Desjardins
Les forums électroniques textuels asynchrones sont réputés permettre la construction collaborative de connaissances. Cependant, il persiste une controverse quant à leur efficacité effective en ce sens. Tant les travaux, notamment en pédagogie, sur les processus communicationnels et cognitifs qu'ils impliquent, que ceux en sciences de l'information, qui se penchent principalement sur les contenus informationnels et thématiques des conversations, demeurent relativement impuissants à démontrer ce potentiel. Afin de fournir des moyens permettant d'évaluer la capacité des forums électroniques textuels asynchrones à favoriser la construction collaborative de connaissances et à extraire lesdites connaissances, cette thèse vise à dégager les lignes directrices d'une méthodologie d'analyse des forums électroniques pour y cerner les construits cognitifs collaboratifs (CCC). Nous présentons d'abord la définition et un survol historique des forums électroniques. Nous présentons ensuite les enjeux théoriques entourant la définition des supputées connaissances élaborées en forum électronique. Partant des contraintes pesant sur la définition desdites connaissances, et d'une définition de la communication et de la cognition englobant tant l'aspect informationnel que les structures communicationnelles et cognitives impliquées, nous posons la nécessité d'allier les deux types d'approches évoquées plus haut pour appréhender les CCC issus des forums électroniques. Pour ce faire, nous exposons trois expérimentations d'analyse textuelle et discursive des forums électroniques, dont les projets ACTIA du LICEF (Télé-université du Québec), traitant diverses dimensions : lexiques, dynamique des échanges, actes de langage, stratégies fonctionnelles (Henri, 1992a), sémantique, argumentation et logique conversationnelle. Au cours de ces expérimentations, des contraintes supplémentaires apparaissent concernant les grilles d'analyse à utiliser. Nous constatons qu'il est nécessaire d'utiliser le matériau informationnel intrinsèque aux conversations analysées, plutôt que des modèles de connaissances externes, en s'appuyant sur une analyse linguistique qui dépasse une simple analyse de données. On verra de plus que, par souci d'adéquation épistémologique, les schèmes d'analyse structurelle utilisés doivent d'abord être basés sur des caractéristiques inhérentes à la conversation avant que d'y appliquer des schèmes conceptuels ou d'activité qui lui sont extérieurs, afin de pouvoir cerner les construits cognitifs collaboratifs dans toute la variété de formes qu'ils prennent au fil d'échanges ouverts. Un type particulier d'analyse, basé sur le modèle de Dessalles (1993), tenant compte de la dynamique logique de la conversation, est proposé à cet effet, permettant de dégager l'ossature des CCC élaborés en forums électroniques. Grâce à la synthèse théorique de Baker (1999) sur les interactions constructives, on présente ensuite comment cette analyse de base peut être associée, selon les visées analytiques, à des schèmes supplémentaires, permettant de dégager certaines dimensions additionnelles des CCC, concernant l'attitude cognitive des locuteurs, la qualité des connaissances traitées, les opérations discursivo-cognitives plus fines et la complétude interactionnelle. Nous présentons enfin comment une opérationnalisation véritable d'une telle méthodologie dépendra à l'avenir d'une conjonction avec le développement du traitement automatique du langage. Cette thèse en communication est marquée d'un esprit multidisciplinaire, et puise dans plusieurs champs et disciplines : pragmatique, argumentation, linguistique, analyse de contenu, analyse conversationnelle et analyse de discours, sciences cognitives et travaux sur l'usage pédagogique de la communication médiatisée par ordinateur.
Dernière mise à jour : 17 juin, 2009 - 18:20