Une approche dirigée par les modèles pour la
conception de générateurs de scénarios adaptés dans
un jeu d'apprentissage
Pierre LAFORCADE, Youness LAGHOUAOUTA (LIUM, Le Mans
Université)
|
RÉSUMÉ : Notre
intérêt se porte sur les jeux sérieux d’apprentissage
nécessitant des mécanismes d’adaptation au profil de
l’apprenant. Nous proposons de traiter plus précisément la
génération de scénarios adaptés selon une approche
dirigée par les modèles. Celle-ci permet de guider la conception
de la génération. Ceci est réalisé par la
spécification de différents modèles selon plusieurs
perspectives et dimensions. Nous avons appliqué la proposition dans le
contexte du projet Escape it! dont le jeu sérieux a pour but de soutenir
le renforcement et la généralisation de compétences en
performances visuelles pour des enfants autistes.
MOTS CLÉS : Jeux
sérieux, adaptation, scénario d’apprentissage,
ingénierie Dirigée par les Modèles. |
A model-driven design approach for the generation of adapted scenarios in learning games |
|
ABSTRACT : In
the context of learning games, we tackle the need of generating adapted learning
scenarios according to elements such as the learners’ progress and skills.
We propose a model-driven design approach that guides designers and domain
experts to specify, as models and metamodels, what has to be generated, what
contextualizes the generation, and what information is required from the
learning game. We apply it in the “Escape it!” context, an
”escape-room” game for helping children with autism to learn visual
performance skills.
KEYWORDS : Serious game, adaptation, learning scenarios, Model Driven
Engineering. |
1. Introduction
Les jeux d’apprentissage (learning
games) sont des jeux sérieux visant à favoriser un
apprentissage spécifique
(Marfisi-Schottman, 2019),
(Cohard, 2015).
Ils connaissent un intérêt accru depuis plusieurs décennies
(Vermeulen et al., 2018).
Pour que ces jeux d’apprentissage atteignent leur double objectif de
plaisir et d’apprentissage il est crucial d’assurer leur
utilisabilité et leur acceptation par les apprenants visés. Pour
cela, plusieurs principes peuvent être pris en compte : a/ suivre des
principes généraux et des bonnes pratiques de conception de jeu
(game design), ainsi que des bonnes pratiques d’apprentissage
(learning design) ; b/ utiliser des Interactions Homme-Machine
appropriées et attractives ; c/ permettre une adaptation dynamique
afin d'individualiser et de contextualiser l'expérience de jeu pour
chaque joueur-apprenant
(Hocine et al., 2011).
Les jeux d’apprentissage requièrent ainsi des mécanismes
d’adaptation afin que tout ou partie du dispositif, éléments
du jeu et/ou de l’apprentissage, puissent être adaptés
dynamiquement au contexte (profil d’apprenant, profil de joueur,
etc.).
Dans cet article, nous nous intéressons plus particulièrement
à la génération dynamique de scénarios de jeu
adaptés aux compétences de l’apprenant et aux connaissances
sur la composition des niveaux de jeu. La génération
d’éléments adaptés permet à la fois de
réduire le coût de développement du jeu sérieux et de
proposer une plus grande variété d’adaptations aux
apprenants/joueurs. Ce que nous considérons comme scénario de
jeu correspond à la spécification déclarative
d’une session de jeu qui serait interprétable sans
ambiguïté par le moteur du jeu : séquence
ordonnée des éléments de jeu et de leurs
caractéristiques. La réalisation d’une telle
génération n’est pas triviale et pose de nombreux
problèmes de conception. La spécification de cette
génération est centrale. Elle incombe généralement
à une équipe pluridisciplinaire impliquant les experts du domaine
d’apprentissage visé et/ou des experts de la pédagogie pour
les publics cibles spécifiques, et des informaticiens. La question de
recherche sous-jacente concerne alors l’aide à
l’identification et à la description de la génération
en termes de caractéristiques et de fonctionnement.
L’objectif général de notre recherche est
d’identifier un tel cadre de conception générique qui
permettrait de soutenir la conception de générateurs de
scénarios adaptés. Pour cela notre travail de recherche
s’inscrit dans le cadre du projet Escape it! qui sera
présenté dans la section 2. La conduite de nos recherches
s’appuie sur une approche itérative centrée utilisateurs,
pour identifier les besoins d'adaptation, et orientée vers
l’utilisation des théories et pratiques de la
méta-modélisation pour la spécification des
éléments impliqués dans le générateur ;
la méthode de recherche sera également détaillée en
section 2. Nous présenterons ensuite brièvement des travaux
connexes abordant la génération de scénarios adaptés
et leur conception en section 3. Ensuite, nous présenterons en section 4
notre proposition d’approche de spécification pour la
génération de scénarios adaptés. L’application
de cette approche au contexte du projet Escape it! fera l’objet de
la section 5. La section 6 analysera et discutera la proposition afin
d’identifier la valeur ajoutée mais aussi les limites de notre
contribution. Enfin, la section 7 conclura cet article.
2. Contexte : le projet Escape it!
L’objectif du projet est de concevoir et de
développer un learning game sur mobile (tablettes 10 pouces) pour
des enfants autistes. Le jeu doit pouvoir aider au renforcement et à la
généralisation de l’apprentissage des compétences de
type performances visuelles, définies dans le guide
d’évaluation ABLLS-R
(Burton et McEachin, 1999) :
appariement objet-objet ou objet-image, tri, catégorisation,
sériation, etc. Le projet implique des experts et des parents
d’enfants autistes.
2.1. Vue générale du jeu d’apprentissage
Le jeu exploite un gameplay minimaliste inspiré des jeux de
type escape-room : le joueur doit trouver dans une pièce
(lieu de vie) des objets, parfois cachés, et les déplacer vers des
zones « solutions », de manière à
débloquer l’ouverture de la porte et ainsi accéder au niveau
suivant. L’orientation escape-room a été
proposée par les experts en TSA (Troubles du Spectre Autistique)
impliqués dans le projet. Ils ont considéré que ce jeu
pourrait être un intermédiaire intéressant pour aider
à généraliser les apprentissages entre les sessions
thérapeutiques structurées et la généralisation dans
l’environnement naturel de l’enfant tel que préconisé
par le modèle d’intervention PRT (Pivotal Response Training)
(Koegel et al., 2016).
Le jeu sera utilisé par l’enfant, sous la supervision d’un
adulte.
La conception du jeu a été réalisée sur la base
des bonnes pratiques recensées
(Ern, 2014),
(Zakari et al., 2014)
et à l’aide des recommandations et exigences exprimées par
les experts autisme lors des séances de conception participative. Ces
séances ne distinguaient pas la conception générale du jeu
de la conception plus spécifique de l’adaptation à
réaliser. L’objectif général était de
réifier dans le jeu les éléments clés des approches
comportementales et cognitives qui ont fait leur preuve dans la prise en charge
de l’autisme
(Burton et McEachin, 1999) :
utilisation du renforcement, contrôle des antécédents,
guidances et estompages de guidances, façonnement et chainage. Les
interactions seront orientées tactiles et la résolution des
scènes nécessitera la compétence du glisser/déposer
comme prérequis pour l’enfant.
Voici quelques éléments clés issus de ces séances
de conception participative :
- Des compétences cibles : un sous-ensemble des
compétences de performances visuelles définies dans
(Partington et al., 2010)
(celles adaptables au gameplay tactile du jeu sur tablette) ; par
exemple, apparier un objet à un objet identique, trier des objets
similaires, catégoriser des objets selon leurs fonctions communes,
etc.
- Des durées de sessions de jeu variables : le jeu
proposera des sessions de 3 à 5 niveaux, au choix de l’enfant.
- Des niveaux prenant place dans des scènes
représentant des lieux de vie faisant sens pour l’enfant,
groupées en thèmes (par exemple les scènes chambre
et cuisine du thème maison).
- Des niveaux de difficulté : la difficulté
correspondra à la configuration des éléments de la
scène (objets visibles ou cachés, éléments de
solution, positions dans la scène, etc.). Elle doit être
fixée, pour chaque compétence cible, en corrélation avec la
progression des apprentissages de l’enfant. Trois réussites
successives visant une même compétence (durant une ou plusieurs
sessions de jeu) entraineront l'augmentation de la difficulté pour cette
compétence.
- Des scènes variées pour encourager la
généralisation des compétences ; il est
nécessaire que le jeu propose, pour une même compétence et
un même niveau de difficulté, une grande variété de
configurations de scènes de jeu. Cela permettra d'éviter la
mémorisation de la résolution du problème.
2.2. Vers un besoin de génération automatique
La figure 1 illustre un exemple de scène de jeu (capture
d’écran du jeu final) pour la compétence B3 (appariement
d’objets identiques) et pour la difficulté
« élémentaire ». Deux jouets
« dinosaures » doivent être trouvés et
placés dans le meuble, à côté de l’exemplaire
rangé. Les objets utilisés pour la résolution ainsi que
l’emplacement de ces objets peuvent varier : il s’agit
d’un exemple de configuration générée pour une
scène. Pour d’autres situations ou d’autres niveaux de
difficulté, différents décors additionnels peuvent
être ajoutés dans la scène, apportant ainsi de nouvelles
positions possibles (pour placer les objets) ou des cachettes interactives
(placard qui s’ouvre). Des objets inutiles pour la résolution
peuvent également être présents.
Figure 1 • Un exemple de configuration
des éléments pour la scène BEDROOM-2, le niveau de
difficulté ELEMENTARY, et la compétence B3
Dans ce contexte, un scénario de jeu correspond à une
séquence ordonnée de scènes dont la configuration des
différents éléments est précisée (objets,
décors, cachettes, emplacements, etc.). Ces informations (les
scènes et leurs configurations) doivent être adaptées au
profil de l’enfant (progression dans l’arbre des compétences,
niveau de difficulté pour chaque compétence, etc.) et doivent
prendre en compte les informations du jeu (l’arbre des compétences,
relations entre niveau de difficulté et agencement des scènes,
objets disponibles pour chaque scène, etc.). Cette adaptation est
nécessaire avant chaque session de jeu. Elle doit être
réalisée juste après le choix par l’enfant du nombre
de scènes que doit proposer la session de jeu (entre 3 et 5).
Il serait trop coûteux de développer toutes les combinaisons
possibles de configurations pour les scènes. La réalisation du jeu
d’apprentissage requiert une génération dynamique de
sessions de jeu adaptées au profil de chaque enfant.
2.3. Méthode de recherche
La conception d’un tel générateur (conception au sens du
génie logiciel, c.-à-d. de l’analyse des besoins à
l’utilisation en passant par l’implémentation informatique)
est complexe et pose de nombreux problèmes de spécification et de
mise en œuvre. Quels éléments doivent être
identifiés et explicités ? Comment doivent-ils être
spécifiés ? Comment peuvent-ils être
concrètement exploités pour réaliser la mise en œuvre
effective de l’adaptation ? Pour autant, l’identification et
l’explicitation des éléments constituant la
génération adaptée et son fonctionnement est primordiale.
Elle incombe généralement à une équipe
pluridisciplinaire impliquant, en plus des informaticiens, les experts du
domaine d’apprentissage visé et/ou des experts de la
pédagogie pour les publics cibles spécifiques. La question de
recherche que nous avons souhaité aborder est celle-ci : quels
moyens existent, ou sont à proposer, pour soutenir l’identification
et la description du fonctionnement de la génération
adaptée ? Nous émettons la double hypothèse
qu’il est possible de proposer un cadre général pouvant
guider cette activité d’identification et de spécification,
et qu’une approche incluant une spécification par
méta-modélisation offrirait une valeur ajoutée pour la
conception du générateur (l’un des composants logiciels du
jeu d’apprentissage).
Notre objectif général de recherche est d’identifier un
tel cadre de conception générique d’aide à la
conception de générateurs de scénarios adaptés. Pour
cela, nous avons suivi une approche itérative centrée utilisateurs
dans le cadre du jeu Escape it! pour identifier à la fois des
informations pour la conception générale du jeu et des
informations sur les caractéristiques et le fonctionnement attendu du
composant réalisant la génération adaptative. En
parallèle, nous avons réalisé un état de l’art
des approches existantes (décrit dans la prochaine section). Certains de
ces travaux nous ont orientés vers la conception d’une approche de
modélisation dédiée à capturer et spécifier
les éléments en jeu dans la génération
adaptée. En relation avec notre hypothèse, nous avons
orienté la spécification des modèles vers les
théories et pratiques de l’Ingénierie Dirigée par les
Modèles. L’identification de cette approche et son application au
cas d’étude ont été concomitantes. Toutefois, les
sections suivantes présenteront séparément la
généralisation de l’approche (la contribution) et son
application dans le contexte du cas d’étude (comme illustration de
l’application de l’approche).
3. État de l’art
3.1. Adaptation dans les EIAH et jeux sérieux
Bien qu’il n’y ait pas de
définition officielle, l’adaptation dans les EIAH correspond
à la définition générale suivante pour
l’adaptation : action/activité d’ajuster tout ou partie
d’un système en vue de le rendre adapté à quelque
chose. Dans un système EIAH, la finalité est
généralement d’adapter les décisions
pédagogiques aux compétences et besoins particuliers de chaque
apprenant. Il s’agit d’automatiser tout ou partie de
l’adaptation des décisions pédagogiques en se basant
notamment sur le traitement algorithmique des données
récoltées dans le parcours des apprenants. L’adaptation peut
être réalisée, pour tout ou partie, par un acteur humain ou
bien par la machine.
On peut trouver dans la littérature des mentions à des
adaptations pour des types spécifiques d’EIAH, comme les
hypermédias
(Brusilovsky, 1998)
ou les jeux d’apprentissage
(Peirce et al., 2008).
Ces systèmes promettent de prendre en considération le profil de
l’apprenant (ses connaissances, ses préférences, ses
aptitudes, ses émotions, sa motivation, etc.) dans la construction
d’un parcours pédagogique unique et adapté.
La finalité de l’adaptation en EIAH est d’optimiser
l’apprentissage pour chaque apprenant en tenant compte de
l’hétérogénéité des profils. Toutefois
les adaptations considérées peuvent avoir des objectifs plus
précis
(Mandin et al., 2015) :
personnalisation de l’apprentissage (l’apprenant est dans une
situation adaptée à ses capacités, attentes et besoins),
individualisation de l’apprentissage (l’apprenant est en autonomie
face à ce qu’il apprend), réaction aux comportements ou aux
questions de l’apprenant pour le conseiller, expliquer, justifier, ou lui
proposer des moyens de remédiation, etc.
Dans le contexte des jeux sérieux, comme de manière
générale, l’adaptation peut être
caractérisée par sa cible (ce qui sera adapté), par la
source (à quoi sera adaptée la cible), ainsi que par les
techniques employées
(Vandewaetere et al., 2011).
Des états de l’art ont été réalisés
pour caractériser ces différents éléments
(Zniber et Cauvet, 2005)
(Hocine et al., 2011).
Pour
(Hocine et al., 2011),
les différentes cibles ont trait à la présentation, au
contrôle ou au contenu tandis que les sources concernent majoritairement
le modèle utilisateur et les paramètres systèmes. Les
modèles d’adaptation peuvent être implicites (dans le code)
ou explicites (machines à états, règles logiques,
etc.).
3.2. Génération de scénarios adaptés
L’adaptation de scénarios dans les jeux sérieux est
souvent abordée en considérant des scénarios de jeux
narratifs et interactifs
(Delmas et al., 2007)
(Janssens et al., 2014)
(Sina et al., 2014).
La notion de scénarios est variable selon les contextes. Si l’on
considère la définition proposée par
(Lopes et Bidarra, 2011),
« the global progression within a game level, its initial settings
and the logical flow of events and actions that follow », nous
pouvons remarquer que le scénario à générer dans le
projet Escape it! correspond à cette notion de configuration
initiale des différents niveaux de la session de jeu, mais sans les flux
d’événements ou d’actions, car le jeu visé
n’implique pas d’événement scripté.
La réalisation de l’adaptation peut être
réalisée de différentes manières
(Hocine et al., 2011).
Il peut s’agir d’adaptation par génération,
d’adaptation par sélection d’éléments,
d’adaptation par extension ou par ajout à des
éléments existants, etc. Souvent, le terme de «
génération d’éléments
adaptés » désigne plus largement le fait que les
éléments cibles seront adaptés « par
construction » et non par adaptation d’éléments
sources non adaptés.
Dans
(Bielikova et al., 2008),
les auteurs ont proposé un système de génération de
contenu contrôlé par des enseignants. Ces derniers
sélectionnent des objets de jeu pré-créés, leur
ajoutent du nouveau contenu d’apprentissage et les associent entre eux.
Dans notre contexte, l’implication des experts n’est pas
nécessaire pour chaque adaptation. En revanche la connaissance des objets
manipulables disponibles pour chaque scène, de leurs relations
vis-à-vis des compétences-cibles possibles, de leurs relations
avec les objets-solutions, semble être une base nécessaire pour
générer des configurations de scènes appropriées. De
telles connaissances devraient être spécifiées de
manière à les rendre exploitables par l’activité
d’adaptation tout en facilitant l’implication des experts dans leur
expression.
Plus proche de nos préoccupations, les travaux présentés
dans
(Sehaba et Hussaan, 2013)
et
(Sehaba et Hussaan, 2014)
proposent une architecture générique pour personnaliser un
scénario de jeu sérieux en fonction des compétences de
l’apprenant et de ses traces d’interaction
(Hussaan et Sehaba, 2016).
L’architecture a été proposée dans l’objectif
de développer un jeu sérieux pour l’évaluation et la
rééducation cognitives. Cette architecture est organisée en
trois couches : concepts du domaine, ressources pédagogiques et
ressources du jeu sérieux. En complément, leur proposition
consiste à générer trois scénarios successifs
(conceptuel, pédagogique et de jeu) en relation avec les couches
précédentes. Pour la mise en œuvre concrète, des
techniques de représentation et de manipulation d’ontologies sont
utilisées. Toutefois peu d’informations sur la spécification
des règles de génération sont données, car
l’intérêt des auteurs était davantage porté sur
l’analyse des traces d’interactions de l’apprenant et la mise
à jour de son profil.
Hormis ces rares propositions, peu de travaux de recherche
s’intéressent à l’aide à la conception de
générateurs de scénarios, que ce soit en proposant des
approches, des architectures ou un cadre de travail.
3.3. Synthèse
L’adaptation et la génération ont déjà
été historiquement traitées pour de nombreux autres
dispositifs que les jeux d’apprentissage (comme les tuteurs intelligents,
les hypermédias, etc.). Pour autant, la plupart des travaux portent
davantage sur la modélisation des informations sources (explicitation,
spécification, exploitation, etc.), incluant le profil de
l’apprenant, que sur la modélisation de la cible et de son
obtention. Ces travaux, loin d’être négligeables,
nécessitent des activités spécifiques pour
l’identification et la mise à jour des modèles (collecte de
traces, analyse des traces, modification des ressources ou des profils,
etc.).
La modélisation de la cible et son obtention ne sont abordées
que sous l’angle purement informatique, au sens de la mise en œuvre
effective de l’adaptation. Les activités d’explicitation, de
spécification, d’exploitation des éléments cibles et
des moyens d’adaptation (règles par exemple) sont rarement
abordées ou bien seulement au niveau ad hoc du contexte de
l’EIAH considéré dans les travaux. Pour autant ces
éléments ne peuvent pas être modélisés sans
relation avec les modèles sources.
4. Positionnement et proposition
4.1. Positionnement
Notre souhait, au travers du projet Escape It,
est d’étudier la possibilité de faciliter la conception
d’un générateur de scénarios adaptés. Ceci
nécessite donc de prendre en compte l’explicitation, la
spécification, et l’exploitation des éléments
interdépendants des cibles, des sources et des moyens d’adaptation.
Le projet offre un contexte spécifique pour étudier ces
éléments et faire une proposition, si possible,
générique. Dans ce but nous avons caractérisé
finement l’adaptation considérée dans le projet dans le
tableau 1.
Tableau 1 • Caractérisation de
l’adaptation visée dans le contexte du projet
Contexte général
|
Public apprenant
|
Enfants autistes
|
Discipline ou domaine didactique
|
Compétences visuelles (référentiel ABLLS-R)
|
Connaissances ou compétences visées
|
Tri, catégorisation, sériation, assortiment...
|
Type d’apprentissage
|
Renforcement et généralisation des acquis
|
Approche pédagogique
|
Comportementalisme
|
Méthode pédagogique
|
Méthodes comportementales ABA
|
Dispositif informatique
|
Jeu sérieux d'apprentissage
|
Contexte d’usage du dispositif
|
Institutionnel
|
Aucun
|
Spatial
|
N'importe où
|
Temporel
|
N'importe quand
|
Matériel
|
Tablette tactile 10"
|
Objectif de l’adaptation (pour quoi)
|
Intention de l’adaptation
|
Pour l’individualisation de l’apprentissage
|
Moment de l’adaptation (quand)
|
Déclencheur
|
À l’initiative de l’apprenant lorsqu’il choisit le
nombre de scènes de jeu que devra proposer le scénario de la
session de jeu
|
Instant
|
Pendant l'utilisation du dispositif
|
Cible(s) de l’adaptation (quoi)
|
Catégorie de l’adaptation
|
Contenu au sens de
(Hocine et al., 2011)
|
Élément adapté
|
Scénario d'activités (au sens séquence linéaire
des configurations initiales des différentes scènes de jeu
à résoudre)
|
Source(s) de l’adaptation (en fonction de quoi)
|
Sources en relation avec l’apprenant
|
Compétences, progression dans les niveaux de difficultés,
nombre de niveaux souhaité
|
Sources en relation avec l’environnement
|
Aucune
|
Éléments participant à la réalisation de
l’adaptation (avec l’aide de quoi)
|
Éléments de connaissances
|
Informations sur les thèmes et les scènes du jeu, composants
d’une scène de jeu, informations sur les compétences
visuelles
|
Focus sur l’adaptation (comment)
|
Niveau d’automatisation de l’adaptation
|
Tout automatique
|
Moment du feedback du résultat à l’apprenant
|
Dès que l'adaptation est réalisée
|
Approche générale de réalisation de l'adaptation
|
Génération ex nihilo
|
En prémisse d’une solution générique d’aide
à la conception nous proposons de distinguer les sources de
l’adaptation des autres éléments participant à la
réalisation de l’adaptation. Ils participent tous aux
éléments que l’adaptation doit prendre en compte, mais les
« sources » correspondent à ce que l’adaptation
doit prendre en compte en premier lieu pour que la cible soit adaptée (la
cible est adaptée en fonction de la source) ; les autres
éléments, que nous proposons d’appeler
« éléments de connaissances », sont
utilisés par l’adaptation sans la diriger (la cible est
adaptée en fonction de la source et à l’aide
des éléments de connaissances). On peut considérer que
lorsque l’activité d’adaptation est mise en œuvre, les
sources varient régulièrement tandis que les
éléments de connaissances restent globalement inchangés.
Ces éléments correspondent à ce que la littérature
appelle parfois « modèle du domaine »,
« modèle du jeu », « modèle de la
tâche », « modèles des ressources »,
« modèles d’apprentissage », etc.
(Zniber et Cauvet, 2005).
Nous proposons également de distinguer deux types de sources, bien que
cette distinction n’aboutisse pas à des exemples concrets dans le
cas d’étude du projet Escape it! : les
éléments en relation avec l’apprenant et les autres
éléments contextuels en relation avec l’environnement de
l’apprenant.
Notre objectif est de proposer un cadre de modélisation qui facilite
la conception de générateurs de scénarios. Les concepteurs
pourront se doter de ce cadre afin d’identifier les éléments
nécessaires et de les spécifier de manière
inter-reliée. Le cadre proposé garantira également que
cette modélisation informatique générique (c.-à-d.
sans choix technique spécifique pour réaliser l’adaptation)
sera exploitable pour faciliter, voire permettre, la mise en œuvre
effective de l’adaptation.
4.2. Cadre de référence pour les besoins de
modélisation
L’Ingénierie Dirigée par les Modèles (IDM)
(Jézéquel et al., 2012)
est une forme d’ingénierie générative proposant une
démarche par laquelle tout ou partie d’une application informatique
est générée à partir de modèles. En
contrepartie, ces modèles doivent être rendus explicites et
suffisamment précis pour être interprétés ou
transformés par des machines. Le processus de développement peut
alors être considéré comme un ensemble de transformations de
modèles prenant des modèles en entrée et produisant des
modèles en sortie, jusqu’à obtention d’artefacts
exécutables. Le méta-modèle est alors l’entité
concrétisant informatiquement le contexte de modélisation pour la
conception et la manipulation des modèles. Il est l’abstraction du
langage de modélisation (syntaxe, grammaire et sémantique) des
modèles. On considère alors que le modèle est conforme
à son méta-modèle.
L’IDM offre à la fois un cadre théorique (modèles,
méta-modèle, langages, transformation, composition,
vérification de modèles, etc.) mais également des
techniques et des outils matures (les écosystèmes exploitant les
formalismes Ecore ou bien Epsilon par exemple) qui ont déjà
été utilisés pour la conception de langages de
scénarisation graphiques
(Laforcade, 2010)
ou pour l’implémentation de scénarios dans des LMS
(Loiseau et al., 2017).
Le caractère semi-formel des modèles au sens IDM leur permet
à la fois d’être manipulables par les acteurs
impliqués (modèles pour concevoir – au sens large et non
informatique) mais également d’être interprétés
par la machine pour la réalisation de diverses tâches
(modèles pour construire).
L’IDM permet de spécifier la description concrète du jeu,
le profil de chaque apprenant, les éléments du jeu, etc. (les
différentes « sources » et
« éléments de connaissances ») en tant que
modèles. La « cible » de l’adaptation (le
scénario) est alors également un modèle mais celui-ci
n’est pas connu à l’avance : il est le modèle en
sortie d’une « transformation de modèles »
(Kurtev, 2005)
dont les modèles précédents sont les modèles en
entrée. Ces modèles en entrée nécessitent
également d’être accompagnés de leurs
méta-modèles respectifs. Ces méta-modèles capturent
à un haut niveau d’abstraction les éléments,
propriétés et relations qui permettent de spécifier les
modèles. Ils correspondent ainsi à décrire par exemple les
composantes du profil générique de tout apprenant ou à
décrire la structure du scénario à produire.
L’IDM propose un cadre exploitable pour satisfaire les besoins de
spécification à l’aide des modèles et
méta-modèles et les besoins de mise en œuvre à travers
l’ensemble d’outils et approches traitant de la transformation de
modèles. Pour autant, la méta-modélisation est une
activité subjective qui requiert des compétences
spécifiques. Elle ne propose pas de guidage pour aider à
identifier les « bons » éléments de
l’adaptation. Il faut donc une proposition répondant à ce
besoin.
4.3. Une approche 3x3x2 de spécification pour la
génération de scénarios adaptés
Nous proposons une approche qui permet d’appréhender la
conception de la génération de scénarios adaptés
(Laforcade et Laghouaouta, 2018).
Elle s’appuie sur 3 perspectives incrémentales pour le
scénario à générer, 3 dimensions de
spécification des éléments sources et de connaissances du
domaine, et 2 niveaux d’abstraction (modèle et
méta-modèle) (cf. figure 2).
Les trois perspectives permettent de décomposer le problème de
la conception de la génération en différentes étapes
itératives et incrémentales, chacune appréhendant un point
de vue spécifique mais complémentaire sur la cible de
l’adaptation, c.-à-d. le scénario adapté à
générer. Ces perspectives sont inspirées de la proposition
de
(Sehaba et Hussaan, 2014).
- Objectifs du scénario : sélection
ordonnée d’objectifs d’apprentissage (compétences ou
connaissances selon le contexte), parmi ceux disponibles, en fonction de leur
pertinence avec le contexte de la génération. Dans le projet
Escape it!, cette perspective permettra de sélectionner les
compétences visuelles concernées pour chacun des différents
niveaux de la session de jeu, sur la base des compétences
abordées, de leurs relations avec le profil de l’apprenant et en
fonction de la progression concrète de l’utilisateur
concerné.
- Structure du scénario : sélection
ordonnée des exercices d’apprentissage ou des composants, à
gros-grain, de jeu et d’apprentissage, en fonction des objectifs
d’apprentissage fixés dans la perspective précédente.
Dans Escape it!, cela correspond, entre autres, au choix des
« thèmes » et des « scènes de
jeu ».
- Caractéristiques du scénario :
sélection des éléments additionnels qui participeront
à préciser finement chaque élément structurel de la
perspective précédente, en fonction également des objectifs
fixés. Dans Escape it!, cela concerne la spécification
détaillée de chaque scène de jeu, c.-à-d. toutes les
informations requises (décors, objets, emplacements, etc.) par le moteur
du jeu pour configurer une situation à résoudre.
Figure 2 • Approche de conception 3x3x2
proposée
Le scénario final généré sera alors
composé de ces trois perspectives complémentaires (cf. les
relations visibles entre les 3 scénarios dans la Figure 2, coin
inférieur droit). Pour chacune de ces perspectives, itérativement
en commençant par la perspective « objectifs », nous
proposons de considérer trois dimensions complémentaires pour
décrire les différents éléments en jeu dans la
génération :
- Les éléments à générer,
c.-à-d. la cible, le scénario adapté ;
- Les éléments contextuels, c.-à-d. ce
qui est spécifique au contexte de la génération,
décrit comme « sources » de l’adaptation dans
le tableau 1 ; par exemple, une partie du profil de l’apprenant et
des informations contextuelles à la demande de génération
de scénario ;
- Les éléments décrivant le jeu
d’apprentissage, c.-à-d. ce qui est spécifique au jeu
d’apprentissage et qui est donc commun et partagé par toutes les
générations qui seront réalisées (décrit
comme « éléments de connaissances » de
l’adaptation dans le tableau 1) ; par exemple, les objectifs
concrets, les activités ou exerciseurs disponibles, les
éléments de configuration, etc.
Enfin, pour chaque perspective et dimension nous proposons de décrire
les éléments en jeu selon deux niveaux d’abstraction :
- Le niveau méta-modèle capture les
éléments, propriétés et relations qui
définissent les concepts et contraintes pour assurer la conformité
des modèles ;
- Le niveau modèle spécifie les
informations concrètes nécessaires au générateur.
Il est important de noter que le modèle correspondant au
scénario à générer n’est pas
spécifié avant la génération mais est bien
produit en sortie de la génération. En revanche, le
modèle du contexte (incluant une partie du profil de l’utilisateur)
concerné par la génération est un modèle en
entrée fourni au générateur. Les modèles
décrivant le jeu d’apprentissage sont aussi des modèles en
entrée. Le générateur exploite ces modèles du
jeu pour l’ensemble des générations réalisées
alors que le modèle du contexte peut varier.
La proposition est illustrée par la Figure 2. Les relations de
conformité entre modèles et méta-modèles sont
représentées, ainsi que les relations de référence
entre les modèles et les méta-modèles. On peut remarquer
l'importance des modèles et des méta-modèles de description
du jeu d'apprentissage qui ont un rôle central dans la conception, car ils
sont référencés par les autres modèles et
méta-modèles.
Le générateur prendra en compte tous ces éléments
pour réaliser concrètement la génération (cf. figure
3). Le modèle du contexte lui sera fourni par le jeu
d’apprentissage et sera différent entre deux appels au
générateur tandis que le modèle du jeu et les 3
méta-modèles seront fixes et déjà connus du
générateur. Ce dernier chargera les modèles et les
manipulera, ainsi que les méta-modèles, afin de produire le
modèle du scénario. Ce dernier sera retourné au jeu
d’apprentissage.
Figure 3 • Vue fonctionnelle du
générateur
4.4. Un peu de méthode complémentaire
Ce cadre de spécification exige
explicitement que soient considérées les perspectives dans
l’ordre Objectifs > Structure >
Caractéristiques. Il ne contraint pas en revanche l’ordre
dans lequel les 3 dimensions doivent être appréhendées
même s’il semble a priori raisonnable de proposer de
spécifier en premier lieu le méta-modèle du scénario
à générer et la partie du méta-modèle des
éléments du jeu qu’il nécessite, pour ensuite
spécifier le méta-modèle des éléments de
contexte et la partie du méta-modèle des éléments du
jeu associée. Ceci permet en effet de garantir que le
méta-modèle des éléments de jeu ne décrit que
ce qui est nécessaire pour la spécification des autres
méta-modèles. De manière similaire,
s’intéresser à spécifier uniquement les
éléments du méta-modèle de contexte utiles dans les
décisions de génération du scénario cible
réduit le risque de spécifier des informations qui ne seront pas
exploitées par la suite.
Aussi, il est intéressant de préciser que la
spécification ne concerne pas seulement les méta-modèles,
mais peut également concerner la spécification du modèle
des éléments de jeu. En effet, les informations qu’il
capture sont également facilement identifiables et explicitables ;
elles sont identiques pour l’ensemble des adaptations à
réaliser, car indépendantes des sources contextuelles. En ce qui
concerne les modèles de contexte, il est toutefois possible d’en
spécifier autant que de cas souhaités pour tester la
génération (ils peuvent être considérés comme
des « jeux de données »).
4.5. Validation de la proposition
La contribution est une approche de conception d’un
générateur de scénarios adaptés dans un jeu
sérieux. Elle se focalise sur la spécification de modèles
et méta-modèles pour guider la conception et faciliter la mise en
œuvre du générateur. Comme il ne s’agit pas encore
d’une méthode d’aide à la conception bien
définie, il convient dans un premier temps d’appliquer
l’approche pour vérifier qu’elle produit effectivement des
modèles pertinents et utiles pour guider la conception. La prochaine
section y est consacrée. Bien que la mise en œuvre effective du
générateur puisse être réalisée
informatiquement de diverses manières, nous présenterons
également dans le contexte du projet Escape it! comment les
modèles produits ont été exploités pour faciliter
cette mise en œuvre et ainsi étudier la pertinence et
l’utilité de l’orientation IDM pour la spécification
des modèles.
5. Application au projet Escape it!
Cette section présente le résultat de
l’application de l’approche 3x3x2 pour la spécification de la
génération envisagée dans le contexte du projet Escape
it!. Les prochaines sous-sections correspondent aux trois perspectives de
l’approche. Pour chacune, nous présentons tout d’abord la
description textuelle des éléments à considérer,
à commencer par les éléments à générer
qui dirigent l’analyse. Toutes ces informations sont issues des
séances de conception collaborative que nous avons eues avec les experts
autisme du projet. Il est important de noter que les exemples de modèles
de scénario adaptés sont obtenus par génération
grâce au composant logiciel dédié, le
générateur, dont la mise en œuvre est abordée dans la
section 5.4.
5.1. Perspective « Objectifs »
5.1.1. Explicitation des éléments
Le tableau 2 synthétise la description des éléments en
jeu par dimension pour la perspective des objectifs. Il est intéressant
de noter que l’expression des trois dimensions permet également de
relever des règles de génération et d’adaptation. Ces
règles ne peuvent pas être capturées par les trois
dimensions car elles ne décrivent pas les données en entrée
et en sortie de la génération mais la manière dont
celle-ci devra fonctionner.
Tableau 2 • Éléments en jeu
pour la perspective des objectifs
Éléments à générer
|
- les N compétences (ordonnées) à viser par chacun
des N niveaux de la session de jeu
- le niveau de difficulté pour chacune de ces
compétences
|
Éléments descriptifs
|
- l’arbre des compétences visuelles, par lien de
prérequis
- les 5 niveaux de difficulté (débutant,
élémentaire, intermédiaire, avancé, expert)
|
Éléments contextuels
|
- nombre de niveaux à générer N (choisi par
l’apprenant, entre 3 et 5)
- les compétences qui concernent l’enfant (certaines sont
peut-être à exclure)
- pour chaque compétence concernée : niveau de
difficulté actuel et progression dans la difficulté courante
|
Règles de génération et d’adaptation
|
- le scénario doit avoir autant de compétences
visées que le nb de niveaux souhaité par l’apprenant
- chaque compétence visée doit correspondre à une
compétence, en cours d’acquisition, pour l’apprenant, dont
les compétences de prérequis sont au moins au niveau de
difficulté intermédiaire
- si possible, les compétences visées doivent être
toutes différentes
- le niveau de difficulté de chaque compétence
sélectionnée est identique à celui du profil
|
5.1.2. Spécification des méta-modèles
Les informations collectées pour les trois dimensions peuvent alors
être spécifiées (le plus formellement possible, au sens
informatique du terme, c.-à-d. avec le moins
d’ambiguïté sémantique pour un futur traitement
machine). Le méta-modèle peut être considéré
comme la représentation de la structure des modèles et des
éléments composant ces modèles. Il permet la manipulation
machine des modèles qui lui seront conformes.
Figure 4 • Représentation
graphique des 3 méta-modèles correspondant aux 3 dimensions pour
la perspective des objectifs
La figure 4 est une représentation graphique des trois
méta-modèles correspondant aux 3 dimensions de la perspective des
objectifs du scénario. Pour les éléments à
générer (à droite), l’ObjectiveScenario
est composé de plusieurs TargetedSkill (concrètement
le modèle/scénario en aura autant que la valeur de
nbLevels). Chaque TargetedSkill
référence une compétence BxSkill et
précise le niveau de difficulté (propriété
difficultyLevel). Les éléments de description du jeu
d’apprentissage (au centre) pour cette perspective sont les
compétences BxSkill et leurs relations
prerequisite pour préciser l’éventuelle
compétence parent d’une autre compétence. Enfin, les
éléments de contexte (à gauche) décrivent le
Profile d’apprentissage de l’enfant comme
composé de plusieurs Skill2Consider
référençant chacun une des compétences
décrites et précisant ainsi pour chacun le niveau actuel de
difficulté (currentLevel) et le statut en cours
d’acquisition ou acquis de cette compétence
(currentProgress). Le Profile précise
également le nombre de niveaux nbLevels à
générer (information obtenue dans l’environnement de la
demande de génération).
Les différentes couleurs permettent de repérer les 3
dimensions. Chacune a un élément racine qui sera exploité
pour l'élaboration des modèles. Les relations entre
méta-modèles correspondent aux références simples
(c.-à-d. pas de composition) entre deux éléments de deux
méta-modèles différents (colorées en mauve). Comme
l'indiquait le schéma (cf. figure 1), le méta-modèle
décrivant les éléments du jeu d'apprentissage est central
car il est référencé par les deux autres
méta-modèles (les deux autres dimensions).
5.1.3. Modélisation du contexte et des éléments du
jeu
La figure 5 montre partiellement les modèles en entrée pour le
générateur : la description du jeu (au centre) et un
modèle de contexte (à gauche). Ces deux modèles ont
été réalisés à l’aide d’un
éditeur arborescent qui assure par construction la conformité des
modèles à leur méta-modèle d’origine. On peut
observer dans cet exemple que le jeu décrit 7 compétences
(B3, B4, B8, B9, B13, B19, B25)
dont B8, qui correspond au tri entre deux catégories
d’objets similaires selon
(Partington et al., 2010),
a B3 pour prérequis et est l’un des prérequis de
B13 (visibles dans la zone Properties). Le contexte correspond ici
au profil d’un enfant Tom qui souhaite 4 niveaux. Il est
concerné par les 7 compétences, avec B3 et B9 acquis
(non visible dans la figure), tandis que B4 (qui dépend de
B3) est au niveau de difficulté élémentaire et les
autres compétences (B8, B13 et B19) sont au niveau
débutant.
Le modèle à droite de la figure 5 est un exemple de
scénario adapté qui est obtenu après
génération (d’autres générations avec les
mêmes modèles en entrée pourraient donner d’autres
scénarios possibles). Pour cette génération, le
scénario pour la perspective objectifs propose 4
compétences-cibles ordonnées : B4 (avec la
difficulté intermédiaire), B9
(élémentaire), B8 (débutant),
B8 (débutant). Cela est cohérent avec les
règles de génération de la table 2 : seules les
compétences B4-B8 (dépendantes de B3 qui est acquis) et B9
(dépendante de B4 à niveau intermédiaire) sont
éligibles. Les 3 compétences ont été ensuite
choisies dans un certain ordre, puis le hasard a permis de sélectionner
à nouveau B8 pour le dernier niveau.
Figure 5 • Exemples de 2 modèles en
entrée (un modèle de contexte, à gauche, la description du
jeu, au centre) et d’un modèle en sortie (un scénario
adapté généré, à droite)
5.2. Perspective « Structure »
5.2.1. Explicitation des éléments
La table 3 synthétise la description des éléments en jeu
par dimension pour la perspective « structure ».
Tableau 3 • Éléments en jeu
pour la perspective des objectifs
Éléments à générer
|
- les N scènes (ordonnées) correspondant aux N niveaux
souhaités
|
Éléments descriptifs
|
- la liste des scènes disponibles par thèmes
- la liste des thèmes disponibles
pour chaque scène, les compétences qu’elle peut
aborder
|
Éléments contextuels
|
- nombre de niveaux à générer N (choisi par
l’apprenant, entre 3 et 5)
|
Règles de génération et d’adaptation
|
- le scénario doit avoir autant de scènes que le nb de
niveaux souhaité par l’apprenant
- chaque compétence choisie (perspective
« objectif » précédente) est associée
à une scène choisie à condition que celle-ci permette
d’aborder cette compétence
- si possible, les scènes choisies doivent être toutes
différentes, mais appartenir au même thème,
sinon, si possible, que les scènes choisies soient toutes
différentes pour un nombre de thèmes différents minimal,
sinon, si possible, que les scènes choisies consécutives
soient différentes
|
5.2.2. Spécification des méta-modèles
La figure 6 est une représentation graphique des trois
méta-modèles correspondant aux 3 dimensions de la perspective
« structure » du scénario. Les
méta-éléments intervenant déjà dans la
perspective « objectif » précédente sont
colorés dans une teinte différente.
Figure 6 • Représentation graphique
des 3 méta-modèles correspondant aux 3 dimensions pour la
perspective structurelle
Pour les éléments à générer (à
droite), le StructuralScenario est composé de plusieurs
TargetedScene référençant chacune une
Scene et un TargetedSkill
généré lors de la perspective précédente. Les
éléments de description du jeu d’apprentissage (en haut)
sont les différents Theme, puis les Scene qui
les composent. Chaque Scene a une relation bxskill
pour préciser les compétences qu’elle traitera. Enfin, les
éléments de contexte (à gauche) réutilisent le
Profile d’apprentissage précisant le nombre de
niveaux nbLevels à générer.
5.2.3. Modélisation du contexte et des éléments du
jeu
La figure 7 illustre un exemple de spécification des thèmes et
des scènes du jeu (à gauche) et un exemple de scénario
produit pour lequel les scènes ont été choisies (à
droite). On peut observer dans cet exemple que le thème House
propose 5 scènes dont Garage qui est utilisable pour 5 des 7
compétences (B3, B4, B8, B9, B25).
Figure 7 • Exemples pour la perspective
« structure » d’un modèle de description du jeu
(à gauche) et d’un modèle de scénario
généré (à droite)
La structure générée pour le scénario propose 4
TargetedScene dont la seconde spécifie une
référence vers la scène Bathroom et est en relation
avec le second TargetedSkill déjà
généré pour le scénario
« objectif » (cf. figure 4).
5.3. Perspective « Caractéristiques »
La perspective « Caractéristiques » entraine la
spécification de très nombreux éléments, afin de
préciser le positionnement des objets présents dans la
scène de jeu.
5.3.1. Explicitation des éléments
La table 4 décrit les éléments en jeu par dimension pour
la perspective « caractéristiques ». La description
est volontairement moins détaillée que pour les perspectives
précédentes pour compenser le nombre élevé
d’informations.
Tableau 4 • Éléments en jeu
pour la perspective des caractéristiques
Éléments à générer
|
Pour chaque scène générée
précédemment, les différents éléments
présents dans la scène :
- les éléments de décors additionnels
- les cachettes (et leur position)
- le ou les éléments de solution (et leur position) et leurs
éventuelles « sous-zones » sur lesquelles les objets
pourront être placés
- les éléments déplaçables
(éléments pour résoudre le défi + des
éventuels objets inutiles à la résolution) et leur position
(certains seront déjà bien placés initialement sur les
éventuelles sous-zones de l’objet solution et les autres seront
placés parmi les emplacements initiaux dans la scène + les
emplacements supplémentaires en relation avec les décors
additionnels présents + les emplacements supplémentaires en
relation avec les cachettes présentes).
|
Éléments descriptifs
|
Pour chaque scène, la liste :- des catégories
d’objets disponibles et les objets qui les composent
- des objets additionnels inutiles pour les résolutions
- des positions disponibles pour placer les objets déplaçables
- des éléments de décors additionnels et des positions
supplémentaires qu’ils ajoutent
- des cachettes et des positions de cachettes qu’ils ajoutent
- des éléments de solution et pour chacune : leurs
positions possibles, les compétences qu’elles visent, les
éventuelles « sous-zones » qu’elles proposent,
les catégories ou objets compatibles pour être placés sur
cette solution.
|
Éléments contextuels
|
(rien pour cette perspective)
|
Règles de génération et d’adaptation
|
Pour chaque couple (compétence, niveau de difficulté) :
- le nombre d’objets solutions potentiels (min, max)
- le nombre de décors additionnels (min, max)
- le nombre de cachettes (min, max)
- le nombre d’objets à placer sur les bonnes zones solutions
(min, max)
- le nombre d’objets inutiles (min, max)
|
5.3.2. Spécification des méta-modèles
La figure 8 représente graphiquement les nouveaux
éléments des méta-modèles correspondant aux 3
dimensions de la perspective « caractéristiques » du
scénario (la dimension « contexte » n’apporte
aucun nouvel élément). Les nuances de bleu ou de vert dans la
figure 8 permettent de distinguer les nouveaux éléments de ceux
déjà identifiés dans les perspectives
précédentes.
Figure 8 • Représentation graphique
des méta-modèles correspondant aux dimensions pour la perspective
des caractéristiques (Pleine page)
5.3.3. Modélisation du contexte et des éléments du
jeu
La figure 9 illustre un exemple de spécification des composants de jeu
pour la scène Garage (à gauche) et un exemple de
scénario produit pour lequel les décors, les objets solutions, les
éléments, etc. ont été choisis et positionnés
pour chaque scène (à droite) par le générateur
final. Dans l’exemple de gauche on peut observer la spécification
d’un objet solution nommé Box, compatible avec la
compétence B3 et acceptant différentes variations de
tournevis comme objets compatibles.
Les caractéristiques générées pour le
scénario proposent 4 GameLevel
référençant les 4 scènes déjà
générées pour la perspective précédente.
Chaque GameLevel est composé des différents
éléments qui seront configurés pour initialiser le
défi de chaque scène. Grâce au panneau des
propriétés on peut remarquer que la deuxième scène
utilisera l’objet solution nommé Box, qui sera
positionné en SolB3P et acceptera 4 objets de type
comb2.
Figure 9 • Exemples pour la perspective
« caractéristiques » de modèles de description
du jeu (à gauche) et de modèle en sortie pour le scénario
généré (à droite)
5.4. Développement du générateur
Les modèles et méta-modèles obtenus en suivant notre
approche de spécification peuvent être considérés
comme des spécifications que l’informaticien doit suivre. Ils
peuvent également permettre de guider la mise en œuvre informatique
de la génération. Dans notre cas d’étude, nous avons
souhaité exploiter l’interprétation machine possible de
modèles et méta-modèles réalisés dans
l’écosystème d’Eclipse Modeling Framework (EMF)
(Steinberg et al., 2009).
Ainsi, la génération de scénarios adaptés a
été implémentée (code Java/EMF) sous une forme
procédurale et objet : le modèle (scénario) est
généré élément par élément
à partir de l’élément racine en prenant en compte les
règles de génération. Le framework EMF prend en
charge la manipulation des modèles en entrée et en sortie (code
Java généré à partir des
méta-modèles). Ainsi, la manipulation du modèle de contexte
reçu par le générateur et du modèle de jeu
(déjà présent dans le générateur
conformément à la figure 3) est facilitée. Le
développement du générateur peut donc se concentrer sur
l’algorithme de génération exploitant les règles (en
langage naturel) explicitées dans les tables 2, 3 et 4. Cet algorithme a
été implémenté en Java.
Indépendamment du développement du jeu d’apprentissage,
le générateur développé a pu être testé
(phase de vérification et de validation logicielle) avec les experts afin
de s’assurer que son comportement correspondait bien aux règles
métier de génération. Des cas d’étude fictifs
de profil d’enfant ont été spécifiés et
utilisés pour générer plusieurs scénarios. Les
scénarios générés ont alors été
analysés (visuellement avec un éditeur de modèle) afin de
juger la pertinence de ce qui était proposé. Il est important de
préciser que, par construction, dans un écosystème IDM
outillé, les modèles produits sont nécessairement conformes
au méta-modèle associé. Cela garantit que le
scénario est correct syntaxiquement, mais pas sémantiquement. Pour
cela il faut manuellement analyser son contenu et vérifier ainsi le bon
codage des règles de génération. Il est pertinent de
remarquer également que l’algorithme de génération
est stochastique : le hasard est utilisé pour départager des
choix non couverts par une règle métier. Cela signifie que le
générateur ne produit pas forcément le même
scénario en sortie pour un même modèle de contexte en
entrée. Tous ces scénarios produits peuvent aussi faire
l’objet d’analyses.
Ces étapes de validation logicielle aident à garantir que le
générateur réalise correctement le comportement attendu.
Lorsque le générateur est considéré valide, il peut
alors à son tour servir à l’analyse et à la
validation, ou à la réingénierie des règles
métiers de génération. Il est important toutefois de
signaler que cette validation itérative pourra nécessiter que le
code du générateur soit modifié pour prendre en compte
l’ajout, la suppression, ou la modification des règles.
5.5. Intégration et mise à l’essai du
générateur
Lorsque le développement du jeu d’apprentissage Escape
It! a été réalisé (avec le moteur de jeu
Unity), le générateur a été
intégré comme un composant logiciel externe déployé
sur un serveur et accessible par le jeu via un service Web (cf. capture
d’écran au centre gauche de la figure 10). Cela permet de
découpler le jeu du générateur, au cas où la
génération (modèles et règles) nécessite des
ajustements.
L’utilisation en situation écologique du jeu
d’apprentissage final (cf. figure 10), et donc de la
génération, a pu être ensuite
expérimentée.
La figure 10 présente différents écrans du jeu
sérieux final dont (de gauche à droite et de haut en bas)
l’écran titre, l’écran du choix du nombre de niveaux
pour le scénario à générer, l’écran
d’attente pendant les échanges avec le générateur,
l’écran présentant la progression dans le scénario
(visible entre chaque scène), l’écran de configuration du
profil montrant le niveau de difficulté atteint par compétence
ainsi que la progression actuelle (étoiles) dans ces niveaux, et enfin
l’écran d’une scène générée pour
la compétence B13 au niveau de difficulté
ADVANCED.
Figure 10 • Différentes captures
d’écran du jeu final
Une ergothérapeute, membre des experts autisme impliqués dans
le projet, a utilisé le jeu Escape it ! lors de
séances avec des enfants autistes. Ces expérimentations
étaient informelles (non cadrées scientifiquement). Elles visaient
différents objectifs : vérifier auprès
d’enfants, supervisés par un de leurs parents, que le jeu final
était utilisable (point de vue ergonomique) et utile (en relation avec
l’apprentissage des compétences visuelles visées), et
vérifier à l’usage si les scénarios
générés étaient bien pertinents (par rapport
à la progression des apprentissages) et conformes aux règles de
génération implémentées. Concernant ce dernier
point, ces retours d’usages n’ont pas révélé de
situations où les scénarios proposés n’étaient
pas bien adaptés selon les règles prévues.
6. Bilan et analyses des résultats
6.1. Analyse bilan de l’approche 3x3x2
L’approche 3x3x2 permet de guider
l’identification (quels éléments prendre en compte ?)
et la formalisation (comment les spécifier ?) des
éléments impliqués dans la réalisation de la
génération. Les 3 perspectives permettent
d’appréhender la difficulté d’identification en la
décomposant en étapes complémentaires. Les 3 dimensions et
les 2 niveaux (modèles et méta-modèles) permettent de
capturer les éléments à générer, puis les
éléments de contexte et les éléments de
connaissances sur le jeu qui sont nécessaires à la
génération. Il est à noter que le modèle de contexte
n’inclut pas le profil apprenant complet, s’il existe pour
d’autres besoins, mais bien uniquement la partie impliquée dans les
règles de génération. Il en est de même pour le
modèle des éléments du jeu.
Les modèles et méta-modèles produits peuvent être
utilisés comme spécifications pour guider la mise en œuvre.
Ils peuvent également être exploités informatiquement pour
participer à la mise en œuvre effective de l’adaptation par
génération. Dans le contexte du projet Escape it! nous
avons choisi de manipuler directement ces spécifications dans le code du
générateur. Ce dernier a été réalisé
selon un algorithme procédural implémentant les règles de
génération qui avaient été explicitées par
les experts.
Le retour d’expérience des sessions de conception collaboratives
que nous avons eues avec les experts autisme du projet Escape It! a
permis également de mettre en exergue la difficulté à
distinguer les règles métier de la génération des
autres éléments métier en relation avec la conception
générale du jeu d’apprentissage (quels
éléments tracer, quels feedbacks pour le superviseur, quelles
règles pour faire progresser les apprentissages et le profil utilisateur,
etc.). L’approche 3x3x2 permet de faciliter cette distinction en guidant
l’informaticien dans ces échanges avec les experts. Les experts
métier ne sont pas pour autant des experts en
génération : ils sont demandeurs de retours rapides pour
vérifier les règles exprimées. Leurs propositions peuvent
être non pertinentes, incomplètes, ambiguës. La
réflexion ne suffit pas toujours à valider ou invalider certaines
règles. Il est nécessaire de les mettre en œuvre pour
analyser les scénarios produits par le générateur.
L’approche 3x3x2 n’est donc pas seulement itérative au sens
des 3 perspectives à considérer mais parce que plusieurs
itérations par perspective peuvent être nécessaires. A titre
d’illustration, quelques exemples de modifications des règles sont
listés dans le tableau suivant.
Tableau 5 • Exemples de modifications des
règles de génération
Règle supprimée
|
Règle initiale du 80/20 (80% de compétences déjà
maîtrisées + 20 % compétences en cours d’acquisition)
sur le choix des compétences que devait aborder le scénario
généré. Cette règle est généralement
appliquée en accord avec l’approche A.B.A dans la conception de
situation d’apprentissage pour personnes autistes.
Cette règle était difficile à prendre en compte pour
des scénarios générés composés de 3 à
5 niveaux (donc seulement 3 à 5 compétences). Il a
été privilégié l’utilisation de 5 niveaux de
difficulté et la règle des 3 succès consécutifs
nécessaires (pour une même compétence) pour progresser dans
les niveaux de difficultés.
|
Règle ayant émergée
|
Le choix des scènes de jeu : de préférence toutes
différentes mais d’un même thème (maison,
école, etc.), sinon toutes différentes pour un nombre de
thèmes différents minimum, sinon 2 scènes successives
doivent au moins être différentes (quel que soit le
thème)
|
Règle ayant été ajustée
|
Les nombres min et max des objets à trouver par compétence et
par niveau de difficulté (ces valeurs contraignent la conception des
scènes à proposer un nombre max suffisant d’objets pour que
la règle soit toujours applicable).
|
6.2. Valeur ajoutée et limites de l’approche
L’approche 3x3x2 proposée permet d’appréhender la
conception et la mise en œuvre du générateur
indépendamment de la conception et du développement du jeu
d’apprentissage (découplage). Toutefois, l’intégration
finale du générateur comme sous-système du jeu
d’apprentissage final nécessite un recodage spécifique
(selon les technologies utilisées) ou une approche intégrative
(approche service web dans le cas d’Escape it!). Cette
dernière approche permet de faire évoluer le
générateur sans impacter le jeu tant que les formats des
éléments de contexte (fournis dynamiquement par le jeu
d’apprentissage) et du scénario à générer
restent inchangés.
Bien que l’approche 3x3x2 favorise la décomposition du
problème de la spécification de la génération en
différentes étapes complémentaires (les 3 perspectives) et
que les 3 dimensions guident également le concepteur pour
spécifier les éléments pertinents, l’approche ne vise
pas à aider l’explicitation de ces éléments
pertinents. L’approche propose implicitement un cadre méthodique de
spécification (cf. 4.4)
mais elle n’est pas destinée à guider la collaboration entre
experts du domaine et informaticiens. Bien que les perspectives et les
dimensions de spécification puissent être utilisées par les
concepteurs informaticiens pour « guider »
l’explicitation auprès des experts, cela n’est pas un
objectif abordé par la proposition ; d’autres techniques et
méthodes existantes, ou à proposer, peuvent traiter davantage de
cette collecte des informations nécessaires à la
spécification.
L’approche 3x3x2 est toutefois intéressante car elle permet de
cadrer le périmètre des éléments à
considérer pour chaque dimension. Cela permet également de mettre
en évidence les règles qui seront utiles à la
génération du scénario adapté. Ainsi, il est plus
aisé de rejeter les informations métiers qui ne relèvent
pas de la génération, comme celles qui concernent davantage
l’exécution du jeu (runtime) ou la mise à jour des
éléments de contexte, comme le profil de l’apprenant. Ainsi,
les informations régissant dans Escape it! la manière dont
est réalisée la progression dans les niveaux de difficultés
relèvent de la collecte et de la mise à jour du profil, mais ne
sont pas nécessaires à la génération.
Les « règles de génération »,
complémentaires aux éléments spécifiés selon
les trois dimensions proposées, ne sont actuellement pas prises en compte
lors de la méta-modélisation : elles ne sont pas
spécifiées mais directement mises en œuvre dans le code
réalisant la génération. Il est possible de vérifier
la conformité des éléments spécifiés dans les
méta-modèles en réalisant des modèles conformes
(modèle de contexte, modèle des connaissances du jeu, mais aussi
des modèles de scénarios). Pour autant, les règles
d’adaptation ne peuvent être testées et validées
qu’en les implémentant et en exécutant le
générateur sur des cas concrets.
6.3. Généricité et domaine de validité
L’approche 3x3x2 est issue du contexte spécifique des jeux
d’apprentissage (ou jeux sérieux pédagogiques). Elle ne
référence pas explicitement les modèles souvent
spécifiquement identifiés par la littérature (modèle
d’apprentissage, modèle d’apprenant, modèle de jeu,
etc.). Pour autant les informations de ces modèles qui participent
réellement à la génération seront indirectement
identifiés en considérant les 3 dimensions des
éléments à générer, des
éléments de contexte et des éléments de
connaissances. L’approche est fondée sur le point de vue
fonctionnel de la génération, considérée
comme l’objet central de la recherche. Par exemple l’approche 3x3x2
ne considère pas comme un prérequis nécessaire de
spécifier le profil de l’apprenant mais uniquement de
considérer quels éléments de contexte, en relation avec,
entre autres, le profil de l’apprenant, influencent la
génération.
L’approche 3x3x2 peut donc convenir dans n’importe quel contexte
où des éléments sont générés en
fonction d’éléments de contexte et en utilisant des
connaissances sur l’EIAH considéré, que celui-ci soit un jeu
d’apprentissage ou un autre environnement informatisé
d’apprentissage.
Nous avons pu appliquer l’approche 3x3x2 pour la
génération d’activités d’inventaires botaniques
adaptées au contexte du citoyen (relevés à proximité
et préférences d’inventaires du citoyen) dans le cadre du
projet REVERIES
(Gicquel et al., 2019).
Le « métier » considéré est celui de
l’inventaire botanique. A terme, des préoccupations
« apprentissage » et « ludique » devront
être prises en compte afin que l’activité d’inventaire
générée ait, en plus de l’objectif
d’inventaire, un objectif d’apprentissage et un objectif ludique,
adaptés au profil du citoyen. L’approche 3x3x2 ne convient pas
lorsqu’il faut prendre en compte différentes préoccupations
(apprentissage, ludification et inventaire citoyen) mais semble convenir pour
une seule préoccupation prise indépendamment des autres. De futurs
travaux approfondiront l’étude de ce constat.
6.4. Vers une réduction du temps de validation des règles de
génération
L’analyse de
(Hocine et al., 2011)
relève que « la plupart des travaux sur les jeux sérieux
n’identifient pas explicitement un modèle pour représenter
les règles de l’adaptation ». Bien que notre proposition
permette de faciliter la conception de la génération de
scénarios adaptés, elle ne permet toujours pas de faciliter la
mise en œuvre concrète des règles de
génération, qui reste une tâche de programmation non
négligeable. En effet, dans notre contexte, les éléments en
jeu dans la génération sont capturés dans les deux
dimensions méta-modèles et modèles, mais les règles
de génération sont directement « traduites »
de leur expression en langage naturel dans le code final du
générateur. Le développement du générateur
requiert la manipulation de modèles et de méta-modèles,
déjà prise en charge par les nombreux écosystèmes
d’outillage proposés en IDM (dont EMF que nous avons
utilisé), et la traduction des règles de génération
qui incombe aux concepteurs informaticiens. Dans le cas du projet Escape
it! la génération suit une simple approche algorithmique de
programmation pour traduire la majorité des règles.
Néanmoins les contraintes sur le choix des scènes et des
thèmes (exprimées dans la table 3) ont nécessité
l’utilisation d’une librairie (Choco Solver)
spécialisée dans la programmation de contraintes. La section haute
de la figure 11 illustre cette approche.
Cette mise en œuvre des règles de génération
nécessite un temps non négligeable (donc un coût ) qui ne
permet pas de tester les règles explicitées avec les experts
pendant la session d’échange. Nous avons présenté
l’importance de tester le plus rapidement possible les règles de
génération pour les valider, les affiner ou les modifier. Nous
avons alors également cherché à considérer la
transformation de modèle non comme un problème algorithmique de
programmation, mais comme un problème de satisfaction de contraintes.
Afin de conserver la valeur ajoutée de la spécification des
éléments de génération en modèles et
méta-modèles, nous avons proposé une implémentation
orientée IDM du CSP (Constraint Satisfaction Problem) selon une
approche pattern-matching centrée sur la cible à
générer
(Laghouaouta et Laforcade, 2018)
(cf. seconde « ligne » de correspondance de la Figure 11).
Cette approche réduit le temps de mise en œuvre à celui de
spécification des règles selon l’approche proposée
(la partie « moteur de règles »
implémentée étant générique). Nous avons pu
prouver que le temps de modification des règles était meilleur
qu’avec d’autres mises en œuvre, mais le formalisme
proposé pour spécifier les règles nécessite une
expertise spécifique pour leur rédaction
Figure 11 • Schématisation des
différents « efforts de correspondances »
nécessaires à la mise en œuvre informatique des règles
d’adaptation
Comme illustré, et simplifié, dans le reste de la figure 11,
nous nous interrogeons sur la possibilité de proposer des formalismes de
spécification dédiés aux règles d’adaptation,
c.-à-d. dont la représentation des règles et le
raisonnement exploitant celles-ci seraient spécifiques. Nous illustrons
en figure 11 deux cas. Le premier formalisme permettrait à un
informaticien peu ou non expert en IDM de spécifier les règles ou
de les modifier (modèle X), sans qu’il soit nécessaire de
modifier l’implémentation informatique du générateur.
Le second cas serait encore plus proche de l’expression initiale des
règles par les experts. Ce formalisme permettrait à ces experts
d’exprimer eux-mêmes les règles d’adaptation
(modèle Y).
7. Conclusion
Nous avons proposé une approche de conception
IDM pour la génération de scénarios adaptés dans des
jeux d’apprentissage. Elle permet d’appréhender la
spécification des différents modèles et
méta-modèles selon trois perspectives (points de vue
incrémentaux sur les éléments à
générer) et trois dimensions (les éléments à
générer, les éléments décrivant le contexte
de la génération, les éléments décrivant le
jeu d’apprentissage). Nous avons appliqué cette approche dans le
contexte du projet Escape it!. Cela nous a permis de concevoir un
générateur de scénarios de scènes de jeu et de leurs
configurations, adaptés au profil d’apprentissage des enfants. Le
générateur conçu a été concrètement
développé, intégré au jeu d’apprentissage et
testé avec succès.
Nous avons également analysé la proposition afin de mettre en
évidence ses valeurs ajoutées et ses limites. Elle permet en effet
de guider l’identification des éléments en jeu dans la
génération visée et de les spécifier sans
ambiguïté. Ces spécifications peuvent alors être
exploitées afin de vérifier, grâce au
générateur implémenté, que les scénarios
produits sont pertinents et cohérents avec les règles de
génération identifiées. Néanmoins, le contexte
spécifique des jeux d’apprentissage implique la prise en compte de
nouvelles dimensions (le jeu, l’ergonomie, l’émotion, etc.),
la collaboration de différents experts (l’enseignant, le concepteur
de jeu, etc.) et une part d’incertitude dans l’explicitation des
règles d’adaptation. Les règles sont alors plus difficiles
à identifier et à vérifier que dans d’autres
contextes. Il est important que le temps pour implémenter ces
règles soit le plus court possible afin de pouvoir rapidement les
expérimenter. La proposition actuelle n’aborde pas la
spécification des règles de génération. Des
études et propositions complémentaires doivent être
réalisées.
À
propos des auteurs
Pierre LAFORCADE est actuellement enseignant-chercheur en
Informatique au laboratoire LIUM de l’Université du Mans. Ses
travaux de doctorat se sont déroulés au sein du laboratoire LIUPPA
de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Ses recherches
concernent l’ingénierie des EIAH selon une forte perspective
Génie Logiciel et Ingénierie Dirigée par les
Modèles. Ses thématiques de recherche ont tout d'abord
concerné les langages de scénarisation pédagogique et les
outils-auteurs pour la conception pédagogique de situations
d'apprentissage utilisant des LMS. Depuis quelques années ses
thématiques de recherche concernent davantage la conception de
générateurs d'activités adaptées dans le contexte de
jeux sérieux d'apprentissage.
Adresse : Laboratoire LIUM, Le Mans
Université, France
Courriel : pierre.laforcade@univ-lemans.fr
Toile : https://lium.univ-lemans.fr/team/pierre-laforcade/
Youness LAGHOUAOUTA est enseignant-chercheur à
l’Institut National des Postes et Télécommunications
(INPT-Maroc). Il est titulaire d'un diplôme d'ingénieur de
l'École Nationale Supérieure d'Informatique et d'Analyse des
Systèmes (ENSIAS-Maroc) en 2009, et d'un doctorat en Informatique de
l'Université Mohammed V de Rabat (Maroc) en 2016. Ses activités de
recherche concernent l’ingénierie dirigée par les
modèles. Il s'intéresse particulièrement à la
traçabilité des modèles, aux langages dédiés
et à la conception participative.
Adresse : Laboratoire LIUM, Le Mans
Université, France
Courriel : youness.laghouaouta@univ-lemans.fr
Toile : https://lium.univ-lemans.fr/team/youness-laghouaouta/
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