Sciences et Technologies
de l´Information et
de la Communication pour
l´Éducation et la Formation
 

Volume 24, 2017
Article de recherche

Numéro Spécial
Recherches actuelles sur les MOOC

Une typologie de MOOC de France Université Numérique (FUN) : méthode et enjeux

Eléonore VRILLON (IREDU, Université de Bourgogne)

RÉSUMÉ : Alors que le nombre de MOOC dans le monde ne cesse de croître, la réalité qu’ils recouvrent est loin d’être uniforme. Cette hétérogénéité rend difficile une comparaison des recherches entre elles, tout comme une appréhension générale de cet objet d’étude et des enjeux qu’il soulève. Cet article présente une étude des caractéristiques des Massive Open Online Courses (MOOC) de la plateforme nationale française France Université Numérique (FUN) d’octobre 2013 à mai 2016. Pour 195 MOOC, un ensemble d’informations a été systématiquement répertorié jusqu’à la constitution d’une base de données exhaustive et raisonnée. La réalisation d’une analyse des correspondances multiples (ACM) met au jour huit formes typiques de MOOC. Ce résultat rend possible un travail de contextualisation des MOOC étudiés, l’identification de leurs spécificités dans ce panorama général des MOOC de la plateforme FUN, tout en représentant un point d'appui méthodologique à la mise en place d'enquêtes de terrain. Il ouvre aussi des pistes de recherche telles que la place des MOOC dans le paysage de la formation, les motifs d’engagement des institutions dans la production de MOOC ou encore les spécificités et spécialisations des plateformes de MOOC.

MOTS CLÉS : Dispositif de formation, Cours en Ligne Ouvert et Massif, CLOM, MOOC, typologie, plate-forme France Université Numérique (FUN), analyse des correspondances multiples, ACM

ABSTRACT : The growth of Massive Open Online Courses (MOOC) phenomenon is pursuing all around the world, but behind a general term MOOC are multifaceted. Because of this heterogeneity, the comparison of MOOC research results is particularly difficult, just as the understanding of this object and its issues. This article examines MOOC characteristics of the French national platform France Université Numérique (FUN) from October, 2013 till May, 2016. A set of information has been systematically identified in order to create an exhaustive and well-reasoned database. Multiple correspondence analysis (MCA) shows a typology of eight MOOC. This result enables a contextualization of MOOC specificities studied in research. It represents a methodological support for implementing empirical researches and exploring other scientific issues such as the place of MOOC in training and education, institutional motivation to produce MOOC or platforms characteristics.

KEYWORDS : Learning system, Massive Open Online Courses, MOOC, Typology, French national Platform FUN, Multiple Correspondence Analysis, MCA

1. Introduction

Depuis l’émergence du premier Massive Open Online Course (MOOC) en 2008 à l’initiative de Stephen Downs et Georges Siemens au Canada (Cisel et Bruillard, 2012), nous avons assisté à un véritable essor de ces ressources gratuitement disponibles sur internet (Delpech et Diagne, 2016). Ce sont près de 4317 MOOC à travers le monde qui ont ainsi été répertoriés fin 2015 sur différentes plateformes dont le nombre n’a lui aussi cessé de croître (Karsenti, 2015). La diversité des disciplines scientifiques qui s’y intéressent et la croissance des travaux de recherche témoignent l’intérêt des enjeux multidimensionnels soulevés par les MOOC (Raffaghelli et al., 2015). Ce faisant, ils mettent en évidence la réalité multiple que recouvrent les MOOC, sans pour autant mener à un consensus sur la caractérisation de cet objet d’étude récent. Cette difficulté rend complexe la comparaison des travaux entre eux tout comme la généralisation des résultats ainsi obtenus. Pour appréhender cette diversité et distinguer les MOOC entre eux, une description systématique de leurs caractéristiques semble donc d'autant plus déterminante. Nous présentons une étude de l’ensemble des MOOC de la plateforme France Université Numérique (FUN) d’octobre 2013 à mai 2016.

Dans un premier temps, nous revenons, en nous appuyant sur la littérature, sur les motifs qui ont présidé à la réalisation de ce travail de recherche. Le caractère multiforme des MOOC, sous différents aspects, pose en effet la question de la manière dont on peut appréhender cet objet d’étude. Dans un second temps, nous exposons les données recueillies et la méthodologie d’enquête mise en œuvre pour répondre à nos interrogations. Dans une troisième partie, nous exposons les résultats principaux de ce travail, en revenant tout d’abord sur les aspects descriptifs pour ensuite présenter la typologie obtenue. Avant de présenter les perspectives de recherche soulevées par la mise au jour de cette typologie, dans la dernière partie, nous proposons une réflexion autour des limites.

2. Appréhender la diversité des MOOC

2.1. Un objet multiforme

En dépit d’un acronyme unique, le MOOC n’est pas en soi uniforme. Si l’on s’accorde sur le fait que le MOOC est un cours en ligne ouvert à tous et gratuit où se rassemble un grand nombre d’utilisateurs appelés apprenants (Littlejohn, 2013), (Pomerol et al., 2015), (Riegert, 2015), il n’en reste pas moins qu’il est marqué par une grande diversité à différents niveaux.

Cette variété s’observe au niveau du format du MOOC ; bien que délimitée dans le temps, la durée d’un MOOC est variable, tout comme l’investissement temporel que son suivi requiert. Elle se manifeste aussi par la variété et le nombre des supports multimédias utilisés (serious game, vidéos, quiz, quiz intégrés, etc.). C’est notamment ce dont témoignent les « retours d’expérience » de six MOOC produits par l’Inria (Mariais et al., 2016). Par exemple, deux de leurs MOOC durent sept semaines alors que le suivi des quatre autres n’en nécessite que cinq. On peut remarquer l’absence totale de quiz dans un MOOC alors qu’on en trouve cent quinze dans un autre.

Plusieurs travaux mettent en évidence l’existence de ces différences d’agencements. En cherchant à améliorer et optimiser le processus d’apprentissage au sein de ce nouveau dispositif médiatisé, ils proposent, ce faisant, une première mise en ordre de la réalité MOOC (Gilliot et al., 2013), (Rosselle et al., 2014), (Swan et al., 2016). Plus spécifiquement, la considération des soubassements pédagogiques des MOOC a particulièrement retenu l'attention des travaux de recherche entre 2008 et 2012 (Liyanagunawardena et al., 2013), (Ebben et Murphy, 2014). Une distinction majeure est effectuée entre les MOOC connectivistes (Siemens, 2005), qualifiés de cMOOC, et les MOOC transmissifs, appelés xMOOC (Hollands et Tirthali, 2014). Là où, dans les premiers, l’enseignant facilite la circulation d’informations, anime les interactions entre les participants d'où naît la production de savoirs dans un cadre mouvant, les seconds tendent à reproduire une situation plus classique d'enseignement en s'appuyant sur « un modèle pédagogique de la transmission » (Albero, 2010), toutefois rendu accessible sous un format attractif. Le professeur sélectionne les contenus à transmettre, des quiz évaluatifs sont proposés et déterminent la validation des acquis. Les interactions entre participants restent possibles par l'intermédiaire de forums ou de réseaux d’échanges mais elles ne constituent pas le cœur du modèle d’apprentissage. A cette catégorisation duale des MOOC viennent aussi s’adjoindre des dimensions complémentaires tenant compte de l’origine du MOOC, des modalités de participation, suivi et accompagnement, etc. La typologie proposée par Clark illustre bien les alternatives possibles à la taxonomie originale xMOOC - cMOOC en distinguant huit types de MOOC : transferMOOCs, madeMOOCs, synchMOOCs, adaptativeMOOCs, groupMOOCs, connectivistMOOCs et les miniMOOCs (Clark, 2013).

En dernier lieu, il faut noter que la reconnaissance du suivi d’un MOOC est, elle aussi, variable. Elle peut tout autant donner lieu à la délivrance d’attestation de réussite, que de certifications, voire d’équivalences à des crédits universitaires, à des coûts fluctuants selon les établissements et les plateformes. Mais là encore, les conditions du suivi avec succès d’un MOOC ou, pour le dire autrement, de « réussite », dépendent de critères non harmonisés fixés par les équipes pédagogiques. Elles peuvent dépendre d’un pourcentage variable de réussite aux quiz qui jalonnent le suivi du MOOC, de la réalisation et de la correction de devoirs, de la participation aux forums, etc.

2.2. Des différences entre les MOOC

Considérons à présent non plus le MOOC en tant que tel, mais les caractéristiques des utilisateurs, pour saisir d'un autre point de vue cette pluralité de l’objet d’étude et les enjeux qu'elle soulève. Bien que les MOOC soient définis par une « ouverture » du fait de leur gratuité, de leur accessibilité sur internet, rendant leur utilisation particulièrement flexible et adaptable, plusieurs travaux mettent en évidence une relative homogénéité du public d'apprenants, pris dans son ensemble. Ainsi, l’étude de 32 MOOC de l'université de Pennsylvanie disponibles sur Coursera et celle consacrée à 17 MOOC du MIT et Harvard accessibles depuis edX montrent que les utilisateurs « moyens » de MOOC sont plutôt des trentenaires, actifs, diplômés du supérieur (Christensen et al., 2013), (Ho et al., 2014). Or, si l’on quitte ce niveau agrégé, des différences notables se manifestent entre les MOOC. L’étude comparative des 17 MOOC de edX révèle que l’âge médian d’un apprenant peut varier de sept années, que la représentation du public féminin peut passer de 13% des apprenants à 49% et que le fait d’être diplômé du supérieur peut concerner plus de la moitié du public (54%) alors que pour d'autres il dépasse les 80% (Ho et al., 2014).

De même, si l’on observe la récurrence d’un faible taux de rétention des apprenants dans les MOOC, des différences significatives s’observent entre les MOOC (Ferguson et Clow, 2015), (Ho et al., 2014), (Jordan, 2015), (Cisel, 2016). Certaines s’expliquent par les définitions retenues et les modes de calculs de tels taux (Breslow et al., 2013), (Schiffino et al., 2015), mais d’autres MOOC semblent pourtant tirer leur épingle du jeu. Bien que l’identification de certains déterminants du côté des comportements de suivi permette d’expliquer la variation de ces taux d’achèvement, ces résultats ne paraissent que partiels. En ne considérant le MOOC que du point de vue du dispositif, elle ne tient pas compte d’autres aspects tels que le sujet, le public cible, le niveau de pré-requis, dont on peut supposer qu’ils influent sur le recrutement du public d’apprenants et des modalités de suivi qu’ils mettront en œuvre.

Lorsque l’on examine chaque MOOC, il apparait des différences notoires dans la composition de son public et des taux de complétion. On peut penser qu’elles sont liées à certaines caractéristiques du MOOC qui n’ont pas été prises en compte jusqu’à présent. Il parait donc primordial de les identifier pour prendre la mesure des résultats obtenus par les recherches actuelles.

3. Questions de recherche

Les MOOC sont ainsi marqués par une grande hétérogénéité, tant au regard de la réalité qu’ils recouvrent que des caractéristiques variables du public qui les mobilise et des modes de suivi qu’il déploie. Il en résulte cette interrogation somme toute élémentaire mais pour autant nécessaire : comment tenir compte de la diversité de cet objet d’étude alors même qu'elle semble être à l'origine d’effets variables ? Existerait-il, d’une manière sous-jacente, des types de MOOC qui permettraient de rendre compte de ces distinctions observées (au niveau de la composition du public d’apprenants, de son taux de complétion) ou contribueraient sinon à rendre comparables les résultats de la recherche dans le panorama général des MOOC existants ?

Ce travail présente une première cartographie des MOOC proposés sur la plateforme France Université Numérique (FUN), grâce à l’identification systématique de certaines caractéristiques. Nous cherchons à comprendre si, de la proximité de celles-ci, se dégagent des types de MOOC pour ensuite discuter des conséquences soulevées par l’existence de ces regroupements. Nous soulignons l'intérêt méthodologique qu'une telle typologie présente pour la mise en place et la contextualisation d’une recherche sur les MOOC. Elle suscite aussi des pistes de réflexion plus directement liées à l’objet, en questionnant par exemple :

- l'existence de la spécialisation de l’offre de MOOC par les plateformes ;

- les stratégies institutionnelles des établissements à l’origine de la production de MOOC ;

- l’orientation et l’usage de MOOC par des publics distincts et spécifiques.

4. Méthodologie d’enquête : collecte et construction de la base de données

Afin de procéder à l’étude des caractéristiques des MOOC, un premier travail de collecte systématique d’informations a été mis en œuvre à partir du site internet de la plateforme FUN. Rappelons que FUN est la plateforme nationale française de MOOC créée à l’initiative du gouvernement à l’automne 2013. Elle s’inscrit dans le projet plus large d’une valorisation du numérique pour réformer les champs de la formation initiale et professionnelle (loi du 22 juillet 2013). Originale dans le phénomène MOOC du fait de son statut public, elle est aussi, en France, la plateforme centrale soutenant le développement des MOOC.

Un ensemble de données a été identifié pour les 195 MOOC répertoriés sur la période d’octobre 2013 à mai 2016. Ce recensement ne tient compte que de la première édition d’un MOOC. Pour chacun sont répertoriés le titre du MOOC, son domaine disciplinaire, sa durée (en semaines), l'effort estimé par l'équipe pédagogique (en heures par semaine), l'établissement à l'origine du MOOC, la délivrance d'attestation de réussite, le type de public ciblé ainsi que le niveau de prérequis nécessaire au suivi du MOOC. Cette collecte exhaustive a été réalisée à partir des informations indiquées au sein de chaque page de présentation du MOOC. Nous avons ensuite procédé à une catégorisation des données en plusieurs étapes jusqu’à la stabilisation des modalités de réponse possibles, pour rester au plus proche des caractéristiques de chaque MOOC tout en veillant à l'homogénéité de la distribution de la population. Seule la variable « Attestation de réussite », dichotomique, correspondant au fait que le MOOC délivre ou non une attestation de réussite, est restée stable.

Quelques détails sur les choix opérés s’avèrent nécessaires à la compréhension de la typologie. La variable « Domaine disciplinaire » est ainsi le fruit de plusieurs essais. Riche et détaillée, la classification proposée par la plateforme FUN, en distinguant 39 « thèmes », ne permet que difficilement sa réutilisation dans le cadre de ce travail puisque la plupart des MOOC apparait dans plusieurs thèmes à la fois. Après avoir répertorié ces informations, nous avons par la suite privilégié une classification en cinq domaines, dont deux généraux et trois plus spécialisés : Sciences Humaines et Sociales (SHS), Sciences et Technologie, Informatique, Santé, Droit–Economie–Gestion. Nous avons fait le choix d’isoler la discipline informatique du fait de sa présence importante dans le phénomène MOOC. Elle est en effet au cœur de la plateforme OpenClassrooms, mais est aussi un domaine dans lequel le partage de ressources libres est prégnant. Cette catégorisation s’appuie sur les classements disciplinaires utilisés par le Conseil National des Universités (CNU). La variable « Etablissement à l’origine du MOOC » a fait l’objet d’une construction spécifique. A partir de l’ensemble des informations collectées, nous avons dans un premier temps créé la modalité « Université », la plus fréquente. Nous avons ensuite procédé à une distinction entre établissements de l’enseignement supérieur nécessitant le passage par une Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles, rassemblés sous la modalité « Grande Ecole » et ceux qui ne le nécessitent pas (« Ecole »). En étudiant les caractéristiques des établissements restant, nous avons spécifié une modalité « Institut de Recherche », la dernière modalité intitulée « Autre » recouvrant un ensemble plus diversifié. Il s’agit pour la plupart d’institutions engagées dans la production de supports pédagogiques, à l’image par exemple de l’association de réseaux étudiants (Animafac-Cnous), ou encore de structures rattachées au Ministère de l’Education Nationale (Canopé ou C2i), mais on y trouve aussi des institutions généralistes dédiées à la formation des adultes telles que le CNAM ou plus spécialisées à l’exemple de l’Alliance Française. « Le niveau de prérequis » indiqué par les équipes pédagogiques a été structuré en trois modalités : « sans prérequis », niveau d’enseignement secondaire (« secondaire ») et niveau d’enseignement supérieur (« supérieur »). Si les deux premières n’ont pas connu d’évolution, la dernière rassemble deux catégories distinguées dans une étape antérieure (niveau licence et niveau master). Pour chaque MOOC, le « public cible » a été répertorié selon les indications proposées par les équipes pédagogiques. Dans une étape préliminaire, les modalités étudiants et professionnels ont été distinguées, mais figurant presque systématiquement ensemble, elles ont été regroupées. La modalité « Tout Public » rassemble les MOOC précisant spécifiquement s'adresser à un large public ou pour lesquels aucune précision n'était apportée. L’effort estimé en heures, précisément répertorié, a fait l'objet d'une catégorisation en trois modalités au regard de la distribution de notre échantillon : 0 à 2 heures, 2 à 4 heures et plus de 4 heures par semaine. Enfin, concernant la durée des MOOC, trois classes ont là aussi été définies : des MOOC « courts » durant moins de six semaines, des MOOC de durée « moyenne » compris entre six et huit semaines et des MOOC « longs » de neuf semaines ou plus.

La construction raisonnée de cette base de données résulte d’un travail d’ordonnancement des informations observées sur FUN vers des modalités de réponse construites, parfois agrégées. Elle nous permet de décrire dans un premier temps les MOOC de la plateforme nationale française FUN et d’en étudier les spécificités, avant d’en faire émerger les types spécifiques dans un second temps.

5. Résultats

5.1. Résultats descriptifs : une cartographie des MOOC de FUN

La constitution de cette base de données permet dans un premier temps de mettre en évidence les caractéristiques des MOOC de la plateforme nationale française, résumées dans le Tableau 1.

Au-delà de leur gratuité et de leur disponibilité en ligne, l’accessibilité de ces ressources apparait clairement si l’on considère le niveau de prérequis conseillé par les équipes pédagogiques et le public cible. En effet, environ 62% des MOOC de FUN sont destinés au grand public et 56% présentent un contenu accessible sans prérequis. Les MOOC de FUN paraissent donc contribuer à une certaine démocratisation de l’accès à la connaissance et aux savoirs universitaires, faisant ainsi écho à l’élan enthousiaste qui a accompagné les prémisses de leur développement (Collin et Saffari, 2015). Il faut néanmoins remarquer une certaine spécification d’une part moins importante de MOOC. Bien qu’il n’existe aucune barrière formelle à l’inscription dans un MOOC, 37% précisent s’adresser plus particulièrement à un public de professionnels et/ou d’étudiants et il est recommandé pour 28% d’avoir un niveau d’étude de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, le suivi des MOOC requiert tout de même un investissement temporel significatif. En effet, la majorité d’entre eux dure un mois et demi à deux mois (61%). Près des deux tiers nécessitent aussi un investissement hebdomadaire compris entre deux et quatre heures, auquel un quart supplémentaire demande une charge de travail particulièrement significative, de plus de quatre heures par semaine. Si la mobilisation requise pour le suivi d’un MOOC peut sembler anecdotique lorsque l’on considère son format (MOOC court et moins de deux heures par semaine) pour un apprenant, l'étude précise de ces aspects montre qu’en dépit d’un format particulièrement flexible et adaptable pour l’usager, l’apprentissage par l’intermédiaire d'un MOOC nécessite du temps et un investissement significatif de la part de l'apprenant.

En ce qui concerne les établissements impliqués dans la production de MOOC, on note une surreprésentation des Universités (41%), suivies par les Grandes Ecoles (23,6%). Un peu moins d’un tiers des MOOC sont aussi produits par des Instituts de Recherche ou « Autres » types d’établissements. Les Ecoles sont celles qui ont le moins produit de MOOC sur FUN (5,6%). Ces MOOC présentent des thématiques variées au regard de leurs domaines disciplinaires, bien que l’on note une surreprésentation des sciences « dures ». En effet, 60,5% relèvent des Sciences et Technologies, de l’Informatique ou de la Santé. Enfin, soulignons que, malgré un manque d’uniformité des critères d’évaluation, les trois quarts des MOOC de FUN délivrent des attestations de réussite.

Tableau 1 • Caractéristiques principales des MOOC de FUN (n=195)

Variables répertoriées

Modalités de réponse construites

Effectif

Proportion (%)

Domaine disciplinaire

Sciences et Technologie
Sciences Humaines et Sociales
Droit – Economie – Gestion
Informatique
Santé
N/A

73
44
31
31
14
2

37.4
22.6
15.6
15.6
7.2
1

Etablissement à l’origine du MOOC

Université
Grande école
Ecole
Institut de recherche
Autres établissements

81
46
11
22
35

41.5
23.6
5.6
11.3
18

Niveau de pré-requis

Sans pré-requis
Enseignement secondaire
Enseignement Supérieur

110
29
56

56.4
14.9
28.7

Public cible

Etudiants et Professionnels
Tout public

74
110

38
62

Effort estimé
(en heure par semaine)

0 à 2 heures
2 à 4 heures
Plus de 4 heures
N/A

23
123
46
3

11.8
63.1
23.6
1.5

Durée du MOOC
(en semaine)

Court (moins de 6 semaines)
Moyen (6-8 semaines)
Long (9 semaines ou plus)

59
119
18

29.7
61.0
9.2

Attestation de réussite

Oui
Non

146
49

74.9
25.1


5.2. L’émergence d’une typologie

5.2.1. L’analyse des correspondances multiples

L’analyse des Correspondances Multiples (ACM) est une méthode statistique dont l’intérêt consiste à rendre possible une vision d’ensemble des liaisons qui existent entre les variables caractérisant le phénomène observé. « La perspective est de montrer au chercheur ses données sous le meilleur jour possible, de façon qu’il puisse y découvrir les structures sous-jacentes » (Cibois, 1981). Elle permet la mise en évidence de « types idéaux » dont la caractéristique n’est pas de représenter les configurations empiriques observées mais bien de constituer un point de départ à l’analyse du phénomène qui nous intéresse. Fondée sur une extension des principes de l’analyse factorielle des correspondances, elle permet d’étudier les associations entre des variables qualitatives (Cibois, 2006). Les résultats ainsi obtenus par une ACM font émerger des formes idéales typiques, résultant de l’attraction de certaines caractéristiques des MOOC, auxquelles peuvent être comparés les MOOC empiriquement observés.

Afin d’identifier les liaisons possibles entre les caractéristiques des MOOC, nous avons réalisé, à l’aide du logiciel STATA (http://www.stata.com/), une ACM avec la méthode indicator. Après exclusion des valeurs manquantes, nous avons affiné les résultats par itérations successives. Dans un premier temps, nous avons inclus l’intégralité des variables exposées précédemment. Or, ni la durée du MOOC, ni leur caractère certifiant ne contribuent à la structure des axes. Par suite, ces variables n’ont été retenues qu’en tant que variables supplémentaires, afin d’identifier leur proximité aux autres variables étudiées. De même, la variable Etablissement à l’origine du MOOC a été intégrée en variable supplémentaire, afin d’étudier spécifiquement dans le cadre de cette ACM les caractéristiques intrinsèques des MOOC de FUN. Ce sont donc quatre variables actives, pour un total de treize modalités, et trois variables supplémentaires qui ont été retenues pour l’ACM dont nous présentons les résultats ci-après.

Pour l'interprétation des résultats, nous concentrons notre analyse sur les quatre premières dimensions de l’ACM ainsi calculée1 expliquant 62% de l’inertie totale. Les tableaux 2 à 5 restituent les résultats statistiques de l'ACM réalisée à l’issue de ces traitements. Pour chacune des dimensions, il est précisé leur pourcentage de contribution à l’inertie totale ainsi qu’un titre exprimant les oppositions relevées dont nous indiquons les modalités significatives en troisième ligne du tableau, en tenant compte du sens de leur opposition dans la constitution des axes (positif ou négatif). Dans la quatrième ligne est précisé le sens des contributions des modalités des variables supplémentaires considérées. Les modalités des variables les plus contributrices à la constitution de chaque axe sont indiquées en gras.

5.2.2. MOOC spécialiste versus MOOC profane

La première dimension est principalement structurée par les variables Public cible (étudiant et professionnel versus tout public) et le niveau de prérequis nécessaire à son suivi (enseignement supérieur versus sans prérequis). Elles contribuent respectivement pour 22% et 30% à cette première dimension qui explique quant à elle 21,5% de l’inertie totale (voir Tableau 2).

Tableau 2 • Première dimension de l’ACM

Dimension 1 (21.5%) : MOOC spécialiste versus MOOC profane

Négatif

Positif

Plus de 4 heures
Informatique
Enseignement supérieur
Etudiant professionnel

0-2 heures
SHS
Sans prérequis
Tout public

Ecole / grande école / institut de recherche
Attestation de réussite
Long / moyen

Autres établissements / université
Pas d’attestation
court

Plus précisément, on observe ainsi une opposition entre des MOOC ne nécessitant aucun prérequis (en positif) de ceux pour lesquels un niveau d’étude supérieur est conseillé pour le suivi (en négatif). A celle-ci s’ajoute une seconde polarisation entre des MOOC s’adressant à un public d’étudiants et de professionnels (en négatif) et ceux concernant un large public (en positif). On remarque aussi une contribution de la discipline informatique (en négatif) et des sciences humaines et sociales (en positif) marquant ainsi une séparation entre domaine disciplinaire spécifique et général. En ce qui concerne l’effort hebdomadaire estimé, on constate qu’un investissement temporel supérieur à quatre heures par semaine influe en négatif. Les MOOC nécessitant un travail hebdomadaire moins important sont en positif.

Au regard des variables supplémentaires, on constate que le MOOC s’adressant à un public diplômé du supérieur, destiné à des étudiants et professionnels, dans un domaine spécifique particulier, est davantage enclin à délivrer des attestations de réussite, dure aussi plus longtemps (de six à huit semaines ou neuf semaines et plus) tout en étant produit plutôt par des établissements tels que les grandes écoles, les autres écoles et instituts de recherche. Alors qu’à l’opposé de cet axe, en positif, on retrouve un MOOC plutôt au format plus court (moins de six semaines), ne délivrant pas d’attestation et produit par des universités ou d’autres types d’établissements.

Cette première dimension s’articule donc sur une caractérisation du public MOOC. Elle oppose d’une part des MOOC pour spécialistes et d’autre part des MOOC pour profanes.

5.2.3. MOOC généraliste d’approfondissement versus MOOC spécialisé introductif

La deuxième dimension contribuant à 15% restitue une opposition structurante entre le domaine disciplinaire du MOOC (25,5%) et le niveau du public auquel il s’adresse (27,4%). On observe ainsi une polarisation entre, en négatif, des MOOC de sciences s’adressant à un public assez large de diplômés du secondaire et, en positif, des MOOC d’informatique, ne nécessitant pas de prérequis et un investissement temporel faible compris entre 0 et 2 heures par semaine. Si on considère les variables supplémentaires, le premier type de MOOC se présente sous un format court (moins de six semaines), délivre des attestations de réussite et est produit par des écoles, grandes écoles ou instituts de recherche. Le second, produit par des universités ou d’autres types d’établissements, dure plus longtemps sans mener à la délivrance d’attestation de réussite.

Cette deuxième dimension, résumée dans le tableau 3, se structure autour de MOOC généralistes d’approfondissement, d’une part, et de MOOC spécialisés introductifs, d’autre part.

Tableau 3 • Deuxième dimension de l’ACM

Dimension 2 (15.2%)
MOOC généraliste d’approfondissement versus MOOC spécialisé introductif

Négatif

Positif

Sciences
Secondaire

0-2 heures
Informatique
Sans pré-requis

Ecole / grande école / institut de recherche
Attestation de réussite
Court

Autres établissements / université
Pas d’attestation
Long / moyen

5.2.4. MOOC spécialisé intermédiaire versus MOOC spécialisé exploratoire

Les variables « effort hebdomadaire » et « domaine disciplinaire » du MOOC sont celles qui contribuent le plus à la constitution de cette dimension (voir tableau 4). La première est particulièrement structurante en expliquant pour 46,4% la composition de l’axe et la seconde 29,4%. Il est intéressant de souligner que la variable public cible ne participe pas du tout au sein de cette dimension. D’un côté, on observe des MOOC nécessitant un investissement hebdomadaire moyen (2 à 4 heures) en Droit – Economie – Gestion. Et au regard des variables supplémentaires, ils durent plus de neuf semaines, sont produits plutôt par des grandes écoles ou d’autres types d’établissements et délivrent des attestations de réussite. De l’autre côté, en positif, on trouve des MOOC dont le suivi ne nécessite qu’un faible investissement hebdomadaire et un niveau éducatif de l’enseignement secondaire, dans le domaine de la santé. Ces MOOC, d’une durée inférieure à neuf semaines, ne délivrent pas d’attestation et sont créés par des écoles, instituts de recherches et universités.

Tableau 4 • Troisième dimension de l’ACM

Dimension 3 (13.3%)
MOOC spécialisé intermédiaire versus MOOC spécialisé exploratoire

Négatif

Positif

2-4 heures
Droit – économie – gestion

0-2heures
Santé
Secondaire

Autres établissements / grande école
Attestation de réussite
Long

Ecole / institut de recherche / université
Pas d’attestation
Court / moyen

Cette troisième dimension révèle une opposition entre deux types de MOOC de domaines disciplinaires spécialisés. On observe ainsi la distinction entre un MOOC spécialisé exploratoire et un MOOC spécialisé intermédiaire.

5.2.5. MOOC spécialisé intensif versus MOOC spécialisé intermédiaire spécialiste

La quatrième dimension propose une structuration du phénomène proche de la troisième dimension, en étant formée par les variables « domaine disciplinaire » (37,5%) et « effort hebdomadaire » (8,4%), mais elle présente de nouvelles particularités (voir tableau 5). Ce n’est plus la variable « public cible » qui ne participe pas à la structuration de l’axe mais « niveau de pré-requis ». On retrouve, d’une part, des MOOC qui nécessitent plus de quatre heures par semaine, en informatique ou en sciences humaines, et qui, au regard des variables supplémentaires, présentent des formats court ou long, ne délivrent pas d’attestation et sont produits par des acteurs classiques de l’enseignement supérieur. Et, d’autre part, on identifie des MOOC dans le domaine spécifique de la santé, s’adressant à des publics définis d’étudiants et de professionnels, pour un travail estimé de deux à quatre heures par semaine. Ces MOOC sont le fait d’instituts de recherche ou d’établissements de type « Autres » et mènent à la délivrance d’attestation de réussite à l’issue des six à huit semaines de cours.

Tableau 5 • Quatrième dimension de l’ACM

Dimension 4 (12.1%)
MOOC spécialisé intensif versus MOOC spécialisé intermédiaire spécialiste

Négatif

Positif

Informatique
Plus de 4 heures
Tout public

Santé
2-4 heures
Etudiant professionnel

Ecole / grande école / université
Pas d’attestation
Court / long

Autres établissements / Institut de recherche
Attestation de réussite
moyen

5.2.6. Huit formes typiques de MOOC

L’analyse de cette ACM fait donc émerger huit formes typiques dans l’espace représentant les caractéristiques des MOOC : MOOC spécialiste, MOOC profane, MOOC généraliste d’approfondissement, MOOC spécialisé introductif, MOOC spécialisé exploratoire, MOOC spécialisé intermédiaire, MOOC spécialisé intensif, MOOC intermédiaire spécialiste.

La figure 1 restitue, dans un repère orthonormé construit à partir des deux premiers axes de l’ACM, ces huit types de MOOC. Quelques précautions sont à prendre pour la lecture de ce graphique, car la superposition de l’ensemble de ces types dans un espace plan construit à partir des deux premières dimensions diminue quelque peu la lisibilité, puisque les axes qui structurent les quatre dernières formes de MOOC n’apparaissent pas. Les modalités des variables actives apparaissent dans une taille de police supérieure à celle des variables supplémentaires.

Figure 1 • Représentation graphique des huit types de MOOC (n=195)

L’intérêt d’un tel graphique est de représenter, parmi les oppositions structurantes, chacun des MOOC de cette typologie. L’axe horizontal représente l’opposition entre la nature du public cible liée au niveau de prérequis (dimension 1 de l’ACM). On retrouve à gauche le MOOC « spécialiste » défini par un public cible d’étudiants et de professionnels au niveau de prérequis élevé et à droite le MOOC « profane » s’adressant à un grand public sans prérequis (représentés dans les cercles plein en gras). L’axe vertical symbolise quant à lui le lien entre domaine disciplinaire et niveau de prérequis des MOOC (dimension 2 de l’ACM). Sur la partie gauche du graphique sont représentés les domaines disciplinaires, et plus particulièrement dans la partie supérieure les cours spécialisés, alors que les SHS et Droit – Economie – Gestion se concentrent sur la partie supérieure droite. On retrouve l’opposition entre MOOC « généraliste d’approfondissement » et MOOC « Spécialisé introductif »  (représentés dans les bulles en pointillés serrés). On observe par exemple que le type « généraliste d’approfondissement » ne dépend pas des caractéristiques de son public, puisqu’il se situe au centre en bas du graphique, mais est défini par son caractère général et le niveau de prérequis intermédiaire qu’il nécessite, alors que le MOOC « spécialisé introductif » incarne ce trait polyvalent du MOOC en concernant tout autant étudiant professionnel ou grand public, qu’il soit ou non diplômé (d’où son allongement le long de l’axe horizontal). Il concerne néanmoins des contenus disciplinaires spécialisés (informatique, santé, droit – économie – gestion). Le MOOC « spécialisé exploratoire » apparait ainsi, dans cette même logique, en haut un peu étendu sur la droite du graphique (représenté dans une bulle en pointillés et tirets), révélant ainsi sa spécialisation tout en s’adressant plutôt à un large public, sans prérequis. On observe que le type « spécialisé intermédiaire » se situe juste en dessous, un peu plus au centre, traduisant l’investissement un peu plus important qu’il requiert, tout en restant dans un thème spécifique : droit – économie – gestion. Enfin, entourés de tirets, les MOOC « spécialisé intensif » et « spécialisé intermédiaire spécialiste » se situent clairement sur la partie supérieure gauche du graphique. Cela manifeste l’importance du domaine spécialisé en sciences (informatique ou santé), mais aussi le fait que ces MOOC s’adressent davantage à un public identifié d’étudiants ou de professionnels, tout en nécessitant un niveau de prérequis plutôt élevé ainsi qu’un effort hebdomadaire important.

6. Discussion

Nous souhaitons à présent, à la suite de la présentation de ces résultats, revenir sur les principaux intérêts présentés par ce travail. Il convient tout d’abord d’en souligner les apports intrinsèques tout en mettant en exergue ses limites et perspectives d’approfondissement, pour revenir ensuite sur les enjeux plus réflexifs dont ils sont porteurs.

6.1. Une description fine de l’objet d’étude MOOC

La réalisation de cette cartographie présente l’intérêt premier d’une description détaillée des MOOC de la plateforme FUN. La collecte des informations et la construction de cette base de données ont permis de mettre en évidence les caractéristiques du phénomène étudié et d’en révéler les traits moyens. S’adressant principalement à un large public sans nécessiter de prérequis, les MOOC de FUN mènent pour la plupart à la délivrance d’attestation de réussite. D’une manière générale, un MOOC de la plateforme nationale française dure six à huit semaines et demande à l’apprenant un investissement hebdomadaire compris entre deux et quatre heures. Produits par des acteurs « classiques » de l’enseignement supérieur, principalement des universités et des grandes écoles, bien que d’autres institutions participent à la croissance du phénomène, les MOOC de FUN abordent des thématiques qui relèvent pour la plupart des sciences « dures ».

Une des limites de ce travail nait de la collecte et du processus de catégorisation des données collectées sur les MOOC. Les variables retenues et présentées dans cet article pourraient faire l’objet d’un enrichissement. On pourrait par exemple envisager d’élargir cette base en répertoriant de nouveaux éléments tels que le nombre de vidéos ou de quiz dans le MOOC, le statut de l’établissement à l’origine du MOOC, la langue de cours, l’existence de sous-titre, le type de compétences ciblées par le MOOC, etc. Concernant la détermination des modalités de chacune des variables identifiées, elle s’inscrit dans la temporalité de la collecte, entre octobre 2013 et mai 2016. Mais on peut supposer que certaines seront amenées à évoluer au regard de l’expansion de l’offre de MOOC. Par exemple, on peut penser que la modalité « étudiants et professionnels » pourra être séparée en deux catégories distinctes, avec l’émergence de MOOC s’adressant uniquement à des individus en formation initiale. Enfin, nous tenons à souligner l’importance de l’intégration d’une variable temporelle, non incluse dans ce travail. Au fur et à mesure de la mise en ligne de nouveaux MOOC sur la plateforme, nous avons remarqué une certaine évolution du format des MOOC (disparition des MOOC de plus de neuf semaines, généralisation de la délivrance d’attestation, émergence récente d’une nouvelle forme de reconnaissance : la certification, spécification du public, etc.) dont il serait nécessaire de rendre compte objectivement à travers ce recensement. Nous postulons qu’un tel travail contribuerait à mettre en évidence une certaine stabilisation et normalisation de l’objet d’étude MOOC.

6.2. Penser les MOOC dans le contexte plus large de la formation

La réalisation de cette typologie a rendu possible la mise au jour des liens qui existent entre les différentes dimensions d’un MOOC. Elle invite à développer une réflexion autour de la « fonction » que peuvent prendre ces MOOC dans le contexte plus large de la formation.

Le premier type de MOOC « spécialiste » concerne un public de diplômés du supérieur, encore étudiants ou de statut professionnel. Il requiert le niveau d’investissement temporel hebdomadaire le plus élevé. Produit par des grandes écoles, il touche un domaine en particulier, l’informatique, comparativement aux domaines plus généraux que recouvrent les Sciences et Technologies et les SHS. Il semble ainsi proposer une offre de formation à part entière, qu’elle soit professionnelle ou initiale, pour des publics déjà diplômés, alors que le second type de MOOC « profane », en s’adressant au grand public, sans nécessiter de prérequis ou d’investissement temporel élevé, produit par des universités et touchant au domaine des SHS, parait davantage s’inscrire dans une démarche plus large de vulgarisation scientifique, d’accessibilité et de diffusion de la connaissance. Si le MOOC « profane » semble satisfaire un certain idéal de diffusion et d’accessibilité de la connaissance tel qu’il avait pu accompagner le développement du phénomène MOOC, le MOOC « spécialiste » parait répondre à des besoins plus spécifiques en matière de formation.

La mise au jour des types de MOOC spécialisés et généraux par la seconde dimension invite à penser que le MOOC « généraliste d’approfondissement » semble davantage pensé comme un support à la poursuite de l’apprentissage dans un domaine général déjà connu. Dans cette logique d’approfondissement, il mènerait plus volontiers à la délivrance de formes de reconnaissance, alors que l’on peut supposer que le MOOC spécialisé introductif s’insère davantage dans une logique de découverte d’un domaine où l’apprenant n’a pas de connaissances. Ne menant pas à l’obtention d’attestation, on peut penser qu’il serait un support efficace à l’orientation des individus dans leur parcours formatif. Nous postulons que, de son côté, le MOOC « spécialisé exploratoire », en présentant un contenu disciplinaire spécialisé sans pour autant nécessiter beaucoup de temps ni mener à une certification, tend à être mobilisé en renfort d’autres ressources formatives. Ce MOOC serait alors une ressource complémentaire, alors que l’on peut penser que le MOOC « spécialisé intermédiaire » serait, quant à lui, un moyen de développer des compétences préalablement acquises par l’individu, d’où l’importance de la possibilité d’obtenir une certification. Le MOOC « spécialisé intensif », sans délivrer de certificat, semble être une ressource à part entière de formation. En s’adressant au grand public, sur un temps long, et demandant un investissement important, ce MOOC semble être une véritable ressource de formation non formelle visant l’acquisition de connaissances pointues pour des néophytes. Enfin, on peut supposer que le MOOC « spécialisé intermédiaire spécialiste », proche du MOOC « spécialisé intermédiaire », mais s’en distinguant en ciblant spécifiquement étudiants et professionnels, peut incarner les prémisses de l’émergence de nouveaux modules de formation formelle. L’articulation de cette typologie à la caractérisation des MOOC selon des aspects d’ingénierie pédagogique serait alors particulièrement intéressante (Ortoleva et al., 2017). Elle permettrait d’adapter les environnements pédagogiques de chaque type de MOOC aux caractéristiques du public qui les fréquentent et aux objectifs qu’ils poursuivent en matière de formation.  

Bien qu’il n’existe pas de barrière formelle à l’accès aux MOOC du fait de leur gratuité et facilité d’accès, on peut supposer que ces caractéristiques contribuent à capter des publics distincts d’apprenants au sein de l’offre de MOOC. Nous soulignons alors l’importance de la prise en compte de ces aspects du dispositif pour mieux saisir des enjeux récurrents pointés par la recherche, tels que le taux de décrochage ou les comportements des apprenants au sein des MOOC. Nous supposons plus généralement qu’il existe ainsi un « effet MOOC » dont la portée se manifesterait dans la composition sociodémographique des cohortes d’apprenants et serait dépendante des situations objectives dans lesquelles l’apprenant est pris (situation vis-à-vis de l’emploi, de la formation, etc.). Ces dernières influenceraient le registre de mobilisation du MOOC par les individus et le sens subjectif conféré à ce suivi. La question récurrente du taux de rétention prendrait alors une teinte plus nuancée et inviterait surtout à repenser les indicateurs mobilisés pour évaluer un MOOC. D’une manière générale, ces pistes analytiques viendraient poursuivre des travaux en cours, tels que ceux interrogeant les inégalités portées par le dispositif MOOC (Zhenghao et al., 2015).

La mise en évidence de ces formes typiques invite donc les travaux actuels à s’intéresser aux caractéristiques des MOOC étudiés et à saisir leur impact sur la composition de la cohorte d’apprenants, les motifs d’engagement, leur mode de suivi. Mais elle offre aussi la possibilité de mieux penser les formes de développement possibles du phénomène MOOC et son articulation aux autres ressources formatives, instituées ou non, en se demandant par exemple : quel type de MOOC permettrait de répondre le mieux à des besoins formatifs évolutifs dans des contextes spécifiques ?

6.3. Un support réflexif pour penser l’engagement et les enjeux à la production de MOOC

La nature de l’établissement à l’origine du MOOC est une variable dont nous souhaiterions souligner l’intérêt pour la mise en œuvre d’un travail ultérieur. Elle interroge la stabilité d’institutions dans la production de savoirs légitimes en éducation et formation, mais aussi les motifs d’engagement dans la production de MOOC. On observe en effet, selon les types identifiés dans ce travail, une certaine variation des établissements concernés. Par exemple, le MOOC « spécialisé intensif » est plutôt le fait d’acteurs « classiques » de l’enseignement supérieur : les universités, grandes écoles et écoles. Ce MOOC propose ce qui semble être une formation à part entière pour novices, sans mener à la délivrance d’attestation, signe potentiel de la prévalence et de la défense des diplômes académiques. Le MOOC « spécialisé intermédiaire spécialiste » est, quant à lui, produit par d’autres types d’établissements et des instituts de recherche, faisant ainsi pénétrer dans le champ de la formation des acteurs jusque-là plus marginaux, qui participent ainsi à la délivrance de nouvelles formes de certifications, concurrentes à celles préexistantes. L’engagement dans les MOOC pourrait ainsi se comprendre en termes de positionnement défensif ou offensif dans le champ des institutions de production des savoirs « légitimes » pour reprendre l’expression  du sociologue Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1979).

On peut aussi supposer que ces formes typiques sont à saisir au prisme du registre d'engagement et de positionnement des établissements dans le phénomène MOOC. En effet, hétérogène, la prise de décision de production d’un MOOC semble relever de stratégies et d’enjeux variables selon la nature des établissements concernés (Hollands et Tirthali, 2014). Bien qu’elle soit peu étudiée en tant que telle jusqu’à présent, nous pouvons supposer que la production de MOOC entre dans des registres de justifications variables. Pour certains, elle s'apparenterait à un investissement stratégique de mise en visibilité de l’établissement sur un marché éducatif concurrentiel (Ospina-Delgado et al., 2016), faisant alors du MOOC un véritable outil de markéting, d’appel d'offre, un support communicationnel de recrutement (Davis et al., 2014). Le MOOC serait alors utilisé comme une « vitrine » des savoir-faire ou champ d'excellence de l'établissement en question. Pour d’autres, la création de MOOC pourrait relever d’un investissement moins clairement défini. En dehors d’un positionnement volontaire stratégique et compétitif, la production d’un MOOC pourrait tout autant s'apparenter à un effet de mode, à une production qui prendrait son sens en creux par le souhait de ne pas « manquer le train en marche ».

Enfin, il faut souligner que l’articulation des MOOC dans l’offre de formations préexistantes des établissements relève elle aussi de situations variables. Certains, à l’image des Mines Télécom, intègrent les MOOC dans les cursus institués de leur école, menant à l’hybridation progressive des parcours formatifs. D’autres séparent tout à fait cette production de MOOC de leurs activités traditionnelles. Alors que l’investissement dans les MOOC a rencontré un certain enthousiasme ou suscité au contraire un scepticisme plus prononcé (Boullier, 2014), (Compagnon, 2014), appréhender objectivement les effets des objectifs institutionnels dans la production de MOOC parait d’autant plus intéressant. La confirmation d'une telle hypothèse serait à considérer par l'enrichissement de cette base de données via la collecte d'informations telles que le nombre de MOOC produits par chaque établissement ou encore le statut de l'établissement. On pourrait ainsi chercher à saisir, en s'appuyant sur les travaux en cours et notamment la distinction entre « production artisanale » et « production industrielle » (Cisel, 2016), dans quelle mesure les logiques de production impactent les formes de MOOC produites.

6.4. Vers une spécialisation des plateformes ?

Par ailleurs, l’étude des caractéristiques des MOOC de la plateforme FUN donne aussi à voir et à penser les spécificités de la plateforme nationale française dans un écosystème international. En effet, la multiplication du nombre de plateformes qui a accompagné le développement du phénomène MOOC pose la question des choix opérés par ces acteurs. Ces plateformes ont, pour la plupart, un rôle d’intermédiaire entre les concepteurs de MOOC et les usagers apprenants. On peut se demander si la constitution de leurs catalogues relève de stratégies, plus ou moins formelles et définies, qui influeraient sur la nature des MOOC proposés. Dans un travail exploratoire, Wong souligne en effet, à partir de l’étude de quatre plateformes de MOOC, comment les principes pédagogiques affichés par les plateformes orientent la conception pédagogique de ces ressources par les établissements producteurs et contribuent ainsi à façonner l’offre (Wong, 2015). La plateforme française semble témoigner de la volonté d’une certaine accessibilité de ses contenus (au regard des caractéristiques des MOOC), majoritairement destinés au grand public sans nécessiter de prérequis. A l’initiative des pouvoirs publics qui en garantissent la viabilité (Mongenet, 2016), la volonté de soutenir la diffusion des savoirs et de la connaissance reste une mission principale de la plateforme. Néanmoins, on observe l’émergence d’une certaine frange de MOOC plus spécifiques, destinés à un public d’étudiants et de professionnels déjà diplômés du supérieur, qui confirme la tendance actuelle de faire des MOOC un outil de formation à part entière. Il sera intéressant d’étudier l’évolution de la place de ces MOOC dans l’offre de la plateforme et ce d’autant plus que des initiatives en faveur de la reconnaissance de la valeur formative des MOOC (par la certification) émergent et que, plus généralement, les pouvoirs publics leur confèrent une véritable utilité pour le soutien de la formation initiale et de la formation tout au long de la vie.

Un travail particulièrement intéressant à fournir dans cette perspective consisterait à étendre la collecte systématique de données présentée dans cet article à l’ensemble des autres plateformes (nationales et étrangères), ce qui rendrait possible une comparaison fine de l’offre et l’identification de stratégies potentielles de spécialisation au sein de ce marché.

7. Conclusion

Grâce à la collecte systématique de données sur les MOOC de la plateforme FUN, nous avons décrit précisément les traits saillants de cet objet d’étude et mis en évidence, grâce à l’ACM, l’existence de huit formes typiques de MOOC : spécialiste, profane, généraliste d’approfondissement, spécialisé introductif, spécialisé exploratoire, spécialisé intermédiaire, spécialisé intensif, spécialisé intermédiaire spécialiste. Ce travail pose les jalons d’une réflexion sur les effets du dispositif sur le recrutement du public d’apprenants, l’utilisation de ces ressources et de leur mode de suivi, l’appréhension plus générale de la notion de « réussite » dans un MOOC.

Au-delà de son simple aspect descriptif, ce référencement parait tout à fait heuristique pour servir d’appui à des recherches en cours ou à venir. Bien qu’imparfait et à prolonger, il rend possible un travail de contextualisation des MOOC étudiés,  l’identification de leurs spécificités ou les proximités dans ce panorama général des MOOC de la plateforme FUN tout en représentant un point d'appui méthodologique à la mise en place d'enquêtes de terrain. Ce travail ouvre diverses pistes de recherche pour étudier le phénomène MOOC.

À propos de l’auteur

En troisième année de doctorat en Sciences de l’éducation au sein de l’Institut de Recherche en Éducation (IREDU) à l’Université de Bourgogne, Eléonore Vrillon s’intéresse aux inégalités d’accès, d’utilisation et de valorisation des Massive Open Online Courses (MOOC) dans les parcours individuels d’apprenants. Ce travail s’articule sur un dispositif d’enquête mixte mêlant qualitatif et quantitatif longitudinal. Ce projet fait suite à la réalisation d’une licence en sociologie à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et d’un master de philosophie-sociologie à Paris-Sorbonne (Paris IV), où elle a commencé à s’intéresser aux problématiques éducatives à travers une étude empirique du soutien scolaire au second cycle.

Adresse : IREDU - EA 7318 - Université de Bourgogne, Pôle AAFE - Esplanade Erasme, BP 26513 21065 DIJON Cedex»

Courriel : eleonore.vrillon@u-bourgogne.fr

Toile : http://iredu.u-bourgogne.fr/equipe/doctorants/432-eleonore-vrillon.html

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1 « On peut discriminer ici en ne conservant que les valeurs propres qui sont supérieures à la valeur propre moyenne, soit l’inertie totale / nombre de dimensions obtenues » (Cahuzac et Bontemps, 2008). Dans notre cas : 2.25/9 = 0.25. Nous analysons donc les quatre premières dimensions obtenues.