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Caractérisation des transformations pédagogiques
impulsées par une plateforme numérique
Maëlle PLANCHE (CNP, Grenoble INP), Cédric
d’HAM, Christian HOFFMANN (LIG, Université Grenoble Alpes),
Nadine MANDRAN (LIG, CNRS), Isabelle GIRAULT, Claire WAJEMAN, Nicolas BALACHEFF
(LIG, Université Grenoble Alpes), Patricia MARZIN (CREAD,
Université de Bretagne Occidentale)
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RÉSUMÉ : Cet
article analyse le rôle joué par l’usage d’une
plateforme numérique (LabNbook) sur les transformations des
activités pédagogiques proposées à des
étudiants du supérieur. Nous observons une évolution des
objectifs d’apprentissage des enseignants, notamment au niveau
disciplinaire. Les résultats montrent également que l’usage
de LabNbook conduit les enseignants à interroger l’alignement
pédagogique. In fine, nous proposons de caractériser la
transformation pédagogique induite par l’utilisation
prolongée d’un outil numérique.
MOTS CLÉS : plateforme
numérique, pédagogies actives, usages, transformation
pédagogique, alignement pédagogique. |
Characterization of pedagogical transformations driven by a digital platform |
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ABSTRACT : This
article analyzes the role played by the use of a digital platform (LabNbook) on
the transformations of the pedagogical activities proposed to higher education
students. We observe evolutions in the pedagogical objectives aimed by the
teachers, notably at the disciplinary level. The results also show that the use
of LabNbook leads teachers to question the instructional alignment. Finally, our
results allow us to propose a characterization of the pedagogical transformation
induced by the long-term use of a digital tool.
KEYWORDS : digital
environment, active learning, usage, pedagogical transformation, instructional
alignment. |
1. Introduction
Dans l’enseignement des
sciences, une place importante est donnée aux pédagogies actives
qui cherchent à accroitre l’autonomie des étudiants et leur
implication dans le processus d’apprentissage. Des études ont
montré les avantages de ces pédagogies, que ce soit en termes
d’apprentissage de concepts (Freeman et al., 2014) ou d’acquisition de nouvelles compétences scientifiques (Etkina et al., 2010).
Les pédagogies actives impliquent que les étudiants et les
enseignants gèrent de nouvelles tâches. Les étudiants
doivent devenir plus autonomes dans la production de solutions et travaillent
souvent en collaboration, au cours de longues séquences. Les enseignants
doivent structurer, suivre et orienter le travail des étudiants tout en
évitant d’imposer une méthode de résolution
préétablie. Toutes ces tâches accroissent la
complexité des séquences pédagogiques et font
émerger le besoin de supports adaptés (Land et al., 2012).
C’est dans ce contexte que la plateforme LabNbook a vu le jour. Elle est
le fruit de recherches menées en didactique sur les environnements
informatiques pour l’apprentissage des sciences. La conception de la
plateforme a été inspirée par le cadre des théories
socioconstructivistes de l’apprentissage : la construction de
connaissances résulte de la confrontation entre les connaissances de
l’étudiant, ses perceptions du monde réel et les
interactions qu’il entretient avec son environnement social. Suivant ces
principes, LabNbook a été conçu pour aider les
étudiants à mener des démarches expérimentales en
interaction avec d’autres étudiants et sous la supervision de leurs
enseignants (d’Ham et al., 2021).
À partir de 2017, LabNbook a été diffusé de
façon massive, en particulier à l’université Grenoble
Alpes et à Grenoble INP (plus de 3500 étudiants utilisateurs
annuellement). Un volet d’évaluation conséquent a
été mis en place pour déterminer si, conformément
aux intentions initiales des concepteurs, la plateforme soutient les
pédagogies actives, voire impulse la transformation des pédagogies
mises en place par les enseignants et notamment vers des pédagogies
actives.
La question des liens entre innovation technologique et transformation
pédagogique est une thématique importante, non seulement dans
l’espace public à travers les recommandations gouvernementales pour
la rénovation des pratiques d’enseignement, mais également
dans les recherches conduites depuis plus de vingt ans autour de l’impact
des Technologies de l’Information et de la Communication pour
l’Enseignement. En témoignent également, le nombre de
Webinaires, d’appels à projets, à communication ou à
publications parus ces dernières années. Mais si la notion
apparaît fréquemment dans l’espace public, elle n’a pas
fait l’objet d’une caractérisation précise dans les
travaux sur le sujet. Cet article propose de répondre à deux
questions : un outil numérique conçu pour soutenir à
la fois l’apprentissage disciplinaire et les pédagogies actives,
mais qui n’impose aucune démarche pédagogique
spécifique, agit-il comme vecteur de transformation de la
pédagogie des enseignants sur le long terme ? Si oui, comment
caractériser les transformations ?
Nous commençons par établir un état de l’art sur
les travaux ayant cherché à mesurer les liens entre innovation
technologique et transformation pédagogique. Nous présentons
ensuite les éléments contextuels relatifs à
l’étude menée, puis les cadres d’analyse et la
méthode de recueil des données déployés pour
conduire cette évaluation. Nous abordons ensuite les résultats de
l’évaluation, traités en deux temps : avant et
après utilisation de la plateforme. Nous concluons enfin cet article par
une discussion où nous proposons une caractérisation de la
transformation pédagogique au regard des résultats de cette
recherche.
2. État de l’art
Dès l’apparition des premiers
ordinateurs dans les salles de classe, la question des liens entre innovation
technologique et innovation pédagogique a été posée.
De nombreux travaux de recherche, en France et à l’international,
révèlent une opposition, toujours d’actualité, autour
des effets du numérique sur les pratiques d’enseignement (Bernard et Fluckiger, 2019).
D’un côté, nous trouvons les partisans d’une forme
de « déterminisme technologique » (Baron, 2014),
soutenant l’idée selon laquelle les technologies seraient porteuses
d’un pouvoir, presque automatique, de transformation des pratiques
pédagogiques des enseignants (Bernard et Fluckiger, 2019).
En France, cette représentation de la place du numérique dans
l’enseignement est défendue dans plusieurs rapports et
recommandations gouvernementales pour la rénovation des pratiques
d’enseignement (Le Déaut, 2013), (Bertrand, 2014), (Dubrac et Djebara, 2015).
Elle met l’accent sur les potentiels du numérique, envisagé
de façon très globale, pour aider les enseignants à
diversifier leurs méthodes pédagogiques, les modes
d’accès aux contenus et aux services pédagogiques, et ainsi
favoriser la transformation de la relation entre étudiants et enseignants
dans l’objectif de la renforcer (Duguet et Morlaix, 2018).
Un certain nombre de recherches, d’abord conduites dans les pays
anglo-saxons, un peu plus tard en France, ont ainsi montré que
l’usage du numérique en classe pouvait constituer un catalyseur de
transformations de l’enseignement (Sandholtz et al., 1997).
En Angleterre, Roschelle et al. (Roschelle et al., 2001) ont mis l’accent sur les apports positifs de certaines technologies et
logiciels spécifiques pour transformer les contenus enseignés aux
élèves et la manière de les leur enseigner. Aux Etats-Unis,
une étude, visant à examiner l'évolution – en
matière de compétences techniques, de connaissances, de pratiques
pédagogiques générales et de pratiques liées
à l'utilisation des ordinateurs – d’enseignants ayant suivi
un programme de formation intensif, montre que ces derniers peuvent être
amenés à utiliser la technologie d'une manière
considérée comme plus « constructiviste » et
ce, alors que leurs autres pratiques pédagogiques peuvent demeurer
très transmissives (Matzen et Edmunds, 2007).
En France, plusieurs recherches ont également défendu
l’idée selon laquelle l’usage du numérique
constituerait un levier pour transformer les pratiques d’enseignement
propres à certaines disciplines (Amadieu, 2021), (Delforge et al., 2019).
À l’opposé de cette vision du
numérique comme catalyseur du changement pédagogique, plusieurs
travaux ont mis en évidence que, si transformation pédagogique il
y a, celle-ci s’opère le plus souvent à la marge, et que le
numérique n’entraîne pas nécessairement les
innovations pédagogiques attendues (Cuban et al., 2001), (Zhao et al., 2002), (Tricot, 2017).
Un certain nombre d’études ont montré que
l’utilisation d’équipements et de logiciels informatiques en
classe soutient plutôt qu’elle ne modifie profondément les
modèles existants de pratiques d’enseignement. L’étude
de Cuban et al. (Cuban et al., 2001) conduite dans deux écoles secondaires situées au cœur de la
Silicon Valley en Californie a mis en évidence que malgré
l’équipement « massif » des salles de classe en
ordinateurs, la plupart des enseignants demeurent des utilisateurs occasionnels,
voire des non-utilisateurs. Plus encore, lorsqu'ils utilisent les ordinateurs
pour le travail en classe, leur utilisation contribue à maintenir,
plutôt qu’à modifier, les modèles transmissifs de
pratiques d'enseignement. En France, une recherche visant à comprendre
l’impact de l’introduction massive des Environnements
Numériques de Travail (ENT) sur 238 enseignants de collèges,
montre que leurs usages se sont finalement tournés vers la communication
et l’échange d’informations, sans que se mette en place une
réelle collaboration entre enseignants, pourtant initialement attendue (Hanna et Charalampopoulou, 2019).
Une recherche-action menée au Québec a mis en évidence que
l’implantation massive de tableaux numériques interactifs en
éducation ne conduit à des innovations pédagogiques que
parmi les quelques enseignants prêts à s’éloigner le
plus de leur utilisation traditionnelle du tableau, pour engager leurs
élèves dans des activités de co-construction des
idées (Raby et al, 2019).
Certaines études ont cherché à identifier les raisons
expliquant que l’introduction du numérique en classe ne conduise
pas toujours les enseignants à innover. Plusieurs d’entre elles
soutiennent ainsi que les innovations les plus éloignées des
pratiques existantes ont moins de chances d’aboutir à une
transformation, tout comme celles qui privent les enseignants d’autonomie
pour la construction de leurs séquences d’enseignement et demandent
l’intervention de personnels extérieurs (Zhao et al., 2002).
Ces résultats conduisent à plaider pour l’adoption
d’une approche progressive et évolutive plutôt que
révolutionnaire du changement. La question du temps nécessaire
à la transformation pédagogique a souvent été
abordée en filigrane dans les études ayant cherché à
mesurer les effets de l’utilisation des technologies sur les pratiques
enseignantes. Dans une étude expérimentale visant à
comparer les changements de comportements des enseignants au fil du temps, Van
Tassel-Baska et al. (Van Tassel-Baska et al., 2008) ont postulé que le changement pédagogique prenait au moins deux
ans pour prouver son efficacité et inscrire définitivement la
certitude de ses avantages pour l'apprentissage des élèves.
Bien que la question du lien entre usage du numérique et
transformation pédagogique ait fait l’objet de nombreuses
recherches depuis plus d’une vingtaine d’années, peu de
théories ou de modèles d’analyse ont finalement
émergé de ces travaux (Cros, 1997). Une
autre difficulté qui apparaît à la lecture de ces articles
est l’absence d’éléments de définition et de
cadrage sur, d’une part, la notion de transformation, d’innovation
ou changement pédagogique et, d’autre part, la technologie
elle-même, qui demeure très souvent abordée dans sa
globalité.
Dans la plupart des travaux référencés ici, la question
de la transformation pédagogique est appréhendée à
partir de l’usage de termes comme « innovation »,
« changement » ou « transformation »
pédagogique. La difficulté majeure réside dans la
caractérisation de ce que les auteurs entendent par ces termes, car
introduire un outil numérique dans son enseignement peut
déjà, en soi, être considéré comme une
démarche de transformation pédagogique. Alors de quoi parle-t-on
lorsque l’on parle de transformation pédagogique ? Sur quels
éléments du contenu de l’enseignement, des pratiques ou de
la réalisation pédagogique peuvent s’opérer des
changements induits par l’usage de la technologie ? Dans bien des cas, la
transformation est envisagée sur le plan d’une innovation dans les
méthodes d’enseignement, à travers un changement de
paradigme pédagogique, impliquant un « abandon du modèle
transmissif centré sur l’enseignant » (Duguet, 2014).
Dans plusieurs travaux auxquels nous avons fait référence (Cuban et al., 2001), (Roschelle et al., 2001), (Matzen et Edmunds, 2007),
il s’agissait alors de savoir si l’usage de la technologie pouvait
promouvoir l’étudiant et entraîner le passage d’un
enseignement de type traditionnel et transmissif à un enseignement plus
compatible avec les idées du constructivisme. Mais la plupart de ces
recherches ne définissent pas précisément les
critères retenus – et attendus – pour
caractériser ces évolutions dans les pratiques des enseignants. De
la même manière, peu de travaux envisagent les transformations des
objectifs pédagogiques visés en termes de savoirs disciplinaires.
Par exemple, si l’étude de Roschelle et al. (Roschelle et al., 2001) questionne l’impact de certaines technologies sur les apprentissages
disciplinaires, elle le fait sous le prisme de l’étudiant, peu sous
celui des pratiques des enseignants qui définissent le contenu du savoir
enseigné.
Si, dans ces travaux interrogeant le lien entre innovation technologique et
innovation pédagogique, le concept d’innovation pédagogique
demeure souvent flou, il en va de même de la manière
d’aborder l’innovation technologique elle-même. La technologie
est souvent envisagée de façon très globale –
« le numérique »,
« l’ordinateur », les « ENT »,
etc. – et, lorsqu’il s’agit de technologies plus pointues, peu
de liens sont véritablement établis entre les
spécificités de la technologie étudiées – ses
fonctionnalités, ses outils dédiés à
l’exécution de certaines tâches précises, etc. –
et les transformations pédagogiques pouvant être raisonnablement
attendues.
Dans cet article, nous faisons l’hypothèse que les
spécificités de la technologie peuvent soutenir des
transformations pédagogiques variées, touchant à divers
éléments de la séquence pédagogique :
organisation des séances de cours, activités pédagogiques
mises en place pouvant permettre de tendre vers des pédagogies plus
actives, contenus disciplinaires enseignés, rôle et place de
l’enseignant dans la classe, etc. Comprendre la nature des transformations
opérées grâce à la technologie, impose de revenir au
potentiel de transformation porté par l’outil lui-même.
C’est notamment par une étude longitudinale, impliquant de suivre
les différentes phases d’instrumentation qui s’opèrent
sur un temps relativement long (Van Tassel-Baska et al., 2008), (Mendoza et al., 2010),
que nous pouvons comprendre comment la fonction première de
l’outil, ses différentes fonctionnalités et son potentiel
sont éventuellement « détournés » au
profit d’un usage adapté aux objectifs pédagogiques de
l’enseignant ou, au contraire, exploités en vue de répondre
à de nouvelles intentions pédagogiques.
3. Contexte de l’étude
Dans cette partie, nous présentons les
éléments contextuels relatifs à l’étude
menée, en lien avec (i) les spécificités de la plateforme
numérique étudiée pouvant impulser des transformations au
niveau des enseignements et (ii) les caractéristiques des situations
d’enseignements pouvant être transformées par
l’adoption de la plateforme.
3.1. La plateforme LabNbook
La plateforme numérique LabNbook a été conçue
dans l’optique de fournir un support à la conduite de
démarches expérimentales pour des étudiants travaillant
collaborativement, sous la supervision de leurs enseignants (d’Ham et al., 2021).
De façon pratique, la plateforme propose des espaces partagés de
production d’écrits scientifiques, ceux-ci pouvant être des
rapports de projets, des comptes rendus de TP, des cahiers de laboratoire, des
cahiers d’exercices, etc. LabNbook est ainsi utilisé pour enseigner
les sciences expérimentales (biologie, chimie et physique) dans des
situations très diverses : en travaux pratiques (TP), en
pédagogie de projet, en modalité présentielle ou à
distance, synchrone ou asynchrone, au lycée ou dans l’enseignement
supérieur. Trois caractéristiques constituent la
spécificité de LabNbook par rapport à d’autres
plateformes numériques d’enseignement ou à des suites
bureautiques en ligne : des outils disciplinaires d’écriture
et d’apprentissage, le support du travail collaboratif et itératif,
et une liberté pédagogique totale laissée aux
enseignants.
LabNbook embarque des outils disciplinaires d’écriture et
d’apprentissage. À la manière d’un notebook
numérique, les écrits produits dans LabNbook sont composites,
c’est-à-dire constitués d’une agrégation de
documents. Ces documents peuvent être de quatre types : textes,
schémas, protocoles expérimentaux et jeux de données
(figure 1). Pour produire ces documents, quatre outils sont fournis aux
étudiants. Tous sont adaptés, plus ou moins fortement, à
l’objectif principal de LabNbook qui est de soutenir les
étudiants dans la mise en place ou le suivi d’une démarche
expérimentale : l’outil « texte » comporte
un éditeur d’équations mathématiques et
chimiques ; l’outil « schémas » incorpore
des bibliothèques de dessins utiles pour certains domaines disciplinaires
comme la mécanique des fluides ou la chimie organique ;
l’outil « protocoles » permet d’écrire
des protocoles expérimentaux avec un guidage plus ou moins poussé,
selon les souhaits de l’enseignant ; pour finir, l’outil
« jeux de données » permet de collecter des
données expérimentales, de les afficher sur un graphique XY et de
les modéliser avec une fonction mathématique
paramétrée par ajustement des paramètres de la fonction.
Les adaptations réalisées sur des outils existants ou des outils
spécifiquement créés pour LabNbook ont été
spécifiées au cours de travaux en didactique portant sur
l’identification des besoins des étudiants pour produire des
écrits scientifiques dans un contexte d’apprentissage. À ce
titre, les outils « protocoles » et « jeux de
données » permettent d’outiller les étudiants pour
réaliser des tâches qui, du fait de leur complexité, ne sont
généralement pas dévolues aux étudiants dans un
enseignement expérimental : la conception d’une
expérience et la modélisation de données
expérimentales.
À la différence de la première caractéristique de
LabNbook, la deuxième n’est pas liée aux aspects
disciplinaires de l’enseignement des sciences expérimentales, mais
au support du travail collaboratif et itératif. Dans la
plateforme, les étudiants réalisent leurs travaux en
équipe, chaque membre de l’équipe ayant des droits
équivalents aux autres sur les contenus produits. Pour favoriser la
collaboration, des outils de communication (messagerie, fils de discussion
liés à chaque document produit) ainsi qu’un outil
d’échange de ressources sont disponibles (figure 1).
L’enseignant a, lui aussi, accès à la messagerie pour
communiquer avec les étudiants, mais il possède surtout des outils
spécifiques qui lui permettent de suivre le travail des étudiants
et de leur proposer des rétroactions : accès à tout
moment aux écrits des étudiants, annotation de ces écrits
et affichage de tableaux de bord de suivi de l’activité des
étudiants via différents indicateurs : ressources
consultées, temps d’écriture active, importance de la
collaboration, etc.
Figure 1 • Structure d’un rapport
étudiant sur LabNbook, avec les quatre outils d’écriture et
les trois outils supports à la collaboration
Bien que la plateforme LabNbook ait été conçue à
partir d’un modèle didactique (d’Ham et al., 2021) et avec l’intention de soutenir les enseignements expérimentaux et
les pédagogies actives, la troisième caractéristique de
LabNbook est de ne pas imposer de démarche pédagogique
préétablie ; elle laisse aux enseignants une totale
liberté pédagogique pour définir leurs objectifs
d’apprentissage et leurs stratégies d’enseignement. Dans
LabNbook, une « mission » désigne une activité
dévolue à des équipes d’étudiants.
L’enseignant compose entièrement l’espace de travail de la
mission en le structurant en différentes parties accompagnées de
consignes de travail, en définissant l’accès des
étudiants à certains outils et ressources et en étayant
plus ou moins le travail à réaliser par la configuration initiale
des outils d’écriture. LabNbook permet aux enseignants de
scénariser leur enseignement de façon plus ou moins
élaborée, cela allant du remplacement des comptes rendus papier
lors de séances de TP classiques, au guidage de démarches
expérimentales complexes par exemple, lors de séances
d’apprentissage par problème réparties sur plusieurs
semaines (Hoffmann et al., 2021).
3.2. Enseignements concernés par l’évaluation
Avec plusieurs milliers d’utilisateurs par an dans des lycées et
des établissements d’enseignement supérieur,
l’évaluation de LabNbook a pu être conduite en milieu
écologique, selon une approche systémique, ce qui assure des
résultats représentatifs d’une utilisation réelle.
Pour limiter les contours de l’évaluation, celle-ci a
porté exclusivement sur l’enseignement supérieur. Un
dispositif d’étude a été mis en place avec des
enseignants-utilisateurs de l’université Grenoble-Alpes et de
Grenoble-INP afin d’explorer l’impact de LabNbook sur leurs
pratiques et sur celles des étudiants. À la différence du
primaire et du secondaire où les enseignants sont soumis à des
programmes nationaux prescrivant les objectifs et les compétences
visés pour chaque niveau scolaire, les enseignants du supérieur
bénéficient d’une liberté importante pour
élaborer leurs séquences pédagogiques : ils ont la
possibilité de définir eux-mêmes les objectifs
d’apprentissage disciplinaires et transversaux visés dans leur
enseignement, de construire les activités pédagogiques de leur
choix et de définir les modalités d’évaluation des
acquis, en cours ou à l’issue de leurs séquences
pédagogiques. Ce contexte d’utilisation apparaît comme
particulièrement approprié pour observer des transformations
pédagogiques en lien avec l’usage de LabNbook qui, nous
l’avons dit, offre des possibilités d’utilisation diverses.
4. Cadres utilisés pour l’évaluation
4.1. Les pédagogies actives
Afin d’évaluer l'aspect
« actif » des pédagogies mises en place par les
enseignants nous avons retenu la caractérisation qu’en fait Denis
Lemaître (Lemaître, 2007) à partir de son analyse de quatre-vingt articles contenus dans les actes
du colloque Questions de pédagogie dans l’enseignement
supérieur (édition 2005). Il propose de caractériser le
courant des pédagogies actives comme un mode d’apprentissage se
démarquant « d’une vision traditionnelle exclusivement
centrée sur les connaissances à acquérir [...] pour
privilégier un « apprentissage par les
activités », et revendiquant une perspective
socioconstructiviste prenant en compte la dimension collaborative des projets
grâce à la juxtaposition des processus de communication et
d’échange, des processus cognitifs et des processus
opérationnels. » (p. 82). Il n’est pas possible
de dresser une liste exhaustive des activités et des organisations
pédagogiques pouvant être proposées pour prétendre
entrer dans le courant des pédagogies dites
« actives », mais l’analyse citée ci-dessus
permet de dégager quelques éléments souvent constitutifs de
ce type de pédagogies, comme donner la possibilité aux
étudiants de travailler en autonomie (en séances et hors
séances), en collaboration avec d’autres étudiants, en ayant
la possibilité d’évaluer eux-mêmes leurs erreurs ou de
réitérer l’exécution de certaines tâches si
besoin. Pour construire nos outils de mesure, nous avons finalement
dégagé six critères correspondant à la fois aux
caractéristiques des pédagogies actives identifiées dans la
littérature (première colonne du tableau 1) et aux
spécificités de la plateforme pouvant les soutenir (seconde
colonne du tableau 1).
Tableau 1 • Indicateurs de la nature des
pédagogies mises en place en lien avec les outils et
caractéristiques de LabNbook
Indicateurs de pédagogie active |
Outils et caractéristiques de LabNbook |
Les objectifs d’apprentissage et les compétences visées
sont explicités aux étudiants |
Les enseignants peuvent intégrer des consignes et des documents
ressources dans la mission |
Les modalités de résolution de problèmes sont
déléguées aux étudiants |
Les enseignants peuvent structurer la mission de manière à
guider plus ou moins le travail des étudiants
Les enseignants peuvent étayer plus ou moins le travail des
étudiants en configurant les outils de rédaction |
Le travail collaboratif est encouragé |
Les étudiants peuvent être mis en équipe pour travailler
sur un même projet
Les étudiants ont accès à un fil de commentaires
lié à chaque document produit |
Certaines tâches peuvent être réalisées en dehors
des séances en présentiel |
Les étudiants peuvent travailler à distance, en synchrone ou
asynchrone : les outils et les contenus sont accessibles en permanence pour
tous les étudiants de l’équipe
Un outil de messagerie permet de gérer la communication à
distance |
Le travail des étudiants est validé en cours
d’activité (évaluation formative) |
Les enseignants ont accès en permanence aux productions des
étudiants et peuvent les annoter pour fournir des rétroactions |
Les étudiants peuvent travailler de manière
itérative |
Le suivi des équipes d’étudiants par les enseignants est
facilité par un tableau de bord qui fournit des indicateurs sur le
travail effectué
Les enseignants ont accès en permanence aux productions des
étudiants et peuvent les annoter pour demander des améliorations
Les étudiants peuvent améliorer leurs productions plus
facilement que si elles étaient écrites sur papier |
4.2. L’alignement pédagogique
Notre hypothèse postule que s’il y a transformation
pédagogique, celle-ci n’est pas forcément limitée
à une évolution sur l’axe des pédagogies plus ou
moins actives. Nous avons ainsi cherché à déterminer quels
éléments caractéristiques d’une situation
d’enseignement pourraient se trouver impactés par l’usage du
numérique. Nous nous sommes appuyés sur le modèle de
l’alignement pédagogique (Biggs, 1996) qui
décrit la nécessaire mise en cohérence de trois
ingrédients lors de la construction d’une séquence
pédagogique par un enseignant :
– Les objectifs d’apprentissage (OA) visés, définis
comme l’ensemble des connaissances et des compétences que les
étudiants doivent maîtriser au terme d'un enseignement. Nous
proposons de différencier les objectifs pédagogiques selon deux
catégories :
• Les compétences disciplinaires, entendues comme
l’acquisition de savoirs et de savoir-faire (concepts, méthodes de
résolution de problème, techniques de laboratoire ou encore
étapes de la démarche expérimentale) propres aux
disciplines expérimentales pour lesquelles a été
conçue la plateforme. Dans la suite de cet article, nous parlerons
d’objectifs d’apprentissage disciplinaires (OAD).
• Les compétences transversales, comme apprendre à
communiquer avec les membres de son équipe, à organiser la
répartition du travail, à prendre en compte les consignes
données, etc. Ces compétences ne sont pas propres aux sciences
expérimentales mais leur acquisition dépend fortement des
activités pédagogiques proposées dans les situations
d’apprentissage. Nous parlerons d’objectifs d’apprentissage
transversaux (OAT).
– Les activités pédagogiques (AP) proposées,
caractérisées par l'ensemble des tâches assignées aux
étudiants, les contraintes sur leur organisation (aspects collaboratifs
notamment), la manière dont elles sont distribuées temporellement
(séquençage des activités, choix des modalités
synchrone ou asynchrone) et spatialement (travail à distance ou en
présentiel) et l’accompagnement réalisé par les
enseignants.
– L’évaluation des acquis à l’issue de la
séquence.
Nous avons choisi de caractériser la transformation d’une
séquence pédagogique induite par l’introduction de LabNbook
en évaluant les modifications opérées par les enseignants
sur les deux premiers ingrédients du modèle de l’alignement
pédagogique. En effet, pour cette recherche, nous n’avons pas eu
accès aux évaluations mises en place par les enseignants et
n’avons donc pu mesurer leurs évolutions éventuelles avec
l’usage de la plateforme. Cette limite s’explique en partie par le
fait que LabNbook n’intégrait pas d’outil
d’évaluation au moment de notre étude.
5. Méthodes
Nous l’avons vu, la question du temps
nécessaire pour observer une transformation pédagogique est une
question importante (Zhao et al., 2002), (Van Tassel-Baska et al., 2008), (Mendoza et al., 2010).
Outre la liberté dont bénéficient les enseignants pour
élaborer leurs séquences pédagogiques, une autre
particularité de l’organisation de l’enseignement
supérieur, est que les séquences pédagogiques se
déroulent généralement sur un semestre complet (soit
environ douze semaines de cours), puis ne sont rejouées que
l’année suivante avec de nouveaux étudiants. Ceci implique
pour le chercheur d’attendre au moins une année universitaire pour
observer d’éventuelles transformations pédagogiques induites
par l’usage de la technologie. Pour répondre à cette
nécessité d’intégrer la question du temps
nécessaire à la transformation pédagogique, et ainsi
pouvoir la mesurer, nous avons construit un Processus d’Evaluation
Longitudinal (PEL) (Mandran et al., 2019), (Planche et al., 2019).
Avant de décrire le PEL élaboré pour recueillir nos
données, nous commençons par décrire brièvement la
posture épistémologique adoptée pour conduire notre
recherche.
5.1. Posture épistémologique
Pour la construction de notre évaluation et l’analyse de nos
données, nous avons adopté une posture
épistémologique inspirée de la sociologie
compréhensive de Max Weber (Weber, 1971) qui
vise la recherche du sens et des motivations à l’origine des
comportements humains et constitutifs des actions dont il s'agit de rendre
compte. Pour Weber, toute action est guidée par des intentions et des
attentes subjectives dont il revient au chercheur de rendre compte. Dans cette
optique, nous avons donc veillé à attribuer du crédit aux
explications et aux motivations des enseignants, à comprendre leurs
raisons d’agir en adoptant une démarche orientée vers la
recherche du sens qu’ils donnent à leurs comportements et à
leurs choix vis-à-vis de LabNbook.
5.2. Données mobilisées et outils de mesure
Le Processus d’Evaluation Longitudinal (PEL) a été
élaboré sur la base de la méthode THEDRE (Mandran, 2018).
L’évaluation s’est déroulée sur trois
années d’enseignement, de septembre 2017 à juin 2020.
Différents outils de mesure ont été construits afin de
collecter des données auprès des enseignants et des
étudiants à différents moments de
l’utilisation : avant enseignement ou après enseignement, lors
de la première, deuxième ou troisième année
d’utilisation. In fine, le PEL a impliqué 23 unités
d’enseignement, 157 enseignants et 1345 étudiants de l’UGA et
de Grenoble INP. Le tableau 2 fournit un aperçu des différents
outils de mesure, organisés par type d’approche (quantitative vs
qualitative) et par nature des données collectées (factuelles vs
déclaratives).
Tableau 2 • Outils de mesure du PEL
organisés par approche et par nature des données
|
Approche quantitative |
Approche qualitative |
Données de nature factuelle |
Traces d’activité des étudiants (n=4,6M) |
Analyse des missions (n=144)
Débriefings, séminaires, etc. |
Données de nature déclarative |
Questionnaires baromètres enseignants (n=159)
Questionnaires de satisfaction étudiants (n=1345) |
Entretiens semi-directifs pré et post-utilisation avec les
enseignants (n=47) |
Pour cet article, nous mobilisons les données qui concernent
uniquement les enseignants et qui sont issues des questionnaires
baromètres et des entretiens pré et post-utilisation.
5.2.1. Les questionnaires baromètres
Dans le cas des questionnaires baromètres (QB), le protocole supposait
de faire passer un même questionnaire aux enseignants-utilisateurs une
première fois avant utilisation de la plateforme et après chaque
période d’utilisation. L’évolution des réponses
au fil de l’appropriation de la plateforme devait permettre de prendre la
mesure des transformations opérées. Ce questionnaire comportait
une série de 39 questions fermées (modalités de
réponses sous forme d’échelle de Likert à quatre
niveaux), dont 11 correspondaient aux caractéristiques retenues ici pour
qualifier les évolutions pédagogiques éventuelles vers des
pédagogies plus actives (7 questions) ou les transformations des
objectifs pédagogiques visés (4 questions). Des exemples de
questions sont donnés dans le tableau 3.
Au cours des trois années de l’étude, 159 questionnaires
baromètres ont été remplis par des enseignants. Afin de
s’assurer que les évolutions observées dans les
réponses aux questions résultent d’un réel changement
individuel d’opinion parmi les utilisateurs familiers de la plateforme,
nous avons choisi d’exploiter les 64 questionnaires des 32 enseignants
ayant répondu avant utilisation de la plateforme (32 QB0) et après
une première utilisation de la plateforme (32 QB1).
Si l’approche par questionnaire permet de mesurer quantitativement un
phénomène, elle comporte des limites qu’il convient de
souligner dès à présent. D’une part, les questions
fermées et ciblées sur les pratiques pédagogiques des
répondants peuvent faire l’objet d’interprétations
variables et correspondre à des réalités différentes
selon les enseignants (cela peut être, par exemple, le cas concernant
l’interprétation donnée au travail itératif).
D’autre part, il est probable qu’en « imposant »
une liste de questions fermées, les répondants se voient dans
l’obligation de se prononcer sur des aspects de leurs pratiques qui
n’auraient pas émergé de façon naturelle si la
question ne leur avait pas été posée directement. En
laissant davantage d’ouverture à l’expression
spontanée des intentions et du sens donné par les acteurs à
leurs comportements et à leurs choix, les entretiens permettent de
contrebalancer les limites observées avec les questionnaires et de
fournir des données, certes limitées à un plus petit nombre
de cas, mais plus proches de notre posture épistémologique.
5.2.2. Les entretiens
Un guide d’entretien semi-directif
« pré-utilisation » (avant utilisation de LabNbook) a
été construit sur la base de questions ouvertes, de manière
à laisser les enseignants expliciter, de la manière la plus
spontanée possible, leurs pratiques enseignantes, leurs attentes et leurs
intentions pédagogiques avant utilisation de la plateforme. Un second
guide d’entretien semi-directif, « post-utilisation »,
a été élaboré de manière à permettre
aux enseignants d’expliciter le contexte dans lequel la plateforme a
été utilisée, de décrire les éventuelles
évolutions de leurs pratiques pédagogiques et
l’évolution de leurs motivations et de leur satisfaction
vis-à-vis de LabNbook au fil du temps. Des exemples de questions sont
donnés dans le tableau 3.
Pour cet article, nous mobilisons 15 entretiens pré-utilisation et 20
entretiens post-utilisation. Les entretiens post-utilisation ont
été obtenus après deux ou trois années
d’utilisation de LabNbook. Les entretiens ont été
enregistrés, intégralement retranscrits et ont fait l’objet
d’une analyse thématique (Beaud et Weber, 2010), (Paillé et Mucchielli, 2021).
Tableau 3 • Exemples de questions posées
autour des pédagogies actives dans les différents outils de mesure
Critère évalué |
Formulation de la question |
Explicitation des objectifs d’apprentissage et des compétences
visées |
Questionnaires baromètres |
« Pour cette formation, j’explique aux étudiants les
objectifs d'apprentissage visés » |
Entretien pré-utilisation |
« Pouvez-vous me décrire vos objectifs
d’apprentissage pour cet enseignement ? » |
Entretien post-utilisation |
« Pouvez-vous me décrire vos objectifs
d’apprentissage pour cet enseignement ? » |
Modalités de résolution de problèmes
déléguées aux étudiants |
Questionnaires baromètres |
« Pour cette formation, je laisse la liberté aux
étudiants de choisir leurs méthodes de résolution des
problèmes » |
Entretien pré-utilisation |
« Pouvez-vous me décrire vos attentes vis-à-vis des
étudiants, pour la résolution de
problèmes ? » |
Entretien post-utilisation |
« Pouvez-vous me décrire vos attentes vis-à-vis des
étudiants pour la résolution de
problèmes ? » |
Encouragement du travail collaboratif |
Questionnaires baromètres |
« LabNbook facilite(ra) le travail collaboratif des
étudiants » |
Entretien pré-utilisation |
« Comment pensez-vous organiser le travail individuel/en groupe
avec LabNbook ? » |
Entretien post-utilisation |
« Comment organisez-vous le travail individuel/en groupe avec
LabNbook ? » |
Possibilité de réaliser des tâches en dehors des
séances en présentiel |
Questionnaires baromètres |
« Pour cette formation je demande aux étudiants du travail
en dehors des séances » |
Entretien pré-utilisation |
« Comment pensez-vous faire utiliser LabNbook à vos
étudiants pendant les séances et hors
séances ? » |
Entretien post-utilisation |
« Comment faites-vous utiliser LabNbook aux étudiants
pendant les séances et hors séances ? » |
Validation du travail des étudiants en cours d’activité
(évaluation formative) |
Questionnaires baromètres |
« Pour cette formation, je valide le travail des étudiants
en cours d'activité » |
Entretien pré-utilisation |
« Pensez-vous utiliser LabNbook pour suivre et valider le travail
des étudiants ? Comment ? » |
Entretien post-utilisation |
« Avez-vous utilisé LabNbook pour suivre et valider du
travail des étudiants ? Comment ? » |
Possibilité de travailler de manière itérative |
Questionnaires baromètres |
« Pour cette formation, je permets aux étudiants de
travailler de manière itérative » |
Entretien pré-utilisation |
« Pouvez-vous m’expliquer les consignes données aux
étudiants concernant la réalisation du travail
demandé ? » |
Entretien post-utilisation |
« Pouvez-vous m’expliquer les consignes données aux
étudiants concernant la réalisation du travail
demandé ? » |
6. Résultats
6.1. Avant utilisation de LabNbook : activités
pédagogiques existantes et intentions d’usage de la plateforme
Pour mesurer les
transformations pédagogiques au fil de l’utilisation de LabNbook,
nous prenons appui sur le concept d’utilité perçue (Tricot et al., 2003), (Davis, 1989) qui
renvoie au degré avec lequel un individu considère que
l’utilisation d’un outil est susceptible d’améliorer sa
performance, et sur celui d’intentions d’usage qui correspond
à « la résultante de la perception de
l’utilité et de l’utilisabilité des technologies par
les utilisateurs » (Poyet, 2015, p. 47).
Nous mobilisons les 32 questionnaires baromètres (QB0) et les 15
entretiens obtenus avant utilisation de la plateforme.
6.1.1. Caractérisation des enseignements concernés avant
utilisation de LabNbook
Les réponses aux questionnaires mettent en évidence des
différences selon les indicateurs choisis pour mesurer « le
côté actif » des pédagogies en place dans les
enseignements avant utilisation de LabNbook. C’est en particulier sur la
demande de travail en dehors des séances présentielles et
l’explicitation des objectifs d’apprentissage visés que les
enseignants interrogés sont les plus unanimes : la majorité
déclaraient demander du travail en dehors des séances à
leurs étudiants (n=29/32) et expliciter leurs objectifs
d’apprentissage (n=31/32) avant utilisation de la plateforme. Ils
étaient plus partagés concernant la possibilité de faire
travailler leurs étudiants de manière itérative (n=16/32),
de leur laisser la liberté d’organiser leur temps pendant la
séance (n=17/32), de choisir leur méthode de résolution des
problèmes (n=20/32) et de valider le travail des étudiants en
cours d’activité (n=22/32). Un peu moins d’un quart des
répondants proposaient à leurs étudiants des outils
d’auto-évaluation (n=7/32).
Les entretiens nous ont permis de caractériser l’implication
initiale des enseignants dans les pédagogies actives. Parmi les 15
enseignants rencontrés, 12 s’étaient investis dans des
pédagogies actives dans le cadre d’autres UE. C’est le cas,
par exemple, d’une enseignante de physique qui propose des
modalités d’apprentissage par problème (APP) et explique
qu’elle n’est « pas du tout enseignante par
défaut, [que] c’est un vrai choix [...] [qu’elle a] toujours
eu cette sensibilité à la démarche
pédagogique » et que LabNbook l’a moins
intéressé « par son aspect technologique, que par son
aspect outil pédagogique accompagnant la démarche
APP ».
Les résultats analysés mettent donc en lumière un
premier résultat relatif à l’acceptation de LabNbook :
les enseignants les plus enclins à utiliser LabNbook semblent être
ceux déjà engagés dans des pédagogies actives.
6.1.2. Intentions d’utilisation de LabNbook
En termes d’intentions d’utilisation de LabNbook, nous
distinguons deux groupes d’enseignants à partir de l’analyse
des questionnaires baromètres QB0 et des entretiens
pré-utilisation : d’un côté, les enseignants
ayant une intention d’utilisation floue, voire aucune intention
d’utilisation explicite, et, de l’autre, les enseignants ayant des
intentions d’utilisation plus affirmées. Nous analysons ces
intentions exprimées en fonction des trois registres d’utilisation
de notre cadre d’analyse : les objectifs d’apprentissage
disciplinaires (OAD), les objectifs d’apprentissage transversaux (OAT) et
les activités pédagogiques proposées (AP). Un même
enseignant peut avoir plusieurs intentions d’utilisation.
6.1.2.1. Aucune intention précise d’usage
Parmi les 32 enseignants ayant répondu au questionnaire, ils
étaient 9 à voir l’introduction de LabNbook dans leur
enseignement comme une contrainte potentielle. Parmi les 15 enseignants
rencontrés en entretien, seuls deux ne percevaient aucune valeur
ajoutée à l’utilisation de LabNbook. L’un de ces deux
enseignants s’était conformé au choix du reste de
l’équipe pédagogique. Il ne partageait pas l’ensemble
des intentions pédagogiques de ses collègues et voyait comme
principal intérêt à son utilisation la
« suppression des comptes-rendus papier ». Pour
l’autre, c’était principalement parce qu’il connaissait
« depuis très longtemps » deux concepteurs de
la plateforme, qu’il avait décidé de tester LabNbook :
« ça, c’était ma motivation initiale parce que,
s’il n’y avait pas eu ça, peut-être que je
l’aurais laissé de côté [...]. J’ai
d’autres choses à faire ! ».
6.1.2.2. Intentions d’usages pour l’acquisition de
compétences disciplinaires (OAD)
Dans les questionnaires, « l’aide apportée aux
étudiants pour structurer leur rapport
d’expérience » (n=27/32) et
« l’accès à des outils de rédaction
d’un rapport scientifique » (n=25/32) arrivent en tête
parmi l’ensemble des propositions relatives à
l’utilité perçue de LabNbook. L’intention
d’utilisation ciblant les compétences disciplinaires avec LabNbook
semble central pour ces répondants.
Les enseignants rencontrés en pré-entretiens, sont nettement
moins nombreux (n=3/15) à décrire une intention
d’utilisation ciblant l’acquisition de compétences
disciplinaires. C’est cependant le cas de deux enseignants de physique
d’une même UE qui décrivent assez précisément
les apprentissages disciplinaires qu’ils ciblent avec LabNbook. Un des
enseignants exprime ainsi ses intentions : « Le but ça
serait qu’au début, c’est nous qui mettions vraiment les
protocoles très stricts pour qu’ils aient une idée
d'à quoi ça ressemble [...] et après, de relâcher au
fur et à mesure pour qu’ils suivent en fait cette même
stratégie de protocole dans leur rédaction. C’est là
où on pensait que ça pourrait aider d’avoir LabNbook parce
que, pour le moment, ce qu’on a fait, c’est d’imprimer
quelques fiches clés avec les questions de base qu’ils doivent se
poser à chaque fois. S’ils ont une trame avec ces questions
clés mais qu’ils doivent rendre spécifique à la
mesure qu’ils font, je pense que ce sera nettement plus facile ».
Cet enseignant décrit un apprentissage disciplinaire très
spécifique – l’apprentissage de la structuration d’un
protocole – et projette d’utiliser les possibilités de
pré-structuration de la plateforme pour permettre aux étudiants
d’acquérir cette « stratégie de
protocole ». C’était également le cas d’une
responsable d’UE de biologie, dont les propos mettent en évidence
l’adéquation entre les objectifs d’apprentissages
– préparer la phase expérimentale en répondant
à des questions précises – et l’atteinte de ces
objectifs avec LabNbook : « en fait, le premier tutorat, il
est très théorique. C’est-à-dire qu’on discute
vraiment de l’objectif de leur projet, de leurs questions, d’arriver
à bien définir la question. [...]. Et ensuite, à la fin du
2ème tutorat, on leur distribue des fiches de manière à ce
qu’ils préparent vraiment la suite, la partie expérimentale.
Ces fiches leur permettent de répondre à des questions très
précises en fait [...]. Et ça, c’est quelque chose
qu’on peut faire de manière beaucoup plus optimisée avec
LabNbook ».
6.1.2.3. Intentions d’usages pour l’acquisition de
compétences transversales (OAT)
Les deux-tiers des répondants aux questionnaires envisageaient
LabNbook comme un support favorable pour permettre aux étudiants
d’acquérir des compétences pour « organiser leur
travail » (n=20/32), pour « partager des ressources entre
eux » (n=18/32) et « travailler de façon
collaborative » (n=18/32).
Les projections des enseignants rencontrés en entretien
pré-utilisation se focalisaient principalement sur l’acquisition de
compétences transversales par les étudiants, faisant abstraction
des outils spécifiques à l’enseignement des sciences
expérimentales. Pour ces enseignants, LabNbook était perçue
comme « un plus », un outil favorable à
l’acquisition de compétences supplémentaires, sans
mobilisation de ses spécificités pour les sciences
expérimentales : « Moi je pense que c’est un
réel outil pour arriver de plus en plus à faire travailler les
étudiants en TP sous la forme de projet. [...]. Je pense que c’est
des compétences malheureusement sur lesquelles on ne va pas assez par
rapport au besoin professionnel. Et aussi de développer leur
autonomie ». Parmi l’ensemble des compétences
transversales citées en entretien, l’apprentissage du travail
collaboratif et du travail à distance sont revenus très
fréquemment.
6.1.2.4. Intentions d’usages pour transformer les activités
pédagogiques (AP)
Les résultats issus des questionnaires et relatifs à la
perception de l’utilité de LabNbook pour soutenir les
activités pédagogiques proposées aux étudiants
mettent en évidence une volonté de transformation de la part des
enseignants. De façon générale, les trois-quarts
d’entre eux attendaient de la plateforme qu’elle leur permette de
faire évoluer leurs pratiques pédagogiques (n=24/32). Leurs
attentes en la matière ciblaient également les possibilités
de suivi de l’activité des étudiants (n=26/32). De
façon un peu moins unanimes, leur perception de l’utilité de
LabNbook portait aussi sur la facilitation du travail entre les séances
(n=20/32). Ils étaient nettement moins nombreux à envisager de
travailler de manière plus collaborative entre collègues de
l’UE (n=12/32).
Bien qu’un certain nombre d’enseignants aient
évoqué des attentes relatives à une transformation des
activités pédagogiques avec l’utilisation de LabNbook, ces
attentes sont apparues secondaires et assez floues durant les entretiens.
Certains craignaient les résistances probables de leurs collègues.
D’autres évoquaient leur intention de faciliter le travail des
étudiants entre les séances, mais sans avoir encore
d’idée précise des modalités d’organisation du
travail à distance avec LabNbook.
6.1.2.5. Conclusion sur les intentions d’usages des enseignants
Les intentions d’usages des enseignants rencontrés avant
utilisation portent donc principalement sur l’acquisition de
compétences transversales. Mais les projections demeurent
généralement floues et n’ont pas encore impliqué de
réflexion sur l’alignement pédagogique entre les objectifs
d’apprentissage ciblés et les activités pédagogiques
à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs avec l’outil.
6.2. Après utilisation de LabNbook : pédagogies soutenues
et impulsions de transformations
Avec l’utilisation de LabNbook, les enseignants sont entrés dans
une phase d’appropriation durant laquelle ils ont été
amenés à instrumenter leur activité et à
instrumentaliser la plateforme (Tricot et al., 2003), (Davis, 1989).
Certains ont été accompagnés par l’équipe
conceptrice au moment d’imaginer et de mettre en place leur scenario
pédagogique sur LabNbook, parfois après une ou deux
périodes d’expérimentation. Dans cet article, nous ne
développons pas le processus d’appropriation – ce qui
impliquerait d’opérer une analyse en profondeur des obstacles
rencontrés et des ajustements didactiques et pédagogiques
opérés – mais nous proposons d’analyser les
formes de pédagogies finalement soutenues par LabNbook et les
transformations pédagogiques impulsées par son utilisation. Nous
mobilisons les 32 questionnaires baromètres recueillis après une
année d’utilisation (QB1) de la plateforme et les 20 entretiens
réalisés à l’issue de la période
d’évaluation, après que les enseignants aient utilisé
LabNbook durant deux ou trois ans. L’analyse des entretiens
post-utilisation s’est focalisée sur la satisfaction ou les
déceptions en lien avec les intentions pédagogiques de
départ et les découvertes ayant permis d’impulser
d’éventuelles transformations pédagogiques.
6.2.1. LabNbook soutient les pédagogies actives déjà en
place
Les résultats des questionnaires à l’issue de la
période d’utilisation mettent en évidence un renforcement,
sur certains indicateurs, des pédagogies actives déjà en
place. C’est le cas, par exemple, concernant la demande de travail en
dehors des séances (de n=29 à n=32) et la liberté
laissée aux étudiants d’organiser leur temps pendant la
séance (de n=17 à n=22). L’étude des effets de
LabNbook sur les pratiques enseignantes donne des résultats stables sur
les deux aspects évalués : le suivi des étudiants
(n=26 à n=27) et l’évolution des pratiques
pédagogiques (n=28 à n=28). Dans les deux cas, les attentes
initiales en la matière étaient assez élevées et
semblent être satisfaites à l’issue d’une
première période d’utilisation.
À la question « Utiliser LabNbook est une contrainte car
c’est utiliser un outil numérique
supplémentaire », les enseignants interrogés
répondent majoritairement par la négative pour toutes les vagues
de passation. Trois enseignants qui se déclaraient en accord avec la
proposition lors de la première vague, se déclarent
néanmoins en désaccord à l’issue de la période
d’utilisation, ce qui semble témoigner d’une forme
d’appropriation de la plateforme. La proportion des répondants
faisant état de l’utilité de LabNbook reste stable au fil du
temps (n=28 à n=28), avec toutefois une légère
évolution qualitative dans le niveau d’appréciation des
enseignants interrogés : deux enseignants, « plutôt
d’accord » avec la proposition « LabNbook est utile
pour mes pratiques d’enseignement » avant utilisation, se
déclarent « Tout-à-fait d’accord »
après une période d’utilisation.
En revanche, LabNbook n’impulse aucune évolution remarquable
concernant la mise à disposition d’outils
d’auto-évaluation et la possibilité de faire travailler les
étudiants de manière itérative : ces pratiques, peu
fréquentes, se maintiennent presque à l’identique
après une période d’utilisation de la plateforme.
Néanmoins, aucun indicateur ne diminue significativement, ce qui laisse
penser que LabNbook soutient les pédagogies actives déjà en
place.
6.2.2. LabNbook impulse des transformations pédagogiques non
anticipées
Le rôle joué par la plateforme pour impulser des transformations
pédagogiques non envisagées initialement est un autre
résultat de l’évaluation. Si ce constat ne ressort pas des
questionnaires, c’est dans les entretiens qu’on identifie le mieux
ce phénomène. Ainsi, nous pouvons citer le cas
évoqué précédemment de cet enseignant, peu
engagé dans les pédagogies actives, qui avait pour intention
initiale la « suppression des comptes-rendus papier ». En
utilisant LabNbook, il semble découvrir à la fois de nouvelles
activités pédagogiques (AP) – échanger
régulièrement avec ses étudiants, suivre leur travail,
proposer des modalités de travail de type itératif – et
les effets de ce type de pédagogie sur le travail des
étudiants : « pour les TD, ils arrivaient en salle, si
on leur avait donné le thème du TD, ils ne le travaillaient pas
avant. Alors qu’avec LabNbook, ils sont obligés de travailler
puisqu’on pose des questions auxquelles il faut qu’ils
répondent avant de venir en TD. Donc ça, c’est
bien ». Il définit la plateforme comme un
outil « tourné vers la relation enseignant et
étudiants » et fait le constat qu’en mobilisant la
plateforme, il a finalement transformé les activités
proposées aux étudiants pour coller davantage à ses
objectifs pédagogiques (OAT).
Mais les transformations les plus notables touchent moins aux
activités pédagogiques et aux objectifs d’apprentissage
transversaux qu’aux objectifs d’apprentissage disciplinaires (OAD).
Ces transformations sont parfois impulsées par la découverte
d’une fonctionnalité dédiée aux sciences qui va
permettre d’aborder différemment une notion importante pour la
discipline. C’est ce que nous explique, par exemple, cet enseignant de
physique au sujet de l’ajustement manuel de données
expérimentales par des modèles mathématiques
paramétrés, rendu possible grâce à un outil de
LabNbook : « l’ajustement de courbes
paramétrées, moi c’est un truc que j’aime beaucoup
dans LabNbook. Ça n’existe pas à ma connaissance dans les
tableurs. Ça rend vraiment concret ce qu’est la notion
d’ajustement y compris, d’ailleurs, pour des ajustements simples par
une droite. Ça rend vraiment concret ce qu’est la pente, ce
qu’est l’ordonnée à l’origine ».
C’est également ce que nous raconte cet enseignant de chimie qui,
en se familiarisant avec certains outils, a précisé ses objectifs
d’apprentissage disciplinaires : « Cette année,
on a essayé d’aller un peu plus loin dans la simulation [...], on a
insisté sur l’importance de faire de beaux graphiques, de belles
courbes. [...]. Ils doivent tracer les courbes. C’est LabNbook qui trace
les courbes. Ils se rendent bien compte là où il y a des sauts
plus importants. Et on ne fait pas plusieurs fois les manips [...]. Donc, je
dirais qu’une première fois, c’est avec LabNbook pour
qu’ils se rendent compte où il y a un saut, qu’il faut doser
ou aller plus doucement ».
Dans certains cas, ces transformations ont été impulsées
au détour d’une phase d’instrumentation, lorsqu’il a
fallu adapter le scenario pédagogique aux contraintes de la
plateforme : « c’est parti d’une contrainte
technique, mais finalement, ça s’est avéré une
extrêmement bonne idée, le fait qu’on fasse deux missions
distinctes [...]. Et ça a très bien marché, avec des
structures de comptes rendus plus claires. Avec également [...] une
clarification sur ce qu’est la phase de manipulation, de saisie de
données et ce qu’est la phase de rédaction de compte-rendu
[...]. Enfin vraiment, je dois dire, c’était un peu
inattendu ! On voulait juste avoir des comptes-rendus plus agréables
à lire et à corriger et on s’est aperçu que
là, il y avait un vrai progrès pédagogique qu’on
n’avait pas anticipé ! Donc voilà, ça fait
très plaisir ce genre de chose parce qu’on découvre que les
outils eux-mêmes peuvent être des facteurs de progrès
pédagogiques ! ». À l’instar des propos
de cet enseignant, la satisfaction de ceux pour lesquels LabNbook a
impulsé des transformations pédagogiques non anticipées est
généralement élevée et les projections
d’utilisation future semblent évidentes.
6.2.3. LabNbook impulse une réflexion autour de l’alignement
pédagogique
Les entretiens post-utilisation mettent en évidence un constat assez
général : les enseignants dont les intentions initiales
étaient tournées principalement vers les compétences
transversales (OAT), n’établissent pas de lien clair entre
l’utilisation de LabNbook et l’acquisition attestée de ces
compétences par les étudiants. Une hypothèse possible est
qu’ils n’ont généralement pas mis en place les
modalités d’évaluation de cette acquisition. Ce faisant,
lorsque ces enseignants sont satisfaits après plusieurs périodes
d’utilisation, cette satisfaction porte généralement plus
sur les nouvelles activités pédagogiques (AP) qui ont pu
être proposées sur LabNbook et/ou sur l’acquisition de
compétences disciplinaires (OAD).
C’est, par exemple, le cas de cet enseignant de chimie dont les
attentes initiales visant l’acquisition de compétences
transversales avec LabNbook étaient fortes – il parlait notamment
de favoriser l’apprentissage du travail en mode projet, d’apprendre
à s’organiser, à se répartir le travail et à
échanger au sein d’une équipe. Voici le bilan qu’il
tire après deux périodes d’utilisation :
« c’est un outil qui m’a intéressé [...]
surtout pour la structuration du travail que l’on demande aux
étudiants [OAD] et aussi l’échange que l’on peut avoir
avec eux [AP]. [...]. Mais au moins ça a eu le gros mérite aussi
de faire réfléchir. [...]. Ça a eu le gros
intérêt de réinterroger ma pratique, mon
savoir ». Cet enseignant soulève un point important, que
l’on retrouve en filigrane dans de nombreux entretiens
post-évaluation : LabNbook impulse une réflexion sur
l’alignement pédagogique, c’est-à-dire la
cohérence entre les objectifs pédagogiques, les activités
proposées aux étudiants sur LabNbook et en dehors de la
plateforme, et les formes d’évaluation mises en place. LabNbook
peut donc impulser une réflexion – individuelle et parfois
collective – qui va éventuellement conduire à une
évolution pédagogique.
Lorsqu’émergent des désaccords au sein des équipes
pédagogiques au sujet de l’alignement pédagogique, il en
ressort un risque d’abandon de la plateforme. C’est ce qui semble se
produire dans cette UE de biologie destinée à des étudiants
de niveau Master, dans laquelle LabNbook était principalement
utilisée pour soutenir la démarche en mode projet (AP). Les
intentions initiales des enseignants ciblaient également
l’acquisition de compétences transversales (OAT), notamment
l’autonomie et la professionnalisation des étudiants, en les
poussant à collaborer davantage entre eux, à s’organiser et
à développer leur sens critique. À l’issue de deux
années d’utilisation, les enseignants dressent le constat que
« ça ne fonctionne pas très bien »
parce que les étudiants « ne jouent pas le
jeu ». Nous avons rencontré deux enseignants de cette UE.
Ces deux enseignants dressent le même bilan. L’un envisage
d’arrêter d’utiliser la plateforme, l’autre de
travailler davantage l’ajustement entre les attentes pédagogiques
et les activités – selon lui « trop complexes »
– proposées aux étudiants sur LabNbook. Sans travail autour
de cet alignement, il est probable que l’outil soit abandonné.
7. Discussion : vers une caractérisation de la transformation
pédagogique
La recherche sur les liens entre introduction
d’un outil technologique et innovation pédagogique montre une
absence de consensus dans les travaux : certains auteurs soutiennent que
l’innovation technologique serait porteuse d’un potentiel de
transformation de l’enseignement ; d’autres tendent à
relativiser cet impact, en montrant que l’innovation technologique
apporterait davantage un soutien aux pratiques existantes que de la
nouveauté.
Notre évaluation met en évidence que les enseignants qui
décident d’utiliser LabNbook ont initialement une appétence
pour les pédagogies actives. Cette adhésion initiale à ce
type de pédagogies, sous-tendue par une approche socio-constructiviste de
l’apprentissage, agit probablement sur l’utilité
perçue de la plateforme qui semble être d’abord
identifiée comme un support au niveau du déroulement des
activités pédagogiques (AP). Nous avons confirmé la
capacité de LabNbook à soutenir les pédagogies actives
déjà en place dans certains enseignements. Ce volet de notre
étude semble donc corroborer les résultats des recherches qui
estiment que l’introduction du numérique en classe soutient,
plutôt qu’elle ne transforme, les modalités
d’enseignement existantes (Cuban et al., 2001), (Zhao et al., 2002), (Hanna et Charalampopoulou, 2019), (Raby et al., 2019).
Mais, en adoptant une démarche longitudinale et en intégrant la
question du temps nécessaire à la transformation (Van Tassel-Baska et al., 2008), (Mendoza et al., 2010),
notre évaluation propose d’aller au-delà de ce constat pour
comprendre si un outil numérique comme LabNbook, suffisamment ouvert pour
n’imposer aucune démarche pédagogique a priori, peut
agir comme vecteur de transformation de la pédagogie des enseignants.
Plus encore, elle cherche à savoir ce qui se trouve impacté dans
les pratiques pédagogiques des enseignants par l’usage d’un
tel outil, et ainsi caractériser la transformation pédagogique au
regard de ces résultats.
Nous avons vu que les intentions d’utilisation initiales des
enseignants avec LabNbook ciblent peu les savoirs disciplinaires et davantage
l’acquisition de compétences transversales (OAT) ou la mise en
place d’activités pédagogiques (AP) nouvelles. Ceci est
probablement lié au fait que les enseignants identifient, en premier
lieu, les outils d’organisation, de communication, de collaboration et de
suivi de LabNbook, plus que ceux destinés spécifiquement à
l’enseignement disciplinaire. Nous avons cherché à savoir
si, en accord avec ces intentions initiales d’utilisation, les enseignants
transforment leurs pratiques au niveau des activités pédagogiques
(AP) ou des apprentissages transversaux (OAT), soit les deux ingrédients
de l’enseignement les plus susceptibles d’être impactés
par la mise en place de pédagogies actives.
Quelques enseignants rencontrés dans le cadre de notre
évaluation utilisent LabNbook de façon très basique, par
exemple uniquement pour récupérer les productions de leurs
étudiants. Si ces modalités d’utilisation transforment la
manière d’enseigner et de suivre le travail des étudiants,
elles ont peu de conséquences sur les fondements de la séquence
pédagogique : les objectifs d’apprentissage de ces enseignants
sont restés les mêmes, tout comme la plupart des activités
pédagogiques proposées aux étudiants. Ce qui était
réalisé auparavant sur un autre type de support (logiciel ou
papier), a simplement été transféré sur LabNbook. Ce
résultat corrobore encore une fois les conclusions des études qui
tendent à relativiser le lien entre innovation technologique et
innovation pédagogique (Cuban et al., 2001), (Zhao et al., 2002), (Tricot, 2017).
Un autre exemple est ce qui se passe au niveau des attentes initiales des
enseignants en matière d’acquisition de compétences
transversales par les étudiants. Nous avons vu que les intentions
initiales d’utilisation des enseignants ciblaient principalement
l’acquisition de ce type de compétences. Or, après deux
années d’utilisation de la plateforme, nous avons pu constater
qu’elles n’avaient généralement fait l’objet
d’aucune formalisation de la part des enseignants et n’avaient pas
été transformées en objectifs d’apprentissage clairs,
soutenus par des activités pédagogiques et évalués
par des modalités en cohérence avec ces objectifs. La
transformation pédagogique escomptée n’a pas vraiment eu
lieu ou demeure, de ce point de vue, à un niveau très superficiel (Matzen et Edmunds, 2007).
Certains de nos résultats permettent d’aller au-delà et
montrent que la plateforme transforme parfois en profondeur les enseignements et
les enseignants, quant aux objectifs pédagogiques qu’ils
poursuivent. De façon assez inattendue par rapport aux intentions
d’utilisations, ce sont les apprentissages disciplinaires (OAD) qui
semblent essentiellement évoluer. Ce résultat tient en partie
à la découverte, par les enseignants, d’outils très
spécialisés pour l’apprentissage des sciences
expérimentales, qui permettent de proposer de nouvelles tâches aux
étudiants (écrire des protocoles d’expérience ou
modéliser des données expérimentales). Cette transformation
nous semble plus profonde, car à la différence des modifications
qui se jouent uniquement au niveau des activités pédagogiques
proposées, elle touche à l’essence même des
apprentissages visés au cours de la séquence.
Nos résultats semblent donc mettre en évidence que les deux
orientations, apparemment opposées, issues des travaux ayant
cherché à mesurer les liens entre innovation technologique et
innovation pédagogique, peuvent cohabiter autour d’un même
outil numérique. Celui-ci peut entraîner de profondes
transformations dans l’enseignement si son usage impacte directement les
objectifs d’apprentissage visés, ou ne rien changer aux pratiques
antérieures. Le chemin qui sera emprunté par l’enseignant
dépend probablement de multiples facteurs, comme son appétence
pour le numérique ou son envie de changement, de la découverte
inattendue de fonctionnalités permettant d’imaginer une autre
manière d’enseigner (affordances de l’outil), etc. Mais nos
résultats montrent que les intentions initiales d’utilisation ont
finalement peu d’impact sur les évolutions pédagogiques qui
peuvent s’en suivre. À contrario, les fonctionnalités qui
apportent un soutien effectif à l’apprentissage disciplinaire
semblent déterminantes pour engager une véritable transformation
de l’enseignement.
Ces premiers éléments de caractérisation de la
transformation pédagogique en lien avec l’usage d’une
technologie s’accompagnent d’une condition essentielle. La phase
d’appropriation, qui suppose d’instrumenter l’activité
pédagogique et d’instrumentaliser l’outil, conduit
inévitablement à un travail, individuel ou collectif,
réalisé autour de l’alignement pédagogique. Nous
l’avons vu, l’introduction d’un nouvel outil impulse une
réflexion sur la cohérence de l’approche pédagogique,
ce qui peut éventuellement conduire à des transformations. Dans
certaines situations, il arrive que la première phase
d’instrumentation conduise les enseignants à réinterroger
l’alignement pédagogique et à modifier leurs objectifs
d’apprentissage en lien avec les spécificités de
l’outil. Dans ce cas, le travail réalisé autour de
l’alignement pédagogique participe directement à la
transformation pédagogique. Mais dans d’autres situations,
c’est bien la découverte de certaines spécificités de
la plateforme, au cours des phases d’utilisation en séance, qui
conduit les enseignants à transformer leurs objectifs
d’apprentissage disciplinaires. Dans ce cas, le travail de
« réalignement » pédagogique se fait, la
plupart du temps, au cours d’une seconde phase d’instrumentation
(généralement avant la deuxième ou la troisième
année d’utilisation) et s’organise autour de
l’émergence de ces nouveaux objectifs d’apprentissage.
La transformation pédagogique et son corollaire, le
réalignement pédagogique, apparaissent comme un facteur
prédictif de l’adoption de l’outil à long terme.
À ce jour, nous savons que les enseignants qui ont transformé
leurs objectifs d’apprentissage grâce à la plateforme, et qui
avaient travaillé l’alignement pédagogique en lien avec ces
nouveaux objectifs, continuent à l’utiliser pour leur enseignement.
À contrario, ceux pour lesquels les discussions n’avaient pas
permis de déboucher sur une mise en cohérence des activités
pédagogiques proposées, des objectifs d’apprentissage
visés et des modalités d’évaluation, ont
généralement abandonné leur utilisation de la plateforme.
S’il y a transformation des objectifs d’apprentissage sans
qu’un « réalignement pédagogique » soit
considéré, le risque d’abandon de l’outil
– et, de fait, du nouvel objectif d’apprentissage né de
son utilisation – devient fort. C’est tout
l’équilibre de la séquence pédagogique qui est alors
mis en danger. À l’inverse, lorsque l’usage d’un EIAH
conduit les enseignants à transformer leurs objectifs
d’apprentissage et que cette transformation s’accompagne d’un
travail de réalignement pédagogique des trois ingrédients
fondamentaux de la séquence pédagogique, une forte
dépendance à l’outil semble se créer et
présager de son utilisation à long terme.
8. Conclusion
Évidemment, introduire un nouvel outil dans
une pratique d’enseignement peut être considéré comme
une première démarche de transformation (Sandholtz et al., 1997), (Matzen et Edmunds, 2007).
Mais les résultats de notre recherche montrent que, lorsque le temps de
l’appropriation est accordé aux enseignants, la transformation
pédagogique va au-delà de la simple introduction de l’outil
numérique : elle peut concerner la modification de
l’organisation des activités pédagogiques (AP) ou des
objectifs d’apprentissages visés, qu’ils soient au niveau
transversal (OAT) ou disciplinaire (OAD). Notre étude n’a pas
permis de mesurer en quoi l’utilisation de l’outil numérique
a impacté le contenu de l’évaluation dans les enseignements
que nous avons étudiés, mais il apparait que, lorsque les
activités pédagogiques ou les objectifs d’apprentissage ont
été modifiés, l’alignement pédagogique entre
ces deux ingrédients et le troisième, l’évaluation, a
dû être réinterrogé. Il serait donc intéressant
d’étudier spécifiquement dans quelle mesure
l’introduction de LabNbook dans un enseignement modifie le contenu de
l’évaluation. Ceci sera facilité par le développement
d’un outil d’évaluation qui sera prochainement mis à
disposition des enseignants dans la plateforme.
Nous pouvons envisager que l’importance de la transformation
pédagogique dépende des types d’ingrédients de
l’alignement pédagogique (AP, OA, évaluation) qui sont
modifiés dans la séquence d’enseignement avec
l’introduction de l’outil numérique. Dans notre étude,
ce qui semble avoir le plus d’impact sur une appropriation à long
terme de la plateforme par les enseignants est une modification des objectifs
d’apprentissages disciplinaires. Il est possible que cet effet ne vienne
pas tant de l’aspect disciplinaire des objectifs d’apprentissage
modifiés que de l’évaluation effective de ces objectifs
d’apprentissage dans l’enseignement. Dans ce cas, nous pourrions
proposer un modèle de la transformation pédagogique suite à
l’introduction d’un outil numérique comme suit :
- Niveau 0 - aucune modification des trois
ingrédients de l’alignement pédagogique ;
- Niveau 1 - modification des activités
pédagogiques (AP) proposées dans l’enseignement ou des modes
d’évaluation de l’enseignement, sans que les objectifs
d’apprentissage ne soient modifiés ;
- Niveau 2 - modification des objectifs
d’apprentissage non évalués dans l’enseignement (dans
notre étude cela concernait les OAT), ce qui implique quasi
automatiquement une modification des activités pédagogiques, mais
pas forcément du contenu de l’évaluation ;
- Niveau 3 - modification des objectifs
d’apprentissage évalués dans l’enseignement (dans
notre étude cela concernait les OAD), ce qui implique quasi
automatiquement une modification des activités pédagogiques et du
contenu de l’évaluation, soit un réalignement complet de
l’enseignement.
Cette proposition de modèle demande à être
confirmée par des études supplémentaires, notamment
concernant l’impact de l’introduction de notre outil
numérique sur le contenu de l’évaluation mise en place par
les enseignants.
À
propos des auteurs
Maëlle Planche est ingénieure en
recueil, analyses et traitements de données au Centre des Nouvelles
Pédagogies (équipes DAPI et PerForm) et au Laboratoire
Informatique de Grenoble (équipe MeTAH). Docteure en sociologie et
ethnologue de formation, elle a travaillé sur divers projets de
recherche, d’abord dans le domaine de la santé, puis dans le
domaine des environnements informatiques pour l’apprentissage humain. Ses
travaux explorent les questions touchant aux processus d’appropriation des
EIAH et des plateformes LMS, mais aussi aux méthodes de conduite de la
recherche. Depuis 2017, elle a rejoint l’équipe conceptrice de
LabNbook et contribue à l’évaluation des usages de cette
plateforme.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : maelle.planche@grenoble-inp.fr
Toile : https://cv.archives-ouvertes.fr/maelle-planche
Cédric d’Ham est maître de
conférences à l’Université Grenoble Alpes (LIG-MeTAH)
dans le domaine des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage
Humain. Ses travaux explorent la transposition des démarches
expérimentales en enseignement avec un focus particulier sur les
tâches de conception d’expériences par les apprenants
(connaissances mises en jeu, étayages nécessaires et
apprentissages). Il a conçu et développé plusieurs
environnements informatiques pour étayer les activités
d'apprentissages en sciences expérimentales : labnbook.fr, titrab.imag.fr, copex-chimie.imag.fr.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : cedric.dham@univ-grenoble-alpes.fr
Toile : https://cv.archives-ouvertes.fr/cdham
Christian Hoffmann est maître de
conférences à l’Université Grenoble Alpes. Depuis
2018, il effectue ses recherches dans l'équipe MeTAH (Modèles et
Technologies pour l'Apprentissage Humain) du Laboratoire d'Informatique de
Grenoble. Physicien de formation, il mène actuellement des travaux
concernant les processus d’apprentissage et d’enseignement des
sciences avec des environnements informatiques. Il s’intéresse
notamment aux mécanismes d’appropriation de plateformes
numériques par leurs utilisateurs et aux modalités
d’apprentissage collaboratives entre apprenants.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : christian.hoffmann@univ-grenoble-alpes.fr
Nadine Mandran est ingénieure de recherche au Laboratoire
Informatique de Grenoble/CNRS. Elle s’intéresse aux méthodes
de recherche dont l'objectif est de créer des connaissances scientifiques
et des outils associés qui doivent être évalués avec
des humains. Elle a proposé la méthode THEDRE, conçue sur
la base de la démarche qualité en recherche et de l'approche
centrée sur l'utilisateur, dans le but d’accompagner le travail des
doctorants et de faciliter leur autonomie. Elle enseigne cette méthode
dans différentes écoles doctorales en France et en Suisse et est
responsable du groupe épistémologie et conduite de la recherche au
sein de l’ATIEF.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-PIMLIG, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : Nadine.Mandran@univ-grenoble-alpes.fr
Toile : https://hal.archives-ouvertes.fr/search/index/?q=mandran&sort=producedDate_tdate+desc
Isabelle Girault est maître de
conférences en didactique des sciences à l’université
Grenoble Alpes, dans le domaine des EIAH. Dans le cadre de l'apprentissage des
sciences expérimentales par la démarche d'investigation, ses
travaux de recherche sont centrés sur la conception expérimentale.
Ses études impliquent d'une part la modélisation de la tâche
de conception expérimentale en sciences et d'autre part la conception et
l'évaluation d'environnements informatiques pour l'apprentissage humain
(EIAH) pour étayer cette conception expérimentale.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : isabelle.girault@univ-grenoble-alpes.fr
Toile : https://cv.archives-ouvertes.fr/isabelle-girault
Claire Wajeman est enseignant-chercheur à l'Université
Grenoble Alpes, dans l'équipe MeTAH (Modèles et Technologies pour
l'Apprentissage Humain) du Laboratoire d'Informatique de Grenoble. Elle
s'intéresse à la conception d'EIAH dédiés et
à l’étude de leurs usages par les enseignants. Ses
recherches portent sur l’apprentissage des démarches
expérimentales et sur le guidage du travail des étudiants dans ces
activités complexes avec des EIAH.
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : claire.wajeman@univ-grenoble-alpes.fr
Nicolas Balacheff est directeur de recherche CNRS
émérite au laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG). Ses
travaux, depuis le début des années 70, en didactique des
mathématiques et sur la conception d'EIAH, portent principalement sur
l'apprentissage de la preuve en mathématique (p. ex. projet Baghera) et
la modélisation des connaissances (p. ex. modèle cK¢). Il a
dirigé l’équipe EIAH de Grenoble au milieu des années
90, inaugurant alors l’usage de cette désignation du domaine de la
recherche sur la conception et l’usage des environnements informatiques
pour l’éducation et la formation. Responsable du réseau
thématique pluridisciplinaire RTP39 « apprentissage,
éducation et formation » à la fin des années 90,
il fut l’initiateur du réseau d’excellence Kaleidoscope
(2004-2007).
Adresse : Université Grenoble
Alpes, LIG-MeTAH, Bâtiment IMAG - CS 40700 - 38058 GRENOBLE CEDEX 9
Courriel : nicolas.balacheff@imag.fr
Toile : https://nicolas-balacheff.blogspot.com
Patricia Marzin-Janvier est Professeure des
Universités à l’Université de Bretagne Occidentale
(UBO) et à l’INSPÉ de Bretagne. Elle est co-Directrice du
Centre de Recherche sur l’Éducation, les apprentissages et la
didactique (CREAD) et référente égalité
Femmes-Hommes pour l’UBO. Les recherches qu’elle mène sont
centrées sur les mécanismes de transmission et
d’appropriation de savoirs en sciences, principalement en biologie. Un
autre aspect de son travail concerne la conception et l’évaluation
d’outils technologiques pour l’apprentissage. Ses
problématiques actuelles sont dans le champ de l’éducation
au développement durable et des sciences participatives. Elle est membre
du comité de rédaction de la revue Recherche en Didactique des
Sciences et des Technologies, de comités de lecture de plusieurs revues
(IJSE, RSSE, Éducation et Didactique, RFP) et du conseil
d’administration de l’ARDIST.
Adresse : 8, rue d’Avranches-29200
Brest
Courriel : patricia.marzinjanvier@univ-brest.fr
Toile : https://cv.archives-ouvertes.fr/patricia-marzin-janvier
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