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Une typologie de MOOC de France Université
Numérique (FUN) : méthode et enjeux
Eléonore VRILLON (IREDU, Université de Bourgogne)
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RÉSUMÉ : Alors
que le nombre de MOOC dans le monde ne cesse de croître, la
réalité qu’ils recouvrent est loin d’être
uniforme. Cette hétérogénéité rend difficile
une comparaison des recherches entre elles, tout comme une appréhension
générale de cet objet d’étude et des enjeux
qu’il soulève. Cet article présente une étude des
caractéristiques des Massive Open Online Courses (MOOC) de la plateforme
nationale française France Université Numérique (FUN)
d’octobre 2013 à mai 2016. Pour 195 MOOC, un ensemble
d’informations a été systématiquement
répertorié jusqu’à la constitution d’une base
de données exhaustive et raisonnée. La réalisation
d’une analyse des correspondances multiples (ACM) met au jour huit formes
typiques de MOOC. Ce résultat rend possible un travail de
contextualisation des MOOC étudiés, l’identification de
leurs spécificités dans ce panorama général des MOOC
de la plateforme FUN, tout en représentant un point d'appui
méthodologique à la mise en place d'enquêtes de terrain. Il
ouvre aussi des pistes de recherche telles que la place des MOOC dans le paysage
de la formation, les motifs d’engagement des institutions dans la
production de MOOC ou encore les spécificités et
spécialisations des plateformes de MOOC.
MOTS CLÉS : Dispositif
de formation, Cours en Ligne Ouvert et Massif, CLOM, MOOC, typologie,
plate-forme France Université Numérique (FUN), analyse des
correspondances multiples, ACM
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Typology of MOOC of the French platform FUN: Method and research issues |
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ABSTRACT : The
growth of Massive Open Online Courses (MOOC) phenomenon is pursuing all around
the world, but behind a general term MOOC are multifaceted. Because of this
heterogeneity, the comparison of MOOC research results is particularly
difficult, just as the understanding of this object and its issues. This article
examines MOOC characteristics of the French national platform France
Université Numérique (FUN) from October, 2013 till May, 2016. A
set of information has been systematically identified in order to create an
exhaustive and well-reasoned database. Multiple correspondence analysis (MCA)
shows a typology of eight MOOC. This result enables a contextualization of MOOC
specificities studied in research. It represents a methodological support for
implementing empirical researches and exploring other scientific issues such as
the place of MOOC in training and education, institutional motivation to produce
MOOC or platforms characteristics.
KEYWORDS : Learning
system, Massive Open Online Courses, MOOC, Typology, French national Platform
FUN, Multiple Correspondence Analysis, MCA
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1. Introduction
Depuis
l’émergence du premier Massive Open Online Course (MOOC) en
2008 à l’initiative de Stephen Downs et Georges Siemens au Canada (Cisel et Bruillard, 2012),
nous avons assisté à un véritable essor de ces ressources
gratuitement disponibles sur internet (Delpech et Diagne, 2016).
Ce sont près de 4317 MOOC à travers le monde qui ont ainsi
été répertoriés fin 2015 sur différentes
plateformes dont le nombre n’a lui aussi cessé de croître (Karsenti, 2015).
La diversité des disciplines scientifiques qui s’y
intéressent et la croissance des travaux de recherche témoignent
l’intérêt des enjeux multidimensionnels soulevés par
les MOOC (Raffaghelli et al., 2015).
Ce faisant, ils mettent en évidence la réalité multiple que
recouvrent les MOOC, sans pour autant mener à un consensus sur la
caractérisation de cet objet d’étude récent. Cette
difficulté rend complexe la comparaison des travaux entre eux tout comme
la généralisation des résultats ainsi obtenus. Pour
appréhender cette diversité et distinguer les MOOC entre eux, une
description systématique de leurs caractéristiques semble donc
d'autant plus déterminante. Nous présentons une étude de
l’ensemble des MOOC de la plateforme France Université
Numérique (FUN) d’octobre 2013 à mai 2016.
Dans un premier temps, nous revenons, en nous appuyant sur la
littérature, sur les motifs qui ont présidé à la
réalisation de ce travail de recherche. Le caractère multiforme
des MOOC, sous différents aspects, pose en effet la question de la
manière dont on peut appréhender cet objet d’étude.
Dans un second temps, nous exposons les données recueillies et la
méthodologie d’enquête mise en œuvre pour
répondre à nos interrogations. Dans une troisième partie,
nous exposons les résultats principaux de ce travail, en revenant tout
d’abord sur les aspects descriptifs pour ensuite présenter la
typologie obtenue. Avant de présenter les perspectives de recherche
soulevées par la mise au jour de cette typologie, dans la dernière
partie, nous proposons une réflexion autour des limites.
2. Appréhender la diversité des MOOC
2.1. Un objet multiforme
En dépit d’un acronyme unique, le MOOC
n’est pas en soi uniforme. Si l’on s’accorde sur le fait que
le MOOC est un cours en ligne ouvert à tous et gratuit où se
rassemble un grand nombre d’utilisateurs appelés apprenants (Littlejohn, 2013), (Pomerol et al., 2015), (Riegert, 2015),
il n’en reste pas moins qu’il est marqué par une grande
diversité à différents niveaux.
Cette variété s’observe au niveau du format du
MOOC ; bien que délimitée dans le temps, la durée
d’un MOOC est variable, tout comme l’investissement temporel que son
suivi requiert. Elle se manifeste aussi par la variété et le
nombre des supports multimédias utilisés (serious game,
vidéos, quiz, quiz intégrés, etc.). C’est notamment
ce dont témoignent les « retours
d’expérience » de six MOOC produits par l’Inria (Mariais et al., 2016).
Par exemple, deux de leurs MOOC durent sept semaines alors que le suivi des
quatre autres n’en nécessite que cinq. On peut remarquer
l’absence totale de quiz dans un MOOC alors qu’on en trouve cent
quinze dans un autre.
Plusieurs travaux mettent en évidence l’existence de ces
différences d’agencements. En cherchant à améliorer
et optimiser le processus d’apprentissage au sein de ce nouveau dispositif
médiatisé, ils proposent, ce faisant, une première mise en
ordre de la réalité MOOC (Gilliot et al., 2013), (Rosselle et al., 2014), (Swan et al., 2016).
Plus spécifiquement, la considération des soubassements
pédagogiques des MOOC a particulièrement retenu l'attention des
travaux de recherche entre 2008 et 2012 (Liyanagunawardena et al., 2013), (Ebben et Murphy, 2014).
Une distinction majeure est effectuée entre les MOOC connectivistes (Siemens, 2005),
qualifiés de cMOOC, et les MOOC transmissifs, appelés xMOOC (Hollands et Tirthali, 2014).
Là où, dans les premiers, l’enseignant facilite la
circulation d’informations, anime les interactions entre les participants
d'où naît la production de savoirs dans un cadre mouvant, les
seconds tendent à reproduire une situation plus classique d'enseignement
en s'appuyant sur « un modèle pédagogique de la
transmission » (Albero, 2010),
toutefois rendu accessible sous un format attractif. Le professeur
sélectionne les contenus à transmettre, des quiz évaluatifs
sont proposés et déterminent la validation des acquis. Les
interactions entre participants restent possibles par l'intermédiaire de
forums ou de réseaux d’échanges mais elles ne constituent
pas le cœur du modèle d’apprentissage. A cette
catégorisation duale des MOOC viennent aussi s’adjoindre des
dimensions complémentaires tenant compte de l’origine du MOOC, des
modalités de participation, suivi et accompagnement, etc. La typologie
proposée par Clark illustre bien les alternatives possibles à la
taxonomie originale xMOOC - cMOOC en distinguant huit types de MOOC : transferMOOCs, madeMOOCs, synchMOOCs, adaptativeMOOCs, groupMOOCs, connectivistMOOCs et les miniMOOCs (Clark, 2013).
En dernier lieu, il faut noter que la reconnaissance du suivi d’un
MOOC est, elle aussi, variable. Elle peut tout autant donner lieu à la
délivrance d’attestation de réussite, que de certifications,
voire d’équivalences à des crédits universitaires,
à des coûts fluctuants selon les établissements et les
plateformes. Mais là encore, les conditions du suivi avec succès
d’un MOOC ou, pour le dire autrement, de
« réussite », dépendent de critères non
harmonisés fixés par les équipes pédagogiques. Elles
peuvent dépendre d’un pourcentage variable de réussite aux
quiz qui jalonnent le suivi du MOOC, de la réalisation et de la
correction de devoirs, de la participation aux forums, etc.
2.2. Des différences entre les MOOC
Considérons à présent non plus le MOOC en tant que tel,
mais les caractéristiques des utilisateurs, pour saisir d'un autre point
de vue cette pluralité de l’objet d’étude et les
enjeux qu'elle soulève. Bien que les MOOC soient définis par une
« ouverture » du fait de leur gratuité, de leur
accessibilité sur internet, rendant leur utilisation
particulièrement flexible et adaptable, plusieurs travaux mettent en
évidence une relative homogénéité du public
d'apprenants, pris dans son ensemble. Ainsi, l’étude de 32 MOOC de
l'université de Pennsylvanie disponibles sur Coursera et celle
consacrée à 17 MOOC du MIT et Harvard accessibles depuis edX
montrent que les utilisateurs « moyens » de MOOC sont
plutôt des trentenaires, actifs, diplômés du supérieur (Christensen et al., 2013), (Ho et al., 2014).
Or, si l’on quitte ce niveau agrégé, des différences
notables se manifestent entre les MOOC. L’étude comparative des 17
MOOC de edX révèle que l’âge médian d’un
apprenant peut varier de sept années, que la représentation du
public féminin peut passer de 13% des apprenants à 49% et que le
fait d’être diplômé du supérieur peut concerner
plus de la moitié du public (54%) alors que pour d'autres il
dépasse les 80% (Ho et al., 2014).
De même, si l’on observe la récurrence d’un faible
taux de rétention des apprenants dans les MOOC, des différences
significatives s’observent entre les MOOC (Ferguson et Clow, 2015), (Ho et al., 2014), (Jordan, 2015), (Cisel, 2016).
Certaines s’expliquent par les définitions retenues et les modes de
calculs de tels taux (Breslow et al., 2013), (Schiffino et al., 2015),
mais d’autres MOOC semblent pourtant tirer leur épingle du jeu.
Bien que l’identification de certains déterminants du
côté des comportements de suivi permette d’expliquer la
variation de ces taux d’achèvement, ces résultats ne
paraissent que partiels. En ne considérant le MOOC que du point de vue du
dispositif, elle ne tient pas compte d’autres aspects tels que le sujet,
le public cible, le niveau de pré-requis, dont on peut supposer
qu’ils influent sur le recrutement du public d’apprenants et des
modalités de suivi qu’ils mettront en œuvre.
Lorsque l’on examine chaque MOOC, il apparait des différences
notoires dans la composition de son public et des taux de complétion. On
peut penser qu’elles sont liées à certaines
caractéristiques du MOOC qui n’ont pas été prises en
compte jusqu’à présent. Il parait donc primordial de les
identifier pour prendre la mesure des résultats obtenus par les
recherches actuelles.
3. Questions de recherche
Les MOOC sont ainsi marqués par une grande
hétérogénéité, tant au regard de la
réalité qu’ils recouvrent que des caractéristiques
variables du public qui les mobilise et des modes de suivi qu’il
déploie. Il en résulte cette interrogation somme toute
élémentaire mais pour autant nécessaire : comment
tenir compte de la diversité de cet objet d’étude alors
même qu'elle semble être à l'origine d’effets
variables ? Existerait-il, d’une manière sous-jacente, des
types de MOOC qui permettraient de rendre compte de ces distinctions
observées (au niveau de la composition du public d’apprenants, de
son taux de complétion) ou contribueraient sinon à rendre
comparables les résultats de la recherche dans le panorama
général des MOOC existants ?
Ce travail présente une première cartographie des MOOC
proposés sur la plateforme France Université Numérique
(FUN), grâce à l’identification systématique de
certaines caractéristiques. Nous cherchons à comprendre si, de la
proximité de celles-ci, se dégagent des types de MOOC pour ensuite
discuter des conséquences soulevées par l’existence de ces
regroupements. Nous soulignons l'intérêt méthodologique
qu'une telle typologie présente pour la mise en place et la
contextualisation d’une recherche sur les MOOC. Elle suscite aussi des
pistes de réflexion plus directement liées à l’objet,
en questionnant par exemple :
- l'existence de la spécialisation de l’offre de MOOC
par les plateformes ;
- les stratégies institutionnelles des établissements
à l’origine de la production de MOOC ;
- l’orientation et l’usage de MOOC par des publics
distincts et spécifiques.
4. Méthodologie d’enquête : collecte et construction
de la base de données
Afin de procéder à l’étude
des caractéristiques des MOOC, un premier travail de collecte
systématique d’informations a été mis en œuvre
à partir du site internet de la plateforme FUN. Rappelons que FUN est la
plateforme nationale française de MOOC créée à
l’initiative du gouvernement à l’automne 2013. Elle
s’inscrit dans le projet plus large d’une valorisation du
numérique pour réformer les champs de la formation initiale et
professionnelle (loi du 22 juillet 2013). Originale dans le
phénomène MOOC du fait de son statut public, elle est aussi, en
France, la plateforme centrale soutenant le développement des MOOC.
Un ensemble de données a été identifié pour les
195 MOOC répertoriés sur la période d’octobre 2013
à mai 2016. Ce recensement ne tient compte que de la première
édition d’un MOOC. Pour chacun sont répertoriés le
titre du MOOC, son domaine disciplinaire, sa durée (en semaines),
l'effort estimé par l'équipe pédagogique (en heures par
semaine), l'établissement à l'origine du MOOC, la
délivrance d'attestation de réussite, le type de public
ciblé ainsi que le niveau de prérequis nécessaire au suivi
du MOOC. Cette collecte exhaustive a été réalisée
à partir des informations indiquées au sein de chaque page de
présentation du MOOC. Nous avons ensuite procédé à
une catégorisation des données en plusieurs étapes
jusqu’à la stabilisation des modalités de réponse
possibles, pour rester au plus proche des caractéristiques de chaque MOOC
tout en veillant à l'homogénéité de la distribution
de la population. Seule la variable « Attestation de
réussite », dichotomique, correspondant au fait que le MOOC
délivre ou non une attestation de réussite, est restée
stable.
Quelques détails sur les choix opérés
s’avèrent nécessaires à la compréhension de la
typologie. La variable « Domaine disciplinaire » est ainsi
le fruit de plusieurs essais. Riche et détaillée, la
classification proposée par la plateforme FUN, en distinguant 39
« thèmes », ne permet que difficilement sa
réutilisation dans le cadre de ce travail puisque la plupart des MOOC
apparait dans plusieurs thèmes à la fois. Après avoir
répertorié ces informations, nous avons par la suite
privilégié une classification en cinq domaines, dont deux
généraux et trois plus spécialisés : Sciences
Humaines et Sociales (SHS), Sciences et Technologie, Informatique, Santé,
Droit–Economie–Gestion. Nous avons fait le choix d’isoler la
discipline informatique du fait de sa présence importante dans le
phénomène MOOC. Elle est en effet au cœur de la plateforme OpenClassrooms, mais est aussi un domaine dans lequel le partage de
ressources libres est prégnant. Cette catégorisation
s’appuie sur les classements disciplinaires utilisés par le Conseil
National des Universités (CNU). La variable « Etablissement
à l’origine du MOOC » a fait l’objet d’une
construction spécifique. A partir de l’ensemble des informations
collectées, nous avons dans un premier temps créé la
modalité « Université », la plus
fréquente. Nous avons ensuite procédé à une
distinction entre établissements de l’enseignement supérieur
nécessitant le passage par une Classe Préparatoire aux Grandes
Ecoles, rassemblés sous la modalité « Grande
Ecole » et ceux qui ne le nécessitent pas
(« Ecole »). En étudiant les caractéristiques
des établissements restant, nous avons spécifié une
modalité « Institut de Recherche », la
dernière modalité intitulée « Autre »
recouvrant un ensemble plus diversifié. Il s’agit pour la plupart
d’institutions engagées dans la production de supports
pédagogiques, à l’image par exemple de l’association
de réseaux étudiants (Animafac-Cnous), ou encore de structures
rattachées au Ministère de l’Education Nationale
(Canopé ou C2i), mais on y trouve aussi des institutions
généralistes dédiées à la formation des
adultes telles que le CNAM ou plus spécialisées à
l’exemple de l’Alliance Française. « Le niveau de
prérequis » indiqué par les équipes
pédagogiques a été structuré en trois
modalités : « sans prérequis », niveau
d’enseignement secondaire (« secondaire ») et niveau
d’enseignement supérieur
(« supérieur »). Si les deux premières
n’ont pas connu d’évolution, la dernière rassemble
deux catégories distinguées dans une étape
antérieure (niveau licence et niveau master). Pour chaque MOOC, le
« public cible » a été
répertorié selon les indications proposées par les
équipes pédagogiques. Dans une étape préliminaire,
les modalités étudiants et professionnels ont été
distinguées, mais figurant presque systématiquement ensemble,
elles ont été regroupées. La modalité
« Tout Public » rassemble les MOOC précisant
spécifiquement s'adresser à un large public ou pour lesquels
aucune précision n'était apportée. L’effort
estimé en heures, précisément répertorié, a
fait l'objet d'une catégorisation en trois modalités au regard de
la distribution de notre échantillon : 0 à 2 heures, 2
à 4 heures et plus de 4 heures par semaine. Enfin, concernant la
durée des MOOC, trois classes ont là aussi été
définies : des MOOC « courts » durant moins de
six semaines, des MOOC de durée « moyenne »
compris entre six et huit semaines et des MOOC « longs » de
neuf semaines ou plus.
La construction raisonnée de cette base de données
résulte d’un travail d’ordonnancement des informations
observées sur FUN vers des modalités de réponse
construites, parfois agrégées. Elle nous permet de décrire
dans un premier temps les MOOC de la plateforme nationale française FUN
et d’en étudier les spécificités, avant d’en
faire émerger les types spécifiques dans un second temps.
5. Résultats
5.1. Résultats descriptifs : une cartographie des MOOC de
FUN
La constitution de cette base de données
permet dans un premier temps de mettre en évidence les
caractéristiques des MOOC de la plateforme nationale française,
résumées dans le Tableau 1.
Au-delà de leur gratuité et de leur disponibilité en
ligne, l’accessibilité de ces ressources apparait clairement si
l’on considère le niveau de prérequis conseillé par
les équipes pédagogiques et le public cible. En effet, environ 62%
des MOOC de FUN sont destinés au grand public et 56% présentent un
contenu accessible sans prérequis. Les MOOC de FUN paraissent donc
contribuer à une certaine démocratisation de l’accès
à la connaissance et aux savoirs universitaires, faisant ainsi
écho à l’élan enthousiaste qui a accompagné
les prémisses de leur développement (Collin et Saffari, 2015).
Il faut néanmoins remarquer une certaine spécification d’une
part moins importante de MOOC. Bien qu’il n’existe aucune
barrière formelle à l’inscription dans un MOOC, 37%
précisent s’adresser plus particulièrement à un
public de professionnels et/ou d’étudiants et il est
recommandé pour 28% d’avoir un niveau d’étude de
l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, le suivi des MOOC requiert tout de même un investissement
temporel significatif. En effet, la majorité d’entre eux dure un
mois et demi à deux mois (61%). Près des deux tiers
nécessitent aussi un investissement hebdomadaire compris entre deux et
quatre heures, auquel un quart supplémentaire demande une charge de
travail particulièrement significative, de plus de quatre heures par
semaine. Si la mobilisation requise pour le suivi d’un MOOC peut sembler
anecdotique lorsque l’on considère son format (MOOC court et moins
de deux heures par semaine) pour un apprenant, l'étude précise de
ces aspects montre qu’en dépit d’un format
particulièrement flexible et adaptable pour l’usager,
l’apprentissage par l’intermédiaire d'un MOOC
nécessite du temps et un investissement significatif de la part de
l'apprenant.
En ce qui concerne les établissements impliqués dans la
production de MOOC, on note une surreprésentation des Universités
(41%), suivies par les Grandes Ecoles (23,6%). Un peu moins d’un tiers des
MOOC sont aussi produits par des Instituts de Recherche ou
« Autres » types d’établissements. Les Ecoles
sont celles qui ont le moins produit de MOOC sur FUN (5,6%). Ces MOOC
présentent des thématiques variées au regard de leurs
domaines disciplinaires, bien que l’on note une surreprésentation
des sciences « dures ». En effet, 60,5% relèvent des
Sciences et Technologies, de l’Informatique ou de la Santé. Enfin,
soulignons que, malgré un manque d’uniformité des
critères d’évaluation, les trois quarts des MOOC de FUN
délivrent des attestations de réussite.
Tableau 1 • Caractéristiques
principales des MOOC de FUN (n=195)
Variables répertoriées |
Modalités de réponse construites |
Effectif |
Proportion (%) |
Domaine disciplinaire |
Sciences et Technologie
Sciences Humaines et Sociales
Droit – Economie – Gestion
Informatique
Santé
N/A |
73
44
31
31
14
2 |
37.4
22.6
15.6
15.6
7.2
1 |
Etablissement à l’origine du MOOC |
Université
Grande école
Ecole
Institut de recherche
Autres établissements |
81
46
11
22
35 |
41.5
23.6
5.6
11.3
18 |
Niveau de pré-requis |
Sans pré-requis
Enseignement secondaire
Enseignement Supérieur |
110
29
56 |
56.4
14.9
28.7 |
Public cible |
Etudiants et Professionnels
Tout public |
74
110 |
38
62 |
Effort estimé
(en heure par semaine) |
0 à 2 heures
2 à 4 heures
Plus de 4 heures
N/A |
23
123
46
3 |
11.8
63.1
23.6
1.5 |
Durée du MOOC
(en semaine) |
Court (moins de 6 semaines)
Moyen (6-8 semaines)
Long (9 semaines ou plus) |
59
119
18 |
29.7
61.0
9.2 |
Attestation de réussite |
Oui
Non |
146
49 |
74.9
25.1 |
5.2. L’émergence d’une typologie
5.2.1. L’analyse des correspondances multiples
L’analyse des Correspondances Multiples (ACM) est une méthode
statistique dont l’intérêt consiste à rendre possible
une vision d’ensemble des liaisons qui existent entre les variables
caractérisant le phénomène observé. « La
perspective est de montrer au chercheur ses données sous le meilleur jour
possible, de façon qu’il puisse y découvrir les structures
sous-jacentes » (Cibois, 1981).
Elle permet la mise en évidence de « types
idéaux » dont la caractéristique n’est pas de
représenter les configurations empiriques observées mais bien de
constituer un point de départ à l’analyse du
phénomène qui nous intéresse. Fondée sur une
extension des principes de l’analyse factorielle des correspondances, elle
permet d’étudier les associations entre des variables qualitatives (Cibois, 2006).
Les résultats ainsi obtenus par une ACM font émerger des formes
idéales typiques, résultant de l’attraction de certaines
caractéristiques des MOOC, auxquelles peuvent être comparés
les MOOC empiriquement observés.
Afin d’identifier les liaisons possibles entre les
caractéristiques des MOOC, nous avons réalisé, à
l’aide du logiciel STATA (http://www.stata.com/), une ACM avec la
méthode indicator. Après exclusion des valeurs manquantes,
nous avons affiné les résultats par itérations successives.
Dans un premier temps, nous avons inclus l’intégralité des
variables exposées précédemment. Or, ni la durée du
MOOC, ni leur caractère certifiant ne contribuent à la structure
des axes. Par suite, ces variables n’ont été retenues
qu’en tant que variables supplémentaires, afin d’identifier
leur proximité aux autres variables étudiées. De
même, la variable Etablissement à l’origine du MOOC a
été intégrée en variable supplémentaire, afin
d’étudier spécifiquement dans le cadre de cette ACM les
caractéristiques intrinsèques des MOOC de FUN. Ce sont donc quatre
variables actives, pour un total de treize modalités, et trois variables
supplémentaires qui ont été retenues pour l’ACM dont
nous présentons les résultats ci-après.
Pour l'interprétation des résultats, nous concentrons notre
analyse sur les quatre premières dimensions de l’ACM ainsi
calculée1 expliquant 62% de
l’inertie totale. Les tableaux 2 à 5 restituent les
résultats statistiques de l'ACM réalisée à
l’issue de ces traitements. Pour chacune des dimensions, il est
précisé leur pourcentage de contribution à l’inertie
totale ainsi qu’un titre exprimant les oppositions relevées dont
nous indiquons les modalités significatives en troisième ligne du
tableau, en tenant compte du sens de leur opposition dans la constitution des
axes (positif ou négatif). Dans la quatrième ligne est
précisé le sens des contributions des modalités des
variables supplémentaires considérées. Les modalités
des variables les plus contributrices à la constitution de chaque axe
sont indiquées en gras.
5.2.2. MOOC spécialiste versus MOOC profane
La première dimension est principalement structurée par les
variables Public cible (étudiant et professionnel versus tout
public) et le niveau de prérequis nécessaire à son suivi
(enseignement supérieur versus sans prérequis). Elles
contribuent respectivement pour 22% et 30% à cette première
dimension qui explique quant à elle 21,5% de l’inertie totale (voir
Tableau 2).
Tableau 2 • Première dimension
de l’ACM
Dimension 1 (21.5%) : MOOC spécialiste versus MOOC
profane |
Négatif |
Positif |
Plus de 4 heures
Informatique
Enseignement supérieur
Etudiant professionnel |
0-2 heures
SHS
Sans prérequis
Tout public |
Ecole / grande école / institut de recherche
Attestation de réussite
Long / moyen |
Autres établissements / université
Pas d’attestation
court |
Plus précisément, on observe ainsi une opposition entre des
MOOC ne nécessitant aucun prérequis (en positif) de ceux pour
lesquels un niveau d’étude supérieur est conseillé
pour le suivi (en négatif). A celle-ci s’ajoute une seconde
polarisation entre des MOOC s’adressant à un public
d’étudiants et de professionnels (en négatif) et ceux
concernant un large public (en positif). On remarque aussi une contribution de
la discipline informatique (en négatif) et des sciences humaines et
sociales (en positif) marquant ainsi une séparation entre domaine
disciplinaire spécifique et général. En ce qui concerne
l’effort hebdomadaire estimé, on constate qu’un
investissement temporel supérieur à quatre heures par semaine
influe en négatif. Les MOOC nécessitant un travail hebdomadaire
moins important sont en positif.
Au regard des variables supplémentaires, on constate que le MOOC
s’adressant à un public diplômé du supérieur,
destiné à des étudiants et professionnels, dans un domaine
spécifique particulier, est davantage enclin à délivrer des
attestations de réussite, dure aussi plus longtemps (de six à huit
semaines ou neuf semaines et plus) tout en étant produit plutôt par
des établissements tels que les grandes écoles, les autres
écoles et instituts de recherche. Alors qu’à
l’opposé de cet axe, en positif, on retrouve un MOOC plutôt
au format plus court (moins de six semaines), ne délivrant pas
d’attestation et produit par des universités ou d’autres
types d’établissements.
Cette première dimension s’articule donc sur une
caractérisation du public MOOC. Elle oppose d’une part des MOOC
pour spécialistes et d’autre part des MOOC pour profanes.
5.2.3. MOOC généraliste d’approfondissement versus MOOC
spécialisé introductif
La deuxième dimension contribuant à 15% restitue une opposition
structurante entre le domaine disciplinaire du MOOC (25,5%) et le niveau du
public auquel il s’adresse (27,4%). On observe ainsi une polarisation
entre, en négatif, des MOOC de sciences s’adressant à un
public assez large de diplômés du secondaire et, en positif, des
MOOC d’informatique, ne nécessitant pas de prérequis et un
investissement temporel faible compris entre 0 et 2 heures par semaine. Si on
considère les variables supplémentaires, le premier type de MOOC
se présente sous un format court (moins de six semaines), délivre
des attestations de réussite et est produit par des écoles,
grandes écoles ou instituts de recherche. Le second, produit par des
universités ou d’autres types d’établissements, dure
plus longtemps sans mener à la délivrance d’attestation de
réussite.
Cette deuxième dimension, résumée dans le tableau 3, se
structure autour de MOOC généralistes d’approfondissement,
d’une part, et de MOOC spécialisés introductifs,
d’autre part.
Tableau 3 • Deuxième dimension
de l’ACM
Dimension 2 (15.2%)
MOOC généraliste d’approfondissement versus MOOC
spécialisé introductif |
Négatif |
Positif |
Sciences
Secondaire |
0-2 heures
Informatique
Sans pré-requis |
Ecole / grande école / institut de recherche
Attestation de réussite
Court |
Autres établissements / université
Pas d’attestation
Long / moyen |
5.2.4. MOOC spécialisé intermédiaire versus MOOC
spécialisé exploratoire
Les variables « effort hebdomadaire » et
« domaine disciplinaire » du MOOC sont celles qui
contribuent le plus à la constitution de cette dimension (voir tableau
4). La première est particulièrement structurante en expliquant
pour 46,4% la composition de l’axe et la seconde 29,4%. Il est
intéressant de souligner que la variable public cible ne participe pas du
tout au sein de cette dimension. D’un côté, on observe des
MOOC nécessitant un investissement hebdomadaire moyen (2 à 4
heures) en Droit – Economie – Gestion. Et au regard des variables
supplémentaires, ils durent plus de neuf semaines, sont produits
plutôt par des grandes écoles ou d’autres types
d’établissements et délivrent des attestations de
réussite. De l’autre côté, en positif, on trouve des
MOOC dont le suivi ne nécessite qu’un faible investissement
hebdomadaire et un niveau éducatif de l’enseignement secondaire,
dans le domaine de la santé. Ces MOOC, d’une durée
inférieure à neuf semaines, ne délivrent pas
d’attestation et sont créés par des écoles, instituts
de recherches et universités.
Tableau 4 • Troisième
dimension de l’ACM
Dimension 3 (13.3%)
MOOC spécialisé intermédiaire versus MOOC
spécialisé exploratoire |
Négatif |
Positif |
2-4 heures
Droit – économie – gestion |
0-2heures
Santé
Secondaire |
Autres établissements / grande école
Attestation de réussite
Long |
Ecole / institut de recherche / université
Pas d’attestation
Court / moyen |
Cette troisième dimension révèle une opposition entre
deux types de MOOC de domaines disciplinaires spécialisés. On
observe ainsi la distinction entre un MOOC spécialisé exploratoire
et un MOOC spécialisé intermédiaire.
5.2.5. MOOC spécialisé intensif versus MOOC
spécialisé intermédiaire spécialiste
La quatrième dimension propose une structuration du
phénomène proche de la troisième dimension, en étant
formée par les variables « domaine disciplinaire »
(37,5%) et « effort hebdomadaire » (8,4%), mais elle
présente de nouvelles particularités (voir tableau 5). Ce
n’est plus la variable « public cible » qui ne
participe pas à la structuration de l’axe mais « niveau
de pré-requis ». On retrouve, d’une part, des MOOC qui
nécessitent plus de quatre heures par semaine, en informatique ou en
sciences humaines, et qui, au regard des variables supplémentaires,
présentent des formats court ou long, ne délivrent pas
d’attestation et sont produits par des acteurs classiques de
l’enseignement supérieur. Et, d’autre part, on identifie des
MOOC dans le domaine spécifique de la santé, s’adressant
à des publics définis d’étudiants et de
professionnels, pour un travail estimé de deux à quatre heures par
semaine. Ces MOOC sont le fait d’instituts de recherche ou
d’établissements de type « Autres » et
mènent à la délivrance d’attestation de
réussite à l’issue des six à huit semaines de cours.
Tableau 5 • Quatrième
dimension de l’ACM
Dimension 4 (12.1%)
MOOC spécialisé intensif versus MOOC spécialisé
intermédiaire spécialiste |
Négatif |
Positif |
Informatique
Plus de 4 heures
Tout public |
Santé
2-4 heures
Etudiant professionnel |
Ecole / grande école / université
Pas d’attestation
Court / long |
Autres établissements / Institut de recherche
Attestation de réussite
moyen |
5.2.6. Huit formes typiques de MOOC
L’analyse de cette ACM fait donc émerger huit formes typiques
dans l’espace représentant les caractéristiques des
MOOC : MOOC spécialiste, MOOC profane, MOOC
généraliste d’approfondissement, MOOC
spécialisé introductif, MOOC spécialisé
exploratoire, MOOC spécialisé intermédiaire, MOOC
spécialisé intensif, MOOC intermédiaire
spécialiste.
La figure 1 restitue, dans un repère orthonormé construit
à partir des deux premiers axes de l’ACM, ces huit types de MOOC.
Quelques précautions sont à prendre pour la lecture de ce
graphique, car la superposition de l’ensemble de ces types dans un espace
plan construit à partir des deux premières dimensions diminue
quelque peu la lisibilité, puisque les axes qui structurent les quatre
dernières formes de MOOC n’apparaissent pas. Les modalités
des variables actives apparaissent dans une taille de police supérieure
à celle des variables supplémentaires.

Figure
1 • Représentation graphique des huit types de MOOC
(n=195)
L’intérêt d’un tel graphique est de
représenter, parmi les oppositions structurantes, chacun des MOOC de
cette typologie. L’axe horizontal représente l’opposition
entre la nature du public cible liée au niveau de prérequis
(dimension 1 de l’ACM). On retrouve à gauche le MOOC
« spécialiste » défini par un public cible
d’étudiants et de professionnels au niveau de prérequis
élevé et à droite le MOOC « profane »
s’adressant à un grand public sans prérequis
(représentés dans les cercles plein en gras). L’axe vertical
symbolise quant à lui le lien entre domaine disciplinaire et niveau de
prérequis des MOOC (dimension 2 de l’ACM). Sur la partie gauche du
graphique sont représentés les domaines disciplinaires, et plus
particulièrement dans la partie supérieure les cours
spécialisés, alors que les SHS et Droit – Economie
– Gestion se concentrent sur la partie supérieure droite. On
retrouve l’opposition entre MOOC « généraliste
d’approfondissement » et MOOC
« Spécialisé introductif »
(représentés dans les bulles en pointillés serrés).
On observe par exemple que le type « généraliste
d’approfondissement » ne dépend pas des
caractéristiques de son public, puisqu’il se situe au centre en bas
du graphique, mais est défini par son caractère
général et le niveau de prérequis intermédiaire
qu’il nécessite, alors que le MOOC
« spécialisé introductif » incarne ce trait
polyvalent du MOOC en concernant tout autant étudiant professionnel ou
grand public, qu’il soit ou non diplômé (d’où
son allongement le long de l’axe horizontal). Il concerne néanmoins
des contenus disciplinaires spécialisés (informatique,
santé, droit – économie – gestion). Le MOOC
« spécialisé exploratoire » apparait ainsi,
dans cette même logique, en haut un peu étendu sur la droite du
graphique (représenté dans une bulle en pointillés et
tirets), révélant ainsi sa spécialisation tout en
s’adressant plutôt à un large public, sans prérequis.
On observe que le type « spécialisé
intermédiaire » se situe juste en dessous, un peu plus au
centre, traduisant l’investissement un peu plus important qu’il
requiert, tout en restant dans un thème spécifique : droit
– économie – gestion. Enfin, entourés de tirets, les
MOOC « spécialisé intensif » et
« spécialisé intermédiaire
spécialiste » se situent clairement sur la partie
supérieure gauche du graphique. Cela manifeste l’importance du
domaine spécialisé en sciences (informatique ou santé),
mais aussi le fait que ces MOOC s’adressent davantage à un public
identifié d’étudiants ou de professionnels, tout en
nécessitant un niveau de prérequis plutôt
élevé ainsi qu’un effort hebdomadaire important.
6. Discussion
Nous souhaitons à présent, à la
suite de la présentation de ces résultats, revenir sur les
principaux intérêts présentés par ce travail. Il
convient tout d’abord d’en souligner les apports intrinsèques
tout en mettant en exergue ses limites et perspectives
d’approfondissement, pour revenir ensuite sur les enjeux plus
réflexifs dont ils sont porteurs.
6.1. Une description fine de l’objet d’étude MOOC
La réalisation de cette cartographie présente
l’intérêt premier d’une description
détaillée des MOOC de la plateforme FUN. La collecte des
informations et la construction de cette base de données ont permis de
mettre en évidence les caractéristiques du phénomène
étudié et d’en révéler les traits moyens.
S’adressant principalement à un large public sans nécessiter
de prérequis, les MOOC de FUN mènent pour la plupart à la
délivrance d’attestation de réussite. D’une
manière générale, un MOOC de la plateforme nationale
française dure six à huit semaines et demande à
l’apprenant un investissement hebdomadaire compris entre deux et quatre
heures. Produits par des acteurs « classiques » de
l’enseignement supérieur, principalement des universités et
des grandes écoles, bien que d’autres institutions participent
à la croissance du phénomène, les MOOC de FUN abordent des
thématiques qui relèvent pour la plupart des sciences
« dures ».
Une des limites de ce travail nait de la collecte et du processus de
catégorisation des données collectées sur les MOOC. Les
variables retenues et présentées dans cet article pourraient faire
l’objet d’un enrichissement. On pourrait par exemple envisager
d’élargir cette base en répertoriant de nouveaux
éléments tels que le nombre de vidéos ou de quiz dans le
MOOC, le statut de l’établissement à l’origine du
MOOC, la langue de cours, l’existence de sous-titre, le type de
compétences ciblées par le MOOC, etc. Concernant la
détermination des modalités de chacune des variables
identifiées, elle s’inscrit dans la temporalité de la
collecte, entre octobre 2013 et mai 2016. Mais on peut supposer que certaines
seront amenées à évoluer au regard de l’expansion de
l’offre de MOOC. Par exemple, on peut penser que la modalité
« étudiants et professionnels » pourra être
séparée en deux catégories distinctes, avec
l’émergence de MOOC s’adressant uniquement à des
individus en formation initiale. Enfin, nous tenons à souligner
l’importance de l’intégration d’une variable
temporelle, non incluse dans ce travail. Au fur et à mesure de la mise en
ligne de nouveaux MOOC sur la plateforme, nous avons remarqué une
certaine évolution du format des MOOC (disparition des MOOC de plus de
neuf semaines, généralisation de la délivrance
d’attestation, émergence récente d’une nouvelle forme
de reconnaissance : la certification, spécification du public, etc.)
dont il serait nécessaire de rendre compte objectivement à travers
ce recensement. Nous postulons qu’un tel travail contribuerait à
mettre en évidence une certaine stabilisation et normalisation de
l’objet d’étude MOOC.
6.2. Penser les MOOC dans le contexte plus large de la formation
La réalisation de cette typologie a rendu possible la mise au jour des
liens qui existent entre les différentes dimensions d’un MOOC. Elle
invite à développer une réflexion autour de la
« fonction » que peuvent prendre ces MOOC dans le contexte
plus large de la formation.
Le premier type de MOOC « spécialiste » concerne
un public de diplômés du supérieur, encore étudiants
ou de statut professionnel. Il requiert le niveau d’investissement
temporel hebdomadaire le plus élevé. Produit par des grandes
écoles, il touche un domaine en particulier, l’informatique,
comparativement aux domaines plus généraux que recouvrent les
Sciences et Technologies et les SHS. Il semble ainsi proposer une offre de
formation à part entière, qu’elle soit professionnelle ou
initiale, pour des publics déjà diplômés, alors que
le second type de MOOC « profane », en s’adressant au
grand public, sans nécessiter de prérequis ou
d’investissement temporel élevé, produit par des
universités et touchant au domaine des SHS, parait davantage
s’inscrire dans une démarche plus large de vulgarisation
scientifique, d’accessibilité et de diffusion de la connaissance.
Si le MOOC « profane » semble satisfaire un certain
idéal de diffusion et d’accessibilité de la connaissance tel
qu’il avait pu accompagner le développement du
phénomène MOOC, le MOOC « spécialiste »
parait répondre à des besoins plus spécifiques en
matière de formation.
La mise au jour des types de MOOC spécialisés et
généraux par la seconde dimension invite à penser que le
MOOC « généraliste d’approfondissement »
semble davantage pensé comme un support à la poursuite de
l’apprentissage dans un domaine général déjà
connu. Dans cette logique d’approfondissement, il mènerait plus
volontiers à la délivrance de formes de reconnaissance, alors que
l’on peut supposer que le MOOC spécialisé introductif
s’insère davantage dans une logique de découverte d’un
domaine où l’apprenant n’a pas de connaissances. Ne menant
pas à l’obtention d’attestation, on peut penser qu’il
serait un support efficace à l’orientation des individus dans leur
parcours formatif. Nous postulons que, de son côté, le MOOC
« spécialisé exploratoire », en
présentant un contenu disciplinaire spécialisé sans pour
autant nécessiter beaucoup de temps ni mener à une certification,
tend à être mobilisé en renfort d’autres ressources
formatives. Ce MOOC serait alors une ressource complémentaire, alors que
l’on peut penser que le MOOC « spécialisé
intermédiaire » serait, quant à lui, un moyen de
développer des compétences préalablement acquises par
l’individu, d’où l’importance de la possibilité
d’obtenir une certification. Le MOOC « spécialisé
intensif », sans délivrer de certificat, semble être une
ressource à part entière de formation. En s’adressant au
grand public, sur un temps long, et demandant un investissement important, ce
MOOC semble être une véritable ressource de formation non formelle
visant l’acquisition de connaissances pointues pour des néophytes.
Enfin, on peut supposer que le MOOC « spécialisé
intermédiaire spécialiste », proche du MOOC
« spécialisé intermédiaire », mais
s’en distinguant en ciblant spécifiquement étudiants et
professionnels, peut incarner les prémisses de l’émergence
de nouveaux modules de formation formelle. L’articulation de cette
typologie à la caractérisation des MOOC selon des aspects
d’ingénierie pédagogique serait alors
particulièrement intéressante (Ortoleva et al., 2017).
Elle permettrait d’adapter les environnements pédagogiques de
chaque type de MOOC aux caractéristiques du public qui les
fréquentent et aux objectifs qu’ils poursuivent en matière
de formation.
Bien qu’il n’existe pas de barrière formelle à
l’accès aux MOOC du fait de leur gratuité et facilité
d’accès, on peut supposer que ces caractéristiques
contribuent à capter des publics distincts d’apprenants au sein de
l’offre de MOOC. Nous soulignons alors l’importance de la prise en
compte de ces aspects du dispositif pour mieux saisir des enjeux
récurrents pointés par la recherche, tels que le taux de
décrochage ou les comportements des apprenants au sein des MOOC. Nous
supposons plus généralement qu’il existe ainsi un
« effet MOOC » dont la portée se manifesterait dans
la composition sociodémographique des cohortes d’apprenants et
serait dépendante des situations objectives dans lesquelles
l’apprenant est pris (situation vis-à-vis de l’emploi, de la
formation, etc.). Ces dernières influenceraient le registre de
mobilisation du MOOC par les individus et le sens subjectif
conféré à ce suivi. La question récurrente du taux
de rétention prendrait alors une teinte plus nuancée et inviterait
surtout à repenser les indicateurs mobilisés pour évaluer
un MOOC. D’une manière générale, ces pistes
analytiques viendraient poursuivre des travaux en cours, tels que ceux
interrogeant les inégalités portées par le dispositif MOOC (Zhenghao et al., 2015).
La mise en évidence de ces formes typiques invite donc les travaux
actuels à s’intéresser aux caractéristiques des MOOC
étudiés et à saisir leur impact sur la composition de la
cohorte d’apprenants, les motifs d’engagement, leur mode de suivi.
Mais elle offre aussi la possibilité de mieux penser les formes de
développement possibles du phénomène MOOC et son
articulation aux autres ressources formatives, instituées ou non, en se
demandant par exemple : quel type de MOOC permettrait de répondre le
mieux à des besoins formatifs évolutifs dans des contextes
spécifiques ?
6.3. Un support réflexif pour penser l’engagement et les enjeux
à la production de MOOC
La nature de l’établissement à l’origine du MOOC
est une variable dont nous souhaiterions souligner l’intérêt
pour la mise en œuvre d’un travail ultérieur. Elle interroge
la stabilité d’institutions dans la production de savoirs
légitimes en éducation et formation, mais aussi les motifs
d’engagement dans la production de MOOC. On observe en effet, selon les
types identifiés dans ce travail, une certaine variation des
établissements concernés. Par exemple, le MOOC
« spécialisé intensif » est plutôt le
fait d’acteurs « classiques » de l’enseignement
supérieur : les universités, grandes écoles et
écoles. Ce MOOC propose ce qui semble être une formation à
part entière pour novices, sans mener à la délivrance
d’attestation, signe potentiel de la prévalence et de la
défense des diplômes académiques. Le MOOC
« spécialisé intermédiaire
spécialiste » est, quant à lui, produit par
d’autres types d’établissements et des instituts de
recherche, faisant ainsi pénétrer dans le champ de la formation
des acteurs jusque-là plus marginaux, qui participent ainsi à la
délivrance de nouvelles formes de certifications, concurrentes à
celles préexistantes. L’engagement dans les MOOC pourrait ainsi se
comprendre en termes de positionnement défensif ou offensif dans le champ
des institutions de production des savoirs
« légitimes » pour reprendre l’expression
du sociologue Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1979).
On peut aussi supposer que ces formes typiques sont à saisir au prisme
du registre d'engagement et de positionnement des établissements dans le
phénomène MOOC. En effet, hétérogène, la
prise de décision de production d’un MOOC semble relever de
stratégies et d’enjeux variables selon la nature des
établissements concernés (Hollands et Tirthali, 2014).
Bien qu’elle soit peu étudiée en tant que telle
jusqu’à présent, nous pouvons supposer que la production de
MOOC entre dans des registres de justifications variables. Pour certains, elle
s'apparenterait à un investissement stratégique de mise en
visibilité de l’établissement sur un marché
éducatif concurrentiel (Ospina-Delgado et al., 2016),
faisant alors du MOOC un véritable outil de markéting,
d’appel d'offre, un support communicationnel de recrutement (Davis et al., 2014).
Le MOOC serait alors utilisé comme une « vitrine »
des savoir-faire ou champ d'excellence de l'établissement en
question. Pour d’autres, la création de MOOC pourrait relever
d’un investissement moins clairement défini. En dehors d’un
positionnement volontaire stratégique et compétitif, la production
d’un MOOC pourrait tout autant s'apparenter à un effet de mode,
à une production qui prendrait son sens en creux par le souhait de ne pas
« manquer le train en marche ».
Enfin, il faut souligner que l’articulation des MOOC dans l’offre
de formations préexistantes des établissements relève elle
aussi de situations variables. Certains, à l’image des Mines
Télécom, intègrent les MOOC dans les cursus
institués de leur école, menant à l’hybridation
progressive des parcours formatifs. D’autres séparent tout à
fait cette production de MOOC de leurs activités traditionnelles. Alors
que l’investissement dans les MOOC a rencontré un certain
enthousiasme ou suscité au contraire un scepticisme plus prononcé (Boullier, 2014), (Compagnon, 2014),
appréhender objectivement les effets des objectifs institutionnels dans
la production de MOOC parait d’autant plus intéressant. La
confirmation d'une telle hypothèse serait à considérer par
l'enrichissement de cette base de données via la collecte d'informations
telles que le nombre de MOOC produits par chaque établissement ou encore
le statut de l'établissement. On pourrait ainsi chercher à saisir,
en s'appuyant sur les travaux en cours et notamment la distinction entre
« production artisanale » et « production
industrielle » (Cisel, 2016),
dans quelle mesure les logiques de production impactent les formes de MOOC
produites.
6.4. Vers une spécialisation des plateformes ?
Par ailleurs, l’étude des caractéristiques des MOOC de la
plateforme FUN donne aussi à voir et à penser les
spécificités de la plateforme nationale française dans un
écosystème international. En effet, la multiplication du nombre de
plateformes qui a accompagné le développement du
phénomène MOOC pose la question des choix opérés par
ces acteurs. Ces plateformes ont, pour la plupart, un rôle
d’intermédiaire entre les concepteurs de MOOC et les usagers
apprenants. On peut se demander si la constitution de leurs catalogues
relève de stratégies, plus ou moins formelles et définies,
qui influeraient sur la nature des MOOC proposés. Dans un travail
exploratoire, Wong souligne en effet, à partir de l’étude de
quatre plateformes de MOOC, comment les principes pédagogiques
affichés par les plateformes orientent la conception pédagogique
de ces ressources par les établissements producteurs et contribuent ainsi
à façonner l’offre (Wong, 2015). La
plateforme française semble témoigner de la volonté
d’une certaine accessibilité de ses contenus (au regard des
caractéristiques des MOOC), majoritairement destinés au grand
public sans nécessiter de prérequis. A l’initiative des
pouvoirs publics qui en garantissent la viabilité (Mongenet, 2016),
la volonté de soutenir la diffusion des savoirs et de la connaissance
reste une mission principale de la plateforme. Néanmoins, on observe
l’émergence d’une certaine frange de MOOC plus
spécifiques, destinés à un public d’étudiants
et de professionnels déjà diplômés du
supérieur, qui confirme la tendance actuelle de faire des MOOC un outil
de formation à part entière. Il sera intéressant
d’étudier l’évolution de la place de ces MOOC dans
l’offre de la plateforme et ce d’autant plus que des initiatives en
faveur de la reconnaissance de la valeur formative des MOOC (par la
certification) émergent et que, plus généralement, les
pouvoirs publics leur confèrent une véritable utilité pour
le soutien de la formation initiale et de la formation tout au long de la
vie.
Un travail particulièrement intéressant à fournir dans
cette perspective consisterait à étendre la collecte
systématique de données présentée dans cet article
à l’ensemble des autres plateformes (nationales et
étrangères), ce qui rendrait possible une comparaison fine de
l’offre et l’identification de stratégies potentielles de
spécialisation au sein de ce marché.
7. Conclusion
Grâce à la collecte systématique
de données sur les MOOC de la plateforme FUN, nous avons décrit
précisément les traits saillants de cet objet d’étude
et mis en évidence, grâce à l’ACM, l’existence
de huit formes typiques de MOOC : spécialiste, profane,
généraliste d’approfondissement, spécialisé
introductif, spécialisé exploratoire, spécialisé
intermédiaire, spécialisé intensif,
spécialisé intermédiaire spécialiste. Ce travail
pose les jalons d’une réflexion sur les effets du dispositif sur le
recrutement du public d’apprenants, l’utilisation de ces ressources
et de leur mode de suivi, l’appréhension plus
générale de la notion de « réussite »
dans un MOOC.
Au-delà de son simple aspect descriptif, ce
référencement parait tout à fait heuristique pour servir
d’appui à des recherches en cours ou à venir. Bien
qu’imparfait et à prolonger, il rend possible un travail de
contextualisation des MOOC étudiés, l’identification
de leurs spécificités ou les proximités dans ce panorama
général des MOOC de la plateforme FUN tout en représentant
un point d'appui méthodologique à la mise en place
d'enquêtes de terrain. Ce travail ouvre diverses pistes de recherche pour
étudier le phénomène MOOC.
À
propos de l’auteur
En
troisième année de doctorat en Sciences de
l’éducation au sein de l’Institut de Recherche en
Éducation (IREDU) à l’Université de Bourgogne,
Eléonore Vrillon s’intéresse aux inégalités
d’accès, d’utilisation et de valorisation des Massive Open
Online Courses (MOOC) dans les parcours individuels d’apprenants. Ce
travail s’articule sur un dispositif d’enquête mixte
mêlant qualitatif et quantitatif longitudinal. Ce projet fait suite
à la réalisation d’une licence en sociologie à
l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et
d’un master de philosophie-sociologie à Paris-Sorbonne (Paris IV),
où elle a commencé à s’intéresser aux
problématiques éducatives à travers une étude
empirique du soutien scolaire au second cycle.
Adresse : IREDU - EA 7318 -
Université de Bourgogne, Pôle AAFE - Esplanade Erasme, BP 26513
21065 DIJON Cedex»
Courriel : eleonore.vrillon@u-bourgogne.fr
Toile : http://iredu.u-bourgogne.fr/equipe/doctorants/432-eleonore-vrillon.html
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1 « On peut discriminer
ici en ne conservant que les valeurs propres qui sont supérieures
à la valeur propre moyenne, soit l’inertie totale / nombre de
dimensions obtenues » (Cahuzac et Bontemps, 2008).
Dans notre cas : 2.25/9 = 0.25. Nous analysons donc les quatre
premières dimensions obtenues.
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