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Volume 14, 2007
Editorial



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Editorial du numéro spécial
Analyses des traces
d’utilisation dans les EIAH



Christophe Choquet*, Élisabeth Delozanne**, Vanda Luengo***

*LIUM, Université du Maine, **L'UTES, Université Pierre et Marie Curie,
   ***LIG, Université Joseph Fourier

 

Editorial

Toute activité menée à l’aide d’un logiciel conduit l’utilisateur à laisser des traces dans un fichier, dont il est parfois possible d’inférer des faits intéressants. Depuis que l’enseignement par ordinateur existe, les chercheurs ont ainsi recueilli et analysé les traces que les apprenants laissaient lorsqu’ils utilisaient les logiciels, soit pour suivre le travail effectué, soit dans le but d’améliorer les systèmes mis en œuvre ou la compréhension des phénomènes liés à leur utilisation. Récemment, la recherche sur les activités de groupes d’apprenants utilisant des forums de discussion ou des listes de diffusion a donné lieu à la publication d’une série de contributions. Celles-ci attirent l’attention sur la richesse des traitements qu’il est possible d’effectuer sur les traces conservées, à condition de les agréger, d’en extraire des indicateurs qui peuvent éventuellement être renvoyés en écho aux utilisateurs (cf. par exemple STICEF - Volume 13, 2006). Dans le domaine de l’utilisation de logiciels d’EIAH ce qui est souvent visé, c’est la modélisation des connaissances de l’apprenant ou l’identification de son style d’apprentissage (par exemple Delozanne et al., 2007). Depuis quelques années, l’analyse des traces s’est développée et de nouveaux champs de recherche sont apparus concernant la nature et, surtout, la structuration des données recueillies, les modèles, méthodes et techniques pour analyser et visualiser les indicateurs construits, notamment dans le but de favoriser des apprentissages.

Ainsi, un projet international comme LISTEN (LISTEN, 2005) a connu une évolution remarquable. D’abord préoccupés par le développement d’un tuteur intelligent capable d’écouter et d’interpréter les productions orales de l’apprenant dans son apprentissage de la lecture de l’anglais, les membres du projet LISTEN se sont ensuite également attachés à étudier les techniques « d’écoute » de l’interaction apprenant-EIAH. Ils ont développé un ensemble de savoir-faire sur le recueil et l’analyse de traces, puis ont cherché à formaliser ce savoir-faire sous la forme d’une architecture logicielle et de recommandations méthodologiques (Mostow, 2004) et (Mostow et Beck, 2006).

Cette dynamique nous semble révélatrice d’une tendance générale dans ce champ de recherche qui se structure d’une part en prenant l’ingénierie des traces dans un EIAH comme objet d’études et, d’autre part, en cherchant à partager et capitaliser les savoir-faire. En témoignent les numéros spéciaux de revues et actes des workshops récents dans le domaine (Beck, 2004), (Choquet et al., 2005) (Beck, 2005) (Heiner et al., 2006) (Baker et al., 2007) (Heiner et al., 2007) et (Choquet et al., 2007) ou encore les différentes initiatives régionales (ISLE, 2006), nationales (Cinquième école thématique EIAH, 2007) ou européennes (Kaleidoscope, 2006) ou le site portail de la communauté Educational Data Mining (EDM, 2007).

Un changement de complexité, lié notamment à l’utilisation de l’Internet, est notable dans cette évolution. Dans les plates-formes d’enseignement en ligne, les apprenants utilisent plusieurs types d’applications et de technologies, par exemple des simulations, des documents, des chats, des forums, le téléphone. Le recueil des données est en conséquence complexifié, en raison de l’hétérogénéité des traces collectées. Se posent également le problème de l’interopérabilité entre les différentes plates-formes et, en conséquence, de délicats problèmes de normalisation.

Des approches associant des techniques de construction automatique de traces avec des méthodes venant des sciences humaines sont en émergence. Ces problématiques liées à l’analyse exploratoire de données peu structurées, renouvellent la distinction classique entre approches quantitatives et qualitatives. Par ailleurs, la problématique de la visualisation des traces pour rendre compte de grandes masses de données connaît un renouvellement certain. Si l’adaptation à l’apprenant reste l’objectif prioritaire d’utilisation des informations recueillies, analysées, synthétisées et/ou inférées, d’autres objectifs sont maintenant envisageables.

Par exemple l’amélioration de la communication entre différents acteurs de la situation d’apprentissage (co-apprenants, tuteurs humains ou artificiels, enseignants ou formateurs), la mise en place de situations pour développer des compétences métacognitives de réflexion sur l’activité, l’amélioration du dispositif de formation mais aussi l’amélioration de la compréhension des phénomènes liés aux situations d’apprentissage en ligne (par exemple par la création de corpus).

Les acteurs concernés par l’analyse sont très divers : ils peuvent être un apprenant, un groupe d’apprenants, des tuteurs humains, des agents virtuels, des ingénieurs formateurs, des concepteurs de plate-forme ou des chercheurs. La dimension « ingénierie des données d'observation » devient prédominante, tant du point de vue de la modélisation de l'exigence pédagogique et didactique (que faut-il observer, avec quel objectif, à destination de quel acteur ?), que du point de vue de la spécification technique. L'observable est alors considéré comme un objet pédagogique, sa modélisation et la spécification de sa technique de recueil font partie des actes de conception.

Ce numéro spécial « Analyse des traces d’utilisation dans les EIAH » réunit un large spectre de contributions de la communauté francophone des EIAH.

Deux articles portent d’abord sur des analyses didactiques de l’activité de l’apprenant. Hamid Chaachoua et ses collègues détaillent le processus d’analyse des traces mis en œuvre dans APLUSIX – un EIAH dans le domaine de l’algèbre élémentaire – depuis leur collecte jusqu’à la modélisation de l’apprenant. Baudouin et al. montrent comment les traces d’utilisation sont exploitées dans le système MASCARET pour suivre l’activité d’apprenants en travaux pratiques dans un environnement de réalité virtuelle. Ces travaux, très liés au domaine et au dispositif d’apprentissage, témoignent du souci d’expliciter les différents modèles de traces et d’analyse définis pour l’EIAH considéré. Les analyses réalisées imposent des contraintes sur les traces, soit lors du recueil (Baudouin et al.), soit lors des filtrages et des annotations (Chaachoua et al.). Leur objectif principal est d’assister le didacticien dans la compréhension de l’activité cognitive de l’apprenant pour la conception des modèles d’apprenant.

Adoptant un point de vue informatique, les contributions de Choquet et Iksal d’une part et de Broisin et Vidal d’autre part, prennent l’ingénierie de l’analyse de traces comme objet d’études. Ces auteurs se placent dans un contexte où l’environnement informatique, tant de l’apprentissage que de l’analyse des traces, est hétérogène sur le plan des outils et des méthodes comme sur celui des formats de données. Ils proposent une approche générique pour recueillir, échanger, capitaliser et exploiter les traces d’utilisation des EIAH. Choquet et Iksal définissent en particulier le langage UTL (Usage Tracking Language) pour représenter et exploiter sous une forme capitalisable et partageable les traces d’utilisation et leurs traitements. Broisin et Vidal proposent un modèle UML et une architecture de gestion distribuée et décentralisée susceptibles d’autoriser les acteurs de la communauté EIAH à bénéficier de l’expérience des utilisateurs de différents systèmes hétérogènes.

Enfin le problème de la visualisation est abordé dans ce numéro spécial par Cram et ses collègues et par Delestre et Malandin. Cram et al. se placent dans le cadre du projet région ISLE pour concevoir un système à base de traces modélisées (ISLE, 2006). Ils instancient les principes, modèles et architecture génériques, proposés dans le cadre de ce projet sur le cas de la visualisation interactive de traces dans l’EIAH collaboratif synchrone eMédiathèque. Cet article décrit comment les traces sont collectées et traitées de manière à permettre leur exploitation dans l’EIAH. Delestre et al. proposent de visualiser des parcours d’apprenants en utilisant des outils d’analyse numérique. Ils décrivent les modifications qu’ils ont apportées à des algorithmes de projection de données afin de produire une visualisation en deux dimensions pour le suivi d’apprenants lors de la résolution de problèmes. Ils appliquent leurs démarches au cas de la mise au point de cartes conceptuelles.

L’ensemble de ces textes ne reflète sans doute pas l’ensemble des travaux de recherche menés sur le sujet des traces d’utilisation de logiciels. Ils fournissent cependant un échantillon significatif de contributions et témoignent de l’essor et de la diversité des recherches dans le champ d’activité de l’analyse des traces d’utilisation dans les EIAH.

BIBLIOGRAPHIE

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MOSTOW J., BECK J. (2006). Some useful tactics to modify, map and mine data from intelligent tutors; In: Special Issue on Educational Applications of the Journal Natural Language Engineering, Cambridge University Press, Vol. 12(2), p. 195-208.

 

Référence de l'article :
Christophe CHOQUET, Élisabeth DELOZANNE, Vanda LUENGO, Numéro spécial Analyses des traces d’utilisation dans les EIAH, Revue STICEF, Volume 14, 2007, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 27/03/2008, http://sticef.org
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Mise à jour du 26/04/08