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Editorial du numéro spécial
Analyses des traces
d’utilisation dans les EIAH
Christophe Choquet*, Élisabeth Delozanne**, Vanda
Luengo***
*LIUM,
Université du Maine, **L'UTES, Université Pierre et Marie Curie,
***LIG, Université Joseph
Fourier
Editorial
Toute activité menée à
l’aide d’un logiciel conduit l’utilisateur à laisser
des traces dans un fichier, dont il est parfois possible d’inférer
des faits intéressants. Depuis que l’enseignement par ordinateur
existe, les chercheurs ont ainsi recueilli et analysé les traces que les
apprenants laissaient lorsqu’ils utilisaient les logiciels, soit pour
suivre le travail effectué, soit dans le but d’améliorer les
systèmes mis en œuvre ou la compréhension des
phénomènes liés à leur utilisation.
Récemment, la recherche sur les activités de groupes
d’apprenants utilisant des forums de discussion ou des listes de diffusion
a donné lieu à la publication d’une série de
contributions. Celles-ci attirent l’attention sur la richesse des
traitements qu’il est possible d’effectuer sur les traces
conservées, à condition de les agréger, d’en extraire
des indicateurs qui peuvent éventuellement être renvoyés en
écho aux utilisateurs (cf. par exemple STICEF - Volume 13, 2006).
Dans le domaine de l’utilisation de logiciels d’EIAH ce qui est
souvent visé, c’est la modélisation des connaissances de
l’apprenant ou l’identification de son style d’apprentissage (par exemple Delozanne et al., 2007).
Depuis quelques années, l’analyse des traces s’est
développée et de nouveaux champs de recherche sont apparus
concernant la nature et, surtout, la structuration des données
recueillies, les modèles, méthodes et techniques pour analyser et
visualiser les indicateurs construits, notamment dans le but de favoriser des
apprentissages.
Ainsi, un projet international comme LISTEN (LISTEN, 2005) a
connu une évolution remarquable. D’abord préoccupés
par le développement d’un tuteur intelligent capable
d’écouter et d’interpréter les productions orales de
l’apprenant dans son apprentissage de la lecture de l’anglais, les
membres du projet LISTEN se sont ensuite également attachés
à étudier les techniques « d’écoute » de
l’interaction apprenant-EIAH. Ils ont développé un ensemble
de savoir-faire sur le recueil et l’analyse de traces, puis ont
cherché à formaliser ce savoir-faire sous la forme d’une
architecture logicielle et de recommandations méthodologiques (Mostow, 2004) et (Mostow et Beck, 2006).
Cette dynamique nous semble révélatrice d’une tendance
générale dans ce champ de recherche qui se structure d’une
part en prenant l’ingénierie des traces dans un EIAH comme objet
d’études et, d’autre part, en cherchant à partager et
capitaliser les savoir-faire. En témoignent les numéros
spéciaux de revues et actes des workshops récents dans le domaine (Beck, 2004), (Choquet et al., 2005) (Beck, 2005) (Heiner et al., 2006) (Baker et al., 2007) (Heiner et al., 2007) et (Choquet et al., 2007) ou encore les différentes initiatives régionales (ISLE, 2006),
nationales (Cinquième école thématique EIAH, 2007) ou européennes (Kaleidoscope, 2006) ou le site portail de la communauté Educational Data Mining (EDM, 2007).
Un changement de complexité, lié notamment à
l’utilisation de l’Internet, est notable dans cette
évolution. Dans les plates-formes d’enseignement en ligne, les
apprenants utilisent plusieurs types d’applications et de technologies,
par exemple des simulations, des documents, des chats, des forums, le
téléphone. Le recueil des données est en conséquence
complexifié, en raison de
l’hétérogénéité des traces
collectées. Se posent également le problème de
l’interopérabilité entre les différentes
plates-formes et, en conséquence, de délicats problèmes de
normalisation.
Des approches associant des techniques de construction automatique de traces
avec des méthodes venant des sciences humaines sont en émergence.
Ces problématiques liées à l’analyse exploratoire de
données peu structurées, renouvellent la distinction classique
entre approches quantitatives et qualitatives. Par ailleurs, la
problématique de la visualisation des traces pour rendre compte de
grandes masses de données connaît un renouvellement certain. Si
l’adaptation à l’apprenant reste l’objectif prioritaire
d’utilisation des informations recueillies, analysées,
synthétisées et/ou inférées, d’autres
objectifs sont maintenant envisageables.
Par exemple l’amélioration de la communication entre
différents acteurs de la situation d’apprentissage (co-apprenants,
tuteurs humains ou artificiels, enseignants ou formateurs), la mise en place de
situations pour développer des compétences métacognitives
de réflexion sur l’activité, l’amélioration du
dispositif de formation mais aussi l’amélioration de la
compréhension des phénomènes liés aux situations
d’apprentissage en ligne (par exemple par la création de corpus).
Les acteurs concernés par l’analyse sont très divers :
ils peuvent être un apprenant, un groupe d’apprenants, des tuteurs
humains, des agents virtuels, des ingénieurs formateurs, des concepteurs
de plate-forme ou des chercheurs. La dimension « ingénierie des
données d'observation » devient prédominante, tant du
point de vue de la modélisation de l'exigence pédagogique et
didactique (que faut-il observer, avec quel objectif, à destination de
quel acteur ?), que du point de vue de la spécification technique.
L'observable est alors considéré comme un objet
pédagogique, sa modélisation et la spécification de sa
technique de recueil font partie des actes de conception.
Ce numéro spécial « Analyse des traces d’utilisation
dans les EIAH » réunit un large spectre de contributions de la
communauté francophone des EIAH.
Deux articles portent d’abord sur des analyses didactiques de
l’activité de l’apprenant. Hamid Chaachoua et ses
collègues détaillent le processus d’analyse des traces mis
en œuvre dans APLUSIX – un EIAH dans le domaine de
l’algèbre élémentaire – depuis leur collecte
jusqu’à la modélisation de l’apprenant. Baudouin et
al. montrent comment les traces d’utilisation sont exploitées dans
le système MASCARET pour suivre l’activité
d’apprenants en travaux pratiques dans un environnement de
réalité virtuelle. Ces travaux, très liés au domaine
et au dispositif d’apprentissage, témoignent du souci
d’expliciter les différents modèles de traces et
d’analyse définis pour l’EIAH considéré. Les
analyses réalisées imposent des contraintes sur les traces, soit
lors du recueil (Baudouin et al.), soit lors des filtrages et des annotations
(Chaachoua et al.). Leur objectif principal est d’assister le didacticien
dans la compréhension de l’activité cognitive de
l’apprenant pour la conception des modèles d’apprenant.
Adoptant un point de vue informatique, les contributions de Choquet et Iksal d’une part et de Broisin et Vidal d’autre part, prennent
l’ingénierie de l’analyse de traces comme objet
d’études. Ces auteurs se placent dans un contexte où
l’environnement informatique, tant de l’apprentissage que de
l’analyse des traces, est hétérogène sur le plan des
outils et des méthodes comme sur celui des formats de données. Ils
proposent une approche générique pour recueillir, échanger,
capitaliser et exploiter les traces d’utilisation des EIAH. Choquet et
Iksal définissent en particulier le langage UTL (Usage Tracking Language)
pour représenter et exploiter sous une forme capitalisable et partageable
les traces d’utilisation et leurs traitements. Broisin et Vidal proposent
un modèle UML et une architecture de gestion distribuée et
décentralisée susceptibles d’autoriser les acteurs de la
communauté EIAH à bénéficier de
l’expérience des utilisateurs de différents systèmes
hétérogènes.
Enfin le problème de la visualisation est abordé dans ce
numéro spécial par Cram et ses collègues et par Delestre et
Malandin. Cram et al. se placent dans le cadre du projet région ISLE pour
concevoir un système à base de traces modélisées (ISLE, 2006). Ils
instancient les principes, modèles et architecture
génériques, proposés dans le cadre de ce projet sur le cas
de la visualisation interactive de traces dans l’EIAH collaboratif
synchrone eMédiathèque. Cet article décrit comment les
traces sont collectées et traitées de manière à
permettre leur exploitation dans l’EIAH. Delestre et al. proposent de
visualiser des parcours d’apprenants en utilisant des outils
d’analyse numérique. Ils décrivent les modifications
qu’ils ont apportées à des algorithmes de projection de
données afin de produire une visualisation en deux dimensions pour le
suivi d’apprenants lors de la résolution de problèmes. Ils
appliquent leurs démarches au cas de la mise au point de cartes
conceptuelles.
L’ensemble de ces textes ne reflète sans
doute pas l’ensemble des travaux de recherche menés sur le sujet
des traces d’utilisation de logiciels. Ils fournissent cependant un
échantillon significatif de contributions et témoignent de
l’essor et de la diversité des recherches dans le champ
d’activité de l’analyse des traces d’utilisation dans
les EIAH.
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Référence de l'article :
Christophe CHOQUET, Élisabeth DELOZANNE, Vanda LUENGO, Numéro spécial Analyses des traces d’utilisation dans les EIAH, Revue STICEF, Volume 14, 2007, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 27/03/2008, http://sticef.org
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