Sélection de la conférence EIAH 2017
Editorial
Chrysta PÉLISSIER (PRAXILING, Université Montpellier 3), Nathalie
GUIN (LIRIS, Université Lyon 1), Bruno DE LIÈVRE (DESTE,
Université de Mons)
1. Introduction
Ce numéro spécial présente une
sélection de huit articles issus de la 8e édition de la
conférence EIAH (Environnements Informatiques pour l’Apprentissage
Humain) qui s’est déroulée à Strasbourg (France) du 6
au 9 juin 2017.
Organisée tous les deux ans, cette conférence francophone,
parrainée par l’Association des Technologies de
l’Information pour l’Éducation et la Formation (ATIEF), a
pour objectif la diffusion de travaux de recherche et la formation des
chercheurs effectuant des études scientifiques en lien avec les EIAH.
Cette communauté communique sur des recherches dont la finalité
est de susciter et d’accompagner les activités d’enseignement
et d’apprentissage intégrant le numérique. L’enjeu est
d’aider à la conception, au développement, à la
coordination et à l’évaluation de situations
d’apprentissage, qu’elles soient en présence, à
distance, hybrides, en contextes scolaires, universitaires ou professionnels
(formation tout au long de la vie). L’objectif est de fournir divers
moyens d’appréhender, d’expliciter et/ou de faire
évoluer les pratiques sociales et professionnelles des différents
acteurs impliqués dans ces démarches : enseignant/formateur,
élève/apprenant, institution/école/université.
Compte tenu des thématiques abordées, la
communauté́ EIAH est par essence multidisciplinaire. Nous retrouvons
cette caractéristique dans les différents articles présents
dans ce numéro spécial.
2. Présentation du numéro spécial
Les textes proposés sont des versions
étendues d’articles publiés dans les actes de la
conférence EIAH 2017. Leurs auteurs ont été
sollicités par les co-présidents (Nathalie GUIN et Bruno DE
LIÈVRE) en fonction des notes attribuées aux articles par les deux
relecteurs du comité de programme de la conférence. Ils ont soumis
à STICEF une version longue qui a ensuite suivi le processus de
sélection imposé par la revue, à savoir une relecture par
deux évaluateurs. L’un des deux relecteurs a été
choisi parmi les membres du comité de lecture de la revue STICEF et
l’autre parmi les membres du comité de programme de la
conférence EIAH 2017. Ainsi, suite aux différentes remarques des
relecteurs, sur les dix articles soumis, huit ont été retenus pour
ce numéro spécial.
Les thématiques abordées par ces huit articles relèvent
de différentes problématiques en lien avec le processus de
conception d’un cours ou d’un EIAH, l’évaluation des
productions et des comportements des apprenants et les stratégies
qu’ils mettent en place.
2.1. Conception d’un cours ou d’un EIAH
Trois contributions interrogent le processus de conception. La
première contribution propose un système de scénarisation
capable de générer des dilemmes intégrés à
une démarche d’enseignement. La seconde décrit un cadre
méthodologique d’aide à la construction du réseau de
Petri d’un jeu sérieux et à son utilisation. La
dernière présente un modèle formel utilisé comme
guide conceptuel dans la phase de conception des Learning Games.
Azzeddine Benabbou, Domitile Lourdeaux et Dominique Lenne proposent un
système de scénarisation capable de générer des
dilemmes intégrés à une démarche
d’enseignement, sans avoir à les écrire à
l’avance.
La problématique porte sur l’identification de procédures
d’utilisation des modèles de connaissances pour en extraire les
propriétés nécessaires à l’émergence de
dilemmes. Cette approche vise à concevoir des systèmes de
scénarisation permettant de former les apprenants à la gestion des
situations critiques.
Les résultats montrent que le système a pu
générer des situations qui, comparées à des
situations normales, étaient plus compliquées en termes de prise
de décision. Ils montrent également que les participants sont plus
hésitants dans les situations générées que dans les
situations normales.
L’article de Mathieu Muratet, Amel Yessad, Thibault Carron et Arthur
Ramolet propose un cadre méthodologique d’aide à la
construction du réseau de Petri d’un jeu sérieux et à
son utilisation.
La problématique porte sur la caractérisation d’une
méthodologie de construction d’un jeu sérieux et du suivi de
l’activité apprenante. Par le cadre méthodologique
proposé, l’enseignant est assisté dans la construction du
réseau de Petri d’un jeu sérieux. Il est également
accompagné dans l’analyse des traces laissées par les
apprenants.
Les résultats montrent que l'algorithme d’étiquetage
proposé est intéressant. Les apports de la méthodologie
sont réels. Les résultats montrent en particulier l'utilité
des étiquettes et la concordance des scores calculés par le
système avec les notes mises par les enseignants.
Enfin, Mathieu Vermeulen, Gaëlle Guigon, Nadine Mandran et Jean-Marc
Labat présentent un modèle formel utilisé comme guide
conceptuel dans la phase de conception des Learning Games.
La problématique s’intègre à une approche Meta-Design et porte plus particulièrement sur
l’identification de composants déclinables en objets informatiques
(artefacts) participant à un modèle dédié à
la conception d’un Learning Game.
Les résultats montrent que cette approche, qui engage fortement les
enseignants dans les phases de conception et d'usage, favorise
l’utilisation des EIAH conçus. Les enseignants intègrent
notamment le jeu comme fil conducteur des différents travaux pratiques
donnés aux étudiants.
2.2. L’évaluation des productions et des comportements des
apprenants
Trois articles abordent la thématique de l’évaluation. Le
premier propose une manière d’approcher la production des cartes
mentales produites par les apprenants. Le second présente une analyse et
une interprétation des données d'inscription à plusieurs
MOOC proposés par des plates-formes hébergeant des catalogues et
le troisième questionne l’apport et les effets des QR codes dans un
manuel pédagogique d’éveil historique.
Rubiella Carrillo, Yannick Prié, Leslie Guillaume et Elise
Lavoué présentent des recherches visant à outiller les
enseignants dans leurs procédures d’interprétation des
cartes mentales produites par les apprenants.
La problématique est en lien avec des indicateurs
d’évaluation reposant sur les traces d’interaction des
apprenants. Le but est d’outiller les enseignants, de les aider à
comprendre à la fois les cartes mentales produites par les apprenants et
leur processus de construction.
Les résultats montrent qu’un tableau permettant de visualiser
ces indicateurs peut participer à la compréhension des
données fournies/produites par les apprenants. Cependant, les auteurs
avancent également que plusieurs indicateurs proposés dans
l’article peuvent être améliorés : certains
manquent d’informations importantes, d’autres devraient être
présentés différemment et d’autres encore
nécessitent d’être plus explicites.
Mathieu Cisel s’interroge sur les choix d’inscription des
participants aux MOOC et sur leur investissement dans le suivi des cours,
notamment dans le cas des inscriptions multiples. L’objectif est de
préciser les processus qui conduisent à l’inscription
à un MOOC et à son suivi.
Il propose une analyse de données d'inscription issues de la
plateforme française FUN et des données d’une enquête
au prisme de la notion de clé d'entrée, menée auprès
d’une douzaine de MOOC. L’hypothèse est que ces
données participent à l’interprétation des
comportements observés.
Selon cette analyse, il existe une forte représentation
d’inscriptions issues de visites expérientielles, inscriptions
choisies lors de la consultation d’un catalogue au cours de laquelle les
utilisateurs n’ont pas forcément une idée précise du
(ou des) MOOC qu’ils souhaitent suivre. L’auteur en déduit
que les comportements observés au sein d’un dispositif en ligne
peuvent être influencés par les caractéristiques de
présentation des MOOC dans les catalogues parcourus.
Enfin, Gaëtan Temperman, Stéphanie Montagne, Bruno De
Lièvre et Karim Boumazguida questionnent l’apport et les effets de
l’utilisation de QR codes pour partager et diffuser de
l’information. L’enjeu est de pouvoir recommander l’usage de
QR codes dans des contextes de formation.
Les auteurs focalisent leur étude sur l’apport et les effets de
relances (prompts) proposées par des QR Codes dans un manuel
d’éveil historique en version papier.
Les résultats montrent entre autres que les élèves qui
bénéficient de relances par des QR Codes pour guider leur
recherche et leur traitement d’informations progressent davantage que les
autres dans la maîtrise du contenu informationnel traité.
2.3. Les stratégies d’apprentissage
Deux contributions s’intègrent dans la thématique des
stratégies d’apprentissage. La première décrit des
stratégies mises en place par les apprenants dans des laboratoires
virtuels et distants dédiés à l’apprentissage de
l’informatique. La seconde interroge la résolution collaborative de
problèmes dans l’apprentissage collaboratif à distance et
plus particulièrement la place des émotions ressenties.
L’article de Rémi Venant, Kshitij Sharma, Philippe Vidal, Pierre
Dillenbourg et Julien Broisin identifie des stratégies d'apprentissage
mises en place par les apprenants dans un contexte de formation universitaire en
informatique. L’objectif de cette étude est d’aider les
enseignants à comprendre les activités menées par les
apprenants dans des laboratoires virtuels et distants en cours
d’informatique.
Par la fouille de motifs séquentiels, l’étude mise en
place appréhende les liens entre le comportement des apprenants en
situation de travail pratique et leur performance académique.
Les résultats, d’une part, présentent différentes
stratégies d'apprentissage dont certaines sont corrélées
à la performance académique des apprenants et, d’autre part,
soulignent la nécessité d'implanter de nouveaux outils de suivi et
de guidage des apprenants dans l’environnement. Un des nouveaux objectifs
est de proposer un modèle prédictif visant la prévention
des échecs des étudiants.
Enfin, les travaux menés par Sunny Avry, Guillaume Chanel, Mireille
Bétrancourt, Thierry Pun et Gaëlle Molinari portent sur la
caractérisation de la relation entre les émotions et la
résolution collaborative de problèmes à
distance/médiatisée par ordinateur.
L’hypothèse est que les émotions ressenties sont
corrélées à la performance des participants. Plus
particulièrement, les auteurs créent des feedbacks biaisés
(de contrôle et de valeur), afin d’influencer
l’évaluation émotionnelle des apprenants/joueurs. Ils
étudient les relations entre émotions liées aux
contrôle et valeur perçus, processus socio-cognitifs et
performance.
Globalement, les résultats mettent au jour que le contrôle et la
valeur perçus génèrent différents patterns de
corrélations entre émotions et processus socio-cognitifs.
L’intensité des émotions ressenties corrèle
également à la performance réelle des participants.
3. Conclusion
Pour ce numéro spécial EIAH 2017,
certains articles posent et interrogent des indicateurs (facteurs motivationnels
et émotionnels pour S. Avry et al., indicateurs d’engagement
pour R. Carrillo et al., données d’inscription pour M.
Cisel). Pour d’autres, des préconisations sont formulées au
niveau de la démarche de conception des EIAH (l’usage d’un
cadre méthodologique pour M. Muratet et al., des
éléments déclinables en objets informatiques pour M.
Vermeulen et al, des situations-dilemmes pour A. Benabbou et al. et l’usage de QR codes pour G. Temperman et al.). Pour
d’autres enfin, l’enjeu est d’analyser des pratiques
apprenantes dans des environnements nouveaux (comme celui proposé par
l’article de R. Venant et al.) pour prévenir l’abandon
et le découragement.
Nous retrouvons là à la fois des questions abordées
régulièrement par la communauté EIAH (à savoir
l’approche d’indicateurs permettant d’analyser des pratiques
enseignantes, de mettre en lumière des stratégies
d’apprentissage et de proposer des préconisations pour la
conception/l’usage des EIAH), mais également des questions
émergentes liées à la mise en place de nouveaux dispositifs
de formation (laboratoires virtuels et distants) et à la prise en compte
de l’émotion et du ressenti chez les acteurs impliqués dans
le processus d’enseignement et/ou d’apprentissage.
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