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Editorial |
Eric Bruillard Rédacteur en chef
L’année 2009 aura marqué des changements importants pour
notre revue. Tout d’abord, comme l’attestent les rubriques
publiées, Sticef affirme sa présence au plan international.
Ensuite, un certain nombre de transformations ont été
opérées pour l’année 2010. Le comité de
rédaction a été renouvelé et le comité de
lecture considérablement élargi, en intégrant notamment des
chercheurs francophones mais non français pour améliorer
l’audience internationale de la revue (la mise à jour a
été effectuée sur le site de Sticef et le sera dans
le prochain recueil). Nos procédures de traitement des soumissions sont
en cours de modification : anonymisation des auteurs pour la lecture,
clarification des cas nécessitant une nouvelle soumission, mise en place
d’une nouvelle gestion des soumissions avec OJS (Open Journal System) sous l’impulsion
d’Élise Lavoué et de Pierre-André Caron.
Une dernière innovation mérite quelques
éclaircissements : l’incitation à déposer les
données de recherche sur un site pour les partager, au moins avec les
chercheurs. La raison en est la suivante : traditionnellement, un article
scientifique doit donner le maximum d’informations permettant
d’assurer la traçabilité des choix effectués et des
données empiriques recueillies et de fonder de nouvelles recherches.
L’accès aux publications citées est assuré depuis
très longtemps par une infrastructure de stockage des documents et de
mise à disposition (réseau des bibliothèques). Les cadres
théoriques ou d’analyses proposés et les méthodes
utilisées doivent être explicités le plus possible. Certains
champs disciplinaires, suivant des paradigmes expérimentaux, fonctionnent
par réplication, tout au moins théorique : suivre les
mêmes méthodes doit aboutir aux mêmes résultats (si
tant est qu’on puisse le faire dans des cas où
l’instrumentation nécessaire est complexe et les procédures
imparfaitement décrites). Les domaines des sciences humaines et sociales
ne suivent pas les mêmes règles, refaire les mêmes choses
dans un autre contexte ou avec une autre population n’est pas censé
fournir les mêmes résultats.
Reste la question des corpus traités, qui peuvent donner lieu à
des analyses secondaires très intéressantes. Le déploiement
généralisé d’internet ouvre des possibilités
inédites de ce point de vue. Des corpus de données recueillies
pour des recherches peuvent être constitués permettant de refaire
les mêmes analyses (réplication non pas des recueils mais des
analyses) ou d’en faire de nouvelles. Des données peuvent
être ainsi rendues disponibles pour essayer de nouvelles méthodes
et les résultats de ces traitements peuvent être conservés
de manière incrémentale.
Nous allons ainsi inviter les auteurs publiés dans Sticef à déposer leurs données de recherche, si possible dans des
sites offrant des outils de traitement et de visualisation. Il s’agit
d’une incitation, non d’une obligation, en attente d’un
débat sur cette question dans la communauté EIAH.
Contenu du recueil 2009
Comme nous l’avons signalé en introduction, le présent
recueil 2009 atteste de la présence de STICEF dans les débats
internationaux sur l’accès libre aux revues scientifiques et la
place des langues nationales dans la recherche.
Suite à sa participation à la 1e conférence
organisée par l’OASPA (Open Access Scholarly Publishing
Association), réunissant les acteurs (publics et privés) de la
publication scientifique pour rendre compte des initiatives actuelles, des
modèles économiques envisageables et des services attendus pour
l’accès libre aux résultats de la recherche, Christophe
Reffay nous livre les réflexions les plus intéressantes issues des
débats qui s’y sont déroulés. Ainsi, sur le partage
de données de recherche, il détaille les avantages que l’on
peut y voir et présente les deux freins majeurs : la
résistance des chercheurs eux-mêmes et les questions de protection
des données personnelles.
Georges-Louis Baron, quant à lui, a participé à une
conférence sur la diversité linguistique dans l’enseignement
supérieur à l’invitation de la DGLFLF
(délégation générale à la langue
française et aux langues de France). La question centrale était
celle de la place des langages nationaux dans l’enseignement
supérieur. Il a présenté la situation de notre milieu et le
rôle important qu’y joue la revue STICEF.
La rubrique de Mehdi Khaneboubi décrit des similarités entre
les opérations de dotations massives en ordinateurs portables en France.
Les observations qu’il a menées sur le terrain montrent que les
enseignants rencontrés ont tendance à utiliser les logiciels
reconnus comme légitimes dans leur champ disciplinaire et que leurs
usages restent dans la continuité de leurs utilisations des technologies
antérieures.
Il rejoint certaines analyses développées par Alain Chaptal dans son article. Avec l’éclairage des situations
américaines et britanniques, ce dernier traite des questions
d’usage des TICE, de leur efficacité et du nouveau paradigme
éducatif censé favoriser les compétences souhaitables en ce
21e siècle. Il met en évidence un modèle
anglo-saxon de management de l’enseignement public par indicateurs qui
pourrait rencontrer un écho favorable en France : quel rôle
les autorités vont-elles attribuer aux données issues de tests
à fort enjeu pour les apprenants mais aussi pour les
établissements ?
Une telle question interroge d’ailleurs les recherches menées en
EIAH, tournées vers la personnalisation : récupérer et
traiter des traces, élaborer des indicateurs, construire des profils,
mais dans quel contexte ? Pour quelle vision de
l’éducation ? Autre débat qui devrait animer la
communauté EIAH, sur l’exploitation possible des travaux sur la
réutilisation de traces et de profils d’apprenants.
Tarek Djouad, Alain Mille, Christophe Reffay, Mohamed BenMohamed soutiennent,
à juste titre, que concevoir et exploiter des indicateurs
d’activités constitue un enjeu pour l’apprentissage avec un
EIAH. Ils proposent une approche de conception guidée par les
modèles des traces d’interaction et exploitant un système de
gestion de traces modélisées. Leur démarche est
illustrée par un exemple concernant des indicateurs
d’activité collaborative sur la plate-forme Moodle.
Patricia Gounon et Pascal Leroux souhaitent guider la mise en place
d’une activité de tutorat en fonction d’une stratégie
identifiée en amont et mettre à disposition des tuteurs les outils
supports à l’encadrement et à l’accompagnement
prévus. Ils ont ainsi élaboré un modèle
d’organisation du tutorat nommé Triton et sa
méthodologie d’utilisation. Ils l’ont intégré
dans des langages de modélisation pédagogique.
Dans le cadre du projet PERLEA (Profils d’Élèves
Réutilisés pour L’Enseignant et l’Ap-prenant),
Stéphanie Jean-Daubias, Carole Eyssautier-Bavay et Marie Lefevre ont
conçu des modèles et des outils pour rendre possible la
réutilisation informatique de profils d’apprenants
hétérogènes. Il s’agit de réécrire a
posteriori les profils dans un formalisme commun grâce à des
procédures semi-automatiques.
Enfin Jean-Claude Régnier et Annick Pradeau convoquent la sociologie
interactionniste d’Erving Goffman pour « faire
parler » les traces des échanges entre six étudiants
engagés dans un apprentissage collaboratif sur un forum de discussion.
Ils mettent en évidence des interactions riches et structurées et
montrent que les contraintes techniques et les caractéristiques
spatio-temporelles influent sur les acteurs qui agissent sur
l’organisation sociale.
Un peu de prospective
L’ATIEF est partie prenante d’un atelier de réflexion
prospective soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) :
PREA 2k30, coordonné par Jean-Marie Burkhardt et Georges-Louis Baron.
Cette action, d’une durée d’un an (d’avril 2010
à fin mars 2011), vise à identifier et préciser les
problématiques majeures dans les 20 prochaines années relativement
aux connaissances et outils clés pour l’apprentissage et
l’enseignement, en tenant compte de leurs dimensions économiques,
industrielles et sociales. L’atelier a pour objectif opérationnel
la production de groupes de scénarios qui, une fois validés,
seront soumis à l’ANR. Il se déroule en trois
étapes :
1. Repérage et mise en commun des états de question sur
l’apprentissage à tous les âges de la vie dans ses
modalités traditionnelles, alternatives voire
émergentes ;
2. Élaboration de scénarios, qui seront l’aboutissement
d’un travail de synthèse et d’échange se
déroulant dans le cadre d’ateliers thématiques
interdisciplinaires comportant des auditions d’experts.
3. Mise en commun des scénarios, identification et
hiérarchisation des points de ruptures et des problématiques vives
de recherches associées.
Le projet PREA 2K30 s’appuie sur un consortium large regroupant des
laboratoires de recherche, des entreprises, des associations, des acteurs du
monde social, de l’éducation et de la formation. En particulier,
l’ATIEF a une responsabilité de coordination du projet avec
l’AFRV (Association française de réalité virtuelle).
Vous trouverez des informations complémentaires sur le site du
projet : http://prea2k30.risc.cnrs.fr.
Pour terminer, précisons que le taux d’acceptation est cette
année de 28% et remercions pour leur travail les lecteurs ne faisant pas
partie de nos différents comités : Marie-Hélène
Abel, Yolande Bourda, Bernadette Charlier, Cyrille Desmoulins, Serge Garlatti,
Thérèse Laferrière et Jean-Philippe Pernin. Ce recueil 2009
fournit un aperçu riche et contrasté des recherches en EIAH,
attestant une nouvelle fois de l’intérêt et de
l’étendue de notre domaine de recherche, qui concerne les liens
multiples et complexes entre apprentissage humain et environnements
informatiques.
Référence de l'article :
Eric Bruillard , Editorial, Revue STICEF, Volume 16, 2009, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 24/04/2010, http://sticef.org
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