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MOOC : un mot, plusieurs facettes. Pour une
caractérisation systématique des MOOC orientée
ingénierie pédagogique
Giulia ORTOLEVA, Claire PELTIER et Mireille BETRANCOURT (TECFA – FPSE,
Université de Genève, Suisse)
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RÉSUMÉ : Bien
que le terme MOOC se soit imposé dans le discours médiatique et
scientifique, les dispositifs concrets s’avèrent de nature
très diverse. Les tentatives de classification et de typologies se sont
multipliées dans les deux dernières années. Cet article
entreprend une démarche complémentaire de caractérisation
systématique qui consiste à identifier les dimensions qui
permettent le mieux de décrire et de différencier les dispositifs
MOOC. Volontairement axé sur les éléments
d’ingénierie pédagogique, notre modèle propose sept
dimensions de caractérisation dont la pertinence est
éprouvée par l’analyse de quatre exemples de MOOC.
MOTS CLÉS : MOOC
(Massive open online courses), formation ouverte et à distance,
caractérisation. |
MOOC: one word, multiple realities. Systematic characterization of MOOCs based on instructional design principles |
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ABSTRACT : Although
the term MOOC is prevalent in the media coverage and in the scientific
literature, the actual courses offer a wide spectrum of variation, leading to a
large number of initiatives proposing classifications and typologies in the last
two years. This paper describes a complementary approach of systematic
characterisation that consists of identifying the dimensions according to which
the specificity of MOOC and their variation can be best described. Deliberately
focused on instructional design issues, the model proposes seven dimensions of
characterisation whose relevance is assessed through the analysis of four
examples of MOOC.
KEYWORDS : MOOC
(Massive open online courses), open distance education, characterisation. |
1. Introduction
Le domaine des technologies de la formation a
rarement connu un déchaînement médiatique aussi puissant que
le tsunami provoqué par l’arrivée des MOOC sur la
scène mondiale, dont on situe généralement le
« point de non-retour » en 2012 (Cisel et Bruillard, 2013), (Daniel, 2012).
Alors que le concept de MOOC n’apparaît qu’en 2008,
Liyanagunawardena, Adams et Williams retenaient pour leur revue de
littérature en 2013 pas moins de 45 articles peer-reviewed en
anglais avec les MOOC comme sujet principal entre 2008 et 2012 (Liyanagunawardena et al., 2013).
Ce développement accompagne logiquement celui de l’offre de cours
de type MOOC : on recensait une centaine de MOOC en 2012, environ 700 en
2013 (Shah, 2013),
et plus de 4200 en 2015 (ICEF Monitor, 2016).
Il est donc indiscutable que les MOOC constituent un phénomène
massif (sans jeu de mots), qui s’est imposé malgré le
scepticisme du milieu traditionnel de la formation à distance et la
réticence des enseignants universitaires (Moeglin, 2014).
Mais peut-on dire pour autant que l’objet concret MOOC est un objet
scientifique au sens de (Davallon, 2004),
ou n’est-il encore qu’une construction empirique recouvrant des
réalités si diverses qu’elles ne peuvent être
traitées comme un seul objet de recherche ? À partir
d’une revue des écrits exposant des classifications scientifiques
des MOOC, cet article se propose de définir les dimensions qui
caractérisent les formations partiellement ou totalement à
distance, de façon à identifier, d’une part, la
spécificité du format MOOC par rapport aux autres formes de
formations médiatisées et, d’autre part, les
paramètres variables du format MOOC. Deux cours francophones et deux
cours anglophones de type MOOC seront analysés au moyen de ces dimensions
pour illustrer l’intérêt de cette caractérisation.
2. De la nécessité d’une caractérisation
Les MOOC (ou CLOM selon l’acronyme
français) ont pour origine le concept de cours ouvert (open
courseware) offert par des universités traditionnelles, avec en
tête de peloton le Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui ouvrit
dès 2001 un large catalogue de ressources issues de ses cours dans de
nombreuses disciplines. Contrairement aux universités proposant des
formations à distance, il ne s’agit pas de cours
scénarisés, organisés ou tutorés, mais bien
d’une mise à disposition de ressources variées.
L’université de Stanford, bien qu’arrivée plus
modestement sur le marché des cours ouverts en 2008 dans le domaine des
sciences de l’ingénieur, donnera leur popularité aux MOOC
dans leur acception la plus courante : des cours organisés sur un
sujet précis, sur une période déterminée de quelques
semaines, attirant plusieurs milliers d’étudiants, dont les
ressources sont typiquement une vidéo scénarisée de courte
durée (moins de 10 minutes), des lectures, des QCM
d’auto-évaluation et des exercices corrigés automatiquement
ou par les pairs et, plus rarement, des projets collectifs. Toutefois, le sigle
MOOC est plutôt attribué au Canadien Georges Siemens (Siemens, 2005),
appliqué à l’initiative de cours
« connectivistes » conduite avec Stephen Downes en 2008,
où le cours fut co-construit de façon émergente par les
étudiants de l’université de Manitoba et plus de 2200
étudiants du monde entier, participant de façon gratuite et sans
inscription. À part de rares exceptions comme ITYPA (Jézégou, 2015),
l’approche des MOOC connectivistes (ou cMOOC) a suscité bien moins
d’enthousiasme que les approches « instructivistes »
(ou xMOOC) prônées par les plateformes Edx (MIT) ou Coursera
(Stanford).
La grande révolution mise en avant par les MOOC est donc la
capacité à accommoder un grand nombre d’étudiants,
plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers, de par la possibilité
de remplacer le tutorat offert dans les formations à distance
traditionnelles par la correction automatique et la coopération ou
l’évaluation par les pairs, le tout servi par des plateformes et
des algorithmes de calcul puissants (Koller, 2012).
Pour les directions d’universités, le fait de proposer des MOOC est
devenu synonyme d’innovation pédagogique avec, en particulier, la
possibilité d’entrer dans le cercle restreint des
universités habilitées à proposer des cours sur les
plateformes telles que Coursera, bénéficiant ainsi d’une
visibilité non négligeable (Mangenot, 2014).
Cette vision de l’innovation pédagogique reposant en grande partie
sur les algorithmes de traitement automatique et une forte vision centrée
contenu a provoqué un émoi considérable dans la
communauté de recherche sur les technologies éducatives. En effet,
les acteurs principaux de ces xMOOC ont magistralement ignoré les
éléments de connaissance développés par plus de 50
ans de recherche concernant l’apprentissage et l’enseignement
à distance et, notamment, l’importance du soutien aux
étudiants, ce qui aboutit, selon leurs détracteurs, au
considérable taux d’attrition que subissent les MOOC (Daniel, 2012), (Onah et al., 2014).
Ce tsunami a toutefois eu le mérite de remettre au centre du débat
la question de la pédagogie universitaire et le rôle des
technologies numériques, trop souvent cantonnées à la
fonction de serveurs de ressources.
Alors que de nombreuses recherches autour des MOOC cherchent à
développer des algorithmes pour associer des patterns de traces à
des comportements d’apprenants co-occurrents ou futurs (Roy et al., 2015),
les sciences humaines s’intéressent plutôt aux profils
motivationnels des participants (Poellhuber et al., 2014),
à l’ingénierie pédagogique (Vaufrey, 2014) ou aux stratégies des apprenants (Roland et Uytterbrook, 2015).
Or, l’usage du vocable commun MOOC recouvre en réalité une
grande diversité de formats, que ce soit dans la nature des ressources,
le type de travaux demandés aux étudiants ou les modalités
de suivi (Rosselle et al., 2014),
ce qui constitue un obstacle à la généralisation des
résultats et à la construction cumulative de la connaissance.
L’intention de cet article est donc de proposer une
caractérisation systématique des dispositifs de formation
proclamés MOOC à partir des classifications et des typologies
proposées dans la littérature. À la différence de
ces initiatives (voir par exemple Vrillon, ce numéro), notre
modèle de caractérisation ne tente pas de distinguer
différents types de MOOC, mais plutôt de mettre en exergue les
dimensions qui permettent de décrire et d’analyser ces dispositifs
de formation (Ploetzner et Lowe, 2012).
En outre, ce travail s’intéresse uniquement aux
éléments d’ingénierie pédagogique
repérés par la littérature sur les MOOC et plus
généralement sur la formation à distance.
La prochaine section présente la démarche suivie pour atteindre
cet objectif.
3. Méthodologie
Pour aboutir à une caractérisation des
dimensions principales des cours en ligne ouverts et massifs, la première
étape a été de répertorier dans la
littérature un certain nombre d’articles traitant des
classifications des MOOC et, plus largement, des formations ouvertes et à
distance (FOAD). Nous parlons ici de classification en nous appuyant sur
l’approche qui considère cette dernière comme une
sur-catégorie à l’intérieur de laquelle se situent la
typologie et la taxonomie (Borgès Da Silva, 2013), (Bailey, 1994).
Selon ces auteurs, une typologie consiste en une classification
élaborée a priori à partir de la littérature
et confirmée par des données empiriques. À l’inverse,
une taxonomie fait d’abord l’objet d’un traitement de
données empirique et permet la sélection de catégories a
posteriori. Nous choisissons ici le terme générique de
classification pour ne pas limiter notre point de vue à l’un de ces
deux concepts.
Pour repérer les recherches récentes, nous nous sommes
appuyées sur le travail mené par (Rosselle et al., 2014) dont nous avons repris les classifications proposées, puis nous avons
ajouté d’autres ressources de la littérature qui
suggéraient différents éléments de classification
des formations en ligne et ouvertes (massives ou non). Notre sélection
finale se compose de huit recherches que nous avons mises en relation pour en
confronter les dimensions principales (Clark, 2013), (Conole, 2014), (Daniel, 2012), (Deschryver et Charlier, 2012), (Downes, 2008), (Gilliot et al., 2013), (Jézégou, 2010), (Rosselle et al., 2014).
Cette sélection de ressources ne se veut pas exhaustive, mais
représentative de la recherche actuelle.
Il est important de souligner que les classifications ou typologies
existantes présentaient des caractéristiques très
différentes les unes des autres. Si une partie d’entre elles
propose une typologie mutuellement exclusive permettant d’associer chaque
cours à un type en particulier, comme (Deschryver et Charlier, 2012)1 et (Clark, 2013),
d’autres distinguent des catégories descriptives, comme (Jézégou, 2010), (Rosselle et al., 2014).
Dans une deuxième étape, l’analyse effectuée sur
ces classifications nous a permis d’identifier un certain nombre de
caractéristiques récurrentes. En utilisant ces aspects
récurrents comme point de départ, nous avons identifié sept
dimensions de caractérisation que nous retenons comme essentielles pour
décrire et, finalement, cerner les spécificités des MOOC
(cf. Tableau 1) du point de vue de leur ingénierie pédagogique.
Ces dimensions sont interdépendantes, de sorte que les choix des
paramètres effectués pour l’une des dimensions peuvent avoir
un impact important sur les autres. Sans surprise, ces dimensions sont
déjà bien connues de la littérature sur la formation
à distance, mais l’on peut examiner leur spécificité
dans le cas des MOOC.
Tableau 1 • Les sept dimensions de
catégorisations des MOOC et un extrait des sources bibliographiques
afférentes.
Catégories |
Sous-catégories |
Source (extraits) |
Temporalité (1) |
Aspect relatif à l'organisation pratique du cours - Synchrone vs
Asynchrone |
Temps, rythme, composantes spatio-temporelles
(Clark, 2013) (Jézégou, 2010)
Autonomie (Downes, 2008) (Conole, 2014) |
Objectifs d’apprentis-sage (2) |
Connaissances/ Compétences visées par le MOOC |
Objectifs d’apprentissage (Gilliot et al., 2013)
Objectifs - Composantes pédagogiques)
(Jézégou, 2010) |
Collaboration entre pairs (7) |
Type d'activités collaboratives prévues dans le MOOC |
Interactivité (Downes, 2008)
Group MOOCs-Connectivists MOOCs (Clark, 2013)
Degré de communication-collaboration (Conole, 2014)
Organisation de travaux de groupes, coproductions collaboratives (Gilliot et al., 2013)
CrewMooc (Deschryver et Charlier, 2012)
Outils de communications (Jézégou, 2010) |
Parcours d’apprentis-sage (3) |
Flexibilité et adaptabilité des activités
d’apprentissage |
Adaptive MOOCs (Clark, 2013)
Parcours d’apprentissage (Conole, 2014)
Cheminement, Séquences (Jézégou, 2010) |
Activité d’apprentis-sage (4) |
Type d’activité proposes aux participants |
Organisation des activités d’apprentissage (Gilliot et al., 2013), (Rosselle et al., 2014)
Méthodes/Format/Contenu (Daniel, 2012), (Jézégou, 2010) |
Tutorat (5) |
Type de suivi proposé aux étudiants par les tuteurs |
Interactivité (Downes, 2008)
Degré de communication-collaboration (Conole 2014)
Support/ Personnes ressources (Jézégou, 2010) (Depover et Quintin, 2011)
Évaluation (Rodet, 2013) |
Évaluation et certification (6) |
Type d'évaluations présentes dans le cours /
Présence de certification |
Certification, Évaluation, apprentissage formel (Conole, 2014)
Évaluation (Rosselle et al., 2014), (Jézégou, 2010) |
Rôle des technologies |
Rôle attribué aux technologies numériques |
Aspects facilités par les technologies (Jézégou, 2010),
(Peraya, 2010), (Peraya et Peltier, 2012) |
La section suivante présente les dimensions retenues. Leur
variabilité est illustrée par l’analyse de quatre MOOC
suivant des approches assez différentes : Introduction aux droits de
l’Homme (https://www.coursera.org/learn/droits-de-lhomme ) de
l’Université de Genève (ci-après UNIGE), Gestion de
projet (http://mooc.gestiondeprojet.pm/) de
l’École Centrale de Lille (ci-après Centrale Lille),
Functional Programming Principles in Scala
(https://fr.coursera.org/specializations/scala) de l’École
Polytechnique Fédérale de Lausanne (ci-après EPFL) et
Writing in English at university
(https://fr.coursera.org/learn/writing-english-university) de
l’Université de Lund. À l’exception du cours de
Centrale Lille qui est distribué sur une plateforme dédiée,
les trois autres MOOC sont diffusés sur Coursera.
Ces quatre cours ont été choisis sur la base de plusieurs
critères. En premier lieu, nous avons choisi des cours de quatre
institutions européennes de trois pays différents, dont deux
diffusés en français et deux en anglais. De plus, ces cours
représentent une diversité d’objectifs et de choix
pédagogiques (cf. Tableau en annexe) qu’il nous paraissait
intéressant de mettre en perspective pour tester la pertinence des
dimensions de caractérisation.
4. Résultats : les 7 dimensions de caractérisation
4.1. Temporalité
La dimension
« temporalité » concerne les caractéristiques
liées à l’organisation pratique du cours dans le temps qui
se reflète, entre autres, dans les choix suivants :
- activités synchrones ou asynchrones ;
- dates de début et de fin fixes ou flexibles ;
- rythme du cours (échéances fixes ou liberté
organisationnelle individuelle).
Ces choix liés à l’organisation temporelle du cours ont
en réalité un impact important sur les autres dimensions qui le
caractérisent. Par exemple, les MOOC organisés autour de dates
fixes de début et de fin permettent l’organisation
d’activités collaboratives scénarisées, ce qui
confère à ce type d’activités une certaine valeur.
À l’inverse, des cours qui prévoient une participation plus
flexible et ouverte, n’établissant pas des dates de début et
de fin ou des échéances pour les rendus intermédiaires,
devront prévoir, le cas échéant, des activités de
collaboration plus flexibles, prenant en compte différents facteurs
comme, par exemple, le nombre moyen de participants effectifs dans un MOOC
et le niveau de leur engagement. L’intégration
d’activités collaboratives obligatoires, prises en compte dans
l’évaluation finale du module, serait difficile dans ce contexte.
Les quatre MOOC que nous avons choisi d’examiner dans le cadre de cette
étude (cf. Annexe) proposent tous un début à date fixe et
un déroulement découpé en semaines de travail d’une
durée de six semaines, avec une variante de quatre à six semaines
pour le cours de Centrale Lille selon les modalités de parcours
– classique ou avancé. Nous verrons plus bas quelles sont les
différentes activités proposées dans le cadre de ces cours
dont la temporalité est relativement similaire.
4.2. Objectifs d’apprentissage
La définition de l’objectif d’apprentissage d’un
MOOC renvoie aux connaissances et compétences visées par le cours
(connaissances ou compétences générales vs spécifiques, d’introduction ou d’approfondissement) ainsi
qu’à la définition des prérequis associés au
suivi du cours.
La question des objectifs d’apprentissage des apprenants a
été abordée dans la littérature en lien avec la
motivation et l’engagement effectif des apprenants dans les
activités d’apprentissage. On peut ainsi émettre
l’hypothèse que les objectifs d’apprentissage visés
par les concepteurs du MOOC vont plus ou moins bien rencontrer les buts
d’accomplissement (achievement goals) des apprenants (Elliot, 1999), (Pintrich, 2000).
Des recherches récentes (Poellhuber et al., 2014) ont montré que les profils motivationnels ont un effet sur les
comportements et la persistance des apprenants dans les MOOC.
Tout comme la dimension de la temporalité, la définition des
objectifs d’apprentissage a un fort impact sur les autres dimensions
essentielles d’un MOOC comme le type d’activités
pédagogiques et les modalités d’évaluation du cours.
En outre, ces objectifs déterminent le public cible potentiel de ces
cours (cf. Vrillon, ce numéro).
Le MOOC délivré par l’UNIGE s’adresse à un
public large (professionnels et personnes intéressées par le
thème) et porte sur des éléments de connaissances
générales autour de la question des droits de l’homme. La
description des objectifs à atteindre est énoncée en termes
de contenus à acquérir : « Le présent cours
vise à offrir les bases nécessaires pour appréhender et
comprendre le domaine vaste et complexe que sont devenus les droits de
l’homme ». Les trois autres MOOC visent l’acquisition de
compétences précises, à orientation opératoire
suivant la nomenclature des motifs de formation de Carré (Carré, 2001),
de type disciplinaire (programmation dans un langage précis avec le MOOC
Scala) ou transversal (respectivement, anglais académique et gestion de
projet). Dans ces trois MOOC, les objectifs sont décrits en termes de
compétences à acquérir (par exemple
« à la fin de la semaine, vous serez capable de
[...] ») sur des points concrets de la gestion de projet comme
l’organisation, la planification, la communication, etc.
4.3. Collaboration entre pairs
La dimension associée à la collaboration entre pairs
considère les activités collaboratives (au sens de
l’implication de plusieurs apprenants sur un même exercice ou sujet)
prévues de manière explicite dans un MOOC. Typiquement, on observe
les activités collaboratives suivantes (seules ou cumulées) :
- forum (discussion + questions-réponses) ;
- évaluation par les pairs ;
- projets de groupe.
La littérature a montré que les activités collaboratives
pouvaient améliorer la motivation et les résultats des apprenants
sous certaines conditions, parmi lesquelles l’interdépendance
positive, la responsabilité individuelle ou la structuration des
activités (Buchs, 2016) qui
paraissent complexes à organiser dans un cours comptant plusieurs
milliers d’étudiants.
De fait, s’il est rare de ne pas trouver au moins un forum de
discussion dans un MOOC, des choix très différents peuvent
être faits autour de l’importance attribuée aux
activités collaboratives, du temps qui leur est attribué et de
leur poids sur la réussite et l’évaluation finale. Un cours
qui ne prévoit comme modalité collaborative que la présence
d’un forum peut, par exemple, rendre la participation au forum obligatoire
et la scénariser dans les activités d’apprentissage ou la
laisser complètement facultative. En outre, d’autres
activités entre pairs peuvent apparaître indépendamment de
la scénarisation et des outils prévus par les auteurs du MOOC. En
effet, des études ont mis en évidence que les étudiants
avaient tendance à s’organiser de façon collective à
l’extérieur du MOOC, dans les réseaux sociaux ou même
en face à face (Zheng et al., 2016).
La question du lien entre les activités collaboratives et les
apprentissages (parcours, perception, effet) n’est pas nouvelle, mais se
trouve revisitée dans les MOOC du fait de l’aspect massif et de la
place des outils de communication à l’intérieur et à
l’extérieur du MOOC.
Les quatre MOOC analysés offrent une gradation intéressante.
Les MOOC de l’UNIGE et de l’EPFL encouragent simplement les
interactions dans les forums (discussion, apport et demande d’aide). Des
modérateurs, qui peuvent être des participants volontaires ou des
collaborateurs rémunérés, sont toutefois
désignés avec le mandat de répondre aux questions
posées dans le forum, poster des messages pour inciter à la
discussion, enfin fournir des informations aux collaborateurs de la plateforme
Coursera.
Axé sur un objectif linguistique, le MOOC de Lund met l’accent
sur la communication entre pairs et organise dès la première
semaine des évaluations par les pairs. Enfin, le MOOC de Centrale Lille
intègre la dimension collaborative à la question des objectifs et
des parcours, une exigence accrue de collaboration entre pairs accompagnant des
objectifs d’apprentissage de plus en plus ambitieux.
Ainsi les apprenants du parcours classique peuvent, s’ils le
souhaitent, partager leurs notes et ressources dans un document Google Doc mis
à leur disposition dans l’environnement. Ils peuvent
également partager les cartes conceptuelles produites lors de l’un
des modules. Ces activités restent toutefois optionnelles et liées
au bon vouloir des apprenants. Dans le parcours le plus exigeant, un module
requiert la proposition de projets par équipe de cinq à dix
personnes, la tenue de réunions à distance et en ligne
organisées par le porteur du projet retenu et une production collective
finale. Des participants extérieurs au projet peuvent également
amener leurs remarques et conseils en tant que « consultants ou
modérateurs externes ». Il est à noter que ce MOOC
s’adresse à une population d’apprenants de fait plus
restreinte que les MOOC distribués sur Coursera.
4.4. Parcours d’apprentissage
La dimension associée au parcours d’apprentissage concerne la
flexibilité et l’adaptabilité des activités
d’apprentissage présentes dans un MOOC. Cette flexibilité
peut être associée à différents facteurs :
- les objectifs d'apprentissage propres à chaque
participant ;
- les résultats des activités effectuées
pendant le cours.
Le cours pourrait donc être en mesure de s’adapter aux attentes
et besoins des participants, ainsi qu’à leur performance dans le
cours. Ce type de flexibilité dans le parcours d’apprentissage se
reflète sur plusieurs autres dimensions, qui vont de la
temporalité — dès lors qu’un parcours flexible
prévoit des dates de rendus et de fin adaptées aux
différents parcours possibles — aux éventuelles
activités d’apprentissage et de collaboration qui peuvent
être proposées aux participants du cours. Bien que les MOOC
permettent de suivre des parcours différenciés, la réussite
formelle ne prévoit pas nécessairement de choix alternatifs en ce
qui concerne les modalités d’évaluation.
Sur les quatre MOOC analysés, seul le MOOC de Lund permet en
théorie de suivre les modules dans l’ordre souhaité, bien
que l’organisation des activités entre pairs exige un minimum de
synchronisation. Bien que la chronologie des activités des MOOC de
l’EPFL et de l’UNIGE soit fixée, il est possible de voir le
contenu des modules à tout moment. Le MOOC Gestion de projet offre quant
à lui une flexibilité non seulement au niveau des objectifs
(parcours déjà mentionnés), mais également au niveau
des contenus (choix des modules d’approfondissement). En revanche, la
temporalité de réalisation des activités n’est pas
flexible.
4.5. Activités d’apprentissage
Cette dimension renvoie aux types d’activité proposés aux
participants et à leur éventuelle évaluation (formative ou
certificative). Qu’elles soient organisées en mode collaboratif ou
en mode individuel, certaines activités sont présentes de
façon récurrente dans les MOOC :
- visionnement de vidéos ;
- lecture de texte ;
- discussion sur des forums ;
- quiz (évaluation formative ou sommative) ;
- activités réflexives (guidées ou
pas) ;
- études de cas et projets ;
- exercices corrigés automatiquement.
Dans les exemples de MOOC analysés, on retrouve la présence des
quatre premiers types d’activités qui synthétise assez bien
le profil du MOOC type, avec les nuances concernant leur scénarisation
mentionnées précédemment. En revanche, les trois
dernières sont plus rarement présentes dans la mesure où
elles demandent soit des corrections humaines (par des enseignants/tuteurs ou
par des pairs), soit des analyses automatiques avancées des
réponses des étudiants, comme l’AES (Automated Essay
Scoring) utilisé par certaines plateformes de MOOC. La
validité de ce type d’algorithme est encore largement sujette
à caution et, de fait, certaines études montrent qu’il
existe des différences significatives entre les scores AES et les scores
donnés par des évaluateurs humains (Reilly et al., 2014).
La correction humaine pose d’autres problèmes : le coût,
si elle est réalisée par des tuteurs (ce qui amène à
des offres premium payantes) et de nouveau la validité, si elle est
réalisée par les pairs (cf. section 4.6). Une autre solution est
tout simplement de ne pas donner de feedbacks formatifs sur ces activités
et d’utiliser les quiz pour l’évaluation sommative, mais
alors la proposition de ces activités perd son intérêt. Le
MOOC Scala a pu en partie contourner cet obstacle par l’utilisation
d’algorithmes permettant de juger de la correction syntaxique des
programmes réalisés.
4.6. Le tutorat
La littérature sur les formations à distance et hybride insiste
sur l’importance de l’accompagnement humain, désigné
ici sous le terme de tutorat (Depover et Quintin, 2011).
Le tutorat assume différentes fonctions dans le soutien à
l’apprenant, liées aux processus d’apprentissage (soutien
cognitif, métacognitif et socio-affectif), ou aux conditions pratiques
(aspects organisationnels et techniques). On peut y ajouter la dimension
d’évaluation proposée par Rodet (Rodet, 2013),
dans la mesure où certains MOOC proposent un mode tutoré payant
dans lequel l’évaluation des travaux, formative et certificative,
tient une grande place. Ainsi le MOOC Gestion de Projet propose un mode SPOC
(Small Private Online Courses) payant offrant un suivi
individualisé. Le MOOC de l’UNIGE propose quant à lui des
« mentors » jouant le rôle des modérateurs,
chargés répondre aux questions posées par les
étudiants dans l’un des forums sans supplément de
coût.
Une alternative très populaire dans les MOOC est le tutorat par les
pairs dont il a déjà été question dans la section
4.3 consacrée à la collaboration entre pairs. Il peut être
simplement encouragé ou scénarisé explicitement, par
exemple par la désignation de modérateurs parmi les
étudiants du MOOC. Dans le MOOC Gestion de Projet, cinq sessions
synchrones de questions-réponses sont prévues durant les 4
premières semaines. Un référent (lauréat du
certificat par équipe disposant d’une expérience dans
l’accompagnement d’équipes) est désigné pour
accompagner chaque groupe.
4.7. Évaluation / Certification
La dimension relative à l’évaluation et à la
certification dans un MOOC prend en considération toutes les
modalités visant à évaluer la performance des participants,
ainsi que la présence ou non d’une certification pour rendre compte
de la participation et de la réussite du cours.
En ce qui concerne les différentes modalités
d’évaluation, elles peuvent prendre la forme d’une
évaluation formative, d’une évaluation sommative ou des deux
simultanément, afin de déterminer si les objectifs sont atteints.
Quelles que soient les modalités choisies, il est important que celles-ci
se montrent cohérentes avec les objectifs d’apprentissage, ainsi
qu’avec les activités proposées aux participants au cours.
L’une des innovations mises en avant par les initiateurs des MOOC est
l’évaluation par les pairs, mise en place avant tout pour
gérer le nombre massif d'apprenants (Daniel, 2012),
mais dont la pertinence effective est pourtant remise en cause par
ceux-là mêmes qui l’ont introduite (Piech et al., 2013).
Des études démontrent la validité de cette approche, qui
donne des scores comparables à ceux d’évaluateurs experts,
à condition qu’elle soit correctement implémentée (Luo et al., 2014).
En ce qui concerne la certification, plusieurs MOOC proposent la
possibilité d’obtenir un certificat de participation et de
réussite, moyennant une contribution financière. Cet aspect est
aussi intéressant à prendre en considération lorsque
l’on décrit un cours et peut avoir un impact sur la motivation de
la population cible à participer au cours en question. Plus
fondamentalement, la question financière remet en cause l’objectif
d’accessibilité sans condition et de démocratisation qui
fait partie du discours commun sur les MOOC (Charlier, 2014).
Dans nos quatre exemples, nous observons de nouveau une grande
variabilité. Alors que le cours de Lund ne propose aucune certification,
les cours délivrés par l’UNIGE et l’EPFL proposent une
attestation de réussite basée sur les scores obtenus aux quiz ou
aux exercices de programmation. Une certification authentifiée est
proposée en échange d’une participation financière.
Le MOOC proposé par Centrale Lille propose plusieurs modalités
certificatives payantes (parcours classique et parcours avancé)
permettant l’obtention de respectivement un ou deux crédits ECTS en
cas de réussite de l’examen surveillé à
distance2.
5. Le rôle des technologies numériques dans les MOOC
L’émergence des cours massifs en ligne
est intrinsèquement liée au développement des technologies
de l’information et de la communication, en particulier la
généralisation des systèmes de type Web 2.0
réunissant un très grand nombre d’utilisateurs,
s’organisant de façon émergente, nécessitant le
traitement de données massives (phénomène du Big
Data). C’est d’ailleurs sur des thèmes technologiques que
les premiers MOOC sont apparus, à l’initiative d’acteurs
académiques de ce domaine. Dans ce contexte, le rôle occupé
par les technologies dans des dispositifs de formation médiatisée
de type MOOC est primordial. Nous avons choisi de décrire cette dimension
particulière à l’aune du modèle de la communication
éducative médiatisée proposé par Peraya, qui
distingue deux éléments clés dans l’étude des
dispositifs de communication et de formation médiatisées : la
médiatisation et la médiation (Peraya, 1999), (Peraya, 2010) notamment.
La médiatisation relève des choix opérés par le
concepteur du dispositif de formation (enseignant, ingénieur
pédagogique, etc.) en matière de « mise en
média » (Peraya, 2010) ou
de « transposition
médiatique »3 (Alava, 2008),
c’est-à-dire des contenus et/ou des activités dont
l’accès ou la réalisation sont soutenus par un ou plusieurs
dispositifs technologiques. Par exemple, une activité
d’écriture collaborative en ligne nécessitera
l’accès distant à un certain nombre de ressources (notamment
des textes de référence), mais aussi à un
« service » (Gauthier, 2004) qui permettra la réalisation de l’activité (wiki ou
dispositif d’écriture collaborative en ligne comme Google Docs).
Les choix de médiatisation peuvent être identifiés et
décrits à partir de huit fonctions — ou
dimensions — constitutives de tout dispositif de formation selon (Peraya, 2008).
Ces fonctions sont les suivantes : 1) information ;
2) production ; 3) interaction ; 4) soutien et
accompagnement ; 5) évaluation ; 6) gestion ;
7) awareness ; 8) métaréflexion.
Un dispositif de formation médiatisée peut donc être
décrit et analysé en fonction des dimensions qu’il
médiatise. Les travaux menés dans le cadre du projet Hy-Sup (Deschryver et Charlier, 2012) ont souligné des différences relatives notamment aux choix de
médiatisation (nombre et nature) selon le type de dispositif
décrit par les enseignants interrogés dans le cadre de cette
recherche. Si la question des choix de médiatisation ne constitue pas le
seul élément permettant de différencier les dispositifs de
formation médiatisée (d’autres éléments tels
que ceux mentionnés dans le canevas descriptif que nous proposons comme,
par exemple, les objectifs ou les activités d’apprentissage
permettent également de les discriminer), celle-ci nous apparaît
toutefois comme étant fondamentale dans la mesure où seule la mise
en média permet de fonder un dispositif de formation comme dispositif de
formation médiatisée.
Le modèle de la communication éducative
médiatisée considère un deuxième
élément comme étant indissociable du premier : la
médiation. Traditionnellement considérée comme la mise en
relation d’acteurs humains (enseignant et apprenants, par exemple) dans le
but de favoriser l’accès au savoir (Liquète, 2010),
la médiation peut aussi s’envisager dans une perspective
multidimensionnelle qui tient compte non seulement des acteurs en
présence, mais aussi du média impliqué dans la situation de
communication. Entendue dans ce sens, la médiation se rapporte aux effets
attendus et/ou constatés de l’activité
médiatisée sur les différents acteurs. A cet égard,
différentes déclinaisons de la médiation ont
été proposées (Peraya, 1999), (Peraya, 2010), (Meunier et Peraya, 2010), (Peraya et Peltier, 2012) : 1) la médiation cognitive ou sémiocognitive ;
2) la médiation épistémique ; 3) la
médiation réflexive ; 4) la médiation
posturale ; 5) la médiation praxéologique ;
6) la médiation relationnelle ; 7) la médiation
sensori-motrice. Les travaux menés par Peraya et Peltier (op.
cit.), (Peltier et Peraya, 2012) ont souligné les effets de certaines activités
d’apprentissage médiatisées sur des dimensions
spécifiques du comportement humain (notamment les aspects liés aux
motivations et aux intentions — désignées sous le terme
de posture —, aux pratiques d’apprentissage et à la
métaréflexion).
Quatre de ces fonctions se retrouvent systématiquement
médiatisées dans les MOOC, mais selon des modalités parfois
différenciées. Il s’agit des fonctions de gestion,
d’information, de soutien et d’accompagnement, enfin
d’évaluation. En effet, l’usage d’une plateforme,
nécessaire à la mise en ligne des cours, permet la gestion des
inscriptions, l’accès aux traces de l’activité, mais
aussi l’accès aux contenus médiatisés. La fonction de
soutien et d’accompagnement est elle aussi médiatisée de
façon systématique par la présence d’un forum.
L’usage de celui-ci est toutefois rarement scénarisé, son
exploitation étant laissée au bon vouloir des apprenants. Nous
pouvons rapprocher ce choix d’ingénierie du type de tutorat
prodigué : réactif ou proactif selon la distinction
proposée par (De Lièvre et Depover, 2005).
Quant à la fonction d’évaluation, celle-ci est le plus
souvent médiatisée par des quiz, mais aussi par des exercices en
ligne (programmation, rédaction de textes, etc.). Les autres fonctions
(production, awareness, métaréflexion) relèvent de
choix techno-pédagogiques spécifiques que l’on
n’observe pas dans tous les MOOC. Le tableau en annexe propose une mise en
regard des différents choix d’ingénierie
opérés pour les MOOC examinés, notamment en matière
de médiatisation. Nous laisserons volontairement de côté les
différentes formes de médiation, car celles-ci sont plus
particulièrement liées aux attentes et au vécu des
apprenants et des enseignants — voir à ce sujet (Peltier, 2016) ;
c’est pourquoi il nous semble plus difficile d’en tenir compte
à partir des seules informations disponibles dans les plateformes pour
présenter les MOOC concernés.
Ces deux dimensions de la communication médiatisée
(médiatisation et médiation) nous paraissent
particulièrement pertinentes pour décrire, analyser et comprendre
les dispositifs de formation médiatisée, qu’il
s’agisse de dispositifs hybrides de formation tels que définis dans
le cadre du projet Hy-Sup (Deschryver et Charlier, 2012) ou de dispositifs de type MOOC. En effet, comme nous l’avons
mentionné plus haut, la médiatisation est intrinsèquement
constitutive des dispositifs de formation médiatisée et les choix
opérés dans ce sens peuvent permettre d’éclairer
certaines approches pédagogiques par exemple, ou encore la posture de
l’enseignant ou du concepteur, tandis que les formes de médiation
permettent de mieux comprendre les choix de médiatisation et les
objectifs d’apprentissage visés. Il conviendrait toutefois
d’interroger les concepteurs (enseignants, ingénieurs
pédagogiques) sur les raisons de leurs choix et les attentes
sous-jacentes, ainsi que les apprenants sur les effets constatés, afin
que ce modèle puisse être considéré comme
véritablement pertinent pour appréhender les contours de
l’expérience d’apprentissage médiatisé ;
la simple analyse du dispositif prescrit ne s’avère sans doute pas
suffisante pour ce faire.
6. Conclusion
L’objectif de cet article était de
proposer, dans la continuité des initiatives déjà
menées dans ce sens, une caractérisation systématique des
MOOC en focalisant l’attention sur les questions d’ingénierie
pédagogique, au sens des approches d’enseignement et
d’apprentissage mises en œuvre dans les dispositifs numériques
en question. La méthode employée a consisté à
analyser les typologies et classifications existantes pour les MOOC, mais plus
généralement pour toute forme de FOAD, à partir desquelles
a été extraite une liste des caractéristiques
pédagogiques revenant de façon récurrente. Sept dimensions
ont ainsi été identifiées et la grille ainsi obtenue a
été utilisée pour décrire quatre MOOC visant des
objectifs d’apprentissage différents. Cette première mise
à l’épreuve montre que les dimensions utilisées
permettent bien de décrire les choix d’ingénierie
pédagogique opérés dans chaque MOOC avec un recouvrement
faible entre les dimensions et une couverture satisfaisante des
éléments d’ingénierie relevés. Toutefois, il
apparait nécessaire d’affiner quelque peu les catégories,
afin d’intégrer des sous-dimensions spécifiques comme le
public cible — laquelle semble particulièrement discriminante
selon les résultats de l’étude menée par Vrillon (ce
numéro) — ou encore la notion de scénarisation
implicite ou explicite de l’usage des forums par exemple.
L’intégration de ces sous-dimensions pourrait s’avérer
pertinente afin de procéder à une description plus fine des MOOC
analysés.
Sur le plan de l’analyse de l’objet MOOC, l’analyse
comparative des quatre exemples montre que les choix pédagogiques
opérés pour différentes formations intitulées MOOC
peuvent varier grandement, moins dans leur format général que dans
la mise en œuvre concrète des éléments
d’ingénierie pédagogique. Ce résultat conforte les
analyses opérées par les chercheurs dans le champ des technologies
éducatives et de la FOAD, par exemple (Charlier, 2014), (Daniel, 2012), (Rosselle et al., 2014).
Ainsi, malgré une présence marquée dans la
littérature scientifique récente, la notion de MOOC n’a pas
encore, selon nous, acquis le statut d’objet de recherche au sens de
Davallon (Davallon, 2014) :
un objet dont l’acception est univoque et acceptée au sein
d’une communauté de recherche donnée. Pour l’heure, ce
qui fait le statut de MOOC dans les faits consiste surtout en la capacité
du dispositif à accueillir un très grand nombre d’inscrits,
soit son caractère massif. Le fait que le phénomène MOOC
n’émerge pas de la communauté historique en FOAD est
probablement une des causes de la difficulté à cerner cet objet
avec les concepts propres au domaine des dispositifs médiatisés de
formation.
Bien qu’elle se base sur des travaux précédents, la
caractérisation obtenue dans cette recherche se heurte à deux
limites que les recherches futures devront dépasser. La première
est qu’elle se base sur la littérature du domaine mais demanderait
à être confirmée par une analyse de l’existant,
qualitative et quantitative, de façon à vérifier la
pertinence et la capacité discriminante de la caractérisation.
Nous avions choisi le parti de la caractérisation sur le postulat que le
dispositif était trop récent pour que des types distincts soient
facilement identifiables, mais il est tout à fait possible que
l’analyse de l’existant permette de faire émerger des types
(voire des prototypes) de MOOC à partir d’une ou deux dimensions.
Par exemple, on peut imaginer que les MOOC d’introduction à un
sujet pour un public de non-spécialistes soient d’un type
très différent sur les dimensions identifiées que les MOOC
de spécialisation pour un public qualifié. La deuxième
limite de ce travail est l’absence de réelle validation
heuristique, dans la mesure où la grille n’a été mise
à l’épreuve que sur un nombre restreint de MOOC et qui plus
est sur la base des informations de description du cours et non d’une
analyse du dispositif réel. Or le recours à des plateformes, dont
la logique sous-jacente d’industrialisation mène à
l’uniformisation des MOOC proposés, rend difficile
l’identification des choix d’ingénierie spécifiques.
Par exemple, chaque cours hébergé sur la plateforme Coursera
dispose, à la suite de la description du cours, d’une rubrique
intitulée « Comment cela fonctionne ». Cette rubrique
donne des informations sur les différentes modalités
d’évaluation possibles, mais il n’est pas
précisé que cette rubrique est commune à tous les cours,
quels que soient les choix en matière d’évaluation. Cet
entremêlement d’informations générales à la
plateforme de distribution et d’informations spécifiques à
chaque cours peut donc prêter à confusion.
Comme le proposent Ploetzner et Lowe (Ploetzner et Lowe, 2012),
une caractérisation offre deux intérêts. Le premier est
à visée descriptive : la caractérisation permet de
situer les MOOC sur les dimensions classiques de la FOAD afin de mieux
identifier, d’une part, leurs caractéristiques propres et,
d’autre, part la variabilité des paramètres,
ébauchée dans cet article au travers de l’analyse de
plusieurs MOOC. Ainsi, la recherche sur les MOOC peut avancer de façon
cumulative en indiquant les paramètres des cours étudiés
sur les dimensions jugées pertinentes, permettant une
généralisation raisonnée des résultats aux
dispositifs possédant les mêmes caractéristiques. Le
deuxième intérêt est à visée
explicative : la caractérisation permet de mener des analyses sur
l’effet des caractéristiques identifiées sur les
perceptions, stratégies, résultats des apprenants, que ce soit de
manière qualitative au moyen de méthodes compréhensives, ou
de façon quantitative, en explorant un grand nombre de MOOC dont les
caractéristiques varient sur une ou deux dimensions. À cet
égard, le fait de se concentrer sur les dimensions
d’ingénierie pédagogique oriente l’usage potentiel de
cette caractérisation vers une meilleure connaissance des interactions
entre l’ingénierie du dispositif MOOC et le résultat de son
actualisation. Les recherches futures s’orientent donc dans deux
directions : la précision des dimensions retenues sur la base
d’une analyse plus approfondie des dispositifs MOOC et leur validation
heuristique au moyen d’une analyse typologique sur un échantillon
plus large.
De nombreuses perspectives sont donc ouvertes sur le sujet des MOOC, au
départ considéré par beaucoup comme un
phénomène de mode éphémère, mais qui pourrait
au final rendre de grands services à la recherche sur la FOAD en
remettant au centre du débat des questions liées à
l’interaction entre l’ingénierie des dispositifs et les
processus d’enseignement et d’apprentissage. Un deuxième
effet collatéral positif est d’inciter les universités
« traditionnelles » à investir du côté
du numérique pour leurs étudiants (Mangenot, 2014).
En offrant des dimensions de description et d’analyse
transférables, les initiatives telles que la caractérisation
proposée dans cet article permettent de fournir des outils de discussion
scientifique et de documenter les choix stratégiques.
À
propos des auteurs
Giulia Ortoleva est adjointe scientifique à la
faculté de psychologie et de sciences de l’éducation de
l’Université de Genève. Elle a obtenu un doctorat en
Sciences de l’éducation en 2015 à l’Université
de Genève. Ses recherches portent sur les dispositifs numériques
de formation, leur conception, leurs usages et leurs effets sur les
apprentissages. Dans sa thèse de doctorat, Giulia Ortoleva a mis en
œuvre un dispositif numérique d’écriture participative
dans la formation professionnelle initiale dont elle a étudié,
dans une série d’itération, les processus
d’appropriation par les acteurs du dispositif ainsi que les effets
sur l’évolution des connaissances et du sentiment
d’efficacité personnelle des étudiants.
Adresse : TECFA-FPSE, Université
de Genève, Pont d’Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse
Courriel : Giulia.Ortoleva@unige.ch
Toile : http://tecfa.unige.ch/perso/ortolev0/Home.html
Claire Peltier est chargée d’enseignement
à Genève et à Fribourg et chercheuse associée
à TECFA. Sa thèse de doctorat, soutenue en juin 2016 à
l'Université de Genève, portait sur la construction des usages des
technologies (des représentations à l'appropriation) chez des
enseignants du supérieur. Ses intérêts d'enseignement et de
recherche portent sur les pratiques d'enseignement et d'apprentissage
médiatisés et, plus spécifiquement, sur l'impact de l'usage
des technologies sur différentes dimensions du comportement humain, quel
que soit le contexte de formation. Elle aborde ces questions sous un angle de
vue pluridisciplinaire : celui des sciences de l'éducation, des
sciences de la communication, de la psychologie cognitive ou encore de la
sociologie des usages.
Adresse : TECFA-FPSE, Université
de Genève, Pont d’Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse
Courriel : Claire.Peltier@unige.ch
Toile : http://tecfa.unige.ch/perso/peltier/
Mireille Bétrancourt est professeur en sciences de
l’information et processus d’apprentissage à la
faculté de psychologie et de sciences de l’éducation de
l’Université de Genève, où elle dirige
l’unité académique TECFA (Technologies de Formation et
d’Apprentissage). Ses recherches actuelles portent sur deux axes. Le
premier axe étudie l’impact de facteurs de conception des
ressources numériques pédagogiques (multimédia,
logiciels éducatifs, rééducation) sur les processus
d’apprentissage dans une perspective cognitive et ergonomique. Le
deuxième axe explore les usages des technologies numériques dans
des situations de formation et d’enseignement, en documentant leurs effets
(perçus et observables) et leur appropriation par les acteurs.
Adresse : TECFA-FPSE, Université
de Genève, Pont d’Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse
Courriel : Mireille.Betrancourt@unige.ch
Toile : http://tecfa.unige.ch/perso/mireille/
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Annexe • Description comparative de 4
MOOC
MOOC |
Introduction aux droits de l’Homme (UNIGE) |
Gestion de projet (Centrale Lille) |
Functional Programming Principles in Scala (EPFL) |
Writing in English at university
(Lund University) |
Temporalité |
|
|
|
|
Début du cours |
Date fixe |
Date fixe |
Date fixe |
Date fixe |
Durée |
6 semaines |
4-6 semaines |
6 semaines |
6 semaines |
Objectifs d’apprentissage |
Connaissances générales |
Compétences spécifiques au sujet traité |
Connaissances et compétences spécifiques au sujet
traité |
Connaissances et compétences spécifiques |
Public |
|
|
Avancé
( prérequis nécessaires) |
Etudiants débutants |
Collaboration entre pairs |
Pas de scénarisation
Encouragement à participer à des forums de discussion |
Parcours classique : pas de scénarisationParcours
avancé : évaluation par les pairs Parcours par
équipe : production de groupe |
Pas de scénarisation
Encouragement à solliciter l’aide des pairs dans les forums |
Encouragement à se présenter dans le forum et échanger
avec les pairs
Evaluation par les pairs proposée en première semaine |
Parcours d’apprentissage |
Ordre à suivre mais contenus toujours accessibles |
Ordre à suivre, plus 2 thèmes d’approfondissement
Trois modalités de parcours : classique, avancé, par
équipe |
Ordre à suivre mais contenus toujours accessibles |
Modules à suivre dans l’ordre souhaité |
Activité d’apprentissage |
Vidéos
Quiz
Lectures |
Vidéos
Quiz
Parcours classique :
Réponses aux questions hebdomadaires dans le forum
Parcours avancé : études de cas
Parcours par équipe : projet collectif |
Vidéos
Bibliographie de ressources Tutoriels d’installation de logiciels
Exercices de programmation
Quiz d’auto-évaluation formative |
Vidéos
Lectures
Bibliographie de ressources
Complétion de quiz thématiques
Discussions autour de questions thématiques
Activités réflexives |
Tutorat |
Modérateur répond aux questions dans les forums |
Tuteur conduit des sessions synchrones de questions-réponses
Référent accompagne les groupes |
Modérateur répond aux questions dans les forums
Les pairs sont aussi encouragés à répondre dans le
forum |
Modérateur répond aux questions dans les forums |
Évaluation |
Evaluation sommative (80% de réussite) |
Evaluation sommative |
Evaluation sommative. Tous les devoirs de programmation doivent être
réussis.
Présence d’outils d’auto-évaluation |
Exercices d’évaluation facultatifs
|
Certification |
Certification payante |
Parcours classique et avancé : Certification payante |
Certification payante |
Aucune certification n’est délivrée |
Fonctions médiatisées par les technologies |
Gestion |
Inscription, traces d’activités |
Inscription, traces d’activités |
Inscription, traces d’activités |
Inscription, traces d’activités |
Information |
Contenus médiatisés |
Contenus médiatisés |
Contenus médiatisés |
Contenus médiatisés |
Evaluation |
Quiz |
Quiz |
Exercices de programmation en ligne, quiz, test
d’auto-évaluation |
Quiz, évaluation par les pairs, activités
auto-réflexives |
Interactionsociale |
Forums (usage non scénarisé) |
Forums (usage non scénarisé) |
Forums (usage non scénarisé) |
Discussions thématiques dans les forums |
Soutien et accompagnment |
Forums (accompagnement réactif) |
Forums (accompagnement proactif et réactif) |
Forums (accompagnement réactif) |
Forums (accompagnement réactif) |
Production |
|
Parcours classique : Réponses aux questions hebdomadaires
posées par le tuteur
Parcours avancé : études de cas
Parcours par équipe : projet collectif |
Exercices de programmation en ligne |
Rédaction de textes |
Awareness |
|
Incitations à l’échange entre pairs, présence du
tuteur |
|
|
1 Il convient de préciser
que la typologie dont il est question ici (typologie Hy-Sup) n’est pas
propre aux MOOC mais concerne les dispositifs hybrides de formation. Ce
modèle présente toutefois des éléments
intéressants susceptibles d’éclairer le questionnement
relatif aux MOOC et à leur description. C’est le cas
également de l’étude de (Jézégou, 2010) qui porte plus spécifiquement sur la notion de présence dans les
dispositifs e-learning.
2 Une certification
réservée aux étudiants habitant un « pays
émergent » est également proposée,
délivrée par l’Agence universitaire pour la francophonie
(AUF), après réussite de l’examen passé dans
l’un des centres d’examens de l’AUF relatif aux parcours
classique ou avancé.
3 Définie comme les
« pratiques de conception et d’élaboration d’un
média à visée didactique » (Alava, 2008, p. 31).
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