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Volume 28, Numéro 1
Editorial
Élise LAVOUÉ (Rédactrice en Chef de STICEF)
Cet éditorial aborde une nouvelle fois la question de la crise
sanitaire que les enseignants ont traversée, afin de souligner
l’importance de l’aspect humain de notre domaine de recherche (le
« H » des EIAH). Tout au long de ces deux années, ils ont
été amenés à prendre en main, pour parfois les
adopter, certaines solutions de visioconférence, de partage de fichiers,
des environnements virtuels et autres outils numériques. Ont
été mises à l’épreuve non seulement les
capacités de ces outils, mais et surtout la capacité des
enseignants à se les approprier pour un enseignement à distance ou
hybride, leur imposant parfois de jongler entre des élèves en
classe, et d’autres à la maison. En tant que chercheurs, nous avons
pu observer une fois de plus le rôle essentiel de l’enseignant, du
formateur, le besoin essentiel pour les apprenants d’échanger, de
partager, de discuter, d’accompagner ou être accompagnés.
Reste aujourd’hui un ensemble de questions, que nous, chercheurs,
devons adresser. Quel(s) rôle(s) du numérique après la crise
sanitaire ? De nouvelles pratiques enseignantes ont-elles
émergé ? Les apprenants ont-ils de nouveaux besoins et
attentes ? Et plus que jamais les questions du feedback aux apprenants, du
soutien à leur motivation et à leur engagement dans
l’activité d’apprentissage, et celles des outils de suivi
pour l’enseignant, lui donnant les clefs d’interventions
individualisées auprès des apprenants en difficulté, aux
moments où le besoin se fait sentir. Cette crise a également
exacerbé de nombreuses inégalités dans le domaine de
l’éducation : inégalités d’accès au
savoir, inégalités d’accès aux environnements
numériques, inégalités de formation et
d’équipement des enseignants, etc. Nous devons
réfléchir à la manière dont la conception
d’EIAH peut répondre aux enjeux sociétaux actuels, tout en
évitant que les technologies proposées n’aient pour
conséquence de reproduire ou d’accentuer les
inégalités scolaires existantes.
Rédactrice en chef de la revue STICEF depuis janvier 2021, j’ai
le plaisir d’introduire de nombreuses contributions qui abordent
l’ensemble de ces aspects, aboutissant à un nouveau volume
extrêmement riche. Celui-ci est composé de 3 numéros, qui
illustrent à la fois le dynamisme et la pluridisciplinarité de
notre domaine de recherche. Le premier numéro est un numéro varia qui regroupe 5 articles de recherche acceptés au fil de
l’eau, je les introduis ci-après. Le numéro 2,
coordonné par Gaëlle Molinari, Élise Lavoué et Fabien
Fenouillet, est dédié aux technologies positives pour
l’apprentissage, domaine émergent dans la recherche francophone. Il
comporte 5 articles de recherche, retenus parmi les 8 contributions soumises
selon le processus éditorial de la revue. Le numéro 3,
coordonné par Laetitia Bouc’h, Julien Broisin, Yvan Peter et Yann
Secq, est dédié aux technologies pour l’apprentissage de
l’Informatique de la maternelle à l’université. Sur
les 13 articles soumis, 8 ont été retenus selon ce même
processus, accompagnés d’une rubrique. Nous renvoyons aux
éditoriaux des numéros spéciaux pour une
présentation générale des articles qu’ils
rassemblent. Nous tenons à remercier très sincèrement les
éditeurs de ces numéros spéciaux, le comité de
rédaction, le comité de lecture, ainsi que tous les relecteurs
extérieurs pour la précieuse expertise qu’ils ont
apportée. Nous tenons également à remercier les auteurs qui
ont effectué les changements demandés et ont répondu aux
commentaires, parfois nombreux, des relecteurs et éditeurs. Leurs efforts
ont été récompensés par la publication de leur
article.
Volume 28, numéro 1
Dans le premier article du numéro varia, M. Haspekian et J.-M.
Gelis analysent qualitativement les pratiques de cinq professeurs des
écoles qui intègrent pour la première fois des technologies
liées à l’enseignement de l’informatique (le logiciel
Scratch et des robots pédagogiques). Cette étude exploratoire
emprunte une double approche didactique et ergonomique pour analyser les
genèses instrumentales professionnelles des enseignants, en distinguant,
d’une part, les schèmes issus de schèmes anciens, et,
d’autre part, ceux, nouveaux, qui émergent en situation. Ils
montrent ainsi deux leviers pour des pratiques nouvelles : les
mécanismes d’ajustements et d’adaptations d’anciens
schèmes, pour des situations différentes, mais en
continuité avec celles connues, et la prise de repères cognitifs
et médiatifs sur des éléments pertinents de la
situation.
Dans leur article, G. Boivin-Delpieu et P. Joubert présentent la
conception d’un environnement informatique pour faciliter
l’enseignement et l’apprentissage de l’astronomie au cycle 3,
en s’appuyant à la fois sur des hypothèses théoriques
et sur une analyse des processus cognitifs des apprenants. La conception repose
sur la méthode du Design-Based-Research pour concevoir cet
environnement informatique en collaboration avec des enseignants de cycle 3, des
partenaires de la DANE et une entreprise experte en innovation numérique
et en ingénierie digitale 3D. L’EIAH ainsi conçu vise
à proposer aux élèves des activités autour de
situations problématiques, à permettre l’émergence et
la prise en compte de leurs représentations, tout en privilégiant
les activités de modélisation et la variété des
tâches épistémiques implémentées.
Dans le 3ème article, P. Laforcade et Y. Laghouaouta proposent, au
travers du projet Escape It!, une approche dirigée par les modèles
pour faciliter la conception de générateurs de scénarios
adaptés dans un jeu d'apprentissage. Cette approche de conception permet
la génération dynamique de scénarios de jeu adaptés
aux compétences de l’apprenant et aux connaissances sur la
composition des niveaux de jeu. Elle permet en effet de guider
l’identification des éléments en jeu dans la
génération visée et de les spécifier sans
ambiguïté. Ces spécifications peuvent alors être
exploitées afin de vérifier, grâce au
générateur implémenté, que les scénarios
produits sont pertinents et cohérents avec les règles de
génération identifiées.
L’article de S. Boéchat-Heer et E.
González-Martínez présente une synthèse des
résultats de trois études empiriques sur
l’intégration d’un nouvel outil en classe et les changements
dans les pratiques enseignantes de niveau primaire ou secondaire en Suisse.
À partir du cadre conceptuel de l’innovation technologique et
pédagogique, et sur la base d’entretiens, les auteures
relèvent les avantages perçus par les enseignants
interrogés, concernant leurs relations avec les élèves, ou
encore les changements de la configuration de la classe. Elles identifient
également des difficultés dues à l’équipement
et aux infrastructures à disposition, aux compétences
nécessaires à l’utilisation des TIC, au soutien
institutionnel pour le faire, et à une gestion de classe parfois rendue
difficile. Elles montrent que les enseignants font preuve de nombreuses
stratégies d’ajustement et mobilisent des ressources variées
afin d’assurer des enseignements innovants, dans
l’intérêt des élèves, malgré ces
difficultés, d’autant plus en contexte de crise sanitaire.
Enfin, dans le 5ème article, N. Mandran et al. proposent un modèle de méthode incluant les sept
propriétés du Design-Based Research (DBR), pour construire
un processus d’évaluation d’une plateforme numérique
pour l’enseignement en contexte réel. Cette méthode
répond ainsi à une problématique rencontrée dans de
nombreux projets de recherche en EIAH financés par une institution,
requérant un processus d’évaluation longitudinale (PEL).
Cette approche, qui se veut adaptable à différents contextes, vise
à répondre aux attentes des enseignants-utilisateurs, à
fournir des données pour la recherche, à faire évoluer
techniquement la plateforme et obtenir des retours sur son utilisation. Les
auteurs illustrent son application au projet LabNbook, concernant 157
enseignants et plus de 4500 étudiants, et concluent par un ensemble de
questionnements plus larges sur les propriétés du DBR.
Du nouveau pour la revue
Nous tenons tout d’abord à remercier très
sincèrement Jean-Luc Rinaudo, Professeur des Universités en
sciences de l’éducation à l’Université de Rouen
Normandie, pour les nombreuses années passées à œuvrer
pour la qualité de la revue au sein du comité de rédaction,
dont il a décidé de se retirer. Nous lui souhaitons le meilleur
pour la suite, dans ses nombreuses autres responsabilités.
Deux nouveaux membres ont rejoint le comité de rédaction en
2021. Michel Desmarais, Professeur titulaire au département de
Génie informatique et logiciel de l'École Polytechnique de
Montréal, œuvre dans les domaines des environnements
d'apprentissage, des interactions humain-ordinateur et de l'intelligence
artificielle. Béatrice Drot-Delange est Professeure des
Universités en sciences de l’éducation, directrice du
laboratoire ACTé à l’Université Clermont Auvergne.
Ses thématiques de recherche portent sur la culture numérique, la
didactique de l’informatique, les ressources éducatives et
l'enseignement. Nous leur souhaitons la bienvenue, ils se sont
déjà pleinement intégrés au sein du comité.
L’année 2021 a été consacrée en grande
partie à la migration du système de gestion de la revue vers une
nouvelle version. Après plusieurs problèmes techniques, qui ont
parfois ralenti la gestion des soumissions, nous avons aujourd’hui une
interface plus ergonomique pour les auteurs, les évaluateurs et les
éditeurs. De nombreux autres chantiers sont en cours : la refonte du
site web de la revue, la gestion du processus éditorial via la
plate-forme de gestion des soumissions, la proposition de nouvelles feuilles de
style. Tout cela grâce aux membres du comité de rédaction
pleinement investis dans leurs rôles et sans lesquels la revue ne pourrait
exister.
Enfin, nous terminerons par de très chaleureux remerciements à
Sébastien George pour la responsabilité de rédacteur en
chef qu’il a assumée avec un plein investissement durant six
années. Dans la continuité d’Éric Bruillard, il a su
maintenir la notoriété de la revue et nous lui en sommes
très reconnaissants. Nous poursuivrons dans cette lignée, afin que
la revue STICEF continue à faire rayonner les travaux de la
communauté de recherche francophone en EIAH.
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