Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
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Volume 24, 2017 Numéro Spécial |
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Plus précisément, on observe ainsi une opposition entre des MOOC ne nécessitant aucun prérequis (en positif) de ceux pour lesquels un niveau d’étude supérieur est conseillé pour le suivi (en négatif). A celle-ci s’ajoute une seconde polarisation entre des MOOC s’adressant à un public d’étudiants et de professionnels (en négatif) et ceux concernant un large public (en positif). On remarque aussi une contribution de la discipline informatique (en négatif) et des sciences humaines et sociales (en positif) marquant ainsi une séparation entre domaine disciplinaire spécifique et général. En ce qui concerne l’effort hebdomadaire estimé, on constate qu’un investissement temporel supérieur à quatre heures par semaine influe en négatif. Les MOOC nécessitant un travail hebdomadaire moins important sont en positif. Au regard des variables supplémentaires, on constate que le MOOC s’adressant à un public diplômé du supérieur, destiné à des étudiants et professionnels, dans un domaine spécifique particulier, est davantage enclin à délivrer des attestations de réussite, dure aussi plus longtemps (de six à huit semaines ou neuf semaines et plus) tout en étant produit plutôt par des établissements tels que les grandes écoles, les autres écoles et instituts de recherche. Alors qu’à l’opposé de cet axe, en positif, on retrouve un MOOC plutôt au format plus court (moins de six semaines), ne délivrant pas d’attestation et produit par des universités ou d’autres types d’établissements. Cette première dimension s’articule donc sur une caractérisation du public MOOC. Elle oppose d’une part des MOOC pour spécialistes et d’autre part des MOOC pour profanes. 5.2.3. MOOC généraliste d’approfondissement versus MOOC spécialisé introductifLa deuxième dimension contribuant à 15% restitue une opposition structurante entre le domaine disciplinaire du MOOC (25,5%) et le niveau du public auquel il s’adresse (27,4%). On observe ainsi une polarisation entre, en négatif, des MOOC de sciences s’adressant à un public assez large de diplômés du secondaire et, en positif, des MOOC d’informatique, ne nécessitant pas de prérequis et un investissement temporel faible compris entre 0 et 2 heures par semaine. Si on considère les variables supplémentaires, le premier type de MOOC se présente sous un format court (moins de six semaines), délivre des attestations de réussite et est produit par des écoles, grandes écoles ou instituts de recherche. Le second, produit par des universités ou d’autres types d’établissements, dure plus longtemps sans mener à la délivrance d’attestation de réussite. Cette deuxième dimension, résumée dans le tableau 3, se structure autour de MOOC généralistes d’approfondissement, d’une part, et de MOOC spécialisés introductifs, d’autre part. Tableau 3 • Deuxième dimension de l’ACM
5.2.4. MOOC spécialisé intermédiaire versus MOOC spécialisé exploratoireLes variables « effort hebdomadaire » et « domaine disciplinaire » du MOOC sont celles qui contribuent le plus à la constitution de cette dimension (voir tableau 4). La première est particulièrement structurante en expliquant pour 46,4% la composition de l’axe et la seconde 29,4%. Il est intéressant de souligner que la variable public cible ne participe pas du tout au sein de cette dimension. D’un côté, on observe des MOOC nécessitant un investissement hebdomadaire moyen (2 à 4 heures) en Droit – Economie – Gestion. Et au regard des variables supplémentaires, ils durent plus de neuf semaines, sont produits plutôt par des grandes écoles ou d’autres types d’établissements et délivrent des attestations de réussite. De l’autre côté, en positif, on trouve des MOOC dont le suivi ne nécessite qu’un faible investissement hebdomadaire et un niveau éducatif de l’enseignement secondaire, dans le domaine de la santé. Ces MOOC, d’une durée inférieure à neuf semaines, ne délivrent pas d’attestation et sont créés par des écoles, instituts de recherches et universités. Tableau 4 • Troisième dimension de l’ACM
Cette troisième dimension révèle une opposition entre deux types de MOOC de domaines disciplinaires spécialisés. On observe ainsi la distinction entre un MOOC spécialisé exploratoire et un MOOC spécialisé intermédiaire. 5.2.5. MOOC spécialisé intensif versus MOOC spécialisé intermédiaire spécialisteLa quatrième dimension propose une structuration du phénomène proche de la troisième dimension, en étant formée par les variables « domaine disciplinaire » (37,5%) et « effort hebdomadaire » (8,4%), mais elle présente de nouvelles particularités (voir tableau 5). Ce n’est plus la variable « public cible » qui ne participe pas à la structuration de l’axe mais « niveau de pré-requis ». On retrouve, d’une part, des MOOC qui nécessitent plus de quatre heures par semaine, en informatique ou en sciences humaines, et qui, au regard des variables supplémentaires, présentent des formats court ou long, ne délivrent pas d’attestation et sont produits par des acteurs classiques de l’enseignement supérieur. Et, d’autre part, on identifie des MOOC dans le domaine spécifique de la santé, s’adressant à des publics définis d’étudiants et de professionnels, pour un travail estimé de deux à quatre heures par semaine. Ces MOOC sont le fait d’instituts de recherche ou d’établissements de type « Autres » et mènent à la délivrance d’attestation de réussite à l’issue des six à huit semaines de cours. Tableau 5 • Quatrième dimension de l’ACM
5.2.6. Huit formes typiques de MOOCL’analyse de cette ACM fait donc émerger huit formes typiques dans l’espace représentant les caractéristiques des MOOC : MOOC spécialiste, MOOC profane, MOOC généraliste d’approfondissement, MOOC spécialisé introductif, MOOC spécialisé exploratoire, MOOC spécialisé intermédiaire, MOOC spécialisé intensif, MOOC intermédiaire spécialiste. La figure 1 restitue, dans un repère orthonormé construit à partir des deux premiers axes de l’ACM, ces huit types de MOOC. Quelques précautions sont à prendre pour la lecture de ce graphique, car la superposition de l’ensemble de ces types dans un espace plan construit à partir des deux premières dimensions diminue quelque peu la lisibilité, puisque les axes qui structurent les quatre dernières formes de MOOC n’apparaissent pas. Les modalités des variables actives apparaissent dans une taille de police supérieure à celle des variables supplémentaires.
Figure 1 • Représentation graphique des huit types de MOOC (n=195) L’intérêt d’un tel graphique est de représenter, parmi les oppositions structurantes, chacun des MOOC de cette typologie. L’axe horizontal représente l’opposition entre la nature du public cible liée au niveau de prérequis (dimension 1 de l’ACM). On retrouve à gauche le MOOC « spécialiste » défini par un public cible d’étudiants et de professionnels au niveau de prérequis élevé et à droite le MOOC « profane » s’adressant à un grand public sans prérequis (représentés dans les cercles plein en gras). L’axe vertical symbolise quant à lui le lien entre domaine disciplinaire et niveau de prérequis des MOOC (dimension 2 de l’ACM). Sur la partie gauche du graphique sont représentés les domaines disciplinaires, et plus particulièrement dans la partie supérieure les cours spécialisés, alors que les SHS et Droit – Economie – Gestion se concentrent sur la partie supérieure droite. On retrouve l’opposition entre MOOC « généraliste d’approfondissement » et MOOC « Spécialisé introductif » (représentés dans les bulles en pointillés serrés). On observe par exemple que le type « généraliste d’approfondissement » ne dépend pas des caractéristiques de son public, puisqu’il se situe au centre en bas du graphique, mais est défini par son caractère général et le niveau de prérequis intermédiaire qu’il nécessite, alors que le MOOC « spécialisé introductif » incarne ce trait polyvalent du MOOC en concernant tout autant étudiant professionnel ou grand public, qu’il soit ou non diplômé (d’où son allongement le long de l’axe horizontal). Il concerne néanmoins des contenus disciplinaires spécialisés (informatique, santé, droit – économie – gestion). Le MOOC « spécialisé exploratoire » apparait ainsi, dans cette même logique, en haut un peu étendu sur la droite du graphique (représenté dans une bulle en pointillés et tirets), révélant ainsi sa spécialisation tout en s’adressant plutôt à un large public, sans prérequis. On observe que le type « spécialisé intermédiaire » se situe juste en dessous, un peu plus au centre, traduisant l’investissement un peu plus important qu’il requiert, tout en restant dans un thème spécifique : droit – économie – gestion. Enfin, entourés de tirets, les MOOC « spécialisé intensif » et « spécialisé intermédiaire spécialiste » se situent clairement sur la partie supérieure gauche du graphique. Cela manifeste l’importance du domaine spécialisé en sciences (informatique ou santé), mais aussi le fait que ces MOOC s’adressent davantage à un public identifié d’étudiants ou de professionnels, tout en nécessitant un niveau de prérequis plutôt élevé ainsi qu’un effort hebdomadaire important. 6. DiscussionNous souhaitons à présent, à la suite de la présentation de ces résultats, revenir sur les principaux intérêts présentés par ce travail. Il convient tout d’abord d’en souligner les apports intrinsèques tout en mettant en exergue ses limites et perspectives d’approfondissement, pour revenir ensuite sur les enjeux plus réflexifs dont ils sont porteurs. 6.1. Une description fine de l’objet d’étude MOOCLa réalisation de cette cartographie présente l’intérêt premier d’une description détaillée des MOOC de la plateforme FUN. La collecte des informations et la construction de cette base de données ont permis de mettre en évidence les caractéristiques du phénomène étudié et d’en révéler les traits moyens. S’adressant principalement à un large public sans nécessiter de prérequis, les MOOC de FUN mènent pour la plupart à la délivrance d’attestation de réussite. D’une manière générale, un MOOC de la plateforme nationale française dure six à huit semaines et demande à l’apprenant un investissement hebdomadaire compris entre deux et quatre heures. Produits par des acteurs « classiques » de l’enseignement supérieur, principalement des universités et des grandes écoles, bien que d’autres institutions participent à la croissance du phénomène, les MOOC de FUN abordent des thématiques qui relèvent pour la plupart des sciences « dures ». Une des limites de ce travail nait de la collecte et du processus de catégorisation des données collectées sur les MOOC. Les variables retenues et présentées dans cet article pourraient faire l’objet d’un enrichissement. On pourrait par exemple envisager d’élargir cette base en répertoriant de nouveaux éléments tels que le nombre de vidéos ou de quiz dans le MOOC, le statut de l’établissement à l’origine du MOOC, la langue de cours, l’existence de sous-titre, le type de compétences ciblées par le MOOC, etc. Concernant la détermination des modalités de chacune des variables identifiées, elle s’inscrit dans la temporalité de la collecte, entre octobre 2013 et mai 2016. Mais on peut supposer que certaines seront amenées à évoluer au regard de l’expansion de l’offre de MOOC. Par exemple, on peut penser que la modalité « étudiants et professionnels » pourra être séparée en deux catégories distinctes, avec l’émergence de MOOC s’adressant uniquement à des individus en formation initiale. Enfin, nous tenons à souligner l’importance de l’intégration d’une variable temporelle, non incluse dans ce travail. Au fur et à mesure de la mise en ligne de nouveaux MOOC sur la plateforme, nous avons remarqué une certaine évolution du format des MOOC (disparition des MOOC de plus de neuf semaines, généralisation de la délivrance d’attestation, émergence récente d’une nouvelle forme de reconnaissance : la certification, spécification du public, etc.) dont il serait nécessaire de rendre compte objectivement à travers ce recensement. Nous postulons qu’un tel travail contribuerait à mettre en évidence une certaine stabilisation et normalisation de l’objet d’étude MOOC. 6.2. Penser les MOOC dans le contexte plus large de la formationLa réalisation de cette typologie a rendu possible la mise au jour des liens qui existent entre les différentes dimensions d’un MOOC. Elle invite à développer une réflexion autour de la « fonction » que peuvent prendre ces MOOC dans le contexte plus large de la formation. Le premier type de MOOC « spécialiste » concerne un public de diplômés du supérieur, encore étudiants ou de statut professionnel. Il requiert le niveau d’investissement temporel hebdomadaire le plus élevé. Produit par des grandes écoles, il touche un domaine en particulier, l’informatique, comparativement aux domaines plus généraux que recouvrent les Sciences et Technologies et les SHS. Il semble ainsi proposer une offre de formation à part entière, qu’elle soit professionnelle ou initiale, pour des publics déjà diplômés, alors que le second type de MOOC « profane », en s’adressant au grand public, sans nécessiter de prérequis ou d’investissement temporel élevé, produit par des universités et touchant au domaine des SHS, parait davantage s’inscrire dans une démarche plus large de vulgarisation scientifique, d’accessibilité et de diffusion de la connaissance. Si le MOOC « profane » semble satisfaire un certain idéal de diffusion et d’accessibilité de la connaissance tel qu’il avait pu accompagner le développement du phénomène MOOC, le MOOC « spécialiste » parait répondre à des besoins plus spécifiques en matière de formation. La mise au jour des types de MOOC spécialisés et généraux par la seconde dimension invite à penser que le MOOC « généraliste d’approfondissement » semble davantage pensé comme un support à la poursuite de l’apprentissage dans un domaine général déjà connu. Dans cette logique d’approfondissement, il mènerait plus volontiers à la délivrance de formes de reconnaissance, alors que l’on peut supposer que le MOOC spécialisé introductif s’insère davantage dans une logique de découverte d’un domaine où l’apprenant n’a pas de connaissances. Ne menant pas à l’obtention d’attestation, on peut penser qu’il serait un support efficace à l’orientation des individus dans leur parcours formatif. Nous postulons que, de son côté, le MOOC « spécialisé exploratoire », en présentant un contenu disciplinaire spécialisé sans pour autant nécessiter beaucoup de temps ni mener à une certification, tend à être mobilisé en renfort d’autres ressources formatives. Ce MOOC serait alors une ressource complémentaire, alors que l’on peut penser que le MOOC « spécialisé intermédiaire » serait, quant à lui, un moyen de développer des compétences préalablement acquises par l’individu, d’où l’importance de la possibilité d’obtenir une certification. Le MOOC « spécialisé intensif », sans délivrer de certificat, semble être une ressource à part entière de formation. En s’adressant au grand public, sur un temps long, et demandant un investissement important, ce MOOC semble être une véritable ressource de formation non formelle visant l’acquisition de connaissances pointues pour des néophytes. Enfin, on peut supposer que le MOOC « spécialisé intermédiaire spécialiste », proche du MOOC « spécialisé intermédiaire », mais s’en distinguant en ciblant spécifiquement étudiants et professionnels, peut incarner les prémisses de l’émergence de nouveaux modules de formation formelle. L’articulation de cette typologie à la caractérisation des MOOC selon des aspects d’ingénierie pédagogique serait alors particulièrement intéressante (Ortoleva et al., 2017). Elle permettrait d’adapter les environnements pédagogiques de chaque type de MOOC aux caractéristiques du public qui les fréquentent et aux objectifs qu’ils poursuivent en matière de formation. Bien qu’il n’existe pas de barrière formelle à l’accès aux MOOC du fait de leur gratuité et facilité d’accès, on peut supposer que ces caractéristiques contribuent à capter des publics distincts d’apprenants au sein de l’offre de MOOC. Nous soulignons alors l’importance de la prise en compte de ces aspects du dispositif pour mieux saisir des enjeux récurrents pointés par la recherche, tels que le taux de décrochage ou les comportements des apprenants au sein des MOOC. Nous supposons plus généralement qu’il existe ainsi un « effet MOOC » dont la portée se manifesterait dans la composition sociodémographique des cohortes d’apprenants et serait dépendante des situations objectives dans lesquelles l’apprenant est pris (situation vis-à-vis de l’emploi, de la formation, etc.). Ces dernières influenceraient le registre de mobilisation du MOOC par les individus et le sens subjectif conféré à ce suivi. La question récurrente du taux de rétention prendrait alors une teinte plus nuancée et inviterait surtout à repenser les indicateurs mobilisés pour évaluer un MOOC. D’une manière générale, ces pistes analytiques viendraient poursuivre des travaux en cours, tels que ceux interrogeant les inégalités portées par le dispositif MOOC (Zhenghao et al., 2015). La mise en évidence de ces formes typiques invite donc les travaux actuels à s’intéresser aux caractéristiques des MOOC étudiés et à saisir leur impact sur la composition de la cohorte d’apprenants, les motifs d’engagement, leur mode de suivi. Mais elle offre aussi la possibilité de mieux penser les formes de développement possibles du phénomène MOOC et son articulation aux autres ressources formatives, instituées ou non, en se demandant par exemple : quel type de MOOC permettrait de répondre le mieux à des besoins formatifs évolutifs dans des contextes spécifiques ? 6.3. Un support réflexif pour penser l’engagement et les enjeux à la production de MOOCLa nature de l’établissement à l’origine du MOOC est une variable dont nous souhaiterions souligner l’intérêt pour la mise en œuvre d’un travail ultérieur. Elle interroge la stabilité d’institutions dans la production de savoirs légitimes en éducation et formation, mais aussi les motifs d’engagement dans la production de MOOC. On observe en effet, selon les types identifiés dans ce travail, une certaine variation des établissements concernés. Par exemple, le MOOC « spécialisé intensif » est plutôt le fait d’acteurs « classiques » de l’enseignement supérieur : les universités, grandes écoles et écoles. Ce MOOC propose ce qui semble être une formation à part entière pour novices, sans mener à la délivrance d’attestation, signe potentiel de la prévalence et de la défense des diplômes académiques. Le MOOC « spécialisé intermédiaire spécialiste » est, quant à lui, produit par d’autres types d’établissements et des instituts de recherche, faisant ainsi pénétrer dans le champ de la formation des acteurs jusque-là plus marginaux, qui participent ainsi à la délivrance de nouvelles formes de certifications, concurrentes à celles préexistantes. L’engagement dans les MOOC pourrait ainsi se comprendre en termes de positionnement défensif ou offensif dans le champ des institutions de production des savoirs « légitimes » pour reprendre l’expression du sociologue Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1979). On peut aussi supposer que ces formes typiques sont à saisir au prisme du registre d'engagement et de positionnement des établissements dans le phénomène MOOC. En effet, hétérogène, la prise de décision de production d’un MOOC semble relever de stratégies et d’enjeux variables selon la nature des établissements concernés (Hollands et Tirthali, 2014). Bien qu’elle soit peu étudiée en tant que telle jusqu’à présent, nous pouvons supposer que la production de MOOC entre dans des registres de justifications variables. Pour certains, elle s'apparenterait à un investissement stratégique de mise en visibilité de l’établissement sur un marché éducatif concurrentiel (Ospina-Delgado et al., 2016), faisant alors du MOOC un véritable outil de markéting, d’appel d'offre, un support communicationnel de recrutement (Davis et al., 2014). Le MOOC serait alors utilisé comme une « vitrine » des savoir-faire ou champ d'excellence de l'établissement en question. Pour d’autres, la création de MOOC pourrait relever d’un investissement moins clairement défini. En dehors d’un positionnement volontaire stratégique et compétitif, la production d’un MOOC pourrait tout autant s'apparenter à un effet de mode, à une production qui prendrait son sens en creux par le souhait de ne pas « manquer le train en marche ». Enfin, il faut souligner que l’articulation des MOOC dans l’offre de formations préexistantes des établissements relève elle aussi de situations variables. Certains, à l’image des Mines Télécom, intègrent les MOOC dans les cursus institués de leur école, menant à l’hybridation progressive des parcours formatifs. D’autres séparent tout à fait cette production de MOOC de leurs activités traditionnelles. Alors que l’investissement dans les MOOC a rencontré un certain enthousiasme ou suscité au contraire un scepticisme plus prononcé (Boullier, 2014), (Compagnon, 2014), appréhender objectivement les effets des objectifs institutionnels dans la production de MOOC parait d’autant plus intéressant. La confirmation d'une telle hypothèse serait à considérer par l'enrichissement de cette base de données via la collecte d'informations telles que le nombre de MOOC produits par chaque établissement ou encore le statut de l'établissement. On pourrait ainsi chercher à saisir, en s'appuyant sur les travaux en cours et notamment la distinction entre « production artisanale » et « production industrielle » (Cisel, 2016), dans quelle mesure les logiques de production impactent les formes de MOOC produites. 6.4. Vers une spécialisation des plateformes ?Par ailleurs, l’étude des caractéristiques des MOOC de la plateforme FUN donne aussi à voir et à penser les spécificités de la plateforme nationale française dans un écosystème international. En effet, la multiplication du nombre de plateformes qui a accompagné le développement du phénomène MOOC pose la question des choix opérés par ces acteurs. Ces plateformes ont, pour la plupart, un rôle d’intermédiaire entre les concepteurs de MOOC et les usagers apprenants. On peut se demander si la constitution de leurs catalogues relève de stratégies, plus ou moins formelles et définies, qui influeraient sur la nature des MOOC proposés. Dans un travail exploratoire, Wong souligne en effet, à partir de l’étude de quatre plateformes de MOOC, comment les principes pédagogiques affichés par les plateformes orientent la conception pédagogique de ces ressources par les établissements producteurs et contribuent ainsi à façonner l’offre (Wong, 2015). La plateforme française semble témoigner de la volonté d’une certaine accessibilité de ses contenus (au regard des caractéristiques des MOOC), majoritairement destinés au grand public sans nécessiter de prérequis. A l’initiative des pouvoirs publics qui en garantissent la viabilité (Mongenet, 2016), la volonté de soutenir la diffusion des savoirs et de la connaissance reste une mission principale de la plateforme. Néanmoins, on observe l’émergence d’une certaine frange de MOOC plus spécifiques, destinés à un public d’étudiants et de professionnels déjà diplômés du supérieur, qui confirme la tendance actuelle de faire des MOOC un outil de formation à part entière. Il sera intéressant d’étudier l’évolution de la place de ces MOOC dans l’offre de la plateforme et ce d’autant plus que des initiatives en faveur de la reconnaissance de la valeur formative des MOOC (par la certification) émergent et que, plus généralement, les pouvoirs publics leur confèrent une véritable utilité pour le soutien de la formation initiale et de la formation tout au long de la vie. Un travail particulièrement intéressant à fournir dans cette perspective consisterait à étendre la collecte systématique de données présentée dans cet article à l’ensemble des autres plateformes (nationales et étrangères), ce qui rendrait possible une comparaison fine de l’offre et l’identification de stratégies potentielles de spécialisation au sein de ce marché. 7. ConclusionGrâce à la collecte systématique de données sur les MOOC de la plateforme FUN, nous avons décrit précisément les traits saillants de cet objet d’étude et mis en évidence, grâce à l’ACM, l’existence de huit formes typiques de MOOC : spécialiste, profane, généraliste d’approfondissement, spécialisé introductif, spécialisé exploratoire, spécialisé intermédiaire, spécialisé intensif, spécialisé intermédiaire spécialiste. Ce travail pose les jalons d’une réflexion sur les effets du dispositif sur le recrutement du public d’apprenants, l’utilisation de ces ressources et de leur mode de suivi, l’appréhension plus générale de la notion de « réussite » dans un MOOC. Au-delà de son simple aspect descriptif, ce référencement parait tout à fait heuristique pour servir d’appui à des recherches en cours ou à venir. Bien qu’imparfait et à prolonger, il rend possible un travail de contextualisation des MOOC étudiés, l’identification de leurs spécificités ou les proximités dans ce panorama général des MOOC de la plateforme FUN tout en représentant un point d'appui méthodologique à la mise en place d'enquêtes de terrain. Ce travail ouvre diverses pistes de recherche pour étudier le phénomène MOOC. À propos de l’auteurEn troisième année de doctorat en Sciences de l’éducation au sein de l’Institut de Recherche en Éducation (IREDU) à l’Université de Bourgogne, Eléonore Vrillon s’intéresse aux inégalités d’accès, d’utilisation et de valorisation des Massive Open Online Courses (MOOC) dans les parcours individuels d’apprenants. Ce travail s’articule sur un dispositif d’enquête mixte mêlant qualitatif et quantitatif longitudinal. Ce projet fait suite à la réalisation d’une licence en sociologie à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et d’un master de philosophie-sociologie à Paris-Sorbonne (Paris IV), où elle a commencé à s’intéresser aux problématiques éducatives à travers une étude empirique du soutien scolaire au second cycle. Adresse : IREDU - EA 7318 - Université de Bourgogne, Pôle AAFE - Esplanade Erasme, BP 26513 21065 DIJON Cedex» Courriel : eleonore.vrillon@u-bourgogne.fr Toile : http://iredu.u-bourgogne.fr/equipe/doctorants/432-eleonore-vrillon.html REFERENCESAlbero, B. (2010). Une approche sociotechnique des environnements de formation. Rationalité, modèles et principes d'action. Éducation et didactique, 4(1), 7-24. Disponible sur internet Boullier, D. (2014). MOOC : en attendant l’innovation. Distances et médiations des savoirs, 6. Disponible sur internet Bourdieu, P. (1979). La distinction. Critique sociale du jugement. Paris : Ed. de Minuit. Breslow, L. B., Pritchard, D. 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Référence de l'article :Eléonore VRILLON , Une typologie de MOOC de France Université Numérique (FUN) : méthode et enjeux , Revue STICEF, Volume 24, numéro 2, 2017, DOI:10.23709/sticef.24.2.4, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 11/10/2017, http://sticef.org |
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Mise à jour du 11/10/17 |