétences(3) (socle
commun) précise que l’élève doit développer sa
“capacité à s'orienter tout au long de la vie”.
L’éducation à l’orientation se fonde sur la perception
de l’environnement comme mouvant (Pelletier et Dumora, 1984).
Dans ce contexte, il s’agit de faire acquérir à
l’élève une compétence susceptible de le rendre
capable d’analyser les éléments de soi et la structure du
monde environnant afin de développer des stratégies
d’ajustement, compétences ne s’inscrivant pas uniquement dans
le temps présent, mais censées être pérennes.
Comme cela a été mentionné, la construction de
l’identité est centrale dans les deux visées du projet,
l’identité numérique et l’orientation. Processus
psychique majeur, l’identité est un ensemble de
“caractéristiques physiques, psychologiques, morales,
juridiques, sociales et culturelles à partir desquelles la personne peut
se définir, se présenter, se connaître et se faire
connaître, ou à partir desquelles autrui peut la définir, la
situer, ou la reconnaître” (Tap, 1979, p.8). Sa
construction progressive commence dès l’enfance et se poursuit
à l’âge adulte dans les confrontations avec d’autres
personnes. Pour Jorro (Jorro, 2009, p. 4), “L’engagement dans une
dynamique de professionnalisation s’accompagne de prises de consciences
successives, parfois coûteuses : nécessité de se
connaître pour élaborer un projet, de se dégager des
formulations vagues pour cibler des enjeux d’apprentissage.” Ce
cadre parait transposable malgré les différences entre les
populations concernées par ces recherches.
Le cadre théorique conduit à proposer l’usage de
portfolio numérique ou e-portfolio pour soutenir
l’individualisation des apprentissages et du développement et
l’articule avec la nécessité de mettre en place une gestion
des dispositions à apprendre.
2. Cadre théorique
2.1. Cadre général
La recherche INO est axée sur une
épistémologie ancrée dans le socioconstructiviste où
la connaissance se construit dans l’interaction entre un sujet et
l’objet à connaître, par le biais d’interactions
sociales. Dans la perspective piagétienne e.g. (Piaget, 1937),
l’interaction sujet-objet construit à la fois la connaissance de
l’objet et participe du mode d’élaboration de la connaissance
au sens plus général d’intelligence ; c’est en
expérimentant le réel que le sujet construit, et la connaissance
de l’objet, et la connaissance de son expérience. Il existe un
double mouvement de transformation du milieu par l’action du sujet et de
transformation du sujet par son action sur le milieu. Vygotski qui
s’intéresse également au développement du sujet,
insiste sur le statut social du fonctionnement humain et modélise le
rôle d’autrui dans la construction des processus cognitifs, sans
ôter le caractère individuel de l’apprentissage. C’est
l’interaction sujet-objet-autrui qui construit à la fois la
connaissance de l’objet et participe du mode d’élaboration de
la connaissance au sens plus général d’intelligence, et qui
sous-tend le développement du sujet. Dans cette théorie,
l’apprentissage permet le développement.
L’activité humaine est une activité de transformation
d’objets. Capable d’être l’acteur de ses dynamiques
d'évolution, “à la fois sujet d’activités
productives au quotidien et sujet d’activités constructives, par
lesquelles il modèle ses systèmes de ressources et de valeurs, ses
domaines, situations et conditions d’activités pour le
futur” (Rabardel, 2005/2009, p. 13), le sujet produit,
c'est-à-dire qu’il agit et transforme des objets du monde qui
l’entoure ; il construit, c'est-à-dire que, lorsqu’il
produit, son activité le façonne en retour. On parle
d’activité constructive pour désigner
l’activité qui vise à produire des moyens pour une
activité future (Rabardel et Samurçay, 2003).
Pour ce faire, le sujet dispose d’instruments psychologiques qui
soutiennent ses actions et son activité de transformation (Vygotski,
1934/1985). En observant de très près l’activité et
les dires de jeunes enfants aux prises avec un “problème”,
l’auteur montre le statut d’instrument du langage : le
“langage extérieur”, que Piaget qualifie
d’égocentrique, joue un rôle dans la prise de distance
progressive de l’enfant par rapport à son action, puis il
s’intériorise précisément quand il est devenu un
instrument suffisamment efficient. Les instruments sont ainsi
“incorporés au corps agissant” (Rabardel, 2005/2009,
p. 15). Dans le monde contemporain, l’homme dispose de nombreux objets
anthropotechniques ou artefacts (Rabardel, 1995) qui augmentent sa capacité d’action, mais ces artefacts ne sont pas
a priori des instruments, ils le deviennent lorsqu’ils acquièrent
cette double nature d’extension à la fois interne et externe au
sujet, entité alliant composante artefactuelle (artefact matériel
ou symbolique) et composante schématique (schèmes
associés). Les instruments sont avant tout des moyens
d’actions ; le sujet développe des instruments pour soutenir
son action de transformation des objets de son environnement. Ces instruments
médiatisent les rapports du sujet aux objets de son
activité ; du sujet à lui-même ; du sujet à
autrui.
Quatre types de médiations dans l’activité productive et
dans l’activité constructive peuvent être distingués (Béguin et Rabardel, 2000) :
- les médiations pragmatiques orientées vers
l’action sur l’objet de l’activité ;
- les médiations épistémiques orientées
vers la connaissance de l’objet lui-même ;
- les médiations heuristiques ou réflexives
orientées vers la connaissance et la gestion de soi, par exemple, en
anticipant comment l’activité actuelle pourra orienter
l’activité future ;
- les médiations interpersonnelles orientées vers la
gestion de toutes les dimensions dans lesquelles autrui est partie prenante.
La figure 1 illustre ce modèle de développement du sujet.
Figure 1 • Le développement du
sujet
Ce cadre théorique général conduit aussi à poser
la question des environnements technologiques qui sont les plus
à-même de soutenir l’apprentissage et le développement
individuel.
2.2. Un environnement numérique pour soutenir des activités
constructives
2.2.1. Portfolio d’apprentissage et développement
Le développement s’effectue par une action sur des objets,
nécessairement située dans un environnement social, et
articulée à une réflexion. Ceci fournit un cadre pour
penser les caractéristiques des dispositifs d’apprentissage :
un environnement soutenant la genèse d’un instrument qui devrait
articuler les trois types de rapports qu’un sujet peut entretenir avec le
réel, en l’occurrence le rapport à l’objet de
l’activité, le rapport à soi-même, le rapport à
autrui. Il s’agit de soutenir la construction de quatre types de
médiations mises en évidence par la psychologie du
développement : les médiations pragmatiques orientées
vers l’action, les médiations épistémiques
orientées vers la connaissance des objets, les médiations
réflexives orientées vers la connaissance et la gestion de
soi ; les médiations interpersonnelles orientées vers la
gestion des rapports à autrui.
La figure 2 illustre comment le portfolio d’apprentissage soutient le
développement du sujet.
Figure 2 • Portfolio d’apprentissage et
développement du sujet
Le portfolio, collection de documents et de réflexions que le sujet
récolte et organise, soutient son développement :
- Le portfolio prend forme dans un
« objet-portfolio » que le sujet conçoit et
développe lui-même ; les dimensions pragmatiques et
épistémiques sont entremêlées puisque la production
du portfolio et les connaissances sur le portfolio sont étroitement
imbriquées. Layec (Layec, 2006) montre comment des étudiants se forment aux méthodologies et
outils proposés tout en pilotant leur démarche
portfolio ;
- La principale fonction du portfolio est l’analyse
réflexive de son auteur sur lui-même et sur ses propres
activités (Allal, 1999) ;
le portfolio soutient par nature les médiations
réflexives. Celles-ci doivent se dérouler, de
préférence, dans un espace totalement privé du
portfolio ;
- Enfin, le portfolio participe de médiations
interpersonnelles : il peut être utilisé dans des espaces plus
ou moins ouverts (privé/semi-public/public), permettant de ménager
des possibilités d'échanges à différents niveaux,
avec différents acteurs ; les espaces semi-publics permettent
à des personnes choisies d’être partie prenante de
l'activité et d’organiser des échanges constructifs.
La version numérique, e-portfolio, offre de nombreux avantages :
un espace de stockage important, une grande maniabilité, une
facilité d’organisation-réorganisation des données
stockées, un transfert aisé d’un espace à un autre,
des possibilités d’ouverture quasi infinies. Il permet
également de stocker des documents de natures diverses : documents
écrits, mais aussi photographies, documents sonores, vidéos... Il
offre des possibilités d’annotation, comme les tags. Le e-portfolio
ne change pas fondamentalement la démarche mais il convient toutefois de
veiller à ce que le sujet ne se centre pas seulement sur la simple
présentation de soi en occultant la dimension réflexive (Quéré, 2000) ; (Vermersch, 2000) ; (Loisy et al., 2011).
2.2.2. Caractéristiques du e-portfolio dans le projet INO
L’instrument médiateur étant
à la fois de nature technique et psychologique (Béguin et Rabardel, 2001),
dans le cadre d’INO, l’élève devrait produire son
portfolio tout en développant un instrument. Il devrait conserver des
documents relatifs à ces ressources dans son portfolio. Au fil de cette
production, il analyserait ce qu’il produit, notamment les ressources sur
les métiers et carrières, celles qui permettent de construire son
projet d’orientation, celles qui concernent les attentes
sociétales ; l’instrument permettrait alors une
médiation épistémique à son portfolio.
L’élève devrait produire des documents relatifs à
lui-même et les conserver dans un espace protégé. Il
construirait ainsi une démarche réflexive sur lui-même qui
participerait de la construction de son identité et alimenterait sa
réflexion sur les traces qu’il peut laisser sur le Web, son
identité numérique, celle-ci se nourrissant des ressources
construites sur les attentes sociétales. Le portfolio et les documents
qu’il contient donnent également à
l’élève une image de lui-même qu’il peut
examiner. L’instrument permettrait ainsi une médiation
réflexive.
L’élève devrait vivre des interactions notamment via l’espace semi-public de son portfolio, qui permet des
interactions ciblées. Il conserverait des documents relatifs à ses
collaborations et interactions sociales. Ces interactions pourraient participer
à la socialisation en interrelation avec les ressources qu’il
construit sur les attentes sociétales et avec son identité.
L’instrument constituerait ainsi un médiateur dans son rapport
à autrui.
La figure 3 illustre comment il est attendu que le portfolio numérique
fonctionne dans le projet INO.
Figure 3 • Le portfolio
numérique dans le projet INO
Le modèle illustre l’individualisation des apprentissages avec
une visée d’individualisation du développement : il
s’agit de faire en sorte que l’élève produise un
portfolio avec des documents relatifs à des activités
reliées aux trois types de rapport au monde et qu’il construise une
instrumentation. Dans la figure 3, les points de centration de cet article
correspondent aux flèches avec doubles pointes et aux
éléments qu’elles relient.
Cependant, il n’est d’apprentissage que si le sujet
lui-même s’engage dans un processus de genèse (Pastré, 2005) :
si le portfolio numérique ou e-portfolio est adapté pour les
apprentissages et le développement attendus chez les élèves
dans le projet INO, l’environnement numérique n’a pas
d’effet en lui-même. Apprendre et se développer ne sont
possibles qu’avec une activité, un engagement de la part du
sujet.
2.3. La gestion des dispositions à apprendre
L’intérêt doit se porter sur la gestion des dispositions
à apprendre. Cette gestion concerne deux points, la gestion des processus
de production avec notamment la prise en compte des caractéristiques des
artefacts (dans le but de les rendre acceptables) ; la gestion des
processus de construction avec notamment la prise en compte du coût
cognitif et du coût affectif de l’apprendre.
2.3.1. Des artefacts acceptables
Les qualités intrinsèques des objets influencent la
construction des usages des outils numériques ;
l’acceptabilité (Tricot et Tricot, 2000) joue un rôle clé puisqu’elle conditionne la décision
d’utilisation des environnements numériques.
L’acceptabilité renvoie à la représentation mentale
de l’utilité (elle-même reliée au but visé par
l’artefact) et de l’utilisabilité d’un environnement
informatique pour l’apprentissage humain.
Selon la norme ISO 9241-11, l’utilisabilité est “le
degré selon lequel un produit peut être utilisé, par des
utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction dans un contexte d’utilisation
spécifié” (source Wikipédia). En d’autres
termes, l’utilisateur doit percevoir les artefacts comme permettant
d’atteindre les objectifs qu’il vise avec un coût cognitif
acceptable, et leur utilisation doit être associée à la
satisfaction d’un désir.
Le concept d’utilité peut être rapproché du concept
de pertinence (Tricot et Tricot, 2000).
Cette dernière est la relation entre deux “groupes”
(ibidem, p. 196), celui du document et ses caractéristiques versus celui de la représentation de son problème par
l’utilisateur. Cette définition met l’accent sur le
rôle de l’utilisateur ; si les artefacts sont conçus
pour viser des buts, c’est l’utilisateur qui perçoit ou non
leur utilité. Ce couple fonctionne si l’utilisateur a une
représentation de son problème et des objectifs qu’il vise
en adéquation avec ce que l’artefact peut effectivement
l’aider à réaliser.
2.3.2. Un accompagnement humain
L’utilité a été définie comme
l’adéquation entre ce qu’un artefact peut aider un
utilisateur à réaliser et la représentation de son
problème. L’utilisabilité a été définie
comme la perception que les artefacts permettent d’atteindre les objectifs
visés avec un coût acceptable, mais leur utilisation doit aussi
être associée à la satisfaction d’un désir.
Dans le cadre des activités pédagogiques, c’est le plus
souvent l’enseignant qui choisit l’environnement numérique
que vont utiliser ses élèves. Une des activités de
l’enseignant est alors d’aider les élèves à
avoir une représentation du problème en adéquation avec
l’utilisation possible de l’artefact, à faire en sorte
qu’un désir d’apprendre naisse, à soutenir la
motivation à poursuivre.
Pour cela, la notion de tutorat, et plus spécialement le concept
d’étayage-désétayage (Bruner, 1983) sont adaptés. L’étayage-désétayage renvoie
à un double mouvement ; de soutien pour amener, sans le faire
à sa place, un enfant à résoudre un problème
qu’il ne sait pas résoudre seul ; de retrait progressif
lorsque les conduites de résolution du problème de l’enfant
se mettent en place. Le terme anglais scaffolding rend bien compte
de ce double mouvement de construction de ponts et passerelles soutenus par une
charpente, mais qui se caractérise aussi par son caractère
temporaire. Bruner associe six fonctions à l’étayage, ces
fonctions renvoient aux tâches qui incombent à l’adulte pour
soutenir la résolution du problème par l’enfant :
- L’enrôlement est une sorte de motivation
initiale, l’adulte amène l'enfant à
s’intéresser à l'activité, à se mettre en
mouvement ;
- Le maintien de l'orientation concerne le soutien de la
motivation de l’enfant à poursuivre la tâche ;
- Le contrôle de la frustration vise à rendre la
tâche de l’enfant moins difficile et à l’aider à
accepter ses erreurs ;
- La réduction des degrés de liberté par
laquelle l’adulte ajuste la tâche aux possibilités de
l’enfant en la simplifiant si elle est trop ardue ;
- La signalisation des caractéristiques dominantes qui
rend plus saillantes les caractéristiques les plus utiles à la
résolution du problème si l’enfant ne les perçoit
pas ;
- La présentation de modèle qui n’est pas
une démonstration à proprement parler, mais plutôt une
proposition de solution s’appuyant sur les réalisations effectives
de l’enfant.
Enrôlement, maintien de l'orientation, contrôle de la frustration
ont à voir avec le déclenchement de l’activité de
l’enfant et le soutien nécessaire au maintien de la poursuite de la
tâche. La présentation adoptée ici pour présenter les
six fonctions de l’étayage ne correspond pas à leur
importance, ni à leur ordre d’apparition, pour soutenir
l’apprentissage ; elle vise à rendre saillante
l’importance des tâches de l’adulte autour de la mise en
mouvement et du maintien à poursuivre qui correspondent à trois
sur six des fonctions principales de l’étayage. Les tâches de
l’adulte sont d’autant plus cruciales que l’enfant est jeune,
ainsi que l’auteur (Bruner, 1987) le
montre dans son étude sur les interactions mère-enfant dans les
processus d’acquisition du langage.
Les travaux de Bruner concernent l’enfant, mais ils peuvent renvoyer
à toutes les situations dans lesquelles il y a asymétrie entre les
partenaires, de compétences (l’un est expert et l’autre
novice), de buts (l’un a pour but de faire agir alors que l’autre a
pour but d’agir) ; ce modèle est donc adapté dans le
contexte de l’accompagnement du projet INO en classe. Pour aider les
élèves à entrer en activité, l’enseignant peut
jouer sur le registre affectif, la motivation, et sur le registre cognitif, en
ajustant les tâches aux possibilités des élèves,
voire en montrant un modèle.
2.3.3. Caractéristiques de la gestion des dispositions à
apprendre dans le projet INO
Si les qualités du portfolio en font un objet idoine pour apprendre et
pour se développer, il n’en demeure pas moins nécessaire
que, pour ce faire, l’élève s’engage et entre en
activité. Ceci implique que l’enseignant soutienne
l’engagement de ses élèves tout au long de
l’activité. Il doit les mettre au travail dans un environnement
numérique qu’ils perçoivent comme étant utile,
utilisable et acceptable, caractéristiques se rapportant à la
dimension technique, mais aussi à la dimension cognitive
(l’utilité renvoyant à la construction du problème)
et affective (l’utilisabilité étant associée au
désir d’apprendre). Il doit jouer à la fois sur la
motivation et sur le registre cognitif.
L’accompagnement humain vise à soutenir à la fois les
processus de production et les processus de construction. Du côté
des processus de production, se trouve tout ce qui se rapporte directement
à la dimension technique de l’artefact plus tout ce qui vise
à simplifier ou rendre accessible l’activité. Du
côté des processus de construction, se trouvent les formes
d’accompagnement qui visent à soutenir la motivation à
entrer en action, le désir d’apprendre et de se développer,
le coût cognitif de l’apprendre.
Ce modèle illustre comment l’enseignant peut soutenir
l’individualisation des apprentissages et du développement, en
greffant un accompagnement humain à un environnement technologique.
3. Méthodologie
La recherche, dans son cadre socioconstructiviste,
s’appuie sur l’approche collaborative de la recherche en
éducation (Desgagné, 1997) où les savoirs se construisent dans une démarche collective
d’interprétation qui met en relation théorie et pratiques.
Dans cette démarche de co-construction entre membres de
l’équipe, si les chercheurs ont initié le projet, en
revanche, ils n’ont donné aucune prescription relative aux
scénarios pédagogiques, aux ressources à construire,
à la mise en œuvre, etc. aux praticiens. Les choses se sont
construites chemin faisant et en interaction. Un dispositif
d’accompagnement a été mis en place. Ce cadre permet de
construire une méthodologie fondée sur un recueil de
données “de la pratique”, c'est-à-dire
d’approcher la pensée active des enseignants, et de savoir comment,
confrontés à des situations nouvelles pour eux, ils
s’approprient et transforment le réel.
La recherche INO ne répond pas à des attentes des programmes
disciplinaires, mais les visées du projet ne sont, en revanche, pas
externes aux préoccupations de la sphère éducative. Comme
cela a été dit en introduction, la compétence à
s'orienter apparaît explicitement dans la compétence 7 du socle
commun L’autonomie et l’initiative, au niveau du
collège. La compétence 6 du socle commun Compétences
sociales et civiques vise également la construction de l’avenir
“personnel et professionnel”. Si l’identité
numérique n’apparaît pas explicitement dans les
compétences informatique et Internet définies dans les B2i® et
dans le socle commun, il est attendu que l’élève apprenne
à utiliser les technologies numériques “de façon
réfléchie” (compétence 4 du socle commun La
maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la
communication).
3.1. Population et méthodologie générale
La population est composée, lors de la première année de
la recherche, de trois enseignants et d’une conseillère
d’orientation psychologue (COP). Dans le lycée, lycée
général et technologique important d’une ville moyenne, le
projet INO se déroule dans deux classes de seconde, avec un professeur de
lettres et un professeur d’anglais. L’établissement accueille
des élèves de toutes catégories socioprofessionnelles. Les
enseignantes considèrent que l’équipement informatique est
conséquent. Dans le collège, collège important d'une petite
ville, le projet INO se déroule dans une classe de cinquième, avec
un professeur de technologie et la COP pour des activités hors les murs
de la classe. L’établissement accueille des élèves de
classes sociales moyenne et peu favorisée, il y a notamment de nombreux
élèves boursiers et une grande partie de la population vit en
milieu rural. L’équipe du collège considère que
l'équipement informatique est correct.
3.2. Méthode d’investigation
Des données sont recueillies de diverses manières et à
différents moments. Ici sont précisées les données
attendues a priori.
- Données sur l’activité de classe. Ces
données sont recueillies tout au long du projet, elles sont
déposées librement par les équipes en établissements
sur le site collaboratif, le groupe dans son ensemble y a accès. Sont
attendus : les produits du processus de conception des situations
d'apprentissage, les fiches préparées à l’attention
des élèves, des productions des élèves, les liens
vers la partie publique du portfolio des élèves, et tout ce qui
peut renseigner sur l’activité réelle ;
- Données issues de l’observation de séance.
L’équipe de recherche a suggéré de mettre en place
des observations croisées de séances dont l’organisation est
facilitée par la présence de deux concepteurs dans chaque
établissement.
- Données relatives à l’analyse des pratiques
professionnelles. Ces données sont recueillies tout au long du projet,
notamment sous la forme d’un journal de bord en ligne proposé sous
format Excel ;
- Recueil de représentations. Ces données sont
recueillies par entretiens à différents moments du projet pour
suivre l’avancée du projet dans les classes et sur des
thématiques ciblées permettant de faire avancer la recherche. Une
première série est prévue à mi-parcours de la
première année de la recherche, par équipe
d'établissement, au sein même des établissements. La seconde
série est prévue en fin de première année de la
recherche, en passation individuelle ;
- Bilan du projet. Ces données sont recueillies par un
questionnaire auquel il est possible de répondre individuellement ou par
équipe à la fin de la première année de la
recherche.
3.3. Méthode d’analyse des données recueillies
Les journaux de bord en ligne ont été peu renseignés.
L’enseignant de collège ne l’a jamais renseigné. Les
enseignantes de lycée ont commencé à le renseigner pendant
un certain temps au début de la recherche, puis elles ont
préféré mettre en place un blog collaboratif relatant leurs
réunions de travail internes à l’établissement et
leur avancée dans le projet. Il n’y a pas eu non plus
d’observations croisées de séances. Les données
effectivement recueillies et analysées sont les suivantes :
- Documents élaborés par les praticiens : les
documents déposés sur les sites web des praticiens, les diaporamas
support des présentations des projets de classes, les journaux de bord ou
leurs avatars, des comptes-rendus de réunions, des fiches
destinées au travail des élèves, les sites des
élèves quand leurs liens ont été transmis ;
- Transcriptions verbatim des entretiens ;
- Réponses au questionnaire final.
Le matériel a été la base d'un travail à
visée compréhensive. Nous avons découpé les
productions et les discours des répondants en unités
informationnelles, puis nous avons classé ces unités par
thèmes en fonction des objectifs que nous nous étions fixés
a priori tout en restant sensible à l'émergence de nouveaux
thèmes. Nous avons ensuite repéré si les unités
étaient spécifiques à certains participants ou si elles
revenaient dans les productions et discours de tous les participants. Le nombre
de participants étant limité, il n’était pas possible
d’envisager une analyse statistique.
Ces unités informationnelles se caractérisent par leur sens
global unitaire, ce sont le plus souvent des propositions ou des phrases, mais
parfois également des groupes de phrases ou simplement des mots
pertinents par rapport aux objectifs poursuivis. Les unités linguistiques
débordent souvent les unités de sens, mais parfois, a contrario,
il a été nécessaire de dissocier plusieurs unités de
sens à travers une même proposition. Les catégories sont
pensées en relation avec les objectifs de l'analyse. Elles sont
établies de manière à être exhaustives (toute
unité informationnelle doit trouver sa place) et exclusives (chaque
unité ne peut appartenir qu'à une catégorie). Pour pallier
le risque de biais, plusieurs lectures successives du matériel ont
été réalisées.
En relation avec le cadre théorique, l’analyse porte en premier
lieu sur les activités constructives en recherchant, dans les productions
relatives à la classe, l’existence d’activités
d’élèves en lien avec les trois types de rapport au
monde : agir pour construire ; réfléchir sur soi ;
interagir. Ensuite, elle interroge, à partir des entretiens et des
documents relatifs au projet de chaque enseignant, comment sont
gérées les dispositions à apprendre, sur le plan des
artefacts et sur le plan de l’accompagnement humain.
4. Résultats
4.1. Résultats généraux
Tous les participants ont déposé des
données sur le site web qui leur était dédié. Tous
ont accepté de participer aux entretiens qui se sont
déroulés comme prévu, la première série en
mars, la seconde en juillet, tous ont répondu à toutes les
questions qui leur étaient posées. Les entretiens ont
été intégralement transcrits. Enfin, le questionnaire final
a été renseigné par tout le monde, individuellement au sein
de l’équipe de collège, par équipe au sein de
l’équipe de lycée.
Le corpus est constitué de diverses données. Leur
présentation commence par celles qui sont en lien avec les
activités.
- Activités menées en classe sur les
thématiques de l’identité numérique et de
l’orientation. Un scénario a été recueilli par
classe, soit deux scénarios pour le lycée, un scénario pour
le collège. De nombreuses ressources afférentes à ces
scénarios ont été collectées comme les diaporamas de
présentation du projet aux élèves et les fiches
préparées à l’attention des élèves,
soit pour la construction des compétences, soit pour leur
évaluation. Ces documents révèlent que des activités
sur l’identité numérique et sur les métiers ont
été réalisées dans toutes les classes. Ces
données ont été déposées par les enseignants
sur le site collaboratif.
- Portfolios numériques. Au lycée, les
élèves des deux classes ont créé chacun un blog pour
leurs e-portfolios, sauf un élève qui a été
très souvent absent et n'a pas été actif dans le projet,
aux dire de son enseignante ; ces blogs sont centrés sur la
présentation publique de soi. Il n’y a pas eu de portfolios
individuels au collège ; lors des entretiens, l’enseignant dit
qu'il a fait travailler les élèves en s’appuyant sur les
environnements numériques développés par
l’ONISEP(4). L’enseignant avait prévu que chacun
de ses élèves réalise un diaporama sur un projet de
métier, mais cela n’a pas été possible en raison du
démarrage du projet INO au second trimestre de l’année
scolaire.
Concernant le travail collectif, toute l’équipe “de
terrain” était d’accord dès le lancement du projet sur
le principe de partager les ressources produites pendant le projet,
scénarios et ressources afférentes. Ce sont surtout les
enseignants qui ont produit et déposé des ressources sur le site,
la COP a toutefois mené des activités avec les
élèves de la classe de cinquième du collège sur la
connaissance de soi. L’équipe de lycée a donné un
accès aux blogs-portfolios des élèves.
Les données de la pratique (documents produits en lien avec la
classe), et les extraits des entretiens sont présentés en
italiques et entre guillemets dans la suite du texte(5).
4.2. Le projet INO dans la classe de 5°
Le binôme du collège, enseignant de technologie et COP,
intervient dans la même classe. Au sein de ce binôme, il y a un
partage des domaines d’intervention, la partie du projet qui concerne
l’orientation est construite et conduite par l’enseignant de
technologie, la partie du projet qui concerne l’identité
numérique (l’enseignant dit qu’il a parlé de connaissance de soi avec les élèves) est construite
principalement par la COP et conduite par elle.
Le projet INO s’intègre au travail réalisé sur la
maîtrise des technologies numériques (préparation du
B2i®) “L'action que nous avons choisie semble bien s'articuler avec
les différents aspects traités dans le cours de technologie et
devrait en bénéficier sans en modifier le programme”
(extrait d’un courriel envoyé par le binôme à
l’équipe de recherche à l’issue d’un travail de
co-élaboration en début de projet).
Le projet INO est sous-intitulé “Expérimentation du
PDMF en classe de cinquième en utilisant le passeport numérique
pour l’orientation”, ce qui centre d’emblée le
projet sur l’utilisation des environnements numériques
créés par l’ONISEP. Le projet commence par, et se consacre
en grande partie à, des activités sur l’orientation ;
cette thématique est abordée par la recherche d’informations
dans l’environnement de ressources sur les métiers :
“L’activité dominante sera [...] la découverte des
métiers”. Celles-ci se déroulent dans un environnement
numérique.
Au cours de la deuxième réunion de recherche,
l’enseignant présente un diaporama sur le Passeport
numérique pour l’orientation développé par
l’ONISEP. Ce diaporama contient notamment le “programme du
PDMF” pour chaque niveau scolaire. En classe de cinquième, il
est stipulé “L’accent est mis sur la découverte des
métiers. L’objectif est d’élargir la palette
des activités professionnelles appréhendées par les
élèves et de développer une méthode
d’observation de ces activités.” Le document donne des
“Exemples de capacités à
développer” ; il s’agit de décrire le
métier d’une personne proche, d’exprimer les qualités
requises pour un métier, d’apprendre à utiliser la
documentation. La partie du projet qui concerne l’orientation
s’appuie sur les objectifs ciblés dans le PDMF.
L’activité cible est la “recherche en autonomie
articulée avec l'utilisation du Web Classeur”.
L’enseignant de technologie et la COP conduisent ensemble les
premières activités en classe sur le projet et
d’emblée, elles sont centrées sur les environnements
numériques développés par l’ONISEP
(présentation du projet ; présentation des outils
développés par L’ONISEP ; quiz J'explore les
métiers). Avec le professeur de technologie, l’élève
réalise beaucoup d’activités sur fiche autour des
thématiques de la découverte des métiers, de la
découverte des formations, de l’étude des entreprises.
L’élève doit être capable de compléter ces
fiches qui questionnent sa compréhension de la description d’un
métier. La COP se charge des activités sur l’identité
numérique, ou plutôt, sur la connaissance de soi. Trois
activités sont réalisées, un autoportrait, une
réflexion sur ses traits personnels, une réflexion sur ses
valeurs. Le document de la première séance est repris en classe
à la fin du projet et réajusté en fonction des
connaissances nouvelles des élèves, l’activité
pédagogique est conduite par le binôme enseignant-COP. Ces
productions pourraient alimenter une forme de portfolio numérique
s’il en existait un, mais en fait, les environnements numériques ne
sont pas utilisés pour ces activités.
4.2.1. Activités constructives
4.2.1.1. Construction du
système de ressources
Des environnements numériques sont utilisés dans la classe de
collège, mais uniquement pour ce qui concerne l’orientation ;
il s’agit d’une part des environnements d’information
développés par l’ONISEP, notamment les ressources sur les
métiers et les formations, d’autre part des suites bureautiques
comme support des activités.
Le diaporama Exemples d’activités en classe de 5° qui a été exposé par le binôme enseignant de
technologie-COP à la deuxième réunion de recherche pour
présenter la déclinaison du projet INO dans la classe de
cinquième en collège fournit des données sur le projet, tel
que le conçoit le binôme. D’une manière
générale, le projet sur l’orientation est articulé
avec la maîtrise des compétences informatique et Internet des
élèves, il s’agit de “Savoir rechercher et
sélectionner des informations” :
- en utilisant les technologies de l’information et de la
communication (site meformer.org ; guides pour l’orientation
GPO-collège ; étude des formations de la sixième
à la seconde ; réalisation d'un dossier présentant un
métier) ;
- en utilisant des outils pédagogiques ludiques (quiz
J'explore les métiers) ;
- à partir d'activités menées dans la
discipline technologie (découverte des métiers exercés dans
une entreprise de montage et d'emballage d'un objet).
La dernière activité prévue est un diaporama
réalisé individuellement par chaque élève pour
présenter son projet d’orientation en lien avec les
activités réalisées auparavant sur la connaissance de soi,
un secteur d’activité avec des métiers qui
intéressent l’élève, un choix de parcours de
formation. Cette activité n’a pas pu être
réalisée, mais l’équipe de recherche a pu visionner
des exemples de diaporamas réalisés par des élèves
que le professeur avait encadrés au cours de l’année
précédente dans le cadre de la préparation
“d’une progression sur plusieurs années en
cinquième / quatrième / troisième à partir des
compétences que l’on doit développer dans le PDMF et au sein
de notre programme... en technologie” (extrait du premier
entretien).
4.2.1.2. Construction d’une démarche réflexive sur soi
et e-portfolio
Dans le cadre de l’orientation, deux documents amènent
l’élève à réfléchir sur son parcours
scolaire. Dans le premier, l’élève travaille, avec Excel,
à une présentation de l’évolution de ses notes ;
dans le second, il s’interroge sur son niveau scolaire, les
appréciations qu’il reçoit, ses sentiments de
réussite et d’échec, ses goûts.
Les activités réalisées sur la connaissance de soi sont
toutes de type réflexif ; il s'agit par exemple d'amener
l’élève à faire le point sur des valeurs qui lui
paraissent importantes, puis à réfléchir à des
métiers où ces valeurs pourraient être mises à
profit. En revanche, la dimension “identité numérique”
n’est pas présente et elle apparaît clairement
écartée dans les discours.
4.2.1.3. Construction de relations à autrui et e-portfolio
Autour de la question de l’orientation, les élèves de
cinquième travaillent en classe entière ou seuls. Une seule
activité mentionne une organisation par groupe des élèves
“Par binôme les élèves doivent décrire un
métier à partir de leurs connaissances et présenter leur
travail oralement.” Pour soutenir la progression et conserver la
collection des travaux, l’environnement numérique utilisé
est le Passeport orientation formation développé par
l’ONISEP (Webclasseur). Selon ce qu’en dit l’enseignant, ces
environnements ne facilitent pas les échanges “Le Webclasseur
est là / on échange / on part toujours de l'espace classe / alors
le support / l'élève se l'approprie mais // entre
élèves / finalement / il /// permet pas forcément les
échanges / si ce n'est dans les mises en commun qui se font dans le cadre
de la classe” (entretien de fin de projet).
Autour de la connaissance de soi, les élèves
réalisent une activité qui articule la réflexion sur soi et
les échanges entre élèves ; dans une liste, chaque
élève sélectionne les traits de caractère
qu’il s’attribue et fait la même chose avec un camarade de sa
classe, puis il les met en parallèle et en déduit ceux qui lui
correspondent le plus. Les environnements numériques ne sont pas
utilisés pour ces activités.
4.2.2. Gestion des dispositions à apprendre
4.2.2.1. Sur le plan
des artefacts
La recherche d’informations sur les métiers et les formations
s’effectue dans un environnement développé par
l’ONISEP ; il s’agit d’un environnement fermé,
dédié à cette thématique. Le binôme qui
intervient en collège choisit de ne pas aborder la question de
l’identité numérique en disant qu’elle ne peut pas
être comprise par des élèves de 5° ; les
activités réflexives sur soi concernent la “connaissance de
soi” et se déroulent sous une forme papier-crayon. Les discours
laissent entendre que les élèves ont apprécié les
activités qui leur ont été proposées, qu’ils
n’ont pas rencontré de difficultés avec les outils
numériques utilisés (suites bureautiques et environnement de
ressources de l’ONISEP), que tous ont réalisé ce qui leur
était demandé. Les technologies utilisées semblent
acceptables pour les élèves, mais il n’y a pas de mise en
place d’un environnement qui s’apparenterait à un
e-portfolio. L’enseignant a déposé une fiche
d’évaluation de l’environnement, il s’agit d’un
questionnaire intitulé Le Webclasseur aide-t-il à
s’orienter ? qui incite les élèves à
répondre de manière anonyme à des questions sur
l’utilisabilité de l’environnement, mais aussi sur ce
qu’il apporte au projet d’orientation de
l’élève. Ce questionnaire n’a cependant pas
été utilisé pendant le projet.
4.2.2.2. Sur le plan cognitif et affectif
Le projet a été construit par le binôme, mais
essentiellement par l’enseignant et il a été
présenté aux élèves. Aucun document et aucun
discours ne laissent entendre qu’il y ait eu négociation du projet
entre l’enseignant, la COP et les élèves. Le projet
général en classe de cinquième présente plusieurs
activités dont les objectifs définis sont de motiver les
élèves, un temps est notamment consacré à la
présentation du projet INO devant les élèves en amont du
lancement du projet. Les activités sur les outils numériques et
sur cet environnement ne semblent pas poser de problèmes
spécifiques à des élèves de 5°. Si les
élèves sont régulièrement mis en activité
individuelle sur fiche, il n’y a pas d’individualisation des
parcours d’apprentissages et de développement car les parcours
pédagogiques sont tous identiques. Le terme autonomie apparaît
à plusieurs reprises dans le discours de l’enseignant, mais
lorsqu’il est employé, ce terme concerne toujours des
activités que les élèves réalisent seuls par
opposition aux activités qu’ils réalisent en classe
entière (données issues du tableau Progression
pédagogique).
4.2.3. Analyse du projet INO en classe de 5°
D’une manière générale, l’enseignant de
technologie est très à l’aise avec les activités sur
l’orientation en lien avec les outils et ressources numériques
développés par l’ONISEP et avec les activités qui
permettent de construire les compétences relatives à la
maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la
communication. La recherche d’informations apparaît à
plusieurs reprises dans le scénario de cinquième et elle revient
aussi à d’autres moments de la programmation sur tout le cursus
collège. Cette activité qui se déroule plusieurs fois, dans
divers contextes, est favorable à la construction d’une
instrumentation autour de la recherche d’informations dans des
environnements numériques. En revanche, l’absence de dimension
réflexive et collaborative sur le numérique est moins propice
à la construction d’instruments. Les données
analysées ne permettent pas de dire qu’il y a eu individualisation
des parcours pédagogiques.
Les activités autour de la construction d’une démarche
réflexive sur soi et de la construction de relations sont plus favorables
à la construction d’un parcours pédagogique propre à
chaque élève. Ces activités sont centrées sur la
connaissance de son parcours ou de soi par l’élève et les
activités se déroulent sous la forme papier-crayon ; cette
individualisation n’est pas articulée avec la dimension
numérique du projet. On ne parle d’ailleurs pas
d’identité numérique. La réflexion sur le
comportement à avoir avec le numérique n’est pas
développée.
Le binôme a choisi de travailler avec une séparation nette des
thématiques entre les deux intervenants, le professeur de technologie met
en œuvre des activités sur l’orientation et utilise le
numérique ; la COP met en œuvre des activités sur la
“connaissance de soi” sans avoir accès à une salle
équipée. L’individualisation des parcours est une
préoccupation de la COP, mais ses activités sont
déconnectées du numérique. Le professeur de technologie
gère la dimension numérique, mais aucune donnée recueillie,
de ses discours ou de ses productions, ne permet d’affirmer qu’il a
une préoccupation pour l’individualisation des parcours des
élèves.
4.3. Le projet INO dans la classe de 2nde en anglais
Si les résultats présentés ici concernent la classe de
seconde qui participe au projet avec le professeur d’anglais, il faut
toutefois relever que les enseignantes de lycée, bien qu’enseignant
des disciplines différentes (anglais et lettres modernes) et intervenant
dans des classes différentes, construisent le projet ensemble. Toutes
deux commencent par mettre en œuvre les activités sur la
connaissance de soi et sur l'identité numérique qu'elles disent
plus proches de leurs pratiques disciplinaires. Le cadre pédagogique
général articule les thèmes de l’orientation et de
l’identité numérique.
Comme pour la technologie en collège, dans la discipline anglais, le
projet INO s’intègre au travail réalisé
“Avant de poser le cadre pédagogique, il a fallu...
Définir le cadre institutionnel (européen, national,
régional et au sein de l’établissement) ; Cerner les
objectifs du projet et les rendre pertinents dans la matière”
(extrait du diaporama présentant le projet à la seconde
réunion en présentiel du groupe). En revanche, cette articulation
repose sur un travail préparatoire spécifique de
l’enseignante.
Le projet s’intitule I act, I fly, “Un acronyme porteur
de sens qui soutient une démarche pédagogique et un apprentissage
de la langue dans un cadre technologique”. Le projet de la classe
articule les dimensions réflexion sur soi et projet de
l’élève et leur transfert dans le monde numérique,
avec un but final d’autonomie.
Le projet de l’enseignante définit les apprentissages des
élèves qui sont visés en termes de
compétences :
- “TICE :
• développement d’un mini site personnel par chaque
élève, communication et interaction avec gmail
- Compétences langagières :
• passer de A2 à B1 au fil des étapes du
projet
- Compétences transversales : autonomie, sens de
l’initiative, vivre en société
• Savoir s’adapter et innover
• Savoir s’exprimer à partir de supports
variés
• Apprendre pour agir et agir pour apprendre
- Apprendre à choisir mon orientation en tant que jeune
citoyen du monde” (ibidem).
Certaines compétences visées sont directement liées au
projet, d’autres sont liées à la discipline dans laquelle le
projet s’actualise, enfin, une compétence transversale
mérite une mention particulière “Apprendre pour agir et agir
pour apprendre” car elle relève des visées du projet de
l’enseignant qui est de soutenir l’apprentissage, au-delà des
visées strictes du projet. L’enseignante écrit sur une autre
diapositive (ibidem) : “Le travail repose
complètement sur des concepts et une démarche fortement
inspirés par l’approche orientante suggérée par
Danielle Ferré
[(Ferré, 2005)] et dont la pierre angulaire est la construction de l’identité et
l’accompagnement des élèves au sein d’une dynamique de
projet dans le cadre scolaire”.
A propos de l’identité numérique, elle programme la
construction de portraits, un travail porte sur “comment établir
un profil personnel positif”, un autre sur les personnages auxquels on
s’identifie avec une réflexion sur les raisons qui poussent
à ces choix, des activités de création “Travail
sur le thème « I dream »”. Les productions
des élèves sont déposées sur leurs blogs
individuels.
Les activités sur l’orientation viennent après les
activités sur la connaissance de soi et sur l’identité
numérique. Autour de l’orientation, les activités sont un
choix de métiers “Réfléchir à 2
métiers et ouvrir deux profils virtuels” associé
à une réflexion sur l’orientation vers ces métiers,
une réflexion sur la mobilité internationale, mais aussi des
activités plus pratiques comme la rédaction d’une courte
lettre de motivation ou d’un “mini CV”. Ces productions
sont également déposées dans les blogs.
4.3.1. Activités constructives
4.3.1.1. Construction du
système de ressources
Les environnements numériques utilisés dans le projet INO dans
la classe de seconde avec le professeur d’anglais sont d’une part le
blog (“Ouverture d’un mini site par
élève ; Transfert de contenu ; Relier les
mini sites”), d’autre part le Web pour trouver des informations
sur les métiers, l’établissement ne dispose pas de la
connexion aux ressources développées par l’ONISEP.
L’enseignante met également en place une formation sur
l’utilisation du présenteur.
L’enseignante ouvre un blog dont la première page
présente le projet INO pour la classe concernée. Elle y
présente notamment un diagnostic initial dans lequel elle écrit
que l’orientation traditionnelle ne prend pas en compte
“l’évolution très rapide des technologies largement
utilisées par les élèves, la société civile
et dans le monde du travail, d’où la nécessité de
rechercher des façons de permettre aux jeunes utilisateurs du web 2.0 de
mieux maîtriser leur identité, leur identité
numérique et de la faire évoluer pour qu’elle leur ouvre les
portes de leur avenir en tant que citoyens responsables.”
(première page du site de classe). Cette enseignante relie ainsi
explicitement l’utilisation des technologies numériques à
l’individualisation des parcours pédagogiques des
élèves.
4.3.1.2. Construction d’une démarche réflexive sur soi
et e-portfolio
La réflexion sur soi est présente dans les activités sur
l’identité, sur l’identité numérique et sur
l’orientation “Mieux me connaître (identité) et
apprendre à transférer mes compétences pour mieux
réussir à l’école et après
l’école” (extrait du diaporama présentant le
projet à la seconde réunion en présentiel du groupe) ;
les élèves doivent réfléchir sur eux-mêmes,
sur la manière dont ils envisagent leur contribution à la
société, sur leur parcours en rédigeant un curriculum vitae
succinct qu’ils déposent dans leur blog. Dans les activités
centrées sur la réflexion sur soi, les dimensions pragmatique
“I can” et existentielles “I dream” de
l’identité (Esparbes-Pistre et Tap, 2000) sont
présentes.
Figure 4 • Activités
réflexives en classe de 2nde en anglais
Les activités réflexives sont également présentes
lors des auto-évaluations, par exemple, au milieu du projet,
l’élève est invité à faire le point et
à écrire ce qu’il a appris, ce dont il pense se souvenir, ce
qu’il a aimé et ce qu’il n’a pas aimé pendant la
première phase du projet. Un espace est également
dédié à l’expression libre. L’individualisation
du parcours s’actualise dans une activité
d’auto-évaluation.
4.3.1.3. Construction de relations à autrui et e-portfolio
Par le projet, il est attendu que l’élève s’ouvre
aux autres élèves de la classe et au monde extérieur avec
l’objectif de “vivre en société” et
d’apprendre à choisir son orientation “en tant que jeune
citoyen du monde”.
Les activités collaboratives sont très présentes dans le
projet en classe de seconde “Découvrir mes opportunités
de carrière au contact des autres (collaboration) et apprendre à
construire mes choix” (ibidem). Elles prennent la forme de
travail par groupes d’élèves, d’échanges entre
élèves, etc., et visent la collaboration “Collaboration
avec personnes et documents ressources pour apprendre à m’orienter
vers ces carrières potentielles” et la compréhension de
liens entre ce qui se fait en milieu scolaire et ce qui existe dans le monde
“Comprendre le lien entre mon apprentissage scolaire et le monde
extérieur”. Pendant les activités
d’auto-évaluation, il est demandé aux élèves
de noter leur degré d’implication (de 1 à 5) dans le travail
collectif “Le projet m’a permis... d’aider les autres sans
qu’on me le demande”, mais aussi de positionner (de 1 à
5) l’effet du projet sur le travail de groupe “Le travail de
groupe et l’interactivité sont facilités par ce type de
projet”.
Niveau outils, le blog et la messagerie soutiennent les interactions des
élèves “communication et interaction avec
gmail”. Ils permettent aussi des interactions à distance et
hors temps scolaire avec l’enseignante.
4.3.2. Gestion des dispositions à apprendre
4.3.2.1. Sur le plan
des artefacts
Dans le projet, chaque élève réalise son blog,
même si les activités qui y sont réalisées sont en
lien avec les activités scolaires et présentent de ce fait une
certaine similitude. Pour les blogs, il y a un “Modèle de base
identique à personnaliser au gré du projet” ; il y
a donc individualisation des parcours. L’enseignante
s’intéresse à la créativité et elle porte une
attention au projet de chacun “j'ai pris les élèves les
uns derrière les autres / j'ai regardé leur site Web et puis j'en
ai discuté avec eux et on a mis des notes d'un commun accord ///
c'était un petit peu travailler avec les élèves sur
comprendre comment eux ils ressentaient /// et /// comment moi je comprenais la
façon dont ils ont travaillé”. Pour voir s’il
était possible d’aller plus loin dans l’individualisation
avec les blogs, il aurait été nécessaire que le projet soit
reconduit plusieurs années avec les mêmes élèves.
L’enseignante d’anglais anticipe l’utilisation des outils
numériques par les élèves “Préparer et
sélectionner les outils de communication que... les élèves
vont utiliser... [ils] doivent se sentir à l’aise et pouvoir
communiquer facilement”. L’enseignante crée aussi son
propre blog pour se présenter et le met à disposition de ses
élèves pour les aider à comprendre ses attentes.
4.3.2.2. Sur le plan cognitif et affectif
C’est l’enseignante qui définit les objectifs visés
et les temps d’apprentissage, la production attendue et le délai,
qui décide de l’environnement qui va accueillir les blogs, mais les
élèves bénéficient d’une liberté pour
concevoir leur projet. Le projet de l’enseignante accorde une place
importance à la réflexion sur soi et au travail collectif des
élèves. Il y a donc individualisation des parcours
d’apprentissage et de développement. Les évaluations
participent aussi de l’individualisation ; elles sont transmises aux
élèves dès le lancement du projet pour les inciter à
prendre en charge leurs apprentissages, puis pendant le projet,
l’évaluation jalon (figure 5) les incite à revenir sur leurs
parcours.
Dans le projet mené en classe de seconde en anglais, la motivation est
soutenue tout au long du projet par l’“acronyme porteur de
sens” qui est à la fois un nom pour le projet et un programme
d’actions. Tout au long du projet, l’enseignante reste disponible
à distance et hors temps scolaire, car, du fait que les sites sont dans
une langue étrangère, les élèves attendent des
feed-back “ils avancent... plus lentement et en plus après ils
n’osent pas mettre en ligne donc ils m’envoient des mails / il faut
que je regarde / ils me demandent de corriger / alors moi j’avance
à petits pas mais c’est parce qu’il y a la barrière de
la langue étrangère”. La gestion des espaces et des
temps pédagogiques participe de l’individualisation.
L’enseignante rassure également les élèves qui
“n'ont pas // complètement compris cette façon
d'apprendre / intégrée à une
démarche” ; le développement passe par une mise en
évidence de l’articulation du projet avec les apprentissages
liés au programme “de temps en temps il fallait que je fasse des
pauses en leur disant voilà où on en est” (entretien de
fin de projet). Les apprentissages de la discipline sont liées à
la visée élargie du projet.
4.3.3. Analyse du projet INO en classe de 2nde en anglais
L’enseignante d’anglais est à l’aise avec les outils
numériques et elle fait preuve d’une grande réflexion sur
l’apprentissage. L’importance qu’elle accorde à la
réflexion sur soi et au travail collectif va dans le sens d’une
perception d’un élève capable de créer, de faire des
choix, de réfléchir en autonomie, d’échanger avec ses
pairs, activités qui participent de l’individualisation des
apprentissages.
Le projet s’inscrit dans une perspective développementale
dès le départ comme le montre la diapositive finale du diaporama
présentant l’individualisation dans son projet à la seconde
réunion en présentiel du groupe. La prise en charge par
l’élève de son site, une perspective évolutive, une
volonté d’aller au-delà de l’immédiateté
du temps scolaire, une perspective à long terme apparaissent clairement.
Une analyse complète du scénario construit par cette enseignante
et des ressources qu’elle a utilisées a montré qu’il
s’agit d’un enseignement ancré dans le socioconstructivisme (Loisy et al., 2010).
Les élèves sont actifs et leurs activités dans le
e-portfolio participent des médiations pragmatiques,
épistémiques, réflexives et interpersonnelles.
L’individualisation des apprentissages et du développement est
présente dans les discours et dans les activités qu’elle
propose.
5. Intérêt des blogs dans l’individualisation de parcours
d’apprentissage
L’équipe de
recherche a mis en place un dispositif d’accompagnement et un site
collaboratif, mais les enseignants n’étaient pas contraints
à choisir le même environnement. Cette liberté qui leur est
offerte leur permet de choisir librement l’environnement qui servira de
base pour les e-portfolios d’élèves, les tâches
qu’ils vont réaliser en classe, les objets sur lesquels ils vont se
focaliser. De ce fait, les environnements qu’ils choisissent sont
nécessairement en adéquation avec leurs activités, leurs
choix pédagogiques, leurs connaissances des élèves. Les
participants construisent et mettent en œuvre des activités dans le
cadre du projet, mais des différences importantes peuvent être
observées, au niveau de l’organisation pédagogique dans les
classes de cinquième et de seconde, au niveau des ressources
numériques, au niveau de la mise en place du e-portfolio.
Au collège, bien que l’enseignant soit très à
l’aise avec les outils numériques, le projet qu’il construit
n’a pas toutes les caractéristiques attendues et il n’y a pas
de mise en place de e-portfolios. Si l’on regarde du côté des
situations qui existent dans la classe de cinquième en ce qu’elles
contribuent au développement des élèves en permettant une
appropriation des outils et le développement d’un instrument,
l’appropriation porte sur les suites bureautiques et sur les
environnements de ressources (les élèves sont capables, en fin de
projet, d’alimenter une présentation de leur projet avec des
ressources qu’ils sont allés rechercher dans les environnements de
ressources développés par l’ONISEP) et sur la connaissance
de l’environnement éducatif en lien avec la question de
l’orientation (le questionnaire d’évaluation de connaissances
de fin d’année révèle qu’ils connaissent mieux,
en fin de projet, les sites de ressources sur les métiers et les
personnes susceptibles de les conseiller quant à leur orientation). Le
projet soutient de manière volontariste les médiations
pragmatiques, mais ne reste centré que sur elles. Les autres
médiations sont moins présentes dans les discours et dans les
productions de l’enseignant. Il n’est pas possible d’affirmer,
suite à l’analyse des documents produits et des discours,
qu’il y ait eu individualisation des apprentissages et du
développement. La séparation entre les activités de la COP
et de l’enseignant ne facilite pas la construction d’un parcours
global par l’élève, l’individualisation est peu prise
en compte.
Au lycée, l’enseignante fait créer des blogs à ses
élèves. Ces blogs ont les caractéristiques attendues des
e-portfolios. Les activités conduites concernent l’identité
numérique et l’orientation. Les compétences visées
couvrent une large palette qui dépasse le projet sur
l’identité numérique et l’orientation ; certaines
sont directement liées au projet (compétences liées aux
technologies numériques ; compétences liées à
la construction du projet d’orientation ; compétences
transversales), d’autres à la discipline “langue
étrangère” (compétences langagières
générales “Savoir s’exprimer à partir de
supports variés” et disciplinaires “passer de A2 à B1
au fil des étapes du projet”). Enfin, comme il a été
souligné, la compétence transversale “Apprendre pour agir et
agir pour apprendre” relève des visées du projet de
l’enseignant de soutenir l’individualisation des apprentissages et
du développement. L’enseignante soutient la construction du
parcours global par l’élève, on peut donc dire que
l’individualisation est bien prise en compte. L’inscription de cette
compétence transversale dans le projet reflète également
une posture épistémologique qui est en accord avec le cadre
théorique général qui guide la recherche INO. Si l’on
regarde du côté des situations qui ont existé dans la classe
de seconde en ce qu’elles ont contribué au développement des
élèves en permettant une appropriation des outils et le
développement d’instrument, on observe que la production du blog
est totalement articulée au projet personnel et professionnel des
élèves. Par ailleurs, il est attendu que les élèves
collaborent entre eux et avec des personnes extérieures. La dimension
réflexive est présente autour de l’identité
numérique et de l’orientation, mais aussi au niveau des relations
interpersonnelles, par exemple lorsque l’élève doit penser
à sa contribution citoyenne au monde. Le projet soutient les
médiations pragmatiques, les médiations
épistémiques, les médiations réflexives et les
médiations interpersonnelles. Au niveau de l’étayage, on
peut observer que les élèves réalisent des activités
adaptées à leur âge et que l’enseignante a le souci de
les motiver. Elle n’hésite pas à se lancer dans la
réalisation de son propre blog pour en comprendre la dynamique ;
cela donne aussi un exemple de blog à ses élèves pour
qu’ils se lancent dans la réalisation du leur. Elle montre un souci
permanent d’approcher au plus près les exigences du programme que
les élèves lui rappellent avec les buts qu’elle s’est
fixés pour le projet INO. Il y a, tant sur le plan technique que sur le
plan de l’accompagnement humain, une volonté de mettre en place une
individualisation des apprentissages et du développement. Cette
volonté apparaît aussi bien dans les activités qu’elle
propose à ses élèves que dans les discours qu’elle
tient. Le projet de seconde en anglais vise la construction de ressources
“réutilisables dans le cadre de son cursus
d’apprentissage”. L’individualisation est présente
également dans l’attention que l’enseignante porte au projet
de chacun de ses élèves.
Par rapport aux visées du projet, les résultats montrent que
les productions s’inscrivent dans les trois rapports au monde, on observe
des activités constructives en lien avec la construction du
système de ressources, de la construction d’une démarche
réflexive sur soi, de la construction d’une socialisation.
L’accompagnement vise l’instrumentation au niveau des outils, mais
également les plans cognitifs et affectifs. Les projets de classe visent,
malgré leurs différences, l’individualisation des
apprentissages avec une visée d’individualisation du
développement.
Le projet INO introduit de la nouveauté, des questions inédites
pour les enseignants, et de la complexité dans la classe. La
nouveauté vient du fait que la question de l’identité
numérique n’a jamais été abordée par les
praticiens participant au projet et que l’orientation ne
l’était pas auparavant en lycée. La complexité vient
de la demande de la recherche de penser l’articulation de
l’identité numérique et de l’orientation et de mettre
en œuvre un environnement numérique permettant de soutenir
l’individualisation des apprentissages et du développement, de type
portfolio numérique, avec introduction d’une démarche
réflexive et collaborative. Une autre originalité de ce projet
réside dans une approche qui privilégie la psychologie du
développement pour soutenir la construction d’ingénieries
pédagogiques articulant une entrée très engageante pour les
élèves (leur projet d’orientation, la construction de leur
identité, la question de la visibilité de soi...) avec
l’utilisation d’environnements numériques. Continuer à
développer ce modèle pourrait ouvrir des pistes pour les
ingénieries pédagogiques s’appuyant sur les technologies
numériques dans le système éducatif où la question
de la construction et de l’évaluation des compétences est
devenue prégnante.
(1) La recherche INO est conduite dans le cadre d’une convention entre
l’IFE (Institut Français de l’Education, ex-INRP) et la
Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du
Ministère de l'éducation nationale finançant
l’étude et l’accompagnement du projet Pairform@nce, (http://national.pairformance.education.fr/)
programme national de formation continue des enseignants du premier et du second
degré. Le consortium de recherche coordonné par
l’équipe EducTice de l’IFE a produit plusieurs rapports de
recherche (Gueudet et al., 2008) ; (Soury-Lavergne et al., 2009) ; (Soury-Lavergne et al., 2011).
Le dispositif Pairform@nce permet de concevoir des parcours de formation qui sont ensuite à disposition de formateurs afin qu’ils puissent
mettre en œuvre des formations s’appuyant sur ces parcours.
(2) MEN-DGESCO, Circulaire n° 2009-068 du 20-5-2009
(3) Le socle commun de connaissances et de compétences
(Décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006) est le
référentiel qui définit les sept compétences que
tout élève doit valider en vue de l'obtention du diplôme
national du brevet (DNB).
(4) Parcours de Découverte des Métiers et des Formations
(PDMF) et Passeport Orientation Formation (Webclasseur).
(5) Les points de suspension entre parenthèses carrées
indiquent qu'une partie du discours a été coupée. Les
marques / et // renvoient à des pauses naturelles dans les discours des
répondants.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Stéphanie
Mailles-Viard Metz et Pierre Bénech qui ont collaboré à
tous les niveaux de la recherche, ainsi que les enseignants et la
conseillère d'orientation-psychologue des deux établissements de
l'académie de Montpellier qui ont participé à la recherche,
enfin l’ONISEP Languedoc-Roussillon et le SAIO de l’Académie
de Montpellier qui ont soutenu le projet.
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propos de l'auteur
Catherine LOISY est maître de conférences en
psychologie. Elle est actuellement détachée dans l'équipe
EducTice-S2HEP de l'Institut français de l’éducation
(IFÉ), ENS de Lyon. Ses domaines de recherche sont la psychologie
cognitive et la psychologie du développement. Ses thématiques
actuelles sont centrées sur le développement professionnel des
enseignants, notamment sur les portfolios et les compétences
numériques.
Adresse : EducTice / Institut
Français d'Éducation (IFÉ), École Normale
Supérieure de Lyon, 15 parvis René-Descartes, BP 7000, 69342 Lyon
cedex 07
Courriel : catherine.loisy@ens-lyon.fr
Toile : http://eductice.inrp.fr/EducTice/equipe/membres/permanents/catherine-loisy
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