Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
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Volume 16, 2009 |
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Ce texte reprend le titre et la trame d’une conférence invitée de l’édition 2008 de la conférence JOCAIR (Jocair, 2008). Usant de cette liberté particulière des interventions de ce type, il présente les interrogations de l’auteur à propos de questions assez générales concernant l’éducation dans son ensemble et pour lesquelles la technologie éducative joue désormais un rôle essentiel. De même, il conserve de cette conférence le double parti pris, d’une part, de traiter simultanément de l’enseignement supérieur et du scolaire (car, du moins jusqu’à la licence, les différences sont probablement moins importantes que les similarités, à l’exception de la nature même du savoir transmis) mais le scolaire occupera cependant, et de loin, la place largement la plus importante ; d’autre part, d’avoir recours à la méthode du « regard de l’étranger » inspirée des Lettres persanes mais, à l’inverse de Montesquieu, il parlera des Etats-Unis d’Amérique et de l’Angleterre pour mieux parler de la France. Sans toutefois succomber le moins du monde à une quelconque fascination pour ces approches anglo-saxonnes avec lesquelles la comparaison se justifie pour de seules raisons heuristiques2. Ce texte diffère toutefois notablement de la conférence car, d’une part, il actualise, développe et enrichit très sensiblement son propos en intégrant notamment des réflexions relatives au récent contexte américain des premières prises de position de l’administration Obama auquel il donne une large place compte tenu des enjeux des débats en cours ; d’autre part et contrairement à la conférence, il s’attache moins à fournir des données, à la fois pour des raisons de place et parce qu’elles sont présentes dans d’autres publications, qu’à relativiser certains jugements à la mode, relevant d’une forme assez répandue de pensée unique, et à essayer d’identifier des tendances émergentes témoignant d’un glissement dans les fonctions assignées aux TICE. Surtout, il s’efforce de croiser les angles d’analyse, mettant en perspective les rôles joués par les technologies éducatives dans divers dispositifs. Sans chercher l’équilibre des diverses parties, il traitera donc successivement de la question des usages des TICE qui sera longuement développée en comparant les situations française, américaine et anglaise, puis il abordera les questions de leur efficacité, du nouveau paradigme éducatif censé favoriser les compétences souhaitables en ce 21ème siècle et poursuivra en soulignant ce qu’a d’idéologique, c’est à dire relevant non d’une approche scientifiquement fondée mais d’un système d’opinion servant des intérêts, le nouveau modèle anglo-saxon de management de l’enseignement public qui se dessine, pour conclure en évoquant les échos feutrés que l’on peut en trouver dans diverses publications officielles françaises. 1. Retour sur la question des usagesOn a coutume de souligner le retard français en matière des TICE et de leurs usages. Cela sonne désormais comme une évidence. Pourtant, jusqu’en 2007, la sous-direction en charge des TICE pour le scolaire et le supérieur s’efforçait de crédibiliser une vie rêvée des TICE, masquant le désengagement financier de l’Etat (notamment en matière de personnels de soutien) en s’appropriant sans vergogne les efforts d’équipement des collectivités territoriales, présentant comme en cours de généralisation de trop rares usages de pionniers, multipliant les annonces médiatisées de projets relevant davantage d’une fuite en avant moderniste que d’une politique structurée (on pense, par exemple, à l’annonce en 2004 de la généralisation des environnements numériques de travail, les ENT, initialement prévue pour 2007 dans le scolaire3). Les voix dénonçant ces faux semblants furent pourtant peu nombreuses.4 Le rapport d’audit de modernisation concernant le scolaire (Igf et al., 2007) notamment p. 79, faisant siennes certaines analyses du rapport de la Commission européenne (Benchmarking, 2006), a fait l’effet d’un coup de tonnerre (sauf pour les rares lecteurs des nombreux rapports sectoriels des inspections générales5) en relevant le caractère encore très limité des usages et en en suggérant la cause principale. Environ un tiers des enseignants du secondaire se disaient en effet non convaincus d’un bénéfice tiré du recours aux TICE (un pourcentage double de la moyenne européenne). Le même pourcentage d’enseignants déclare que la matière qu’ils enseignent ne s’y prête pas (ce qui est une autre façon de dire la même chose). Une situation d’autant plus surprenante que ces enseignants sont tous utilisateurs à titre personnel ou pour les tâches administratives ou de préparation des cours et reconnaissent, comme leurs homologues européens, les effets en matière de motivation des élèves. Une enquête récente menée par TNS Sofres, pour le Conseil général des Landes dont on connait les fortes initiatives en matière de TICE au collège, confirme encore cette situation (Tns Sofres, 2009).6 Alors que 90 % des enseignants se disent satisfaits de l’opération « un collégien, un ordinateur portable », seuls trois sur dix « voient dans l’ordinateur une aide à l’apprentissage du collégien durant sa scolarité » ! L’enquête note aussi que les déclarations des élèves « amplifient davantage ce sentiment d’un usage peu fréquent de l’ordinateur de l’enseignant en classe. »7 Pourtant il est clair que les enseignants sont équipés à titre personnel et utilisent largement les TIC pour préparer leurs cours. Mais cette utilisation personnelle ne débouche pas nécessairement sur une activité en classe. Ce paradoxe des usages et de certains changements de pratique passés inaperçus, les cahiers 24x32 en constituaient pourtant à la fois un indice et un symbole. Permettant aux élèves de coller commodément dans leur propre cahier, sans découpage ni pliage supplémentaire, une page de cours au format 21x29,7 réalisée sur ordinateur, photocopiée ou imprimée par l’enseignant, leur usage s’est progressivement répandu dans les listes de fourniture scolaire. A tel point qu’un fabricant important du secteur, Clairefontaine, interrogé par mail, constatait à l’été 2008 que les ventes en quantité étaient équivalentes pour les formats 24x32 cm et 21x29,7 cm aussi bien en haut de gamme (papier 90 g/m²) qu’en bas de gamme (56 à 70 g/m²). Un usage modeste, ancré sur des pratiques antérieures qu’il enrichit, loin des annonces de révolution pédagogique ou de zéro papier,8 mais un usage bien réel. Presqu’au même moment que le rapport d’audit « sur la contribution des nouvelles technologies à la modernisation du système éducatif » évoqué plus haut, le rapport Isaac (Isaac, 2007) faisait à son tour des constats voisins pour l’enseignement supérieur, notant, au-delà d’un fonctionnement minimal, le problème des ENT pauvres en « services aux étudiants » et en contenus pédagogiques, une production de ressources des UNT réalisée en dehors des dispositifs pédagogiques et débouchant sur une faible utilisation (notant au passage qu’aucune donnée n’était disponible sur celle-ci) et surtout une faible perception des enjeux par la communauté.9 Retard français donc ? Assurément dans au moins deux domaines : la faiblesse, jusqu’à présent, de l’implication de l’Etat et des moyens limités qu’il consacre depuis des années au développement des TICE ; la rareté des travaux de recherche ou d’analyse pour lesquels n’existe quasiment plus aucun financement spécifique10. Mais un retard qu’il convient de relativiser si on compare la situation hexagonale avec, par souci de contraste maximal, celle de pays où ces deux handicaps ne sont pas à l’ordre du jour. En Angleterre comme aux Etats-Unis, existe en effet une forte tradition ancrant les décisions politiques ou de gestion dans des « faits » ou des résultats censés les justifier. Le recours systématique à ces « rationale » suscite à son tour en amont, quantité de travaux d’analyse ou de recherche émanant d’universitaires, de groupes d’experts, de fondations privées, de consultants ou de groupes de pression qui, même s’ils ne sont pas dénués d’arrière-pensées, constituent néanmoins généralement des documents d’expertise ou de réflexion de qualité. Pour le chercheur, ils constituent des références très précieuses dès lors que l’on peut croiser les sources et mettre en perspective ce qui les détermine. En d’autres termes, dans le monde anglo-saxon, on prend les technologies éducatives au sérieux, à l’inverse de la légèreté et de la désinvolture trop souvent manifestées en France dans les promesses officielles. Au risque d’être injuste au regard d’une liste fort longue, nous ne mentionnerons ici à titre d’illustration que leurs dernières manifestations sous le précédent ministère chargé de l’Education. Recevant le 21 mai 2008 le rapport, par ailleurs plutôt bien accueilli, de la commission e-Educ (e-Educ, 2008), le ministre Darcos évoquait cinq propositions comme pouvant être « dès à présent retenues » dont : la généralisation des ENT (avec dès 2010 l’obligation d’utiliser le cahier de texte électronique et un objectif de zéro papier pour les échanges scolaires) ; une plate-forme d'identification et de présentation des ressources, des usages et bonnes pratiques (qui devait être créée courant 2008 !) ; un observatoire national des TICE, ayant pour objectif « de recenser les expériences nationales et internationales, de produire des analyses et de faire des propositions » devait être créé « très rapidement ».11 Le lecteur est juge. Au lieu de quoi, la grande nouveauté TICE de 2008 fut la totale décrédibilisation du B2i, objet d’une validation généralisée au forceps car devenue indispensable pour l’obtention du diplôme national du brevet. Au moment où ces lignes sont écrites, à l’automne 2009, le nouveau Ministre chargé de l’éducation, Luc Chatel vient d’annoncer la préparation d’un grand plan numérique pour 2010. Les versions numériques des manuels scolaires se sont multipliées à l’occasion de la rentrée scolaire connaissant une spectaculaire augmentation de leur diffusion, possible signe porteur d’une inflexion de l’attitude des éditeurs. Vertu des craintes de pandémie, le CNED a aussi mis en ligne12 des contenus de cours accessibles gratuitement. Et le Ministère vient de publier un référentiel de compétences TICE pour les cadres du système éducatif. Signes fragiles d’un changement à venir ou bien annonces d’une politique vouée à faire « pschitt » comme ses devancières ? Il est trop tôt pour se prononcer mais encore convient-il de noter que, pour la première fois depuis fort longtemps (depuis Claude Allègre, en fait), le Ministre semble s’être personnellement saisi de cette question des TICE, ce qui en soi n’est déjà pas rien. 1.1. la situation américaineAux Etats-Unis, l’Etat fédéral n’est pas l’acteur majeur de l’éducation.13 Il ne contribue qu’à environ 9 % de son financement global. Le système est décentralisé à l’extrême et ce sont les Etats (et parfois les districts) qui prennent les décisions majeures en matière de gestion comme de programmes scolaires.14 C’est d’ailleurs précisément parce qu’il se situe aux antipodes du nôtre qu’il est particulièrement intéressant de l’étudier. Sa décentralisation n‘empêche toutefois pas l’existence d’un système unique, fondé sur des principes d’organisation, une culture et une philosophie éducative partagés par tous avec notamment un accord très général et qui se manifeste depuis de longues années pour remédier aux difficultés du système par le recours aux technologies éducatives (Chaptal, 2003). Ce qui est aussi une forme de concrétisation de cet aspect de la culture américaine caractérisé par la confiance dans le progrès technique et l’innovation. L’administration Bush a toutefois profondément modifié le contexte général avec la loi NCLB adoptée au début de son premier mandat, fin 2001.15 Jouant habilement du levier de l’aide fédérale pour les repas des élèves nécessiteux, bénéficiant d’un fort consensus bi-partisan, elle a su imposer avec l’assentiment des Etats une forte pression aux établissements scolaires : fixant des objectifs de réussite pour tous les élèves (devant atteindre le niveau « proficient », c'est-à-dire bon, en anglais et en mathématiques d’ici 201316), généralisant pour ce faire le recours aux tests dans ces deux matières avec des objectifs de progrès annuels accompagnés d’un arsenal de sanctions en cas d’échecs répétés. La loi NCLB a mis en avant la notion de « accountability », rendant les établissements et leurs enseignants responsables des progrès de leurs élèves et les sommant de rendre des comptes. Nous y reviendrons longuement plus loin. Du point de vue des technologies éducatives, ce phénomène s’est traduit par un changement radical de perspective. Si, sous l’administration Clinton, l’accent était mis sur le rôle que celles-ci pouvaient jouer pour transformer l’éducation et ouvrir de nouveaux horizons pédagogiques, l’administration Bush a, de manière très cohérente vis-à-vis de NCLB, insisté sur la technologie comme outil d’analyse des données issues des tests pour définir des profils d’apprentissage et de succès fondés sur les statistiques tirées des résultats des élèves. On a donc assisté au développement d’une culture du résultat, fondée sur le triptyque transparence-indicateurs-incitations,17 reposant sur des indicateurs simplistes et aboutissant à une stigmatisation des écoles en échec. Une orientation qui s’est accompagnée d’une référence quasi-obsessionnelle dans la loi NCLB aux résultats scientifiquement prouvés, on y reviendra également. La nouvelle administration Obama semble, quant à elle, vouloir mettre en avant le thème de l’innovation, rejoignant des positions défendues par exemple par la Brookings Institution (Mead et Rotherham, 2008), un Think Tank généralement considéré comme étant d’inspiration libérale modérée, tout en réaffirmant l’importance de l’exploitation des données issues des tests.18 L’autre évolution significative durant ces dernières années concerne le très fort développement du e-Learning aussi bien dans le scolaire que dans le supérieur. On connait le succès d’initiatives aussi diverses que les plus de 200 000 inscrits aux cours en ligne de Phoenix, université à but lucratif, ou les cours gratuits de Open CourseWare du MIT19. Selon la photographie annuelle réalisée par le Sloan Consortium, 3,9 million d’étudiants ont pris au moins un cours entièrement en ligne à l’automne 2007, une progression de 12,9 % sur l’année précédente (Allen et Seaman, 2008).20 Sans parler de ceux, beaucoup plus nombreux qui bénéficient des environnements hybrides du Blended Learning. Le même consortium estime à 1 030 000 le nombre d’élèves du scolaire suivant au moins un cours en ligne en 2007-2008 soit une progression de 47 % depuis 2007 (Picciano et Seaman, 2009).21 Des cours qui sont principalement de trois types : remédiation, enseignement d’options, préparation au supérieur. Le Department of Education a chargé un groupe d’experts menés par Barbara Means du Center for Technology in Learning de SRI International d’évaluer les pratiques d’enseignement en ligne. Leur rapport (DoE, 2009), qui traite du scolaire comme du supérieur, propose plusieurs conclusions intéressantes. D’une part, il conclue clairement à partir de toutes les données et études analysées que les étudiants du supérieur apprennent plus efficacement dans les environnements en ligne et particulièrement dans les environnements hybrides. Constatant que ces dispositifs en ligne ont généralement été conçus de manière plus approfondie et rigoureuse que les cours traditionnels et que les étudiants sont censés y consacrer davantage de temps, les auteurs mettent toutefois en garde contre toute conclusion hâtive attribuant ce mérite au media per se. Au contraire, ils se réfèrent explicitement pour expliquer ces résultats au célèbre article de Richard Clark de 198322 défendant l’idée que les media n’ont pas d’influence sur l’apprentissage et que ce qui importe c’est ce que fait l’enseignant, sa stratégie éducative. Pour ce qui concerne le scolaire, le rapport, tout en confirmant le développement de ce type d’offre éducative, regrette de ne pouvoir conclure faute d’un nombre suffisant d’études rigoureuses. Mais qu’en est-il de l’usage des TICE dans l’école américaine ? Il semble assez modeste comparé aux incitations, aux efforts et aux moyens déployés depuis tant d’années. L’hebdomadaire de la profession qualifiait de sporadique l’intégration des outils numériques dans l’enseignement à l’occasion d’un numéro spécial anniversaire faisant en 2007 le point sur dix ans de politique TICE.23 Un an plus tôt, une étude américaine commanditée par Cisco (Lemke, 2006) proposait une même analyse en relevant, de surcroît, d’une part, l’existence d’interrogations quant à la valeur ajoutée des TICE, voisine des doutes des enseignants français, d’autre part l’énorme décalage entre les promesses inconsidérées de leurs promoteurs et la réalité des usages : “Three decades after the first computer was introduced into school classrooms, educational technology remains surprisingly controversial ... many are questioning its value. The reality is that advocates have over-promised the ability of education to extract a learning return on technology investments in schools.” Plus récemment, les deux principaux syndicats de l’éducation, la NEA et l’AFT ont conduit une enquête (Access, 2008) aboutissant pp. 1 et 3 aux mêmes conclusions : “Yet, despite these significant investments of resources and time, the debate on education technology is still largely unresolved. ... The findings of this study reveal that although all educators and students in public schools have some access to computers and the Internet, we have few assurances that they are able to use technology effectively for teaching and learning.” “Both educators’ and students’ use of technology for instruction has been limited in scope and infrequent.” On ne saurait mieux dire ... Seuls environ 15 % des enseignants déclaraient mettre en ligne quotidiennement des informations relatives à la classe. Pour ce qui est de la communication, seulement environ 10 % d’entre eux communiquaient par mail avec les parents (un pourcentage variant en fait de 8,2 % pour les écoles défavorisées des centres urbains à 16,8 % pour les banlieues résidentielles). Pour les élèves, l’usage le plus fréquent concerne la recherche d’informations. Le pourcentage d’enseignants demandant à leurs élèves d’effectuer des recherches variant de 27 et 30 % pour le primaire et l’équivalent de notre collège jusqu’à 40,2 % pour le lycée, des chiffres somme toute étonnamment bas. Le recours à la technologie pour conduire des projets de groupe est encore beaucoup moins fréquent (les chiffres sont respectivement de 15,9 % pour le primaire, de 13,3 pour le collège et de 24,5 % pour l’équivalent de notre lycée). Une dernière confirmation de cette adoption limitée des TICE peut être trouvée dans un baromètre annuel réalisé par la Software & Information Industry Association, la SIIA Vision K-20 Survey. Une enquête comportant une vingtaine de questions à considérer avec beaucoup de prudence compte tenu de la faiblesse de son échantillon statistique (500 répondants pour la version 2009) et du caractère discutable des indices composites utilisés mais dont il est néanmoins intéressant de comparer les évolutions. En 2008, l’indice d’utilisation des TICE s’établissait à 61 % (pourcentage qui peut sembler élevé mais qui s’explique par le poids relatif des questions concernant les accès internet). En 2009, il est de 62 %, soit 1 % seulement d’évolution au grand dam de cette organisation professionnelle dont l’intérêt est évidemment de promouvoir l’usage des TIC. Deux explications sont avancées dans le rapport : d’une part, les effets de la récession, d’autre part le fait que l’échantillon soit augmenté de 25 % par rapport à 2008. Les auteurs écrivent “The 2009 survey may have reached beyond the education technology leaders that SIIA reached last year.” (Results, 2009) ce qui est une façon curieuse de reconnaître en creux que, au delà de quelques pionniers, les TICE ne sont pas encore largement intégrées aux États-Unis. D’ailleurs, lors de la présentation de ces résultats, Karen Billings, vice-présidente éducation de la SIIA, reconnaissait avoir espéré une croissance annuelle minimale de 5 ou 6 % et ajoutait crument concernant l’objectif du SIIA d’atteindre une bonne intégration en 5 ans « But at one percent a year, we’re not going to see it in our lifetimes. That’s a bit disconcerting. »24 La situation ne semble guère différente dans le supérieur. Intervenant début janvier 2010 au HigherEd Tech Summit, Martha Kanter, under secretary of education, déclarait que l’usage des technologies devrait être « standard practice. It isn’t now. »25 1.2. La situation anglaiseA bien des égards, l’Angleterre apparaît comme l’Eldorado des TICE. Ou du moins pouvait passer pour telle. Elle était également, jusqu’il y a peu, le pays champion du monde des tests scolaires des élèves débouchant sur des palmarès des écoles, les League Tables, une formule qui évoque les championnats sportifs.26 L’étude européenne de 2006 marquait déjà nettement le différentiel concernant l’utilisation fréquente des TICE en classe (cf. la dernière colonne du tableau) par les enseignants anglais (Benchmarking, 2006).
L’utilisation des TICE par les enseignants anglais est très documentée par de nombreux rapports officiels ou de recherche (Besa, 2007) ; (Kitchen et al., 2007) ; (Smith et al., 2008a) ; (Smith et al., 2008b), conséquence d’une culture britannique particulière de l’évaluation et de la décision (Balanskat et al., 2006) : [in the UK] “Indeed, this evidence-based approach fits into a wider policy adopted in the UK according to which decision making should draw upon the findings of scientific research. ... They (the studies) aim to answer the question of whether the considerable increase in ICT investment paid off by making a real difference to educational standards.” Le développement, réel, du recours aux TICE, découle d’une politique globale et durable, intelligente et décentralisée, reposant sur la structuration d’une industrie. Le syndicat professionnel regroupant les fournisseurs de ressources, de matériels ou de services éducatifs, la British Educational Suppliers Association ou Besa a joué en effet un rôle de plus en plus déterminant dans l’élaboration des politiques éducatives. Cela n’est pas dû seulement au talent de ses dirigeants. Il s’agit de la concrétisation d’un projet politique, élaboré par Margaret Thatcher et confirmé par le New Labour, attribuant un rôle important à l’industrie, à sa vision d’un marché et ses problématiques de retour sur investissement, dans la définition et la planification des politiques éducatives. Lors des deux premiers gouvernements conservateurs des années 80, des efforts importants ont été consacrés à la création d’un marché éducatif. Pour cela les collectivités locales ont été mises à l’écart, les crédits allant directement vers des établissements rendus autonomes pour leurs achats, et la profession enseignante s’est vue déposséder de son rôle de gardien (et d’arbitre) des valeurs éducatives. A l’inverse, l’accent a été mis sur l’affirmation du droit des parents de librement choisir l’école de leurs enfants, le gouvernement définissant des standards et un curriculum national et mettant en place le système des tests généralisés. La poursuite de cette politique, avec néanmoins d’importantes inflexions, par le New Labour aura, en l’espace de 20 ans profondément modifié le contexte dans lequel évoluent les écoles qui, d’un contrôle local sont passées à un cadre national via une politique fondée sur des normes et qui leur demande de rendre des comptes (accountability).27 La politique TICE des pouvoirs publics, bénéficiant du précieux et intéressé appui du Besa, s’inscrit toutefois dans le cadre plus général de la priorité accordée par le New Labour à l’éducation en termes de moyens, faisant de celle-ci un enjeu de société important après les coupes sombres de l’ère Thatcher. Les dépenses locales d’éducation pour le primaire et le secondaire ont atteint 31 milliards de £ en 2007, une croissance de 56 % en £ constantes depuis 1997. Dans le même temps, alors que le nombre d’élèves baissait de 80 000, le nombre d’enseignants croissait de 32 000, celui des assistants d’éducation de 100 000 et celui des personnels de soutien de 70 000 (Audit, 2009)28. Des moyens importants ont été consacrés aux TICE. En juin 2007, le Ministre Jim Knight déclarait "Since 1998 we have invested over £5bn to create an ICT infrastructure in schools." (Chaptal, 2008a). Pour 2008-2009, les estimations du Besa tablaient sur un montant de 644 millions, partagé sensiblement équitablement entre le primaire et le secondaire et correspondant à une croissance de 8,4 % pour le primaire et 5,1 % pour le secondaire. Et prévoyaient 672 millions de £ pour 2009-2010 (Besa, 2008b) ; (Chaptal, 2009). Il faut toutefois noter que la question de la poursuite de cet effort est désormais posée. Outre la fin, en août 2008, des crédits fléchés pour l’acquisition de ressources, les e-Learning Credits, la nouvelle réactualisation du plan TICE (Becta, 2008d) annonce en effet clairement dans son alinéa 86 (p. 39) un futur désengagement de l’état vis-à-vis des dépenses d’équipement en ordinateurs en se fondant sur le développement rapide des terminaux personnels (PDA, téléphones, UMPC...) acquis par les familles. “There are significant opportunities to deliver educational information, resources and services via many personally-owned devices. Parents, learners and employers are already directly funding many of these and public funds can be used not to replicate this provision but to support its use for learning. The era of government investing in the major share of technology used by individuals for education and skills is passing”. Et de préciser quelques lignes plus loin “The tendency noted earlier towards greater personal ownership of technology will also reduce the pressure on hardware expenditure within the education budget.” Les usages par les enseignants sont cependant incontestablement au rendez-vous et ils progressent d’année en année. Selon les propos du Minister of State for Schools and Learners, Jim Knight, « technology is no longer optional ». Mais comme le note le rapport du Becta qui le cite, il reste encore un long chemin à parcourir avant que ce message ne reflète une réalité généralisée. Si les progrès sont constants, y compris partiellement en termes d’enrichissement des usages, il reste en effet des « poches » où l’adoption demeure très limitée en particulier dans l’enseignement secondaire supérieur post GCSE (Further Education) mais on note aussi l’existence d’une « long tail » d’écoles primaires à la traîne comme le note le Becta p. 15 (Becta, 2008f). L’actualisation du plan TICE est censée prendre en compte ce contexte. La situation se révèle en fait complexe et ambivalente, excluant tout jugement simpliste comme en témoignent les évolutions de la notion de e-enablement ou de e-maturity développée par le Becta et qui correspond au degré supérieur d’intégration des TICE par les établissements et à la capacité de ceux-ci à les utiliser de manière efficace. Les progrès sont nets sur les six dernières années. Le pourcentage d’écoles primaires e-mature est ainsi passé de 22,3 % en 2002 à 28 % en 2008 alors que dans le même temps les établissements secondaires progressaient un peu moins de 20,4 % à 25 % (Becta, 2008d) ; (Becta 2008f)29. A noter que ces pourcentages 2008 sont très voisins de ceux déjà atteints en 2007, traduisant une grande stabilité du paysage voire un possible plateau de la progression, loin de l’objectif ambitieux de 80 % à l’horizon 2011 (Becta, 2007b). Cette situation met aussi en évidence un pourcentage d’environ un tiers des établissements scolaires « ambivalents » ou retardataires. Parmi ces derniers, on notera la prédominance des écoles primaires (13 % contre 8 % pour les établissements secondaires) qui se signalent ainsi aux deux extrémités du spectre. Malgré les efforts consentis depuis plus de dix ans, le bilan que l’on peut tirer s’avère nuancé même si l’indéniable progression du recours aux TIC (et notamment aux tableaux blancs interactifs) doit être soulignée. La typologie des ressources utilisées met aussi en évidence des différences nettes entre le primaire et le secondaire, par exemple pour les ressources sur Internet (utilisées par 64 % des enseignants du primaire contre 46 % du secondaire) ou les tableaux blancs interactifs (utilisés par 84 % des enseignants du primaire contre 64 % du secondaire) (Becta, 2008f). L’analyse des évolutions dans la durée montre d’ailleurs le rôle prépondérant joué par les tableaux blanc interactifs (Interactive Whiteboards ou IWB) dont la généralisation (on en compte en 2009 en moyenne 8,8 par école primaire et 25 par école secondaire) (Chaptal, 2009) a rythmé la progression de l’usage des TICE. Celles-ci sont d’abord utilisées dans une logique de présentation. Les usages s’effectuent très majoritairement en classe entière n’impliquant que le recours à un éventail limité, très classique, de technologies sans nécessairement favoriser l’interactivité des élèves, loin des propos sur les supposées compétences nécessaires au 21ème siècle qui constituent la légitimation avancée dans les discours des politiques sur le changement du système. Les usages des Learning Platforms, le plus proche équivalent de nos ENT, connaissent une montée en puissance beaucoup plus lente que prévue et demeurent, à ce jour, modestes malgré le grand pragmatisme de l’approche (Chaptal, 2009). Les utilisations semblent, en outre, très élémentaires, reposant essentiellement sur le stockage de documents et de ressources pour les apprenants, des usages correspondants davantage à ceux d’un simple intranet et qualifiés de « passifs » par une enquête annuelle qui souligne p. 7 que les progrès sont limités (Smith et al., 2008a). Quand on interroge les élèves anglais sur ce qu’ils font en classe, leurs réponses ne diffèrent pas sensiblement de ce que pourraient être celles de leurs camarades français, comme le montrent cette citation tirée de l’actualisation 2008 du plan TICE (Becta, 2008d) : Learners aged 11 to 19 report that three of the most commonly reported activities in class are still copying from the board or a book, ‘listening to a teacher talking for a long time’ and taking notes while the teacher talks. By contrast, learners’ reported preferred ways of learning are ‘in groups’, ‘by doing practical things’, ‘with friends’ and ‘by using computers’. Les pourcentages relatifs à ces activités les plus courantes sont respectivement de 52 %, 33 % et 25 %. Travailler sur un ordinateur n’est crédité que de 16 %. Du point de vue des élèves, la place de l’ordinateur en classe demeure donc assez modeste. Au total, le bilan que l’on peut tirer des exemples anglo-saxons apparaît donc plus que nuancé. Manifestement, les changements qualitatifs espérés concernant l’évolution des modèles pédagogiques ne se sont pas produits et, de plus, la place tenue par les TICE dans le processus éducatif demeure assez modeste, au-delà de l’amélioration évidente des fonctions de présentation. A la lumière de ce que nous venons de voir des situations américaine et anglaise on est donc, nous semble-t-il, fondé à sérieusement relativiser la notion de retard français en matière d’usage des TICE sans toutefois pour autant en nier les freins spécifiques (au premier rang desquels la faiblesse de l’implication du Ministère et celle, corollaire, des incitations de l’appareil de l’éducation nationale) (Chaptal, 2007). Est-ce à dire que la prudence française s’en trouve ainsi justifiée ? Certainement pas dans la mesure où a contrario les usages des TICE ne peuvent se développer sans l’environnement nécessaire tant en termes d’infrastructures (mais en ce domaine l’investissement des collectivités territoriales est appréciable) que de dispositifs incitatifs et de perspectives pédagogiques claires. Cette situation suscite des interrogations. Quels éléments pourraient expliquer ces usages encore limités alors même que des efforts considérables ont été précisément consentis en termes de moyens et d’incitations en Angleterre et aux Etats-Unis ? Serait-ce, comme le notait, il y a déjà douze ans, pour la France, l’Inspection générale dans le chapitre consacré à l’utilisation du multimédia dans les enseignements de son rapport annuel 199730, que : « Les technologies de communication et d’information, comme le travail sur réseaux s’accommodent mal de découpages horaires stricts et du manque de souplesse issus directement de la forme traditionnelle de l’enseignement simultané. » En d’autres termes, faut-il changer de modèle pédagogique et mettre en place une approche fondée sur la vulgate socio-constructiviste insistant sur la personnalisation de l’apprentissage et sur l’acquisition de nouvelles compétences : apprendre à apprendre, résoudre des problèmes, travailler de manière collaborative... ? Avant d’examiner cet aspect de la question et afin de mieux l’éclairer, nous ferons toutefois un détour par la problématique de l’efficacité. 2. L’efficacité, une question mal poséeNous avons déjà évoqué cet aspect particulier de la culture anglo-saxonne, corollaire de l’attention portée à l’évaluation, consistant à fonder les décisions sur des faits ou arguments les justifiant, l’idéal étant de disposer de la caution la plus scientifique possible. Une approche que l’on qualifie généralement de « evidence based », fondée sur la preuve. S’agissant des technologies éducatives, cette preuve de leur utilité est recherchée du côté de leur efficacité appréciée en fonction de l’amélioration des résultats scolaires des élèves (Balanskat et al., 2006) : “In the UK approach focus is on proving the causal relationship between ICT and better learning outcomes in national tests (measurable systemic indicators)” Aux Etats-Unis, on parle aussi de Informed Decisions ou de Data Driven Decision Making ou D3M. La loi NCLB préfèrera la formule SBR, Scientifically Based Research, à laquelle le texte de la loi se réfère jusqu’à l’obsession et fera de la méthode comparative pure (comparant les résultats quantitatifs d’un groupe test et d’un groupe témoin composés de façon aléatoire) le critère quasi-unique d’évaluation de cette scientificité. Cette référence à un ancrage scientifique « solide » sera le leitmotiv des politiques mises en œuvre par l’administration Bush au nom de la transparence des informations permettant le libre choix des parents et concernera tout particulièrement l’utilisation des données statistiques des tests et les effets du recours aux technologies numériques. Il se trouve que cette question de l’efficacité est au cœur des préoccupations de l’auteur de ces lignes qui y a consacré sa thèse de doctorat (Chaptal, 1999) ; (Chaptal, 2003) en défendant l’idée que la question de l’efficacité est une question généralement mal posée pour trois séries de raisons : - parce qu’elle repose sur une approche implicitement ou explicitement productiviste fondée sur les seules comparaisons mesurables ; - parce qu’elle se fonde sur l’illusion de la possibilité d’isoler une variable unique, en l’occurrence les TIC, alors qu’il s’agit de phénomènes d’une complexité extrême où de nombreux facteurs interfèrent ; - parce qu’elle illustre le paradoxe consistant à évaluer l’efficacité supposée de la nouveauté par comparaison avec des indicateurs en cohérence avec des modèles traditionnels. L’auteur tient donc à remercier particulièrement l’administration Bush et le Congrès des Etats-Unis pour avoir consacré des millions de $ pour apporter une confirmation expérimentale à cette thèse dans le cadre de la loi NCLB. Il en évoquera ici deux exemples particulièrement éloquents. Soucieux d’apprécier le retour sur investissement, le Congrès avait explicitement souhaité en 2003 que soit ainsi évaluée selon cette méthode l’efficacité de logiciels éducatifs pour la lecture et les mathématiques. L’Institute for Educational Sciences a ainsi reçu 14,4 millions de $ pour finalement sélectionner les 16 logiciels les plus pertinents correspondant à quatre niveaux scolaires. Le rapport intermédiaire publié en 2007 (Dynarski et al., 2007) concluait qu’aucun effet n’avait pu être mis en évidence concernant les résultats aux tests. Une conclusion qui avait à l’époque fait quelque bruit d’autant que l’étude avait mis à contribution des experts réputés. L’étude suivante (Campuzano et al., 2009), la dernière de ce programme de recherche publiée début 2009, ne portait que sur dix logiciels proposés notamment par de grands éditeurs (Riverdeep, Houghton Mifflin Harcourt, Plato Learning, Carnegie Learning,..) testés au total auprès d’environ 13 000 élèves. Elle aboutit globalement au même résultat mais, contrairement à la précédente qui ne faisait état que de résultats anonymisés, celle-ci fournit les résultats produit par produit. Si le fait de ne mettre en évidence aucune différence significative n’est ni nouveau ni négatif en soi,31 ce résultat est ici doublement décevant : car il ne justifie pas les dépenses supplémentaires liées à l’acquisition de ces outils qui complètent l’action des enseignants mais aussi parce que l’Institute for Educational Sciences avait mis beaucoup d’espoirs dans ce type d’analyses portant sur de grands échantillons constitués aléatoirement (dénommés large-scale randomized studies) dont cette étude constituait l’une de ses premières réalisations,32 jetant le doute sur ce que l’administration Bush avait présenté comme le Gold Standard de la recherche.33 Le second exemple concerne la création d’un dispositif qui devait identifier et faire connaître ce qui « marche » en éducation, la What Works Clearinghouse, mise sur pied en septembre 2002 pour constituer, «a trusted source of scientific evidence of what works in education».34 L’idée n’était pas totalement nouvelle. En 1974 avait été créé le National Diffusion Network, initiative fédérale pour identifier les programmes éducatifs innovants. Il disparaîtra officiellement en 1995.35 Mais cette fois-ci, la What Works Clearinghouse devait être la vitrine privilégiée de cette approche SBR prônée par la loi NCLB. Ses responsables mettaient en avant la rigueur de ses critères de sélection des études ou recherches garantissant la conformité de celles qui étaient retenues au fameux Gold Standard du comparatif aléatoire. Les premiers résultats, publiés au bout de deux ans ont étonné. Les seconds, deux ans plus tard ont suscité une polémique. En septembre 2006, quatre ans et 23,4 millions de $ après le lancement de l’opération, seules 32 initiatives avaient en effet passé le premier filtre relatif au sérieux suffisant des études justifiant un examen plus poussé. En définitive, seules 8 ont été jugées comme ayant des effets « positifs » ou « potentiellement positifs ».36 A tel point que ses critiques surnommeront la Clearinghouse « nothing works ». Après diverses contorsions visant à assouplir des critères considérés désormais comme trop rigoureux et de nature à jeter le discrédit sur la recherche et malgré la création de nouvelles catégories intermédiaires, le site web proposait encore à l’été 2008 un nombre extrêmement restreint d’études ayant satisfait aux critères (zones figurant en vert sur le schéma) comme le montrent les exemples ci-dessous pour diverses typologies d’études ou de recherches : Ce résultat met en cause non la qualité propre des recherches analysées mais la pertinence de cette approche intégriste du Gold Standard. Cet échec spectaculaire a conduit à un changement d’opérateur fin 2007 (débouchant sur le choix de Mathematica, l’organisme déjà retenu par le Congrès pour l’étude sur les logiciels) et à de nouvelles approches plus légères (par ex des « quick reviews »). Mais redonner de la crédibilité à une initiative aussi dévaluée s’apparente à une tâche quasi-insurmontable. Il faut ajouter que des critiques méthodologiques sévères ont été portées sur les rares études qui avaient passé les filtres censés être les plus rigoureux. Comme le note le chercheur et éditeur Robert Slavin « the clearinghouse gives its highest ratings for evidence of positive effects to programs supported by studies that are often very small, very brief, very biased, and/or very seriously flawed in other ways »37 Au total, loin de prouver scientifiquement l’efficacité, l’approche mise en avant de manière très exclusive par l’administration Bush apparaît ainsi largement décrédibilisée comme témoignant d’une vision réduite, étroite et sujette à des effets de seuil38. Le recours complémentaire à d’autres méthodes, notamment qualitatives, prenant en compte les éléments du contexte apparaît dorénavant comme une nécessité. Un indicateur unique, assez simpliste, ne saurait suffire à rendre compte de la complexité des situations éducatives. En Angleterre, des initiatives similaires ont conduit à des résultats semblables comme le notait en 2007 pp. 23 et 24 l’agence publique chargée des TICE (Becta, 2007a) : « Overall, the evidence on the impact on attainment of learning through ICT remains inconsistent, however. .../... Some of the evidence from smallscale, primarily qualitative studies, is less robust, but even where attainment is clearly defined and standardised tests are used, isolating the impact of the ICT use on attainment is problematic. ... The evidence on the impact on some of the intermediate outcomes such as motivation and engagement, as opposed to the end-point outcome of attainment, is somewhat more persuasive. » Face aux promesses inconsidérées de certains avocats des TICE concernant leur efficacité supposée, le décalage apparaît considérable alors même que d’autres changements, plus en profondeur, peuvent ne pas être pris en considération. En fait, cette approche SBR avec sa croyance affirmée dans le pouvoir des chiffres, dans ce qui est mesurable même s’il s’agit d’indicateurs assez simplistes, apparaît comme un premier exemple d’une approche idéologique. Lorsque les résultats expérimentaux ne confirment pas les attentes, le discours va d’ailleurs tout simplement se déplacer pour embrasser de la même manière d’autres horizons. L’annonce d’un changement pédagogique profond, voire d’une véritable révolution, est alors une manifestation devenue classique de ce type de fuite en avant. Le souci de cohérence des discours officiels, même quand ils se revendiquent de l’Informed Decision, est parfois limité. Nous allons en analyser d’autres manifestations. 3. Vers un nouveau paradigme ?Un autre exemple de cette cohérence sélective ou « à trous » peut-être trouvé dans la nature même du dispositif NCLB qui affiche l’objectif que les élèves atteignent tous le niveau « proficient » sans se soucier, le moins du monde, de définir de manière claire, précise et uniforme ce qu’on entend par là. Et sans que cela suscite des réactions notables, du moins, pendant les six premières années. Autre exemple, quand les discours prônent une révolution pédagogique pour mieux prendre en compte les compétences supposées indispensables au citoyen ou au travailleur du 21ème siècle sans chercher à soumettre ces assertions au crible de ce SBR tant vanté. Ces facultés cognitives sur lesquelles on insiste, au premier rang desquelles l’esprit critique, sont par contre généralement qualifiées de supérieures ou de haut niveau par référence à la taxonomie hiérarchisée de Bloom39, une référence qui a aussi pour effet, par simple effet de vocabulaire, de dévaloriser les compétences que chercheraient à développer les méthodes traditionnelles. 3.1. La logique transformative, rôle clé des TICLa logique transformative de l’école est en particulier au cœur de la stratégie anglaise des TICE (Chaptal, 2009). Elle l’était également aux USA du temps de l’administration Clinton et représente toujours un des éléments importants des discours officiels sur les TICE en association avec le thème de la compétitivité économique même si l’administration Bush a fait passer au premier plan la thématique de l’exploitation des données statistiques pour l’amélioration des résultats des élèves. Les publications de l’OCDE illustrent de manière exemplaire cette approche principalement utilitariste de l’éducation. C’est l’économie qui doit déterminer le système éducatif (Lubienski, 2009) : « Les nouveaux impératifs de l’économie mondiale demandent des compétences nouvelles, et l’école doit donc innover pour répondre à ces attentes. » 40 De quelle innovation s’agit-il ? Quel est ce nouveau modèle que l’on désigne souvent pompeusement du nom de nouveau paradigme ? Il insiste sur les compétences (en les opposant d’ailleurs de manière assez primaire aux contenus) : l’esprit critique, la capacité à apprendre à apprendre, à résoudre les problèmes et à travailler collectivement. Il repose prioritairement sur ce qu’on appelle des méthodes actives puisque l’apprenant est vu comme l’acteur privilégié de la construction de son savoir. Du point de vue théorique, il s’agit d’une version de grande diffusion de ce que l’on nomme généralement le socio-constructivisme. On pouvait, par exemple, trouver une parfaite illustration de cette vulgate dans une intervention d’un haut responsable de l’Unesco lors du Education Leaders Forum de 2008 organisé par Microsoft (ELF, 2008).
Dans la colonne de gauche, on passe d’un système figé, uniforme, orienté par l’offre à un système flexible, diversifié, personnalisé, piloté par la demande. Et à droite, ô miracle, ceci permet d’améliorer l’efficacité et la qualité, d’ouvrir l’accès tout en réduisant les coûts. Il est navrant que ce discours qui se veut de modernité ne recouvre que de vieilles lunes. Donnons en quelques éléments d’appréciation. Sur le modèle économique d’abord. Ce thème de la réduction des coûts, du « more with less », de substitution du capital (les technologies) au travail, pour reprendre une formule qui eut son heure de gloire, via ce changement de modèle et une organisation rationalisée était au coeur des discours du consortium Educause, grand promoteur des TIC pour l’université américaine, au milieu des années quatre-vingt-dix, au temps des autoroutes de l’information (Massy et Zemsky, 1995) ; (Twigg et Oblinger, 1996). Ou bien des recommandations des grands cabinets de consultants, juste avant l’éclatement de la bulle Internet (Moe et Blodget, 2000), car il s’agissait aussi, déjà, d’un discours s’appuyant fortement sur celui des entreprises. Le problème est que la réduction des coûts annoncée ne s’est pas produite et que, en matière de e-Learning dans le supérieur, les choses ont évolué de manière très différente de ces modèles comme l’ont noté avec courage, près de dix ans plus tard, les deux prophètes de cette révolution « arlésienne » (Zemsky et Massy, 2004). Sur le modèle pédagogique ensuite. On retrouve à l’identique les évolutions annoncées, par exemple, par Charles Reigeluth en 199641 avec la même dynamique : à gauche des noms qui évoquent le conformisme, le contrôle, la soumission aux normes, l’autocratisme ; et à droite, les mots qui font rêver : l’autonomie, l’approche globale (holism), le partage, la coopération, la personnalisation. Et bien entendu, les technologies éducatives numériques sont vues comme le catalyseur de ces évolutions.
Il est tout de même assez surprenant de voir réaffirmées de telles prophéties à douze ans de distance sans que celles-ci aient connu le moindre début de réalisation et sans que soit fournie la moindre justification. Il est vrai, toutefois, que le socio-constructivisme constitue toujours la seule perspective théorique alternative au modèle traditionnel transmissif et qu’il est particulièrement mis en exergue par les chercheurs qui, par fonction, s’intéressent naturellement à ce qui peut représenter une innovation. Leurs discours alimentant des décideurs soucieux de modernité et d’innovation, une pensée pédagogiquement correcte s’installe.42 Mais en quoi, au-delà des expérimentations souvent très intéressantes mais très minoritaires de pionniers, correspond-t-elle tant soit peu aux pratiques des enseignants ? Et d’ailleurs, a-t-elle fait ses preuves « scientifiques » ? 3.2. Un modèle idéalisé qui ne rencontre pas la réalitéL’étude européenne de 2006 (Balanskat et al., 2006) montrait déjà que, s’il existe de nombreux exemples d’utilisation individuelle convaincante par des pionniers, les pratiques socio-constructivistes étaient cependant loin d’être généralisées dans le scolaire. “The overwhelming body of evidence shows that the majority of teachers have not yet embraced new pedagogical practices.”43 En Angleterre, l’usage largement dominant des TICE en classe entière se caractérise par un recours à un éventail assez limité de technologies de présentation et ne favorise pas l’interactivité des élèves, loin des discours sur le changement du système et les nouvelles compétences nécessaires au 21ème siècle qui constituent pourtant la légitimation des efforts de la collectivité. L’apprenant demeure largement dans une posture passive (Becta, 2007f). Le constat est le même aux Etats-Unis (Access, 2008) : “Experts further believe that teachers should be prepared to use technology to deliver alternative types of pedagogy, such as inquiry learning, models, and simulations to help student develop higher-order thinking skills. However, such uses are not widely observed. “ Dans l’enseignement supérieur, également, le développement du e-Learning passe d’abord par des outils simples, de présentation de contenus et ressources, comme on peut s’en convaincre aisément en explorant les éléments de cours de l’opération OpenCourseWare du MIT. Une autre façon d’apprécier le développement de pratiques constructivistes consiste à examiner les évolutions liées à l’introduction d’ordinateurs portables en cours. Ces outils ne prennent en effet tout leur sens que si des pédagogies actives sont mises en œuvre. Tel n’est manifestement pas le cas (Research, 2005) : “Most of these (laptops) uses appear to reflect the fact that the observed students’ teachers are in an “adaptation” stage of technology adoption (Sandholtz, Ringstaff and Dwyer, 1997). In other words, they are adapting traditional teaching strategies to incorporate more adult productivity tools and are having students work independently and in small groups, but they have not yet begun to widely implement more student-centered strategies for instruction, such as project-based learning.” L’enquête menée dans les Landes confirme tout à fait cette analyse pour la France : 32 % des enseignants concèdent n’avoir demandé aux collégiens de se servir de leur ordinateur en cours qu’une seule fois ou pas du tout. Ils ne sont que 12 % à le faire à tous les cours. Comme le notent les auteurs (Tns Sofres, 2009) : « les élèves ont le sentiment d’utiliser occasionnellement leur ordinateur, encore moins souvent que ne le déclarent les professeurs. ... Pour la grande majorité des élèves, l’ordinateur sert surtout à récupérer des documents sur le réseau, beaucoup moins à faire des recherches sur internet, prendre des notes ou faire des exercices.»44 Dans les universités américaines, où en 2007 en moyenne 73,7% des étudiants de premier cycle avaient un ordinateur portable45, une étude qui porte sur de très grands échantillons photographie chaque année la fréquence de leur utilisation en cours. Les résultats, qui évoluent peu d’une année sur l’autre, sont éloquents : l’usage quotidien ne représente qu’un peu moins de 10% des cas (The Ecar, 2008). On assiste même ici ou là, dans de grandes universités, notamment pour les enseignements de droit où la tradition américaine privilégie la jurisprudence et repose sur une méthode assez socratique de discussion collective de cas, à une interdiction des portables ou une neutralisation du réseau WiFi, les enseignants considérant que les machines font obstacle aux échanges en classe.46 Un exemple qui témoigne du fait que, pour ces enseignants, ce n’est pas à la technologie de dicter les choix de pédagogie. Une variante de ce plaidoyer pour le nouveau paradigme et les nouvelles compétences fait appel à l’argument de modernité en légitimant le jeunisme. Le syllogisme est imparable. C’est celui, fort bien résumé par Ralph Young47, que « traditional methods of delivery are no more relevant for students ». D’ailleurs « there is no more traditional Higher Education student ». De là découle que « The technology students use to learn may not be the technology that teachers use to teach. » C’est le mythe de la « beta generation » (expression utilisée en Angleterre) ou, aux Etats-Unis, des « Millennials » ou des « Digital Natives » chers à Marc Prensky (Prensky, 2001a) ; (Prensky, 2001b). Un mythe qui conduit aisément à prôner l’Informal Learning48 ou l’Education 2.0 ou encore le Tribal Learning. La réalité, là encore, si toutefois on veut bien se donner la peine de la rechercher, semble toute autre. L’étude américaine menée parmi les étudiants du premier cycle du supérieur par Educause et particulièrement intéressante du fait des très grands échantillons49 et de son caractère annuel50, incite à davantage de prudence. Ces étudiants y font en effet preuve d’une grande stabilité dans leurs jugements et dans la confirmation, d’année en année, d’une tendance favorable à un usage modéré des TICE durant les cours. Les extrémistes des deux bords sont très minoritaires et le restent. De 2005 à 2008, le pourcentage de ceux qui ne souhaitent aucun recours aux TICE décroît faiblement de 3,9 à 1,9 % ; dans le même temps ceux qui veulent exclusivement des TICE croît à peine de 2,7 à 3,6 %. Les catégories moyennes sont en baisse de 25,6 à 13,9 % pour les partisans d’un usage limité et de 27,3 à 21,4 % pour les tenants d’un usage important. Ce qui ressort clairement, c’est le net renforcement des étudiants qui souhaitent un usage modéré, passant dans le même temps de 40,6 à 59,3 %. Dans le même ordre d’idées, pour les nouveaux arrivants (freshmen) comme pour les étudiants de quatrième année (seniors), l’utilisation des outils du web 2.0 progresse peu d’une année sur l’autre et reste très limitée à l’exception des wikis comme on le voit sur le tableau issu de l’étude 2008 d’Educause :
Il convient encore d’ajouter que 45,2 % des étudiants déclarent dans la même étude ne pas aimer apprendre en écoutant des podcasts ou webcasts et 46,9 % en consultant des blogs ou des Wikis... On mesure là la grande différence existant entre l’usage dans la sphère privée et la réalité de l’usage en situation d’apprentissage. On pourrait aussi convoquer une étude britannique montrant que 60 % des étudiants trouvent leurs cours magistraux ennuyeux, rejetant largement la responsabilité de cette situation sur un usage mal maîtrisé de PowerPoint.51 Ils se plaignent notamment d’être obligés de copier rapidement des diapositives trop chargées ce qui d’ailleurs révèle au passage un usage fort limité des TICE par les enseignants du premier cycle du supérieur, la simple mise à disposition des Powerpoint apparaissant comme le stade élémentaire de la e-education sans même parler d’environnement numérique de travail ou de CMS... On pourrait aussi, en s’appuyant sur les très intéressants travaux de Cédric Fluckiger sur les usages des blogs par les collégiens (Fluckiger, 2007) ; (Fluckiger et Lelong, 2008), rappeler que ces usages varient en fonction des stades de développement et de l’évolution de ces mêmes élèves, ce qui devrait également pondérer d’autant les plaidoyers socio-constructivistes à la mesure du nécessaire degré d’autonomie qu’ils supposent de la part de l’apprenant. Enfin, on pourrait aussi opposer à la thèse de la dextérité numérique des «Digital Natives » une étude conduite par des enseignants de Stanford et publié dans les comptes-rendus des Académies des Sciences (Ophir et al., 2009), qui montre que ceux qui adoptent des comportements multi-tâches n’arrivent pas à se concentrer et ont des difficultés de mémorisation. Paradoxe supplémentaire, ceux qui sont le plus adeptes du multi-tâches, ont le plus de difficultés à passer rapidement d’une tâche à une autre. En faire moins permettrait donc d’accomplir davantage. Dans ces conditions, la leçon tirée en 2003 des vingt premières années de déploiement des TICE aux Etats-Unis semble toujours d’actualité en pointant ce qui constitue le seul véritable changement, une évolution très progressive mais peu visible des pratiques (McMillan et al., 2003) : “ ...evidence suggesting that technology in and of itself does little to drive fundamental improvements in teaching and learning. ... teachers continue to work incrementally to appropriate technology, building links step by step between their existing practices and the technological tools available to them. Technological innovations favored by the research community, intended to support inquiry, collaboration, or re-configured relationships among students and teachers continue to be used by only a tiny percentage of America’s teachers ... These [incremental steps] are the real successes of technology in this country’s classrooms, and they are not trivial accomplishments.” On retrouve là le phénomène symbolisé par les cahiers 24x32. Ces progrès incrémentaux correspondent à une évolution qui s’articule avec les pratiques antérieures, constituant des filières d’usage (Jouet, 2000) comme l’analysait en France, il y a déjà une dizaine d’années, le courant critique de la sociologie des usages (Chambat, 1994) : « La diffusion des TIC ne s’opère pas dans le vide social ; elle ne procède pas davantage par novation ni substitution radicales. Elle interfère avec les pratiques existantes qu’elle prend en charge et réaménage. » Il convient, en dernier lieu, de s’intéresser à la cohérence interne de ces discours de décideurs déclinant cette vulgate socio-constructiviste en examinant comment ceux-ci se conforment à la règle d’or énoncée par ailleurs de manière répétitive, celle du « prouvé scientifiquement » ? 3.3. une position idéologique qui trouve ses limites ?Il est sans doute d’abord utile de revenir un instant sur cette notion de « compétences » (du 21ème siècle, naturellement) qui est opposée, de manière assez réductrice, à la transmission de contenus présentée comme seul objectif de l’instruction traditionnelle. Comme si l’école, depuis sa généralisation au 19ème siècle, ne se souciait pas de doter les élèves de compétences. Il s’agit, en fait, de la résurgence d’un très vieux débat pédagogique récurrent aux Etats-Unis, dont on peut faire remonter les traces au « Learning by Doing » de la Progressive Education du début du 20ème siècle52, au « life adjustment movement » des années cinquante ou à la « outcome based education » des années quatre-vingt. Notons au passage que ces phénomènes manifestent aussi le compagnonnage de deux discours a priori distincts : l’un centré sur l’innovation pédagogique, l’autre, d’inspiration libérale au sens économique du terme, centré sur des objectifs gestionnaires et l’instrumentalisation de l’éducation au seul profit de l’économie mais qui s’abrite volontiers derrière les arguments du premier. La question fondamentale est de savoir s’il est possible d’enseigner ces « compétences » in abstracto en dehors de toute référence à un contenu spécifique et à une bonne connaissance préalable de celui-ci ? En d’autres termes, peut-on par exemple apprendre à résoudre un problème ou bien les stratégies, techniques ou méthodes pertinentes sont-elles davantage spécifiques, par exemple, à la trigonométrie ou à la géométrie ou bien encore à la mécanique ou à l’histoire ? N’est-ce pas plutôt la connaissance du contenu qui permet de reconnaître les analogies ou les schémas d’organisation qui vont permettre la résolution ? Peut-on ainsi séparer artificiellement contenus et méthodes de résolution ou de pensée critique ou bien les deux sont-ils indissolublement liés ? Cette pensée critique est-elle vraiment transférable d’un sujet à l’autre ? Ou bien est-elle nécessairement contextualisée ? Aux Etats-Unis, un courant prend de l’ampleur pour critiquer ces approches trop simplistes.53 Une deuxième question, privilégiant un autre point de vue, concerne les pré-requis de cette pensée critique ou de cette capacité à résoudre les problèmes et à travailler collaborativement. Les discours simplificateurs généralisent abusivement les mérites supposés de cette approche en omettant de prendre en considération la capacité propre d’autonomie de l’apprenant, son stade de développement mental et intellectuel, fonction largement de son âge. Telle méthode qui peut se révéler pertinente pour des étudiants de licence ne pourra s’appliquer utilement à de jeunes collégiens, une évidence qui est souvent gommée par des discours trop globalisants. Enfin, il convient de se demander si cela « marche ». Certes, quantité de monographies existent, décrivant des expériences locales tout à fait convaincantes conduites par des enseignants particulièrement motivés. Mais qu’en est-il de leur généralisation ? Quelles réponses nous fournissent les recherches menées ? Si, aux Etats-Unis, cette vulgate constructiviste a servi durant les dernières années de pensée pédagogique unique54, les résultats « fondés sur la recherche » devraient inciter à la prudence. Une étude de Mayer publiée en 2004 (Mayer, 2004) a sonné comme un salutaire rappel aux fondamentaux. Son propos était d’examiner comment la vision constructiviste de l’apprentissage pouvait se traduire en termes de vision constructiviste de l’enseignement. L’hypothèse était qu’une diversité de méthodes pédagogiques, autres que les méthodes dites actives ou la découverte personnelle, pouvaient conduire à un apprentissage constructiviste. Passant en revue les divers travaux de recherche depuis (Bruner, 1961) et le Discovery Learning, Mayer montre que l’apprentissage guidé est plus efficace que la découverte autonome de l’élève. Au Learning by Doing de Kilpatrick et sa méthode du projet, il oppose un Learning by Thinking fondé sur le travail de guidage, sur la sélection et l’organisation des connaissances proposées par l’enseignant. Pour lui, un apprentissage constructiviste peut très bien découler d’une méthode structurée de transmission des connaissances, les activités autonomes n’ayant de sens que dans la mesure où elles contribuent aux processus cognitifs appropriés. Et il déplore la confusion généralement faite entre constructivisme et méthode active. Richard Clark, décidément adepte des controverses scientifiques, a relancé le débat. Il qualifie d’efforts mentaux importants mais improductifs ces expériences de découverte personnelle qui, même dans les cas peu nombreux où ils aboutissent à la découverte souhaitée, n’apprennent pas aux élèves comment découvrir. Pour lui, « le socio-constructivisme est la moins efficace des théories de l’enseignement » (Clark et al., 2009). L’erreur de cette approche tient à ce qu’elle ne distingue pas entre les comportements et méthodes d’un chercheur qui est un expert du domaine dans l’exercice de sa profession et des étudiants confrontés à une discipline nouvelle pour eux et qui sont des novices. Pour ce faire, Clark s’appuie sur l’analyse d’un solide corpus de recherches montrant les limites des apprentissages ne reposant que sur un guidage minimal (Clark et al., 2008) ; (Kirschner et al., 2006).55 Comme dans ses travaux antérieurs de 1983 et 1994, il insiste sur l’importance du rôle de l’enseignant qui, loin de devoir devenir un simple accompagnateur de la démarche, doit être l’organisateur de ces apprentissages. Une tradition de la recherche française lui fait écho, comme le rappellent opportunément par exemple Marie-José Barbot et Geneviève Jacquinot, soulignant aussi que l’autonomie « ne se confond pas avec la non-directivité dans la mesure où elle nécessite une organisation structurée et structurante permettant une évolution progressive » (Barbot et Jacquinot, 2008). S’il est vrai que le constructivisme demeure bien cependant la seule alternative théorique envisagée au système actuel, ce changement de paradigme si souvent mis en avant dans les discours de chercheurs qui, par fonction, s’intéressent aux signaux faibles de l’innovation, se heurte donc aux douloureux pépins de la réalité que rappellent les études sur son efficacité, c’est à dire au critère de la preuve scientifique. Il se heurte aussi à la difficulté de sa mise en pratique dans le contexte actuel. Là réside sans doute l’explication de cet étonnant phénomène : comment se fait-il, alors que les injonctions concernant un nouveau paradigme se sont multipliées depuis de très longues années, que les enseignants n’aient jamais donné significativement suite ? Un phénomène qu’illustrent de manière à la fois très symbolique et symptomatique les difficultés de la School of the Future56. Ce lycée du futur a ouvert à Philadelphie en 2006 dans le cadre d’un partenariat entre le District scolaire et Microsoft et a bénéficié du soutien très actif de cette entreprise. Il se voulait le laboratoire d’une approche fondée sur l’intégration des TICE mettant l’accent sur ces fameuses compétences du 21ème siècle en développant un environnement numérique d’apprentissage qui soit « continuous, relevant and adaptable » comme le proclamaient à l’époque les slogans de l’école. Les contenus des programmes scolaires étaient seulement accessibles en ligne sur un portail conçu par Microsoft, toute ressource écrite étant bannie, élèves et professeurs étant censés avoir un accès ubiquitaire au réseau via des ordinateurs portables. L’approche se voulait très collaborative, fondée sur la démarche de projet. Au moment où l’école entre dans sa quatrième année, le constat que l’on peut faire est sévère et montre combien il est difficile de changer l’école américaine. L’affectation des enseignants à cette nouvelle école a été très tardive, induisant une impréparation certaine à la mise en œuvre raisonnée du projet. Les participants ont été d’emblée confrontés à des problèmes techniques rendant passablement aléatoire l’accès aux contenus sur le portail et laissant du coup les enseignants désarmés, un comble pour une expérimentation activement soutenue par Microsoft. La notion de « Project Based Learning » n’a jamais été clairement définie et ne s’est pas traduite en objectifs concrets pour le travail en classe. Peu à peu, sous la pression des exigences de « accountability » de l’administration scolaire du District, l’école s’est trouvée contrainte de revenir aux programmes officiels enseignés de façon classique et au système de notes traditionnel. Elle a en outre été confrontée à un grave problème de leardership, le charismatique directeur qui avait porté le projet démissionnant dès la première année, et l’école faisant la douloureuse expérience de quatre Principaux en quatre ans. Aujourd’hui, peu de choses semblent en fait distinguer ce lycée de ses voisins. Cette histoire assez désolante confirme deux phénomènes fort bien connus : l’inanité d’une approche techno-déterministe confiant à la technologie le pouvoir magique de transformer l’école, d’une part. Le fait que les approches actives pédagogiquement innovantes se fracassent sur la dure réalité des tests traditionnels, d’autre part, une illustration supplémentaire de la thèse de l’auteur de ces lignes sur le caractère mal posé de la question de l’efficacité. On finit toujours par enseigner ce qui est évalué. Les tenants du constructivisme en déduiront qu’il est donc nécessaire de changer l’école mais alors, pourrait-on leur objecter, pourquoi cette transformation devrait-elle se décider au nom des seules raisons technologiques ? Après ce détour nécessaire par la question du supposé nouveau paradigme nécessaire au 21ème siècle, il est temps de revenir sur le nouveau rôle assigné aux technologies numériques en Angleterre comme aux Etats-Unis, rôle centré sur la fourniture de traces permettant de suivre la progression des élèves et de déterminer des profils d’apprenants et, par là même, de servir d’indicateurs de la performance du système et de ses acteurs. 4. L’ère des comptablesNous avons déjà évoqué précédemment ce qui différentiait la nouvelle approche des TICE de celle qui l’avait précédée et qui insistait sur leur potentiel de transformation de la relation pédagogique. Certes, cette dernière n’a pas subitement disparu d’autant que les artefacts technologiques sont plus que jamais présents dans les écoles. Un nouveau plan TICE est d’ailleurs en préparation aux Etats-Unis ; certes également, le plan Obama pour encourager l’innovation propose de développer les cours en ligne ou des logiciels éducatifs aussi motivants que les meilleurs jeux vidéo et aussi efficaces qu’un tuteur personnel.57 Certes, encore, un nouveau National Center for Research in Advanced Information and Digital Technologies,58 dédié à ces technologies jugées susceptibles de transformer l’éducation vient de voir le jour après dix ans de laborieux parcours du combattant même s’il n’est, pour l’instant, que faiblement doté. Mais cette approche est clairement passée au second plan comme en témoigne la place relativement limitée qui lui est désormais consacrée dans des journaux de référence comme Education Week ou The Chronicle of Higher Education ou bien la faiblesse des contributions au site web consacré à la préparation du nouveau plan TICE.59 En fait, le recours aux technologies éducatives, longtemps symbole de modernisation, a fini par se banaliser à mesure que ces outils devenaient d’un usage plus courant dans l’ensemble de la société. D’autant que, comme on l’a vu, les résultats avancés avec légèreté par les prophètes en termes d’amélioration des résultats aux examens n’étaient pas au rendez-vous. Il n’en fallait pas plus pour que le discours politique se déplace, quittant cette thématique manquant à l’expérience dangereusement de preuves, pour se recentrer sur les nouvelles promesses de l’exploitation des traces. D’autant que, autre facteur important, l’équipement personnel croissant des élèves, du moins les plus âgés d’entre eux, ou des étudiants en outils de plus en plus performants suscite des interrogations sur l’intérêt futur de vastes politiques d’équipement dans un contexte économique difficile (Chaptal, 2009). Le temps où le développement des technologies éducatives passait d’abord par les aspects pédagogiques pourrait bien relever d’une époque révolue. Un document de novembre 2009 issu des milieux entrepreneuriaux et notamment de la très conservatrice US Chamber of Commerce témoigne clairement de cette évolution (Hess, 2009). Après avoir relevé qu’aucune preuve d’un quelconque « retour sur investissement » des efforts consentis en matière de technologies éducatives ne pouvait être mise en évidence, quel que soit le « potentiel » de celles-ci, et noté la faiblesse actuelle des données relatives au suivi des élèves, les seules recommandations qu’il formule concernent précisément le développement de tels systèmes qui permettrait aussi, selon ses auteurs, de fonder la paye des enseignants sur le mérite. Il n’y a plus un mot concernant les aspects « transformationnels » des TICE. Ce changement assez récent du discours dominant est encore peu perçu du public francophone, raison pour laquelle il sera analysé assez longuement dans cette partie. Certes cette orientation était déjà présente dans NCLB. Aux Etats-Unis, la loi No Child Left Behind de 2002 a fait des tests systématiques des élèves au primaire et au premier cycle du secondaire (et une fois seulement au niveau High School) une obligation impérieuse, prévoyant un arsenal de sanctions pour les établissements ne satisfaisant pas à la règle obligatoire des progrès annuels. Avant d’examiner les conséquences qui en découlent, il est nécessaire de rappeler brièvement le contexte général dans lequel évolue le système public américain d’éducation, déjà décrit dans d’autres publications60, compte tenu de l’importance que revêtent peut-être pour la suite certains dispositifs inspirés, là encore, davantage par des présupposés idéologiques que par des résultats issus de la recherche. 4.1. Le contexteIndépendamment du contexte nouveau créé récemment par la récession et la baisse des recettes des Etats qui affecte profondément les ressources financières disponibles pour les écoles publiques malgré le vigoureux plan de relance du Président Obama, le système éducatif public américain était déjà sous la pression de quatre séries de dispositifs qui menaçaient son financement. Les Charter Schools, écoles expérimentales, parfois privées mais le plus souvent publiques, bénéficient de dispositions dérogatoires par rapport aux réglementations en vigueur dans les États (en matière de programmes, d’horaires, de recrutement d’enseignants...) et signent une charte avec les autorités fixant leurs obligations et leur permettant de bénéficier de financements publics.61 Très souvent, ces chartes se caractérisent par le fait que les conventions collectives en vigueur cessent de s’appliquer à ces établissements expérimentaux avec pour corollaire l’absence de représentation syndicale des enseignants. Ironie de l’évolution d’une idée proposée pour la première fois62 en 1988 au nom de l’expérimentation pédagogique la plus audacieuse par Albert Shanker, le charismatique président de l’AFT, l’un des deux syndicats d’enseignants. Les premières lois autorisant les Charter Schools ont été votées en 1991 au Minnesota. Des changements importants se sont toutefois produits au fil du temps dans la nature même du projet. Censées à l’origine favoriser l’innovation pédagogique en créant de petites communautés d’apprentissage, ce qui leur valut un soutien bi-partisan ainsi que celui de syndicalistes, les Charter Schools sont peu à peu devenues un véhicule privilégié pour les tenants d’une réforme favorisant l’émergence d’un marché éducatif et la privatisation, au moins partielle, du système public d’éducation. On compte aujourd’hui près de 4 900 écoles de ce type dans quarante et un États (pour 94 000 écoles publiques), scolarisant environ un million et demi d’élèves (sur un total de 51 millions dont 48 dans le public). Pourtant, leurs résultats sont très mitigés en termes d’efficacité. Dans ses commentaires sur le projet de l’administration Obama,63 L’American Educational Research Association, vielle institution fondée en 1916 et qui regroupe environ 25 000 chercheurs, écrit à ce propos : « While there has been considerable research on charter schools, their efficacy as an education innovation remains at issue. » Deuxième dispositif, les Virtual Schools proposent des solutions de e-learning offrant tout ou partie d’un programme scolaire en ligne, en associant contenus et formes de tutorat. Ces cyber-écoles se situent le plus souvent dans une logique complémentaire de l’offre des écoles traditionnelles en permettant, par exemple, aux petits établissements ruraux isolés de maintenir une offre large d’options sans nécessiter de recruter les enseignants spécialisés. Elles offrent souvent également des cours d’approfondissement préparant à l’enseignement supérieur et des cours de remédiation. Certaines proposent naturellement des cursus complets. Le phénomène du Home Schooling, l’éducation à domicile, autrefois survivance de pratiques des pionniers réservée à une minorité de fondamentalistes religieux, gagne en ampleur auprès des parents inquiets des piètres performances de leurs écoles de secteur. En 2007, on estimait le nombre d’élèves de 5 à 17 ans concernés à 1,5 millions soit 2,9 % des 51 millions d’élèves de cet âge, en forte croissance de 36 % par rapport à 2003. Le développement des cyber-écoles a été le véritable moteur de cette croissance récente de l’éducation à domicile. On assiste désormais à une combinaison des différents dispositifs qui se renforcent mutuellement, l’apparition de Virtual Charter Schools permettant aux parents de conjuguer la sécurité du domicile avec l’apparence d’une scolarisation des enfants et de bénéficier de surcroît des éventuelles aides publiques. Ces différents dispositifs, qui ont connu leurs premiers développements sous l’administration Clinton, trouvent des défenseurs et des opposants des deux côtés de l’échiquier politique américain. Seul un dernier dispositif bouscule ce consensus bi-partisan, n’ayant principalement que le soutien de certains républicains : les Vouchers, ces coupons éducatifs donnant aux parents une somme équivalente à la dépense publique d’éducation pour leur permettre d’inscrire plus facilement leurs enfants dans les écoles privées64, disposition préconisée dès 1955 par Milton Friedman (Friedman, 1955), l’économiste libéral de l’école de Chicago. Il faut cependant noter que ce sont souvent les représentants des minorités, confrontées aux conditions particulièrement délicates des écoles de centre-ville regroupant les populations difficiles (communautés votant pourtant traditionnellement majoritairement démocrate) qui sont favorables à ces diverses mesures dérogatoires. 4.2. La loi NCLB et ses conséquencesLa loi NCLB prévoit, en fonction des résultats aux tests un arsenal de sanctions allant, au bout de cinq années consécutives de non respect de la règle des progrès annuels (Adequate Yearly Progress ou AYP), jusqu’à la fermeture de l’école65, le licenciement de ses personnels ou sa transformation en Charter School. Ces sanctions obligatoires constituent d’ailleurs une différence fondamentale avec le système anglais pour lequel, jusqu’en 2008, aucun système de sanctions automatiques n’accompagnait l’exploitation des très nombreux résultats aux tests. Seule la stigmatisation publique et la pression des parents au nom du libre choix découlant de la publication des palmarès étaient censées faire évoluer le système. Depuis le nouveau plan de 2008 du Ministre Balls, les Failing Schools du secondaire sont aussi menacées d’être transformées en Academies, proche équivalent anglais des Charters Schools dont elles partagent le financement public et la liberté en termes d’autonomie, de choix des programmes et de recrutement et rémunération des enseignants. Par contre, il est intéressant de noter que les tests n’étaient en aucune façon une obsession pour le système éducatif américain avant 2002 et la loi NCLB alors qu’ils constituaient, depuis 1991, un élément devenu de plus en plus important du dispositif anglais66. L’arsenal de sanctions prévu par NCLB a été décrit et analysé ailleurs (Chaptal, 2008b). Même si toutes les mesures prévues n’ont pas encore produit leurs effets, l’impact de la loi NCLB sur la vie quotidienne des écoles est considérable car, compte tenu de ses objectifs irréalistes, plus on avance dans le temps, plus le nombre des écoles mises sur la sellette augmente. Pour l’année scolaire 2008-2009, selon le Editorial Projects in Education Research Center, le secteur recherche de l’éditeur de Education Week, 36,6 % des écoles n’avaient pas accompli les progrès annuels prescrits (une augmentation spectaculaire par rapport aux 28,8 % de l’année 2007-2008) ; 14 876 écoles sur les 83 162 analysées soit 17,9 %, étaient dans la zone dangereuse (deux ans consécutifs sans les progrès demandés, qualifiées de « in need of improvement ») dont 5 300 écoles exposées aux sanctions les plus radicales. Les conséquences de la loi NCLB sont donc importantes même si ses résultats en termes d’impact sur les résultats des élèves sont mitigés. D’une part, elle semble avoir eu un certain effet en termes d’amélioration des résultats des tests et de réduction des différences existantes entre groupes ethniques. Mais elle a surtout permis de vérifier expérimentalement ce que l’on désigne sous l’appellation de loi de Campbell. Celle-ci énonce p.49 (Campbell, 1976) "The more any quantitative social indicator is used for social decision making, the more subject it will be to corruption pressures and the more apt it will be to distort and corrupt the social processes it is intended to monitor." L’application de la loi NCLB qui, tout en assignant l’objectif que tous les élèves aient atteint le niveau « proficient » en anglais et en mathématiques se gardait bien de définir nationalement ce que représentait ce niveau, a, en effet, donné lieu à une multitude de manipulations de la part des Etats chargés d’administrer ces tests mais soucieux avant tout de présenter des résultats positifs témoignant de l’excellence des politiques suivies. On a donc assisté, comme cela était prévisible, à un abaissement du niveau d’exigence de ces tests afin d’améliorer le palmarès, aboutissant à des disparités considérables entre Etats67 voir à des contorsions statistiques.68 De la même façon, les enseignants ont développé des conduites d’adaptation de type « teaching to the test », réduisant le spectre du curriculum, favorisant le bachotage et se concentrant sur les élèves « utiles », ceux proches du seuil fatidique au détriment des élèves doués et des cas jugés désespérés.69 Le résultat, prévu par Campbell, est que l’on dispose d’une accumulation de données mais que ces chiffres ne veulent plus dire grand-chose ou peu s’en faut. Le fait que les résultats des tests augmentent ne signifie pas nécessairement que le niveau des élèves progresse. L’autre conséquence majeure de NCLB est qu’elle a permis le développement chez les décideurs et dans la société toute entière d’une culture de la responsabilisation (accountability) et des indicateurs de performance issue de l’entreprise. Le phénomène n’est certes pas nouveau dans l’histoire éducative américaine qui a connu de nombreuses résurgences de cette illusion récurrente de la supériorité du modèle de l’entreprise pour résoudre les problèmes de l’éducation (Chaptal, 2003).70 Depuis les années triomphantes du management scientifique à la Taylor, en passant par les initiatives des administrations Nixon (Performance Contracting) ou Reagan avec son fameux rapport alarmiste de 1983 A Nation at Risk (A Nation, 1983), les exemples abondent. Mais ce qui donne davantage d’ampleur cette fois-ci, c’est la possibilité d’exploiter les nombreuses données issues des traces numériques découlant de l’utilisation des TICE, de mettre en évidence des profils d’apprentissage ou de progression, et, par là même, d’espérer lier la mesure de l’efficacité de l’enseignant aux résultats de ses élèves et de fonder ainsi un système de rémunération basé prioritairement non plus sur l’ancienneté mais sur le mérite. Vieille idée, née en Angleterre en 1862 et dont on connaît par avance à la fois les limites, la fragilité et les redoutables effets pervers71 mais qui occupe une place croissante dans les débats américains. Etrange retournement de perspective ou dérive d’une approche consumériste de l’éducation qui fait que les résultats des élèves qui, jusqu’aux années soixante-dix, étaient censés refléter d’abord le travail personnel de ceux-ci, deviennent les indicateurs de l’effectivité de l’enseignant après avoir, stade intermédiaire, été utilisés comme marqueurs de la performance de l’établissement. L’administration Bush a ainsi engagé un changement profond dans la manière d’appréhender les technologies éducatives numériques en encourageant fortement les Etats et les Districts à développer des systèmes intégrés de recueil et d’analyse des données afin de développer un appareil statistique d’aide à la décision et des tableaux de bord. Mettant en avant un argumentaire vantant la transparence de l’information et l’aide que celle-ci peut apporter aux enseignants pour détecter le plus tôt possible et de la manière la plus fine les situations d’échec scolaire et mettre en œuvre des dispositifs de remédiation. Comme si les enseignants avaient besoin de ces données assez frustes pour être en mesure de diagnostiquer la situation de leurs élèves. Par contre, derrière ces alibis pédagogiques, on voit bien le souci des managers de pouvoir enfin percer le mystère de la boîte noire qu’est, dans tous les pays, la classe afin de normer et de contrôler l’activité de l’enseignant. 4.3. Vers une éducation « Teacher Proof » ?L’accumulation de données et de traces donne lieu à une surenchère statistique, une « culture du chiffre » qui fonde un management de la surveillance et de la contrainte, une approche punitive de l’accountability. Comme le disait crûment la Ministre de l’éducation de George Bush, Margaret Spellings, à Paris lors de l’Education Leaders Forum du 7 juillet 2008 à l’Unesco, “what gets measured gets done”, version moderne de l’utilitarisme de Jeremy Bentham et son Panoptique, parfaitement analysé par Foucault. Diane Ravitch, professeur à la New York University et célèbre historienne de l’éducation qui a exercé des responsabilités à la fois sous les administrations Bush père et Clinton72, a publié une tribune féroce dans Education Week dans laquelle elle fustige cette idée au coeur de la Performance Pay (ou du Merit Pay) que des incitations financières et un système de sanctions pourraient déclencher une amélioration de l’enseignement et dénonce les arrière-pensées qui la déterminent : . “Behind these promises and threats lies a simple theory: scores are not high enough, because teachers are either lazy, don't work hard, or aren't motivated enough to do a good job. So teachers will work harder and be more successful if they can get more money, and they will work harder and be more successful if their livelihoods and reputations are on the line.” 73 Le présupposé implicite de cette approche est, en effet, que les enseignants ne font pas le maximum et qu’une incitation financière les pousserait à le faire, une vision simpliste non seulement en contradiction absolue avec ce qui constitue partout la culture enseignante mais également avec la réalité qui est que, confrontés à des élèves difficiles en rupture, les enseignants ne savent, le plus souvent, tout simplement plus quoi faire pour arriver à les intéresser. On voit ainsi se développer chez les décideurs américains une logique assumée de méfiance vis-à-vis des enseignants qui alimente l’objectif d’une éducation « Teacher Proof », à l’épreuve des professeurs, imperméable au facteur humain. En identifiant la performance au pouvoir absolu d’un ratio simple et unique, ils passent sous silence le fait que celle-ci est une catégorie éminemment subjective que les économistes peinent à définir. Ce faisant, ils ignorent, au-delà des résultats chiffrables, ce qu’on peut appeler la performance invisible en matière de développement humain et de durabilité sociale. Une approche dont Maya Beauvallet dans son épatant ouvrage, Les stratégies absurdes, a magnifiquement dénoncé ce « monde enchanté des indicateurs et des incitations » (Beauvallet, 2009) et montré que les impératifs de performance immédiate s’imposaient à tous les autres impératifs au risque de tous les effets pervers et sans pour autant que les améliorations escomptées se produisent réellement74. Cette logique est celle de ce que l’on désigne généralement sous le terme de Nouvelle Gestion Publique ou Nouveau Management Public75 qui se caractérise, selon Romuald Normand, par l’accent mis sur la performance au détriment d’une gestion des moyens, des mécanismes contractuels pour encadrer le fonctionnement des unités, la mise en concurrence de celles-ci pour faciliter le libre choix des usagers et la décentralisation des budgets (Normand, 2008). Ce nouvel État managérial change les modes de pouvoir, les formes de connaissance, et les principes de calcul au sein des organisations étatiques. Il subordonne la prise de décision publique à l’autorité des « managers ». Les services publics doivent se conformer à de nouvelles règles de gestion en assumant les principes du « business » dans leurs relations aux usagers. Il privilégie le contournement des structures existantes par des dispositifs dérogatoires, Charter Schools, Academies, Voucher, Free Schools... pour développer la concurrence censée déclencher mécaniquement l’amélioration du système. Il faut noter au passage qu’aux Etats-Unis, cette concurrence est depuis longtemps bien réelle et fort vive pour l’enseignement supérieur avec notamment le palmarès annuel des Colleges (Colleges Rankings) publié par US News & World Report. En Angleterre, le Ministre Ed Balls a proposé (Dcsf, 2009) une politique de « Report Cards » synthétisant sur une fiche et au moyen d’appréciations allant de A à E toutes les informations relatives à la performance des écoles, à l’image de ce que le maire de New York a mis en place. On aurait pu s’attendre à ce que l’arrivée de l’administration Obama marque un changement notable sur ces points. Cependant, durant la campagne présidentielle, le candidat avait déjà marqué son intérêt pour des dispositifs emblématiques de son prédécesseur, Charter Schools et Merit Pay, suscitant des réserves parmi les syndicats. Simplement, le candidat Obama précisait, nuance d’importance il est vrai, que cela devrait être fait avec l’accord des enseignants et il ajoutait qu’il trouvait trop simpliste le fait de lier l’efficacité supposée du maître aux seuls résultats à un test. Depuis son élection et après la désignation de son Ministre de l’éducation, Arne Duncan, ancien responsable scolaire de Chicago, cette position s’est, semble-t-il durcie. Dans le cadre du plan de relance 2009 American Recovery and Reinvestment Act également connu sous le nom de Stimulus Law, un effort significatif est consenti en faveur de l’éducation, principalement pour limiter les conséquences en termes d’emplois de la baisse des recettes publiques. Une enveloppe discrétionnaire spécifique de 4,35 milliards de $, le fonds Race To The Top76, est consacrée au financement d’initiatives proposées par les Etats selon divers axes prioritaires parmi lesquels : développer des standards communs, développer un système de suivi des données longitudinales pour améliorer l’enseignement, différencier l’effectivité des principaux et des enseignants selon leur performance, améliorer l’affectation équitable des enseignants, « turning around struggling schools »... L’accent est mis sur la rapidité du « feed back » pour les tests (un délai de 72 heures maximum est souhaité), ce qui impose le recours à des technologies d’évaluation très automatisées donc fondées sur les TIC77. S’y ajoutent des critères préalables pour que les Etats soient éligibles : qu’aucune législation ne limite l’ouverture de Charter Schools ni le fait de pouvoir utiliser les résultats des élèves pour évaluer enseignants et principaux. Les formulations retenues pour les critères de sélection des projets sont sans ambiguïté. Ils visent à « Differentiating teacher and principal effectiveness based on performance » en faisant des progrès des élèves un facteur d’importance pour cette évaluation.78 Même si le document mis en ligne fin juillet 2009 pour préciser les critères de cette « Race To the Top » n’est encore, au moment où ces lignes sont écrites, qu’un projet soumis pour commentaires dont la version définitive reste à venir79, et même si ultérieurement les virulentes critiques des syndicats notamment conduisent à un infléchissement,80 il n’en restera pas moins qu’il témoigne éloquemment des idées de l’administration Obama. Il est particulièrement surprenant de voir cette nouvelle administration reprendre les thèmes de ses prédécesseurs et voir dans les Charter Schools l’avenir du système public d’enseignement comme l’avait fait quelques années aupravant en Angleterre Tony Blair à propos des Academies. D’autant plus que les résultats de recherche concernant l’efficacité de ces dispositifs des Charter Schools sont extrêmement mitigés, nous l’avons vu. Cette absence de preuve scientifique est encore plus manifeste pour les systèmes de paiement au mérite des enseignants qui semblent très délicats à mettre en œuvre (Chaptal, 2008b) et pour lesquels très peu d’études existent. Comme l’indique très clairement l’association américaine de la recherche en éducation, l’AERA81 : « AERA agrees that measurement of student achievement must be regarded as central to evaluation of efforts at school improvement. However, neither research evidence related to growth models nor best practice related to assessment supports the proposed requirement that assessment of teachers and principals be based centrally on student achievement.” La contestation a pris d’ailleurs de l’ampleur dans les milieux de la recherche et, de manière très inhabituelle, le très officiel Board on Testing and Assessment (BOTA) des National Academies a publié le 5 octobre 2009 un commentaire sévère sur les mesures envisagées.82 S’agissant de l’évaluation des enseignants par les résultats de leurs élèves en cherchant à mettre en évidence la valeur ajoutée (Value Added Model ou VAM), il écrit : “ BOTA agrees with other experts who have urged the need for caution and for further research prior to any large-scale, high-stakes reliance on these approaches.” Et, plus loin (p. 10) d’enfoncer le clou : “Even in pilot projects, VAM estimates of teacher effectiveness should not be used as the sole or primary basis for making operational decisions because the extent to which the measures reflect the contribution of teachers themselves, rather than other factors, is not understood.” Nous sommes donc là encore confrontés de la part de la nouvelle administration Obama à des prises de position purement idéologiques au sens où nous l’avons défini. Le « turning around » des plus de 5 000 écoles en situation d’échec devenu l’un des thèmes majeurs des discours du Ministre Arne Duncan relève du même jugement. Dans ses discours, celui-ci développe une vision qui s’articule autour de quatre options : la première consiste à fermer les écoles chroniquement en situation d’échec et à les rouvrir en tant que Charter School, confiées éventuellement à un opérateur privé ; la deuxième ferme tout simplement l’école et redistribue ses élèves sur les écoles environnantes ; la troisième, le modèle du « turn around », licencie le principal et la moitié du corps enseignant pour mettre en place une nouvelle gouvernance et de nouveaux programmes ; la quatrième et dernière, le modèle transformatif, suppose que les écoles aient recours aux données relatives aux progrès des élèves pour déterminer quels enseignants devraient être récompensés ou renvoyés, pour élargir les temps d’apprentissage, remodeler le curriculum et mettre en place toutes sortes de changements. L’expression « turning around », que l’on peut traduire par virage à 180°, remise à plat totale, table rase ou réforme de fond en comble, est loin d’être innocente. Nouvelle dans le milieu éducatif, elle trouve son origine dans les théories du management des entreprises et notamment le Total Quality Management (TQM) et le Business Process Reengineering (BPR) comme le note Frederick Hess, director education policy studies de l’American Entreprise Institute(Hess, 2008). La première approche, développée au Japon dans l’immédiat après guerre se voulait une démarche d’amélioration de la qualité par l’implication de toute l'entreprise en réduisant les gaspillages et en améliorant en permanence les éléments de sorties (outputs). BPR, proposé en 1990 par Michael Hammer et James Champy, est une approche beaucoup plus agressive comme le résume sans états d’âme le premier de ses concepteurs "taking an axe and a machine gun to your existing organization." Il s’agit d’une remise à plat radicale, on casse pour reconstruire une nouvelle organisation du travail. Les deux approches ont toutefois, semble-t-il connu des succès limités dans le monde de l’entreprise. Mais ce que Hess, qui publie cet article en novembre 2008, bien avant l’annonce des réformes de Arne Duncan, relève tout particulièrement c’est que les exemples de réussite supposent un changement de culture qui ne peut être réalisé qu’en menant ces opérations avec beaucoup de soin et en s’appuyant sur des spécialistes expérimentés. Il lui semble impensable d’appliquer pareil traitement à des milliers d’écoles ce qui supposerait la disponibilité de talents, de savoir-faire et de la machinerie organisationnelle nécessaires qui n’existent actuellement tout simplement pas en nombre suffisant. Il écrit : « However, the hope that we can systematically turn around all troubled schools--or even a majority of them--is at odds with much of what we know from private sector efforts.” Et d’ajouter : "In short, while turnarounds are difficult in the private sector, they may be even more challenging in schools," Lorsque le président Obama a annoncé la nomination de son ministre de l’éducation, il a évoqué ses succès à Chicago. Duncan fonde, selon toute apparence, sa politique sur son expérience de responsable des écoles de cette ville où il a mis en oeuvre de telles initiatives en fermant des écoles en échec ou en les transformant en Charter Schools. Certes, cette politique a pu, dans un premier temps, sembler produire des effets en termes de résultats des élèves mais un rapport du Civic Committee of The Commercial Club of Chicago83 intitulé Still Left Behind, relevait, en juin dernier, que ces résultats étaient en fait dus aux changements intervenus dans les tests, en clair à la baisse des exigences. Un très récent rapport émanant de chercheurs de l’université de Chicago (de la Torre et Gwynne, 2009) vient davantage encore semer le trouble. Il montre que la politique de fermeture d’écoles en échec, une des mesures phares mises en œuvre à Chicago par Arne Duncan et inspirant cette politique de turn around, n’a eu aucun impact sur les performances des élèves. L’AERA quant à elle pointe sans ambiguïté dans ses commentaires sur la Race To The Top l’absence de fondement scientifique de ce volet du plan consacré aux stratégies concernant le « turning around » des écoles en situation d’échec : ”There has been much less research about the turn-around strategies identified in the proposed regulations than about charter schools and, consequently, even less is known about conditions required for their success.” Les promoteurs de Race To The Top manqueraient-ils de cohérence en oubliant leurs références aux exigences de preuves scientifiques ? Dans un autre domaine, ceux qui plaident vigoureusement pour la transparence des marchés s’accommodent également fort bien de la totale opacité des produits dérivés ou des bonus des traders. Un comportement qui ne doit rien au hasard ou à la légèreté intellectuelle mais qui est tout à fait symptomatique d’une approche idéologique au sens que nous lui avons donnée. Avec Race To The Top nous sommes bien là dans une logique classique de conviction politique, non dans une approche fondée sur des preuves, contrairement à ce que ses promoteurs veulent suggérer. La référence pseudo-scientifique sert simplement et faussement de caution. Il en est ainsi également du volet du plan d’Arne Duncan spécifiquement destiné à financer à hauteur de 350 millions de $ des initiatives en matière d’évaluation des élèves grâce notamment au recours aux technologies éducatives. Car, à mesure que la question de l’évaluation gagne en importance, le rôle qu’y jouent les technologies numériques s’accroît. Malgré les très inhabituelles mises en garde de la communauté de la recherche et contre toute évidence, l’administration Obama fait apparemment sienne la doctrine de la Nouvelle Gestion Publique pour accentuer la pression sur le système public d’éducation. Derrière cette apparence de continuité entre la nouvelle politique éducative de Barack Obama et celle de son prédécesseur, se dessine peut-être une tendance lourde de l’évolution actuelle des mentalités américaines, mais probablement plus largement anglo-saxonnes, en matière à la fois d’éducation et de recours aux technologies. A ce propos, il n’est pas inintéressant de revenir à la généalogie de l’accountability. Après les épisodes Nixon et Reagan, la première approche moderne vient à la toute fin des années 80 et au début de 1990 de l’association des gouverneurs et notamment de Bill Clinton qui s’inspire des approches du management « moderne » de Margaret Thatcher au Royaume Uni pour suggérer que chaque Etat développe une politique dite de tight-loose accountability fixant à la fois des objectifs contraignants en termes de standards et de résultats mais laissant les acteurs décider de sa mise en œuvre.84 L’approche est donc clairement fédéraliste et d’ailleurs, George Bush, devenu gouverneur du Texas, la mettra d’abord en œuvre dans son Etat avant d’en faire l’axe structurant de NCLB. Dans cette continuité d’une nouvelle approche systémique de l’éducation apparaît donc aussi en creux un curieux chassé croisé entre fédéralisme et politique fédérale centralisatrice. Aujourd’hui, les initiatives de l’équipe Obama sont d’ailleurs critiquées également pour leur coté centralisateur même si le mouvement engagé pour définir un cadre national pour les programmes scolaires qui va aussi clairement dans ce sens, l’a été, à nouveau et curieusement, à l’initiative de la National Governors Association et du Conseil des responsables éducatifs des Etats (Fuller, 2008). Pour l’auteur de ces lignes, l’évolution ainsi engagée qui consacre la prédominance des technologies numériques comme outils privilégiés d’une politique d’administration, de contrôle et de surveillance est préoccupante. Encore peu connue du public francophone, il a donc semblé nécessaire d’alerter celui-ci sur cette nouvelle dimension des TICE en analysant de manière assez détaillée les conditions de son développement. Ces approches récentes d’accountability punitive, tirant parti du développement des technologies numériques et sous-tendues, malgré les discours sur le capital humain, par une vision très négative et une profonde défiance vis-à-vis de l’activité des enseignants, ces approches (ou du moins ces intentions puisqu’elles ne sont pas encore complètement finalisées) dont on vient de démontrer qu’elles n’étaient nullement fondées scientifiquement peuvent sembler bien éloignées de la réalité française. Mais est-ce si sûr ? 5. Des tentations françaisesDerrière la prudence des formules et le caractère mesuré des discours officiels, l’observateur attentif aura pu remarquer des idées qui rôdent dans divers rapports. S’agit-il de ballons d’essais destinés à préparer l’opinion, de véritables intentions, d’un manque d’imagination que palie une forme sournoise de « copier-coller » ? Il n’est pas dans notre propos de nous engager dans ce type de débats. Nous nous contenterons de proposer un florilège de ces propositions en demandant au lecteur d’excuser par avance le caractère répétitif des citations qu’il nous a semblé nécessaire de réunir car ces éléments, rassemblés, semblent faire sens et peuvent susciter de légitimes interrogations. Le rapport Camdessus de 2004 (Camdessus, 2004) préconisait déjà un dispositif de type « Charter School » sans toutefois que soit mentionné l’emprunt au modèle américain. Début 2008, le rapport Pochard85 (Pochard, 2008) proposait (p. 12) de mieux reconnaître le mérite, distinguant cependant reconnaissance du mérite et rémunération à la performance. Il notait p. 201 (en gras dans l’original) « Le thème de la rémunération à la performance est plus délicat.» Et poursuivait p. 202 « L’un des points difficiles est le passage d’indicateurs portant sur le résultat des élèves à l’appréciation qui peut être portée sur la performance des enseignants, principaux acteurs de ces résultats» avant de conclure prudemment en plaidant pour une expérimentation préalable. Le rapport Attali de 2008 (Attali, 2008) sur la libération de la croissance française, propose dans sa mesure 6 p. 28, sous la rubrique « Permettre aux parents de choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants », la création d’un chèque-éducation à l’image de ce qui existe en Suède ou des vouchers américains (même s’il se garde bien de citer ce dernier pays). Le rapport précise plus loin (décision 153) : « En outre (cf. supra), il est proposé de permettre, dans un premier temps à titre expérimental, comme en Suède, l’installation dans les quartiers défavorisés d’établissements privés conventionnés, en accordant à chaque famille un financement global par élève, laissant aux parents la liberté de le dépenser dans l’école de leur choix, privée ou publique. » Il faut signaler que ces « Free Schools » suédoises, lancées en 1992 et qui peuvent être créées par des groupes d’individus, des fondations charitables ou des entreprises, ont connu un fort développement. On compte environ 1100 écoles de ce type représentant 8% des élèves du primaire et 15% de ceux du secondaire. Financées par l’argent public par le biais de « vouchers », elles ont le droit de faire des profits, ce qui surprend nombre d’observateurs et explique, par exemple, les réserves du gouvernement britannique travailliste à l’égard de ce dispositif. L’homme qui fut à l’origine de ce système et qui se définit lui-même comme un entrepreneur déclarait récemment86 : “I believe in profit-making organisations as a way to deliver high-quality education” Ces propositions figurant dans des rapports publics largement commentés n’ont pourtant pas suscité de débats particuliers. Un autre document, beaucoup moins connu, mis en ligne en mai 2008 par Bercy (Maguain, 2008) comme simple contribution à la réflexion, va plus loin encore dans le sens de la réduction de la complexité à un indicateur simple, même s’il exclue la mise en concurrence directe des écoles après l’avoir, un temps, envisagée, comme on peut le lire p. 9 sous la rubrique « 2.2 La mise en concurrence des établissements scolaires : Théorie » : « Le recours au marché est en effet généralement perçu comme un puissant stimulant en termes de production (quantité, qualité), de bonne gouvernance mais aussi d’innovation (méthodes pédagogiques, etc.). Il peut permettre en outre une meilleure adéquation entre les besoins des élèves et l’enseignement dispensé par les écoles. » En conclusion, sous la rubrique « 4.2. Agir sur le levier des incitations » il nuance toutefois l’intérêt d’une mise en concurrence des établissements en plaidant pour une plus grande autonomie et la mise en œuvre de mécanismes incitatifs.87 Un peu plus loin, il ne craint toutefois pas d’écrire : « Il convient également de récompenser les meilleures pratiques (sous la forme de bonus financiers, par exemple) à l’issue d’évaluations publiques systématiques. Les évaluations globalement positives des politiques de school accountability menées dans les États américains concluent d’ailleurs à une meilleure utilisation des ressources mises à disposition des écoles suite aux réformes. » On retrouve là aussi la référence alibi à de pseudo-résultats de la recherche sans que pour autant l’auteur s’embarrasse du minimum de rigueur qui supposerait une analyse sérieuse de la littérature américaine. La recherche sert de caution commode et peu importe que la vision qu’en ait l’auteur, qui n’est pas spécialiste de ces questions éducatives ni des publications américaines du domaine, soit pour le moins superficielle et orientée. Nous avons vu plus haut ce qu’il en était. Sollicitant à nouveau les résultats de la recherche sur le salaire au mérite en se fondant sur une seule étude israélienne, d’ailleurs fort discutable, cet économiste poursuit sous la rubrique « b) Rémunérer en partie les enseignants en fonction de leur mérite »88 : « Les mécanismes du type salaire au mérite fonctionnent lorsqu’ils s’accompagnent d’un certain nombre de garde-fous afin d’éviter leurs effets pervers (manipulation, collusion etc.). .../... L’exploitation des évaluations des élèves pourrait également servir à renseigner l’enseignant sur les acquis et les besoins de chaque élève afin de différentier sa pédagogie, d’ajuster les rythmes d’apprentissage et de mettre en place si nécessaire une aide davantage individualisée. » On notera l’argument final classique : tout cela est destiné à informer ce malheureux enseignant décidemment incapable d’évaluer seul le niveau de ses élèves. On pourrait sans doute aussi ajouter le point de vue de Xavier Darcos intitulé « Le sarkozysme est l’allié de l’école » et publié dans le Monde du 18 juillet 2008 mais il s’agit cette fois d’une approche beaucoup plus allusive, exprimée en termes très neutres et il convient de ne pas solliciter la pensée de son auteur au-delà de l’ambiguïté des mots employés : « Assumer la liberté des élèves d’aller à leur rythme vers la réussite ; reconnaître et valoriser le mérite des enseignants ; accroître la place des parents au sein de la communauté éducative : sur ces trois ruptures majeures repose la réforme du système éducatif voulue par le président de la République. » Signe que ces idées font leur chemin ? On pourrait de même évoquer le rapport Le Mèner89 traitant de la nécessaire revalorisation du métier d’enseignant qui note, sous la rubrique « Apprécier la performance de l’enseignant devant les élèves » : « La revalorisation du métier d’enseignant implique de mieux reconnaître la performance pédagogique réelle de l’enseignant et de récompenser celle-ci. » En évoquant ensuite, avec beaucoup de prudence, diverses pistes possibles. 6. En guise de conclusionLe virage que prennent dans le monde anglo-saxon les technologies éducatives orientées vers le traçage pédagogique et l’élaboration de profils d’apprenants concernera-t-il aussi la France ? Ou bien, fort de ses traditions et de son approche singulière de l’éducation, notre pays saura-t-il résister à ces tentations « modernistes » ? L’avenir le dira mais il n’y a pas de fatalité. L’histoire des cinquante dernières années abonde en épisodes divers concernant l’application aux systèmes éducatifs américains ou anglais des modèles de l’entreprise, épisodes qui n’ont jamais, à ce jour, profondément affecté le système français. Il conviendra cependant de porter attention aux évolutions possibles du rôle de la technologie notamment vis-à-vis des ENT, ainsi qu’aux discours simplificateurs sur l’efficacité en toutes circonstances de l’association transparence-indicateurs-incitations90, discours qui, derrière des principes semblant relever du bon sens, peuvent justifier des pratiques dont les effets pervers sont connus. Pour ce qui concerne l’approche plus classique de l’intégration pédagogique des TICE, il ne semble pas y avoir de raison d’exagérer l’importance du retard français. La situation française, compte tenu de ses spécificités et du peu de moyens et d’incitations qui y ont, jusqu’à présent, été consacrés centralement, n’est pas si différente qualitativement de celle qui existe en Angleterre et aux Etats-Unis. Mais cette situation qui fait une place encore limitée aux TICE n’est aucunement satisfaisante et ne saurait perdurer, sans graves conséquences. Comme nous l’indiquions en conclusion de notre thèse de doctorat, il n’y a pas d’exemple d’une école qui puisse durablement se sanctuariser, se coupant de ce qui fait à la fois l’âme, la culture et les forces vives de la nation. Car ce qui différencie aujourd’hui les TIC des technologies éducatives qui les ont précédées, c’est bien qu’elles irriguent désormais tous les aspects de la vie économique comme de la vie sociale et personnelle. Leur prise en compte par l’école est donc, désormais, fondamentale ne serait-ce que du point de vue de la prise de citoyenneté. S’il est une leçon claire que l’on peut tirer d’une analyse du domaine menée depuis de longues années et des nombreuses tentatives auxquelles nous avons assisté c’est qu’il est vain d’espérer qu’un coup de baguette magique, qu’une technologie ou un dispositif miracle, fasse évoluer rapidement la situation. La question est complexe et seule une politique de réglages fins, une politique durable et globale de surcroît, prenant en compte tous les aspects, investissement mais aussi formation, effort de conviction et mobilisation en direction des enseignants comme de l’appareil éducatif, assistance à l’utilisation... peut favoriser, dans la durée, une intégration plus complète et plus satisfaisante. Faute d’une telle prise de conscience, les modes technologiques continueront à ne faire que des rides à la surface du monde éducatif. Dans un article de mars 2009 intitulé « Innovation, Motherhood, and Apple Pie », Grover Whitehurst, ancien directeur sous l’administration Bush de l’Institute of Education Sciences devenu directeur du Brown Center on Education Policy à la Brookings Institution, une institution généralement considérée comme plutôt libérale centriste, insiste lui aussi sur le paradoxe de l’engouement moderniste en faveur des charters schools et l’absence de preuves de leur efficacité. Suggérant une approche plus modeste et pragmatique de l’innovation prenant en compte l’ensemble des écoles publiques, il insiste sur la nécessité de développer la recherche pérenne, comparant la faiblesse des seuls 230 millions de $ du budget régulier que le ministère de l’éducation fédéral consacre à la recherche (une somme qui fait toutefois rêver les chercheurs français de toutes disciplines intéressés par ce domaine, confrontés à une quasi absence du financement) avec les opérations incitatives spectaculaires mais sans lendemain comme le nouveau Investing in Innovation Fund (ou i3) doté par le Congrès de 650 millions de $. Avec réalisme, il note cependant p. 7 (Whitehurst, 2009a) la difficulté de convaincre les décideurs en faveur d’une politique modeste visant des progrès incrémentaux : “It is hard to generate excitement around the gradual improvement of work-a-day processes. Yet there is a lot of evidence, some of it reviewed here, that successful organizations outside of education achieve high levels of performance because of a commitment to exactly that type of process improvement.” C’est pourtant bien là, précisément, que l’innovation souterraine des cahiers 24x32 prend tout son sens. BIBLIOGRAPHIEAccess, Adequacy, and Equity in Education Technology, Results of a Survey of America’s Teachers and Support Professionals on Technology in Public Schools and Classrooms (2008), A Publication of the National Education Association in collaboration with the American Federation of Teachers, 72 p. téléchargeable (août 2008) http://www.nea.org/research/images/08gainsandgapsedtech.pdf ALLEN E., SEAMAN J. 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téléchargeable (décembre 2009). 1 Le recours à cette ancienne dénomination des exposés scientifiques, un peu oubliée aujourd’hui, a paru approprié pour qualifier le statut de ce texte. 2 D’autant que le système scolaire américain est généralement considéré comme défaillant et que le système anglais vient de rentrer dans une période de turbulences importantes. 3 A la même époque, le développement des ENT dans le supérieur relève d’une logique très différente. Du coup, les usages de ceux-ci s’y sont stabilisés. 4 Voir par exemple (Chaptal, 2005), un article très critique qui avait fait quelque bruit. 5 Pour l’analyse de ces rapports et de l’audit, voir notamment (Chaptal, 2007) 6 Etude d’évaluation de l’opération « un collégien, un ordinateur portable », présentation au comité de pilotage le 26 juin 2009, cf. (Tns Sofres, 2009) 7 Il faut cependant noter que l’usage des TICE en classe par les enseignants est beaucoup plus important dans les Landes que la moyenne nationale, ce qui témoigne de l’ambivalence des résultats de cette politique qui s’inscrit dans la durée. 8 Comme la malencontreuse annonce du Ministre Xavier Darcos lors de la remise du rapport de la commission e-Educ le 21 mai 2008. On y reviendra. 9 Rejoignant ainsi, sur les usages,
l’analyse de C@mpusciences
(Combès et Moeglin, 2005),
ou, sur les enjeux, celle des chercheurs de l’ERTé Campus
numériques et notamment Elisabeth Fichez
(Fichez, 2007) et
Patrice Grevet. Cf. 10 On pourrait aussi ajouter la récente, très inhabituelle et très étrange rétention par le ministre Darcos des travaux de la DEP ou des inspections générales : 16 rapports de celles-ci mis en ligne en 2007, un seul en 2008 11 Voir le discours du Ministre et le dossier de presse diffusés en ligne 12 Sur le site http://www.academie-en-ligne.fr 13 L’éducation ne bénéficie d’un ministère de plein exercice que depuis octobre 1979, grâce à Jimmy Carter. Elle était auparavant rattachée à la Santé. Ce ministère demeure le moins important du Cabinet en termes d’effectifs. 14 Il faut noter cependant des évolutions significatives dont les encouragements prodigués à l’été 2009 par l’administration Obama à une initiative récente de 48 Etats pour tenter de définir un programme scolaire national, une idée avancée jadis sans succès par Bill Clinton. 15 Loi No Child Left Behind, adoptée avec un beau consensus bi-partisan (dont le soutien des présidents démocrates des commissions Education, au Sénat, Ted Kennedy, et à la chambre des représentants, George Miller, qui en sont tous deux considérés comme des co-auteurs même s’ils ont par la suite pris quelque distance avec son application et notamment son insuffisance de financement). La loi NCLB, signée par George Bush dès janvier 2002 constitue son premier acte politique d’importance. 16 Curieusement la loi n’a pas défini le niveau « proficient ». Cela a conduit à de nombreuses dérives, les tests étant organisés par les Etats (Chaptal, 2008b) 17 Culture dénoncée
par exemple par Philippe Dobler et Olivier Saulpic dans un intéressant
article de la page Débats du Monde daté mardi 18 août 2009.
18 Voir notamment les critères envisagés pour la sélection des propositions des Etats dans la procédure dite « Race to the Top », un fond de 4,35 milliards de $, modeste si on le rapporte aux 100 milliards consacrés à l’éducation dans les 787 milliards du American Recovery and Reinvestment Act, mais très médiatisé et très convoité par les Etats. 19 Encore faut-il noter que cette
opération a un coût, environ 10 000 $ par cours selon Stephen
Carson, directeur des relations extérieures de OCW, cité par le
Chronicle du 3 août 2009 20 Enquête portant sur plus de 2500 collèges et universités. (Allen et Seaman, 2008) 21 (Picciano et Seaman, 2009). La faible taille de l’échantillon due à un taux de réponse très bas de 5,4 % incite toutefois à une certaine prudence quant aux chiffres précis mais la tendance au fort développement est avérée. 22 Sur cet article (Clark, 1983) et le « Great Media Debate » qu’il a également suscité en 1994, voir notamment (Clark, 1994a), (Clark, 1994b) et (Kozma, 1994) ou (Chaptal, 1999) pour une analyse détaillée de ce débat, résumée dans (Chaptal 2003). 23 Cf. Education Week, Technology Counts 2007, Vol. 26, Issue 30, pp. 8-9, 29 mars 2007 24 Citée par Education Week, « Broad Adoption of Ed. Tech. Is Slow, SIIA Survey Says», Digital Directions, du 28 juin 2009 25 Cf. http://chronicle.com/blogPost/Colleges-Lag-in-Technology-and/20419/ 26 Une série de fiascos intervenus en 2008 dans l’organisation de ces tests qui rencontraient l’hostilité des enseignants débouche sur une remise en question radicale de ces dispositifs, cf. Chaptal 2009 27 Analyse tirée du bilan officiel que le Besa a publié à l’occasion de ses soixante-quinze ans d’activité, cf. (Besa, 2008a) pp. 18-20 et 26 notamment. Voir aussi (Chaptal, 2009). 28 Cf. Audit Commission 2009 29 Cf. (Becta, 2008d) p. 20 et (Becta, 2008f) p. 23 qui s’appuie sur les données de Harnessing Technology School Survey cf. (Smith et al., 2008a) et (Smith et al., 2008b). 30 Coordonné par Guy Pouzard 31 Cf. les travaux de Russel sur la NSD (Russel, 1997), No Significant Difference. Parfois, ce « résultat » peut même être considéré comme encourageant si le nouveau dispositif présente par ailleurs d’autres avantages, par exemple économiques. Toutefois ce type de justification de l’absence de différence significative a été, à diverses époques, qualifié d’étrange par des chercheurs réputés tels que (Long, 1994) p. 2 ou (Reeves, 2005) p. 299. 32 D’autant que le même résultat s’est produit dans les semaines qui ont suivi pour d’autres études de l’Institut portant sur des sujets aussi divers que les programmes de mentoring, des curriculum de mathématiques, des systèmes alternatifs de certification des enseignants... 33 Linda Darling Hamond, professeur en sciences de l’éducation à Stanford, tenante de méthodes plus qualitatives et l’une des conseillères de Barack Obama pendant la campagne présidentielle, parlera à ce propos de standard en fer blanc (tin standard), citée par Education Week, 1er avril 2009 34 Cf. www.whatworks.ed.gov Slogan figurant sur le site web. 35 (Whitehurst, 2009b) rappelle que ce fut en fait une préoccupation constante des administrations successives. Reagan avait ainsi lancé des What Works Guides, G.H.W. Bush le NDN, Clinton les Exemplary and Promising Practices Panels et G.W. Bush la What Works Clearinghouse. 36 Cf. Education Week, 27 septembre 2006. 37 Cf. Education Week, 19 décembre 2007. Il faut noter que Robert Slavin est à la fois juge et partie, étant l’auteur d’un des produits analysés. Mais ses critiques s’avèrent, à l’examen, au moins partiellement fondées. Voir par exemple le cas de Saxon Math (Middle school) ou DaisyQuest (Beginning Reading) 38 Ce Gold Standard avait été décalqué de la recherche médicale et de ses études cliniques sur de grands échantillons constitués aléatoirement. Cependant, même dans ce domaine, des critiques se sont fait jour. Ainsi, l’Institute of Medecine, suivant les propositions de sa Round Table on Evidence-Based Medecine, a récemment recommandé que ce type d’étude, qui bien sûr a son utilité dans certaines circonstances, ne soit plus considéré comme LA référence par excellence. 39 Cf. (Bloom et Krathwohl, 1956). Une taxonomie, révisée en 2001 par son co-auteur, qui a été critiquée pour le lien hiérarchique séquentiel qu’elle institue entre les diverses facultés cognitives. 40 Cf. (Lubienski,2009) p. 5. A l’inverse du modèle français traditionnel et de ses trois priorités, former l’homme, le citoyen, le travailleur cf. par exemple la loi d’orientation de 1989. 41 Cf. Charles Reigeluth,
décembre 1996, IT Forum paper 42 Voir la romance inconstante (Fickle Romance) de Larry Cuban (Cuban, 1986) 43 Cf. (Balanskat et al., 2006) The ICT Impact Report, European Schoolnet p. 44. En gras dans l’original. 44 Cf. (Tns Sofres, 2009) pp. 43 et 44. On doit à l’honnêteté de préciser que 40 % des enseignants déclarent avoir demandé aux collégiens de se servir de leur ordinateur à un cours sur deux, un résultat remarquable pour le contexte français qui est le résultat d’une politique cohérente, durable et déterminée. Les limites des résultats obtenus après sept années n’en sont que plus éclairantes. 45 Un pourcentage qui monte à 80,5 % pour 2008 46 Voir par exemple le
Chronicle of Higher Education du 13 juin 2008 47 VP Public Sector de Microsoft
à ELF 2008 48 Comme Abdul Wahid Khan, Assist. DG Unesco lors du ELF 2008 49 En moyenne plus de 26 000 étudiants, ce qui permet de lisser des différences liées à des contextes particuliers. 50 Cf. Educause Centre for
Applied Research, The ECAR Study of Undergraduate Students and Information
Technology 2005, 2006 et 2007 et 2008 51 Cf. Sandi Mann et Andrew Robinson, « Boredom in the lecture theatre: an investigation into the contributors, moderators and outcomes of boredom amongst university students » in British Educational Research Journal, Volume 35, Issue 2, April 2009 pp. 243-258 52 Formule souvent attribuée à tort à Dewey mais qui est en fait une tentative de synthèse simplificatrice et passablement biaisée de sa pensée interprétée par son disciple Kilpatrick, cf. (Chaptal, 1999) et Chaptal, 2003). 53 On y assiste même, pour ces raisons, à une critique croissante des évaluations de type PISA, un joli paradoxe si on se souvient que la philosophie générale de ce test de l’OCDE tient énormément à une certaine vision américaine des choses, instrumentalisée par des sociétés spécialisées, elles aussi américaines... 54 Même si, régulièrement, des études incitaient à relativiser la réalité de ces pratiques, cf. par exemple les travaux de Becker à la fin des années quatre-vingt-dix (Becker et Riel, 1999), (Becker et Riel, 2000). 55 Cf. (Clark et al., 2008) ou (Kirschner et al., 2006). Dans la controverse qui l’opposa à ce propos à Cindy Hmelo-Silver (Helmo-Silver et al., 2007) celle-ci lui a donné acte que l’exploration de phénomènes ou de problèmes sans que l’élève soit un minimum guidé aboutissait à des impasses, citant à l’appui l’article de Mayer évoqué ci-dessus. 56 Cf. http://www.edweek.org/ew/articles/2009/09/30/ 57 Cf. Executive Office of the
President, National Economic Council, Office of Science and Technology Policy,
September 2009, A Strategy for American Innovation: Driving Towards
Sustainable Growth and Quality Jobs, 58 Cf. http://www.digitalpromise.org/ Le plan initial a été publié en 2001. La Research and Development Roadmap actuelle remonte à 2003... 59 Soulignée par exemple dans Education Week Vol. 29, Issue 12, p. 8 60 Cf. par exemple (Chaptal et al., 2008) 61Les Charters Schools renvoient aussi à l’exemple britannique et à ses Academies, vaisseau amiral des réformes éducatives de Tony Blair. Elles ont une certaine parenté avec nos écoles privées sous contrat même si les différences entre les deux approches sont importantes. 62 Le terme avait été inventé à la fin des années soixante-dix par Ray Budde, enseignant de l’ University of Massachusetts Amherst, pour définir un nouveau cadre contractuel permettant de soutenir les efforts des enseignants innovants. 63 Voir plus loin le projet Race
to the Top 64 L’exemple Suédois des « Free Schools », lancées en 1992, en constitue une forme d’illustration très proche. 65 L’État du Maryland, adepte depuis huit ans d’une politique d’accountability agressive, a été le premier à utiliser cette mesure en décidant de prendre le contrôle de 7 middle schools et 4 high schools le 29 mars 2006. 66 Les incidents survenus au printemps et à l’été 2008 ont déclenché en Angleterre une profonde remise en cause de ce système, cf. (Chaptal, 2009). 67 Des écarts considérables sont notamment apparus (Cronin et al., 2007) en comparant les résultats aux tests des Etats avec l’échantillon national, le NAEP. Le record des écarts semble détenu en 2007 pour le CM2 en lecture par le Mississipi qui affiche 89 % de proficient selon ses propres tests quand le NAEP le crédite seulement de 18 %. L’écart est de 50 % pour le Texas ou de 41 % pour la Floride, deux États chers à la famille Bush et logiquement en pointe sur la loi NCLB. Très récemment, une étude du très officiel Natonal Center for Educational Statistics est venue confirmer ces disparités, cf. (Bandeira de Mello et al., 2009). 68 A New York, la baisse des
exigences est telle que des élèves répondant de
manière aléatoire peuvent espérer réussir aux tests
pour les mathématiques selon le New York Times cf. 69 Dans le pire des cas, on a pu assister à des exclusions de ces élèves pour les sortir des statistiques ou à divers trucages (fausses inscriptions ethniques, tricheries...). 70 Cf. (Chaptal, 2003) ou, pour un résumé, (Chaptal, 2008b). 71 Cf. (Chaptal, 2008b) 72 Elle fut Assistant Secretary of Education de 1991 à 1993 sous l’administration Bush père, en charge de l’Office of Educational Research and Improvement, mais aussi membre du Conseil national de l’évaluation sous l’administration Clinton 73 http://blogs.edweek.org/edweek/Bridging- 74 Cf. notamment p. 62 et son éloquente démonstration sur « l’effet salami » et l’éducation : le niveau monte mais de quel niveau parle-t-on ? (si l’indicateur est le nombre de tranches de salami, les ouvriers tendent à s’adapter en produisant toujours davantage de tranches mais de plus en plus fines). 75 La formule originale est le New Public Management. Cf. (Osborme et Gaebler, 1992) ou (Clarke et Newman, 1997). Pour une synthèse précoce, voir (Merrien, 1999). 76 Jamais autant d’argent n’avait été à la seule disposition de l’exécutif fédéral sans que le Congrès ait son mot à dire concernant les critères ou la mise en œuvre ce qui explique le retentissement extrêmement important de ce fonds dans un pays où les questions d’éducation relèvent majoritairement des Etats. 77 On peut faire remonter les rêves d’automatisation à Skinner (Skinner, 1968) voire plus loin au 19ème siècle et aux précurseurs des machines à enseigner. Les technologies numériques leur redonnent une nouvelle actualité. On a ainsi vu récemment apparaître aux Etats-Unis des manuels électroniques proposés par McGraw-Hill intégrant des fonctionnalités de notation automatiques (cf. The Chronicle of Higher Education, Technology, 8 septembre 2009, New E-Textbooks Do More Than Inform : They’ll Even Grade You)) ou la proposition voisine faite par le groupe Pearson en Angleterre (cf. The Guardian, 25 septembre 2009, ‘Robot’ computer to mark English essays). 78 Cf. http://www.ed.gov/programs/racetothetop/executive- 79 La période de commentaires courrait du 29 juillet au 28 août 2009 mais, début novembre, au moment où cet article était soumis, la suite n’était pas encore connue. 80 Le Ministre Duncan a précisé ultérieurement que les résultats de leurs élèves n’étaient que l’une des mesures à considérer pour évaluer les enseignants, ce qui constitue une précision importante ouvrant la voie à un aménagement final du dispositif prenant en compte également, par exemple, le « peer reviewing », l’évaluation par les pairs. Ce qui fut effetcivement fait dans la version finale. Reste que les premières intentions demeurent révélatrices. 81 Cf. http://www.regulations.gov/search/Regs/home.html 82 Cf. Letter Report to the US DoE 2009 (Letter, 2009) 83 Un club de dirigeants d’entreprises, cf. (Still Left Behind, 2009). 84 Il faut ici noter que cette expression “Tight-Loose” qui condense la doctrine revient souvent dans les propos actuels du Ministre Arne Duncan. 85 Rapport remis le 4 février 2008 86 Cité par le
Guardian cf. 87 Cf. p. 15. 88 Italiques dans l’original 89 Avis présenté au
nom de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education sur le
projet de loi de finances pour 2010 (n° 1946), enregistré à
la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 octobre 2009, cf. 90 Pour reprendre les termes utilisés par Philippe Dobler et Olivier Saulpic, professeurs associés au département contrôle et pilotage des organisations –ESCP-EAP dans leur tribune déjà évoquée p. 5 « L’échec de l’évaluation des ministres ou les limites de la culture du résultat » et publiée dans la page Débats du Monde daté mardi 18 août 2009. A propos des auteursAlain CHAPTAL est ingénieur diplômé de
Télécom ParisTech et docteur de l'Université Paris X
en sciences de l'information et de la communication. Ses recherches concernent
l’analyse critique des approches française et anglo-saxonnes
(américaine et anglaise) en matière de technologies
d’information et de communication pour l’enseignement et
singulièrement de la question de leur efficacité à laquelle
il a consacré sa thèse de doctorat. Il a occupé divers
postes de responsabilité au CNDP, étant de 1991 à 1998,
directeur de l’ingénierie éducative puis responsable, au
sein de la direction générale, de la veille technologique. Il a
rejoint en septembre 2004 l’université Paris 8 pour être mis
à la disposition de la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord
pour le projet de plate-forme Arts, Sciences, Technologies.
Adresse : Plate-forme Arts, Sciences Technologies, 4 rue de la croix Faron, 93210 Saint Denis Courriel : chaptal.alain@laposte.net |
Référence de l'article :Alain Chaptal (Université Paris , Labsic Université Paris ), Mémoire1 sur la situation des TICE et quelques tendances internationales d’évolution , Revue STICEF, Volume 16, 2009, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 15/03/2010, http://sticef.org |
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Mise à jour du 15/03/10 |