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Développer des compétences de conceptualisation
et d’analyse avec un forum de discussion et un etherpad
Gaëtan TEMPERMAN, Sébastien WALGRAEVE, Bruno DE LIEVRE (DESTE,
UMons), Karim BOUMAZGUIDA (CFPU, UMons)
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RÉSUMÉ : Dans
cette contribution, nous évaluons l’efficacité d’un
environnement d’apprentissage collaboratif composé d’un forum
de discussion et d’un etherpad dans un contexte de formation
universitaire. Le scénario pédagogique a pour objet d’amener
les apprenants à développer des compétences de
conceptualisation et d’analyse. Nos analyses multiniveaux tendent à
montrer que les apprenants peuvent développer des compétences de
conceptualisation et d’analyse au travers de tâches
élaboratives qui mobilisent ces outils. Notre analyse du lien entre le
processus d’apprentissage et les gains des apprenants met en
évidence que l’exploitation des traces enregistrées dans ces
espaces est en mesure d’expliquer en partie leurs progressions. Nous
observons que ces facteurs explicatifs peuvent toutefois varier en fonction de
la nature de la tâche proposée aux apprenants.
MOTS CLÉS : Apprentissage
collaboratif médiatisé par ordinateur, Analyse de traces,
Environnement numérique de travail, Pédagogie universitaire. |
Development of conceptual and analytic skills through the combined use of a discussion board and an etherpad |
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ABSTRACT : In
this article, a multilevel analysis approach was used to study the joint use of
a collaborative writing tool (Etherpad) and a discussion forum in a
computer-supported collaborative learning (CSCL) environment dedicated to
practical activities in a university course (1st level). The learning sequence
was designed so as to promote conceptual and analytic skills. The results showed
that learners developed the targeted skills through elaborative tasks during
which the two collaborative tools (Etherpad and forum) were used. Moreover,
thanks to the analysis of traces of tools use in the CSCL environment, we were
able to identify the process variables that partly explained the learning
progress. We observed that these explanatory factors can, however, vary
according to the nature of the task.
KEYWORDS : Computer-Supported
Collaborative Learning (CSCL), Track Analysis, Learning analytics, Virtual
Work Environment, University Pedagogy. |
1. Introduction
Actuellement, un relatif consensus existe dans la
littérature pédagogique autour de l’idée qu’un
environnement d’apprentissage collaboratif qu’il soit à
distance ou en présentiel doit permettre d’amener les apprenants
à produire quelque chose de nouveau à partir d’un contenu
traité dans la séquence pédagogique. Pour assurer la
gestion des tâches élaboratives, les apprenants doivent disposer
d’outils de communication leur permettant d’échanger
d’une part et d’outils de structuration leur donnant la
possibilité d’organiser les éléments discutés
dans une nouvelle structure d’autre part.
Si un certain nombre d’études ont questionné
l’apport des usages pédagogiques de ces deux types d’outils
de manière indépendante, peu de recherches à notre
connaissance ont pris en considération pour l’instant
l’interaction entre ceux-ci et les ont mis en relation avec le
développement de compétences ciblées par le dispositif.
Pour y parvenir, notre contribution exploite et analyse les traces
d’activités de communication et de structuration des apprenants
enregistrées dans un environnement d’apprentissage collaboratif.
Celui-ci a pour objectif d’amener les apprenants à
développer deux compétences différentes sur le plan
cognitif : la conceptualisation et l’analyse.
Pour guider la mise en œuvre et l’analyse des résultats de
cette expérimentation, nous examinons tout d’abord la
littérature en distinguant d’une part, les apports
pédagogiques des outils de communication et d’autre part, ceux
issus des outils de structuration.
2. Usages pédagogiques des outils de communication
Pour (Baker, 2002),
l’attribution de tâches à une équipe ne garantit en
rien le développement de comportements collaboratifs et des interactions
productives. Il est indispensable de développer des systèmes de
communication efficaces et adaptés à la tâche pour supporter
la collaboration. Bien que l’élaboration d’un accord puisse
paraître plus efficiente dans une situation orale que dans une situation
écrite, le passage à l’écrit donne la
possibilité à l’apprenant d’avoir une attitude
réflexive par rapport à la situation de communication. (Crinon, 2010, p.17) exprime parfaitement ce bénéfice sur le plan cognitif :
« Communiquer par écrit signifie qu’on ne
bénéficie pas de la rétroaction immédiate de son
interlocuteur et de la régulation que constituent ses réactions et
ses questions éventuelles. L’écrit induit donc un effort
cognitif supplémentaire pour expliquer ses références hors
de la situation d’énonciation, pour construire avec des mots le
monde de référence lui-même. » Lors de la
communication écrite, les coûts de production et de formulation du
message sont évidemment plus élevés. Dans la mesure
où les tâches portent sur l’argumentation, les environnements
d’apprentissage collaboratif à distance privilégient les
outils basés sur une communication écrite comme le forum de
discussion.
Sur le plan organisationnel, cet outil asynchrone se structure
généralement sur deux niveaux : les sujets et les messages.
Le premier niveau de lecture est constitué par une liste des sujets
édités autour de thèmes précis ou de questions
spécifiques. Les messages affichés dans l’ordre
chronologique à l’intérieur des sujets constituent le second
niveau de lecture du forum. L’espace de communication se structure donc
progressivement en subdivisant en sous-espaces au gré de
l’évolution de la conversation. Pour (Weinberger et al., 2005) et (Brooks et Jeong, 2006),
la structuration par fils de discussion se révèle d’ailleurs
être une voie intéressante pour étayer une tâche
argumentative. Ces différents auteurs mettent ainsi en évidence
que l’implémentation de fils de discussion au sein d’un forum
permet de favoriser l’émergence d’un débat et
d’interactions propices au partage de points de vue entre apprenants.
Cette démarche constitue en quelque sorte une modalité de guidance
permettant aux étudiants de se focaliser sur les points importants de la
discussion à initier et évite par la même occasion que les
apprenants ne s’écartent de la tâche proposée. Cette
organisation offre la possibilité de faire apparaître rapidement
les différentes relations établies entre les messages (questions,
réponses, demandes, précisions, etc.).
Au niveau du contenu des échanges, (Erkens et Janssen, 2008) ainsi que (Dillenbourg et al., 2007) mettent clairement en avant que le développement de compétences
dans ces espaces de discussion est lié à l’émergence
d’échanges élaborés qui s’appuient sur une
argumentation et une mobilisation des concepts issus du contenu du cours. Ces
résultats confirment les conclusions de (Tapiero, 2007) qui mentionnent que la production d’un texte argumenté,
c’est-à-dire dont les idées s’enchaînent
correctement, est liée positivement à la compréhension du
domaine de ce dernier dans la mesure où les articulations logiques
facilitent l’ancrage des connaissances. Selon le principe de
transactivité, cette démarche se renforce dans le sens où
une participation régulière indique une prise en compte de
l’intervention des partenaires et un travail en fonction de
l’évolution de la production collective (Quintin et Masperi, 2006).
L’espace de communication se révèle être un outil
particulièrement adapté pour recueillir les avis divergents des
apprenants et résoudre un problème ouvert (Depover, De Lièvre et Temperman, 2006).
Dans celui-ci, le niveau d’engagement peut cependant être
modulé par le profil initial des apprenants (De Lièvre, Temperman, Decamps et Depover, 2009) quand on s’intéresse aux styles d’apprentissage liés
à la dimension sociale de l’apprentissage (Grasha, 1996).
Enfin, plusieurs études mentionnent que les apprenants peuvent
parfaitement adapter l’outil de communication en fonction de la
tâche à réaliser. Par exemple, (Temperman, De Lièvre et Depover, 2009) observent qu’une tâche centrée sur la négociation
d’un avis commun entraîne les étudiants contraints à
l’usage du forum à adopter une communication synchrone. En nous
référant aux travaux de (Rabardel, 1995),
nous pouvons considérer que les logiques d’usage mènent
parfois à des adaptations des fonctionnalités offertes au
départ par l’outil et divergent de celles auxquelles les
concepteurs avaient songé. Pour réaliser l’activité
qui demande de se mettre d’accord, une communication en direct
paraît plus adaptée aux apprenants auxquels le forum a
été imposé. Quand il le faut, les apprenants parviennent
donc à compenser les limites de l’outil. Lors de
l’activité collaborative, ils prennent l’option de le
détourner afin qu’il puisse répondre à leurs besoins
et à leurs priorités dans la mise en œuvre de la
communication.
3. Usages pédagogiques des outils de structuration
Parallèlement aux espaces de communication,
il importe de mettre à disposition des espaces capables de soutenir le
processus d’organisation des connaissances et de contribuer à
l’élaboration d’un produit collaboratif. La mise à
disposition d’un espace de structuration se justifie d’un point de
vue constructiviste par le besoin de manipuler des nouvelles
représentations (chaînes argumentatives, liens établis entre
les connaissances...) en vue d’externaliser celles-ci et, de la sorte,
élaborer de nouvelles connaissances (Perkins, 1995).
Différents outils basés sur une logique de partage et de
structuration peuvent ainsi être intégrés dans
l’environnement d’apprentissage. Ces outils sont susceptibles
d’amener les apprenants à adopter des stratégies
d’écriture collaborative qui les amènent à
écrire à plusieurs mains lors de chaque étape du projet. Un
examen théorique de la littérature (Brodahl et Hansen, 2014)(De Wever et al., 2015) montre que les études empiriques relatives aux espaces de structuration
se sont essentiellement centrées sur les effets et les usages du wiki,
lequel induit une modalité de travail asynchrone. Ces recherches tendent
à mettre en évidence un bénéfice de leur usage en
termes d’apprentissage. Une étude comparative menée par (Neumann et Hood, 2009) montre ainsi que les étudiants qui ont pu disposer d’un wiki
s’engagent davantage dans la tâche comparativement à des
étudiants ne disposant pas de l’outil d’écriture
à plusieurs mains. (Mak et Coniam, 2008) mettent également en évidence un impact positif du wiki sur
l’apprentissage. Leur analyse qualitative comparative des contributions
entre une situation d’écriture mobilisant un wiki et une autre sans
le support de l’outil indique que les étudiants aboutissent
à une production de meilleure qualité quand ils disposent de
l’outil, à condition qu’ils adoptent une stratégie
collaborative. À partir d’un plan expérimental de type
prétest/posttest, (Wichadee, 2010) observe que les étudiants progressent significativement dans
l’apprentissage d’une seconde langue à la suite de leur
activité dans le wiki. L’analyse du processus montre que la lecture
et les modifications opérées sur les contributions des pairs pour
améliorer la production rentrent en ligne de compte pour expliquer cette
évolution positive.
En termes de perceptions, les apprenants ont généralement une
opinion positive de l’outil concernant son apport dans le travail
collaboratif et à la qualité de celui-ci (Elgort, Smith et Toland, 2008) (Temperman, De Lièvre et Lenz, 2009).
Ces derniers auteurs mettent également en évidence que le wiki est
particulièrement adapté pour une tâche de synthèse.
Lors de l’intégration de l’outil de mise en commun des
travaux individuels, l’analyse de l’opinion des utilisateurs montre
qu’ils le jugent très positivement comme moyen de structuration.
Ils ont toutefois une perception négative des fonctionnalités de
suivi comme l’historique, qui s’avère difficile à
utiliser pour visualiser les changements récents dans
l’environnement d’édition. Cette observation peut
s’expliquer par le fait qu’il s’agissait pour les apprenants
d’une première expérience avec un outil
d’écriture à plusieurs mains. Il apparaît donc
important de guider la découverte de ces environnements à
l’aide de tutoriels ou de manipulations préalables à la
tâche d’apprentissage. Dans cette même étude, les
analyses au niveau du processus montrent également la
complémentarité indispensable du wiki avec un outil de
communication permettant de coordonner l’activité collaborative
dans l’espace de travail. Leur observation est cohérente avec
l’étude de (Dillenbourg et Traum, 2006).
Ces auteurs montrent que les apprenants utilisent de manière
complémentaire l’outil de structuration à leur disposition
(un tableau blanc) et l’outil de communication (chat) en fonction du type
d’informations qu’ils souhaitent partager. Ils utilisent davantage
le tableau blanc pour échanger des informations qui peuvent correspondre
à des inférences issues de leur traitement de l’information,
et la messagerie instantanée pour des informations plus explicites.
À l’occasion d’une étude exploratoire, (Elgort, Smith et Toland, 2008) rapportent que les étudiants estiment qu’un espace de type wiki
favorise l’organisation de l’information ainsi que le partage des
connaissances. Ils indiquent par ailleurs que l’outil favorise la
responsabilisation et la participation de l’ensemble des membres du
groupe. Pour les enseignants, l’outil facilite l’identification des
apports de chacun à la résolution de la tâche
proposée, objectivable à partir de l’exploitation des traces
informatiques.
D’autres études apportent des informations relatives aux
conditions d’intégration du wiki. (Wang et al., 2005) observent ainsi dans un contexte d’apprentissage des langues que les
étudiants qui éditent de manière importante dans le wiki
aboutissent à des résultats moins élevés. Pour
expliquer ce résultat, les auteurs avancent comme hypothèse que
l’outil de structuration doit être lié aux objectifs
fixés par le cours et à la nature de la tâche
proposée. Ce résultat corrobore l’étude de (Bower, Woo, Roberts et Watters, 2006) qui montre, sur la base du déploiement de wikis dans deux contextes
différents (projet vs jeu de questions-réponses), que les
apprenants ont une perception plus positive de son usage quand l’outil est
mobilisé pour réaliser une tâche authentique dans le cadre
d’un développement de projet de groupe. De manière
concordante, (De Wever et al., 2015) mettent en avant que le potentiel du wiki est lié à la
présence d’un script qui structure la collaboration dans
l’espace d’édition. Les étudiants
bénéficiant d’un script de collaboration ont ainsi un
degré de responsabilité partagée perçue plus
élevée que ceux n’en disposant pas. (Raman, Ryan et Olfman, 2005) ainsi que (Engstrom et Jewett, 2005) montrent également que l’usage d’un wiki dans un contexte
réel nécessite une formation préalable des apprenants pour
que ceux-ci puissent en retirer des bénéfices en matière
d’apprentissage. Lors de l’examen de la relation entre le processus
et l’activité dans le wiki objectivée par le nombre de
modifications réalisées, (Laru, Näykki et Järvelä, 2012) montrent que l’usage d’un wiki pour réaliser
différentes tâches d’écriture a un effet significatif
sur les progrès individuels dans le développement des
compétences ciblées.
Concernant les outils permettant également l’écriture
collaborative synchrone comme les services Etherpad (Greenspan, Aaaron et Zamfirescu-Pereira, 2009) ou Google Drive, peu d’études sont disponibles dans la
littérature en termes d’analyse d’usages. À partir
d’une étude par questionnaires, (Brodahl et Hansen, 2014) mettent en avant l’importance d’offrir aux apprenants des espaces de
communication pour échanger à propos du contenu de la production
et pour coordonner le processus d’écriture.
À partir de cet examen théorique de la littérature, nous
pouvons mettre en avant que les résultats de ces différentes
études relatives à l’usage des outils de structuration dans
un contexte d’apprentissage concordent avec le modèle
d’acceptabilité d’un outil technologique (Tricot et al., 2003).
L’utilité et l’utilisabilité perçues
constituent en effet des variables-clefs à prendre en compte lors de la
sélection d’outils de structuration comme le wiki dans un
environnement d’apprentissage collaboratif. L’utilisabilité
du wiki est probablement moins évidente qu’un outil de
communication comme le forum ou le chat, par le simple fait que son usage est
moins fréquent en dehors du contexte académique. En ce qui
concerne l’utilité, les études de (Wang et al., 2005) et (Bower et al., 2006) tendent à montrer que la pertinence de l’outil est plutôt
liée à la nature des compétences à
développer.
Notre revue de la littérature permet en outre de mettre en
évidence que peu d’études en contexte réel
d’apprentissage ont investigué la question de l’usage
combiné des outils de communication et de structuration sur
l’apprentissage, cette absence peut s’expliquer sans doute par la
récence de la diffusion et de l’utilisation de ces technologies
d’édition collaborative. Il nous semble donc pertinent de traiter
cette problématique en apportant quelques éléments de
réponse aux effets d’interaction entre un outil permettant de
structurer à la fois les connaissances de manière synchrone ou
asynchrone et un outil de communication comme le forum de discussion. Cette
interrogation nous a conduits à développer et évaluer un
environnement d’apprentissage organisant l’activité
collaborative à partir d’un Etherpad et d’un forum de
discussion.
À partir de cet examen théorique de la littérature, nous
formulons deux hypothèses de départ. La première est que
les tâches d’élaboration à l’aide des outils de
communication et de structuration facilitent le développement de
compétences en conceptualisation et en analyse. La seconde est que
l’exploitation des traces dans ces espaces doit permettre
d’expliquer en partie ce développement de compétences.
4. L’environnement d’apprentissage collaboratif
Le contexte de notre étude est celui de
travaux pratiques organisés à distance pour des étudiants
universitaires dans le cadre d’un cours d’introduction à la
pédagogie. Le scénario d’apprentissage se compose de deux
tâches collaboratives distinctes : une tâche de conceptualisation
organisée sur quatre semaines et une activité d’analyse se
déroulant sur trois semaines.
Durant la tâche de conceptualisation, les apprenants réalisent
des comparaisons, avec des liens d’opposition ou de similitude, entre les
différents concepts théoriques du cours. Cette activité de
conceptualisation se structure en trois sous-tâches. Chacune d’entre
elles se décompose en huit énoncés. La première
sous-tâche (T1) des étudiants constitue un problème
fermé, car les liens d’opposition ou de similitude sont
déjà explicités. Ils doivent alors retrouver les deux
concepts du cours associés dans ces comparaisons (par exemple :
identifier deux concepts qui s’opposent en termes
d’évaluation). À l’occasion de la deuxième
sous-tâche (T2), ils continuent à être guidés par la
mise à disposition des concepts appropriés à une
comparaison. Ils sont alors amenés à les comparer afin d’en
dégager les points communs et les différences (par exemple :
comparer le raisonnement inductif et le raisonnement déductif). La
dernière sous-tâche (T3) leur demande d’identifier
eux-mêmes d’autres concepts associés qu’ils devront
à leur tour comparer (consigne donnée aux étudiants :
trouver d’autres associations pertinentes à comparer dans le
glossaire du cours).
La tâche d’analyse demande d’identifier ces concepts dans
trois études de cas et de justifier leurs choix. Elle s’articule en
trois sous-tâches qui se déclinent en quinze énoncés
chacune. Pour la réalisation de la première tâche (T4),
l’identification est facilitée par une mise en évidence de
passages pertinents dans la première étude de cas (surlignements
en couleurs). Les étudiants doivent alors seulement identifier les
concepts se trouvant dans les phrases surlignées dans la première
situation de classe. À l’occasion de la deuxième tâche
(T5), la démarche de recherche s’inverse : les concepts sont
imposés et les étudiants sont amenés à retrouver les
phrases qui y sont associées. Lors de la troisième tâche
(T6), c’est à eux de déterminer et de situer les concepts
les plus pertinents mis en œuvre.
Lors de la réalisation des deux tâches (conceptualisation et
analyse), les apprenants évoluent de la pensée convergente vers la
pensée divergente. Elles les amènent en effet à traiter
dans un premier temps un problème fermé et par la suite des
problèmes de plus en plus ouverts. Chaque groupe collaboratif se compose
de 5 étudiants. Afin d’assurer le travail collaboratif, les
étudiants bénéficient dans l’environnement
d’apprentissage mis en place sur la plate-forme
« Moodle » d’un forum de discussion et d’un
Etherpad.
Le forum, structuré par « arborescence », développe
une hiérarchie selon laquelle chaque message est vu par les utilisateurs
comme une réponse à un message précédemment
posté, ce qui donne lieu à plusieurs niveaux de réponses.
Au départ, l’espace de communication est vide de contenu. Les
étudiants ont donc l’opportunité de structurer librement
leur forum en créant de nouveaux fils de discussion en fonction de
l’organisation qu’ils choisissent pour traiter les différents
problèmes.
L’Etherpad est un éditeur de texte qui permet aux utilisateurs
de mettre à jour simultanément un document, et fournit un
historique sous la forme de « ligne du temps », ce qui rend
possible l’observation de l’évolution d’un document.
L’espace d’édition permet également d’identifier
la contribution de chaque auteur par un surlignement de couleur
différente (voir figure 1). Parallèlement à la zone
d’édition, les utilisateurs disposent d’une zone de chat
permettant d’interagir de manière synchrone avec les
différents membres du groupe qui visualisent le texte. D’un point
de vue pédagogique, l’Etherpad est préstructuré par
l’enseignant avec les énoncés des situations
problèmes posés de manière à guider le processus de
recherche des apprenants (voir description des tâches proposées).
Les énoncés ont été écrits directement dans
l’Etherpad afin que les étudiants puissent facilement s'y
familiariser et y formuler leurs solutions. Enfin, une consigne précise
aux apprenants d’utiliser l’environnement d’apprentissage mis
à leur disposition tout en mentionnant que l’évaluation de
ce travail pratique portera à la fois sur la qualité des
échanges qui auront lieu dans le forum et sur les différentes
productions attendues dans l’Etherpad.
Figure 1 • Etherpad d’une
équipe
En termes d’encadrement, les étudiants ont
l’opportunité de poser leurs questions à un tuteur en
publiant un message dans leur forum d’équipe via un fil de
discussion dédié. Ce mode d’intervention tutorale peut
être qualifié de réactif (De Lièvre, Depover et Dillenbourg, 2006).
5. Méthodologie
L’échantillon considéré se
compose de 160 apprenants (N=160) répartis dans 32 groupes collaboratifs
(5 membres par groupe). Les individus ont été
intégrés de manière aléatoire dans ces
différents groupes.
Avec la mise en oeuvre d’un environnement collaboratif, on peut
évidemment espérer améliorer la qualité de
l’apprentissage individuel à partir d’interactions
productives entre les individus. Il importe donc également
d’évaluer la valeur ajoutée du dispositif en termes de
développement de compétences. Nous allons par conséquent
consacrer une première partie de notre analyse à la progression
des apprenants dans la maîtrise des deux compétences
ciblées. Pour apprécier les effets au niveau des performances
individuelles, nous avons eu recours à un plan d’observations qui
s’appuie sur un prétest et un posttest équivalents,
évaluant le niveau des individus en ce qui concerne leurs
compétences de conceptualisation et d’analyse. Ce dispositif
« pré-post » nous donne ainsi la possibilité
de calculer un gain relatif. Cette évaluation du gain réel
pondéré par le gain maximum qui est possible permet de mesurer
l’efficacité intrinsèque du dispositif. Le tableau 1
présente les deux formules à considérer en fonction de la
comparaison préalable entre le prétest et le posttest. Le calcul
du gain relatif est possible à la condition que le score au
prétest soit inférieur ou égal au score du posttest. Si le
score au prétest est supérieur au posttest, alors il convient de
calculer une perte relative.
Tableau 1 • Formules pour évaluer
la progression individuelle
De manière à disposer d’un outil
d’évaluation fiable, nous avons évalué le pouvoir
discriminant des questions, en utilisant un coefficient de corrélation
entre le score obtenu à l’item et le score total obtenu au test. Le
score obtenu à une question à choix multiples étant une
variable dichotomique (la note est 0 ou 1), on utilise un coefficient de
corrélation r point bisérial. Pour satisfaire à cette
analyse, les questions doivent obtenir une corrélation supérieure
ou égale à 0,4 (Laveault et Grégoire, 2002).
À la suite de cette procédure, nous avons retenu huit items sur
les 10 items initiaux pour la partie conceptualisation et quatorze items sur les
20 items proposés au départ pour la partie analytique.
Pour ce qui est des variables du processus, nous exploitons les traces
d’activités dans le forum de discussion et dans l’Etherpad
laissées par les apprenants au cours de la réalisation des
tâches. D’un point de vue informatique, nous avons
récupéré les traces d’activités dans le forum
à partir de requêtes dans la base de données SQL pour une
exportation des données obtenues dans un tableur. Pour l’etherpad,
nous avons utilisé l’historique disponible dans l’espace
d’édition de chaque équipe.
En ce qui concerne l’usage du forum de discussion, nous avons pris en
considération différents indicateurs complémentaires
susceptibles d’influencer la progression des apprenants. Nous nous
appuyons ainsi sur l’implication et sur l’assiduité des
apprenants dans les échanges (Jaillet, 2005).
L’assiduité des apprenants correspond au nombre total de jours
durant lesquels un message au moins a été déposé par
l’étudiant (Quintin, 2008).
Cet indicateur est exprimé en pourcentages. L’indice de
collaboration est obtenu à partir du degré
d’interactivité, en référence à (Quintin et Masperi, 2006, p.20) qui déterminent « qu’il y a interaction lorsque, dans
l'élaboration du discours commun, un locuteur tient compte d'un message
précédent pour élaborer son intervention ». Nous
avons donc considéré une variable permettant de rendre compte de
la façon dont les étudiants se répondent les uns aux
autres. Pour décrire cette interactivité, nous utilisons le nombre
de messages en réponse à des messages antérieurement
postés par d’autres membres. Le nombre moyen de réponses
fournies par membre nous a permis d’évaluer la proportion des
réponses par rapport aux autres membres de l’équipe. Cette
« interactivité par rapport au groupe » permet
d’objectiver l’implication effective de l’apprenant en
relation avec l’engagement global de ses partenaires. Pour
apprécier l’équilibre de l’engagement, nous avons eu
recours à un coefficient de Gini afin de comparer les
inégalités de distributions entre les groupes. Ce coefficient de
concentration est une mesure d’inégalité de la distribution
associée à la courbe de Lorenz. Prenons l’exemple au niveau
de la participation (nombre de messages). Pour chaque groupe, la
déviation de chaque membre par rapport à une participation
égale est calculée. La somme est ensuite divisée par la
déviation maximale possible de cette valeur. Le coefficient de Gini peut
prendre une valeur de 0 (si tous les étudiants postent le même
nombre de messages) à 1 (si un étudiant poste tous les messages
alors que ses partenaires n’en postent aucun). Si une moitié du
groupe ne poste pas de messages et l’autre poste tous les messages,
l’indice de Gini sera égal à .50. Un coefficient de Gini
faible (proche de 0) correspond donc à un groupe où il y a un
équilibre des échanges. À l’inverse, un coefficient
de Gini élevé pourra être associé à un groupe
où les comportements sont plutôt asymétriques. Dans le cadre
de notre étude, nous avons fait le choix d’utiliser cet indice, car
il permet de comparer l’inégalité de distributions sur des
échelles différentes (Janssen et al., 2011).
Le coefficient de Gini (Gi) se calcule à l’aide de la formule
décrite à la figure 2 où n est le nombre d’individus,
y est la variable associée à chaque individu pour i allant de 1
à n.
Figure 2 •
Calcul du coefficient de gini
Parallèlement à ces informations quantitatives, nous avons
réalisé une analyse de contenu en prenant en compte deux variables
lexicométriques. La première détermine le nombre de
concepts différents du cours utilisés dans les messages qui permet
d’objectiver la couverture du domaine de connaissances par les apprenants.
Afin d’analyser l’argumentation qui prend place dans les
interactions, nous avons utilisé la même procédure afin de
comptabiliser le nombre d’occurrences de certains mots charnières
argumentatifs. Ces mots correspondent à une relation de causalité
(par exemple : parce que), de conséquence (par exemple : donc),
d’opposition (par exemple : mais) et d’addition (par
exemple : de plus). Le recueil des traces issues du forum de discussion a
été envisagé à l’aide d’une
requête sur la base de données SQL et l’importation de ces
données dans une feuille de calcul sous Excel (Konstantidinis et Grafton, 2013).
L’intégration des données brutes dans un tableur nous donne
ainsi la possibilité à l’aide de différentes macros
d’obtenir nos différentes variables relatives au processus
d’apprentissage de manière automatique.
Concernant l’usage de l’Etherpad, nous avons également
pris en compte des indicateurs d’assiduité et d’implication.
L’assiduité à l’Etherpad a été
évaluée à l’aide de l’historique des
modifications. Elle a été obtenue en calculant la
différence entre la dernière date de modification et celle
où il a été modifié au niveau de son contenu. Les
essais réalisés par les étudiants pour tester l’outil
de structuration n’ont pas été pris en compte. La variable
utilisée peut être définie comme le nombre de jours pendant
lesquels l’Etherpad a été utilisé. Compte tenu de la
nature des traces recueillies, nous avons calculé cette variable au
niveau du groupe. Afin d’évaluer le niveau d’implication,
nous avons calculé les pourcentages de contribution entre les membres du
groupe dans l’éditeur de texte. Au niveau des échanges
synchrones, nous avons comptabilisé le nombre de messages dans le chat
proposé dans l’espace d’édition.
Complémentairement, nous avons d’un point de vue quantitatif
considéré un indice de collaboration à partir des traces
des surlignements colorés permettant d’identifier les contributions
individuelles des apprenants. Afin de nous assurer qu’ils ont
effectivement collaboré, nous avons observé le nombre
d’énoncés édités par deux collaborateurs ou
plus. Un énoncé comportant au moins deux couleurs peut ainsi
être caractérisé comme « collaboratif ».
Ce nombre d’énoncés édités de manière
collaborative varie de 0 à 24 pour la tâche de conceptualisation et
de 0 à 45 pour la tâche d’analyse. Afin
d’établir un indice de collaboration comparable, nous avons
converti ce nombre d’énoncés en pourcentages. Sur le plan
qualitatif, nous avons également observé à partir
d’une analyse lexicométrique la couverture du contenu dans
l’Etherpad et le degré d’argumentation par individu.
En nous appuyant sur l’ensemble des variables que nous venons de
décrire (progression et processus), nous apporterons des
éléments de réponse aux trois questions de recherche
suivantes en lien avec nos deux hypothèses de départ. La
première question est en lien avec notre première
hypothèse. La deuxième question et la troisième question
sont liées à notre deuxième hypothèse.
Question 1 : Quelle est la progression des apprenants dans la
maîtrise des deux compétences ciblées ?
Question 2 : Comment les apprenants utilisent-ils l’Etherpad et le
forum de discussion mis à leur disposition dans l’environnement
d’apprentissage ?
Question 3 : Quelles sont les variables issues du processus
d’apprentissage dans le forum de discussion et dans l’éditeur
de texte qui expliquent le développement des deux compétences ?
D’un point de vue statistique, les unités d’observation
considérées dans notre étude portent à la fois sur
l’apprenant individuel et considèrent également les groupes
collaboratifs dans lesquels chaque apprenant évolue et apprend. Dans
notre contexte, l’usage de modèles multiniveaux se justifie par le
fait que le processus de chaque individu n’est pas indépendant lors
d’une situation d’apprentissage collaboratif (Janssen et al., 2011).
Il existe en effet une importante source de variation liée au groupe qui
s’explique par l’effet de l’influence mutuelle des apprenants
qui collaborent. Cet effet du groupe rejette le postulat « toute chose
étant égale par ailleurs » permettant d’appliquer
des procédures statistiques avec estimation par les moindres
carrés ordinaires (MCO) comme l’analyse de variance et la
régression multiple. L’application de ces techniques MCO dans une
structure hiérarchisée induit alors des résultats
statistiques erronés. Par exemple, on peut prévoir que des
étudiants qui se retrouvent dans un groupe avec des partenaires
très actifs seront également stimulés à participer
davantage. À l’inverse, les étudiants amenés à
travailler dans un groupe moins participatif auront davantage tendance à
moins s’engager dans l’activité collaborative en raison
d’un mécanisme de comparaison sociale (Michinov et Primois, 2005).
Afin de contourner ce problème d’influence mutuelle, nous avons
fait le choix d’utiliser une approche statistique multiniveaux à
l’aide du logiciel HLM pour traiter les différentes données
recueillies dans l’environnement d’apprentissage (Janssen et al., 2011).
6. Résultats
Pour répondre à nos deux
premières questions de recherche, nous nous appuierons sur trois
indicateurs complémentaires : la moyenne, le coefficient de
variation qui correspond au rapport entre l’écart-type et la
moyenne ainsi que le coefficient de corrélation intraclasse. Ce dernier
coefficient permet d’apprécier le niveau de variabilité
entre les groupes. Il correspond à la dépendance des scores entre
les individus d’un même groupe et donne par conséquent une
estimation du degré de « ressemblance » des
élèves au sein des groupes collaboratifs. D’un point de vue
statistique, il correspond au pourcentage de la variance qui est
attribuée au groupe (deuxième niveau). Il s’obtient à
partir du rapport entre la variance inter-groupe et la variance totale (variance
inter-groupe + variance intra-groupe). Par rapport à cet indice, (Bressoux, 2010) considère que la dépendance par rapport au groupe est faible sous
le seuil de .05.
6.1. Question 1 : Quelle est la progression des apprenants dans la
maîtrise des deux compétences ciblées à la suite
de la réalisation dans l’environnement d’apprentissage ?
La première question a pour objet d’évaluer le gain
d’apprentissage au terme de la séquence pédagogique.
L’examen du tableau 2 met tout d’abord en évidence
l’utilité de l’apprentissage dans la mesure où les
résultats au prétest sont faibles (conceptualisation = 16,25 % et
analyse = 22,01 %). Concernant le développement des compétences,
nous observons ainsi que les apprenants ont une progression moyenne de 29,63 %
en conceptualisation et de 46,34 % en analyse. Une analyse de variance à
mesures répétées entre le prétest et le posttest met
en évidence un développement significatif de la compétence
de conceptualisation (F = 276,37 ; p = 0,000) et de la compétence
d’analyse (F = 363,41 ; p = 0,000).
Tableau 2 • Statistiques descriptives :
progression des apprenants
|
Conceptualisation |
Analyse |
Pré-test |
16,25 % |
22,01% |
Post-test |
42,42 % |
59,69 % |
Gain relatif |
29,63 % |
46,34 % |
Taille d’effet |
1,55 |
1,98 |
CV pré-test |
0,75 |
0,68 |
CV posttest |
0,51 |
0,38 |
Coef Intra-classe |
0,05 |
0,00 |
Avec le calcul d’un gain relatif, nous observons que les apprenants
progressent de manière plus importante (F = 38,666 ; p = 0,000) en
analyse (46,34 %) qu’en conceptualisation (29,63 %). Il y a une
différence de 16,71 % en faveur de l’analyse. En nous
référant à (D’Hainaut, 1975),
un gain relatif supérieur à 30 % peut être
considéré comme une progression importante dans un dispositif de
formation. Si on se réfère à (Hattie, 2009),
cela correspond environ à une taille d’effet supérieur
à 1. Ce développement significatif de compétences de haut
niveau chez les apprenants, observé sur une période courte et avec
un tutorat en mode réactif nous amène à penser que cette
organisation se révèle plutôt efficiente sur le plan
pédagogique. Nous devons toutefois rester prudents par rapport à
ces gains dans la mesure où nous ne pouvons imputer ces
bénéfices au dispositif en l’absence d’un groupe
contrôle.
En termes de dispersion, la lecture des coefficients de variation (CV)
indique clairement que la variabilité des scores diminue entre le
prétest et le posttest. Elle baisse de 24 % pour la partie
conceptualisation (passant de 0,75 à 0,51) et de 30 % pour la
compétence d’analyse (passant de 0,68 à 0,38). Les
apprenants obtiennent des résultats plus homogènes au posttest
qu’au prétest. Parallèlement à
l’efficacité intrinsèque du dispositif, nous pouvons donc
mettre en avant que le dispositif a également un effet positif sur
l’équité. Il y a donc un plus grand partage de
compétences liées à la conceptualisation et à
l’analyse au terme de l’apprentissage.
Enfin, nous constatons à partir des coefficients intraclasses
qu’environ 5 % de la variance du gain en conceptualisation dépend
du groupe auquel l’apprenant appartient alors que le développement
de la compétence d’analyse n’est pas du tout liée
à l’appartenance à un groupe particulier (Ci = 0,00). La
nature de la tâche semble donc moduler l’influence du groupe sur la
progression individuelle.
6.2. Question 2 : Comment les apprenants utilisent-ils le forum de
discussion et l’Etherpad mis à disposition dans leur environnement
d’apprentissage ?
Pour évaluer l’activité dans les deux espaces de travail
(communication et structuration), nous présentons dans un premier temps
les données relatives à l’usage de l’espace de
communication et dans un deuxième temps celles portant sur
l’activité dans l’espace de structuration.
6.2.1. Activités dans l’espace de communication
L’examen du tableau 3 permet de se rendre compte de l’usage du
forum lors des deux tâches proposées dans l’environnement
d’apprentissage : une tâche de conceptualisation et une
tâche d’analyse. Quand la ligne est grisée, cela signifie que
les statistiques concernent le groupe et non l’individu. Dans ce cas, le
coefficient intraclasse n’est pas à considérer.
Au niveau de l’assiduité du forum, nous observons une relative
stabilité entre la tâche de conceptualisation (Moy = 39,28 %) et la
tâche d’analyse (Moy = 40,95 %). En ce qui concerne
l’implication, on constate que les apprenants s’impliquent davantage
lors de la seconde activité. En effet, lors de l’activité 1,
ils ont écrit en moyenne 33,30 messages. Lors de la tâche
d’analyse, ces nombres augmentent. Les apprenants produisent en moyenne 31
% de messages de plus (Moyenne passant de 33,30 à 43,50). L’analyse
du contenu portant sur les mots-clés argumentatifs et les concepts du
cours confirme cette différence au niveau de l’implication. On
constate que les étudiants utilisent, lors de la deuxième
tâche, en moyenne 21 % de mots argumentatifs en plus (F = 4,731 ; p =
0,037). En moyenne, ils utilisent 41,10 concepts différents lors de
l’activité 1 contre 43,70 lors de l’activité 2.
L’examen des coefficients de Gini indique un équilibre dans les
échanges au sein des groupes restreints lors de la tâche de
conceptualisation (coef de Gini moyen = 0,25) et lors de la tâche
d’analyse (coef de Gini moyen = 0,27). Nous pensons que la
structuration du scénario peut expliquer cet engagement homogène
dans la discussion. Nous observons également que la couverture du contenu
est identique, quelle que soit la nature de l’activité. Lors de la
tâche de conceptualisation, il est intéressant d’observer la
relation significative entre l’équilibre des échanges et la
couverture conceptuelle du groupe (r= - 0,455 ; p = 0,000). Un traitement
plus large du contenu proposé semble donc lié à une
homogénéité des échanges dans l’espace de
communication.
Tableau 3 • Statistiques descriptives
relatives à l’usage du forum de discussion
(Moy = Moyenne ,
CV = coefficient de variation, CI = coefficient intra-classe)
|
Tâche de
conceptualisation |
Tâche d’analyse |
Moy |
CV |
CI |
Moy |
CV |
CI |
Niveau d’assiduité (%) |
39,28 |
0,38 |
0,28 |
40,95 |
0,45 |
0,41 |
Nombre total de messages |
33,30 |
0,62 |
0,45 |
43,50 |
0,97 |
0,54 |
Degré de couverture conceptuelle |
41,10 |
0,32 |
0,47 |
43,70 |
0,20 |
0,12 |
Degré d’argumentation |
60,30 |
0,72 |
0,28 |
73,00 |
0,95 |
0,32 |
Indice decollaboration |
12,90 |
0,47 |
0,00 |
11,90 |
0,55 |
0,01 |
Equilibre des contributions (Gini) |
0,25 |
0,41 |
|
0,27 |
0,41 |
|
L’examen des différents coefficients intraclasses est
également instructif. Il montre que le degré de participation
entre les apprenants varie en fonction de l’appartenance à un
groupe spécifique, quelle que soit la tâche proposée. Nous
observons ainsi que le nombre total de messages, le degré
d’assiduité, le degré d’argumentation et le
degré de couverture conceptuelle sont clairement dépendants du
groupe. Notons toutefois que la tâche d’analyse atténue cette
dépendance en ce qui concerne la couverture du contenu. Si la
quantité d’informations partagées varie en fonction du
groupe, nous pouvons également observer que le degré de
collaboration n’est nullement lié à celui-ci. À la
lecture de ces différents résultats, nous pouvons estimer que
l’activité des apprenants dans le forum est relativement importante
(le niveau d’assiduité est proche de 40 %) quelle que soit la
nature de l’activité envisagée. Cette activité reste
relativement stable au cours de la séquence pédagogique.
6.2.2. Activités dans l’espace de structuration
Intéressons-nous à présent aux usages de
l’éditeur collaboratif de texte. Le tableau 4 reprend les
différentes variables retenues pour objectiver son utilisation au cours
des deux activités. Au niveau de l’implication, on remarque que les
étudiants s’impliquent de manière plus homogène dans
l’Etherpad (coef de Gini moyen pour la conceptualisation = 0,16 et coef de
Gini moyen pour l’analyse = 0,18) que dans le forum. Lors de la
tâche de conceptualisation, nous mettons en évidence une
corrélation à la limite de la significativité entre
l’équilibre de l’engagement et la couverture conceptuelle (r
= - 0,339 ; p = 0,057). Cette observation concorde avec le lien similaire
obtenu dans le forum pour la même tâche. On peut considérer
qu’un partage équilibré entraîne un traitement plus
approfondi du contenu à maîtriser. Nous observons par ailleurs que
les indices de collaboration sont peu élevés lors des deux
tâches. Cela signifie que les apprenants ont davantage adopté une
logique coopérative pour éditer la synthèse de leur groupe
et privilégié une démarche de type où chaque
apprenant contribue de manière indépendante à la production
du groupe. Concernant ce degré collaboration, il apparaît
toutefois significativement plus important (F = 7,377 ; p = 0,011) lors de
la tâche de conceptualisation (20,70 %) que lors de la tâche
d’analyse (12,56 %). Une dynamique collaborative différente dans la
zone d’édition partagée peut donc apparaître en
fonction de la nature de la tâche. Ce résultat est cohérent
avec les résultats de (De Wever et al., 2015) qui soulignent l’importance de réfléchir au type de
tâche proposée aux apprenants avec les outils
d’écriture collaborative et à la manière de les
intégrer dans un scénario pédagogique.
Tableau 4 • Statistiques descriptives relatives
à l’usage de l’Etherpad
(Moy = Moyenne, CV = coefficient
de variation, CI = coefficient intra-classe)
|
Tâche de
conceptualisation |
Tâche
d’analyse |
Moy |
CV |
CI |
Moy |
CV |
CI |
Niveau d’assiduité (%) |
38,39 |
0,66 |
|
31,38 |
0,65 |
|
Equilibre des contributions (Gini) |
0,16 |
0,56 |
|
0,18 |
0,58 |
|
Degré de couverture conceptuelle |
15,00 |
0,38 |
0,31 |
15,80 |
0,38 |
0,44 |
Degré d’argumentation |
16,20 |
0,72 |
0,40 |
17,00 |
0,68 |
0,54 |
Indice de collaboration (%) |
20,70 |
1,23 |
|
12,56 |
1,87 |
|
Nombre de messages dans le chat |
9,30 |
1,41 |
0,21 |
10,80 |
1,34 |
0,30 |
On s’aperçoit également que la messagerie
instantanée a été très peu utilisée par les
étudiants dans l’espace de structuration. Au regard du coefficient
de variation supérieur à 1, nous constatons une très forte
hétérogénéité dans l’usage de ce chat
disponible dans l’Etherpad qui tend à montrer que des groupes ont
fait le choix d’adopter cette modalité d’échanges
alors que d’autres n’ont pas privilégié cette
possibilité d’interaction simultanée. Les coefficients
intraclasses élevés au niveau du nombre de messages lors de la
tâche de conceptualisation (Ci = 0,21) et lors de la tâche
d’analyse (Ci = 0,30) confirment cette hypothèse.
Comme pour le forum, nous remarquons que la qualité des productions en
cours de processus d’apprentissage est tributaire de l’appartenance
à un groupe spécifique. Lors de la tâche de
conceptualisation, les coefficients intraclasses sont très
élevés en ce qui concerne le degré de couverture
conceptuelle (Ci = 0,31) et le degré d’argumentation (Ci = 0,40).
Lors de l’activité d’analyse, cette situation se renforce
aussi bien pour le degré de couverture conceptuelle (Ci = 0,44) que pour
le degré d’argumentation (Ci = 0,54). Il apparaît clairement
que la qualité des échanges est étroitement liée
à l’appartenance à un groupe particulier.
Voyons à présent les observations issues du processus
d’apprentissage qui sont susceptibles d’expliquer le
développement des deux compétences ciblées par le
dispositif de formation.
6.3. Question 3 : Quelles sont les variables du processus qui
expliquent le développement de compétences ?
Afin d’identifier les variables du processus qui peuvent expliquer les
gains relatifs au niveau de la performance, nous avons eu recours à une
analyse de régression multiniveaux. Cette technique d’analyse
permet de mettre en relation une variable prédite avec un ensemble de
variables prédictives, où les données sont
hiérarchisées. Elle permet de tenir compte du fait que les
individus appartiennent simultanément à plusieurs contextes. La
variabilité des mesures peut donc être expliquée par les
caractéristiques propres à l’individu (niveau 1) ou par
celles du groupe (niveau 2). Les variables dépendantes doivent appartenir
au premier niveau, car cette analyse vise à expliquer quelque chose qui
se passe au niveau le plus bas. Le pouvoir explicatif du modèle (part de
variance estimée) peut être évalué en calculant
« l’écart entre la variance estimée par le
modèle vide et la variance résiduelle estimée par un
modèle plus complet, divisé par la variance estimée par le
modèle vide » (Bressoux, 2010, p. 313).
Afin de déterminer les variables pouvant expliquer le mieux le gain de
performance, nous avons calculé la part de variance estimée
(pseudo-R2) pour chaque variable prise isolément. Nous avons
alors retenu celles qui étaient les plus pertinentes, significatives (p
≤ 0,05) ou proches de la significativité (p = 0,10) et qui avaient
les meilleurs pouvoirs explicatifs pour créer notre modèle, tout
en évitant les variables colinéaires.
6.3.1. Modèle explicatif du gain en conceptualisation
La lecture du tableau 5 présente les résultats issus de
l’analyse de régression hiérarchique pour identifier les
variables qui expliquent le développement de la compétence en
conceptualisation. Nous pouvons mettre en avant que le pourcentage de
contribution ( = 0,364 ; p = 0,111) et le degré
d’interactivité par rapport au groupe ( = 0,528 ; p =
0,053) interagissent positivement avec le nombre de concepts
échangés sur le forum ( = 0,083 ; p = 0,012) et expliquent
10,43 % du gain en conceptualisation. Relevons que cet indice de
transactivité (degré de collaboration) est la variable qui a le
plus de poids dans l’explication du développement de la
compétence.
Tableau 5 • Modèle multiniveau
prédictif du gain en conceptualisation
|
Variance Inter-groupe |
Variance Intra-groupe |
Variance Inter-groupe expliquée |
Variance Intra-groupe expliquée |
Déviance |
Variance totale expliquée |
Modèle vide |
845,16
(95,1%) |
43,52
(4,9%) |
/ |
/ |
1533,14 |
/ |
Modèle avec 3 variables prédictives |
722,47 |
73,49 |
68,87% |
14,52 % |
1518,96 |
10,43% |
Prédicteurs niveau 1 (individus)
Variables liées à la
tâche de conceptualisation |
Bêta (β) |
p |
Pourcentage de contribution (forum) |
0,364 |
0,111 |
Forum – couverture conceptuelle |
0,083 |
0,012 |
Indice de collaboration (forum) |
0,528 |
0,053 |
6.3.2. Modèle explicatif du gain en analyse
Le tableau 6 montre que quatre variables expliquent 13,06 % de la progression
en analyse. Le nombre de concepts différents traités dans le forum
(β = 0,619 ; p = 0,014) et le pourcentage de contributions dans
l’Etherpad (β = 0,811 ; p = 0,039), lors de
l’activité d’analyse, constituent de bons prédicteurs
dans la progression en analyse (voir tableau 5). Le pourcentage de contributions
sur le forum, lors de l’activité de conceptualisation, semble aussi
contribuer à la progression en analyse (β = 0,469 ; p =
0,015). Dans l’environnement d’apprentissage, il apparaît donc
que la tâche de conceptualisation contribue à aider les
élèves à mieux analyser les situations concrètes. Le
score au prétest module ces trois variables du processus
(β = - 4,971 ; p = 0,039). Plus les étudiants obtiennent
des notes faibles au prétest en analyse, plus ils peuvent espérer
progresser dans cette compétence. Le dispositif n’est pas donc
neutre et ses effets interagissent avec les caractéristiques initiales
des apprenants. Cette analyse de régression confirme l’effet du
dispositif sur l’équité mis en évidence lors de la
première question de recherche.
Tableau 6 • Modèle multiniveau
prédictif du gain en analyse
|
Variance Inter-groupe |
Variance Intra-groupe |
Variance Inter-groupe expliquée |
Variance Intra-groupe expliquée |
Déviance |
Variance totale expliquée |
Modèle vide |
1134,44 |
1,11 |
/ |
/ |
1572,98 |
/ |
Modèle avec 4 variables prédictives |
984,75 |
2,54 |
129% |
13,20% |
1545,66 |
13,06 % |
Prédicteur niveau 1 (individus)
Tâche de
conceptualisation |
Bêta (β) |
p |
Forum - pourcentage de contribution |
0,469 |
0,015 |
Prédicteurs niveau 1 (individus)
Variables liées à
la lâche d’analyse |
Bêta (β) |
p |
Forum – concepts différents |
0,619 |
0,014 |
Etherpad - pourcentage de contribution |
0,811 |
0,039 |
Prédicteurs niveau 1 (individus)
Score au prétest en
analyse |
Bêta (β) |
p |
Score pré-test en identification |
-4,971 |
0,039 |
Enfin, il est logique que nous n’identifions pas de variables au niveau
du groupe (niveau 2) dans la mesure où le coefficient intraclasse du gain
en analyse est proche de 0.
7. Discussion des résultats
Tout d’abord, nous pouvons mettre en avant que
la scénarisation pédagogique qui s’appuie sur un outil de
communication et sur un outil de structuration peut avoir un effet positif non
seulement sur le niveau de maîtrise en analyse et en conceptualisation,
mais également sur la diminution du niveau
d’hétérogénéité d’un groupe dont
la gestion constitue souvent une difficulté pour les enseignants au
premier cycle universitaire. Ce résultat va dans le sens d’un
certain nombre d’études qui montrent qu’un outil
d’édition collaboratif peut impacter positivement
l’apprentissage à condition que celui-ci soit proposé
à partir d’un script de collaboration (De Wever et al., 2015)(Widachee, 2010) et que les deux outils dédiés à la collaboration se
révèlent complémentaires (Dillenbourg et Traum, 2006).
Tout en restant prudent du fait de l’absence d’un groupe
contrôle qui ne bénéficie pas du dispositif, nous pouvons
donc confirmer notre première hypothèse liée à
l’effet positif d’un environnement collaboratif sur le
développement de compétences à la fois en conceptualisation
et en analyse.
En ce qui concerne le processus
d’apprentissage, notre analyse montre que le degré
d’interactivité est plus important dans le forum de discussion que
dans l’Etherpad. Si les contributions dans l’éditeur sont
symétriques, nous observons que les apprenants envisagent plutôt ce
travail selon une modalité indépendante. Par ailleurs, le
comportement semble plus hétérogène dans le forum de
discussion que dans l’éditeur de texte collaboratif. Cette
différence peut s’expliquer par l’association d’une
couleur à chaque collaborateur et qui permet de la sorte
d’identifier en un coup d’œil la participation de chacun dans
l’espace d’édition. Nous avançons comme
hypothèse que cette modalité de visualisation de leur contribution
proposée par défaut dans l’Etherpad peut réguler le
comportement des apprenants. Cette idée est cohérente avec les
résultats des travaux de (Janssen et al., 2007) qui montrent que la prise de conscience de l’activité des autres
apprenants au sein du groupe leur permet d’ajuster leur participation dans
l’environnement.
Sur le plan pédagogique, nous pouvons mettre en avant que la
tâche de conceptualisation nécessite la mobilisation
d’opérations mentales plus exigeantes et pousse les
étudiants à s’impliquer en fournissant plus de
justifications et en argumentant davantage, comparée à celle de
l’analyse. Ce résultat va dans le sens des constats de (Tapiero, 2007) qui montrent que la présence d’articulations logiques dans un texte
constitue un indicateur de la compréhension du domaine traité.
Au niveau de la collaboration, les coefficients intraclasses
élevés indiquent que le groupe a un effet
d’entraînement important sur la dynamique mise en œuvre au sein
de celui-ci dans une séquence d’apprentissage collaboratif. Un
apprenant qui se retrouve dans un groupe avec des partenaires très actifs
est en effet stimulé à participer davantage tant quantitativement
que qualitativement. D’un point de vue méthodologique, nous
rejoignons ainsi les propositions de (Janssen, Erkens, Kirschner et Kanselaar, 2011) qui soulignent la nécessité, dans le champ de la recherche relatif
à l’apprentissage collaboratif, de tenir compte de la
variabilité entre groupes et d’effectuer, par conséquent,
des analyses qui tiennent compte de cette hiérarchie au niveau des
observations (individu et groupe) en mobilisant des techniques statistiques
multiniveaux. Avec l’analyse du processus, nous mettons également
en évidence que le comportement est plus homogène dans
l’espace de structuration que dans l’espace de communication alors
que le niveau de participation apparaît plus stable lors des deux
tâches dans le forum de discussion que dans l’Etherpad.
En ce qui concerne le lien entre le processus et la progression des
apprenants, la comparaison des deux modèles explicatifs rapportés
indique que l’activité du forum a davantage de poids que
l’activité dans l’éditeur de texte. Nous pouvons
à cet égard avancer l’idée que l’éditeur
de texte se révèle moins utile pour développer la
compétence de conceptualisation. Nous pouvons ainsi confirmer que la
pertinence du choix d’un outil de structuration est plutôt
liée à la nature des compétences à développer (Bower et al., 2006).
L’activité du forum contribue à la fois au
développement des compétences de conceptualisation et
d’analyse. Par ailleurs, le degré de couverture des concepts
traités dans le forum de discussion se retrouve dans les deux
modèles explicatifs de notre étude. Cet indice
d’approfondissement du contenu contribue à expliquer à la
fois les gains en conceptualisation et en analyse. Nous rejoignons les
observations de (Dillenbourg et al., 2007) et de (Erkens et Janssen, 2008) pour qui l’usage des notions-clefs dans les échanges en ligne
constitue un indicateur de la qualité des interactions et de la
progression dans la maîtrise du contenu. Ce résultat est important
à considérer pour développer des visualisations qui
exploitent les traces d’apprentissage et qui donnent aux apprenants un
indicateur de la qualité de leur traitement du contenu lors de leurs
échanges pour résoudre les situations proposées.
Concernant le modèle explicatif du gain en conceptualisation, le
degré d’interactivité a un effet positif sur la
maîtrise conceptuelle du contenu. Ce résultat est cohérent
avec ceux de (Quintin et Masperi, 2006) qui montrent que la présence de la reprise de la parole de l’autre
dans l’élaboration de son propre discours entretient un lien
positif avec la qualité de l’apprentissage.
Dans le modèle explicatif du gain en analyse, nous mettons en
évidence que le niveau de départ en analyse contribue au
modèle explicatif du développement de cette capacité lors
des deux expérimentations. Ce résultat corrobore
l’étude de (Shachar, 2003) qui met en avant que l’apprentissage collaboratif a d’autant plus
d’impact sur l’élève que son niveau est faible au
départ. Si nous pouvons dire que le dispositif constitue une aide
significative pour les étudiants les plus faibles au départ, ce
résultat se doit toutefois d’être nuancé dans le sens
que celui-ci peut également s’expliquer par un effet de seuil de
notre outil d’évaluation. Retenons également que les
contributions dans le forum pour réaliser la tâche de
conceptualisation favorisent le développement de la compétence en
analyse. Si nous nous référons à notre protocole
expérimental, on peut évidemment penser à la
proximité du posttest qui est administrée au terme de la
tâche d’analyse et convoquer l’effet de récence comme
piste explicative. Une autre hypothèse est tout simplement que la
confrontation à des situations concrètes facilite le traitement
conceptuel. À nos yeux, ce résultat montre toute
l’importance de proposer des situations qui s’articulent autour
d’étude de cas leur offrant la possibilité de mieux
contextualiser leurs connaissances. L’investissement de l’apprenant
au cours de ces moments de contextualisation semble particulièrement
bénéfique dans le développement des compétences
visées. Nous pouvons donc estimer qu’il existe une
interdépendance entre les tâches cognitives proposées. En
termes de scénarisation d’apprentissage, ce résultat plaide
pour la mise en oeuvre d’une tâche de conceptualisation avant
d’envisager une tâche analytique (Barth, 2001) dans
l’environnement pédagogique. Bien que les degrés
d’explication fournis par les analyses de régression multiniveaux
soient faibles (R2 conceptualisation = 10,43 % et R2 analyse = 13,06 % ), ces différents résultats nous permettent de
valider notre deuxième hypothèse qui stipule que le
développement de compétences est lié en partie à
l’activité observée dans les espaces de communication et de
structuration. Si l’activité dans le forum et
l’activité dans l’etherpad interagissent positivement sur le
développement analytique, nous n’observons pas cette tendance pour
la conceptualisation où les activités dans le forum constituent
les seuls facteurs explicatifs.
Enfin, il est intéressant d’observer que contrairement à
la progression en analyse, le gain en conceptualisation est davantage lié
à l’appartenance à un groupe spécifique. Dans la
modélisation relative à la conceptualisation, nous ne sommes
toutefois pas parvenus à identifier de variables de niveau 2 (groupe) en
mesure d’expliquer ces gains individuels.
8. Conclusion et perspectives
Dans l’ensemble, nous observons, de
manière logique, que le degré de maîtrise des apprenants
s’élève à mesure que le niveau
d’activité et d’implication de l’apprenant augmente
dans l’environnement d’apprentissage (Quintin et Masperi, 2006)(Mayer, 2009).
Notre analyse croisée du processus et des progressions montre que seule
l’activité dans le forum contribue à expliquer la
progression lors d’une tâche de conceptualisation. Pour les gains en
analyse, nous observons que l’activité dans l’espace de
structuration interagit positivement avec celle dans l’espace de
communication et le niveau initial des apprenants. Cette démarche montre
que les traces se révèlent être une source précieuse
permettant d’appréhender la progression des étudiants dans
un environnement médiatisé. Cette approche de type
« learning analytics » au niveau micro fournit des
données précieuses à l’enseignant pour faire
évoluer de manière itérative le scénario
pédagogique et pour guider le développement des environnements
offerts aux apprenants.
D’un point de vue méthodologique, nous pouvons estimer que
l’approche multiniveaux permet d’enrichir l’exploitation des
traces et permet d’aboutir à une meilleure compréhension des
processus d’apprentissage collaboratif mis en œuvre dans les
environnements médiatisés.
En termes de perspectives, les valeurs réduites des pseudo
R2 de nos modèles explicatifs nous invitent à
poursuivre l’identification d’indicateurs pertinents exploitant les
traces d’apprentissage. Au niveau de l’encadrement de
l’apprentissage, cette recherche de nouveaux indicateurs permettra en
outre de guider le développement d’outils de visualisation
permettant aux apprenants de disposer d’indicateurs significatifs pour
réguler au mieux leur progression dans la séquence. Pour envisager
cette élaboration d’indicateurs pertinents, une piste mise en avant
dans la littérature (Dillenbourg, 2011) et que nous souhaitons creuser dans la suite de cette étude est
l’identification automatique des indices de co-élaboration et de
transactivité au sein du groupe. Elle peut être envisagée
par le repérage de reprise d’éléments de langage et
de contenu entre les partenaires dans les espaces de communication et de
structuration.
À
propos des auteurs
Gaëtan Temperman travaille à l'UMons dans le
service de pédagogie générale et des médias
éducatifs où il participe aux enseignements de base relatifs
à la pédagogie et à la didactique. Il intervient
également dans les cours donnés dans le domaine de la technologie
de l’éducation et de la Formation des maîtres. Ses
activités de recherche portent principalement sur les effets des
conditions pédagogiques liées à l’usage des
technologies sur les apprentissages. Parallèlement à cette
orientation technologique, son expérience initiale d'instituteur primaire
l'amène à réaliser des études relatives à la
didactique et à la scénarisation pédagogique de dispositifs
de formation au service des apprentissages de base (langue maternelle,
mathématique, éveil,...). Il est le co-concepteur du Mooc
« L’innovation pédagogique dont vous êtes le
héros. » Ces expériences multiples lui donnent la
possibilité d'aborder sous des angles variés et
complémentaires les problématiques relatives au monde de
l'éducation et de la formation.
Adresse : Université de Mons
– Faculté des sciences psychologiques et de
l’éducation – Service de pédagogie
générale et des médias éducatifs, 18 Place du Parc
7000 Mons
Courriel : gaetan.temperman@umons.ac.be
Toile : http://ute.umh.ac.be
Sébastien Walgraeve est professeur de sciences et
d'informatique à l'Institut Notre-Dame de Tournai (Ecole des
Frères). Passionné d'informatique et soucieux d'améliorer
sa pratique professionnelle, il a entrepris un master en Sciences de
l'Education. Au travers de son travail de fin d'études et ses stages, il
a eu l'occasion d'encadrer et d'adapter le scénario pédagogique,
lors des travaux pratiques d’un cours de « Pédagogie
générale », dispensés à l'UMons. Il a mis
au point de nouvelles tâches collaboratives médiatisées par
Etherpad et des forums intégrés sur la plateforme Moodle.
Actuellement, il améliore sa pratique par de nombreux projets
médiatisés par ordinateur (évaluation et cours en ligne).
Au sein de son établissement, il est en charge d'améliorer le
suivi des élèves dans leurs apprentissages et la communication
entre apprenants, enseignants et parents (plan individuel d'apprentissage,
journal de classe, absences, carnet de notes, réservation de locaux...).
Dans ce contexte, il a mis en place et administre au quotidien les plateformes
Moodle et Smartschool pour l’ensemble de la communauté
Adresse : Université de Mons
– Faculté des sciences psychologiques et de
l’éducation – Service de pédagogie
générale et des médias éducatifs, 18 Place du Parc
7000 Mons
Courriel : sebastien.walgraeve@yahoo.fr
Toile : http://ute.umh.ac.be
Bruno De Lièvre mène depuis plus de 20 ans
à l’Université de Mons (Belgique) des activités de
recherche et d'enseignement centrées sur les usages pédagogiques
du numérique. Les objectifs principaux dans ce domaine de recherche sont
de déterminer quelles sont les conditions pour qu'un apprentissage
efficace puisse avoir lieu : ce qui est analysé est l'interaction entre
les méthodes pédagogiques, les outils technologiques et les
intervenants du processus éducatif que sont les enseignants et les
apprenants essentiellement. De l'analyse des dispositifs
technopédagogiques à leur élaboration, l'éventail
des activités de développement et de recherche couvre l'ensemble
de ce continuum. C'est un domaine en perpétuelle évolution en
raison des technologies sans cesse plus évoluées (tablettes
tactiles, TBI, réseaux socionumériques,...) qui conduisent
à des pratiques pédagogiques en renouvellement (MOOC, m-learning,
formations hybrides, classes inversées,..) et qui interrogent les
intervenants qui interagissent dans ces dispositifs (activités
collaboratives, travail à distance, peer-evaluation,
ubiquité,...).
Adresse : Université de Mons
– Faculté des sciences psychologiques et de
l’éducation – Service de pédagogie
générale et des médias éducatifs, 18 Place du Parc
7000 Mons
Courriel : bruno.delievre@umons.ac.be
Toile : http://ute.umh.ac.be
Agrégé en sciences humaines, Karim
Boumazguida a d’abord enseigné le français langue
étrangère dans un collège italien (Turin). Il a
décidé ensuite de poursuivre des études en Sciences de
l’Éducation en se spécialisant dans la sphère des
technologies de l'information et de la communication pour
l'enseignement (TICE). Il travaille comme assistant pédagogique
au sein de la Cellule Facultaire de Pédagogie Universitaire (CFPU) de la
Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation (FPSE)
de l’Université de Mons (UMONS), où il intervient
principalement dans le cadre d’activités d’aide à la
réussite. Il participe également à la mise en œuvre
d’une politique de qualité de l’enseignement et de la
recherche au sein de la FPSE. En sa qualité de coordinateur d’un
Learning Centre il participe à des activités de soutien pour les
adultes en reprise d’études en leur proposant un environnement de
travail propice à l’apprentissage. Enfin, en
collaboration avec Bruno De Lièvre et Gaëtan Temperman du
service de Pédagogie générale et médias
éducatifs de la FPSE, il a contribué à la mise en place du
premier MOOC institutionnel de l’UMONS.
Adresse : Université de Mons
– Faculté des sciences psychologiques et de
l’éducation – Cellule facultaire de pédagogie
universitaire, 18 Place du Parc 7000 Mons
Courriel : karim.boumazguida@umons.ac.be
Toile : http://portail.umons.ac.be/FR/universite/facultes/fpse/lafaculte/CFPU2/Pages/default.aspx
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