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Volume 28, 2021
Article de recherche

Numéro Spécial
Les technologies positives
pour l'apprentissage



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Vers une ludification adaptative expressive des environnements numériques d’apprentissage

 

Élise LAVOUÉ (LIRIS, Université Jean Moulin Lyon 3), Audrey SERNA (LIRIS, INSA Lyon)

RÉSUMÉ : La ludification est une approche utilisée en éducation pour augmenter la motivation des apprenants. Cependant, les études sur l’impact de la ludification rapportent des résultats mitigés, voire contradictoires. Dans cet article, nous présentons la notion d’affordances motivationnelles comme fondement théorique d’une ludification expressive, c’est-à-dire qui a du sens pour les apprenants et qui répond à leurs besoins motivationnels. Nous décrivons ensuite les enjeux d’une telle approche et différentes méthodes de conception, afin d’introduire notre proposition permettant de prendre en compte les caractéristiques à la fois de la situation d’apprentissage et des apprenants. Enfin, nous proposons une approche complémentaire de ludification adaptative des environnements d'apprentissage, permettant d’aller encore plus loin dans la réponse aux besoins propres à chaque apprenant. Nous concluons par différentes perspectives offertes par ces contributions.

MOTS CLÉS : Ludification adaptative, ludification expressive, affordances motivationnelles, engagement, méthodes de conception.

Towards expressive adaptive gamification of digital learning environments.

ABSTRACT : Gamification is an approach used in education to increase learners’ motivation. Nevertheless, research about the impact of gamification reports mixed and even contradictory results. In this article, we present the concept of motivational affordances as a theoretical framework for meaningful gamification, that means that it makes sense to learners and responds to their motivational needs. We then describe the challenges of such an approach, and different design processes, in order to introduce our proposal to consider the characteristics of both the learning situation and the learners. Finally, we propose a complementary approach of adaptive learning environments, allowing us to meet the specific needs of each learner.

KEYWORDS : Tailored gamification, meaningful gamification, motivational affordances, engagement, design process.

1. Introduction

Les apprentissages dépendent de plus en plus de l’utilisation de dispositifs interactifs ou d’environnements numériques. Leur utilisation ne se limite pas au contexte scolaire ou universitaire, mais s'étend également au temps extra-scolaire grâce aux smartphones, tablettes et autres appareils personnels portables. Cependant, la plupart des environnements numériques d’apprentissage n'ont pas été conçus en tenant compte de leur impact potentiel sur l'expérience quotidienne des apprenants, comme leurs comportements, leurs motivations et leurs émotions (Gaggioli et al., 2017). Dans ce contexte, Riva et al. (Riva et al., 2012, p.70) ont défini les technologies positives comme « l'approche scientifique et appliquée de l'utilisation de la technologie pour améliorer la qualité de notre expérience personnelle » Les technologies positives ont été classées en fonction de leurs effets sur l'expérience personnelle des utilisateurs (Botella et al., 2012), parmi elles les technologies eudémoniques créées pour soutenir une expérience engageante, la réalisation de soi et le développement personnel.

Cet article aborde le domaine de la ludification, approche conçue pour augmenter la motivation et l’engagement des utilisateurs à réaliser une tâche. Le jeu (game) et la ludification (gamification) sont bien souvent abordés sans distinction claire dans la littérature, bien que certains chercheurs aient identifié des différences (Landers, 2015), principalement en termes de perception de la part des apprenants. La ludification n’apporte pas de dimension immersive dans le jeu, ni de niveaux de difficultés liés à un scénario de jeu. Contrairement aux jeux sérieux conçus en articulant dès le départ des mécaniques ludiques avec des éléments pédagogiques dans la scénarisation (Marne et al., 2012), la ludification est généralement définie comme l’ajout d’éléments de jeux dans des contextes non jeu (Deterding et al., 2011), tels que la santé, le sport ou encore l’éducation. D’autres définitions mettent l’accent sur l’implémentation d’affordances motivationnelles en appliquant des méthodes de conception issues du jeu (Sanchez et al., 2019). Ces affordances dépendent des caractéristiques du jeu et du joueur, les interactions en jeu influant sur les états motivationnels et émotionnels du joueur.

Aujourd'hui, la ludification est une approche bien adoptée pour soutenir l'engagement des apprenants dans les environnements d'apprentissage et utilisée dans la plupart des solutions connues telles que « OpenClassrooms », « Coursera » ou « Duolingo ». Or, les résultats des études sur l’impact de la ludification sont mitigés, voire parfois contradictoires, comme nous le montrerons en section 2 de cet article. Cela peut s’expliquer, entre autres, par le fait que les apprenants ont des préférences de mécaniques de jeu ou encore des motivations différentes pour les activités d'apprentissage qu’il convient de prendre en compte en phase de conception.

Dans cet article, nous présentons tout d’abord les études de l’impact de la ludification sur les apprenants, afin d’illustrer plus en détail la disparité des résultats obtenus. Nous posons ensuite le cadre théorique des affordances motivationnelles afin d’éclairer les facteurs à considérer lors de la conception d’une ludification expressive (i.e. qui fait sens pour les apprenants) qui réponde à leurs besoins motivationnels. En lien avec ces facteurs, la quatrième partie est dédiée à l’analyse des méthodes de conception de la ludification existantes, afin d’introduire notre approche appliquée spécifiquement au domaine de l’éducation, et permettant de prendre en compte les caractéristiques des activités pédagogiques médiatisées et des apprenants pour une ludification expressive. Enfin, nous exposons l’approche de ludification adaptative que nous avons développée, afin de proposer des éléments de ludification adaptés aux profils des apprenants. Nous concluons par une discussion sur les nombreuses perspectives offertes par l’approche de ludification adaptative expressive, comme levier de motivation pour les apprenants.

2. Études de l’impact de la ludification sur la motivation et l’engagement des apprenants

Plusieurs études ont été menées ces dernières années pour évaluer l’impact des éléments ludiques sur la motivation des apprenants. Par exemple, Hanus et Fox (Hanus et Fox, 2015) ont étudié l’impact d’un cours ludifié sur 16 semaines sur la motivation intrinsèque des apprenants, comparé à un cours non ludifié. Les résultats ont révélé que les étudiants du cours ludifié ont montré moins de motivation intrinsèque, de satisfaction et d'autonomie au fil du temps que ceux de la classe non ludifiée. De la même manière, Kyewski et Krämer (Kyewski et Krämer, 2018) ont étudié l’impact de l’intégration de badges à un environnement d’apprentissage en ligne sur la motivation et les performances des apprenants pendant cinq semaines. Les étudiants ont été assignés au hasard à trois conditions différentes (pas de badges, badges visibles par les pairs, badges visibles uniquement par les étudiants eux-mêmes). Les résultats montrent que les badges ont moins d'impact sur la motivation et les performances qu'on ne le pense généralement. Indépendamment de la condition, la motivation intrinsèque des élèves a diminué avec le temps. Ces études vont dans le sens d’autres travaux sur l’impact négatif de récompenses externes sur la motivation intrinsèque des apprenants, mais ne permettent pas de généraliser, d’autant plus que d’autres études apportent des résultats plus mitigés.

Par exemple, Sailer et al. (Sailer et al., 2017) ont montré que les badges, les tableaux de scores et les graphes de performance ont un effet positif sur la satisfaction des besoins en matière de compétences, ainsi que sur la perception du sens des tâches à réaliser, tandis que les avatars, les histoires et les coéquipiers ont un effet sur les expériences de relations sociales. Par ailleurs, Landers et al. (Landers et al., 2017) ont étudié l’effet de l’usage de tableaux de scores sur une tâche de brainstorming ludifiée. Les participants ont été répartis au hasard entre quatre niveaux classiques d'objectifs fixés (« faites de votre mieux », « faciles », « difficiles » et « impossibles »). Un tableau de score représentant leur classement était affiché. Sa présence a permis de motiver les participants à atteindre les niveaux de performance les plus élevés, même sans que cela ne leur ait été imposé. Cependant, l’engagement à réaliser les objectifs a été identique avec et sans la présence du tableau de scores. Enfin, Zainuddin (Zainuddin, 2018) a étudié la différence entre une classe inversée ludifiée et une autre non ludifiée, évaluant la motivation intrinsèque perçue par les apprenants (sentiment de compétence, autonomie et relations sociales) et l’impact sur leurs performances. Les performances ont été significativement meilleures pour le groupe ayant le cours ludifié, ainsi que les motivations perçues en ce qui concerne le sentiment de compétence et d’autonomie.

Van Roy et Zaman (van Roy et Zaman, 2018) ont analysé les processus motivationnels qui sous-tendent l’impact motivationnel de la ludification C’est une des premières études à analyser l’impact sur différents types de motivations à l’aide d’une version adaptée de l’échelle de motivation en éducation (EME) (Vallerand et al., 1989), distinguant motivation intrinsèque, motivation extrinsèque, amotivation, motivation autonome et motivation contrôlée. A l’aide d’une expérimentation sur quinze semaines, ils ont montré que tous les types de motivation ont évolué au cours du temps : ils ont décru puis augmenté en fin du cours (sauf l’amotivation qui a augmenté puis décru, et la motivation contrôlée qui est restée stable), sans pour autant revenir à leur niveau initial. Les résultats illustrent l'importance de la nature individuelle des processus motivationnels (des différences entre individus sont observées) et l'importance de mesures de motivation longitudinales (et pas seulement le résultat final).

Cependant, les études qui analysent les processus motivationnels mis en œuvre lorsque les apprenants utilisent un environnement ludifié sont assez peu nombreuses. Ces processus sont principalement analysés à travers des mesures de l’engagement des apprenants. Par exemple, Ding et al. (Ding et al., 2017) ont effectué une première étude de l’impact de l’usage d’un outil de discussion en ligne ludifié « gEchoLu » sur l’engagement cognitif, émotionnel et comportemental. Les résultats n’ont pas permis d’observer d’évolution significative des dimensions de l’engagement entre le milieu et la fin de l’étude. Appuyant ces résultats, Landers et al. (Landers et al., 2017) ont montré que l’engagement des apprenants à réaliser des objectifs a été identique avec et sans la présence d’un tableau de scores. Ding et al. (Ding et al., 2018) ont mené une autre étude sur l'influence de l'approche de la ludification sur l'engagement des étudiants dans les discussions en ligne avec « gEchoLu » dans un cours de niveau licence. Contrairement à la précédente étude, les résultats ont montré que l'approche de ludification avait un effet positif sur toutes les dimensions de l'engagement des étudiants. Enfin, da Rocha Seixas et al. (da Rocha Seixas et al., 2016) ont conduit une étude sur l’efficacité de deux plates-formes (« ClassDojo » et « ClassBadges ») proposant des badges, sur l’engagement des élèves. Les résultats ont montré que les élèves qui ont reçu plus de récompenses de la part de l'enseignant ont obtenu des performances moyennes significativement meilleures. Ils ont également classé les élèves en quatre groupes qui montrent des types d’engagement différents, par exemple sur les comportements liés à l’autonomie, la participation ou encore la collaboration.

Ces études illustrent une grande diversité de l’impact d’environnements d’apprentissage ludifiés sur la motivation et l’engagement des apprenants. Cela peut s’expliquer par une ludification ad-hoc généralement implémentée sans fondement théorique pour guider la conception d’éléments réellement motivants pour les apprenants. Dans la section suivante, nous nous appuyons sur le socle de la théorie de l’autodétermination et des affordances motivationnelles afin de poser les fondements de la conception d’une ludification expressive, c’est-à-dire qui a du sens pour les apprenants, en lien avec leurs caractéristiques individuelles et le contexte d’apprentissage.

3. Affordances motivationnelles pour une ludification expressive

Il existe à ce jour encore assez peu de travaux discutant des fondements théoriques de l’approche de ludification (Sailer, 2013) et de l’impact des éléments de ludification instanciés dans les environnements d’apprentissage. La plupart des travaux en ludification s’appuient sur la théorie de l'autodétermination (ou Self-Determination Theory - SDT), théorie de la motivation humaine initiée par Deci et Ryan (Deci et Ryan, 2000), (Deci et Ryan, 1985). Les deux psychologues ont proposé cette théorie afin de comprendre le développement et le bien-être de la personnalité humaine. Cette théorie postule que les individus ont trois besoins psychologiques fondamentaux (la compétence, l'autonomie et les relations sociales) et que les humains s'efforcent de satisfaire ces trois besoins afin d'améliorer leur bien-être. S’ils sont remplis, alors leur motivation intrinsèque se retrouve accentuée.

Ryan et Deci (Ryan et Deci, 2000) ont proposé de représenter la motivation par un continuum, de la motivation contrôlée à la motivation autonome, débutant par une motivation extrinsèque suscitée par des récompenses extérieures, et se terminant par une motivation intrinsèque liée à une forte autonomie de la part de l’apprenant dans ses apprentissages. Soutenant cette approche, la littérature existante souligne les effets négatifs des récompenses sur la motivation (Deci et al., 2001), (Lepper et al., 1973) ainsi que les effets négatifs de la comparaison sociale sur la motivation et les performances dans les milieux éducatifs (Christy et Fox, 2014), (Dijkstra et al., 2008). L’un des enjeux de la ludification va alors consister à susciter une motivation extrinsèque par des récompenses, tout en amenant progressivement les apprenants à augmenter leur motivation intrinsèque afin de les rendre de plus en plus autonomes dans leurs apprentissages. Nous retrouvons souvent ce mécanisme sous l’appellation d’affordances motivationnelles de l'environnement numérique.

Zhang (Zhang, 2008) introduit le concept d’affordance motivationnelle en s’inspirant de la notion d’affordance, classiquement utilisée pour désigner les propriétés réelles ou perçues qui déterminent la manière dont les artéfacts peuvent être potentiellement utilisés (Ohlmann, 2006) et dont les usages vont dépendre (Simonian, 2015). Appliquée à la motivation, ce concept correspond aux propriétés d’un objet qui permettent de soutenir les besoins motivationnels des utilisateurs, favorisant ainsi leur engagement et leur expérience utilisateur. A partir des sources de motivation identifiées, essentiellement celle de la théorie de la SDT ou encore la théorie du flow (Csikszentmihalyi, 1990), Zhang propose une théorie de conception positive pour le bien-être des utilisateurs (Zhang, 2007) et insiste en particulier sur la nécessité de soutenir l’autonomie, donner des feedbacks positifs ou encore induire des émotions positives durant l’interaction.

Le concept d’affordance motivationnelle est repris plus spécifiquement pour la ludification par Deterding (Deterding, 2011) qui s’appuie sur les travaux de Zhang, et les étend pour proposer le concept d’affordance motivationnelle située, faisant référence aux travaux bien connus de Dourish (Dourish, 2001) sur l’interaction incarnée. Selon lui, la situation dans laquelle se place l’utilisateur joue un rôle important dans les affordances motivationnelles : elle offre ses propres caractéristiques motivantes (affordances situationnelles) en plus d’influencer l’usage, le sens et en conséquence les affordances motivationnelles de l'artefact en question (affordances artefactuelles). Les affordances motivationnelles situationnelles correspondent donc aux opportunités de satisfaire les besoins motivationnels des utilisateurs créés par la relation entre les caractéristiques de l’artefact et les capacités d’un utilisateur dans une situation donnée. La prise en compte du contexte et de la situation est primordiale pour garantir le succès de l’interaction et la satisfaction des besoins motivationnels.

Nous retrouvons d’ailleurs cette relation entre le contexte dans lequel est placée l’activité ludifiée et les éléments de jeu dans les travaux qui s’intéressent à la conception, notamment les approches de conception expressive (meaningful design) ou de ludification expressive (meaningful gamification). Ces études soulignent l'importance du sens et de l’expressivité dans le processus de conception (Deterding, 2015), (Marache-Francisco et Brangier 2013), (Nicholson, 2015), (Nicholson, 2012). Les éléments ludiques doivent faire sens pour les utilisateurs, en créant des liens explicites avec l'activité donnée mais aussi avec les objectifs et les besoins motivationnels de l’utilisateur pour que ces derniers puissent avoir une expérience internalisée positive (Nicholson, 2012). En complément, Deterding (Deterding, 2015) indique que les expériences motivantes sont créées lorsque l’environnement numérique ludifié soutient l’utilisateur pour relever des défis en proposant des boucles imbriquées et interconnectées d’objectifs, actions, objets, règles et feedbacks. En plus du contexte organisationnel dans lequel l'activité spécifique est placée, Nicholson (Nicholson, 2012) insiste sur la prise en compte des spécificités des utilisateurs (différence de vécu, de désirs ou encore de compétences) et suggère de concevoir des systèmes de ludification personnalisables.

Selon cette approche, nous avons identifié plusieurs enjeux, que nous présentons dans la section suivante, pour la conception d’une ludification expressive dans le contexte d’environnements numériques d’apprentissage.

4. Enjeux de conception d’une ludification expressive pour l’éducation

4.1. Prise en compte des caractéristiques situationnelles

Dans le cadre de l’apprentissage par un environnement numérique d’apprentissage ludifié, deux objets de motivation peuvent être considérés : la motivation des apprenants vis-à-vis de l’activité d’apprentissage (correspondant aux affordances situationnelles selon le cadre de Deterding (Deterding, 2011)) et leur motivation vis-à-vis des mécaniques ludiques (affordances artefactuelles). L'activité d’apprentissage inclut aussi bien la discipline (p. ex. mathématiques ou français), que le type de tâche pédagogique (p. ex. quizz, lecture, rédaction) ou encore le contenu (p. ex. texte, vidéo, animations). Comme souligné par Sailer et al. (Sailer et al., 2017), la ludification n'est pas efficace en soi, mais des éléments de jeu ont des effets psychologiques spécifiques.

De récentes études mettent en avant le rôle du contexte, avec des impacts motivationnels différents de mêmes éléments ludiques selon les contextes considérés (Hallifax et al., 2019b). Par exemple, les apprenants seront d’autant plus motivés intrinsèquement s’ils leur permettent de se sentir compétents dans les activités d’apprentissage proposées, par exemple par des récompenses mettant en avant les acquisitions. Pour cela, il faut que les éléments ludiques puissent donner un feedback clair à l’apprenant et qu’ils soient en lien avec l’activité d’apprentissage ou avec des objectifs pédagogiques bien identifiés. Également, les apprenants souhaiteront de l’autonomie (dans la navigation dans l’environnement d’apprentissage, dans le choix des mécaniques ludiques ou encore dans le choix d’accessoires pour leur avatar), ainsi que des relations sociales qui pourront être offertes, par exemple sous forme d’éléments de collaboration ou de coopération. A l’inverse, certains éléments ludiques sont à utiliser de manière précautionneuse puisqu’ils pourraient susciter une motivation extrinsèque principalement liée aux mécaniques ludiques qu’ils instancient, sans réel lien avec l’activité d’apprentissage. Par exemple, un chronomètre peut inciter l’apprenant à répondre rapidement à un quizz (sans pour autant répondre juste), ou un tableau de score peut inciter à gagner des points en réalisant le maximum d’exercices mais sans pour autant améliorer ses performances (Hallifax et al., 2020). Ainsi, la conception d’éléments ludiques nécessite, dès le départ, la prise en compte de la situation d’apprentissage. Or, l’effet du contexte d’apprentissage est très peu discuté dans les différentes études présentées en section 2.

4.2. Prise en compte des caractéristiques individuelles

Au-delà du contexte, nous retenons également que les affordances motivationnelles reposent sur la prise en compte des différences inter-individuelles lors du processus de conception. Les apprenants ont des préférences variées envers les mécaniques de jeu et des motivations différentes lorsqu'ils utilisent un environnement d'apprentissage (Hamari et al., 2014), (Monterrat et al., 2017), (Vassileva, 2012). Des travaux récents identifient des liens entre les types d'utilisateurs et les éléments ludiques pertinents ou motivants (Jia et al., 2016), (Orji et al., 2017). Dans le domaine de l'Éducation, la plupart des systèmes utilisent le profil de joueur (préférences pour des mécaniques de jeu) pour catégoriser et classifier les apprenants, à partir de leurs préférences de jeu (Hallifax et al., 2019b). Les premières études ont reposé sur la typologie BrainHex proposée par (Nacke et al., 2014). La typologie de joueur la plus adoptée aujourd’hui est la typologie Hexad (Marczewski, 2015), créée spécialement pour la ludification sur la base de la SDT. Hallifax et al. (Hallifax et al., 2019b) ont montré que cette dernière typologie semble la plus pertinente pour relier les éléments de jeu aux préférences de jeu des apprenants. D’ailleurs, Mora et al. (Mora et al., 2018) ont rapporté un impact globalement positif d’éléments ludiques adaptés selon la typologie de joueurs Hexad, avec une augmentation de l’engagement comportemental et émotionnel pour les apprenants. Plus rarement, les études prennent en compte le niveau de motivation initial des apprenants (Roosta et al., 2016). Par exemple, Hanus et Fox (Hanus et Fox, 2015) ont montré que l’effet de la ludification sur les résultats des étudiants aux examens finaux a été influencé par le niveau de motivation intrinsèque des étudiants, les étudiants du cours ludifié étant moins motivés et obtenant des résultats plus faibles aux examens finaux que ceux du cours non ludifié.

4.3. Prise en compte de la variation de l’engagement en cours d’activité d’apprentissage

Le concept d’engagement a été bien étudié et défini dans la littérature depuis plusieurs décennies, mais il a suscité un vif intérêt ces dernières années dans le domaine de l'éducation numérique. L’engagement est un concept polysémique, faisant l’objet d’une grande variété de définitions et d’interprétations — voir la revue de littérature proposée par Molinari et al. (Molinari et al., 2016). La motivation des apprenants peut être mise en relation par rapport au concept d’engagement : lorsque les besoins fondamentaux de l’apprenant sont remplis, alors celui-ci aura tendance à s’engager dans l’activité d’apprentissage (Bouvier et al., 2014). L'engagement peut ainsi être défini comme l'investissement psychologique et l'implication comportementale des apprenants dans les activités d'apprentissage (Appleton et al., 2008) résultant des affordances motivationnelles présentées précédemment. Comme nous l’avons présenté en partie 2, les études existantes prennent peu en compte la variation de l’engagement en cours d’usage d’un environnement d’apprentissage ludifié. Cela peut s’expliquer par le fait que l'identification et le soutien de l'engagement des apprenants sont complexes pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l'engagement est un concept multidimensionnel composé de trois dimensions complémentaires : motivationnelle/affective, comportementale et cognitive (Fredricks et al., 2004), (Linnenbrink et Pintrich, 2003). L'engagement motivationnel/affectif inclut l'intérêt, les émotions et les valeurs perçues par les apprenants pendant les activités d'apprentissage. L'engagement comportemental fait référence aux actions observables de l'apprenant dans la réalisation d'une tâche d'apprentissage (Fredricks et al., 2004). L'engagement cognitif est lié au déploiement de stratégies d'apprentissage : cognitives, autorégulées ou liées à la gestion des ressources (Pintrich, 1999). Ces dimensions sont souvent considérées séparément et certaines d'entre elles (p. ex. émotions, motivations) sont moins étudiées dans la littérature en raison de la difficulté de les mesurer, surtout dans des situations réelles d'apprentissage (Pekrun et al., 2002).

A cela s’ajoute que l’engagement est un processus dynamique qui fluctue au cours du temps : un apprenant peut s’engager, se désengager et se réengager durant un cours (O'Brien et Toms, 2008). Cette perspective amène à considérer la ludification non seulement sous l’angle des motivations initiales de l’apprenant vis-vis de l’environnement ludifié et du contexte, mais également de son impact pendant le déroulement des activités d’apprentissage. Pour influencer positivement l’engagement des apprenants dans l’activité d’apprentissage, il convient alors d’identifier les éventuels points de désengagement, mais également de réengagement de l’apprenant si elle correspond à nouveau à ses attentes (besoins, intérêts).

En conclusion, la conception d’éléments ludiques se confronte à plusieurs enjeux que sont la prise en compte des caractéristiques de la situation d’apprentissage, des besoins individuels des apprenants, ainsi que de la variation de l’engagement au cours de l’activité d’apprentissage. Nous présentons dans la partie suivante, des méthodes et outils de conception que nous proposons en réponse aux deux premiers enjeux. Cette approche repose sur la prise en compte des caractéristiques de la situation d’apprentissage et des apprenants dès la conception même des éléments ludiques, menant ainsi à une ludification expressive. Nous présentons ensuite, en partie 6, notre approche de ludification adaptative reposant sur la proposition d’éléments adaptés au profil des apprenants, et une adaptation dynamique pouvant répondre au troisième enjeu de prise en compte de la variation de l’engagement en cours d’activité.

5. Méthodes et outils de conception de la ludification expressive en éducation

Différents travaux proposent des méthodes de conception de systèmes ludifiés (Mora et al., 2017) en partageant des recommandations pour prendre en compte le contexte et pour intégrer une réflexion sur l’expressivité des éléments ludiques. Ces méthodes suggèrent plus ou moins les étapes suivantes : définir l'objectif principal, comprendre la motivation de l'utilisateur, identifier les mécaniques de jeu et analyser l'effet de la ludification (Tondello et al., 2016). En complément, plusieurs auteurs proposent de considérer les éléments ludiques selon différents niveaux d’abstraction qui peuvent être étudiés de façon indépendante comme une lentille de conception (Deterding, 2015). Par exemple, le cadre MDA (Mechanics, Dynamics, Aesthetics) distingue :

- 1) les mécaniques qui correspondent aux composants de jeu,

- 2) les dynamiques qui décrivent les comportements des éléments lors de leur intégration dans l’environnement numérique,

- 3) l’esthétique qui décrit les aspects émotionnels lorsque l’utilisateur interagit avec l’environnement ludifié (Hunicke et al., 2004).

Cependant, ces approches offrent peu de conseils concernant la personnalisation et la mise en œuvre d'éléments pour un contexte donné, comme le souligne d’ailleurs (Deterding, 2015). La plupart des cadres de conception présentés précédemment n’arrivent pas à passer de la recherche formative à une base opérationnelle et utile pour la créativité dans la phase de conception.

En pratique, lors des sessions de conception, les concepteurs, développeurs et autres parties prenantes (par exemple, des ingénieurs en sciences de l’éducation et en pédagogie pour le domaine de l’éducation), qui peuvent ne pas avoir le même niveau d'expertise en matière de ludification, doivent choisir des éléments de jeu pertinents et décider comment les mettre en œuvre dans une situation concrète. Ils manquent de conseils pour choisir parmi un grand nombre d'éléments sans connaître leur impact potentiel sur la motivation des différents utilisateurs. En conséquence, ils sont souvent amenés à n'utiliser qu'un sous-ensemble d'éléments bien connus et prédéfinis, comme le soulignent Tondello et al. (Tondello et al., 2017), réduisant ainsi la créativité lors du processus de conception.

Il existe cependant quelques travaux qui proposent d’opérationnaliser le processus de conception de la ludification. Par exemple, pour guider les sessions de conception, Marache-Francisco et Brangier (Marache-Francisco et Brangier, 2013) offrent aux concepteurs une boîte à outils pour la ludification qui prend en charge deux étapes de conception : l'analyse de contexte et la conception itérative de l'expérience de ludification. Les concepteurs peuvent s'appuyer sur une grille de conception et des arbres de décision composés de questions qui guident la sélection des éléments. D'autres travaux fournissent des cartes de conception de situations d’apprentissage ludiques pour permettre aux concepteurs d’explorer les ressorts ludiques. C’est le cas de Mariais et al. (Mariais et al., 2010) et Pernin et al. (Pernin et al., 2014) qui proposent une méthode de conception graphique et tangible pour des scénarios d’apprentissage utilisant des ressorts ludiques bien définis. Serna et al. (Serna et al., 2015) proposent JEN.cards, un outil à base de cartes pour faciliter la conception collaborative de situations ludiques pervasives. Les cartes comportent plusieurs dimensions, dont une spécifiquement pour explorer les différentes mécaniques et les ressorts à intégrer dans l’environnement numérique. Cependant, ces outils offrent peu de conseils pour prendre en compte les différences individuelles des apprenants et combiner plusieurs sources d’affordances motivationnelles, en particulier celles liées à la situation (par exemple la motivation initiale des apprenants pour la matière dans le domaine de l'Éducation).

Nous avons récemment défini un espace de conception générique pour la ludification structurelle expressive appliqué spécifiquement aux environnements numériques d’apprentissage (Hallifax et al., 2018). Ce cadre offre l’avantage de s’accompagner d’outils pour animer les séances de conception (plateau papier et cartes de conception) et d’instaurer un langage commun entre les différents acteurs pouvant être impliqués dans le processus de conception. De plus, la classification des éléments ludiques avec différents niveaux d’abstraction et différentes dimensions permet de définir les aspects opérationnels et visuels des éléments ludiques afin d’intégrer les différents facteurs motivationnels à considérer dans la conception. Sur le même principe que les lentilles de conception de Deterding (Deterding, 2015), ces dimensions permettent de répondre à 5 questions que les concepteurs doivent considérer pour chaque élément ludique à concevoir, que nous déclinons ici pour le domaine de l’éducation.

La première question, « Pourquoi l'élément de jeu est-il utilisé ? », permet de cibler les changements de comportement souhaités par la ludification, par exemple favoriser l’autonomie, la compétence (améliorer les performances), encourager un certain comportement lié à l’environnement d’apprentissage ou à la nature spécifique de la discipline, du type d’exercices, etc. Cette question oriente donc les concepteurs sur la prise en considération de l’impact de la ludification en termes de motivation de l’apprenant (intrinsèque ou extrinsèque) et d’engagement souhaité (comportemental, cognitif ou émotionnel).

La deuxième question, « Quel est le focus de l'élément de jeu ? », fait référence à la granularité avec laquelle l’élément ludique doit s’insérer dans l’activité d’apprentissage. Trois niveaux de granularité sont distingués : le niveau global de l’activité, certains objectifs pédagogiques ou bien des actions précises (p. ex. réaliser un QCM). Prendre en considération ces aspects permet de s’assurer que les éléments ludiques sont bien liés aux objectifs pédagogiques et que les apprenants comprennent le sens de la ludification par rapport à leurs apprentissages. Cela assure en partie l’expressivité des éléments ludiques.

La troisième question, « Quel est le type de l'élément de jeu ? », permet de guider les concepteurs dans le choix, à proprement parler, de l’élément ludique. Notre approche suggère de choisir une dynamique puis une mécanique de jeu parmi les récompenses (points, collection ou objets utiles), les objectifs (déterminés par le système ou fixés par l’utilisateur lui-même), les éléments liés au temps (chronomètres ou agenda), la représentation de soi (compétences), les interactions sociales (équipes, échanges ou discussions) et la progression (dans la tâche ou par rapport aux autres). Cette classification permet de couvrir les mécaniques les plus couramment utilisées dans le domaine de l’éducation. Les différents niveaux d’abstraction permettent de réfléchir à la correspondance de mécaniques par rapport aux motivations ciblées des apprenants, puis le choix d’un élément peut se faire par rapport aux autres caractéristiques individuelles à considérer (en termes d’engagement par exemple ou de préférences de joueurs).

La quatrième question, « Qui est concerné par l'élément de jeu ? », s’intéresse à la fois à l’apprenant qui va utiliser l’élément ludique et aux autres personnes susceptibles de voir l’élément ludique (les autres apprenants et/ou l’enseignant). Cette question incite à réfléchir aux mécanismes de régulation que peuvent susciter les éléments ludiques. Si l’élément ludique reste personnel, des mécanismes d’autorégulation permettront à l’apprenant d’atteindre ses propres objectifs. A contrario, un élément de jeu partagé par un groupe d’apprenants peut les aider à co-réguler leurs activités en fonction de leurs objectifs personnels, mais également soutenir une régulation partagée qui nécessite l'interdépendance et la coopération complète des participants vers un objectif commun.

Enfin la cinquième question, « comment l'élément de jeu est-il représenté ? », englobe les dimensions liées à la visualisation de l’élément ludique ainsi que l’esthétisme, facteur identifié comme déterminant pour l’engagement des apprenants. Ces considérations correspondent à l’implémentation concrète de la mécanique choisie en un élément de jeu pour une situation d’apprentissage donnée. Pour que la ludification soit expressive, il est important de renforcer les liens entre l’activité d’apprentissage et l’information représentée dans l’élément. Le feedback doit être pertinent et certains types de visualisation seront plus adaptés que d’autres. Par exemple, pour un élément ludique de type « comparaison de sa progression par rapport aux autres », au lieu de choisir un classement absolu des performances de l’apprenant par rapport à celles des autres apprenants, les concepteurs peuvent s’orienter vers une visualisation relative par rapport à des groupes anonymisés d’apprenants. Cela permet de ne pas rendre le classement démotivant pour un apprenant ayant obtenu de faibles performances. Ces aspects liés à l’implémentation sont les moins traités dans la littérature. Les caractéristiques individuelles des apprenants (motivation, profil de joueur, etc.) pourraient être prises en compte au travers de cette question pour proposer différentes versions d’un même élément ludique que l’environnement numérique d’apprentissage proposerait en fonction du profil de l’apprenant.

En conclusion, les méthodes et outils de conception présentés dans cette section sont utiles pour concevoir un ensemble d’éléments ludiques intégrés à l’environnement d’apprentissage, en considérant à la fois les caractéristiques de la situation d’apprentissage et celles des apprenants. Cette première étape est importante pour que les éléments ludiques ainsi conçus aient du sens pour les apprenants et un impact positif sur leur motivation. Nous présentons dans la section suivante une approche complémentaire : la ludification adaptative, qui propose d’adapter les éléments ludiques au profil des apprenants, c’est-dire de choisir parmi les éléments ludiques disponibles, ceux qui seront les plus motivants.

6. Approche de ludification adaptative

6.1. Adaptation initiale des éléments ludiques

La revue de la littérature sur la ludification adaptative en éducation présentée dans Hallifax et al. (Hallifax et al., 2019a) montre que ce domaine en est à ses prémisses, et se résume à ce jour à une adaptation initiale (ou statique). Celle-ci consiste en la proposition en amont de l’activité d’apprentissage d’éléments ludiques adaptés aux apprenants. Nous avons introduit en section 4.2 le lien entre les caractéristiques individuelles des apprenants et les éléments ludiques pertinents ou motivants. Les travaux proposant ce type d’adaptation reposent sur ce lien afin de faire des recommandations d’éléments ludiques, avec des résultats assez variés. Mora et al. (Mora et al., 2018) ont rapporté un impact globalement positif d’éléments ludiques adaptés selon la typologie de types de joueurs Hexad, avec une augmentation de l’engagement comportemental et émotionnel pour les apprenants. Cependant, Oliveira et al. (Oliveira et al., 2020) ont mené une expérience auprès de 121 élèves brésiliens en école primaire en comparant une version adaptée (toujours selon le profil Hexad) à une version non-adaptée d'un système d'enseignement ludifié. Les principaux résultats indiquent qu'il n'y a pas de différence significative sur l’état de flow des élèves. À notre connaissance, seule l’étude de Roosta et al. (Roosta et al., 2016) propose d’adapter les éléments ludiques au type de motivation des apprenants, et montrent par une première expérimentation des résultats positifs de cette adaptation sur la participation et les performances des apprenants.

Nous avons également proposé plusieurs méthodes d’adaptation initiale d’éléments ludiques. Dans nos premiers travaux, nous avons proposé de construire une Q-matrice faisant le lien entre les dimensions du profil de joueur des apprenants (utilisant la typologie BrainHex) et les caractéristiques des éléments ludiques. Nous avons montré que des élèves de collège ayant utilisé des éléments ludiques non-adaptés les ont évalués comme plus utiles et plus ludiques que les éléments adaptés ou attribués aléatoirement (Monterrat et al., 2017). Utilisant le même modèle, nous avons identifié que parmi les apprenants adultes les plus engagés (c'est-à-dire ceux qui utilisent l'environnement le plus longtemps), ceux qui ont des éléments ludiques adaptés à leurs préférences de joueur (selon le profil Hexad) passent significativement plus de temps dans l'environnement d'apprentissage que ceux qui ont des éléments non-adaptés ou attribués aléatoirement (Lavoué et al., 2018). Nous avons plus récemment proposé une matrice d’affinité fondée sur l’analyse de l’influence des caractéristiques des apprenants sur l’impact des éléments ludiques. Nous avons mené une étude qui a mis en avant qu’une adaptation au niveau de la motivation initiale pour la discipline ou aux préférences de joueur n’impacte pas les mêmes dimensions (Hallifax et al., 2020) : alors que l'adaptation à la motivation initiale des apprenants pour apprendre les mathématiques influence positivement leur motivation intrinsèque, la prise en compte des préférences de joueur impacte les comportements engagés et les performances des apprenants (ils répondent plus vite, mais avec de moins bons résultats). Enfin, cette étude montre qu’une adaptation à la fois au type de joueur et aux niveaux de motivation peut améliorer la motivation intrinsèque et diminuer l'amotivation, par rapport à une adaptation fondée uniquement sur la motivation des apprenants.

Ainsi, hormis les préférences de joueurs, encore assez peu de caractéristiques individuelles des apprenants ont été explorées en ce qui concerne leur impact sur le processus de ludification, alors même qu’elles sont très présentes dans la littérature sur la conception d’affordances motivationnelles de la ludification. De plus, l’adaptation initiale ne permet pas de prendre en compte la variation de l’engagement en cours d’activité d’apprentissage (cf. section 4.3), nous proposons pour cela les premiers fondements d’une approche d’adaptation dynamique des éléments ludiques.

6.2. Vers une adaptation dynamique

Comme introduit en section 4.3, l’engagement des apprenants fluctue au cours du temps, un élément ludique engageant en début de cours peut ne plus être efficace après quelques séances. Ce constat peut expliquer des résultats décevants de la ludification non adaptée au cours des activités d’apprentissage. Une adaptation dynamique de la ludification serait alors nécessaire, mais implique plusieurs questionnements, que nous avons identifiés à partir de nos travaux récents.

Tout d’abord, quand et selon quel(s) critère(s) adapter ? Comme nous l’avons vu, la ludification peut avoir des finalités différentes pour les apprenants : augmenter leur autonomie, leurs sentiments de compétences, leur niveau de performance ou encore leur engagement. Selon la finalité, les données à observer ne seront pas les mêmes pour déclencher l’adaptation : par exemple les résultats à un quizz, ou le niveau et le type d’interaction avec l’environnement d’apprentissage. De même, les comportements engagés étant de plusieurs types (cognitif, émotionnel, comportemental), l’adaptation selon l’engagement de l’apprenant nécessite de mettre en place des capteurs multimodaux (traces d’interaction, reconnaissance des émotions, questionnaires). L’analyse et l’interprétation des données multimodales collectées sont très délicates. Selon les motivations initiales de l’apprenant (intérêt pour la matière enseignée ou par rapport à certaines mécaniques ludiques), son engagement pourra se traduire de manière différente (p. ex. volonté de faire le maximum d’exercices ou volonté de réussir les exercices avec le meilleur score possible). Parfois, c’est plutôt l’origine du comportement engagé avec l’environnement d’apprentissage ludifié qui va être difficile à distinguer. Par exemple, un apprenant n’ayant pas eu de très bonnes performances lors d’une activité avec un désengagement significatif peut s’expliquer par le fait que cet apprenant n’a pas apprécié une certaine activité (ou ne l’a pas comprise) ou bien parce que les affordances motivationnelles de l’élément ludique ne lui correspondent pas, auquel cas l’utilisation d’un autre élément n’aurait peut-être pas aboutit à ce désengagement.

Ces considérations amènent alors à la question “quoi” adapter. En effet, un élément ludique est une implémentation spécifique d’une mécanique ludique. Lorsqu’un élément n’est plus motivant ou engageant, cela pourrait être dû à un effet de lassitude de cet élément, bien que la mécanique qu’il instancie soit toujours la plus pertinente pour l’apprenant. Il serait alors suffisant de modifier l’apparence de l’élément, ou encore les règles de fonctionnement. Par exemple, si l’obtention de badges se révèle trop simple pour l’apprenant, il conviendra de modifier le niveau de difficulté. Si l’apprenant n'interagit plus avec son avatar, il peut suffire de changer d’univers pour inciter à de nouvelles interactions. Cependant, s’il s’avère que c’est la mécanique de jeu qui ne convient pas, cela implique d’introduire un nouvel élément ludique en cours d’utilisation de l’environnement d’apprentissage. Ce changement peut s’opérer au sein de la même dynamique (p. ex. remplacer un score par l’obtention de badges en restant dans la dynamique récompenses) ou à un plus haut niveau d'abstraction, au sein de dynamiques différentes (p. ex. remplacer des récompenses sous forme de badges, par un tableau de score pour inciter à la comparaison).

Se pose alors la question de l’intelligibilité de cette adaptation pour l’apprenant. L’adaptation dynamique des éléments ludiques induit un risque important de rupture de l’activité d’apprentissage et de la motivation si l’apprenant n’en comprend pas la raison et les nouvelles règles de fonctionnement en lien avec l’activité d’apprentissage en cours. Nous pensons que cette adaptation inclut a priori au moins les conditions suivantes :

- 1) envoyer à l’apprenant un feedback sur les raisons de l’introduction d’un nouvel élément ludique (p. ex. pourquoi à ce moment-là, pourquoi le choix de cet élément ludique),

- 2) avoir lieu entre deux activités d’apprentissage distinctes pour ne pas créer de point de rupture (p. ex. entre deux leçons),

- 3) expliciter les règles de fonctionnement de l’élément introduit (p. ex. comment obtenir un meilleur score),

- 4) préserver une continuité des récompenses ou progressions entre les activités pour que l'apprenant n’ait pas l’impression de régresser (p. ex. ne pas perdre les badges obtenus si les badges sont remplacés par un tableau de score),

- 5) introduire un degré de contrôle sur l’adaptation dynamique proposée par l’environnement.

Cette adaptation peut se faire de manière automatique sur la seule base de l’analyse des données collectées mais elle peut aussi être contrôlée par l’apprenant lui-même ou bien par l’enseignant.

Dans le cadre du projet LudiMoodle (https://ludimoodle.universite-lyon.fr/), nous proposons une approche d’adaptation dynamique d’éléments ludiques fondée sur une première adaptation initiale (Hallifax et al., 2020). Ce projet vise à tester la ludification adaptative des ressources pédagogiques numériques de Moodle comme levier de motivation des apprenants, appliqué à des élèves de 4ème pour l’apprentissage de notions d’algèbre. Selon cette approche, chaque apprenant se voit attribuer, en début de cours, l’élément ludique identifié comme étant le plus adapté à partir d’une matrice d’affinité. Puis, le système calcule après chaque séance de cours le niveau d’engagement de l’élève sur la base de plusieurs indicateurs et le compare au niveau d’engagement des autres élèves. Pour les élèves ayant le niveau d’engagement le plus faible pendant 3 séances consécutives, le système suggère un autre élément ludique (le deuxième le mieux adapté selon la matrice d’affinité). L’enseignant voit cette suggestion sur un tableau de bord et décide de la valider ou non, en indiquant les raisons de ce choix en cas de refus. L’élève, s’il se voit attribuer un nouvel élément ludique, peut tout de même voir l’historique des éléments qu’il a utilisés et ne perd pas les récompenses qu’il a acquises.

Cette proposition présente plusieurs limites par rapport aux questionnements présentés précédemment. Tout d’abord, les raisons des modifications d’éléments ludiques ne sont pas explicitées à l’apprenant. Également, c’est un élément entier qui est adapté et non son apparence ou ses règles de fonctionnement. Enfin, l’implication demandée à l’enseignant pourrait entraîner une surcharge cognitive. Cependant, l’intérêt d'une telle approche est de collecter des informations de la part de l’enseignant dans le cas d’une non validation de la recommandation faite par le système, permettant, en partie, une prise en compte d’éléments de contexte que le système ne saurait capter automatiquement. De manière générale, alors que la prise en compte de la situation d’apprentissage apparaît essentielle dans le processus de ludification, elle représente un véritable enjeu pour l’adaptation car elle nécessite de pouvoir capturer des éléments de contexte et de les intégrer dans le processus de recommandation des éléments ludiques.

7. Conclusion

Dans cet article, nous proposons une approche conceptuelle et pragmatique pour une ludification adaptative expressive des environnements numériques d’apprentissage. Après avoir présenté les études sur la motivation et l’engagement des apprenants, nous avons identifié les facteurs à considérer pour offrir des affordances motivationnelles de l’environnement d’apprentissage ludifié. Notre approche assure une conception expressive des éléments ludiques avec des affordances situationnelles et artefactuelles en prenant en compte les particularités du contexte d’apprentissage et les caractéristiques des éléments ludiques pour les aligner avec les besoins motivationnels des apprenants. Notre approche de ludification adaptative permet ensuite de prendre en compte les caractéristiques individuelles des apprenants par une adaptation en amont des éléments ludiques et en proposant des mécanismes d’adaptation dynamique des éléments ludiques  pendant l’activité pédagogique pour éviter le désengagement des apprenants.

Ces contributions ouvrent de nombreuses perspectives. Tout d’abord, notre méthode et nos outils de conception méritent d’être testés sur d’autres terrains, afin de les faire évoluer en fonction des retours que pourront nous faire les participants. Par ailleurs, l’adaptation initiale se limite bien souvent à la prise en compte des préférences de mécaniques de jeu, alors que d’autres caractéristiques individuelles telles que la motivation initiale doivent être prises en compte. Nous étudierons différentes approches combinant ces différents profils tout en assurant une cohérence dans le processus d’adaptation. Notre approche d’adaptation dynamique mérite également d’être approfondie, par exemple en comparant une adaptation initiale à une adaptation dynamique. Enfin, la question de la préservation de la dynamique de groupe au sein de la classe lorsque les apprenants utilisent des éléments ludiques sociaux mérite d’être explorée. En effet, l’usage de certains éléments ludiques induit des interactions entre apprenants : le tableau de score incite à la comparaison, les interactions par chat induisent de la collaboration, ou encore les badges peuvent récompenser des activités de groupe. Si l’on change les éléments ludiques des apprenants, alors cette dynamique de groupe sera impactée.

REMERCIEMENTS

Opération soutenue par l’État dans le cadre du volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir, opéré par la Caisse des Dépôts.

À propos des auteurs

Élise Lavoué est Maître de Conférences HDR en informatique à l'iaelyon School of Management de l’Université Jean Moulin Lyon 3, et responsable du groupe de recherche « Interaction Située, Collaboration, Adaptation, et Apprentissage » du laboratoire LIRIS. Ses recherches portent sur la ludification des environnements numériques, l’analyse de comportements et les tableaux de bord réflexifs dans les domaines des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain, de l’Interaction Humain Machine. Elle est (co)-auteure de plus de 100 publications dans ces domaines. Elle a présidé l'organisation de la conférence européenne EC-TEL 2016, co-présidé le comité de programme de EC-TEL 2017 et de la conférence internationale CSCL 2019. Elle est aujourd’hui responsable de la gestion des SIG (Special Interest Group) au sein de l’association européenne EA-TEL et membre du comité de pilotage de la conférence EC-TEL. Elle est rédactrice en chef de revue STICEF depuis janvier 2020.

Adresse : Université Jean moulin Lyon 3 – iaelyon School of Management - CNRS, LIRIS UMR5205 - 1C avenue des Frères Lumière, CS 78242 - 69372 Lyon Cedex 08

Courriel : elise.lavoue@liris.cnrs.fr

Toile : https://perso.liris.cnrs.fr/elise.lavoue

Audrey Serna est Maître de Conférences en informatique à l'INSA de Lyon, membre de l’équipe de recherche « Interaction Située, Collaboration, Adaptation, et Apprentissage » du laboratoire LIRIS. Ses recherches se situent à la croisée de l'informatique (interaction homme-machine) et des sciences cognitives (modélisation cognitive/modélisation de l'utilisateur) et portent sur la conception de systèmes interactifs adaptatifs et engageants pour un meilleur accompagnement des utilisateurs dans leurs activités médiées par des technologies. Ses recherches portent principalement sur deux aspects complémentaires : la modélisation de l'utilisateur (modélisation de l'activité humaine et analyse de l'engagement des utilisateurs) et l'interaction avec les utilisateurs (conception des affordances motivationnelles, mécanismes d’adaptation).

Adresse : INSA de Lyon - CNRS, LIRIS UMR5205, Lyon F-69621, France

Courriel : Audrey.serna@insa-lyon.fr

Toile : https://perso.liris.cnrs.fr/aserna/

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Référence de l'article :
Élise LAVOUÉ, Audrey SERNA, Vers une ludification adaptative expressive des environnements numériques d’apprentissage, Revue STICEF, Volume 28, numéro 2, 2021, DOI:10.23709/sticef.28.2.3, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 21/12/2021, http://sticef.org
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Mise à jour du 5/01/22