Contact :
infos@sticef.org
|
Quels apports de la réalité virtuelle à
l’apprentissage ? L’art comme domaine
d’investigation
Emmanuelle BRIGAUD, Lucie BACHELARD, Julien VIDAL, Aude MICHEL, Nathalie BLANC
(EPSYLON, Université Montpellier 3)
|
RÉSUMÉ : À
partir d’une situation d’exploration d’une vidéo en
360° de l’univers artistique de Dali, cette étude a pour
objectif d’examiner les bénéfices à utiliser la
réalité virtuelle (RV) plutôt que l’ordinateur (PC) et
s’interroge sur les conditions de navigation à privilégier
dans le contexte d’un apprentissage incident. La navigation dans
l’environnement pouvait être soit passive (PC et RV), soit active
(RV). Si une augmentation du ressenti émotionnel positif
(émerveillement) est observée chez tous les participants
après avoir regardé la vidéo, une meilleure mémoire
des éléments de l’œuvre artistique explorée et
une perception plus ludique de la vidéo émergent uniquement lors
d’une navigation active dans l’environnement. Dans l’ensemble,
cette étude révèle sous quelles conditions la
réalité virtuelle offre des perspectives intéressantes pour
favoriser un apprentissage incident.
MOTS CLÉS : Réalité
virtuelle, art, émotions, mémoire, appréciation
|
Using virtual reality to explore artistic universes: experimental evidences. |
|
ABSTRACT : Through
a 360 ° video of Dali's artistic universe, this study examines the benefits
of using virtual reality rather than computer, but also attempts to compare
passive immersive experience (PC and VR) to active one (VR) within an implicit
learning context. If a general increase in the positive state (wonder) was
observed after the participants watched the video, a better memory of the
elements of the artistic universe explored, and a more playful perception of the
video were observed only when participants had the opportunity to control their
movements in the environment. Overall, this study highlights the conditions
under which virtual reality offers interesting opportunities in implicit
learning context.
KEYWORDS : Virtual
reality, art, emotions, memory, liking |
1. Introduction
De plus en plus de
musées ouvrent leurs portes virtuellement en offrant au public la
possibilité de découvrir les œuvres artistiques
exposées dans différentes salles, simplement en déambulant
au moyen de la souris de l’ordinateur dans l’environnement
représenté en 3D à l’écran. Ces visites
virtuelles ont pour avantage d’offrir à tous les publics, disposant
des moyens technologiques adéquats, un accès à la culture
artistique et la possibilité d’acquérir des connaissances
sur les œuvres d’un artiste sans la contrainte de se rendre dans
l’espace physique du musée.
Cette démocratisation de l’accès à ces hauts lieux
de la culture artistique n’est pas le seul apport des nouvelles
technologies à considérer. Parmi leurs nombreux atouts, les
nouvelles technologies sont capables de « donner vie »
à ces œuvres habituellement seulement observées visuellement,
en élargissant le spectre des activités proposées, comme
c’est le cas avec la réalité augmentée. Il
s’agit d’un dispositif qui fournit aux usagers l’occasion de
s’informer sur les œuvres exposées en accédant à
toutes sortes de contenus supplémentaires, qui rendent la visite du
musée à la fois plus interactive et probablement plus ludique.
D’autres avancées technologiques qui ne requièrent pas la
présence sur site gagneraient à être davantage
considérées par les musées. En effet, la
réalité virtuelle offre une expérience inédite
d’interaction avec des œuvres artistiques, propulsant les usagers au
sein même des univers imaginaires habituellement explorés en 2D
seulement. En immersion au cœur de ces œuvres, les usagers en font
ainsi une toute autre découverte, une expérience culturelle rendue
dynamique et vivante par les possibilités d’exploration offertes
par la réalité virtuelle.
Si l’intérêt de l’usage de la réalité
augmentée a déjà fait l’objet de plusieurs travaux (He et al., 2018), (Pucihar et al., 2016),
celui du recours à la réalité virtuelle n’a
été que peu envisagé alors même que son
intérêt dans ce contexte a pourtant déjà
été signalé (Carrozzino et Bergamasco, 2010).
Pourtant, l’interactivité avec les œuvres d’art et
l’immersion dans ces environnements imaginaires sont susceptibles
d’agir sur le processus d’acquisition de connaissances et, par
là même, sur la rétention des informations traitées.
La présente étude a ainsi pour ambition d’explorer
spécifiquement les apports de la réalité virtuelle dans ce
contexte nouveau de culture artistique. Dans cet objectif, nous nous attacherons
à montrer les atouts de la réalité virtuelle en
présentant des résultats attestant les bénéfices de
ce type d’immersion, sur le plan mnésique mais aussi dans le
domaine des apprentissages scolaires. Dans la lignée de ces travaux, nous
aborderons également la question des bénéfices
associés à une navigation passive ou active dans
l’environnement virtuel et ce, à la lumière de deux
théories majeures en psychologie cognitive (la cognition incarnée
et la charge cognitive).
2. Cadre théorique
2.1. Les atouts de la réalité virtuelle : une question en
plein essor dans les recherches scientifiques
Il ne fait plus aucun doute
que les chercheurs se sont activement emparés des dispositifs de
réalité virtuelle (RV) pour impulser une nouvelle dynamique. Comme
le rapportent Cipresso et al. (Cipresso et al, 2018) au travers d’une analyse de la littérature scientifique disponible
(avec la réalité virtuelle comme mot clé),
l’utilisation de cette technologie ainsi que le nombre d’articles
pointant du doigt ses atouts ont connu une évolution notable depuis 2015.
En 2016, Slater et Sanchez-Vives (Slater et Sanchez-Vives, 2016) avaient déjà souligné que la RV était
présente dans de nombreux domaines de recherche que sont notamment
l'éducation, la formation, les phénomènes sociaux, et
était en voie d’exploitation dans le domaine du divertissement
entre autres (Hürst et al., 2016).
Le recours à la réalité virtuelle (RV) est donc porteur
et prometteur dans nombre de secteurs, ce qui explique l’engouement de la
recherche pour cette technologie en plein essor (Freeman et al., 2017), (Neri et al., 2017).
Les défis futurs pour la recherche séduite par cette technologie
consistent à présent à mieux comprendre ses effets au plan
du fonctionnement psychologique (cognitif et affectif au moins) de
l’individu afin d’identifier les conditions dans lesquelles son
utilisation est réellement porteuse (Daniela, 2020).
À mi-chemin entre le divertissement et l’éducation, les
visites virtuelles qu’offrent de plus en plus de musées
représentent un contexte des plus propices pour examiner les apports de
la RV à l’individu en tant que sujet apprenant.
2.2. Réalité virtuelle et mémoire spatiale de
l’environnement exploré
Des indices d’un gain au plan mnésique de l’environnement
exploré sous RV sont déjà disponibles. En effet, de
nombreuses études ont rapporté les bénéfices
d’une exploration virtuelle d’un environnement sur la mémoire
spatiale (Plancher et al., 2013).
Ces bénéfices ont par ailleurs été rapportés
sur la mémoire des objets (Sauzéon et al., 2012) ou encore sur la mémoire des marques dans le cadre d’études
consacrées au e-commerce (Martínez-Navarro et al., 2019).
Pour autant, toutes les conditions d’immersion ne sont pas propices
à l’observation d’une meilleure mémorisation.
Plusieurs études ont ainsi comparé les effets d’une
navigation active aux effets d’une navigation passive sur la
mémorisation et la restitution des informations présentes dans
l’environnement virtuel. Selon la taxonomie de Wilson et al. (Wilson et al. 1997), le terme de navigation active renvoie à des
conditions dans lesquelles les individus exercent un contrôle moteur et/ou
volontaire de leurs mouvements lors de l’exploration de
l’environnement virtuel ; la navigation passive, quant à elle,
correspond à une visite guidée de l’environnement virtuel et
donc sans possibilité de contrôler ses déplacements. Meade et al. (Meade et al. 2019) ont comparé les effets de ces
deux types de navigation sur la mémoire spatiale d’un
itinéraire. Les résultats ont montré que les individus
ayant eu la possibilité de se déplacer librement et de
contrôler leurs mouvements le long du parcours mémorisaient mieux
l’itinéraire que ceux ayant suivi un parcours
prédéfini sans possibilité d’agir.
Une récente revue consacrée aux effets de la
réalité virtuelle sur les processus mnésiques (Smith, 2019) conditionne précisément les bénéfices
observés à la condition où l’exploration se fait de
manière active. Autrement dit, il faut que l’individu interagisse
avec l’environnement pour améliorer la mémorisation et la
restitution des informations rencontrées lors de l’exploration
virtuelle de cet environnement.
2.3. Réalité virtuelle et apprentissage
Les nouvelles technologies offrent des possibilités inédites en
matière d’acquisition de connaissances et sont à même
de bouleverser notre rapport au savoir, notamment en conférant à
la situation d’apprentissage un caractère interactif des plus
stimulants. Autrement dit, la réalité virtuelle est un levier
à considérer dans le domaine des apprentissages scolaires
— voir (Freina et Ott, 2015) pour une revue — avec des effets possibles sur la mémorisation
et la restitution des informations traitées.
Outre ce caractère dynamique qui place l’apprenant en position
d’aller recueillir de l’information dans un environnement mobile,
l’utilisation des nouvelles technologies telle que la
réalité virtuelle est fortement associée à un
ressenti émotionnel majoritairement à valence positive. Si un
effet « Waouh » est souvent rapporté, cet effet est
vraisemblablement à rapprocher de l’émotion
d’émerveillement. Allcoat et von Mühlenen (Allcoat et von Mühlenen, 2018) ont notamment questionné les apports de la RV en situation
d’apprentissage, et se sont montrés attentifs au versant
émotionnel de cette situation. Dans leur étude, des participants
étaient affectés à l'une des trois conditions
d'apprentissage : traditionnelle à partir d’un manuel, à
l’aide d’une vidéo (exploration passive), et sous
réalité virtuelle (RV). Le matériel d'apprentissage
utilisé était le même dans les trois conditions.
L’évaluation des connaissances des participants a permis de
révéler que ceux placés dans les conditions traditionnelles
et ceux placés sous RV avaient amélioré leurs performances
globales (acquisition des connaissances) par rapport à ceux de la
condition vidéo. Les participants en condition RV ont également
montré de meilleures performances mnésiques que ceux des deux
autres conditions (traditionnelle et vidéo). Les auteurs rapportent
également que l'auto-évaluation des émotions avant et
après la phase d'apprentissage a révélé une
augmentation des émotions positives et une diminution des émotions
négatives pour la condition RV. À l'inverse, ils ont
observé une diminution des émotions positives dans les deux autres
conditions (traditionnelle et vidéo). Dans l’ensemble, les
résultats de cette expérience fournissent des
éléments prometteurs en faveur de l’idée que
l’utilisation de la réalité virtuelle pourrait donner lieu
à une expérience d'apprentissage améliorée par
rapport aux méthodes d'apprentissage plus classiques (c.-à-d.
traditionnelle et vidéo).
Rappelons que, classiquement, les recherches menées en sciences de
l’éducation indiquent que conduire les élèves
à interagir avec leur environnement physique (c.-à-d. non virtuel)
améliore les apprentissages pour des activités aussi
variées que la lecture, l’arithmétique, le langage, la
compréhension de texte ou encore la résolution de problèmes (Chandler et Tricot, 2015), (Pouw et al., 2014).
Les possibilités d’interaction sous réalité virtuelle
offriraient-elles les mêmes atouts ?
Dès 2008, Zouboula (Zouboula et al., 2008) ont fourni des prémisses de réponse à cette question et
ouvert la voie à l’utilisation de la RV en situation
d’apprentissage. Dans leur étude, ils ont mis en évidence
que la diffusion d’un contenu historique étayé par la visite
en 3D des salles d’un musée pouvait servir des
intérêts éducatifs. Les auteurs ont notamment
souligné l’importance de la composante ludique de la situation
d’apprentissage puisque 100% des élèves souhaitaient
poursuivre la visite en 3D du musée, alors que ce pourcentage
n'était que de 30% lorsque cette visite s’effectuait à
travers une présentation PowerPoint. Ils évoquent un bilan tout
aussi positif s’agissant des performances d’apprentissage des
élèves utilisant l’application RV, la majorité
d’entre eux ayant obtenu de meilleurs résultats à un
questionnaire sondant leurs connaissances comparativement à ceux
placés en situation d'apprentissage traditionnelle.
2.4. Deux théories pour interpréter les
bénéfices de la RV
Bara et Tricot (Bara et Tricot, 2017) rendent compte de ces effets bénéfiques des expériences
motrices sur les connaissances symboliques à la lumière de deux
théories complémentaires issues de la littérature en
psychologie cognitive : la cognition incarnée et la charge
cognitive.
Selon la théorie dite de la cognition incarnée (Barsalou, 2008),
nos connaissances seraient liées à nos expériences
sensorielles (vue, toucher, ouïe, odorat et goût), mais aussi
à nos actes moteurs. Dès lors, chaque événement
vécu se traduirait par un encodage multiple en mémoire, reposant
à la fois sur des expériences perceptives et sur des
expériences motrices. On comprend, dès lors, pourquoi permettre
aux individus d’explorer de manière active l’environnement
(par ex. en exerçant un contrôle moteur et/ou volontaire de leurs
mouvements en RV) favorise la mémorisation et la reconnaissance des
objets ou informations rencontrées dans cet environnement.
Selon la théorie de la charge cognitive (Sweller et al., 2011),
le fait d’interagir avec l’environnement permettrait notamment de
pallier les capacités limitées de la mémoire de travail en
focalisant l’attention sur les informations pertinentes,
c’est-à-dire essentielles à l’apprentissage. Autrement
dit, l’action réduirait la charge cognitive des sujets en les
détournant des informations non pertinentes, consommatrices de
capacités attentionnelles.
Ces explications avancées pour rendre compte des
bénéfices associés à la mobilisation du corps dans
les apprentissages pourraient, elles aussi, expliquer les
bénéfices d’une exploration active par rapport à une
exploration passive d’un environnement virtuel. Naviguer visuellement et
corporellement, par une action motrice volontaire dans le monde virtuel,
améliorerait la mémorisation et la restitution des informations,
non seulement en multipliant les traces en mémoire, mais aussi en
allégeant la charge cognitive des sujets lors de l’exploration.
Wallet (Wallet et al., 2011) ont ainsi manipulé la quantité d’informations visuelles
présentes dans l’environnement virtuel et testé
l’effet des deux types de navigation (active vs. passive). Dans
leur étude, les individus évoluaient dans un environnement 3D
reproduisant un quartier de la ville de Bordeaux, soit sous forme
épurée (sans détails particuliers), soit sous une forme
présentant de nombreux détails visuels. La moitié des
participants évoluait de manière passive grâce à un
itinéraire préenregistré, l’autre moitié
pouvait contrôler ses déplacements le long de cet itinéraire
grâce à une manette. L’une des tâches proposées
consistait à reproduire à main levée, sur un plan,
l’itinéraire avec les changements de direction. Les
résultats montrent que la navigation active conduisait à un
meilleur rappel du tracé (c.-à-d. avec moins d’erreurs dans
les changements de direction) par rapport à la navigation passive mais
uniquement pour les individus évoluant dans l’environnement le plus
élaboré. Dans ce contexte très consommateur en ressources
attentionnelles, la possibilité d’action sur l’environnement
aurait donc bien pour conséquence de diminuer la charge en mémoire
de travail et donc de faciliter l’encodage et la restitution des
informations spatiales.
2.5. Optimiser l’expérience de RV au musée :
préférer une visite passive ou active ?
La question ici est de savoir quel type de navigation proposer pour optimiser
les visites virtuelles axées sur la découverte des œuvres
d’art. Est-ce qu’amener les individus à interagir avec
l’environnement virtuel dans le cadre d’une visite de musée,
par exemple, est une solution préférable à une
« navigation guidée » pour faciliter la
mémorisation des œuvres ? À notre connaissance,
seules deux études se sont intéressées à cette
question : celle de Hine et Tasaki (Hine et Tasaki, 2019) et celle de Burgues et al. (Burgues et al., 2020).
Dans l’étude de Hine et Tasaki (Hine et Tasaki, 2019),
les participants découvraient les œuvres de deux peintres de
l’époque baroque : Nicolas Poussin et Paul Rubens, via un
casque de réalité virtuelle. L’exploration de la
vidéo retraçant ces œuvres était programmée
à l’avance et permettait ou non de changer de perspective. Ainsi,
dans une condition, les sujets pouvaient changer de point de vue par un simple
mouvement de tête, alors que dans l’autre condition, ces changements
n’étaient pas possibles. Une tâche de reconnaissance des
œuvres était proposée aux sujets immédiatement
après l’immersion puis deux semaines plus tard. À court
terme, aucune différence n’était observée entre les
deux conditions ; à long terme, en revanche, les scores de
reconnaissance étaient plus bas dans la condition autorisant un
changement de point de vue. Notons cependant que, dans cette expérience,
tous les individus étaient spectateurs de leurs déplacements et
qu’ils ne pouvaient ni contrôler leurs mouvements lors de
l’exploration de l’environnement virtuel ni interagir avec lui. La
navigation permettant le changement de perspective, bien que définie par
les auteurs comme une « navigation active »,
s’apparentait donc à une « navigation dite
passive ».
Si cette étude ne permet pas de conclure sur les
bénéfices d’une navigation active par rapport à une
navigation passive dans l’environnement virtuel, celle de Burgues et
al. (Burgues et al. 2020) apporte un réel éclairage sur
les conditions d’exploration à privilégier lors de la visite
d’un musée virtuel. Dans cette étude, les participants
découvraient des œuvres de l’artiste-phare de la Renaissance
italienne, Michel-Ange. Tout au long de la visite du musée virtuel, des
informations générales et spécifiques propres à
chacune des sculptures présentes dans l’environnement
étaient fournies oralement aux participants. Ceux-ci étaient
explicitement informés qu’ils devaient écouter les
informations données afin d’acquérir de nouvelles
connaissances qui feraient l’objet d’une évaluation
ultérieure. Les conditions d’exploration, au nombre de quatre,
différaient selon le niveau d’immersion (tablette ou RV) et le
contrôle exercé sur la navigation (navigation passive ou navigation
active). La comparaison entre ces différentes conditions montre
qu’une navigation active optimise l’acquisition des connaissances,
par comparaison à une navigation passive et ce, quel que soit le support
(tablette ou RV). Ces résultats cependant sont difficilement applicables
aux visites de musées qui, à l’exception de quelques
situations (par ex. une sortie à visée pédagogique),
n’ont pas pour principal objectif l’évaluation des
connaissances artistiques acquises.
Dans des conditions plus naturelles où les visiteurs déambulent
au milieu des œuvres et les contemplent en laissant libre cours à
leurs émotions, quels seraient les apports d’une navigation
active ? Un apprentissage incident pourrait-il, tout comme un apprentissage
intentionnel, bénéficier d’une expérience immersive
plus dynamique ?
2.6. Problématique et hypothèses
Compte tenu des apports des travaux antérieurs, la question est de
savoir si, dans une situation d’apprentissage incident, la
réalité virtuelle qui permet une immersion dans l’œuvre
artistique peut donner lieu à un meilleur ancrage en mémoire des
éléments constitutifs de l’œuvre, comparé
à une exploration de cette même œuvre via un ordinateur. Pour
bien comprendre ce qui pourrait donner lieu à ce bénéfice
mnésique, une deuxième question mérite d’être
soulevée, elle concerne le ressenti émotionnel qui est
associé à ces deux types d’expériences immersives
(réalité virtuelle versus ordinateur) : se pourrait-il que la
réalité virtuelle suscite des émotions positives plus
intenses lors de l’exploration de l’œuvre, comparé
à l’utilisation de l’ordinateur ? Dans la lignée
de ces deux premières questions, une troisième question a trait
à la composante interactive du contexte d’apprentissage. Dans le
cas d’une exploration de l’œuvre en réalité
virtuelle, les possibilités d’action sur l’environnement
(navigation active) favorisent-elles la rétention en mémoire des
informations, plus encore que l’immersion seule (navigation
passive) ?
3. Méthode
3.1. Participants
Cinquante-quatre participants francophones, tous
étudiants, ont été recrutés à
l’Université Paul Valéry Montpellier 3 et ont volontairement
pris part à l’étude. Les participants avaient une
acuité visuelle normale ou corrigée à la normale. Pour
précision, l’échantillon se composait de 34 femmes
(âge moyen : 25,4 ans) et de 20 hommes (âge moyen : 25,6
ans).
3.2. Matériel
3.2.1. L’environnement artistique
L’environnement artistique sélectionné pour les besoins
de cette étude est celui de « Dreams of
Dali », édité par le Salvador Dali Museum (Saint Petersburg, Floride).
En termes de contenu, cet environnement n’est autre qu’une balade
dans l’univers artistique de Salvador Dali, qui permet de s’immerger
au cœur même d’une de ses peintures de 1935, à savoir le
tableau Réminiscence archéologique de
« l’Angelus » de Millet. D’autres œuvres
sont également mises en scène dans l’environnement, comme
« Les Eléphants » et « Le
téléphone Homard ». L’univers surréaliste
et onirique est stimulant à la fois visuellement par le caractère
esthétique des images et auditivement par les voix et sons qui
accompagnent l’exploration de la vidéo.
La vidéo en 360°, qui permet donc de s’immerger dans
l’univers de Dali, peut être visionnée soit via un
ordinateur, tablette ou smartphone (immersion faible), soit via un casque de
réalité virtuelle (immersion forte). Ces deux versions sont
accessibles gratuitement, l’une sur YouTube et l’autre sur SteamVR
(thedali.org/exhibit/dreams-of-dali-in-virtual-reality/).
Lors de l’exploration de l’œuvre, d’une durée de 5
minutes, le visiteur peut modifier son angle de vue soit en utilisant la
boussole présente dans la vidéo à l’aide de la souris
(version YouTube), soit en bougeant la tête avec le casque de
réalité virtuelle (version SteamVR). Précisons que la
version en réalité virtuelle, particulièrement innovante et
attractive, a connu un succès considérable auprès du grand
public, en plus d'avoir été récompensée par de
nombreux prix (entre autres : Cannes Cyber Lion GOLD ; Webby
People’s Voice ; Facebook Silver Award).
3.2.2. Questionnaire évaluant la mémoire de
l’environnement artistique
Afin d’évaluer la mémoire de l’environnement
artistique, nous avons élaboré un questionnaire qui comportait 15
questions. Ces questions ont été produites sur la base d’une
étude pilote dans laquelle des participants (qui n’ont pas pris
part à la présente étude) ont été
invités à déterminer quels sont, pour eux, les
éléments qui leur paraissent importants et saillants dans
l’expérience esthétique de cet environnement. Sur la base
des éléments cités de façon récurrente et
consensuelle lors de cette expérience pilote, des questions ciblant ces
éléments ont été conçues (questions ouvertes
et questions de type oui/non). Ces questions sondaient tant la mémoire
des caractéristiques de l’environnement artistique, que la
présence de certaines entités (personnages, animaux) dans
l’environnement. À titre d’exemple, la combinaison des deux
types de question était mise en œuvre de la façon
suivante : « Outre les éléphants, avez-vous
remarqué la présence d’autres animaux ? »
(question oui/non) ; « Si oui, veuillez préciser
lesquels ? » (question ouverte).
3.2.3. Questionnaire évaluant le ressenti émotionnel des
participants
L’échelle d’Auto-Evaluation du Jeune Enfant (AEJE) élaborée par Largy (Largy, 2018) a
pour avantage de permettre d’évaluer précisément le
ressenti émotionnel des individus en sondant, pour chaque émotion
spécifiquement désignée, l’intensité du
ressenti correspondant. Pour sonder la possible mixité du ressenti des
participants avant et après l’exposition à
l’environnement, cinq émotions ont été
retenues : la joie et l’émerveillement pour les
émotions positives, la tristesse, la peur et la colère pour les
émotions négatives. Pour indiquer l’intensité
perçue de chaque émotion, une adaptation de l’échelle
de Largy (Largy, 2018) a
été utilisée. Elle comporte 5 niveaux
représentés par 5 émoticônes différents. Le
ressenti des participants pouvait ainsi être codé de 1 à 5
pour chaque émotion considérée.
3.2.4. Questionnaires évaluant l’expertise en art des
participants
Deux questionnaires ont permis de mesurer l’expertise en art des
participants. Dans une variante du questionnaire « Art
Experience » utilisé par Chatterjee et al. (Chatterjee et al., 2010),
les questions permettent d’apprécier l’expertise et
l’appétence des répondants pour l’art en
général avec des items sur le suivi d’enseignements
dédiés à l’art, la fréquence approximative de
visites de musées et/ou galeries, et le temps moyen consacré
à la création, à la lecture et à l’observation
d’arts visuels.
Le second questionnaire, « Aesthetic Fluency
Scale » (Smith et Smith, 2006),
est quant à lui très ciblé puisqu’il sonde les
répondants sur leur degré de familiarité concernant
l’artiste Salvador Dali et le courant artistique du surréalisme.
Pour ce second questionnaire, l’échelle s’étend de 0
(je n’en ai jamais entendu parler) à 4 (je peux en parler de
façon détaillée).
Dans l’ensemble, l’utilisation de ces deux questionnaires avait
pour objectif de contrôler que les participants présents dans
chaque groupe avaient sensiblement la même expertise et la même
appétence pour l’art en général et le
Surréalisme en particulier.
3.2.5. Questionnaires sondant l’appréciation de la vidéo
« Dreams of Dali »
Conformément aux études précédemment
menées sur l’évaluation d’œuvres picturales (Fayn et al., 2015), (Silvia, 2005),
nous avons interrogé les participants sur plusieurs dimensions : 1)
l’intérêt suscité par la vidéo en 360° ;
2) la nouveauté et 3) l’esthétisme de la vidéo. Cinq
adjectifs étaient ainsi proposés pour cette
évaluation : 2 pour l’intérêt
(« intéressant » et
« stimulant »), 2 pour la nouveauté
(« complexe » et « inhabituel ») et 1
pour l’esthétisme (« esthétique »). Comme
dans les études précédentes, les évaluations se
faisaient sur des échelles en 7 points. Un item supplémentaire a
été ajouté à cette liste d’adjectifs et ce,
afin d’évaluer le caractère ludique du visionnage de
l’œuvre à partir de la vidéo.
3.3. Procédure
La passation de l’expérience était individuelle.
Après avoir pris connaissance des informations générales
relatives à l’étude, et signé un formulaire de
consentement éclairé, les participants recevaient les consignes
qui précisaient la première étape à venir :
l’évaluation de leur ressenti émotionnel. Cette
évaluation était introduite par la question « comment
vous sentez-vous en ce moment même ? » Ainsi,
l’exposition à l’environnement artistique a
systématiquement été précédée
d’une évaluation du ressenti émotionnel des participants
à l’aide de l’échelle AEJE pour les cinq
émotions considérées dans cette étude (joie,
émerveillement, tristesse, peur, colère).
L’évaluation du ressenti émotionnel était
également répétée aussitôt après la fin
de la phase de visualisation de l’environnement artistique. L’ordre
d’introduction des émotions n’était jamais identique
entre les deux phases d’évaluation.
Les participants étaient équitablement répartis dans
l’une des trois conditions expérimentales : « PC
navigation passive » (Condition 1, N = 18 dont 13 femmes),
« RV navigation passive » (Condition 2, N = 18 dont 9
femmes) et « RV navigation active » (Condition 3, N = 18
dont 12 femmes). Dans la première condition, ils étaient
invités à visionner la vidéo de l’environnement
artistique via l’écran d’un ordinateur. Dans les deux autres
conditions, l’exploration de la vidéo se faisait via un casque de
réalité virtuelle. Ces trois conditions différaient donc du
point de vue de l’expérience immersive, faible pour la condition
avec ordinateur (condition 1) et forte pour les deux conditions avec le casque
de réalité virtuelle (conditions 2 et 3). Le contrôle
exercé sur la navigation dans l’environnement artistique
différait aussi d’une condition à l’autre. Alors que
les participants des conditions 1 et 2 ne pouvaient exercer aucun contrôle
sur leurs déplacements (métaphore des rails), ceux de la condition
3 pouvaient contrôler leurs déplacements (métaphore de la
téléportation). Dans cette dernière condition, les
déplacements s’effectuaient grâce à un système
de balises (des sphères blanches) implantées dans
l’environnement artistique. L’évolution d’un point
à l’autre se faisait simplement en visant du regard la prochaine
destination.
Afin de réduire la charge cognitive occasionnée par
l’apprentissage de la maîtrise d’un nouvel outil (Sweller et al., 1998),
l’expérimentatrice expliquait aux participants des trois conditions
comment utiliser le matériel pendant l’expérience immersive.
Aucune consigne explicite d’apprentissage n’était
formulée. L’expérimentatrice demandait simplement aux
participants « d’explorer l’environnement et de contempler
les œuvres afin de ressentir au mieux l’expérience
artistique », puis elle lançait la vidéo. Dans la
condition « RV navigation active », l’entrée
dans la vidéo se faisait en fixant une première balise,
étape qui permettait donc de s’assurer que les participants
contrôlaient leurs déplacements. À ce propos, notons
qu’aucun participant n’a rencontré de difficultés, que
ce soit sur PC (pour modifier l’angle de vue avec la souris) ou avec le
casque de réalité virtuelle (pour modifier l’angle de vue
avec la tête ou pour se déplacer d’une sphère à
l’autre).
Pour introduire un délai entre l’exploration de la vidéo
de l’environnement artistique et la tâche évaluant la
qualité de sa représentation en mémoire, les participants
étaient soumis à différentes étapes :
d’abord, la seconde évaluation de leur ressenti émotionnel,
puis le remplissage des deux questionnaires visant à déterminer
leur expertise artistique. Ensuite, les participants étaient
invités à faire part de leurs impressions par écrit
à partir de la question suivante : « Si vous deviez dire
librement quelles sont les premières impressions qui se dégagent
de la visite de cet environnement, que pouvez-vous en dire ? »
(Cette tâche est une tâche dite de remplissage). Une fois ces
étapes abouties, le questionnaire de mémoire leur était
proposé. Pour finir, les participants étaient interrogés
sur leur appréciation de la vidéo de l’environnement
exploré, sur la base des dimensions énoncées plus haut.
Autrement dit, les participants évaluaient l’intérêt,
la nouveauté, l’esthétisme et le caractère ludique de
la vidéo de l’environnement exploré à l’aide
d’une liste d’adjectifs. Afin d’accéder à
l’appréciation la plus fidèle que possible, une image
extraite de l’environnement était présentée pendant
toute la durée de cette tâche. Au total,
l’expérimentation a duré une vingtaine de minutes (cf.
figure 1).
Figure 1 • Procédure de
l’expérimentation
4. Résultats
Les données recueillies à l’aide
des différents questionnaires ont fait l’objet de plusieurs
analyses dont les principaux éléments sont fournis
ci-après.
4.1. Quel niveau d’expertise en art des participants ?
L’expertise en art des participants était évaluée
au travers de deux questionnaires. Pour rappel, le premier repris de Chatterjee et al. (Chatterjee et al., 2010) portait sur l’expertise et l’appétence des répondants
pour l’art en général. Le second évaluait quant
à lui les connaissances des répondants sur l’artiste
Salvador Dali et le courant artistique du Surréalisme (Smith et Smith, 2006).
Ces deux questionnaires visaient essentiellement à s’assurer de
l’homogénéité de notre échantillon, les
participants ayant été répartis en aveugle dans les trois
conditions expérimentales. Pour chaque questionnaire, nous avons donc
réalisé des analyses de variance (ANOVA) avec comme variable
inter-sujet la condition d’exploration de l’environnement
(PC Navigation passive ; RV Navigation passive ; RV Navigation
active).
Concernant les scores au premier questionnaire (cf. tableau 1), les scores
globaux obtenus par les participants ne différaient pas entre les trois
conditions, p > .05. Notons que ces scores, très
faibles en moyenne (M = 7.08 pour un score maximum de 29
points) témoignaient du peu d’expertise des participants dans le
domaine artistique. Une analyse approfondie des caractéristiques de
l’échantillon expérimental a révélé que
les participants que nous pourrions qualifier
« d’experts » (c.-à-d. ceux ayant un score
global supérieur à 14) étaient, en effet, largement
minoritaires (12% de l’échantillon seulement) et
équitablement répartis dans les 3 conditions.
Tableau 1 • Expertise et
appétence pour l’art en général des participants des
trois conditions d’exploration de l’œuvre
|
PC
Navigation passive |
RV
Navigation passive |
RV
Navigation active |
Suivi d’enseignements dédiés à l’art |
1.72 |
2.27 |
1.88 |
Fréquence des visites (musées et galeries) |
1.83 |
1.94 |
1.90 |
Heures/semaine dédiées à la
création artistique |
.67 |
.72 |
.83 |
Heures/semaine de lectures liées à
l’art |
.68 |
.89 |
.55 |
Heures/semaine d’observation d’arts visuels |
1.48 |
2.00 |
1.89 |
Total* |
6.38 (3.55) |
7.82 (3.71) |
7.05 (3.23) |
Note. Plus le score est élevé, plus le niveau
d’expertise est élevé et l’appétence forte
(maximum = 29).
Les résultats obtenus au second questionnaire (cf. tableau 2) montrent
que les 3 groupes ne différaient pas non plus entre eux du point de vue
des connaissances spécifiques à l’œuvre, ps > .05. Qu’il s’agisse de Dali ou du
Surréalisme, le niveau d’expertise des participants était,
là encore, relativement faible.
Ces données nous conduisent à penser que
l’échantillon est assez homogène quant à
l’expertise et l’appétence pour l’art en
général ou pour le Surréalisme et Dali en particulier.
Tableau 2 • Expertise et
appétence pour Dali et le Surréalisme
Expertise pour Dali |
2.17 (.71) |
2.22 (1.09) |
2.06 (.87) |
Expertise pour le Surréalisme |
1.78 (.81) |
2.06 (1.11) |
1.78 (.73) |
Note. Plus le score est élevé, plus le niveau
d’expertise est élevé et l’appétence forte
(maximum = 4).
4.2. Quel ressenti émotionnel observé chez les
participants ?
Pour examiner les variations du ressenti émotionnel des participants
avant et après l’exploration de la vidéo de
l’œuvre, en fonction de la condition d’exploration à
laquelle ils avaient été affectés aléatoirement,
nous avons réalisé une ANOVA pour chacune des 5 émotions
sondées. Si cette analyse n’a révélé aucun
effet de la condition d’exploration de l’œuvre, elle indique un
effet principal du moment de la mesure pour trois émotions en
particulier : l’émerveillement, la colère et la
tristesse (se reporter au tableau 3 où sont mentionnés les scores
moyens pour chacune des émotions).
S’agissant de l’émerveillement, F(1, 51) = 92.63, p < .001,= .64, le ressenti des
participants était plus important pour cette émotion après
avoir visionné la vidéo de l’œuvre qu’avant.
S’agissant de la tristesse, F(1, 51) = 5.61, p < .02, = .10 et de la
colère, F(1, 51) = 5.56, p < .02, = .10, ces deux
ressentis négatifs diminuaient après avoir visionné la
vidéo de l’œuvre. Aucun autre effet significatif
n’était à signaler. Contrairement à nos attentes, les
trois conditions d’exploration de l’œuvre comparées
entre elles ne semblaient pas donner lieu à un ressenti émotionnel
différent.
Tableau 3 • Le ressenti
émotionnel des participants - toutes conditions confondues - avant et
après l’exploration de la vidéo de l’œuvre
|
Avant |
Après |
Émerveillement* |
1.98 (1.07) |
3.50 (1.02) |
Joie |
3.06 (1.00) |
3.17 (.84) |
Tristesse* |
1.28 (.56) |
1.13 (.34) |
Colère* |
1.31 (.80) |
1.13 (.44) |
Peur |
1.31 (.61) |
1.31 (.58) |
Note. Le ressenti émotionnel était exprimé sur des
échelles en 5 points (1- pas du tout émerveillé/joyeux/...
à 5- très très émerveillé/joyeux/...) ;
* signale la présence d’une différence significative
entre avant et après.
4.3. Quelle mémoire de l’environnement artistique chez les
participants ?
Dans l’ensemble, le nombre moyen d’informations correctement
restituées à partir de l’exploration de la vidéo de
l’œuvre était comparé entre les trois conditions. Pour
précision, le score maximum était de 18 points. Les scores moyens
ont été soumis à une ANOVA, avec
comme seule variable inter-sujet la condition d’exploration de
l’œuvre (PC navigation passive ; RV navigation passive ; RV
navigation active). L’analyse calculée indique la présence
d’un effet significatif de la condition, F(2, 51) = 9.38, p < .001,
= .27.
Comme illustré en figure 2, les participants de la condition RV avec
navigation active rappelaient plus d’informations correctes
(M = 12.23, ET = 2.01) que les participants
des deux autres conditions, ps < .01. La navigation passive,
quant à elle, conduisait aux mêmes résultats que ce soit
avec le casque de réalité virtuelle (M = 9.00, ET = 2.57) ou avec l’ordinateur
(M = 10.28, ET = 2.11).
Figure 2 • Le nombre moyen
d’informations correctement restituées selon les conditions
d’exploration de la vidéo de l’œuvre
4.4. Quelle appréciation de la vidéo « Dreams of
Dali » ?
Les participants étaient invités à évaluer la
vidéo sur trois critères : l’intérêt
suscité, la nouveauté et son caractère esthétique.
Ils devaient également évaluer le caractère ludique du
visionnage de la vidéo de l’œuvre. Les scores moyens
attribués à chacune de ces caractéristiques sont
représentés dans le tableau 4. Ils ont fait l’objet
d’une ANOVA avec comme seule variable inter-sujet la condition (PC
navigation passive ; RV navigation passive ; RV navigation
active).
Seul le caractère ludique était perçu
différemment selon les conditions, F(2, 51)
= 13.90, p < .001, = .35.
Précisément, la vidéo était perçue comme plus
ludique lorsque la visite de l’œuvre s’effectuait sous
réalité virtuelle avec navigation active, comparé à
une exploration à partir de l’ordinateur, p < .001. L’aspect ludique était, en revanche,
perçu de la même façon pour les deux conditions de
navigation passive (PC et RV).
Pour les deux autres dimensions, l’ANOVA n’a
révélé aucune différence significative entre les
conditions. Le caractère esthétique de la vidéo ainsi que
l’intérêt qu’elle suscitait étaient donc
identiques pour les trois conditions d’exploration de l’œuvre
(cf. tableau 4). Notons toutefois que, d’une manière
générale, les participants jugeaient la vidéo comme
très intéressante (M = 6.29,
ET = .94), très stimulante
(M = 5.59, ET = 1.60) mais aussi comme
inhabituelle (M = 6.39, ET = 1.17) et
relativement complexe (M = 4.98,
ET = 1.81). Ils la jugeaient aussi comme étant
très esthétique (M = 6.46,
ET = .72).
Tableau 4 • Moyennes pour chacune des
caractéristiques de la vidéo de l’environnement artistique
en fonction de la Condition (écarts-types entre
parenthèses)
|
PC
navigation passive |
RV
navigation passive |
RV
navigation active |
Intéressante |
6.17 (1.20) |
6.38 (.81) |
6.33 (.97) |
Stimulante |
5.44 (1.69) |
5.94 (1.51) |
5.39 (1.61) |
Complexe |
5.11 (1.60) |
4.61 (2.06) |
5.22 (1.77) |
Inhabituelle |
6.00 (.71) |
6.55 (.86) |
6.61 (.61) |
Esthétique |
6.50 (.62) |
6.28 (.82) |
6.61 (.70) |
Ludique |
3.00 (1.24) |
3.11 (1.32) |
4.94 (1.16) |
Note. Les jugements se faisaient sur des échelles en 7 points (1- pas
du tout intéressante/stimulante/... à 7- très
intéressante/stimulante/...).
4.5. Quel lien entre l’appréciation de la vidéo et la
mémoire de l’environnement artistique ?
Nous avons réalisé des analyses de corrélations entre
les différentes caractéristiques de la vidéo mais aussi
entre ces caractéristiques et la mémoire de l’environnement
artistique (c.-à-d. le nombre d’informations correctement
restituées en lien avec cet environnement).
Ces corrélations, représentées dans le tableau 5,
montraient des relations significatives entre plusieurs caractéristiques.
Ainsi, les deux caractéristiques relevant de l’attrait pour la
vidéo étaient positivement corrélées : plus la
vidéo était jugée comme stimulante, plus elle suscitait
l’intérêt. La complexité et le caractère
inhabituel de la vidéo étaient aussi positivement
corrélés. Enfin, le caractère esthétique
était positivement corrélé à
l’intérêt suscité.
Fait intéressant, le caractère ludique était
positivement corrélé au nombre d’informations correctement
restituées. Ainsi, plus les participants jugeaient la vidéo
ludique, plus ils restituaient d’informations correctes en lien avec
l’environnement artistique exploré. Notons que, hormis cet aspect
ludique, aucune dimension de la vidéo n’était
corrélée à la mémoire.
Tableau 5 • Corrélations entre les
caractéristiques de la vidéo et la mémoire de
l’environnement artistique (nombre d’informations
restituées)
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
1.Intéressante |
- |
|
|
|
|
|
|
2.Stimulante |
.44** |
- |
|
|
|
|
|
3.Complexe |
.08 |
.06 |
- |
|
|
|
|
4.Inhabituelle |
.03 |
.21 |
.47** |
- |
|
|
|
5.Esthétique |
.41** |
.02 |
.01 |
.05 |
- |
|
|
6.Ludique |
-.12 |
-.08 |
.02 |
.09 |
.12 |
- |
|
7.Mémoire |
.01 |
-01 |
.21 |
.02 |
.02 |
.33* |
- |
Note. *p < .01, **p < .001.
5. Discussion et conclusion
Aujourd’hui les
musées surfent sur la vague des nouvelles technologies pour attirer les
visiteurs et faire ainsi découvrir des œuvres à un plus large
public en lui proposant des visites virtuelles. Si ces visites supposées
allier éducation et divertissement séduisent, peu
d’études ont réellement testé les
bénéfices de l’exploration d’un environnement
artistique sur les connaissances et le ressenti émotionnel des visiteurs.
Dans cet objectif, nous avons choisi d’examiner la mémoire et
l’évaluation d’un environnement artistique en comparant trois
conditions d’exploration de l’œuvre onirique de Salvador Dali,
sans oublier de considérer le versant émotionnel de cette
expérience inédite.
Le principal objectif de cette étude était de définir
les conditions d’exploration les plus à même de favoriser la
mémorisation de cet environnement et d’engendrer un ressenti
positif. Nous avons utilisé une même vidéo immersive
(« Dreams of Dali ») mais diffusée selon 3
conditions différentes. Pour un premier groupe d’individus, la
visite en 360° se faisait via un écran d’ordinateur, alors que
pour un deuxième groupe elle s’effectuait via un casque de
réalité virtuelle sans possibilité pour les individus de
contrôler leurs déplacements (RV navigation passive). Pour un
troisième groupe, la visite s’effectuait également via un
casque de réalité virtuelle avec, cette fois, la
possibilité pour les individus d’agir sur leurs déplacements
dans l’environnement artistique (RV navigation active).
Les principaux apports de cette étude sont discutés, avec pour
ambition de mettre en triangulation mémoire, émotion et
appréciation.
Au plan strictement mnésique, les résultats montrent combien il
est important de considérer les conditions d’exploration de
l’environnement artistique. En effet, la réalité virtuelle
n’est pas nécessairement synonyme de bénéfices en
termes d’apprentissage. Il apparaît en effet que seule une
exploration permettant une navigation active dans l’environnement
artistique améliore la mémorisation incidente des
éléments présents dans cet environnement. Dans le cadre
d’une navigation passive, l’utilisation de la RV ne présente
pas d’avantage sur le plan mnésique par rapport à
l’utilisation d’un support plus classique (écran d’un
ordinateur). Ces résultats apportent un éclairage sur les
conditions dans lesquelles le recours à la réalité
virtuelle présente un intérêt dans le domaine artistique, au
moins sur le plan mnésique. Conformément aux résultats
déjà obtenus (Burgues et al., 2020), (Meade et al., 2019), (Smith, 2019), nos
résultats pointent du doigt l’importance de l’action lors de
l’expérience immersive. Nos résultats ne sont pas sans
rappeler ceux de Plancher et al. (Plancher et al., 2013) qui avaient montré que l’exploration d’une ville en
réalité virtuelle améliorait le rappel des informations
visuo-spatiales seulement lorsque les passagers embarqués à bord
d’une voiture avaient la possibilité de choisir leur
itinéraire et ce, comparativement à la situation où cet
itinéraire leur était imposé.
Si notre étude témoigne des bénéfices, sur le
plan mnésique, d’une navigation active par rapport à une
navigation passive lors d’une expérience immersive sous
réalité virtuelle, elle ne permet cependant pas de
généraliser les bénéfices de ce type de navigation
à d’autres types de support. En effet, reste à savoir si ce
même profil de résultats aurait été observé en
situation d’exploration à l’aide de l’ordinateur,
comparant une navigation passive à une navigation active (sachant que
pour « Dreams of Dali », la version navigation active
n’existe pas sur ordinateur). Autrement dit, il se pourrait que le simple
fait d’être acteur de ses déplacements suffise à
améliorer la mémoire de l’environnement artistique et ce,
quelle que soit la technique utilisée (PC ou RV). Les résultats de
Burgues et al. (Burgues et al. 2020) permettent effectivement
d’anticiper un tel résultat en montrant que la possibilité
d’agir sur l’environnement exploré améliore la
mémorisation des œuvres et ce, quel que soit le type
d’immersion, fort (avec un casque de réalité virtuelle) ou
faible (avec un ordinateur).
Ce bénéfice d’une navigation active sur la
mémorisation d’un environnement artistique peut être
interprété à la lumière de deux théories
complémentaires que nous avons précédemment
évoquées. Selon la première (Barsalou, 2008),
une navigation active permettrait un apprentissage incarné combinant des
activités motrices et perceptives. Cette pluralité des encodages
aurait pour effet de faciliter l’encodage en mémoire et, par
conséquent, la restitution subséquente des informations
rencontrées lors de la navigation. Selon la seconde théorie (Sweller et al., 2011),
l’action réalisée lors de l’expérience
immersive réduirait la charge cognitive des individus tout au long de la
navigation en focalisant leur attention sur les œuvres vers lesquelles ils
se sont virtuellement mais surtout volontairement projetés. Si notre
étude ne permet pas de départager ces deux théories quant
à leur contribution respective pour expliquer le bénéfice
mnésique observé, elle souligne la pertinence de comparer une
exploration passive à une exploration active de l’environnement
artistique. Parce que notre étude n’est pas sans rappeler les
explications communément avancées dans la littérature pour
expliquer les bénéfices d’une navigation active, par rapport
à une navigation passive dans le domaine de la mémoire
visuo-spatiale (Chrastil et Warren, 2012), (Markant et al., 2016),
le parallèle établi avec ces travaux trouve ici confirmation de sa
validité.
S’agissant du ressenti émotionnel des participants, notre
étude s’inscrit dans la lignée des résultats
classiquement rapportés (Allcoat et von Mühlenen, 2018),
à savoir une augmentation des émotions positives
(l’émerveillement dans notre étude) et une diminution des
émotions négatives (tristesse et colère) suite à
l’expérience immersive. Notons cependant que dans la
présente étude, les trois conditions d’exploration de
l’environnement artistique ne donnent pas lieu à un ressenti
émotionnel différencié. Autrement dit, la
réalité virtuelle, qu’elle soit passive ou active, avait les
mêmes effets sur les émotions que le visionnage de la vidéo
en 360° sur ordinateur. Ce résultat pourrait s’expliquer par
le contenu de la vidéo qui présente un univers onirique dans
lequel les entités présentes semblent prendre vie. Cette
plongée au cœur de l’imaginaire de Dali suffit à elle
seule à moduler le ressenti émotionnel des individus. Pour autant,
l’intensité du ressenti ne semble pas varier avec les conditions
d’exploration de cet environnement artistique. Si l’échelle
auto-évaluative que nous avons utilisée (Largy, 2018) ne
permet pas de révéler un différentiel au plan de
l’intensité de ce ressenti, d’autres technologies comme
l’oculométrie ou la conductance cutanée gagneraient à
être exploitées dans les études à venir pour
accéder à une mesure plus directe du ressenti émotionnel
des individus. Une autre piste à considérer dans la lignée
de ces résultats est le potentiel de l’approche des émotions
discrètes où l’action des émotions positives sur la
cognition est au cœur de la réflexion. À l’image de
Fredrickson et Branigan (Fredrickson et Branigan, 2005) qui signalent le potentiel des émotions positives sur la cognition, le
challenge pour les recherches futures consistera à explorer plus avant
les effets de l’émerveillement sur l’ancrage en
mémoire des informations.
S’agissant enfin de l’appréciation de la vidéo,
elle ne différait pas selon les conditions d’exploration et ce,
qu’il s’agisse de l’intérêt, de la
nouveauté ou encore du caractère esthétique de
l’œuvre. Ici aussi, l’univers de Dali et les prouesses
techniques réunis dans cette vidéo conduisent à des
évaluations extrêmement favorables sur ces critères et
laissent probablement peu de marge pour observer des variations entre les
groupes. En revanche, le caractère ludique de la vidéo
était évalué différemment en fonction de la
condition d’exploration. En effet, les participants jugeaient la
vidéo plus ludique lorsque l’exploration de cet environnement
artistique se faisait de manière active que lorsqu’elle se faisait
de manière passive. Autrement dit, quand les participants pouvaient se
téléporter librement à différents endroits de
l’environnement grâce aux zones visuelles fixées pour
déclencher le déplacement (RV navigation active), la dimension
ludique était plus saillante. Ce mode de déplacement dans
l’environnement artistique a probablement favorisé la concentration
et la captation de l’attention des participants lors de la navigation et,
de fait, la mémorisation de ses éléments. Rappelons que,
dans notre étude, la dimension ludique était positivement
corrélée aux performances mnésiques des individus ! Ce
résultat appelle à considérer avec attention le
bénéfice à retirer de la composante ludique de la situation
d’apprentissage, qui participe à l’ancrage en mémoire
des informations, avec là encore une contribution du ressenti
émotionnel positif de l’individu sur le fonctionnement cognitif de
l’individu (Blanc, 2006).
Dans l’ensemble, les résultats de cette étude sont
encourageants et ouvrent la voie à d’autres travaux, avec des
perspectives de recherche stimulantes. Si nous avons observé que la
réalité virtuelle en matière de découverte
artistique mérite d’être développée à
condition de rendre le visiteur actif lors de la navigation, nos
résultats ne sont peut-être pas généralisables
à tous les visiteurs de musées. En effet, comme le notent Pelowski et al. (Pelowski et al. 2017), les participants à une
étude de laboratoire ne sont pas nécessairement ceux qui
fréquentent les musées. À ce propos, les individus qui
composaient notre échantillon, novices en matière d’art en
général et de surréalisme en particulier, ont probablement
bénéficié d’une exploration active qui a su capter
leur attention et susciter à la fois l’émerveillement et
l’amusement chez ce public non averti. Cette étude
mériterait donc d’être reproduite sur des populations plus
expertes qui, on le sait, trouvent la motivation et le plaisir dans les
œuvres elles-mêmes plus que dans le support ou le type de visite,
réelle ou virtuelle (Leder et al., 2014).
Pourquoi la réalité virtuelle pourrait-elle contribuer à
séduire le public des musées quelle que soit son appétence
et/ou son expertise pour l’art ? A en croire les résultats de
Pekarik et Schreiber (Pekarik et Schreiber, 2012),
(voir également les résultats de Pitman-Gelles et Hirzy, 2010 (Pitman-Gelles et Hirzy, 2010) pour une étude réalisée auprès de 1.500 visiteurs du Dallas Museum of Fine Art), les visiteurs de musées
espèrent avant tout acquérir de nouvelles connaissances, entrer en
« connexion émotionnelle » avec les œuvres,
ressentir des émotions spécifiques comme
l’émerveillement, le calme ou la curiosité mais aussi
pouvoir interagir avec les objets d’art : autant d’attentes que
semble satisfaire une navigation dynamique et active via un dispositif de
réalité virtuelle. À n’en pas douter, le musée
de demain a tout intérêt à parier sur le potentiel
émotionnel et cognitif de l’expérience immersive.
Remerciements
Nous tenons à adresser nos sincères
remerciements à la fondation Dali pour l’autorisation
d’utilisation de la vidéo « Dreams of
Dali ».
À
propos des auteurs
Emmanuelle BRIGAUD est maître de conférences
en Psychologie au laboratoire Epsylon (EA 4556) de l’Université
Paul Valéry Montpellier 3. Elle enseigne la psychologie sociale et
s’attache à montrer l’importance du contexte sur les
apprentissages et le jugement moral. Tournée vers une
« psychologie sociale utile », elle s’intéresse
tout particulièrement au rôle de l’humour dans le domaine de
la communication et de l’éducation.
Adresse : Laboratoire Epsylon,
Université Paul Valéry Montpellier 3, France
Courriel : emmanuelle.brigaud@univ-montp3.fr
Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/emmanuelle-brigaud
Julien VIDAL est maître de conférences en
Psychologie au laboratoire Epsylon (EA 4556) de l’Université Paul
Valéry Montpellier 3. Ses travaux portent principalement sur les liens
entre représentations sociales et iconographie, sur l’influence de
la pensée sociale sur les communications publicitaires et sur les
processus socio-cognitifs mis en œuvre dans le champ de la
prévention santé.
Adresse : Laboratoire Epsylon,
Université Paul Valéry Montpellier 3, France
Courriel : julien.vidal@univ-montp3.fr
Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/julien-vidal
Aude MICHEL est professeure des universités en
psychologie clinique et psychopathologie à l’Université
Montpellier 3. Ses recherches portent sur les questions de conception et
d’application des technologies innovantes en psychologie de la
santé. Elle étudie les stratégies d’adaptation et les
mécanismes d’appropriation de la réalité virtuelle
dans différents contextes de soins en cancérologie.
Adresse : Laboratoire Epsylon,
Université Paul Valéry Montpellier 3, France
Courriel : aude.michel@univ-montp3.fr
Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/aude-michel-combroux
Lucie BACHELARD est actuellement ingénieure
d'études au laboratoire Epsylon (EA 4556), elle a obtenu un Master de
Psychologie cognitive à l’Université Paul Valéry
Montpellier 3. Son travail de master 2 était centré sur
l’apport de la réalité virtuelle sur les situations
d’exploration d’œuvres artistiques, comme situation
d’induction émotionnelle.
Adresse : Laboratoire Epsylon,
Université Paul Valéry Montpellier 3, France
Courriel : lucie.bachelard@univ-montp3.fr
Nathalie BLANC est professeure en Psychologie au
laboratoire Epsylon (EA 4556) de l’Université Paul Valéry
Montpellier 3. Ses travaux interrogent le lien entre émotion et
cognition, notamment dans le domaine de l’éducation et la
communication, avec un attrait particulier pour déterminer les conditions
d’un fonctionnement cognitif optimal chez l’enfant, comme chez
l’adulte.
Adresse : Laboratoire Epsylon,
Université Paul Valéry Montpellier 3, France
Courriel : nathalie.blanc@univ-montp3.fr
Toile : https://epsylon.www.univ-montp3.fr/fr/annuaire_recherche/nathalie-blanc
RÉFÉRENCES
Allcoat, D. et von
Mühlenen, A. (2018). Learning in virtual reality: Effects on performance,
emotion and engagement. Research in Learning Technology, 26, 1-13. Disponible sur internet.
Bara, F. et Tricot, A. (2017). Le rôle du corps
dans les apprentissages symboliques : apports des théories de la
cognition incarnée et de la charge cognitive. Recherches sur la
philosophie et le langage, 33, 219-249. Disponible sur internet.
Barsalou, L. W. (2008). Grounded cognition. The
Annual Review of Psychology, 59, 617-645. Disponible sur internet.
Blanc, N. (dir.). (2006). Émotion et cognition
- Quand l’émotion parle à la cognition. Éditions
In Press.
Burgues, M., Huet, N. et Sakdavong J. C. (2020).
Immersion and control in learning art knowledge: An example in museum visit.
Dans H. C Lane, S. Zvacek et J. Uhomoibhi. (dir.), Computer Supported
Education, 11th International Conference, CSEDU 2019, Revised Selected
Papers (p. 111-127). Springer. Disponible sur internet.
Carrozzino, M. et Bergamasco, M. (2010). Beyond virtual
museums: Experiencing immersive virtual reality in real museums. Journal
of Cultural Heritage, 11(4), 452-458. Disponible sur internet.
Chandler, P. et Tricot, A. (2015). Embodying cognition in
the classroom: An Early Start to successful and healthy education. Educational Psychology Review, 27(3), 365-370. Disponible sur internet.
Chatterjee, A., Widick, P., Sternschein, R, Smith, W. B.
et Bromberger, B. (2010). The assessment of art attributes. Empirical Studies
of the Arts, 28(2), 207-222. Disponible sur internet.
Chrastil, E. R. et Warren, W. H. (2012). Active and
passive contributions to spatial learning. Psychonomic Bulletin & Review,
19(1), 1-23. Disponible sur internet.
Cipresso, P., Giglioli, I. A. C., Raya, M. A. et Riva, G.
(2018). The past, present, and future of virtual and augmented reality research:
A network and cluster analysis of the literature. Frontiers in Psychology,
9. Disponible sur internet.
Daniela, L. (2020). Virtual museums as learning agents. Sustainability 12(7), article 2698. Disponible sur internet.
Fayn, K., Tiliopoulos, N. et MacCann, C. (2015). Interest
in truth versus beauty: Intellect and Openness reflect different pathways
towards interest. Personality and Individual Differences, 81, 47-52. Disponible sur internet.
Fredrickson, B. L. et Branigan, C. (2005). Positive
emotions broaden the scope of attention and thought-action
repertoires. Cognition and Emotion, 19(3), 313-332. Disponible sur internet.
Freeman, D., Reeve, S., Robinson, A., Ehlers, A., Clark,
D., Spanlang, B. et Slater, M. (2017). Virtual reality in the assessment,
understanding, and treatment of mental health disorders. Psychological
Medicine, 47(14), 2393-2400. Disponible sur internet.
Freina, L. et Ott, M. (2015). A literature review on
immersive virtual reality in education: State of the art and perspectives. Dans Proceedings of the International Scientific Conference eLearning and Software
for Education (p. 133-141).
He, Z., Wu, L. et Li, X. (2018). When art meets tech: The
role of augmented reality in enhancing museum experiences and purchase
intentions. Tourism Management, 68, 127-139. Disponible sur internet.
Hine, K. et Tasaki, H. (2019). Active view and passive
view in virtual reality have different impacts on memory and impression. Frontiers in Psychology, 10. Disponible sur internet.
Hürst, W., de Boer, B., Florijn, W. et Tan, X. J.
(2016). Creating new museum experiences for virtual reality. Dans Proceedings of the International Conference on Multimedia & Expo
Workshops (ICMEW 2016) (p. 1-6). IEEE. Disponible sur internet.
Largy, P. (2018). De l’auto-évaluation de
l’état émotionnel du jeune enfant : l’échelle
AEJE. A.N.A.E., 30(155), 461-469.
Leder, H., Gerger, G., Brieber, D. et Schwarz, N. (2014).
What makes an art expert? Emotion and evaluation in art appreciation. Cognition & Emotion, 28(6), 1137-1147. Disponible sur internet.
Markant, D. B., Ruggeri, A., Gureckis, T.M. et Xu, F.
(2016). Enhanced memory as a common effect of active learning. Mind, Brain,
and Education, 10, 142-152. Disponible sur internet.
Martínez-Navarro, J., Bigné, E., Guixeres,
J., Alcañiz, M. et Torrecilla, C. (2019). The influence of virtual reality
in e-commerce. Journal of Business Research, 100, 475-482. Disponible sur internet.
Meade, M., Meade, J. G., Sauzéon, H. et Fernandes,
M. A. (2019). Active navigation in virtual environments benefits spatial memory
in older adults. Brain Science, 9(3), article 47. Disponible sur internet.
Neri, S., Cardoso, J. R., Cruz, L., Lima, R. M., de
Oliveira, R. J., Iversen, M. D. et Carregaro, R. L. (2017). Do virtual reality
games improve mobility skills and balance measurements in community-dwelling
older adults? Systematic review and meta-analysis. Clinical Rehabilitation,
31(10), 1290-1304. Disponible sur internet.
Pekarik, A. J. et Schreiber, J. B. (2012). The power of
expectation. Curator, 55, 487-496. Disponible sur internet.
Pelowski, M., Forster, M., Tinio, P. L., Scholl, M. et
Leder, H. (2017). Beyond the lab: An examination of key factors influencing
interaction with ‘real’ and museum-based art. Psychology of
Aesthetics, Creativity, and the Arts, 11(3), 245-264. Disponible sur internet.
Pitman-Gelles, B. et Hirzy, E. C. (2010). Ignite the
power of art: Advancing visitor engagement in museums. Yale University
Press.
Plancher, G., Barra, J., Orriols, E. et Piolino, P.
(2013). The influence of action on episodic memory: A virtual reality study. The Quarterly Journal of Experimental Psychology, 66, 895-909. Disponible sur internet.
Pouw, W. T. J. L., van Gog, T. et Paas, F. (2014). An
embedded and embodied cognition review of instructional manipulatives. Educational Psychology Review, 26, 51-72. Disponible sur internet.
Pucihar, K. C., Kljun, M. et Coulton, P. (2016). Playing
with the artworks: Engaging with art through an augmented reality game. Dans Proceedings of the 2016 CHI Conference Extended Abstracts on Human Factors in
Computing Systems, 1842-1848. Disponible sur internet.
Sauzéon, H., Pala, P. A., Larrue, F., Wallet, G.,
Déjos, M., Zheng, X., Guitton, P. et N’Kaoua, B. (2012). The use of
virtual reality for episodic memory assessment: Effects of active navigation. Experimental Psychology, 59, 99-108. Disponible sur internet.
Silvia, P. J. (2005). What is interesting? Exploring the
appraisal structure of interest. Emotion, 5(1), 89-102. Disponible sur internet.
Slater, M. et Sanchez-Vives, M. V. (2016). Enhancing our
lives with immersive virtual reality. Frontiers in Robotics and AI,
3:74. Disponible sur internet.
Smith, A. (2019). Virtual reality in episodic memory
research: A review. Psychonomic Bulletin & Review, 26, 1213-1237. Disponible sur internet.
Smith, L. F. et Smith, J. K. (2006). The nature and
growth of aesthetic fluency. Dans P. Locher, C. Martindale, & L. Dorfman
(dir.), New directions in aesthetics, creativity, and the arts (p. 47-
58). Baywood.
Sweller, J., Ayres, P. et Kalyuga, S. (2011). Cognitive load theory. Springer.
Sweller, J., van Merrienboer, J. J. G. et Paas, F.
(1998). Cognitive architecture and Instructional design. Educational
Psychology Review, 10, 251-296. Disponible sur internet.
Wallet, G., Sauzéon, H., Pala, P. A., Larrue, F.,
Zheng, X. et N’Kaoua, B. (2011). Virtual/real transfer of spatial
knowledge: benefit from visual fidelity provided in a virtual environment and
impact of active navigation. Cyberpsychology, Behavior, and Social
Networking, 14(7-8), 417-423. Disponible sur internet.
Wilson, P. N., Foreman, N., Gillett, R. et Stanton, D.
(1997). Active versus passive processing of spatial information in a
computer-simulated environment. Ecological Psychology, 9(3), 207-222. Disponible sur internet.
Zouboula, N., Fokides, E., Tsolakidis, C. et Vratsalis,
C. (2008). Virtual Reality and Museum: An educational application for museum
education. International Journal of Emerging Technologies in Learning, 3,
89-95. Disponible sur internet.
|