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Vers une plénitude du potentiel positif des
infirmiers(e)-élèves : une étude de cas avec le jeu
sérieux CLONE
Michel GALAUP (SGRL, INU Champollion, EFTS Toulouse), Hervé PINGAUD (SGRL, INU Champollion), Catherine PONS-LELARDEUX (SGRL, INU Champollion), Pierre LAGARRIGUE (SGRL, INU Champollion)
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RÉSUMÉ : Cet
article s’intéresse au serious game nommé CLONE (CLinical
Organizer Nurse Education) qui vise le développement de
compétences organisationnelles des infirmiers(e)-élèves en
formation initiale dans les instituts de formation en soins infirmiers. Les
situations d’enseignement-apprentissage associées à CLONE
ont été conçues pour favoriser
l’épanouissement et le bien-être des
infirmiers(e)-élèves. La problématique de notre recherche
vise à éprouver une méthode d’évaluation
permettant de décrire ces situations d’utilisation de CLONE et de
mesurer les impacts de l’expérience positive d’apprentissage
des infirmiers(e)-élèves utilisant ce serious game.
MOTS CLÉS : CLONE,
Serious game, expérience positive, apprentissage, compétences
non-techniques, instituts de formation en soins infirmiers
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Towards fulfilling the positive potential of student nurses: a case study with the serious game CLONE. |
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ABSTRACT : This
article focuses on the serious game CLONE (CLinical Organizer Nurse Education)
which aims to develop nurse-students organizational skills during their initial
training. The training situations embedded have been designed from real cases to
train students for employment. Our research aims to set up an assessment method,
which allows describing different teaching use cases with Clone and assess the
impact of Clone as a positive and welcoming learning environment on nurse
student’s experience.
KEYWORDS : CLONE,
serious game, positive experience, learning, non-technical skills, Evaluation;
nursing education institutes. |
1. Introduction
Pour développer les
compétences organisationnelles dans les écoles
d'infirmières, aujourd’hui nommés Instituts de Formation en
Soins Infirmiers (IFSI), les enseignants fournissent des exercices sur papier
pour former les infirmiers(e)-élèves à organiser leur
travail de soignant. Ces exercices proposent un nombre limité de patients
(jusqu'à 6 patients) et visent à interpeller les étudiants
sur l'organisation d'une journée type en service hospitalier. L'Agence
Régionale de Santé (ARS) en Occitanie souligne l'importance
d'aider les formateurs des IFSI à enseigner aux
infirmiers(e)-élèves comment organiser leur travail lorsqu'ils
doivent faire face à plus de 10 patients. D’ailleurs, dès
leur prise de fonction il est probable qu’ils aient à assumer la
prise en charge d’un effectif pouvant aller jusqu’à 15
patients présents dans le service. Afin de répondre à cette
demande, nous avons bâti une collaboration avec cette ARS et avec les IFSI
d’Occitanie Ouest. Le projet de conception d’un serious game afin de former les infirmiers(e)-élèves en soins infirmiers
à des situations professionnelles est né dans ce contexte. Cet
environnement numérique nommé CLONE (CLinical Organizer Nurse
Education) que nous présenterons ci-après, permet de
développer des compétences de planification, de connaissance de la
situation et de prise de décision.
Certes, ce serious game offre la possibilité à
l'infirmier(e)-élève de gérer des situations
éducatives en fonction des situations réelles, d’organiser
sa journée de travail et prendre soin de patients. Néanmoins, face
à un environnement numérique complexe, une situation
d’échec peut être considérée comme une
période de stress pour l'infirmier(e)-élève surtout
lorsqu’il est susceptible de se retrouver dans la même situation
dès l’obtention de son diplôme d’état. Les
conséquences psychologiques peuvent générer des doutes et
un manque de confiance. En proposant des expériences positives
d’apprentissage adaptées et surtout réalisables, les
infirmiers(e)-élèves seront plus confiants quant à leurs
capacités et compétences, seront plus optimistes au sujet de leur
futur emploi, et peuvent s’habituer à ces pratiques
organisationnelles sans risques pour le patient grâce à cet
environnement virtuel. C’est cette attitude positive qui encourage nos
différentes équipes de recherche à identifier des
combinaisons afin que les objectifs du serious game soient
réalisables dans les séances de formation proposées.
Dans ce contexte, il est impératif de réaliser
précocement une preuve de concept du fonctionnement de CLONE in
situ. À ce titre, nous rappelons les objectifs partagés dans
l’espace du projet, il s’agit de mettre en place des indicateurs de
performance pour juger de la qualité de cette modalité
d’apprentissage et des progrès réalisés à
l’aide de l’outil pédagogique dans le cadre de ces cas
d’usages les plus difficiles (passage progressif de 7 à 14
patients). La finalité est de pouvoir proposer un niveau d’usage du serious game qui va permettre l’épanouissement de
l'infirmier(e)-élève, en opposition totale avec
l’idée de performance telle que cela peut se comprendre dans un
sens commun du terme.
L’approche positive en psychologie vise à étudier ces
conditions et les processus qui contribuent au fonctionnement optimal des
individus, des groupes, et des institutions (Gable et Haidt, 2005), (Martin-Krumm et Regourd-Laizeau, 2014), (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000).
Dans cet article, nous explorons cette question de l’étude du
fonctionnement optimal (Heutte, 2019) et
nous proposons une réponse en mobilisant un paradigme
méthodologique permettant d’éprouver les capacités
des infirmiers(e)-élèves à mobiliser motivation, ressources
cognitives et stratégies nécessaires pour exécuter avec
succès les tâches spécifiques proposées par CLONE. La
construction d’indicateurs en lien avec le bien-être répond
tout d’abord à un objectif de production de connaissances et
représente un pari fort au niveau méthodologique pour
répondre aux objectifs évoqués infra.
La gestion du projet de recherche est fondée sur un cycle de vie
itératif qui rend possible la conception progressive d’un jeu
sérieux, s’appuyant systématiquement sur le retour obtenu
d’une combinaison d’expériences de validation. Ainsi, nous
considérons que pour réussir leurs apprentissages les
infirmiers(e)-élèves doivent disposer de la quantité de
temps essentielle pour maîtriser les compétences associées
à la réalisation des tâches de planification (Carroll, 1963),
de l’aide du formateur et de la motivation nécessaire (Bloom, 1974). La
planification est difficile pour les infirmiers(e)-élèves quand
ils décident de traiter un nombre de patients pour lequel les contraintes
de charge de travail deviennent importantes. Le cas le plus délicat est
le scénario à 14 patients qui est une cible du projet.
Un des résultats de nos recherches (Galaup, 2013) est que la potentialité dévoluante des environnements
numériques pour l’apprentissage ne constitue pas une
caractéristique intrinsèque à ces artefacts, mais
relève de propriétés émergentes liées aux
conditions de leurs usages in situ. Ainsi, pour étudier les
expériences positives d’apprentissage des
infirmiers(e)-élèves, nous avons conduit dans un premier temps une
expérimentation in situ en contexte d’apprentissage
réel. Une première analyse effectuée à partir des
traces numériques des parties jouées telles que le nombre de
victoires, d’échecs et de parties interrompues nous a permis de
forger des indicateurs validant un équilibre {tâche -
compétences du sujet}. Cette analyse nous a renseignés sur les
stratégies et les manières de faire d’apprenants utilisant
CLONE. Pour approfondir ces hypothèses interprétatives des usages
de CLONE par les apprenants, issus de ces traces numériques, nous avons
déployé une analyse qualitative auprès des
infirmiers(e)-élèves. Le cadre conceptuel que nous avons
élaboré dans nos recherches (Galaup, 2020) passe par une succession d’étapes partant d’une situation ou
de savoirs de référence, de leur intégration dans un
environnement numérique pour l’apprentissage, jusqu’à
leur usage en situation d’enseignement-apprentissage.
Dans cet article, nous parcourons cette chaine transpositive en abordant les
trois dimensions {épistémologique - cognitive - didactique}.
Ainsi, la première visée consiste à aborder la dimension
épistémologique qui est la pierre angulaire du
développement de cet environnement numérique pour
l’apprentissage. Après ces contours épistémologiques,
nous présentons le serious game CLONE. La section suivante
présente la méthodologie mise en œuvre prenant en compte les
deux autres dimensions, ainsi que le protocole expérimental, puis les
résultats obtenus. Dans une discussion, nous revenons sur les
données exploitées dans notre analyse, avant de conclure sur la
prise en compte de l’approche positive en psychologie dans notre
environnement numérique pour l’apprentissage. En guise de
conclusion, nous mettrons en perspective quelques pistes de réflexion sur
cette recherche.
2. Contours épistémologiques
Les accords de Bologne (1999), relatifs à
l’harmonisation de tous les systèmes de formation de
l’enseignement supérieur dans la communauté
européenne ont contribué à un système
d’Unités d’Enseignement universitaire (UE), ce nouveau
procédé permet la mobilité des étudiants sur
l’ensemble du territoire européen sans frein des instituts de
formation. Au terme de huit semestres de formation, les étudiants
acquièrent des European Crédits Transfert System (ECTS).
Pour atteindre ces objectifs et garantir un déploiement réussi de
l’Union Européenne, la déclaration de Copenhague (2002),
souligne le renforcement de la coopération en matière
d’enseignement et de formation professionnels. Cette collaboration a
permis d’arrêter un cadre commun de reconnaissance des
compétences techniques et non-techniques, de capacités, afin de
mettre en place un système de transfert d’unités
capitalisables garantissant les principes de l’assurance-qualité de
la formation. Comme beaucoup de formations, les IFSI ont dû
s’inscrire dans ce cadre normatif et modifier leur programme. C’est
sur ce principe de coopération qu’un groupe d’experts a pu
bâtir le nouveau référentiel de compétences de la
formation des infirmiers sur la base de l’analyse des situations
professionnelles. Ainsi, une quarantaine d’entre elles ont
été étudiées, analysées en extrayant pour
chacune les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire
nécessaires à la formation d’un infirmier. Ce travail a
permis de décrire les activités du métier, les
compétences et les capacités devant être
maîtrisées par les professionnels, attestées par
l’obtention du Diplôme d’État (DE). Ce travail a
également permis d’établir un référentiel de
compétences qui est nécessaire pour la qualification dans une
profession de santé règlementée et dont
l’autorisation d’exercer relève d’un ordre
médical. C’est en prenant en compte des profondes transformations
du métier et du contexte, sur la base du développement des
compétences, que le référentiel de formation a pu ainsi
être construit. Ce nouveau référentiel du diplôme
d’État d’infirmier (s’articule autour de 10 compétences figurant au Code de la
Santé Publique (CSP) :
- 1. Évaluer une situation clinique et établir un
diagnostic dans le domaine infirmier ;
- 2. Concevoir et conduire un projet de soins
infirmiers ;
- 3. Accompagner une personne dans la réalisation de ses
soins quotidiens ;
- 4. Mettre en œuvre des actions à visée
diagnostique et thérapeutique ;
- 5. Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs
et préventifs ;
- 6. Communiquer et conduire une relation dans un contexte de
soins ;
- 7. Analyser la qualité des soins et améliorer
sa pratique professionnelle ;
- 8. Rechercher et traiter des données professionnelles
et scientifiques ;
- 9. Organiser et coordonner des interventions
soignantes ;
- 10. Informer et former des professionnels et des personnes en
formation.
Les dix compétences de ce référentiel peuvent être
réparties en deux grands groupes :
- les compétences techniques centrées notamment sur la
réalisation des soins à la personne et sur sa prise en charge
(compétences de 1 à 5),
- des compétences plus transversales, non-techniques,
relatives à la qualité des soins, la recherche,
l’organisation et la coordination des soins (compétences de 6
à 10).
Nous allons préciser notre cadre théorique qui a balisé
la conception du serious game support du développement de la
compétence non-technique n°9. Il s’agit ici, dans un premier
temps, de retenir une définition opérationnelle de la
compétence. La compétence a été largement
étudiée dans la littérature par de nombreux auteurs (Tardif, 2006), (Ericsson et al., 1993), (Talbot, 2007), (Jonnaert, 2017), (Pastré, 1999), (Le Boterf, 1994).
Poumay et ses collègues (Poumay et al., 2017) pointent la complexité autour de la polysémie associée
à la notion de compétence ; ce terme reste difficile à
définir en raison de différentes interprétations pouvant
s’entendre comme une finalité marquant une performance ou un
processus qui s’inscrit par rapport à une évaluation.
L’objectif n’est pas de prendre en compte la totalité des
définitions proposées, mais de revenir sur les plus pertinentes
afin de particulariser le discours général sur les
compétences et d’identifier quelques pistes qui contribueront
à notre problématique. À la suite de Le Boterf, nous
retiendrons pour la suite de cet article la définition suivante :
« La compétence est la mobilisation ou l'activation de
plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés » (Le Boterf, 1998).
Cet article s’intéresse plus particulièrement à
une compétence non-technique du référentiel de formation
infirmière intitulée « Organiser et coordonner des
interventions soignantes » (compétence 9). Cette
compétence est préalable à la mise en œuvre
d’autres compétences, elle est essentielle dans toute
activité infirmière. Nous empruntons à Flin et al. (Flin et al., 2008) la définition des compétences non-techniques qui sont pour ces
auteurs des « combinaison de savoirs cognitifs, sociaux et des
ressources personnelles complémentaires, de savoir-faire
procéduraux qui contribuent à une performance efficiente et
sûre » (p. 266) Il est aussi à rappeler que pour de
nombreux auteurs les compétences non-techniques (ou Non Technical
Skills) sont apparues comme des éléments essentiels
susceptibles d’expliquer certains dysfonctionnements dans les
équipes médicales (Flin et al., 2003), (Flin et al., 2008), (Fletcher et al., 2002), (Tschan et al., 2015), (Yule et al., 2006).
Comme nous l’évoquions ci-dessous, le serious game CLONE
permet le développement de la compétence n°9 (Organiser et
coordonner des interventions soignantes), il a pour objectif de permettre aux
infirmiers(e)-élèves en formation initiale de se projeter dans un
environnement, dans une situation proche de la réalité.
C’est aussi la maîtrise de cette situation simulée qui nous a
conduit à aborder le sujet de la simulation en santé que nous
traiterons dans le paragraphe suivant.
3. Vers la création d’un serious game pour la formation aux
compétences non-techniques
L’arrêté du 26 septembre 2014
modifiant l'arrêté du 31 juillet 2009 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029527714/)
relatif au diplôme d'État d'infirmier fait état de la
simulation. A l’article 5, le référentiel de formation
(annexe lll) a été modifié : dans la partie
« Modalités pédagogiques », au paragraphe
« les travaux dirigés », les mots « ou en
situation simulée » viennent s’ajouter après les
mots « à travailler sur des situations cliniques ». De
même, à la fin de cette partie, il est inséré un
paragraphe définissant la simulation, selon (HAS, 2012), et
précisant sa finalité, rédigé comme suit :
« La simulation en santé est une méthode
pédagogique active et innovante, basée sur l'apprentissage
expérientiel et la pratique réflexive (Guide de bonnes pratiques
en matière de simulation en santé, HAS, décembre 2012).
Elle correspond à l'utilisation d'un matériel comme un mannequin
ou un simulateur procédural, d'une réalité virtuelle ou
d'un patient standardisé pour reproduire des situations ou des
environnements de soin. Le but est de permettre aux étudiants de
résoudre des problèmes des plus simples aux plus complexes, soit
individuellement soit en équipe de professionnels ». De plus,
et à la fin de cette même partie un autre paragraphe apparaît
où est définie « la simulation en
santé1 selon la Haute
Autorité de Santé »
(https://www.has-sante.fr/jcms/c_930641/fr/simulation-en-sante).
Un peu plus loin dans ce texte de loi, il est intéressant de
relever : « la simulation invite à optimiser le
partenariat entre les professionnels des services de soins et les formateurs.
Cette méthode promeut une alternance ou méthode
complémentaire à l'alternance traditionnelle stages/IFSI.
L'étudiant peut en bénéficier soit au sein de l'IFSI soit
au sein des services de soins quand elle y est
développée. »
Ainsi, pour répondre à cette demande, nous avons
créé un environnement numérique pour reproduire des
situations, pour développer des compétences non-techniques et
permettre de mettre en œuvre des processus, conduisant à des prises
de décision relatives à l’organisation, la planification et
la coordination des interventions soignantes. Dans la section suivante, nous
allons décrire cet environnement numérique et la manière
dont nous avons répondu aux différents critères
présentés précédemment, permettant de
développer la compétence non-technique visée. La
réglementation fixe une contrainte sur la mise en œuvre des
compétences de soignants prenant leur première fonction, engageant
la responsabilité du soignant, elle est résumée par une
expression : « jamais la première fois sur le
patient » (HAS, 2012). La
situation concernée par le texte réglementaire est celle
d’un soin dispensé par un professionnel de santé à un
patient, souvent désignée par le terme de colloque singulier. En
traitant cette compétence non technique, mais qui n’est pas sans
être critique, nous proposons d’étendre cette contrainte
à l’organisation du travail et de donner du sens à un
colloque devenu pluriel. Le professionnel traite alors la prise en charge de
l’ensemble des patients qui sont dans son périmètre
d’interventions.
4. Le serious game CLONE
4.1. Présentation de CLONE
L’objectif de ce projet est d’aboutir
à la réalisation d’un outil de formation capable
d’améliorer les compétences non-techniques liées
à l’organisation et la coordination des interventions soignantes,
grâce à la valorisation des compétences acquises par les
experts dans l’exercice de leurs fonctions, et à la capitalisation
de leur expérience professionnelle.
Aujourd’hui, selon la fonction choisie, les
infirmiers(e)-élèves évoluent dans des lieux de travail
différents comme les unités de soins, ambulatoire, domicile,
hospitalisation à domicile, Établissements
d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
(EHPAD), etc. À cela, viennent s’ajouter les problématiques
de santé publique et plus particulièrement l’évolution
des prises en charge des problèmes de santé dans le cadre de
parcours, d’exercices coordonnés, de travail en équipe
pluri-professionnelle, avec des prises en charge en ambulatoire, et le recours
à la télémédecine. L’ensemble de ces
contraintes tendent à faire évoluer leurs modalités
d’organisation du travail. D’importants écarts entre les
attendus lors de la prise de poste dans un service traditionnel et les
capacités de réalisation des activités infirmières
lors du dernier stage de formation en troisième et dernière
année de formation Infirmier Diplômé d’État
(IDE) ont été mis en évidence et jugés critiques.
L’étude préliminaire menée par le groupe
d’experts composé de l’Agence Régionale de Santé
(ARS) en Occitanie et de formateurs répartis dans onze IFSI
d’Occitanie Ouest a notamment montré qu’un
infirmier(e)-élève diplômé aura été
formé pour prendre en charge 3-4 patients alors que, dès sa
première prise de poste, il sera amené à prendre en charge
entre 12 et 15 patients. Une autre difficulté identifiée concerne
la gestion des activités afférentes aux soins (communication,
logistique, administration, etc.), qui représentent cinquante pour cent
du nombre des activités d’un personnel infirmier. En stage, un
infirmier(e)-élève ne prend pas en charge ces activités
afférentes aux soins qui restent attribuées à un personnel
qualifié. L’infirmier(e)-élève n’est pas non
plus mis en situation professionnelle de gérer les imprévus, ni
même de déléguer des tâches à
l’aide-soignante avec qui pourtant il collabore. Finalement, le groupe
d’experts a identifié des difficultés liées à
la formation des infirmiers(e)-élèves dans un contexte
professionnel réel et sur la base d’un retour
d’expérience, il a pointé l’impossibilité pour
les infirmiers(e)-élèves en fin de formation de ne pas savoir
s’organiser comme ils devront le réaliser en autonomie lors de leur
prise de poste.
Le but de la pratique sur CLONE (CLONE, 2018) est
l’organisation du travail en équipe et la planification des
tâches dans un service clinique d’une capacité maximale de 14
patients. L’environnement virtuel interactif est accessible en ligne et
simule l’activité d’un service clinique de médecine
générale dans lequel interviennent plusieurs acteurs
présents dans la prise en charge des patients : les personnels
infirmiers, les aides-soignants, les médecins, les
kinésithérapeutes, les brancardiers, les pharmaciens, les
assistantes sociales ou les proches des patients. Créé en
partenariat avec l’ARS d’Occitanie et des IFSI, le jeu de simulation
CLONE a été développé par le Serious Game
Research Lab (SGRL) de l’Institut National Universitaire Champollion.
CLONE permet de se confronter aux réalités professionnelles dans
un environnement virtuel contrôlé et offre la possibilité de
travailler des situations d’organisation, de collaboration, et de
délégation de tâches. Les scénarios
pédagogiques intégrés visent à aider les formateurs
à enseigner aux infirmiers(e)-élèves les meilleures
pratiques pour définir et planifier leurs tâches quotidiennes face
à un nombre croissant de patients sur leur calendrier
prévisionnel, à évaluer l’importance des
évènements imprévisibles de tous les types de
perturbations, pour faire face à un ensemble d’incertitudes
relatives aux tâches à accomplir dans un contexte
interprofessionnel et évolutif. L’existant est fondé sur des
exercices sur papier s’appuyant sur des études de petite taille (3
ou 4 patients) pour développer une capacité à traiter ces
problèmes.
Aujourd’hui, il existe très peu d’environnements
éducatifs pour les équipes de soins, en raison de nombreuses
contraintes et difficultés qui limitent leur développement. Les
principales contraintes concernent l’environnement sociotechnique
lui-même, qui est un contexte complexe et mouvant. En conséquence,
recréer artificiellement les conditions de travail dans un service
clinique où plusieurs dizaines de patients sont hospitalisés
n’est guère possible dans un véritable lieu
d’enseignement. De plus, la discipline de la Recherche
Opérationnelle qui se consacre au développement de méthodes
pour gérer ces situations d’organisation planifiées, a
depuis longtemps souligné la grande complexité du sujet. Ce qui
est classé dans la série des travaux sur le Nurse Rostering
Problem fait l’objet de pas moins de vingt-deux mille cent
références sur Google Scholar (Disponible sur internet).
Il est extrêmement difficile de résoudre efficacement les
problèmes concrets en raison de cette complexité. Il devrait donc
être plus facile d’enseigner les meilleures pratiques dans un
système contrôlé, bien défini et de familiariser
l’apprenant au traitement du sujet dans un contexte sécurisé
et de haute fidélité. Dans cet environnement virtuel, le joueur
incarne le rôle de l’infirmier(e) qui travaille dans le service de
médecine virtuel de 6h30 à 13h. Le jeu représente
l’ensemble des étapes qui ponctuent le service d’un personnel
infirmier. À la prise de poste, après les transmissions de
l’infirmière de nuit, l’infirmier(e)-élève doit
organiser son travail, le planifier pour la journée et choisir les actes
qu’il délèguera à l’Aide-Soignante (AS)
(personnage non-joueur dans l’univers virtuel) pour équilibrer la
charge de travail. Il devra ensuite réaliser les différentes
activités de soins auprès des patients, gérer le quotidien
et interagir avec le médecin qui visite le service, le brancardier qui
vient chercher un patient, les familles, le kinésithérapeute, etc.
Le formateur doit pouvoir choisir un scénario pédagogique dans
une bibliothèque composée de plusieurs scénarios
réels. La bibliothèque de scénarios doit être
composée de situations régulières, ainsi que de situations
complexes dans lesquelles des défaillances ou des
évènements imprévisibles pourraient se produire ou des
erreurs pourraient être commises et corrigées. La figure 1
représente l’interface graphique de CLONE. Nous pouvons y voir
notamment les chambres des patients, la ligne temporelle relative à la
durée du scénario et l’ensemble des informations à
mémoriser.
Figure 1 • Interface du serious
game CLONE (Clinical organizer nurse education)
4.2. Les scénarios
Nos travaux en didactique professionnelle (Galaup, 2013), (Galaup et al., 2017), (André et al., 2017), (André et Galaup, 2020) nous ont permis de circonscrire l’activité professionnelle
d’un Infirmier Diplômé d’État (IDE)
exerçant dans ce contexte. Cela a notamment permis de concevoir des
scénarios de 1 à n patients et de pouvoir automatiser leur
création. Une bibliothèque de scénarios a ainsi
été construite, ces scénarios se composent d’une
combinaison de patients virtuels dont les dossiers médicaux ont
été conçus à partir de dossiers de patients
réellement hospitalisés (Pons-Lelardeux et al., 2020),
ces scénarios présentent des niveaux de difficulté
variés en phase de conception (par exemple, l’estimation de la
durée des activités et le calcul de la charge de travail).
La difficulté résultante à l’issue de la
conception de CLONE s’exprime selon plusieurs critères
qualificatifs d’un scénario : le nombre de patients, les
pathologies associées, le degré d’autonomie des patients, la
quantité et la durée des soins requis, les
événements imprévus, etc. Ainsi, c’est une quinzaine
de scénarios représentatifs qui ont été
élaborés en collaboration avec le groupe d’experts. Nous
avons choisi d’intégrer des facteurs de variabilité (en
présentant des situations variées) et des facteurs de
complexité (en pensant à augmenter la difficulté des
exercices) dans la formation à la planification des soins en
environnement numérique pour l’apprentissage (Pons-Lelardeux et al., 2020).
5. Méthodologie
Dans la continuité de nos travaux (Galaup, 2020),
nous abordons dans cette partie la dimension cognitive ; notre objectif est
d'analyser l'impact du contenu du scénario pédagogique
spécifique sur les conditions et processus qui contribuent à
l’épanouissement des infirmiers(e)-élèves au regard
de la durée de la session de formation correspondante. Nos travaux
antérieurs de recherche en psychologie des apprentissages (Heutte et al., 2014) ont posé la question de savoir comment les serious games pourraient être conçus pour mieux servir les utilisateurs et leur
bien-être. En didactique, la visée des recherches menées (Galaup et Amade-Escot, 2014) a été de rendre intelligibles les usages possibles des serious
games en situation didactique ordinaire. Dans le prolongement de nos
recherches, la méthodologie proposée consiste à
éprouver cet environnement numérique pour l’apprentissage in situ, c’est-à-dire en salle de travaux pratiques sur
CLONE.
CLONE est actuellement expérimenté en situation de formation
auprès des infirmiers(e)-élèves des IFSI partenaires afin
de pouvoir analyser la manière dont chacun en fait usage et
d’identifier quelles sont les difficultés ou les obstacles
d’apprentissage rencontrés, au regard des objets de savoir, des
compétences visées et des scénarios proposés. La
méthode consiste à utiliser cet environnement virtuel lors de
sessions de formation réelles avec un formateur et ses
infirmiers(e)-élèves dans un IFSI. Nous identifions les
stratégies mises en œuvre et la manière dont les
infirmiers(e)-élèves s’ajustent ou s’adaptent au
milieu didactique proposé.
Un premier prototype a été expérimenté dans 8
IFSI d’Occitanie avec 868 infirmiers(e)-élèves de
3ème année. Le contexte de
l’expérimentation porte sur l’utilisation du prototype dans
une séance de formation de 3 heures menée avec un formateur
auprès de ses étudiants. La dimension didactique a
été prise en compte, une formation de
formateurs2 qui ne sont pas
nécessairement membres du groupe d’experts, a été
dispensée au préalable afin de permettre une familiarisation avec
CLONE et un usage pertinent en situation d’enseignement-apprentissage.
Lors de l’expérimentation, chaque infirmier(e)-élève
dispose d’un ordinateur avec une connexion Internet. Le formateur fait une
introduction à CLONE en expliquant le scénario narratif de
départ et l’objectif final. Les infirmiers(e)-élèves
effectuent une première prise en main d’environ 30 min avec un
scénario dans lequel le service hospitalier accueille un seul patient.
Ensuite, ils utilisent un scénario dans lequel le service hospitalier
accueille une combinaison de 5 patients. Dans la continuité de nos
travaux (Lelardeux et al., 2019),
nous essayons d’éprouver dans un premier temps les meilleures
combinaisons de durée, de scénario et de paramètres de jeu
(dites combinaisons DSP) pour une session de formation dans laquelle les
infirmiers(e)-élèves doivent à la fois planifier et
réaliser leur travail dans l'environnement virtuel. Cette première
étape consiste en une phase de test (proof of concept) où
nous vérifions s’ils sont capables de réaliser les
tâches offertes par CLONE. Cette étape vise à tester la
pertinence de ce serious game et à ajuster les différents
scénarios (Pons-Lelardeux et al., 2020) pour trouver une réponse la plus adaptée possible de la
combinaison optimale de DSP : i) la Durée de la session de formation
parce qu’elle est représentative du challenge proposé
à l’apprenant, ii) le type de Scénario utilisé en ce
qu’il constitue le vecteur de progression, iii) les Paramètres de
jeu (échecs ; victoires ; interruptions). En d’autres
termes, les infirmiers(e)-élèves doivent disposer d’une
quantité de temps suffisante pour pouvoir maîtriser les
compétences nécessaires à la réalisation des
tâches de planification en fonction des scénarios proposés (Bloom, 1974), (Carroll, 1963).
Nous détaillons ci-après l’ensemble des données
collectées, la façon de les analyser et les représenter.
Notre méthodologie repose sur une double analyse, d’une part, une
étude qualitative à partir de questionnaires que nous
détaillerons ci-après, et, d’autre part, une analyse
quantitative des traces numériques du joueur nous permettant de
comprendre comment les participants explorent et utilisent CLONE. Cette
méthodologie permet de recueillir des données subjectives, via des
questionnaires, et objectives via l’enregistrement d’indicateurs
numériques, pour rendre compte de la réalité des usages
CLONE. Dans le paragraphe suivant, nous présentons les outils de
supervision (monitoring).
5.1. L’analyse quantitative
5.1.1. Les outils de monitoring
Comme nous l’évoquions dans l’introduction, nous reprenons
la définition du terme « optimal » qui selon Heutte (Heutte, 2019) « fait aussi référence à
l’expérience optimale (le flow) : l’émotion et le
bien-être procurés par une activité en elle-même, un
effet lié au sentiment de fluidité perçu au cours
d’une action, lorsqu’il y a un équilibre optimal entre les
exigences de la tâche et les compétences du sujet ».
Ainsi afin de trouver cet équilibre {tâche - compétences du
sujet}, nous avons déployé une méthodologie adéquate
permettant de répondre à cette demande à partir du
modèle de construction des traces numériques et des
évaluations associées (Galaup, 2020).
L’objectif de ce premier travail est de dégager un certain
nombre d’interprétations, nous étudions des variables
dûment choisies pour analyser si les infirmiers(e)-élèves
sont capables de réaliser les activités proposées dans le
temps imparti. À la suite de (Gable et Haidt, 2005) à propos de la psychologie positive, nous pensons que
l’identification de cette combinaison DSP peut aider à
« l’étude des conditions et processus qui contribuent
à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des
personnes, des groupes et des institutions ». Insistons sur le fait
que les variables retenues et présentées dans cet article sont des
indicateurs de la valeur de l’apprentissage. Ces variables sont
caractéristiques des conditions d’utilisation qui vont faciliter
l’expression des potentialités individuelles et du vécu
empirique menant à un degré de bien-être satisfaisant. Ce
n’est pas nécessairement le succès sur une partie
jouée qui est à la source d’un bien-être. Nous pouvons
aisément imaginer que ce bien-être pourrait exister dans le cas
d’une défaite si la satisfaction d’avoir appris est
réelle, en particulier à l’issue de la séance de
débriefing que CLONE propose à la fin de chaque partie
jouée.
5.1.2. Les résultats
Étudier les caractéristiques des participants à un serious game impose la mise en œuvre d'une observation quantitative
afin de rendre compte des usages des apprenants. Nous présentons dans ce
paragraphe les résultats de notre évaluation préliminaire
ayant contribué à la compréhension didactique des usages de
CLONE in situ. Nous rappelons que nous avons proposé sur un
même intervalle de temps (3h), un même protocole avec des dossiers
patients différents. En collaboration avec le groupe de travail
d’experts, nous avons identifié deux groupes de patients. Le
premier (groupe 5a) est constitué de patients ayant des pathologies
relativement légères. Le deuxième groupe (groupe 5b) est
constitué de patients ayant des pathologies plus lourdes avec des soins
complexes à effectuer. La charge de travail est donc plus importante pour
les infirmiers(e)-élèves car le nombre d’actes de soins est
en moyenne plus élevé pour ce second groupe. Rappelons que les
scénarios sont en adéquation avec les compétences
professionnelles attendues (cf. 2. Contours épistémologiques) et
que les activités sont répertoriées en accord avec la
nomenclature officielle des tâches de la profession
règlementée (Article R4311-5 du code de la santé publique).
L’objectif opérationnel de notre recherche est de proposer une
situation d’apprentissage qui contribue à
l’épanouissement et au fonctionnement optimal des
infirmiers(e)-élèves. Nos précédentes recherches (Pons-Lelardeux et al., 2020) ont mis en lumière une corrélation entre l'acceptabilité et
la durée du cours. Lorsque le temps passé sur un scénario
n'est pas suffisant pour effectuer les tâches, le sentiment de frustration
est élevé ; a contrario, lorsque le temps passé est
suffisant ce sentiment disparaît.
Les graphiques des figures 2 et 3 mettent en lumière les trois
critères retenus : le nombre d’échecs, de victoires et
de parties interrompues. Dans la figure 2, qui correspond à une session
d’utilisation de CLONE avec un scénario de 5 patients du
1er groupe (5a), nous constatons 36,9 % de parties interrompues,
cela concerne 201 étudiants. Enfin, nous soulignons 16,9 % de
victoires, autrement dit de parties terminées par les
infirmiers(e)-élèves dans le temps alloué et 46,2 %
d’échecs (252 étudiants). Les étudiants
confrontés à ce type de scénario ont maîtrisé
CLONE à un niveau appréciable. En comparaison, la session
correspondant au scénario 5 patients du 2e groupe (5b), en
figure 3, rapporte un faible nombre de victoires (2 seulement). Le nombre de
parties interrompues est important (178), soit 52,2 %, et un nombre
d’échecs (161), soit (47,2 %), presque égal au nombre
de parties interrompues.
Figure 2 • Paramètres du
scénario 5 patients (5a)
Figure 3 • Paramètres du
scénario 5 patients (5b)
Pour la suite, un certain nombre de conclusions peuvent être
tirées de cette première expérience. La définition
de ces paramètres de jeu (échecs, victoires, interruptions) permet
une classification, facilement lisible et exploitable. Pour une session de
formation acceptable, ces paramètres valident la combinaison DSP. Ainsi,
le suivi et l’analyse de ces paramètres nous conduisent à
identifier des situations d’utilisation prototypiques (échecs entre
[30 à 50 %] ; victoires [10 à 20 %] ;
interruptions [30 à 40 %]).
L’ensemble de ces résultats a conduit à
l’élaboration d’une nouvelle expérimentation
développée dans le cadre de l’évaluation des usages
de CLONE in situ pour le scénario de 7 patients.
L’équilibre {tâche - compétences du sujet} semble
alors respecté ; en effet, comme représenté en figure
4, pour 114 infirmiers(e)-élèves, nous avons 44,7 % de
parties interrompues, 18,4 % de victoires et 36,8 %
d’échecs.
Figure 4 • Paramètres du
scénario 7 patients
Nous avons réalisé cette évaluation préliminaire
et de portée limitée pour ce scénario de 7 patients (cf.
figure 4) afin de pouvoir proposer pour la suite une combinaison entre la
durée, le scénario et les paramètres de jeu pour une
session de formation acceptable. Nous pensons que cela pourra contribuer
à l’épanouissement et au fonctionnement optimal des
élèves-infirmiers et notamment pour la faisabilité du
scénario le plus complexe comprenant 14 patients.
À partir de cette première analyse, nous avons
dimensionné une campagne expérimentale suivante en tirant profit
de l’expérience acquise auprès des
infirmiers(e)-élèves de plusieurs IFSI, en prenant en compte leur
point de vue quant à leurs usages pédagogiques de CLONE. Ainsi
pour valider ces premières hypothèses interprétatives
fondées sur l’analyse des traces numériques, nous avons
complété nos travaux par une analyse qualitative que nous
développons dans le paragraphe suivant. Nous décrivons les
questionnaires, leur mise en œuvre et nous tentons d’en
dégager les éléments de compréhension de
l’utilisation de CLONE.
5.2. L’analyse qualitative : le questionnaire
5.2.1. Construction de la grille du questionnaire
Un questionnaire a été proposé aux
infirmiers(e)-élèves immédiatement à la suite de la
séance d’utilisation de CLONE pour obtenir leur ressenti «
à chaud ». Les infirmiers(e)-élèves ont
été informés de cette recherche, du protocole et du
questionnaire par leurs formateurs au début de la séance. Ce
questionnaire est utilisé ici comme une méthode d’analyse
quantitative dans le cadre des tests d’utilisation de CLONE in
situ. Il est à souligner qu’il existe de nombreuses
échelles3 permettant de mesurer
la satisfaction et l’utilisabilité des outils numériques.
À la suite de (Tricot et al., 2003),
nous avons retenu pour ce questionnaire une grille qui explore quatre axes
{l’utilisabilité - l’acceptabilité - la satisfaction -
l’apprentissage}. Dans ces questionnaires, nous avons utilisé une
échelle analogique cotée de 1 à 4 (échelle de
Lickert). Les échelons vont de « je suis totalement
d’accord » à « je ne suis pas du tout
d’accord ».
La première partie du questionnaire concerne les
références personnelles et professionnelles des apprenants :
elle est destinée à caractériser cette population. Les
critères retenus pour ce repérage sont l’âge, le
genre. Une rubrique sur la catégorie socioprofessionnelle
(élève infirmier(e), aide-soignant(e), formateur) permet de
repérer les différents secteurs d’activités
professionnelles des apprenants interrogés.
La deuxième partie du questionnaire concerne la prise en compte de la
facilité d’utilisation de CLONE. Différentes tâches au
sein du serious game sont ainsi questionnées du point de vue de
son utilisabilité4. Cette
partie a pour objectif d’examiner la qualité de l’usage,
définie à partir de trois composantes : les facilités
de compréhension, d’apprentissage, d’utilisation de
CLONE.
La troisième partie s’oriente vers des questions
spécifiques concernant l’évaluation de
l’acceptabilité du serious game CLONE. Elles visent à
nous renseigner dans un premier temps sur un ensemble de facteurs
attachés à CLONE selon l’adéquation avec
l’environnement professionnel réel : les
propriétés esthétiques, les valeurs professionnelles
véhiculées, utilité perçue, parmi d’autres.
L’objectif de ces questions est de vérifier que l’utilisateur
s’approprie ce serious game, qu’il l’adopte,
l’adapte et l’intègre à son activité ;
selon (Tricot et al., 2003, p. 396) c’est : « la valeur de la représentation mentale
(attitude, opinion, etc. plus ou moins positive) d’un EIAH, de son
utilité et de son utilisabilité ».
L’acceptabilité est selon ces auteurs la valeur de la
représentation de l’utilité et de
l’utilisabilité de CLONE pour les apprenants. Selon Dillon et
Morris (Dillon et Morris, 1996) cela va avoir un effet sur leur motivation qui les pousse à entrer dans
l’activité et à y rester. Une évaluation globale des
éléments d'apprentissage les plus attrayants (situations
proposées – l’interface graphique/le design –
l’environnement virtuel – le concept du jeu – les dossiers
patients proposés) est également demandée.
Enfin, la quatrième et dernière rubrique aborde la question
didactique, les éléments visent à documenter la composante
relative à la question des savoirs et des savoir-faire
cristallisés dans ce serious game. L’objectif est ici de
recenser les principaux sentiments que rencontrent les apprenants. En effet,
nous avons cherché à voir quel est le degré de
difficulté rencontré lors du scénario proposé (5
patients). Nous avons aussi demandé si le serious game permettait
d’atteindre les compétences non-techniques visées par ce
dernier (cf. 2. Contours épistémologiques) notamment en
termes d’organisation du travail. Nous recensons également leur
perception des objectifs pédagogiques, de la plus-value dans
l’apprentissage, de l’observation et du recueil de données
cliniques au regard des possibles usages professionnels.
Nous souhaitions connaître leur opinion sur ce dispositif afin de
retenir les éléments signifiants à leurs yeux pour pouvoir
aussi en tenir compte lors de l’amélioration du dispositif.
5.2.2. Les résultats de l’analyse qualitative
Le recueil de données a été réalisé via des enquêtes en ligne (LimeSurvey). Les résultats
produits portent sur plusieurs sessions de formation menées auprès
d’une population de 868 infirmiers(e)-élèves IFSI de
3ème année en 2019-2020, en Occitanie Ouest.
Les références personnelles et professionnelles des
apprenants
La quasi-totalité des répondants au questionnaire sont des
femmes (719) cinq fois plus nombreuses que les hommes (141). La majorité
d’entre eux (604) se situent entre 20 et 25 ans (70 %). Ceci dit, il
est à noter que 122 infirmiers(e)-élèves sont dans la
tranche 25 et 35 ans (14 %) et 85 étudiants sont dans la tranche 35
et 45 ans (9,8 %). Les participants sont presque tous des
élèves-infirmiers de 3ème année
(98,3 %), certains (5) sont des aide-soignant(e)s qui, par exemple, ont
repris les études pour changer de catégorie
socio-professionnelle.
L’utilisabilité de CLONE
À postériori, la facilité d'utilisation est bonne, voire
excellente, pour 50,9 % des infirmiers(e)-élèves, 41,5 %
la trouve moyenne. La prise en main de CLONE est considérée un peu
difficile pour la moitié des répondants (52,7 %) et assez
facile pour 36,8 % d’entre eux. De même, 59,6 % jugent que
la facilité à agir dans l’environnement est correcte et
53,3 % trouvent que CLONE est très intuitif. La moitié des
infirmiers(e)-élèves (47 %) ont eu le sentiment d’avoir
appris assez rapidement avec ce serious game. Les étudiants
(57,5 %) soulignent la difficulté à établir un plan de
soins dans CLONE et à équilibrer des charges (54,9 %). Il est
à noter que, à la question : « Je pense que
j’aimerais utiliser ce système à nouveau »,
12,3 % des 868 répondants déclarent être
« tout à fait d’accord », 18,5 %
« plutôt d’accord », 27,3 %
« d’accord » et 24,8 % « plutôt
pas d’accord » et enfin 15,5 % « pas du tout
d’accord ». Autrement dit, la population interrogée
semble majoritairement promouvoir l’utilisation prolongée de CLONE
en formation.
L’évaluation de l’acceptabilité
La première question posée aux participants concerne les
propriétés esthétiques (graphisme) et l’organisation.
Sans détailler toutes les réponses, nous retenons que la
majorité des infirmiers(e)-élèves (plus de 80 %)
soulignent un bon graphisme agrémenté d’une
présentation des membres de l’équipe (aide-soignante,
médecin, coursier, équipe de nuit, etc.) adéquate. Nous
notons que les répondants déclarent que l’environnement
virtuel rend compte de la réalité du terrain : 5,6 % des
868 répondants ont répondu « oui, beaucoup »,
46,4 % « oui, modérément », et
33,4 % « non, assez peu » et 12,7 %
« non, pas du tout ». De même, plus de 60 % des
répondants trouvent que, par rapport à une expérience
réelle dans un service d'hôpital, les éléments de
CLONE sont réalistes. Parmi ces éléments, nous avons
questionné : 1) la composition du service (les patients,
l'équipe), 2) l'organisation du service, 3) le rythme de travail, 4) la
quantité d’information, 5) la quantité de soins à
prodiguer et 6) le nombre d’interruptions.
Abordons maintenant l’étude des conditions et processus qui
contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal
des répondants. Nous lui avons consacré une analyse
particulière, qui s’appuie sur des questions relatives au ressenti
qu’ils ont eu par rapport à la réalité, durant la
séance d’utilisation de CLONE.
90 % des 868 infirmiers(e)-élèves ont répondu
qu’ils ne se sentaient pas stressés lors de l’utilisation de
CLONE. À la question suivante concernant leurs sentiments à
l’issue de cette séance, ils déclarent être
« plutôt détendus » (39,2 %) et
« détendus » pour 12 %. Il est à noter
que 29,9 % des répondants ne sont « plutôt pas
d’accord » et 17 % « pas du tout
d’accord ». Nous avons ensuite questionné
l’investissement des répondants durant la séance
d’utilisation de CLONE. Les participants se sont sentis investis pour plus
de la moitié : 46,5 % étaient « plutôt
d’accord » et 12 % étaient « tout à
fait d’accord », 23,5 % sont « plutôt pas
d’accord » et 16 % « pas du tout
d’accord ».
L’évaluation de la satisfaction
L’émotion et le bien-être procurés lors de la
séance d’utilisation de CLONE sont questionnés ici. 641 des
infirmiers(e)-élèves ont ressenti du plaisir, soit 64,9 %,
voire beaucoup de plaisir (2,3 %). 24,6 % ont ressenti du
déplaisir et seulement 5,3 % soit 52 répondants ont ressenti
beaucoup de déplaisir. Toujours dans cette même optique, nous avons
demandé leur sentiment à l’issue de la séance.
10,9 % des répondants ont répondu « beaucoup
d’agacement », pour 56,1 % de l’agacement, de la
satisfaction pour 28,4% des infirmiers(e)-élèves et beaucoup de
satisfaction pour 1,6 %. À la question : « Que
ressentez-vous lorsque vous êtes en difficulté sur
CLONE », 24,4 % des 868 répondants déclarent
avoir « la volonté de réussir », 47,9 %
« de l’agacement », 5,5 % « de la
crainte », 14,4 % du « découragement »
et enfin 5 % de « l’indifférence ». Pour
terminer cette partie du questionnaire, nous avons demandé aux
participants comment ils ont pu gérer les situations
proposées : 12 % des répondants déclarent
« difficilement », 39,2 % ont répondu
« plutôt mal », 44,8 % « plutôt
bien », et 1 % « sans
difficulté ».
L’évaluation de l’apprentissage
Concernant la partie apprentissage développée dans CLONE, il
est important de savoir comment les participants l’ont perçue
à travers ses objectifs et son contenu. La première question
posée aux participants concerne le jugement du niveau de
difficulté des situations proposées dans le scénario. La
grande majorité (457) pense qu’elles sont assez difficiles
(46,3 %), voire difficiles (28,1 %). Les autres les jugent faciles
(10,9 %) et très faciles pour 1,8 %. À la
question : « Avez-vous le sentiment que cette séance
apporte un bénéfice dans l’apprentissage de la gestion des
plannings », la population interrogée semble être
partagée entre deux tendances : pour 50,9 %, la perception de
l’utilité de CLONE dans l’apprentissage de la gestion des
plannings est plutôt faible (faible et très faible) et, pour
l’autre moitié (environ 43,8 %), elle est plutôt
positive (fort et très fort sentiment d’apprentissage). De
même, à la question : « Avez-vous le sentiment que
cette séance apporte un bénéfice dans l’apprentissage
de la mise en œuvre de l’organisation du travail ? » les
avis sont partagés (47,2 % faible et très faible sentiment
d’apprentissage) et (47,8 % fort et très fort sentiment
d’apprentissage). Plusieurs questions ont ainsi été
posées concernant leur sentiment que cette séance apporte une
plus-value dans l’apprentissage :
- des soins de confort et de bien-être (45 %
d’accord et 49 % pas d’accord) ;
- de l’information et éducation de la personne, de son
entourage et d’un groupe de personnes (58 % d’accord et
36 % pas d’accord) ;
- de la surveillance de l’évolution de
l’état de santé des personnes (58 % d’accord et
36 % pas d’accord) ;
- des soins et activités à visée diagnostique
ou thérapeutique (59 % d’accord et 37 % pas
d’accord) ;
- de la coordination et organisation des activités et des
soins (72 % d’accord et 24 % pas d’accord) ;
- du contrôle et gestion de matériels, dispositifs
médicaux et produit (40 % d’accord et 55 % pas
d’accord) ;
- de la formation et information de nouveaux personnels et de
stagiaires (64 % d’accord et 31 % pas d’accord) ;
- de la veille professionnelle et recherche (34 %
d’accord et 61 % pas d’accord).
Examinons à présent la partie des questions relatives aux
savoirs et compétences cristallisés dans CLONE afin de pouvoir
accéder à leur expérience d’apprentissage lors de
cette formation.
Nous leur avons demandé s’ils pensaient avoir identifié
les objectifs pédagogiques visés par le jeu. Une majorité
(629) a répondu « oui » à cette question
(72,6 %) ; 239 ont répondu « non » à cette question (22,3 %). Nous avons ensuite demandé de
classer, de la plus faible à la plus forte intensité, les
objectifs d'apprentissage CLONE les plus intéressants selon eux :
- retravailler vos lacunes (faible 40 % - moyen 22 % -
fort 32 %) ;
- évaluer vos connaissances (faible 42 % - moyen
26 % - fort 26 %) ;
- consolider vos points forts (faible 32 % - moyen 30 % -
fort 32 %) ;
- accroitre votre expérience (faible 32 % - moyen
24 % - fort 39 %).
Un classement des éléments d'apprentissage les plus attrayants
a aussi été demandé :
- les situations proposées (faible 32 % - moyen
28 % - fort 34 %) ; L’interface graphique / le design
(faible 38 % - moyen 26 % - fort 31 %) ;
- l’environnement virtuel (faible 31 % - moyen 32 %
- fort 32 %) ;
- le concept du jeu (faible 24 % - moyen 22 % - fort
48 %) ;
- les dossiers patients proposés (faible 24 % - moyen
25 % - fort 46 %).
Ils ont eu le sentiment d’acquérir de l’expérience
dans l’organisation du travail (oui à 55,5 % et non à
45,4 %) et d’acquérir de l’expérience dans la
prise de décision (oui à 48,6 % et non à 46,2 %).
Pour conclure cette partie, nous avons demandé aux participants
s’ils souhaitaient utiliser CLONE à nouveau au sein d’une
session de formation : 59,2 % a répondu positivement et
35,6 % négativement. Nous les avons aussi questionnés afin de
savoir si le temps proposé était suffisant pour prendre en main
CLONE : 376 participants ont répondu oui (43,4 %) et 492 ont
répondu non à cette question (51,6 %).
Dans la poursuite de ces travaux, les données que nous venons de
présenter ont été croisées et analysées (Pons-Lelardeux et al., 2020).
Cela nous a permis de mesurer la corrélation entre l'acceptabilité
et la durée du cours. En faisant varier le nombre de patients dans
l'hôpital virtuel, nous modifions le contenu pédagogique d'un
scénario, le niveau de difficulté et le temps d’utilisation
de CLONE5. Nous avons relevé
les réussites et les échecs des infirmiers(e)-élèves
ainsi que
l’acceptabilité6. Les
résultats montrent que le sentiment de frustration est plus ou moins
élevé selon la difficulté du scénario, le temps
d’utilisation, le nombre d’échecs ou de victoires.
Lorsqu’un scénario est adapté et réalisable dans le
temps imparti, le sentiment de frustration disparaît.
6. Discussion
Dans cette section, nous discutons des
résultats obtenus au regard de la question des technologies positives
dans les EIAH7. Nous rappelons que
l’objectif de notre recherche était de proposer des
expériences positives d’apprentissage adaptées et surtout
réalisables aux infirmiers(e)-élèves dans le serious
game CLONE. L’évaluation préliminaire nous a
aidés à trouver un équilibre {tâche -
compétences du sujet} réalisable dans le temps de la formation.
Ainsi, les combinaisons de patients sont testées et, progressivement,
nous nous dirigeons vers le scénario composé de 14 patients. Dans
une perspective didactique, cela nous permet de proposer une progression
pédagogique réaliste allant du scénario le plus simple
jusqu’au scénario le plus réaliste. Il en sera de même
pour les cas les plus complexes (14 patients avec des
aléas8).
Nous avons recueilli le point de vue des infirmiers(e)-élèves
au travers du questionnaire présenté précédemment.
Dans la première partie relative à l’utilisabilité de
CLONE qui est une caractéristique de la qualité de son usage, les
composantes visées (facilité de compréhension -
d’utilisation) semblent être évaluées positivement. La
facilité de compréhension (obtention des différentes
informations, dynamique des situations dans l’environnement) est un des
points soulignés. Les participants ne perçoivent pas
l’environnement comme complexe et une grande majorité semble
vouloir renouveler l’expérience. Ce jugement
d’attractivité peut être attribué à la
qualité hédonique généré par CLONE, nous
pensons ici à la nouveauté et à l’originalité
qu’il peut procurer. Cela dit, un environnement numérique
hédonique procure du plaisir et donne une sensation de bien-être
psychologique, selon Gaggioli et al. (Gaggioli et al., 2017).
La première catégorie des technologies positives (visée
hédonique) de ce serious game semblerait être
respectée.
L’utilisabilité n’étant qu’un des
prédicteurs, nous avons abordé l’acceptabilité et
notamment un ensemble de facteurs attachés à CLONE :
utilité perçue, propriétés esthétiques,
valeurs professionnelles véhiculées, etc. Globalement, CLONE est
perçu comme ayant de bonnes qualités graphiques, prenant en compte
la réalité du terrain. Les professionnels et membres de
l’équipe (aide-soignant(e), médecin, coursier, infirmier(e),
équipe de nuit), la composition du service (patients,
l’équipe) sont bien représentés et sont en
adéquation avec les valeurs personnelles et culturelles des
infirmiers(e)-élèves ; ces paramètres leur donnent
envie d’agir avec CLONE. Dans une moindre mesure, une dynamique
identitaire liée aux avatars et à l’univers professionnel
créé peut favoriser indirectement les relations interpersonnelles
futures et l’intégration sociale (visée sociale) (Gaggioli et al., 2017).
Lors de cette expérience, les infirmiers(e)-élèves ne se
sont pas sentis stressés, mais plutôt détendus, il est
à souligner qu’ils ont déclaré « être
investis » dans la séance d’utilisation de CLONE. Cette
troisième partie du questionnaire nous conduit à faire un
parallèle avec une autre catégorie des technologies positives (la
visée eudémonique) (Gaggioli et al., 2017) de ce serious game. Cette catégorie est relative à
la capacité à vivre des expériences engageantes,
valorisantes et épanouissantes. Il semblerait que pour plus de la
moitié des infirmiers(e)-élèves l’expérience
vécue soit positive pour eux. La suite du questionnaire relative à
la satisfaction confirme qu’ils ont du plaisir à utiliser CLONE.
Dans certaines situations (échec, fin de partie, bugs), certains
déclarent de l’agacement, de la frustration. Nous avons
relevé que ce sentiment était présent lorsque le formateur
interrompt la partie alors que les infirmiers(e)-élèves sont
presque à la fin.
Un autre point de cette recherche est d’inventorier potentiellement ce
que CLONE peut apporter à l’utilisateur en termes
d’apprentissage. Les résultats montrent que les avis des
infirmiers(e)-élèves sont partagés, ils nuancent
l’idée selon laquelle, parce qu’ils sont conçus
à partir d’une combinaison de scénarios ludiques et
utilitaires, les serious games peuvent répondre seuls aux
objectifs d’apprentissage (Galaup et Amade-Escot, 2013), (Galaup et Amade-Escot, 2014).
Cela nous a amenés à réfléchir à la dimension
didactique (Galaup, 2020) et
aux conditions des usages de CLONE in situ. Une formation de formateurs a
été déployée pour améliorer
l’efficacité de la formation, notamment avec un travail sur la
phase de debriefing et la création d’une interface graphique
permettant au formateur de visualiser le parcours des étudiants et leurs
erreurs. Ces outils permettront au formateur de pouvoir appréhender plus
rapidement le travail des infirmiers(e)-élèves et de leur proposer
des aides spontanées.
L’identification des obstacles rencontrés lors de cette
expérience via CLONE nous a permis de comprendre les erreurs afin de
pouvoir les expliciter lors du debriefing.
7. Conclusion
2020 aura sans doute été
l’année de l’accélération de la prise de
conscience de la transformation numérique. Un des éléments
clés contribuant à faire évoluer les modalités
d’organisation du travail des infirmier(e)-élèves en IFSI
réside dans l’éducation et la formation de demain. De
nouvelles approches permettant de reproduire une confrontation aux
réalités professionnelles dans un environnement virtuel offrent la
possibilité de travailler des situations de gestion,
d’organisation, de collaboration, la délégation de
tâches. CLONE permet le développement de compétences
non-techniques qui sont nécessaires pour surmonter les charges de travail
futures. Comme nous l’avons évoqué en introduction de cet
article, la potentialité dévoluante de ces environnements
numériques pour l’apprentissage ne constitue pas une
caractéristique intrinsèque à ces artefacts, mais
relève de propriétés émergentes liées aux
conditions de leurs usages in situ (Galaup, 2013).
Ainsi, dans le cadre de la conception de CLONE, nous avons essayé
d’avoir une approche plus centrée sur l'utilisateur afin de
proposer un environnement numérique d’apprentissage qui favorise
l'épanouissement humain et le bien-être des
infirmiers(e)-élèves. Pour une plénitude du potentiel
positif des apprenants et de leur expérience positive
d’apprentissage avec ce serious game, nous avons mis au premier
plan une méthode faisant appel aux sciences humaines et sociales
plutôt que des méthodes visant à résoudre les
problèmes informatiques. Nous avons fait l’hypothèse que la
méthodologie en deux phases réunissant le doublet {traces -
questionnaire} était compatible et transposable dans les EIAH et
qu’elle pouvait contribuer à la recherche sur les technologies
positives pour l’apprentissage. Les résultats de notre étude
ont montré la pertinence de ce modèle pour proposer une situation
d’apprentissage adaptée et répondant aux impacts
émotionnels et motivationnels de CLONE. Cette ingénierie
didactique proposée a permis un usage pertinent de CLONE en situation
d’enseignement-apprentissage qui a un impact sur la qualité des
formations futures et sur l’amélioration technique de CLONE. Dans
cette phase de test (« proof of concept »), nous nous
sommes focalisés sur l’étude des modalités
d’usage de ce serious game, afin de pouvoir comprendre, analyser
cette formation et évaluer sa pertinence. Cette phase nous a permis de
répondre aux objectifs de notre collaboration, en mettant en place des
indicateurs de performance pour juger de la qualité de cette
modalité d’apprentissage et des progrès
réalisés à l’aide de CLONE dans le cadre des cas
d’usages les plus difficiles. Cette étape clé de validation
de l’efficacité concrète de CLONE est une étape
indispensable pour justifier de la poursuite du développement et pour
augmenter les probabilités de réussite du scénario complexe
à 14 patients dans les meilleures conditions pour les
infirmiers(e)-élèves.
En considérant l’ampleur du phénomène de la
conception et de l’usage de technologies numériques pour
l’apprentissage, nous pensons qu’il y a un intérêt
majeur d’approfondir ces études permettant la compréhension
des participants pour améliorer leur bien-être, leurs
émotions, leur engagement et leur motivation. Nous avons
développé, à la suite de cette recherche, une combinaison
de méthodes quantitatives et qualitatives, des expérimentations
avec différents scénarios, une graduation progressive des niveaux
de difficultés, ouvrant la voie des prémices d’un
modèle théorique de l’épanouissement et du
bien-être. Le bien-être se jugerait à la confiance de
l’individu à avoir progressé dans son apprentissage.
S’il n’y a aucun doute sur les situations de succès, et sur
une partie des situations d’échec (on peut apprendre de son
échec), il est plus difficile de tirer des enseignements sur les
interruptions. Les traces relatives à de telles situations doivent
être retravaillées en conséquence.
L’épanouissement serait le fruit d’une succession de
situations de bien-être dans une approche progressive de la
difficulté d’apprendre. C’est une dérivée
temporelle du bien-être qualifiant la montée en compétences.
Cela dit, l’intégration de la technologie positive dans la
conception d’un serious game est difficile à réaliser
dans les EIAH, notamment parce que cela implique des méthodologies
déployées sous l’hypothèse que le produit
testé a une certaine maturité, prenant en compte l’individu
et ses traces numériques qui sont toujours difficiles à traiter
dans un objectif d’analyse d’une expérience positive
d’apprentissage.
REMERCIEMENTS
Le travail relaté dans cet article
s’inscrit dans un projet de développement et
d’évaluation d’un jeu sérieux destiné à
optimiser la formation initiale des futures infirmières à
l’organisation et la coordination des interventions soignantes dont les
partenaires sont l’Agence Régionale de Santé
d’Occitanie et l’INU Champollion. Le comité de pilotage est
composé d’Élisabeth Souviron (Chef de Projet ARS) ;
Catherine Mercadier (Chef de Projet au sein du GIP e-santé
Occitanie) ; Veronique Teilhol (Conseillère technique CSS,
ARS) ; Alexandra Leprince (e-santé Occitanie) ; Catherine
Pons-Lelardeux, Hervé Pingaud, Pierre Lagarrigue et Michel Galaup (INU
Champollion-SGRL).
À
propos des auteurs
Michel GALAUP est Maître de Conférences (HDR)
en sciences de l’éducation et de la formation à
l’Institut National Universitaire de Champollion et chercheur à
l'UMR « Education, Formation, Travail, Savoirs » (EFTS)
à l’université de Toulouse 2 – Jean Jaurès et
directeur du Serious Game Research Lab (SGRL). Ses travaux de
recherche en didactique portent sur la conception et l'évaluation
d’environnements numériques pour l'apprentissage. Michel GALAUP est
responsable pédagogique du Master Audiovisuel, Médias Interactifs
Numériques, Jeux (AMINJ) parcours Gamification, Apprentissages, iMmersion
et ingEnierie de conception (GAME) à l’Institut National
Universitaire de Champollion.
Institut National Universitaire Champollion - Place Verdun, 81000 Albi.
Courriel : michel.galaup@univ-jfc.fr
Toile : https://efts.univ-tlse2.fr/accueil/navigation/les-chercheurs/michel-galaup--472670.kjsp?RH=1317804911498#/
http://www.univ-jfc.fr/equipesrecherche/serious-game-research-lab
Hervé PINGAUD est Professeur des Universités
en poste à l’Institut National Universitaire Champollion. Son
domaine de spécialité est la science des organisations de
production de biens et de services de la discipline du Génie Industriel
en France. Ses thèmes de prédilection actuels sont la conception
et le pilotage des systèmes de santé. Dans ce cadre, il
développe des solutions pour l’aide à la décision de
tels systèmes, et développe des modèles de
représentation de ces systèmes. La valence numérique est
très présente dans ses travaux et il a réalisé de
nombreux travaux sur la transformation numérique du système de
santé. Sa contribution au projet CLONE réside dans la
spécification de scénario sur la partie planification initiale et
traitement des aléas.
Adresse : Institut National Universitaire
Champollion - Place Verdun, 81000 Albi.
Courriel : herve.pingaud@univ-jfc.fr
Toile : http://www.univ-jfc.fr/equipesrecherche/serious-game-research-lab
Catherine PONS LELARDEUX est Ingénieur de recherche
en informatique au Serious Game Research Lab (SGRL), en poste
à l’Institut National Universitaire Champollion à Albi. Ses
travaux sont centrés sur la conception et les métriques relatives
à l’évaluation de learning game.
Adresse : Institut National Universitaire
Champollion, Place Verdun, 81000 Albi.
Courriel : catherine.lelardeux@univ-jfc.fr
Toile : http://www.univ-jfc.fr/equipesrecherche/serious-game-research-lab
Pierre LAGARRIGUE est Professeur des Universités
à l’Institut National Universitaire Champollion à Albi et
chercheur à l’Institut Clément Ader LGMT (EA 814) de
l’Université Paul Sabatier - Toulouse 3.
Adresse : Institut National Universitaire
Champollion - Place Verdun, 81000 Albi.
Courriel : pierre.lagarrigue@univ-jfc.fr
Toile : http://www.univ-jfc.fr/equipesrecherche/serious-game-research-lab
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140-149. Disponible sur internet.
1 La simulation en santé
correspond « à l’utilisation d’un matériel (comme
un mannequin ou un simulateur procédural), de la réalité
virtuelle ou d’un patient standardisé, pour reproduire des
situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures
diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des
processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un
professionnel de santé ou une équipe de professionnels. »
2 71 formateurs ont été
formés pour l’année 2018-19.
3 Nous pensons ici à SUMI :
Software Usability Measurement Inventory ; SUS : System Usability
Scale ; QUIS : Questionnaire for User Interface Satisfaction ;
WAMMI : Website Analysis and Mesurement Inventory, SEQUAM :
Sensorial Quality Assessment Method ; TAM Technology Acceptance Model,
etc.
4 Selon les normes ISO
l’utilisabilité est le « Degré selon lequel un
produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés,
pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et
satisfaction, dans un contexte d’utilisation
spécifié » (ISO 9241-11, 1998, p. 2)
5 Dans cet article le tableau 4 illustre la
corrélation entre l'acceptabilité et la durée du cours. Ce
tableau éclaire le résultat entre la durée du cours, le
type de scénario choisi, le contenu, le nombre d’erreurs et de
réussites et l’acceptabilité ou la frustration perçue
par les infirmiers(e)-élèves.
6 En didactique nous nous attachons à
définir les conditions spécifiques qui permettent de
« faire milieu » avec CLONE. En effet, si ce serious
game est potentiellement pertinent pour le développement des
compétences visées, il reste toutefois à mettre en
évidence en quoi et à quelles conditions il peut « faire
milieu ».
7 Environnements Informatiques pour
l’Apprentissage Humain
8 Parmi les aléas proposés nous
avons par exemple : un patient qui refuse les médicaments et
souhaite rentrer chez elle car ne se sent pas écoutée par rapport
à la douleur. Elle a rassemblé ses affaires pour rentrer chez
elle. Elle a prévenu son mari.
Le téléphone sonne ; l’aide-soignante prend
l’appel : le mari d’une patiente demande à parler
à l’IDE. Il est furieux et mécontent de la prise en charge
de sa femme. Elle n’a pas bien dormi et reste douloureuse. |