Analyse des processus d'entraide dans le cadre d’un
laboratoire virtuel et distant pour l'apprentissage de l'informatique
Pierre BELLET (LHUMAIN), Rémi VENANT (LIUM), Chrysta PÉLISSIER (LHUMAIN), Stéphanie MAILLES VIARD METZ (ADEF), Julien BROISIN (IRIT)
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RÉSUMÉ : Cette
recherche transdisciplinaire vise à analyser les comportements des
étudiants en situation d'entraide dans le cadre d’un laboratoire
virtuel et distant pour l'apprentissage de l'informatique. Cette étude
permet d’identifier différentes configurations d'entraide, et
révèle que les étudiants contribuent de façon
homogène aux sessions de chat supportées par un outil de
consultation de terminal d'un pair. Elle montre également que la
difficulté et le calibrage de la tâche impacteraient la
qualité des sessions d'entraide.
MOTS CLÉS : EIAH,
entraide, laboratoire virtuel et distant, interaction, apprentissage de
l’informatique.
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Learning computer programming at the transition from middle-school to high-school. |
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ABSTRACT : This
transdisciplinary research seeks to analyze student behaviour in mutual aid
situations, in the context of a virtual and remote laboratory for computer
education. This study allows to identify different configurations of mutual aid,
and reveals that students contribute homogeneously to chat sessions supported by
a peer terminal consultation tool. It also shows that the task difficulty would
impact the quality of the mutual aid sessions.
KEYWORDS : Technology-enhanced
learning, mutual aid, virtual and remote laboratory, interaction, computer
education |
1. Introduction
Le développement des
technologies de l’information et de la communication a
considérablement modifié, depuis une dizaine d’années,
la conception de l’activité d’apprentissage. En effet, de
nombreux environnements sont aujourd’hui conçus et
développés dans la perspective de proposer de nouvelles
modalités de formation comme l’apprentissage par les pairs. Par
cette dynamique de développement technique, l’enjeu est de mettre
à la disposition des apprenants des environnements mais également
des modalités pédagogiques différentes, plus souples,
laissant apparaître des possibilités de prise en compte de
stratégies d’apprentissage diverses et propres à chacun.
Ces nouvelles modalités laissent entrevoir de nouvelles perspectives
de recherche au sein d’équipes pluridisciplinaires. En effet, elle
permet aux scientifiques d’explorer ou de convoquer, dans leurs cadres
théoriques respectifs, des connaissances a priori éloignées
de leurs champs de recherche d’origine. Il s’ensuit de cette
approche une cristallisation autour d’une problématique commune et
d’un décloisonnement des objets de recherche
généralement abordés dans une perspective
mono-disciplinaire. La possibilité d’un décloisonnement
entre les disciplines intervenant dans le processus de conception (Lonchamp, 2003) s’effectue dans le cadre d’une collaboration (Jacobs et al., 2002), (Blessing, 1993),
d’une initiative volontaire des acteurs mettant en commun des idées
convergentes pour atteindre des buts partagés de tâches complexes (Darses, 2002).
Cependant, envisager la conception et l’analyse des usages de ces
environnements dans une perspective pluridisciplinaire soulève de vrais
défis (Bourdeloie, 2012) :
définir ensemble une même méthode et/ou identifier la
coordination de ces méthodes afin de produire des analyses pertinentes
pour la communauté scientifique mais aussi pour les praticiens
(c.-à-d. concepteurs de ces environnements, et enseignants proposant des
dispositifs de formation).
Dans cet article, nous présentons les résultats d’une
recherche exploratoire réalisée en équipe
pluridisciplinaire. Ces résultats permettent de caractériser
l’entraide telle qu’elle a été mise en place par les
apprenants au cours de l’usage d’un laboratoire virtuel et distant
expérimenté dans un dispositif de formation à
l’université. Notre intérêt porte plus
particulièrement sur la plateforme Lab4CE, un laboratoire virtuel et
distant (Virtual and Remote Laboratories, VRL). Ces laboratoires sont des
environnements dédiés à l’apprentissage exploratoire (van Jooligen et al., 2005).
Intégrés à des activités médiatisées
par l’informatique, ils ont pour objectif de développer chez les
apprenants, outre les compétences du domaine d’apprentissage, des
compétences d’entraide, de collaboration. En effet, à
travers certaines fonctionnalités offertes par le laboratoire telles que
la messagerie instantanée ou le partage d’écrans/de
terminaux, les utilisateurs sont susceptibles de formuler une demande
d’aide, d’y répondre avec une aide destinée à
un collaborateur, ou encore de notifier l’acceptation de l’aide
reçue. La consultation des terminaux par des pairs impliqués dans
l’activité demandée permet de s’informer sur les
procédures suivies, comparer les actions menées par chacun, et
ainsi progresser dans la démarche d’activité.
La recherche proposée articule, d’une part, des visées
pragmatiques d’élaboration d’un dispositif
d’apprentissage et d’un outil pour soutenir la démarche
d’entraide entre apprenants engagés dans une même
activité collaborative d’apprentissage, et d’autre part, des
visées heuristiques de caractérisation de l’entraide en
s’appuyant sur la compréhension des situations d’interaction
entre apprenants. Par l’analyse de l’usage des
fonctionnalités de Lab4CE, et en particulier des outils de messagerie
instantanée (c.-à-d. chat) et de consultation du terminal
d’un pair, nous avons accès à la partie explicite du
comportement d’entraide des apprenants, offrant une certaine
compréhension du processus qu’ils mettent en œuvre dans le
cadre de la résolution de problèmes d’apprentissage. Si
l’identification de la nature des messages présents dans le chat
(demande d’aide, offre d’aide, acceptation/refus d’aide)
constitue un premier niveau d’approche, leur coordination dans la mise en
fils d’interaction vient compléter ces observations. En effet, les
fils d’interactions permettent de caractériser la dynamique
interactionnelle mise en jeu par les apprenants dans le laboratoire lors de
l’expérimentation menée. L’analyse de
l’utilisation de l’outil de consultation du terminal d’un pair
constitue un autre niveau d’approche permettant d’identifier les
artefacts numériques qui peuvent supporter les apprenants lors
d’une activité d’entraide, mais également de
préciser les interactions prenant place entre apprenants pendant une
session d’entraide.
Pour soutenir cette articulation, nous prenons appui sur le paradigme de
recherche Design-Based Research (DBR) (The Design-Based Research Collective, 2003), (Wang et Hannafin, 2005).
Cette méthode, qui permet d’instancier des modèles sous la
forme d’applications numériques en vue d’une utilisation
contextualisée, se caractérise par des principes
méthodologiques particulièrement intéressants dans le
contexte de la conception d’un dispositif et d’une application
numérique, comme le principe de reconcevoir de manière cyclique
des dispositifs pédagogiques, la nécessité de collaborer
étroitement entre différents acteurs, et le fait de conduire les
recherches en milieu naturel. L’intrication de la recherche et de la
conception d’applications numériques est alors bilatérale et
itérative.
La section qui suit expose le cadre théorique nous permettant de
positionner la problématique de l’entraide et de formuler les
questions de recherche traitées dans cet article. La section 3 expose
l’expérimentation sur laquelle s’appuie notre recherche et
précise la méthodologie d’analyse telle qu’elle a pris
forme dans une démarche de projet pluridisciplinaire. Nous
décrivons les procédures d’analyse qualitative et
quantitative que nous avons mises en œuvre à partir de
l’observation des échanges qui ont eu lieu au sein du chat du
laboratoire distant, et des interactions ayant pris place avec l’outil de
consultation du terminal d’un pair. Les résultats de ces analyses
sont ensuite présentés puis discutés.
2. Background : la notion d’aide et d’entraide
2.1. Aide et recherche d’aide
Si la recherche d’aide a longtemps
été considérée comme une marque de dépendance
de la part de l’apprenant, les travaux de Nelson-Le Gall (Nelson-Le Gall, 1981) ont montré qu’elle pouvait être appréhendée
comme une stratégie témoignant de la capacité de
l’apprenant à s’autoréguler. Karabenick et Gonida (Karabenick et Gonida, 2017) identifient plus particulièrement deux types de recherche d’aide,
selon les objectifs visés :
- la « recherche d’aide exécutive »
(executive help seeking) qui relève d’une stratégie
d’évitement du travail à réaliser (par exemple, quand
l’apprenant demande la solution à autrui) ;
- la « recherche d’aide instrumentale »
(instrumental help seeking) qui correspond à la démarche
dont l’intention est de progresser dans ses apprentissages et de
comprendre les moyens de résolution des situations-problèmes qui
lui sont présentées (Zorn et Puustinen, 2017).
Cette intention permet de caractériser la recherche d’aide en
tant que stratégie de régulation. Toutefois, elle se distingue des
autres stratégies par deux aspects notables (Karabenick et Gonida, 2017) :
- au contraire des stratégies cognitives
(mémorisation, organisation...), elle comprend nécessairement une
forme d’interaction sociale, que ce soit avec les autres apprenants et/ou
l’enseignant ;
- c’est la seule stratégie qui est potentiellement
stigmatisante en raison de son éventuelle non-pertinence, et qui induit
un « coût » personnel : par exemple, le fait de
se sentir redevable vis-à-vis d’un autre apprenant qui lui a
précédemment apporté de l’aide.
Cette double particularité permet de comprendre que la recherche
d’aide est liée à la capacité de l’apprenant
à faire preuve de compétences sur le plan cognitif et
métacognitif, mais aussi sur le plan émotionnel et sur le plan
social (Karabenick et Berger, 2013) :
- les compétences cognitives et métacognitives
renvoient au fait d’être capable d’identifier la
difficulté (besoin d’aide), de prendre conscience qu’une aide
peut lui permettre de dépasser cette difficulté, de savoir comment
demander de l’aide ;
- les compétences émotionnelles correspondent à
la capacité de l’apprenant à réguler ses
émotions quand il rencontre une difficulté :
l’idée de paraître incompétent peut menacer
l’estime de soi de l’apprenant et susciter un sentiment de honte qui
peut l’amener à renoncer à demander de
l’aide ;
- les compétences sociales concernent la capacité
à identifier les personnes pouvant apporter l’aide
désirée : le fait de demander de l’aide peut
générer chez l’individu un sentiment de faiblesse
vis-à-vis de la personne à laquelle il s’adresse (enseignant
ou pairs par exemple).
L’identification de ces différentes compétences ont
permis de dissocier le processus de recherche d’aide, de la notion de
besoin d’aide : l’étudiant n’est pas
forcément conscient de son besoin, ce qui l’amène à
ne pas rechercher/demander de l’aide. Il peut également
éviter de la rechercher parce qu’il se sent mal à
l’aise vis-à-vis de la personne destinataire de la demande, ou
encore rencontrer des difficultés dans sa formulation. C’est ainsi
que les apprenants qui sont objectivement ceux qui ont le plus besoin
d’aide, sont également ceux qui vont le moins la rechercher (Karabenick et Knapp, 1988), (Puustinen, 1998), (Ryan et al., 1998), (Aleven et al., 2006).
Au contraire, les étudiants les plus performants, qui utilisent plus
fréquemment d’autres stratégies, sont ceux qui vont le plus
probablement demander de l’aide, à différentes personnes
s’ils pensent qu’ils en ont réellement besoin (Karabenick et Gonida, 2017).
Ces résultats confirment le constat de Zimmerman et Martinez-Pons (Zimmerman et Martinez-Pons, 1990) :
la demande d’aide est le plus souvent effectuée par des
étudiants plus avancés. Elle peut être formulée en
direction de l’enseignant et/ou des pairs. Newman (Newman, 2000), (Newman, 2008) souligne la différence entre une recherche d’aide effectuée
auprès d’un enseignant et celle réalisée
auprès de leurs pairs, en termes d’impact sur leurs apprentissages
et en termes de coût. Pour Ryan et Shim (Ryan et Shim, 2012),
la recherche d’aide informelle (entre pairs) est jugée plus
accessible que la recherche formelle (auprès de l’enseignant) qui
fait autorité.
2.2. Entraide
Si l’entraide scolaire est souvent associée aux démarches
de soutien, voire de « cours particulier » (Duthoit et al., 2011),
le chat, en tant qu’outil numérique dans un laboratoire
virtuel et distant, offre une fonctionnalité technique favorisant
l’interaction sur le court terme dans le but d’avancer sur le
problème à résoudre proposé par un enseignant dans
une situation donnée. Dans une approche explicite de l’aide, les
messages au sein du chat constituent un ensemble de fils de discussion
qui a priori dans le cas d’une entraide peut débuter par une
requête/demande d’aide, se poursuivre par une/des
réponses/aides formulées par d’autres participants, et se
clôturer par une acception de l’aide donnée (remerciement,
présentation du résultat obtenu grâce à l’aide
offerte). Le début d’une aide peut par ailleurs se situer à
plusieurs moments (Thobois-Jacob et Pélissier, 2020) :
- après une demande d’aide explicite formulée au
cours du lancement d’une activité ou lors de son déroulement
(le plus souvent) ;
- après une recherche d’information que
l’apprenant réalise seul ou en groupe à partir de consignes
formulées par l’enseignant pour réaliser
l’activité ;
- avant toute activité de l’apprenant dans le cadre
d’une anticipation de l’enseignant en lien avec une
difficulté prévisible ;
- après une activité réalisée dans le
cadre d’un accompagnement de l’apprenant dans sa démarche
réflexive visant à relier les nouveaux apprentissages à
ceux déjà construits.
2.3. Questions de recherche
Dans cette recherche exploratoire, nous avons d’une part
étudié l’utilisation de l’outil de communication par
les étudiants lors d’un épisode d’entraide, et
d’autre part l’exploitation de l’outil de consultation du
terminal d’un pair lors d’un épisode d’entraide.
En ce qui concerne l’outil de communication instantanée, nous
nous sommes en particulier intéressés aux questions de recherche
suivantes : comment les échanges présents dans le chat intégré au laboratoire virtuel et distant supportent-ils le
processus d’entraide entre les apprenants pendant la tâche
d’apprentissage ? Cette tâche d'apprentissage mise en jeu dans
le laboratoire virtuel impacte-t-elle la qualité (en termes de
complétude) des épisodes d'entraide ? Les apprenants
s’engagent-ils individuellement et/ou collectivement, de manière
uniforme, dans les différents épisodes d’entraide ?
Au niveau de la consultation du terminal d’un pair dans le processus
d’entraide entre les apprenants, les questions suivantes sont au cœur
de nos préoccupations : comment la consultation de
l’écran/du terminal d’un pair supporte-t-elle le processus
d’entraide ? Dans quelle mesure la consultation du terminal
d’un pair est-elle un élément déclencheur d’un
processus d’entraide ?
Pour apporter des éléments de réponse à ces
questions, nous nous sommes appuyés sur une analyse qualitative et
quantitative de données récoltées dans le cadre d’une
expérimentation menée en contexte écologique dans
l’enseignement supérieur. Les détails de
l’expérimentation et notre méthodologie de recherche sont
exposés dans la section qui suit.
3. Méthodologie
3.1. Description de l’expérience menée
3.1.1. Participants
Trente-neuf participants ont été
sollicités pour réaliser cette expérimentation. Ce sont des
étudiants inscrits en première année d’une formation
universitaire technologique (Diplôme Universitaire de Technologie
français - DUT). Cette formation, dite professionnalisante
(c.-à-d. qui intègre la réalisation de projets et de stages
en entreprises), se déroule sur deux ans après
l’enseignement secondaire. Les étudiants sont
sélectionnés après le baccalauréat en fonction de
leurs résultats lors des deux dernières années du cursus
d’enseignement secondaire (lycée) et d’une lettre de
motivation. Dans notre étude, la spécialité est
l’informatique. Majoritairement de genre masculin (30 hommes pour 9
femmes), les étudiants sont âgés de 17 à 19 ans.
L'expérimentation s'inscrit dans le cadre d'un exercice permettant de
réviser des cours de programmation informatique en langage Shell.
L'objectif pédagogique est de réaliser un exercice collaboratif
dans le but de réviser un langage informatique. Le laboratoire virtuel
utilisé pour l’expérimentation (voir section suivante)
supporte le travail collaboratif et enregistre les interactions des apprenants
avec le système. Dans ce cadre, un pseudonyme est affecté à
chaque participant et l’ensemble des participants est ensuite
réparti aléatoirement en 13 trinômes. Cinq groupes sont
constitués de trois hommes, sept groupes comprennent une femme et deux
hommes, et un groupe est composé de deux femmes et un homme. Les membres
de chaque groupe sont installés dans des salles différentes et
interagissent à distance avec l’outil de messagerie
instantanée (chat) intégré au laboratoire virtuel.
Les étudiants savent utiliser des outils de communication (discussion
instantanée écrite ou audiovisuelle). Ils travaillent
régulièrement à distance via des outils collaboratifs
(wiki, éditeurs de texte partagés, gestion de projets, de
tâches). Dans cette formation, les étudiants ont l'habitude de
travailler ensemble.
3.1.2. L’EIAH : la plate-forme Lab4CE
Dans cette expérimentation, nous utilisons la plateforme Lab4CE
dédiée à l'apprentissage de l'informatique (Broisin et al., 2017a), (Venant et al., 2017).
Elle permet d'instrumenter, sous forme de différentes visualisations et
de consoles, l'ensemble des actions et interactions requises pour
résoudre le problème posé. L’interface mise à
disposition des apprenants lors de l’expérimentation est
illustrée par la Figure 1.
Cette plateforme possède aussi des fonctionnalités pour
collecter les données reflétant les différentes actions
(exécution de commandes, visualisation de terminaux du groupe)
réalisées par chaque apprenant et les interactions verbales
qu’ils ont entre eux. Toutes les actions et interactions sont
positionnables temporellement, individuellement et collectivement, afin de
procéder à leur étude en fonction du type d'analyse des
interactions (Dyke et al., 2009).
3.1.3. Dispositif pédagogique
Les étudiants doivent réaliser un exercice collaboratif dans
leur discipline principale, l'informatique. Ils travaillent en trinôme au
développement d'une application de gestion et de vente de produits.
L'organisation et la coordination des membres du trinôme sont
laissés libres. Les modes d’interaction au sein d’un
trinôme sont limités aux fonctionnalités offertes par
Lab4CE.
Figure 1 • Interface homme-machine du
laboratoire virtuel et distant Lab4CE
L’application de gestion est découpée en trois
parties : client, fournisseur et gestionnaire. Le module du client simule
un processus de commande et d'achat relativement à des produits vendus
par une entreprise. Le fournisseur approvisionne le stock en produits vendus par
cette entreprise. Le gestionnaire établit le bilan des stocks de
l’entreprise. La Figure 2 présente une formalisation de la
tâche à réaliser. Chaque module correspond à un
script devant être développé en langage Shell. Ici, le Shell
désigne à la fois le langage dans lesquelles les commandes sont
écrites et l'interpréteur dans lesquelles elles sont
exécutées. Les trois modules sont indépendants les uns des
autres, c’est leur interdépendance fonctionnelle qui permet
d’atteindre les objectifs de l’application.
Au sein d’un trinôme, un étudiant est chargé de
réaliser un seul des trois modules de l’application. Chaque
trinôme est donc constitué d’un étudiant client,
d’un étudiant fournisseur et d’un étudiant
gestionnaire. Les travaux conjoints de chaque membre permettent d’aboutir
à l’application fonctionnelle finale (collaboration). Ces
activités sont ainsi articulées autour d’une communication
qui est instrumentée par la fonctionnalité de discussion
instantanée intégrée à Lab4CE.
Figure 2 • Découpage
fonctionnel de la tâche d’apprentissage
Le problème posé dans le cadre de
l’expérimentation met donc en jeu des tâches
interdépendantes à un objectif commun qui se résolvent par
la conception collaborative nécessitant la reformulation du
problème, le partage des représentations communes, la
génération et gestion de contraintes, la proposition de solutions,
l’évaluation itérative et la synchronisation cognitive tout
au long de l'activité (Falzon et al., 2004).
L'organisation interne de chaque groupe pour réaliser la tâche
étant spontanée, seule la contrainte de temps et les algorithmes
à développer sont imposés.
3.1.4. Déroulement / Expérimentation
L’expérimentation dure 2h30. Les premières minutes sont
consacrées à la présentation des fonctionnalités du
laboratoire distant Lab4CE par ses concepteurs. Ils expliquent le
déroulement des exercices. Les étudiants sont ensuite
appelés par trinôme et récupèrent chacun un dossier
contenant :
- les renseignements nécessaires à leur identification
(pseudonymes, espaces sur lesquels se connecter, etc.) ;
- des consignes sur le déroulement de la
séance ;
- les énoncés des exercices (prise en main et exercice
principal) comprenant les annexes algorithmiques.
Tous les étudiants ayant le même rôle sont affectés
à la même salle informatique, comme le montre la Figure 3. Une
salle est donc réservée aux clients, une autre aux fournisseurs,
et encore une autre aux gestionnaires. À leur arrivée dans la
salle, les étudiants doivent ouvrir une session sur leur machine et se
connecter à Lab4CE avec les informations qui leur ont été
transmises pour réaliser l'exercice. Ils peuvent communiquer avec les
autres membres de leur trinôme grâce à la
fonctionnalité de discussion instantanée. Ils réalisent
alors la phase de prise en main, puis l'exercice principal.
Cinq observateurs sont mobilisés : deux d'entre eux sont les
concepteurs de Lab4CE, ils constituent une ressource technique potentielle pour
accompagner les étudiants ; les autres sont des chercheurs en
sciences humaines s’intéressant au processus d’entraide et
à sa mise en œuvre.
Figure 3 • Répartition des
apprenants dans les salles selon leur rôle dans l’exercice à
réaliser
3.2. Description de l’expérience menée
Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons mis en
place une méthode mixte, combinant une analyse qualitative des messages
échangés dans l’outil de communication instantanée
avec une analyse quantitative des traces d’interaction des apprenants avec
le laboratoire Lab4CE. L’objectif principal de l’analyse qualitative
est de structurer les messages échangés entre apprenants dans
l’outil de communication instantanée afin d’identifier les
épisodes d’entraide.
Dans le contexte des laboratoires virtuels et distants, l’analyse
quantitative des traces permet de concevoir des tableaux de bord affichant des
informations statistiques d’accès à un laboratoire (Orduña et al., 2014),
d’évaluer le progrès des apprenants dans l’acquisition
de compétences (Romero et al., 2015),
ou de favoriser l’awareness et la réflexion des apprenants (Broisin et al., 2017b).
Dans la recherche présentée ici, l’analyse quantitative des
données a pour but d’évaluer l’engagement des
apprenants dans la tâche d’entraide ou le temps consacré aux
épisodes d’entraide, mais également d’étudier
les modalités mises en œuvre par les étudiants pour
s’entraider.
3.2.1. Procédure d’analyse qualitative des données
Le travail de recherche s’est déroulé en deux temps.
Premièrement, nous avons procédé à une analyse des
données produites par les étudiants dans le chat de Lab4CE
au cours de l’activité demandée. Le logiciel QDA Miner Lite
a été utilisé. Son système de codage de segments de
textes donne la possibilité d’étiqueter chaque composant
d’un corpus de façon indépendante, d’après des
catégories qui émergent au fur et à mesure du codage du
corpus. Ces catégories (d’abord arrêtées
isolément par les auteurs de cette étude) ont ensuite fait
l’objet d’une mise en commun, débouchant sur un consensus
inter-juges global. Trois catégories ont plus particulièrement
été identifiées :
- Des demandes d’aide qui soulignent des difficultés
rencontrées par un participant. Ces demandes prennent la forme de
questions ou d’objections posées aux autres participants, de
manière explicite (question précise directe) ou implicite
(expression d’un argument ou d’une difficulté à
laquelle un membre du groupe se retrouve exposé et qu’il partage
avec ses pairs dans le but éventuel d’obtenir une aide). Leur
présentation à l’ensemble des acteurs constitue un
élément déclencheur de l’interaction, et plus
particulièrement de l’offre d’aide.
- Des propositions ou offres d’aide qui contiennent des
informations susceptibles de solutionner le problème évoqué
dans une demande d’aide, ou de permettre aux participants de progresser
dans la réalisation de la tâche d’apprentissage. Ces
propositions prennent la forme d’expressions, de phrases, de mots,
d’éléments de ponctuation qui portent un message lié
par exemple à l’utilisation des commandes Shell (pour attendre le
résultat attendu), à l’organisation du travail collectif au
sein du trinôme, ou encore à la diffusion d’une correction
orthographique permettant aux autres participants de comprendre le message.
- Des acceptations/refus d’aide dans lesquels le demandeur
d’une aide signifie qu’il a bien reçu l’aide offerte,
qu’il remercie l’auteur de l’aide offerte, que celle-ci
répond/ne répond pas aux difficultés qu’il
rencontrait, ou encore qu’il occasionne une nouvelle
difficulté.
Tableau 1 • Extrait des
résultats de l’analyse qualitative pour le codage des messages
échangés dans l’outil de communication
instantanée
Heure |
Rôle |
Util. |
Action |
Message |
Term. Util. |
Cat. aide |
16:46:03 |
Four. |
etienne |
message |
role |
|
Aide offerte |
16:46:08 |
Four. |
etienne |
message |
je regarde ton terminal la |
|
Aide offerte |
16:46:23 |
Client |
ernest |
terminal |
|
etienne |
|
16:46:26 |
Four. |
etienne |
message |
juste en dessous du echo met "read reponse" |
|
Aide offerte |
16:46:31 |
Four. |
etienne |
message |
reponse est le nom de la variable |
|
Aide offerte |
16:46:59 |
Four. |
etienne |
message |
non juste reponse |
|
Aide offerte |
16:47:06 |
Four. |
etienne |
message |
"reponse" c'est le nom de ta variable |
|
Aide offerte |
16:47:20 |
Gest. |
fabien |
message |
quelle variable ? |
|
Demande d'aide |
16:47:25 |
Four. |
etienne |
message |
et ensuite en dessous tu fais un if qui teste si reponse c'est 1 ou 2 |
|
Aide offerte |
16:47:33 |
Four. |
etienne |
message |
la variable qui contient ce que l'utilisateur a rentré |
|
Aide offerte |
16:47:58 |
Gest. |
fabien |
message |
oui mais a quel moment je dis que ce quil rentre ca va dans
reponse ? |
|
Demande d'aide |
16:49:04 |
Four. |
etienne |
message |
ca se fait tout seul |
|
Aide offerte |
16:49:11 |
Four. |
etienne |
message |
c'est le "read" |
|
Aide offerte |
16:49:16 |
Four. |
etienne |
message |
ca prend ce que l'utilisateur a entré |
|
Aide offerte |
16:49:16 |
Gest. |
fabien |
message |
ok merci |
|
Aide acceptée |
Dans le Tableau 1, les résultats de l’analyse des
échanges réalisés via le chat apparaissent dans la
dernière colonne : demande d’aide (en bleu cyan), proposition
d’aide (en vert) et acceptation/refus d’aide (en orange).
Une fois cette phase d’analyse validée, les catégories
ont pu être quantifiées et organisées de manière
à nous permettre de suivre l’évolution de la place
qu’elles occupent dans le discours des participants tout au long du projet
étudié.
3.2.2. Procédure d’analyse quantitative des données
Nous avons par la suite procédé aux calculs d’indicateurs
(explicités ci-dessous) à partir du jeu de données
généré pour en faire l’analyse statistique.
L’ensemble des manipulations a été réalisé en
Python sous Jupyter Notebook avec la suite scikit-learn.
Outre l’analyse descriptive, une tentative d’analyse structurelle
en Machine Learning a été réalisée, mais le jeu de
données n’était pas assez conséquent pour en obtenir
des résultats pertinents. Cette dernière partie a donc
été retirée de l’étude.
4. Résultats
À travers les résultats obtenus, nous
questionnons l’entraide en tant que phénomène
spontané permettant à chaque apprenant de réaliser ses
propres activités. Dans cette expérience, Lab4ce offrait deux
fonctionnalités qui pouvaient être exploitées par les
étudiants pour réaliser l’entraide : la messagerie
instantanée et l’accès au terminal des autres participants.
La théorie soutient ces deux formes d’interactions dans
l’apprentissage exploratoire, et donc dans les travaux pratiques en
sciences (Hofstein et Lunetta, 2004).
Toutefois, le cadre théorique ne statue pas sur la modalité
d’utilisation de ces interactions au sein de l’apprentissage. Les
raisons évoquées sont d’un ordre plus pragmatique : il
est nécessaire aux apprenants de pouvoir communiquer lors de la mise en
confrontation de résultats divergents, et d’avoir accès au
dispositif de l’autre pour comparer les situations et arriver à un
consensus sur les connaissances acquises après expérimentation (Broisin et al., 2017a).
Nous souhaitons donc déterminer quelles furent les
fonctionnalités offertes par Lab4CE qui ont contribué à la
mise en œuvre de l’entraide et, le cas échéant, comment
elles ont été utilisées. Les analyses
détaillées dans les sections ci-après mettent en avant les
principaux résultats suivants :
- Le chat est principalement utilisé par les
apprenants dans le cadre de sessions d’entraide (presque 70% des messages
échangés via le chat sont relatifs à
l’entraide).
- Certaines corrélations tendent à montrer que plus de
la moitié des sessions d’entraide sont
“complètes” (c’est-à-dire incluant une demande,
une offre et une acceptation d’aide) à travers les outils
proposés dans le laboratoire virtuel.
- La situation d’apprentissage semble impacter la
complétude des sessions d’entraide. Dans notre
expérimentation, lorsqu’un apprenant prend un rôle
spécifique lié à la tâche d’apprentissage, plus
de 80% de ses sessions d’entraide sont “complètes”.
- Certains indicateurs de répartition montrent une
homogénéité très significative du nombre et du type
de messages d’entraide (i) formulés par étudiant, et (ii)
échangés au sein des différents groupes
d’apprenants.
- L’outil d’accès au terminal d’un pair a
été utilisé plus intensément par les
étudiants impliqués dans les sessions d'entraide que par les
autres. Ces premiers résultats semblent montrer l’utilité de
cet outil pour soutenir les apprenants lors d’une session
d’entraide.
- L’analyse quantitative des données montre que 55% des
sessions d’entraide sont précédées par au moins un
accès au terminal d’un pair, et motive des études
complémentaires pour valider l’hypothèse que la consultation
de l’écran/terminal d’un pair est un des facteurs de
motivation à l’origine d’une session d’entraide.
4.1. Utilisation de la messagerie instantanée pour
l’entraide
Dans un premier temps, nous souhaitions déterminer la proportion de
messages d’entraide parmi tous ceux échangés via le chat. Selon notre codification, un message est soit relatif à une
entraide (demande, offre ou acceptation d’aide), soit non lié
à l’entraide (c.-à-d. hors tâche), soit
caractérisé par un résultat de codification ambigu (non
consensuel).
Comme illustré sur la Figure 4, 69% des messages étaient
relatifs à l’entraide. Presque un tiers concernaient des offres
d’aide, tandis qu’un quart d’entre eux exprimait une demande.
Un cinquième des messages n’était pas du ressort de
l’entraide, et 10% étaient trop ambigus pour être
traités. Le chat semble donc être un outil essentiellement
utilisé ici pour l’entraide, avec une faible proportion de messages
ne traitant pas de la tâche et donc, non relative à
l’entraide.
Figure 4 • Proportion des types de
messages échangés via le chat selon notre
codification
Du point de vue global, la distribution des messages par étudiant est
représentée sur la Figure 5. Ces données permettent
d’observer qu’un apprenant a émis des messages
d’entraide aussi bien pour demander de l’aide que pour en
proposer.
À l’échelle de 6 classes, nous observons par ailleurs une
corrélation (de Pearson) significative entre le nombre de messages de
demande d’aide et le nombre de messages d’acceptation d’aide
(r = 0.53, p < 0.01). Cette corrélation est
d’autant plus forte pour les étudiants ayant les rôles
“client” (r = 0.64, p < 0.05) et
« gestionnaire » (r = 0.83,
p < 0.01). En revanche, aucune corrélation significative
n’a été identifiée pour les étudiants ayant le
rôle « fournisseur ».
Figure 5 • Répartition des
messages transmis via le chat par étudiant et catégorie de
message
Ces résultats semblent montrer que les sessions d’entraide
furent « complètes » pour plus de la moitié
d’entre elles en général, et pour plus de 80% d’entre
elles lorsqu’un « gestionnaire » prend part à
la session.
Toutefois, la différence de résultats entre le groupe des
« fournisseurs » et les autres est à remarquer.
L’absence de corrélation montre que les demandes d’aide des
fournisseurs ne sont pas satisfaites, ce qui pourrait s’expliquer par la
complexité des tâches d’apprentissage demandées aux
étudiants « fournisseurs » dans cette
expérimentation. Cette hypothèse reste toutefois à
confirmer.
Aussi, nous n’identifions pas de corrélation, toujours à
l’échelle de la classe, entre demande ou acceptation d’aide,
et offre d’aide. Ces résultats ne permettent pas de mettre en
avant, par exemple, un phénomène d'entraînement où
les étudiants actifs en tant qu’aidés le seraient
également en tant qu’aidants.
4.2. Analyse de l’utilisation du chat pour l’entraide
4.2.1. Dispersion et répartition globale
Afin de déterminer l’homogénéité de
l’utilisation du chat pour l’entraide entre les apprenants,
groupes et rôles, nous avons choisi d’étudier la distribution
des données à travers deux classes d’indicateurs : un
indicateur de dispersion et un indicateur de répartition. Nous utilisons
les écarts inter-quartiles comme indicateur de dispersion puisque les
données ne sont pas distribuées normalement pour la plupart. Nous
mesurons la répartition avec l’indicateur de Gini (Thomas et al., 1999) qui est un coefficient variant de 0 à 1 ; la, valeur
« 0 » signifie une répartition uniforme parfaite,
tandis que la valeur « 1 » signifie que l’ensemble des
données est associé à un unique apprenant. Ainsi, par
exemple, un coefficient de Gini à 1 pour le nombre de messages de demande
d’aide par étudiant signifierait que toutes les demandes ont
été faites par un unique étudiant, tandis qu’une
valeur de 0 signifierait que chaque étudiant a effectué le
même nombre de demandes.
Nous avons appliqué les deux indicateurs sur les variables
suivantes :
- Nombre de messages d’aide (#helpMessages), c’est
à dire de demandes, propositions acceptations et/ou refus émis par
un apprenant ;
- Nombre de sessions d’entraide auxquelles un étudiant
a participé (#helpSessions) ;
- Nombre de messages de type “aidé”
(#helpeeMessages), c’est-à-dire désignant soit des demandes,
soit des acceptations d’aide ;
- Nombre de messages de type “aidant” (#helperMessages),
c’est-à-dire désignant des offres d’aide) ;
- Nombre de sessions d’entraide auxquelles un étudiant
a participé en tant qu’aidé (#helpeeSessions) ;
- Nombre de sessions d’entraide auxquelles un étudiant
a participé en tant qu’aidant (#helperSessions).
Figure 6 • Indicateurs de dispersion
relatifs au nombre de messages et de sessions d’entraide par
étudiant
Les indicateurs de dispersion sont représentés sur la Figure 6
et les coefficients de Gini apparaissent dans le Tableau 2.
Tableau 2 • Coefficients de Gini
relatifs au nombre de messages et de sessions d’entraide par
étudiant
Variable |
Coefficient de Gini (par apprenant) |
#helpMessages |
0.17 |
#helpSessions |
0.14 |
#helpeeMessages |
0.19 |
#helperMessages |
0.24 |
#helpeeSession |
0.17 |
#helperSession |
0.18 |
Les coefficients de Gini indiquent globalement une répartition assez
homogène des différentes mesures entre étudiants. Toutefois
les différences inter-quartiles Q1-Q3 pour les messages de type
« aidé » (#helpeeMessages) et
« aidant » (#helperMessages) vont du simple au double, alors
qu’elles sont plus resserrées pour le nombre de sessions auxquelles
a participé un apprenant en tant qu’aidé (#helpeeSession) ou
aidant (#helperSession). On notera par ailleurs pour la variable #helperMessages
la présence d’outliers représentant des
étudiants « super-actifs », mais également la
valeur la plus haute du coefficient de Gini (c.-à-d. 0.24). Cette
variable est donc la moins homogène parmi celles
étudiées.
Cette analyse peut toutefois être biaisée par l’effet de
groupe. Si un étudiant « super-actif » au sein
d’un groupe entraîne une hausse de la participation des autres
apprenants, on pourrait alors avoir une
hétérogénéité inter-groupe dans
l’utilisation du chat.
4.2.2. Dispersion et répartition par groupe
Pour étudier cet hypothétique effet et analyser les
différences d’utilisation du chat entre les 13 groupes, nous
avons utilisé les mêmes indicateurs de dispersion et de
répartition sur les variables suivantes :
- Nombre de messages d’aide émis au sein du groupe
(#helpMessagesGP) ;
- Nombre de sessions d’entraide au sein du groupe
(#helpSessionsGP) ;
- Nombre de messages de type “aidé”
(#helpeeMessagesGP), c’est-à-dire désignant soit des
demandes, soit des acceptations d’aide, émis au sein du
groupe ;
- Nombre de messages de type “aidant”
(#helperMessagesGP), c’est-à-dire désignant des offres
d’aide, émis au sein du groupe ;
- Nombre de sessions d’entraide auxquelles au moins un des
étudiants du groupe a participé en tant qu’aidé au
sein du groupe (#helpeeSessionsGP) ;
- Nombre de sessions d’entraide auxquelles au moins un des
étudiants du groupe a participé en tant qu’aidant au sein de
son groupe (#helperSessionsGP).
Les indicateurs de dispersion sont représentés sur la Figure 7
et les coefficients de Gini apparaissent dans le Tableau 3.
Figure 7 • Indicateurs de dispersion
relatifs au nombre de messages et de sessions d’entraide par
groupe
Les indicateurs montrent une répartition homogène de
l’utilisation du chat pour l’entraide au sein des
différents groupes, y compris pour le nombre de messages de type
« aidant ». On remarque toutefois qu’ici encore, la
plage de valeurs pour la variable #helperMessagesGP est la plus étendue,
mais avec une faible valeur de l’indicateur de Gini associé, ainsi
qu’une faible différence inter-quartiles Q1-Q3. En prenant en
compte les résultats de répartition et de dispersion par
étudiant, il est possible que si la majeure partie des groupes a un
nombre de messages de type « aidant » similaire, la
répartition de ces messages entre étudiants d’un même
groupe n’est pas forcément homogène.
Tableau 3 • Coefficients de Gini
relatifs au nombre de messages et de sessions d’entraide par
groupe
Variable |
Coefficient de Gini (par groupe) |
#helpMessagesGP |
0.15 |
#helpSessionsGP |
0.11 |
#helpeeMessagesGP |
0.16 |
#helperMessagesGP |
0.17 |
#helpeeSessionsGP |
0.12 |
#helperSessionGP |
0.13 |
4.3. Analyse de l’accès au terminal de l’autre pour
l’entraide
Comme mentionné dans la section 2, les étudiants étaient
libres de consulter, à tout moment, le terminal d’un des membres de
leur triade. Nous avons souhaité déterminer si cette
fonctionnalité était utilisée pour l’entraide, mais
également comme facteur de motivation à l’entraide. Pour
permettre une analyse comparative selon le rôle de l’étudiant
dans l’entraide, nous avons déterminé si pendant une session
d’entraide, un étudiant qui y prenait part, tenait le rôle
d’aidant ou d’aidé. Nous nous sommes appuyés sur la
classification des messages émis via le chat. Toutefois, il
s’avère que parfois, pendant une même session, un
étudiant a transmis à la fois des messages de demandes et
d’acceptation d’aide, et des messages d’offre d’aide.
Pour déterminer le rôle principal de l’étudiant au
sein d’une session d’entraide, nous avons donc choisi ce codage
particulier :
- Aidant : l’étudiant a émis plus de
messages d’offre d’aide que de messages de demande et
d’acceptation d’aide ;
- Aidé : l’étudiant a émis plus de
messages de demande et d’acceptation d’aide que de messages
d’offre d’aide ;
- Ambigu : l’étudiant a émis autant de
messages de demande et d’acceptation d’aide que de messages
d’offre d’aide ;
- Externe : l’étudiant n’a pas émis
de message de demande, d’acceptation ou d’offre d’aide pendant
la session.
Dans le cas de la dernière catégorie
« Externe », l’apprenant n’a pas pris part
à la discussion relative à la session d’entraide, mais nous
ne pouvons affirmer qu’il n’a fait partie en aucune manière
de cette entraide. Il est possible qu’un étudiant consulte les
échanges apparaissant dans le chat sans pour autant y contribuer,
et qu’il soit incité à consulter le terminal d’un
autre pour un problème que lui-même rencontre. Aussi, avant de
proposer ou offrir une aide, il est possible que l’étudiant
souhaite confirmer ses propres connaissances. Si les échanges du chat montrent qu’une session d’aide s’est mise en place
pendant ce laps de temps, l’étudiant peut être amené
à se raviser.
4.3.1. Utilisation du terminal pendant l’entraide
Nous avons analysé ici quelles étaient les principales
utilisations du terminal selon le rôle des utilisateurs impliqués
dans une action d’accès au terminal (c-à-d. celui qui y
accède et celui dont le terminal est consulté). Il est utile ici
de rappeler que, parmi les 175 sessions d’entraide, seules 92 mobilisent
au moins un aidant et un aidé.
Le nombre de sessions pour lesquelles au moins un étudiant d’un
rôle X a accédé au terminal d’un autre étudiant
de rôle Y est fourni dans le Tableau 4. Ainsi, parmi les 175 sessions
d’entraide observées, 134 ont fait intervenir l’accès
au terminal d’un pair. Le tableau mentionne également le temps
total de consultations du terminal d’un pair selon le rôle de
l’étudiant.
Tableau 4 • Nombre et durée
des sessions en fonction du rôle de l’étudiant dans les
sessions d’entraide
Rôle de l’accesseur |
Terminal d’un aidant |
Terminal d’un aidé |
Terminal d’un ambigu |
Terminal d’un externe |
Aidant |
13 (9,7%)
312s |
25 (18,7%)
1234s |
0 (0,0%)
- |
12 (9,0%)
140s |
Aidé |
30 (22,4%)
1164s |
15 (11,2%)
673s |
3 (2,2%)
50s |
22 (16,4%)
612s |
Ambigu |
4 (3%)
60s |
5 (3,7%)
173s |
0 (0,0%)
- |
5 (3,7%)
61s |
Nous remarquons que la majorité des utilisations du terminal en
situation d’entraide concernent l’accès au terminal
d’un aidant par un aidé, d’un aidé par un aidant, et
d’un externe par un aidé. Les temps totaux passés sur le
terminal soulignent une utilisation importante pour les deux premiers cas. Nous
ne pouvons toutefois pas négliger les situations où un aidé
a observé le terminal d’un autre aidé, ni celles où
un aidant a consulté le terminal d’un autre aidant ou d’un
externe.
Les deux valeurs les plus fortes vont dans le sens de l’utilisation de
l’outil lors d’une entraide convenue entre aidé et aidant,
avec l’accès au terminal dans un but prescriptif (lorsque
l’aidant consulte l’aidé) ou démonstratif (lorsque
l’aidé consulte l’aidant). Concernant les autres valeurs,
plusieurs hypothèses peuvent expliquer l’accès au terminal
entre deux aidants, deux aidés, ou bien impliquant un externe.
Tout d’abord, puisque l’accès au terminal d’un pair
dans Lab4CE ne nécessite qu’un clic de souris, un comportement
« mécanique » de la part d’un apprenant
cliquant rapidement sur les différents terminaux provoquerait
l’augmentation artificielle de certaines variables par rapport à
d’autres.
Pour tester cette hypothèse, nous avons analysé la durée
passée sur le terminal d’un pair selon les rôles dans
l’entraide, et observé leurs distributions. La distribution des
durées de consultation du terminal d’un pair selon les rôles
fait apparaître des éléments intéressants pour
caractériser l’utilisation du terminal dans l’entraide. La
Figure 8 permet d’observer des médianes similaires lorsqu’un
aidé consulte le terminal d’un autre aidé (8s.), d’un
ambigu (9s.) ou d’un externe (7s.), ainsi que lorsqu’un aidant
observe le terminal d’un aidé (10s.) ou d’un autre aidant
(6s.). En revanche, la médiane du temps passé sur le terminal
d’un aidant par un aidé est relativement faible (4s.), laissant
présager une possible différence d’utilisation de
l’outil selon les rôles impliqués dans l’accès
au terminal. Aussi, il est à noter les cas particuliers, assez nombreux,
caractérisés par des valeurs très élevées
(presque 300s. pour un aidant ayant observé un aidé). Il y a donc
eu une très forte hétérogénéité de
l’utilisation du terminal dans l’entraide.
Figure 8 • Durée de
consultation du terminal d’un pair selon les rôles des
étudiants lors d’une session d’entraide
Pendant une session d’entraide, les étudiants du groupe ne sont
pas forcément tous impliqués dans l’entraide
“formelle” (c’-à-d. discussion sur le chat dont
les messages sont liés à la session d’entraide). Ainsi, il
est possible d’analyser si le terminal a été, pendant les
sessions d’entraide, utilisé plus intensément par les
étudiants impliqués dans l’entraide que par les autres. Nous
considérons ici un étudiant
« impliqué » dans une session d’entraide de son
groupe comme ayant un des rôles aidant, aidé ou ambigu pendant
cette session, tandis qu’un étudiant non impliqué est celui
ayant le rôle externe pendant une session de son groupe
(c’-à-d. qu’il n’a pas pris part aux échanges du chat pendant cette session). Les étudiants impliqués ont
accédé 134 fois au terminal d’un autre pour une durée
totale de 4479s., tandis que 60 accès au terminal d’un pair ont
été effectués par des étudiants non impliqués
pendant les sessions d’entraide, pour une durée totale de 1650s.
Pour comparer ces valeurs, nous calculons la moyenne par rapport aux nombres de
combinaisons étudiant-session d’entraide dont nous
dénombrons 340 couples pour les étudiants impliqués et 185
pour les étudiants non impliqués. Ainsi, pendant une session, un
étudiant impliqué a effectué en moyenne 0,39 accès
au terminal d’un autre, pour une durée moyenne de 13,17s, contre
0,32 accès d’une durée de 8,92s pour un étudiant non
impliqué.
Bien qu’il semble que l’outil d’accès au terminal
d’un pair ait été utilisé plus intensément par
les étudiants impliqués dans les sessions d'entraide que par les
autres, nous avons souhaité déterminer si la durée
passée sur les terminaux par des étudiants impliqués dans
l’entraide différait de façon significative avec celle des
étudiants non impliqués. Toutefois, une ANOVA de Kruskal-Wallis
(la distribution des échantillons n’étant pas normale) ne
permet pas de rejeter l’hypothèse nulle et de statuer sur la
différence entre les deux échantillons, que l’on utilise la
durée passée sur les terminaux ou son rapport à la
durée de la session d’entraide.
Si l’on peut statuer sur la différence de quantité
d’utilisation d’un point de vue global, nous n’observons pas
de différence comportementale individuelle sur la seule base du temps
passé pour distinguer les situations d’utilisation du terminal pour
l’entraide. Toutefois, cette observation est potentiellement
biaisée par le fait que nous ne puissions qualifier une participation
à l’entraide qu’à travers l’utilisation du chat. Or, il se peut que certains étudiants aient participé
à l’entraide de manière passive sur le plan de la
communication, tout en ayant consulté le terminal d’autres
étudiants.
4.3.2. Utilisation du terminal comme facteur de motivation pour
l’entraide
En dehors des sessions d’entraide, l’accès au terminal
d’un pair a également été utilisé. Le terminal
permettant d’observer ce qu’un autre fait, il pourrait participer
à l’étape de détection d’un besoin d’aide
personnel (au sens de Nelson-Le Gall (Nelson-Le Gall, 1981)),
ou à l’inverse, de détection d’un besoin d’aider
un pair.
Certaines sessions d’entraide suivant immédiatement
d’autres sessions d’entraide, voire même étant incluses
dans des sessions plus longues, nous n’avons retenu dans notre analyse que
les 83 sessions disposant de traces en amont qui ne soit pas liées
à des sessions d’entraide. En effet, le moment de
l’accès au terminal d’un pair en amont d’une session
d’entraide varie énormément, comme le montre, sur la Figure
9, la distribution temporelle des accès au terminal de pairs
précédant une session d’entraide. Nous avons donc
décidé de conserver les traces d’accès à un
terminal n'appartenant pas à des sessions d’entraide, et
précédant dans la limite de 150 secondes une session
d’entraide (soit environ 43% des traces de terminal avant entraide). Ce
filtrage permet de conserver le maximum de traces dans le minimum de temps
précédant la session d’entraide. En effet, plus le temps
avant la session est long, plus le nombre de facteurs motivant l’entraide
peut augmenter. Ce filtrage sert donc à comparer des mesures
semblables.
Figure 9 • Distribution des
accès au terminal d’un pair avant le début d’une
session d’entraide
Le Tableau 5 expose les pourcentages de sessions impliquant, dans les traces
en amont, l’usage du terminal. La « source » fait
référence au rôle futur de l’utilisateur
accédant au terminal lors de la session d’entraide qui va suivre,
alors que la « cible » correspond au rôle futur de
l’utilisateur dont le terminal est consulté. Les lignes et colonnes
A* mentionnent les accès quel que soit le rôle parmi
« aidé », « aidant » et
« ambigu ». Ces valeurs mentionnent donc le pourcentage de
sessions impliquant dans les traces en amont l’usage du terminal par, ou
vers un étudiant ayant pris part à la session. Il y a donc plus de
60% des sessions pour lesquels le terminal a été mobilisé
en amont par un étudiant ayant pris part à la session vers un pair
ayant lui aussi été actif dans cette session.
Tableau 5 • Pourcentage de sessions
qui ont été précédées d’au moins un
accès au terminal d’un pair
Cible →
Source ↓ |
Aidé |
Aidant |
Ambigu |
Externe |
A* |
Aidé |
7,23% |
24,09% |
01,20% |
27,71% |
32,53% |
Aidant |
18,07% |
03,61% |
01,20% |
09,64% |
22,89% |
Ambigu |
01,20% |
02,41% |
01,20% |
3,61% |
04,82% |
Externe |
24,10% |
08,43% |
00,00% |
15,66% |
32,53% |
A* |
30,12% |
26,51% |
03,61% |
40,96% |
60,24% |
5. Discussion des résultats
Les résultats des différentes analyses
qualitatives et quantitatives ouvrent sur des interprétations que nous
souhaitons repositionner dans la définition de la notion
d’entraide.
Premièrement, les corrélations réalisées dans le
cadre de cette étude semblent montrer que les sessions d’entraide
sont majoritairement « complètes ». Un processus
d’entraide pourrait donc être défini et
caractérisé selon des étapes (demande, aide offerte, aide
acceptée/refusée), des éléments déclencheurs
(ex : difficultés rencontrées par un demandeur) ou encore des
phrases de mises en œuvre de l’entraide qui ne sont pas
forcément linéaires mais qui structurent ce processus (ex :
stratégie de demande d’aide, procédure de formulation de
l’aide dans le chat, compréhension de l’aide
formulée). Des variables en lien avec le rôle de chaque acteur
impliqué, et le niveau de complexité de l’activité
collective menée, restent à être identifiées.
Deuxièmement, la non corrélation entre demande ou acceptation
d’aide et offre souligne l’opportunité de notifier les
acteurs face à l’entraide, selon leur profil. Deux profils
pourraient être identifiés dans le processus proposé :
un étudiant plutôt aidé ou plutôt aidant. La question
des origines de ces profils ainsi que des stratégies de
développement restent à explorer.
Puis, dans le cadre de ce processus d’entraide, des variables
d’échanges intergroupes restent à observer. En effet,
même si la majeure partie des groupes a un nombre de messages
d’aidants similaire, la répartition de ces messages au cours de la
tâche collective n’est pas forcément homogène. Une
approche vers des facteurs de détermination de cette répartition
de ces messages est à envisager.
Troisièmement, le processus d’entraide se construit à
partir d’échanges (verbaux et de partages de terminaux)
intégrés à des stratégies propres de chacun des
acteurs impliqués : stratégie mise en place pour aider les
autres participants, être aidé par eux, ou encore une
stratégie visant à échanger socialement sur des points qui
n’ont peut-être rien à voir avec la tâche (ex :
prise de contact, sécurisation sur des modalités
d’interactions offertes par le dispositif numérique). Ces
dernières stratégies, même si elles ne sont pas directement
reliées à un processus d’entraide, introduisent, participent
peut-être à sa mise en place.
Quatrièmement, le processus d’entraide dans cette étude a
été abordé à partir des traces, des informations
observables, qualifiables et quantifiables. Cependant, celles-ci ne sont pas les
seules à permettre de spécifier le processus d’entraide. Une
approche des ressentis des apprenants (ex : sentiment de confiance aux
personnes sollicitées dans ce processus, sentiments
d’efficacités personnelle et collective) mais aussi des
représentations de cette entraide pourrait venir compléter ces
analyses de traces et ainsi donner du sens aux interactions déjà
analysées et issues des échanges ayant eu lieu via le chat et la consultation des terminaux.
Cinquièmement, l’analyse de l’utilisation des terminaux
comme facteur de motivation pour l’entraide ne permet pas de statuer sur
cette hypothèse. Toutefois, la possibilité de voir le terminal
d’un pair à tout moment était une fonctionnalité que
les étudiants ne connaissaient pas avant de débuter
l’expérimentation. Il serait donc utile de réitérer
cette étude dans un contexte où ceux-ci y sont déjà
habitués. Enfin, l’étude des causes de l’entraide est,
la plupart du temps, réalisée du point de vue de
l’aidé. Notre expérimentation montre que parfois, le futur
aidant semble être proactif vis-à-vis du futur aidé. Il
serait intéressant d'investiguer plus en profondeur cette
observation.
6. Conclusion
Dans cet article, nous avons présenté
les résultats d’une recherche transdisciplinaire exploratoire qui
souligne et caractérise la nature des interactions entre les apprenants
qui ont utilisé le laboratoire virtuel distant Lab4CE dans un cours
d’informatique à l’Université. Deux
problématiques ont été plus particulièrement
abordées : celle de l’apport du chat intégré au laboratoire dans le processus d’entraide, et
celle de la participation de la consultation du terminal dans ce même
processus.
Ce travail d’analyse inédit à notre connaissance a permis
de produire de nouvelles connaissances sur le processus d’entraide et de
manière générale, à propos de l’impact des
technologies sur l’entraide dans un contexte de laboratoire distant. Les
résultats montrent que :
- différentes configurations d’entraide sont
observées en fonction de l’organisation des fils
d’interactions entre les participants à l’entraide ;
- la tâche d’apprentissage semble impacter la
qualité des sessions d’entraide ;
- les étudiants contribuent de façon homogène
aux messages d’entraide transmis sur l’outil de communication
instantanée ;
- l’outil de consultation du terminal d’un pair supporte
les épisodes d’entraide ;
- cet outil pourrait également être un des facteurs de
motivation à l’origine d’une session d’entraide.
Ces observations restent à mettre en perspective. Si les
résultats présentés dans cet article montrent que les
outils de messagerie instantanée et de consultation de
l’écran d’un pair sont utiles pour soutenir le processus
d’entraide, ils montrent également que ces outils ne semblent pas
être suffisants. En effet, une part non négligeable de sessions
d’entraide n’ont pas été
« complètes » dans notre expérimentation,
c’est-à-dire qu’elles n’ont pas reçu de
proposition/offre satisfaisante. Des analyses plus fines des interactions
prenant place entre les apprenants lors d’une session d’entraide,
combinées à des observations in situ et à des
questionnaires adressant les attentes des apprenants en termes de support
à l’entraide, devraient permettre d’identifier certains
leviers de motivation à la participation à l’entraide, et
ainsi de proposer de nouveaux artefacts numériques soutenant ces leviers
dans le contexte des laboratoires virtuels et distants.
La crise sanitaire internationale de 2020 et les modalités
d’enseignement à distance ou hybrides qui ont été
massivement mises en place ont fait apparaître de nouvelles pratiques et
de nouveaux comportements d’entraide entre les apprenants. Notre
expérience d’enseignant montre qu’aujourd’hui les
étudiants de l’enseignement supérieur utilisent des outils
de communication et de partage (tels que la plateforme Discord qui offre la
possibilité de facilement créer des salons de communication vocaux
et écrits, ou des espaces d’échanges de documents en ligne,
ou encore la messagerie électronique) externes aux environnements
d’apprentissage afin de masquer les échanges qui sont mis
œuvre pour réaliser les tâches d’apprentissage
demandées. Afin de favoriser l’engagement des apprenants dans le
processus de demande d’aide au sein-même des environnements
d’apprentissage, nous étudions actuellement la conception
d’une fonctionnalité intégrée à Lab4CE
permettant aux apprenants d’adresser une demande d’aide à
tous les apprenants impliqués dans la même tâche
d’apprentissage, ou à un apprenant en particulier, ou encore
à un enseignant connecté à la plate-forme. Cette
fonctionnalité vise également à offrir à
l’étudiant à l’initiative de la demande d’aide
la possibilité de masquer son identité, et ainsi de
réaliser des demandes d’aide de manière anonyme afin
d’éviter certains phénomènes affectifs bloquants.
Toutefois, d’autres études relatives au positionnement de
l’étudiant vis-à-vis de ses pairs ainsi que des enseignants,
doivent être menées afin d’identifier certains facteurs
(psychologiques) qui pourraient participer à l’augmentation de la
motivation des apprenants à initier des épisodes d’entraide
au sein-même des systèmes d’apprentissage. Ainsi chaque
apprenant pourrait réellement profiter des connaissances et savoir-faire
des autres, et de nouvelles connaissances liées au processus
d’entraide pourraient émerger.
À
propos des auteurs
Pierre BELLET est doctorant en Sciences de
l’éducation et de la formation au laboratoire LHUMAIN (Langages
HUmanités Médiations Apprentissages Interactions Numérique)
à Montpellier. Ingénieur pédagogique de formation, ses
recherches s’intéressent à l’émergence de
formes d’intelligence collective et l’accompagnement de
l’efficacité en situation d’apprentissage
instrumentée. Il s’inscrit dans le mouvement des humanités
numériques et porte son attention sur les EIAH au service du travail
collaboratif pour les étudiants.
Courriel : pierre.bellet@humanconnect.eu
Rémi VENANT est enseignant-chercheur au LIUM au
sein de l’équipe IEIAH (Ingénierie des Environnements
Informatiques pour l’Apprentissage Humain). Ses travaux de recherche
portent l’analyse des apprentissages (learning analytics), la fouille de
données et la création de modèles de diagnostic et de
prédiction pour l'éducation, et sur la conception et
l'évaluation d'environnements informatiques pour l'apprentissage
pratique.
Chrysta PELISSIER est MCF-HDR à LHUMAIN (Langages Humanités
Médiations Apprentissages Interactions Numérique) et responsable
de l'équipe 2 (Pratiques intercationnelles sociotechniques : dispositifs
numériques et instruments). Ses recherches s'intéressent à
l'utilisation des technologies pour améliorer les pratiques
d'enseignement et d'apprentissage. Ses travaux portent principalement sur les
aides mises en jeu dans les dispositifs de formation numérique. Elle
interroge ces aides du point de vue de leur contenu, de leur forme
(accompagnement, guidage, conseil, orientation, etc.) et leur usage en contexte
de formation universitaire. L'apprentissage des langues constitue son principal
domaine d’application.
Stéphanie Mailles VIARD METZ est professeure des universités
en Sciences de l’Éducation et de la Formation à Aix
Marseille Université en France, rattachée à
l’INSPÉ pour ses enseignements et au laboratoire ADEF (UR4671) pour
ses recherches. Elle s’intéresse à l’appropriation et
à la conception des outils numériques en pédagogie
universitaire pour l’aide qu’ils peuvent apporter aux
étudiants et enseignants dans leurs pratiques et ainsi leur
développement.
Julien BROISIN est enseignant-chercheur à l'Institut de Recherche en
Informatique de Toulouse (IRIT) et responsable de l'équipe TALENT
(Teaching and Learning Enhanced by Technologies). Ses recherches
s'intéressent à l'utilisation des technologies pour
améliorer les pratiques d'apprentissage et d'enseignement. Il
étudie en particulier la conception et l'évaluation de
systèmes interactifs qui promeuvent l'apprentissage actif,
c'est-à-dire qui tentent d'engager les apprenants dans la tâche
d'apprentissage. L'analyse et l'exploitation de données d'apprentissage
pour la personnalisation et l'adaptation des systèmes sont au coeur de
ses préoccupations. L'apprentissage de l'informatique constitue son
principal domaine d’application.
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