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Concevoir des applications sur tablettes tactiles pour
stimuler l’apprentissage de la lecture : avec quelles
hypothèses scientifiques ?
Jean ECALLE (EMC, Lyon2 ; LabEx Cortex, Lyon), Marion NAVARRO (Laboratoire
EMC, Lyon 2 ; LabEx Cortex, Lyon ; Association Agir pour
l’école), Hélène LABAT (EMC, Lyon 2 ; LabEx Cortex,
Lyon ; Paragraphe, Cergy-Pontoise), Christophe GOMES, Laurent CROS
(Association Agir Pour l’École), Annie MAGNAN (EMC, Lyon 2 ;
LabEx Cortex, Lyon ; Institut Universitaire de France)
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RÉSUMÉ : L’utilisation
des technologies informatisées dans les apprentissages scolaires et en
particulier pour la lecture fait actuellement l’objet de nombreux travaux.
L’objectif de cet article est de présenter des exemples
d’applications sur tablettes tactiles pour aider les enfants en
difficulté dans l’apprentissage de la lecture. Après en
avoir décrit les bases théoriques et les principes, nous
présentons trois applications qui visent à stimuler
l’apprentissage du code alphabétique et du décodage.
L’une est basée sur la stimulation des habiletés
phonologiques, la deuxième sur l’apprentissage des lettres en
insistant sur une approche multi-sensorielle et la troisième sur le
traitement syllabique. La conclusion porte sur l’utilisation des tablettes
dans les pratiques pédagogiques, leurs aspects ergonomiques et les
conditions de leur efficacité.
MOTS CLÉS : Nouvelles
technologies, supports tactiles, littéracie, aides à
l’apprentissage |
Developing apps to stimulate reading learning: What are the scientific hypotheses? |
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ABSTRACT : The
use of new technologies into academic learning and more specifically into
reading is currently the subject of numerous works. The aim of this paper is to
present examples of apps on tablets to help children with difficulties in
learning to read. Having described the theoretical foundations and principles,
three apps are successively presented to stimulate the alphabetic code and the
decoding procedure. One is based on the stimulation of phonological skills, the
second on learning letters emphasizing a multi-sensory approach and the third on
the syllabic processing. The conclusion focuses on the use of tablets in
teaching practices, their ergonomic aspects and conditions of their
effectiveness.
KEYWORDS : New
technologies, tactile supports, literacy, training |
1. Introduction
L’introduction des nouvelles technologies dans
les classes constitue un enjeu et un défi pédagogiques tant pour
les enseignants en terme d’insertion dans les pratiques
d’enseignement (quelle place ? pour quels
profils d’élèves ? quelles modifications apporter
aux pratiques ?) que pour les élèves eux-mêmes en
termes d’outils mis à disposition pour apprendre ou pour renforcer
des processus déficitaires. L'objectif est ici de présenter
l'intérêt de l'utilisation des tablettes tactiles comme support
dans l'apprentissage de la lecture. Pour illustrer notre propos, trois
applications en cours d'expérimentation dans les classes auprès de
jeunes enfants apprentis lecteurs sont présentées. Il
s’agit d’applications dont les fondements scientifiques sont
maintenant largement documentés dans la littérature
internationale. Ces applications ont été conçues,
développées et testées au sein de l'association Agir pour
l'Ecole (www.agirpourlecole.org) et
du laboratoire d’Étude des Mécanismes Cognitifs (EMC,
Lyon 2). L'une porte sur les habiletés phonologiques, la
deuxième est centrée plus spécifiquement sur
l'apprentissage des lettres (leur tracé, leur nom et leur valeur
phonémique) et la troisième sur le traitement simultané de
la syllabe orale et écrite pour faciliter l'accès au code et la
stimulation du décodage. La présentation du cadre théorique
et des travaux de la littérature en psychologie cognitive devrait
permettre de saisir les tenants de la démarche conceptuelle de chaque
application. Les exercices et le principe de fonctionnement sont
également décrits.
2. Les technologies informatisées comme supports
d’apprentissage
L’utilisation de systèmes d’aide
à l’apprentissage pilotés par ordinateur
(computer-assisted learning, CAL) a fait l’objet de plusieurs
études qui ont montré leur efficacité dans le cadre de
programmes éducatifs pour jeunes enfants (Blok et al., 2002), (MacArthur et al., 2001), (Troia et Whitney, 2003).
Deux intérêts majeurs sont soulignés, les enfants peuvent
travailler à leur propre rythme et recevoir une aide adaptée
à leurs difficultés spécifiques.
2.1. L’apport des tablettes tactiles
Depuis 2010, les tablettes tactiles et leurs applications sont très
utilisées comme support d’apprentissage pour les jeunes enfants (Goodwin, 2012), (Murray et Olcese, 2011).
Si l’on excepte les travaux de Falloon (Falloon, 2013) et Osmon (Osmon, 2011),
l’utilisation des tablettes tactiles en tant que nouvel outil
éducatif a principalement fait l’objet d’études chez
des enfants de fin de primaire et chez des adolescents (Bernard et al., 2013), (Manuguerra et Petocz, 2011).
Les études sur l’utilisation de la tablette tactile chez les jeunes
enfants se sont principalement focalisées sur l’amélioration
des capacités de communication chez les enfants à besoin
éducatif spécifique dans des classes spécialisées (Chai et al., 2015), (Hager, 2010), (Kagohara et al., 2013), (McClanahan et al., 2012),
sur le niveau d’engagement des enfants dans une tâche (Kucirkova et al., 2014) et sont limitées à une approche exploratoire (Hutchison et al., 2012), (Kucirkova et al., 2013).
Les tablettes tactiles se caractérisent par une plus grande
facilité d’utilisation et par une interface plus intuitive pour les
enfants que les ordinateurs (McManis et Gunnewig, 2012).
De plus, leur interface tactile, leur système de navigation et leur
portabilité les rendent particulièrement bien adaptées aux
jeunes enfants (Couse et Chen, 2010), (Lynch et Redpath, 2012), (O’Mara et Laidlaw, 2011).
Ces qualités et leur présence dans de nombreuses familles ont
conduit au développement d’applications sur tablettes visant les
apprentissages scolaires (Pegrum et al., 2013).
Dans certains pays (en Australie par exemple) de tels outils figurent
d’ailleurs déjà dans les listes de fournitures scolaires (Ihaka, 2013). Ces
cinq dernières années, différents projets de recherche se
sont intéressés à l’implémentation des
tablettes tactiles dans les dispositifs d’enseignement, par exemple, aux
Etats-Unis : The LAUSD project in Los Angeles : (Bansavich, 2011) ;
en Ecosse : IPad Scotland Project : (Burden et al., 2012) ;
au Canada (Crichton et al., 2012), (Karsenti et Fiévez, 2013) ;
en
Australie (Jennings et al., 2010), (Manuguerra et Petocz, 2011), (Oakley et al., 2012), (Lynch et Redpath, 2012) ;
en Turquie : the FATIH project (Tolu, 2014). Ces
études qualitatives ont examiné les attitudes et les motivations
des élèves et des enseignants et ont toutes souligné leur
intérêt pour ces nouveaux outils désormais
considérés comme susceptibles d’améliorer les
apprentissages. Le constat est que les tablettes améliorent le niveau de
motivation des élèves et conduisent les enseignants à
explorer de nouvelles activités pédagogiques. La critique majeure
que l’on peut faire à de tels projets est l’absence
d’évaluation des applications proposées. La tablette tactile
est envisagée comme un outil qui va permettre de résoudre certains
problèmes d’enseignement ; les applications sont fournies sans
que l’on trouve des justifications théoriques ayant conduit
à leur développement (Kucirkova, 2014).
Falloon (Falloon, 2013),
qui étudie la conception et le contenu d’applications
éducatives pour enfants de 5 ans, souligne la nécessité
d’un travail commun entre chercheurs et développeurs pour
améliorer la portée éducative des applications.
Il existe aujourd’hui très peu d’études
quantitatives recourant à une méthodologie rigoureuse permettant
d’examiner le lien de cause à effet entre une intervention et les
performances. Une étude récente (Neumann, 2016) de type corrélationnel menée auprès de très jeunes
enfants (2 à 4 ans) fait le lien entre l’utilisation des tablettes
à la maison et leur niveau de connaissances sur l’écrit (nom
et son des lettres, écriture de lettres, habiletés phonologiques).
Par ailleurs, on peut noter quelques études à essais
contrôlés randomisés comme celles de Carr (Carr, 2012), de
Haydon et al (Haydon et al., 2012) ou de Pitchford (Pitchford, 2015) portant sur les habiletés mathématiques ou celle de Jolly,
Palluel-Germain et Gentaz (Jolly et al., 2013) portant sur le tracé des lettres. Toutefois, on connaît mal les
effets à long terme de tels programmes d’interventions. La
nécessité d’études expérimentales rigoureuses
s’impose aujourd’hui afin de pouvoir éclairer les enseignants
sur le réel bénéfice de ces nouveaux outils sur la
lecture-écriture (Woolscheid et al., 2016) et plus généralement sur les performances scolaires.
2.2. Leur intérêt pour la lecture et son apprentissage
Des études se sont spécifiquement centrées sur
l’intérêt des aides à l’apprentissage de la
lecture et aux compétences associées assistées par
ordinateur (computer-assisted learning) (Bereiter, 2002), (Rabiner et al., 2004).
Une méta-analyse portant sur quarante-deux études publiées
entre 1990 et 2000 qui examinent l’efficacité de systèmes
informatisés d’aide à l’apprentissage à la
lecture chez des enfants de 5 à 12 ans suggère un effet
positif du recours à des entraînements informatisés
comparativement à des séquences d’enseignement traditionnel
sans recours à l’outil informatique (Blok et al., 2002).
Toutefois, cette méta-analyse révèle également une
grande disparité dans les résultats obtenus rendant difficile la
comparaison des différents entraînements sur leur
bénéfice réel pour les enfants. Une synthèse plus
récente sur le rôle des nouvelles technologies dans
l’apprentissage de la lecture insiste sur l’absence
d’études examinant les processus impliqués au cours de
l’interaction enfant – ordinateur (Burnett, 2009).
Bien que les travaux relatifs aux apports spécifiques du recours aux
tablettes tactiles en lecture soient encore peu nombreux, on se centrera
spécifiquement dans cet article sur le rôle des tablettes tactiles
sur l’apprentissage de la lecture et plus particulièrement sur les
connaissances précoces nécessaires pour apprendre à lire
(les prédicteurs).
Depuis environ une trentaine d’années, les chercheurs et les
praticiens insistent sur la nécessité, pour les enfants
d’âge préscolaire, de développer de solides
connaissances dans le domaine de la litéracie (Connor et al., 2006), (Girolametto et al., 2007), (Goldstein, 2011), (Lonigan et al., 2011), (MacDonald et Figueredo, 2010).
Les principaux prédicteurs de la lecture sont désormais clairement
identifiés (Bauchmüller et al., 2014).
Roberts, Torgesen, Boardman et Scammacca (Roberts et al., 2008) décrivent cinq compétences fondamentales (The Five Big
Ideas) que l’enfant doit acquérir grâce à un
apprentissage systématique et explicite : la conscience
phonologique, le décodage phonologique (maîtrise des
correspondances graphèmes-phonèmes) et la fluence qui vont
permettre une identification des mots précise et rapide, le vocabulaire
et la compréhension (compréhension littérale,
inférence de cohésion, inférences basées sur les
connaissances) qui vont permettre la construction du sens du texte lu.
Hisrich et Blanchard (Hisrich et Blanchard, 2009) signalent qu’il existe peu d’applications spécifiquement
dédiées à l’entraînement des habiletés
en lecture. Plus récemment, Murray et Olcese (Murray et Olcese, 2011) ont recensé les types d’applications disponibles sur tablettes
tactiles pour les jeunes enfants et remarquent que, sur 315, seulement 56 sont
catégorisées comme relevant du domaine éducatif. Peu
d’applications actuellement disponibles pour les jeunes enfants sont
réellement innovantes pour l’apprentissage des connaissances
précoces liées à la lecture (Murray et Olcese, 2011).
Une étude quasi-expérimentale effectuée sur 90 enfants de 3
à 7 ans qui ont utilisé pendant deux semaines deux applications, Super Why qui consiste à apprendre les relations lettres-sons, les
rimes, l’orthographe, l’écriture de mots et de phrases et Martha Speaks : Dog Party, qui porte sur l’apprentissage de
connaissances lexicales, montre une amélioration des performances entre
le pré- et le post-test dans des tâches de recherche du son des
lettres, de rimes et de vocabulaire et particulièrement chez les enfants
de 3 ans (Chiong et Schuler, 2010).
L’absence de groupe témoin constitue une limite importante à
l’interprétation de ce résultat.
Peu de travaux se sont intéressés aux effets de
l’écran tactile pour l’apprentissage du tracé de
lettres alors que certaines applications ont explicitement pour objet un tel
apprentissage (e.g., ABC letter tracing, word writing apps). Une
étude portant sur 41 enfants âgés de 3 à 6 ans montre
que très rapidement les enfants sont capables d’utiliser une
tablette tactile et sont capables de dessiner (Couse et Chen, 2010).
Deux études expérimentales portent sur la comparaison de
l’apprentissage du tracé de lettres dans une situation habituelle
papier/crayon et en utilisant un écran d’ordinateur tactile sur
lequel on écrit directement à l’aide d’un stylo
adapté. La caractéristique principale de
l’entraînement sur tablette est qu’il inclut des
démonstrations du tracé des lettres sous forme de vidéos,
que l’enfant peut visionner plusieurs fois. Jolly et al. (Jolly et al., 2013) ont appris à des enfants de Grande Section de maternelle à
reproduire des lettres selon un modèle statique (sur papier/sans
vidéo) ou selon un modèle dynamique (sur tablette/avec
vidéo). Les résultats montrent une amélioration de la
fluidité d’écriture plus importante pour les enfants
entraînés sur la tablette tactile par rapport aux enfants ayant
réalisé des entraînements classiques sur papier. De plus,
les auteurs observent chez les enfants entraînés sur tablette une
diminution du temps de crayon en l’air, une diminution de la durée
des tracés, ainsi qu’une augmentation de la vitesse moyenne
d’écriture. Ce type d’entraînement sur tablette tactile
pourrait aider le système moteur à intégrer les
règles de production motrice.
Dans une seconde étude menée auprès d’enfants de
CP présentant des difficultés en écriture, Jolly et Gentaz (Jolly et Gentaz, 2013) ont évalué les effets d’entraînements avec tablette
tactile sur la fluidité des tracés de lettres cursives
isolées. Les résultats montrent une amélioration
significative de l’écriture des lettres uniquement chez les enfants
entraînés sur tablette tactile et une diminution de la taille des
lettres et de la vitesse moyenne d’écriture. Les auteurs remarquent
également une augmentation du nombre de pics de vitesse moins importante
que celle observée auprès du groupe d’enfants
entraînés sur papier. Dans ces deux études l’analyse
des caractéristiques cinématiques de l’écriture avant
et après entraînement a montré une amélioration
significative des performances et principalement de la fluidité des
tracés, des enfants entraînés sur tablette tactile
comparativement à ceux entraînés sur papier ou non
entraînés. Enfin, dans une autre étude récente, des
enfants de CM1 à la 3ème ayant des troubles de la
production écrite (dysgraphiques, dyslexiques) ont été
entraînés à écrire des lettres, des mots et des
phrases sur tablette (Berninger et al. 2015). Les auteurs relèvent
que les performances en production écrite ont augmenté
significativement après 18h d’entraînement. Ils concluent
à l’efficacité de ce type d’intervention sur tablette
et à sa capacité à offrir une approche pédagogique
différenciée en fonction des troubles.
L’utilisation des tablettes tactiles pour favoriser les connaissances
liées à la lecture-écriture chez les jeunes enfants suppose
que les enseignants et les parents soient informés de
l’efficacité réelle des applications disponibles
(literacy apps) susceptibles d’être utilisées en
classe ou dans le cadre familial (McManis et Gunnewig, 2012), (McMunn Dooley et al., 2011).
Une évaluation de telles applications mériterait
d’être réalisée.
Les entraînements expérimentaux conçus par des chercheurs
à l’instar de ceux présentés par Jolly et al. (Jolly et al., 2013) ou Berninger et al. (Berninger et al., 2015) restent encore insuffisamment développés et surtout trop rarement
diffusés. L’urgence aujourd’hui est d’une part, de
concevoir des entraînements reposant sur des hypothèses
scientifiques sérieuses et d’autre part, d’en tester les
effets dans des situations à essais contrôlés
randomisés.
Des exemples d’applications, destinées à stimuler les
compétences associées à la lecture dans le cadre
d’action de prévention des difficultés de lecture à
l’école, sont présentés dans les chapitres suivants.
Pour chaque application, les hypothèses sous-tendant la construction de
l’application seront présentées.
3. Quelques exemples d’applications sur tablette (literacy apps)
Selon notre point de vue, avant le
développement d’applications sur tablettes, se pose la question du
type d’exercices qu’il faut proposer. La recherche scientifique
apporte aujourd’hui un certain nombre de réponses sur les
mécanismes cognitifs mis en œuvre au cours de l’apprentissage
de la lecture — pour une synthèse, voir (Ecalle et Magnan, 2015).
Pour résumer, dans le cadre d’activités préventives,
on peut repérer quatre grands domaines constituant des prédicteurs
de la réussite ultérieure en lecture : la connaissance des
lettres, les habiletés phonologiques, le vocabulaire et la
compréhension orale. On considère que les deux premiers sont
plutôt liés au développement ultérieur des processus
d’identification de mots écrits et les deux derniers aux processus
de compréhension en lecture.
Les trois applications proposées ci-dessous visent à
développer l’apprentissage du code alphabétique
nécessaire pour apprendre à lire les mots. La première, de
façon classique s’attache à développer les
habiletés phonologiques dont l’aboutissement est la prise de
conscience des phonèmes. La deuxième vise à stimuler
l’apprentissage des lettres en particulier via un apprentissage
multi-sensoriel par le tracé des lettres et l’écoute de
leurs sons. Enfin, la troisième application teste
l’hypothèse selon laquelle l’accès au code peut se
réaliser, en français, en passant par le traitement conjoint de la
syllabe orale et de la syllabe écrite.
3.1. Autophono : pour stimuler les habiletés phonologiques
3.1.1. Arguments expérimentaux
Les habiletés phonologiques constituent l’un des
prédicteurs les plus puissants de l’apprentissage de la lecture.
Leur développement est dépendant (Anthony et Francis, 2005) :
- du type d’unité traitée : les
unités larges comme les syllabes, en français, sont plus faciles
à manipuler que les phonèmes, unités discrètes de la
langue orale dont le degré d’abstraction est très
élevé (Morais, 2003),
- de la complexité de la tâche demandée (par ex.
une tâche d’inversion d’unité est beaucoup plus
difficile qu’une tâche d’extraction d’unité).
Les diverses tâches phonologiques constituent autant d’exercices
qui peuvent être proposés pour accéder à la
conscience phonémique, dont on a pu relever à l’issue
d’un très grand nombre de travaux le rôle causal dans le
développement des processus d’identification de mots écrits (Melby-Lervåg et al., 2012).
C’est dans cette perspective qu’a été
développée l’application Autophono.
3.1.2. Caractéristiques d’Autophono
Cette application est conçue et développée au
sein de l'association Agir pour l'Ecole et est testée dans le cadre
d’un contrat de thèse CIFRE (Lab EMC/Association Agir pour
l’école). Elle comporte cinq « chapitres »
(ensembles d’exercices) qui vont du traitement de la syllabe au traitement
des phonèmes à l’oral. Le premier « Segmenter les
syllabes » vise à repérer et à comptabiliser les
syllabes dans les mots (Figure 1). Le deuxième, « Manipuler des
syllabes », propose des exercices, notamment de localisation de
syllabes dans les mots, de suppression, d’association, etc. Le
troisième chapitre permet de « Discriminer les
phonèmes » via des exercices de localisation,
d’identification, de comptage (Figure 2), etc. Les quatrième
« Ajouter des phonèmes » et cinquième
chapitres « Combiner des phonèmes » visent à
renforcer la prise de conscience phonémique via divers types
d’opérations mentales portant sur ces unités
réduites.
Figure 1 • Exemple d’écran Autophono
(trouver le nombre de syllabes en faisant glisser le nombre correct de bouches
sur l’image)
Figure 2 • Exemple
d’écran Autophono (trouver le phonème commun et savoir le
situer au début ou en fin de mot)
3.1.3. Intérêts et limites
Stimuler les habiletés phonologiques précocement constitue un
atout pour faciliter l’apprentissage de la lecture. Nous avons par
ailleurs souligné le fait que manipuler de façon intentionnelle
les unités phonologiques dans les mots constituent une activité
mentale nécessitant une capacité de décentration, le
langage n’étant plus un outil de communication mais un objet de
réflexion (Sanchez et al., 2007).
Les travaux montrent que l’accès aux unités et leur
manipulation dans diverses tâches restent problématiques pour un
peu plus de 10 % d’enfants de grande section de maternelle (5ans)
— voir (Labat et al., 2014).
Ce type d’application pourrait être efficace pour stimuler les
habiletés phonologiques auprès d’enfants
repérés en difficulté dès la maternelle. C’est
dans ce contexte que des travaux ont été menés. Les
analyses sont en cours.
Toutefois, les limites apparaissent dans ce que dit la littérature en
matière d’intervention précoce et d’enseignement. En
effet, il est maintenant clairement défendu que l’effet d’un
entraînement phonologique sur les habiletés en lecture est plus
important quand il porte sur les relations entre orthographe et phonologie. La
méta-analyse de Ehri et al. (Ehri et al., 2001) vise à évaluer l’effet d’un entraînement des
capacités d’analyse phonémique sur l’apprentissage de
la lecture dans cinquante-deux études expérimentales. Les auteurs
montrent que l’effet le plus notable est obtenu quand les enfants
manipulent les lettres correspondant aux phonèmes, ce qui suggère
qu’une information visuo-orthographique couplée à une
information phonologique facilite l’acquisition de la conscience
phonémique. L’efficacité d’un entraînement
phonologique semble donc accrue si celui-ci est associé à
l’apprentissage des règles de correspondances grapho-phonologiques.
C’est dans cette perspective qu’une nouvelle application a
été développée en intégrant en plus une
dimension grapho-motrice à l’apprentissage des lettres.
3.2. Du Son au Mot : une application intégrant habiletés
phonologiques, connaissances des lettres et lecture
3.2.1. Pour une approche multi-sensorielle
Les travaux scientifiques dans le domaine apportent de solides arguments
expérimentaux en faveur d’une approche multi-sensorielle.
D’une part, il a été montré qu’un apprentissage
haptique des lettres contribue à mieux accéder à la
compréhension du principe alphabétique — voir par ex. (Bara et al., 2004).
D’autres travaux ont mis en évidence l’importance de
l’écriture lors de l’apprentissage de la lettre : la
trace grapho-motrice semble également contribuer à un meilleur
stockage de la représentation des lettres dans le système cognitif (Labat et al., 2011), (Labat et al., 2015).
Enfin, les travaux actuels sur le stockage des connaissances en mémoire
et sur les apprentissages apportent un éclairage théorique plus
large insistant sur l’importance de l’ancrage sensoriel des
expériences. Ainsi, Barsalou (Barsalou, 2008) propose une approche incarnée de la cognition et souligne que
l’expérience du corps, du monde et de l’esprit implique une
capture des propriétés perceptives, motrices et introspectives,
via les modalités sensorielles, pour favoriser l’émergence
d’une représentation multi-modale. En d’autres termes, la
cognition est incarnée (embodied cognition), car il s’agit
d’une intégration d’états externes (perception) et
internes (proprioception, émotion), via l’action, laquelle implique
la simulation des expériences passées (Kiefer et Trumpp, 2012).
Dans ce cadre, l’apprentissage des lettres (forme, nom et valeur
phonémique) devrait être facilité avec une approche
multi-sensorielle. L’utilisation des tablettes tactiles pourrait
constituer dès lors un atout supplémentaire notamment
auprès d’enfants éprouvant des difficultés
d’apprentissage. Des travaux expérimentaux sont en cours.
3.2.2. Caractéristiques de l’application Du Son au Mot
Cette application, en cours de finalisation par l'association Agir pour
l'Ecole, sera testée dans le cadre d’une thèse CIFRE (Lab
EMC/Association Agir pour l’école). Elle est composée
à nouveau de six « chapitres » comportant
différents exercices. Dans le premier « Trace »,
chaque lettre est introduite avec un apprentissage multimodal impliquant son
tracé sur la tablette réalisé au doigt par l’enfant
et l’écoute du phonème correspondant pendant le
tracé. Le deuxième chapitre « Trouve » propose
des exercices d’identification de lettres. Le troisième chapitre
« Lis », propose des mots ou pseudomots à
l’oral et l’enfant doit dire si le mot ou pseudomot écrit
correspond à ce qu’il entend (Figure 3). Dans le quatrième
chapitre « Ecris », l’enfant doit écrire des
mots ou des pseudo-mots à l’aide de cartes-lettres disponibles sur
la tablette. Le cinquième chapitre est un jeu de Memory (impliquant de la
lecture) où l’enfant doit retrouver et associer un mot-outil
écrit (tel que « mais »,
« alors », « après », etc.)
et sa correspondance orale. Enfin, une répétition du
troisième chapitre, présentée comme un chapitre
supplémentaire « Lis encore », est proposée
à l’enfant.
Figure 3 • Copie d’écran du chapitre 3
« Lis »
Le chapitre 1 comporte une originalité avec la composante
multi-sensorielle qui est proposée. En effet, après un exemple du
tracé de la lettre qu’il observe sur l’écran (Figures
4), l’enfant place son doigt à l’endroit indiqué et il
doit écrire la lettre dont il entend en même temps le nom et la
valeur phonémique. En d’autres termes, la lettre est apprise avec
un ancrage multi-sensoriel : grapho-moteur et auditif et visuel.
Figure 4 • Copies d’écran du chapitre 1 dans
l’application Du Son au Mot
3.3. Une application basée sur le traitement syllabique :
SyllaboCod
Cette application a pour objectif de faciliter la découverte du code
alphabétique à partir des syllabes orales, pour ensuite le
maîtriser et utiliser les syllabes écrites correspondantes pour
identifier les mots écrits. Elle s’adresse à des enfants
pré-lecteurs et apprentis lecteurs en difficulté.
3.3.1. Quels sont les arguments en sa faveur ?
Trois types d’arguments scientifiques viennent soutenir le principe de
cette application :
- l’importance de la conscience phonémique dans
l’apprentissage de la lecture et la difficulté à traiter le
phonème,
- la saillance de la syllabe orale en français et
l’importance de la syllabe écrite comme unité fonctionnelle
de reconnaissance de mots écrits,
- l’hypothèse du « pont
syllabique ».
Nous allons reprendre ces trois points. D’origine multimodale (auditive
par la perception des signaux acoustiques de parole, visuelle par la lecture
labiale et motrice via les programmes nécessaires à sa
prononciation), le phonème est une unité phonologique à
haut degré d’abstraction (Morais, 2003).
Paradoxalement, si la catégorisation phonémique est
réalisée par le bébé très tôt, la prise
de conscience des phonèmes s’avère plus tardive,
stimulée sous l’effet de l’apprentissage du code
alphabétique (Castles et Coltheart, 2004).
Cette difficulté d’accès s’explique notamment par le
phénomène de coarticulation, la prise de conscience des
phonèmes consonantiques restant particulièrement
problématique pour un certain nombre d’enfants. En effet, il est
impossible d’isoler le phonème/p/dans la prononciation de/pə/
même si le/ə/ est très court. Ce projet d’application
devrait permettre d’affronter directement la prise de conscience
phonémique (coûteuse en temps pour y accéder chez un certain
nombre d’enfants) en passant par la syllabe, unité disponible
à l’oral très tôt chez l’enfant
français.
En français, la syllabe est une unité fonctionnelle saillante
de reconnaissance de mots, de très nombreux arguments
expérimentaux en attestent. L’étude princeps de Mehler,
Dommergues, Frauenfelder et Segui (Mehler et al., 1981) montre que la syllabe est une unité de segmentation à
l’oral. En effet des adultes français détectent plus
rapidement/ba/dans BALANCE que dans BALCON et inversement,/bal/est
détectée plus rapidement dans BALCON que dans BALANCE. En adaptant
ce paradigme pour traiter des mots écrits, ce phénomène de
congruence syllabique est retrouvé chez des adultes et chez des enfants
de CP (Colé et al., 1999).
Les bons lecteurs de CP détectent plus rapidement so dans SOLEIL
que dans SOLDAT et plus rapidement sol dans SOLDAT que dans SOLEIL. Les
enfants semblent construire progressivement un syllabaire mental qui se
développe en fonction de la fréquence syllabique (Maïonchi-Pino et al., 2010).
Les enfants de CP reconnaissent les mots écrits à partir des
syllabes plus fréquentes et ceux de CM2 utilisent les syllabes quelle que
soit leur fréquence. L’utilisation d’autres paradigmes
expérimentaux, comme la détection de lettre en situation de
conjonctions illusoires (Doignon et Zagar, 2006), (Maïonchi-Pino et al., 2012) ou la décision lexicale avec la syllabe colorée dans les mots (Chetail et Mathey, 2009) ont confirmé qu’en français la syllabe est une unité
phonologique pré-lexicale et segmentale rapidement disponible chez les
apprentis-lecteurs. Cette unité est contrainte par la fréquence
syllabique et les profils de sonorité en frontière syllabique.
Ces travaux vont dans le sens d’une étude exploratoire montrant
que lorsque des enfants de CP lisent des pseudomots, ils cherchent à
extraire des configurations orthographiques correspondant à des syllabes
orales (Bastien-Toniazzo et al., 1999).
Il faut rappeler ici que la syllabe orale est disponible très tôt
chez l’enfant (Goslin et Flocchia, 2007),
en particulier chez l’enfant français — voir
l’étude inter-langues de (Duncan et al., 2006).
Lorsque l’enfant développe ses habiletés phonologiques, la
syllabe est une unité qui est traitée plus précocement que
le phonème (Ecalle et Magnan, 2007).
L’une des hypothèses avancée ici est la suivante : la
prise de conscience phonémique dont on connaît la difficulté
pourrait être facilitée via le traitement syllabique à
l’oral avec pour appui les lettres constituant la syllabe orale.
3.3.2. De la syllabe orale à la syllabe écrite via le code
alphabétique
Selon l’hypothèse du « pont syllabique » (Doignon-Camus et Zagar, 2014),
avant d’apprendre à lire, l’enfant possède un stock de
représentations lexicales associées à des
représentations infra-lexicales de type syllabique. Puis, sous
l’effet de l’enseignement, l’apprentissage progressif des
lettres (leurs formes et dénomination) se développe. Les
premières connexions lettres-syllabes sont réalisées entre
des groupes de lettres et des syllabes orales déjà disponibles
puis ces connexions s’automatisent progressivement. La construction des
correspondances lettres-sons est le produit d’une segmentation à la
fois de la syllabe orale en unités réduites et des unités
écrites correspondantes, les graphèmes : c’est à
ce moment que se construisent les représentations phonémiques au
cours de l’établissement du lien graphème-phonème. En
effet, la représentation du phonème se construit via la
visualisation de l’unité visuelle correspondante, le
graphème. Puis, par un mécanisme de concaténation qui
permet un moindre coût cognitif pour récupérer les
unités lors de l’identification de mots écrits, une
séquence de lettres est associée à une séquence de
sons. On assiste ici à la construction progressive d’unités
ortho-phonologiques de type syllabique, stockées dans un
« syllabaire mental » sur lequel le lecteur et, très
tôt, l’apprenti lecteur s’appuient pour identifier les mots
écrits. On remarquera que l’on retrouve trace de la description de
ce mécanisme de regroupement de lettres associées à des
sons dans la phase alphabétique consolidée du modèle
développemental de reconnaissance de mots écrits de Ehri (Ehri, 2005).
Pour synthétiser, le « pont syllabique » signifie
le passage d’unités syllabiques orales vers des unités
syllabiques orthographiques et retour, tout en ayant permis et facilité
l’accès aux représentations phonémiques et à
leurs correspondants graphémiques. C’est dans ce contexte
théorique que le projet de l’application SyllaboCod est
proposé.
3.3.3. Caractéristiques de SyllaboCod
L’application a été conçue au sein du laboratoire
EMC (Lyon2). Le développement a été assuré par
l’éditeur de logiciels et applications
« Adeprio » (www.adeprio.com). Elle est constituée
de 34 séries (2*17 consonnes), composées chacune de 20 mots
sélectionnés en fonction de la fréquence des
graphèmes consonantiques étudiés, des correspondances
graphèmes-phonèmes (CGP), des syllabes et des mots. Par ailleurs,
on a distingué, associés aux consonnes, les graphèmes
vocaliques simples (par ex. a, i), soit 17 séries de 20 mots, et les
graphèmes vocaliques complexes (seuls ceux composés de deux
lettres ont été retenus, par ex. an, ou) composant les 17 autres
séries de 20 mots. Seules les syllabes phonologiques et orthographiques
les plus fréquentes CV et CVC sont proposées — voir
InfoSyll de (Chetail et Mathey, 2010) et Manulex-Infra de (Peereman et al., 2007).
Enfin, les mots répondant aux critères ci-dessus avec une
fréquence élevée ont été
sélectionnés à partir de l’indice U G1-G5 de Manulex (Lété et al., 2004).
Chaque série de 20 mots est composée de 5 listes de 4 mots (par
ex., pour l →/l/, la première liste est : lire, lunettes,
lever, lavabo) à partir desquels l’enfant va réaliser
plusieurs tâches :
- segmenter des mots selon leur syllabe orale,
- retrouver les lettres pour reconstruire la syllabe écrite
du mot écrit (Figure 5),
- reconstituer la première syllabe du mot entendu.
Figure 5 • Captures
d’écran : toucher les lettres pour commencer à
écrire « lire» (écran de gauche) et feedback
(écran de droite)
À l’issue de la présentation des 5 listes de 4 mots, une
4ème tâche est proposée où il s’agit de
retrouver les mots de la série. L’enfant entend un mot et il doit
toucher le mot écrit correspondant parmi quatre mots tests : le mot
cible, un autre mot de la série et deux autres mots d’autres
séries. L’utilisation de l’application permet deux
progressions possibles : soit toutes les listes des 17 consonnes avec
graphème vocalique simple sont proposées à l’enfant,
soit chaque consonne est traitée en deux séries, d’abord
avec graphème vocalique simple suivi de la série avec le
graphème vocalique complexe. Il est recommandé de proposer les
listes par ordre décroissant de fréquence de la consonne. Une
étude expérimentale est en cours auprès d’enfants de
CP éprouvant des difficultés pour apprendre à lire.
4. Conclusion
Cette contribution vise à présenter
des exemples d’applications sur tablettes tactiles dont l’objectif
est de réduire les difficultés des jeunes enfants qui ont
été détectées avant et pendant l’apprentissage
de la lecture. La construction et le développement de tels outils
doivent, selon nous, répondre à certains critères tant sur
le plan scientifique, avec des arguments issus de la littérature que sur
le plan ergonomique. Sur ce dernier point et plus précisément, la
question de l’introduction des outils numériques dans les classes
peut se poser à trois niveaux, leur ergonomie propre, leur utilisation
réelle en classe et leur efficacité.
Pour le premier niveau, la conception de l’interface utilisateurs des
logiciels et des applications doit s’appuyer sur un certain nombre de
critères — voir (Ros et Rouet, 2006) —
pour faciliter leur utilisation par l’enfant et notamment éviter
toute charge cognitive inutile liée à la manipulation de
l’interface du logiciel ou de l’application et qui viendrait
entraver l’objectif pédagogique visé. Par exemple, avec
quelle facilité l’utilisateur va apprendre à utiliser le
logiciel ? Quelles informations sont présentes sur
l’écran ? Comment les erreurs sont-elles gérées
par l’interface ? Quelle satisfaction en retirent les
utilisateurs ?
Le deuxième niveau renvoie à leur usage dans les pratiques des
enseignants. Cette question a été examinée dans une
étude exploratoire menée en 2010-11 en France et portant
spécifiquement sur l’introduction de tablettes dans
différentes classes en primaire, collège et lycée. à
l’issue de l’analyse de questionnaires et d’observations de
pratiques en classe, Villemonteix et Khaneboubi (Villemonteix et Khaneboubi, 2013) montrent à la fois un attrait indéniable pour ce type
d’outils de la part des élèves, des enseignants et des
parents, et des contraintes inhérentes à leur utilisation dans les
dispositifs d’enseignement (Villemonteix et Nogry, 2016).
Ce qui conduit les auteurs à relever que « faute de
dispositif d’accompagnement particulier, l’expérimentation
n’incite que modérément les enseignants à utiliser
les tablettes » (p. 12). Il convient donc de considérer le
contexte d’utilisation de tels outils numériques, en d’autres
termes, la qualité et le suivi de l’équipement mis à
disposition dans les classes et la mobilisation des enseignants sur
l’insertion du numérique dans leurs pratiques (au-delà des
contraintes ressenties).
Le troisième niveau concerne la question de l’efficacité
de ces outils numériques sur les performances scolaires. Quatre
méta-analyses (Andrews et al., 2007), (Kulik, 2003), (Slavin et al., 2009), (Torgeson et Zhu, 2004) effectuées sans différencier les outils ICT (information
communication technology) et CAI (computer-assisted instruction),
révèlent des tailles de l’effet parfois non significatives,
n’apportant ainsi pas de conclusion consistante. De même que, selon
Cheung et Slavin (Cheung et Slavin, 2012),
l’introduction de nouvelles technologies n’a pas un rôle
« magique » dans les performances en lecture mais
c’est leur utilisation dans un dispositif d’enseignement construit
par l’enseignant qui pourrait apporter une contribution significative. La
méta-analyse « tertiaire » de Archer et al. (Archer et al., 2014) renforce ce point de vue en précisant que lorsque les personnes ayant mis
en place l’étude impliquant l’outil numérique en
classe ont bénéficié d’une formation initiale et
d’un soutien sur le dispositif utilisé, les tailles d’effet
sur les performances des élèves augmentent significativement. Dans
le même registre, lors d’une revue de questions portant sur les serious games utilisés dans le cadre des apprentissages, il a
été relevé que leur impact sur les performances scolaires
restait à ce jour relativement limité (Girard et al., 2013).
Bref, l’aspect novateur, attrayant et motivant des outils
numériques n’est pas suffisant pour déclarer de facto un
impact sur les performances. Il reste donc à réaliser des
études expérimentales dans le domaine pour déterminer dans
quelles conditions leur utilisation pourrait être efficace.
Pour conclure, (au moins) trois questions préalables doivent
présider à l’utilisation d’un logiciel ou d’une
application à des fins éducatives : Quels sont ses fondements
théoriques sous-jacents ? A-t-il été validé
expérimentalement ? Pour quels profils cognitifs d’enfants ou
d’adolescents ? Quelles sont les qualités ergonomiques de
l’interface ? On voit ainsi apparaître toute la complexité
d’une telle problématique, l’utilisation des outils
numériques en classe, qui vient s’insérer
régulièrement depuis quelques décennies dans les pratiques
pédagogiques sous l’impact de politiques éducatives
portées sur les programmes innovants de type
« e-éducation ».
À
propos des auteurs
Jean Ecalle est
Professeur de Psychologie. Ses thèmes de recherches actuels portent sur
l’apprentissage de la lecture auprès de populations d’enfants
« tout-venant » et d’enfants en difficultés
d’apprentissage (faibles lecteurs, dyslexiques, dysphasiques, sourds et
autistes de haut niveau).
Adresse : Laboratoire d’Etude des
Mécanismes Cognitifs, Université Lumière Lyon 2, Campus
Porte des Alpes, 5, Avenue Pierre Mendès-France, 69676 Bron Cedex
Courriel : ecalle.jean@wanadoo.fr
Toile : http://ecalle-magnan.fr/jean-ecalle/
Marion Navarro est doctorante en Psychologie Cognitive. Elle réalise
une thèse intitulée « Utilisation des tablettes tactiles
en Maternelle pour réduire les difficultés dans
l’apprentissage de la lecture » sous la direction de Jean
Ecalle et Annie
Magnan et encadrée par Hélène
Labat, sous contrat CIFRE avec l’association « Agir Pour l’École ».
Adresse : Laboratoire d’Etude des
Mécanismes Cognitifs, Université Lumière Lyon 2, Campus
Porte des Alpes, 5, Avenue Pierre Mendès-France, 69676 Bron Cedex
Courriel : m.navarro@outlook.fr
Toile : http://emc.univ-lyon2.fr/fr/equipes/equipe-apprentissage-developpement-et-troubles-du-langage/marion-navarro/marion-navarro-602260.kjsp?RH=emc129
Hélène Labat est Maître de Conférences en
Psychologie. Depuis 2012, ses thèmes de recherche portent sur la
prévention et la remédiation des difficultés
d'apprentissage en lecture et en écriture chez les enfants tout-venant
pré-lecteurs, lecteurs débutants, ou les enfants porteurs de
trisomie 21 ou de retard mental. Elle s’intéresse également
à l'apprentissage des lettres et au développement du geste
graphique d'écriture.
Adresse : Laboratoire Paragraphe,
Université de Cergy-Pontoise, 33, boulevard du Port, 95011 Cergy-Pontoise
Cedex
Courriel : helene.labat@iufm.u-cergy.fr
Toile : http://emc.univ-lyon2.fr/fr/equipes/equipe-apprentissage-developpement-et-troubles-du-langage/helene-labat/helene-labat-602266.kjsp?RH=emc50
Christophe Gomes est co-directeur de l'association « Agir pour
l’école ». Créée en 2010,
« Agir pour l’école » est une association loi
de 1901 guidée par l’ambition de trouver des solutions contre
l’échec et les inégalités scolaires.
Adresse : Association Agir Pour
l’Ecole, 59, Rue de la Boétie, 75008 Paris
Courriel : cgomes@agirpourlecole.org
Toile : http://www.agirpourlecole.org/
Laurent Cros est depuis 2011 directeur de
l’association « Agir Pour l’École ».
». Créée en 2010, « Agir pour
l’école » est une association loi de 1901 guidée
par l’ambition de trouver des solutions contre l’échec et les
inégalités scolaires.
Adresse : Association Agir Pour
l’Ecole, 59, Rue de la Boétie, 75008 Paris
Courriel : lcros@agirpourlecole.org
Toile : http://www.agirpourlecole.org/
Annie Magnan est Professeur de Psychologie Cognitive du
Développement. Elle est également membre senior honoraire de
l’Institut Universitaire de France (promotion 2011-2016). Ses recherches
portent sur l’apprentissage de la lecture et ses troubles :
évaluation, aides à l’apprentissage et
remédiation.
Adresse : Laboratoire d’Etude des
Mécanismes Cognitifs, Université Lumière Lyon 2, Campus
Porte des Alpes, 5, Avenue Pierre Mendès-France, 69676 Bron Cedex
Courriel : annie.magnan@univ-lyon2.fr
Toile : http://ecalle-magnan.fr/annie-magnan/
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