Harrari
Ce travail traite du développement de l'usage des ordinateurs dans l'enseignement élémentaire français, depuis la deuxième moitié des années 1970 (les premières recherches sur LOGO). Dans une perspective à dominante socio-historique, il s'intéresse à la fois au niveau macro-social (mesures et prescriptions institutionnelles, différentes dimensions du contexte dans lequel celles-ci ont été décidées, enjeux majeurs mis en avant ou implicites, résultats globaux) et au niveau micro social (attitudes, motivations d'acteurs du terrain, étude de cas locaux). Inscrit dans le courant de recherche s'intéressant aux usages des technologies en éducation, son cadre de référence inclut également des travaux sur l'innovation et en particulier l'innovation à l'école. L'informatique a été prise en compte par l'enseignement secondaire dès le tout début des années 1970, mais ce n'est que dix ans plus tard que son intérêt pour l'enseignement élémentaire a été pour, la première fois, évoqué dans un discours officiel. Les actions volontaristes de l'État, stimulées par la perception d'enjeux économiques, industriels, socio-culturels et relayées par une demande sociale, ont ensuite très rapidement conduit à une généralisation (cf., plan "Informatique pour tous" et insertion dans les programmes en 1985). Cependant, l'instabilité puis un certain flou des finalités pédagogiques inscrites dans les prescriptions successives n'ont pas toujours permis aux maîtres d'être fermement guidés dans une entreprise semée de nombreux obstacles, que seuls les plus motivés et/ou les mieux soutenus au niveau local ont pu surmonter. L'enthousiasme initial, largement partagé par les acteurs dont dépendait en dernier ressort le devenir de l'innovation, est donc assez vite retombé. En définitive, durant l'ensemble de la période considérée, relativement rares sont les maîtres, qui ont réellement intégré des outils informatiques dans leur pédagogie (utilisations régulières mises au service de projets divers). Cette minorité active paraît pouvoir être caractérisée par une ouverture aux méthodes pédagogiques nouvelles, alliée à un important investissement personnel et à une forte conviction quant à l'intérêt de l'usage pédagogique d'outils en train de se banaliser. De façon générale, les classes où les outils informatiques ont été les plus souvent utilisés sont les cours moyens (pour lesquels une obligation d'usage a été inscrite dans les programmes). LOGO, d'abord considéré comme le dispositif le plus approprié pour ce degré d'enseignement, a rapidement été supplanté après les décisions de généralisation et la diffusion sociale des outils bureautiques, par les logiciels d'enseignement assisté par ordinateur (EAO), puis, et surtout, par le traitement de texte. En fin de période sont apparus des usages de produits multimédias, puis d'Internet. Actuellement, de plus en plus d'enseignants sont, à titre personnel, utilisateurs d'ordinateurs. Le nouveau plan officiel et la diffusion d'Internet ont été à l'origine, à partir de 1997, d'une reprise de la formation des maîtres et des opérations d'équipement. Des obstacles initiaux tenant à la technologie (enseignants peu familiarisés, problèmes liés à l'accès aux matériels) s'amenuisent donc progressivement. La clarification des projets pédagogiques et éducatifs justifiant les usages scolaires d'outils maintenant répandus reste un facteur critique dont dépend largement le devenir du processus d'innovation.
Dernière mise à jour : 18 juin, 2009 - 13:33