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Les effets d’une ludification adaptative sur
l’engagement des apprenants
Baptiste MONTERRAT (LIRIS, INSA de Lyon), Élise LAVOUÉ (LIRIS,
Université Jean Moulin Lyon3), Sébastien GEORGE (LIUM,
Université du Maine), Michel DESMARAIS (École polytechnique de
Montréal)
|
RÉSUMÉ : La
ludification est une approche de plus en plus utilisée pour
répondre au manque de motivation des apprenants. Cependant, chacun a des
sensibilités différentes aux mécaniques de jeu, et cela
n’est généralement pas pris en compte. Cet article
présente un modèle pour adapter les fonctionnalités
ludiques selon les profils de joueur des apprenants. Une évaluation de ce
modèle a montré que l’utilisation de fonctionnalités
ludiques adaptées rend les apprenants plus engagés, tandis que
l’utilisation de fonctionnalités ludiques contre-adaptées
diminue leur motivation.
MOTS CLÉS : Ludification,
adaptation, motivation, profils de joueurs. |
The impact of adaptive gamification on learners engagement |
|
ABSTRACT : Gamification
is increasingly used to address the lack of learner motivation. However,
gamification systems generally do not consider learner's preferences for game
mechanics. This paper presents a model to adapt the gamification features to the
learners according to their player profile. An evaluation of this model shows
that adapted game features increase learner engagement, while counter-adapted
game features decrease their motivation.
KEYWORDS : Gamification,
adaptation, motivation, player profile. |
1. Introduction
Les environnements
informatiques pour l’apprentissage humain (EIAH) deviennent de plus en
plus efficaces, en particulier grâce au développement des tuteurs
intelligents qui prennent en compte l’état des connaissances de
l’apprenant (Aleven et al., 2015) (Craig et al., 2013) (Desmarais et Baker, 2012).
Cependant, ces technologies ne rendent pas nécessairement les EIAH plus
motivants. Une solution pour y remédier est de proposer des
activités d’apprentissage plus ludiques, soit en concevant des jeux
sérieux, soit en ludifiant des EIAH existants. Le terme jeu
sérieux (serious game) se rapporte à l’utilisation
d’un jeu pour l’apprentissage (Prensky, 2001) tandis que la ludification s’appuie sur l’utilisation
d’éléments de jeu dans un contexte non ludique (Deterding et al., 2011).
Dans cet article nous nous intéressons au problème du manque de
motivation dans le contexte d’un environnement d’apprentissage en
ligne dans lequel l’apprenant est entièrement guidé par le
système. Dans ce type d’environnement, l’absence d’un
tuteur humain est souvent facteur d’un manque d’intérêt
pour l’apprenant.
1.1. Ludification et apprentissage
Notre proposition porte sur l'intégration et l'adaptation de
mécaniques de jeu à des environnements d’apprentissage
existants. Pour cela, nous choisissons l’approche par ludification
plutôt que le jeu sérieux : il est beaucoup moins complexe
d’ajouter des fonctionnalités ludiques à un système
d’apprentissage que de transformer le cœur de l’activité
pour en faire un jeu.
Le terme de « gamification » a été
introduit au début des années 2010. Cette approche est
appliquée dans des domaines aussi variés que le marketing (Huotari et Hamari, 2012),
la santé (Wilson et McDonagh, 2014),
ou encore le crowdsourcing (Venhuizen et al., 2013).
Nous nous intéressons ici à son utilisation dans le domaine de
l’éducation (Kapp, 2012). Le
jeu a toujours fait partie de l’apprentissage, mais l’arrivée
de la ludification a apporté de grands changements dans la manière
dont il est étudié. Certains présentent la ludification
comme une nouvelle théorie éducative (Bíró, 2014),
aux côtés du behaviorisme, du cognitivisme, du constructivisme et
du connectivisme. Sans aller jusqu’à parler d’une nouvelle
théorie, nous pensons que la ludification peut être un levier
puissant dans le domaine éducatif.
Dans cet article, nous présentons une implémentation
réalisée dans un environnement dédié à la
mémorisation de règles de grammaire. La mémorisation
étant souvent basée sur la répétition, elle est
parfois perçue comme une tâche ennuyeuse pour laquelle la
motivation peut faire défaut. C’est pourquoi l’approche
ludique peut être particulièrement utile dans le contexte de la
mémorisation. Au-delà du risque d’abandon, un gain en
motivation amène généralement l’apprenant à
mettre en place de meilleures stratégies mentales de mémorisation (Fenouillet et Tomeh, 1998).
La ludification doit cependant être utilisée avec
précaution, et toujours mise en relation avec l’apprentissage (Szilas et Sutter Widmer, 2009).
Dans le cas contraire, appliquer de façon systématique les
principes de la ludification peut aboutir à la création
d’une application vide de sens (Bonenfant et Genvo, 2014),
ou générer des comportements inattendus des utilisateurs (Callan et al., 2015).
1.2. Besoin d’adaptation
La ludification a déjà montré son efficacité
à de nombreuses reprises comme le montre la revue de la
littérature présentée dans (Hamari et al., 2014),
et l'on peut se demander si une forme de ludification adaptée pourrait
bonifier davantage son impact (Vassileva, 2012).
Dans les systèmes faisant intervenir des éléments de
ludification, c’est actuellement l’approche « one size
fits all » qui domine. Il est reconnu depuis longtemps que
l'apprentissage personnalisé est plus efficace que d’enseigner de
la même manière à tous (Bloom, 1984).
Nous pensons qu'il en va de même avec la ludification : une
manière de ludifier ne conviendra pas à tous les apprenants.
L’adaptation se développe dans les EIAH depuis les années
80, en particulier avec les tuteurs intelligents basés sur des
modèles d’apprenants. L’adaptation des jeux et les
modèles de joueurs sont plus récents.
La question de recherche étudiée dans cet article est la
suivante : comment adapter les éléments ludiques d’un
environnement d’apprentissage à un apprenant selon son profil de
joueur ? Nous avons conduit une première étude exploratoire qui a
montré le potentiel de la ludification adaptative (Monterrat et al., 2017).
La méthode d’adaptation que nous proposons dans cet article est
basée sur ces premiers résultats. Un état de l’art
des techniques de ludification et des modèles de joueurs pour
l’adaptation est présenté dans la section 2. Il sert de base
à la construction d’un modèle de ludification adaptative que
nous exposons dans la section 3. La section 4 présente une
expérimentation destinée à étudier l’impact
d’ajout de fonctionnalités adaptées et
contre-adaptées à un environnement d’apprentissage en ligne
utilisé en situation écologique par plusieurs centaines
d’utilisateurs. La section 5 est consacrée à la discussion
sur notre approche et sur les résultats de
l’expérimentation.
2. État de l’art
Dans cette section, nous
proposons d’abord une étude des éléments de
ludification courants dans la littérature. Ensuite nous passons en revue
les profils de joueurs identifiés dans différents travaux sur les
jeux et la ludification. Enfin, nous étudions diverses techniques
d’adaptation et modèles visant à lier les
éléments de ludification aux profils de joueurs.
2.1. Éléments de ludification
La ludification repose habituellement sur l’intégration de
mécaniques de jeu dans des environnements existants. (Vassileva, 2012) propose une revue de la littérature sur les mécaniques de jeu qui
peuvent être utilisées pour développer des environnements
numériques ludifiés. Il en ressort un inventaire de
mécaniques : les récompenses (points, jetons, badges), les
réalisations (représentation d’une récompense
physique ou virtuelle), les statuts (classement ou niveau d’un joueur),
l’esprit communautaire (collaboration) et les quêtes (des
défis compétitifs ou contre la montre). (Kapp, 2012) a
également listé différents éléments de jeu
typiques comme les buts, les règles, la compétition, la
coopération, le temps, les récompenses, les niveaux, les feedbacks, la narration, etc. Plus récemment, (Robinson et Bellotti, 2013) ont proposé une taxonomie des éléments de ludification qui
peuvent être un objectif, une fonctionnalité sociale, une
incitation ou encore une ressource. Plus globalement, en étudiant la
littérature sur le sujet, nous pouvons observer que de nombreux concepts
ne sont pas toujours dissociables, par exemple les mécaniques de jeux,
les règles et les ressources.
Afin de proposer une approche pour une adaptation générique des
éléments de jeu, nous nous sommes intéressés
à des travaux décrivant différents niveaux
d’abstraction de la ludification (Deterding et al., 2011) proposent ainsi 5 niveaux d’abstraction, des plus abstraits aux plus
concrets. Les méthodes de conception issues des jeux viennent en premier.
Ensuite viennent les modèles de jeu tels que les boucles
d’engagement et de feedback. Les principes de design, comme le fait de
fixer des objectifs clairs et de proposer des interactions variées,
constituent le troisième niveau. L’un des principes les plus
populaires repose sur l’équilibre entre la difficulté
(challenge) et le niveau de compétences de l’utilisateur, en vue
d’atteindre l’état de flow (Csikszentmihalyi, 1998).
Au quatrième niveau se trouvent les mécaniques de jeu telles que
l’utilisation de contraintes de temps, ou de ressources limitées.
Enfin des éléments d’interface concrets découlent de
ces mécaniques, parmi lesquels :
- les compteurs de points,
- les badges (trophée symbolisant l’accomplissement
d’une tâche),
- les tableaux de score.
Ces éléments communs reposent tous sur une quantification de
l’activité de l’utilisateur dans le but de lui offrir une
récompense. Dans cet article nous utilisons le terme
« fonctionnalité ludique » pour référer
à une mécanique de jeu qui prend la forme d'un ou plusieurs
éléments d’interface. Par exemple, un compteur de points
récompense l’utilisateur par des badges quand il atteint un score
donné.
2.2. Modèles de joueur
Les modèles de personnalités de joueurs sont relativement
nombreux. La classification de (Bartle, 1996) est l’une des plus connues avec quatre types de joueurs (killer, explorer, achiever, socializer). Par ailleurs, (Yee, 2006) a
identifié trois composants principaux de la motivation :
accomplissement, social et immersion. On note cependant que ces typologies de
joueurs sont issues de travaux spécifiques aux jeux de rôles
multijoueurs, et que rien ne garantit qu’ils soient applicables au
contexte de la ludification. D’après un état de l’art
des précédents modèles de joueurs, Ferro Walz et Greuter (Ferro et al., 2013) ont conçu un nouveau modèle fondé sur cinq types de
joueurs : dominant, objectiviste, humaniste, curieux et créatif. Ils
ont relié leurs types de joueurs directement à des
mécaniques de jeu. L’une des classifications les plus
récentes est la classification BrainHex (Nacke et al., 2014),
qui a été définie d’après des études
neurologiques et comporte sept types de joueurs :
- le « Seeker » aime la découverte
et l’exploration,
- le « Survivor » aime avoir peur et
devoir fuir,
- le « Daredevil » aime le risque et
réussir de justesse,
- le « Mastermind » aime résoudre
des énigmes et établir des stratégies,
- le « Conqueror » aime vaincre des
adversaires puissants,
- le « Socializer » aime interagir avec
d’autres joueurs,
- l’ « Achiever » aime
accomplir des tâches.
Contrairement aux classifications précédentes, Brainhex
n’est pas liée à un genre vidéoludique particulier.
De plus elle est accompagnée d’un questionnaire de classification
des utilisateurs qui a déjà été utilisé plus
de 60 000 fois. C’est pourquoi nous utilisons cette classification
comme base de notre modèle de joueur.
2.3. Adaptation des jeux et de la ludification
2.3.1. Adaptation dans les jeux
Hocine, Gouaïche, Di Loreto et Abrouk ont dressé un état
de l’art des techniques d’adaptation des jeux (Hocine et al., 2011).
Parmi les 16 techniques d’adaptation présentées, une
majorité adapte le niveau de difficulté de différentes
manières : en changeant le comportement de l’adversaire, la
vitesse du jeu ou le scénario. Les autres travaux proposent
d’ajuster certains paramètres du jeu, ou encore les aspects
pédagogiques (Marne et al., 2013),
mais ne proposent pas la modification des mécaniques de jeu.
Nous avons trouvé trois études qui adaptent réellement
la dynamique d’un jeu. Dans (Thue et al., 2007),
les auteurs ont travaillé sur la narration adaptative. Leur
système adapte les évènements qui arrivent dans le jeu et
modifient donc le « gameplay ». Dans (Göbel et al., 2010),
le système adapte les scènes d’un jeu sérieux pour
convenir aux préférences utilisateurs. La troisième
étude (Natkin et al., 2007) présente une réelle modification des mécaniques de jeu en
fonction de la personnalité du joueur. Le système propose aux
utilisateurs différentes quêtes en fonction de leur profil
personnel. Leur profil est basé sur le modèle FFM (Five Factor
Model), un profil qui classe les individus selon cinq dimensions
psychologiques.
2.3.2. Modèles pour la ludification
L’adaptation de la ludification peut être réalisée
suivant le même schéma que l’adaptation dans les jeux :
il faut d’abord identifier les propriétés ludiques
d’une activité, puis lier ces propriétés aux
caractéristiques du joueur. Bien que l’adaptation de la
ludification n’en soit qu’à ses débuts, certains
modèles conceptualisent les propriétés ludiques sur
lesquelles nous pouvons nous appuyer. Comme nous l’avons vu, (Robinson et Bellotti, 2013) présentent une taxonomie des éléments de ludification, mais
sans faire de lien avec les types d’utilisateur. (Sailer et al., 2013) propose une liste d’éléments ludiques et décrit leurs
liens avec différents concepts motivationnels. Ces deux travaux
expliquent comment la ludification peut motiver, mais ne font pas le lien avec
des classifications de joueurs.
(Zichermann et Cunningham, 2011)(Zichermann et Cunningham, 2011) proposent d’utiliser le framework MDA (Mechanics, Dynamics, Aesthetics) développé par (Hunicke et al., 2004).
Les mécaniques correspondent à un élément de jeu en
particulier dans l’interface utilisateur, comme une fonctionnalité
ludique. Les dynamiques se placent au niveau de l’interaction entre ces
mécaniques de jeu et l’utilisateur. Enfin, les
« aesthetics » décrivent la réponse
émotionnelle du joueur quand il interagit avec le système. Ce
modèle donne une place à chaque concept mais
n’établit pas de liens entre eux. Dans cet article, nous proposons
une méthode pour associer directement les fonctionnalités ludiques
aux différents types de joueurs, sans considérer les concepts
intermédiaires.
3. Modèle et implémentation d’une ludification
adaptative
Notre proposition d’architecture pour la
ludification adaptative d’un EIAH (Monterrat et al., 2014) repose sur un moteur d’adaptation éducatif et un moteur
d’adaptation ludique, distincts de l’interface et
développés indépendamment l’un de l’autre. Le
premier repose sur un modèle d’apprenant prenant en compte ses
connaissances, le second est fondé sur un modèle de joueur prenant
en compte son profil BrainHex. Le premier agit sur les items sur lequel
l’apprenant va travailler, le second agit sur les fonctionnalités
ludiques implémentées dans l’interface. Seul le moteur
d'adaptation ludique est présenté et évalué ici. Les
fonctionnalités ludiques ont été implémentées
de manière à pouvoir être activées et
désactivées simplement, sans que cela n’ait de
conséquence sur l’apprentissage et sur la cohérence de
l’activité.
3.1. Modèle de joueur pour l’adaptation
Afin de présenter à l’apprenant la fonctionnalité
qui lui est la plus adaptée, le modèle doit prédire si les
apprenants apprécieront ou non les fonctionnalités ludiques
développées. Si nous avons m apprenants et n fonctionnalités, ce résultat peut s’exprimer sous la forme
d’une matrice m x n dans laquelle chaque valeur
révèle l’appréciation de l’utilisateur pour la
fonctionnalité associée. Nous appelons cette matrice R.
La matrice R peut s’exprimer comme le produit de deux matrices
nommées B et A (cf. Fig. 1). Si nous exprimons le profil
d'un joueur sous la forme d'un vecteur composé de k facteurs, la
matrice B est de dimensions m x k et la matrice A de
dimension k x n. Une ligne de la matrice B représente le degré d'appartenance du joueur à chacun des k facteurs. Une colonne de la matrice A représente le poids
de chaque facteur contribuant à la fonctionnalité
correspondante.
Ce modèle suppose une relation linéaire entre les facteurs
d’un profil et les préférences aux fonctionnalités
ludiques : pour chaque facteur (A) dont la valeur n'est pas nulle,
le profil d'un utilisateur (B) modifie en proportion sa
préférence pour les fonctionnalités correspondantes
(R). Le modèle linéaire se distingue du modèle
conjonctif pour lequel l’ensemble des facteurs est nécessaire pour
obtenir une préférence haute, et du modèle disjonctif pour
lequel un seul facteur est suffisant pour obtenir une préférence
haute. La figure 1 illustre par un exemple simplifié l’utilisation
des matrices B et A pour obtenir la matrice R grâce
à l’égalité R = B A. Il
comporte 4 utilisateurs (u1-u4), 3 fonctionnalités (f1-f3) et un
modèle de joueur à 2 facteurs : compétition (C) et
social (S).
Figure 1 • Un exemple
d’application du modèle de joueur linéaire R = B A.
Dans cet exemple, la matrice R exprime les préférences
de quatre joueurs (u1 à u4) envers trois fonctionnalités (f1
à f3). La matrice B (au centre) représente le profil de
chaque joueur par un vecteur k comportant deux facteurs :
compétition (C) et social (S). La matrice A (à droite)
représente le degré de correspondance entre chaque facteur et
chaque fonctionnalité. Dans cet exemple, nous observons que la
première fonctionnalité (f1) est principalement axée sur la
compétition, la deuxième (f2) fait émerger des
mécaniques de jeu plus sociales, et la troisième (f3) met en place
un peu de compétition et beaucoup de relations sociales.
En connaissant les sensibilités des utilisateurs aux
différentes mécaniques de jeu (B) et la correspondance
entre ces mécaniques et les fonctionnalités ludiques (A),
une simple multiplication des matrices B et A permet
d’obtenir l’appréciation des fonctionnalités par les
utilisateurs sous la forme de la matrice R. Le premier utilisateur (u1)
est sensible avant tout à la compétition. En conséquence,
c’est la fonctionnalité f1 qui lui convient le mieux. Le
deuxième utilisateur (u2) est sensible avant tout aux interactions
sociales. C’est la fonctionnalité f3 qui lui convient le mieux,
comme pour le troisième utilisateur (u3) qui aime autant la
compétition que les interactions sociales. Le dernier utilisateur (u4)
est motivé par les interactions sociales, mais il n’apprécie
pas du tout la compétition. Par conséquent, c’est f2 qui lui
convient le mieux.
Dans un souci de simplification, l’exemple ci-dessus ne comporte que 2
dimensions. Dans ces travaux, nous utilisons le modèle de joueur BrainHex
qui comporte 7 dimensions, comme indiqué dans la partie 2.2. Avec
BrainHex, les individus n’appartiennent pas à un type de joueur
unique. Ce modèle attribue à l’utilisateur une valeur dans
[-10 ; 20] sur chacune des dimensions du profil de joueur. La matrice B comporte donc 7 colonnes et des valeurs comprises entre -10 et 20. Il
en résulte que des valeurs négatives peuvent apparaître dans
la matrice R. Celles-ci indiquent que la fonctionnalité est
contre-adaptée à l’utilisateur et pourrait avoir un impact
négatif sur sa motivation.
3.2. Environnement et fonctionnalités ludiques
Les expérimentations s’appuient sur un environnement
d’apprentissage appelé Projet Voltaire, un environnement en ligne
d’apprentissage de l’orthographe française. Il repose sur un
mode d’interaction simple : le système présente une phrase
potentiellement fausse à l’utilisateur. Celui-ci doit cliquer sur
la faute s’il en voit une, ou cliquer sur le bouton « il
n’y a pas de faute » s’il n’en voit pas.
Après avoir répondu, l’apprenant peut consulter la
règle explicative (cf. figure 2). Les phrases sont associées
à des règles d’orthographe et de grammaire. Les
règles sont regroupées au sein de niveaux. La sélection des
phrases est déterminée par un moteur d’adaptation
pédagogique modélisant les connaissances de l’apprenant.
Le Projet Voltaire est équipé d’un moteur
d’apprentissage prenant en compte l’état des connaissances de
l’apprenant. Le moteur d’adaptation et cinq fonctionnalités
ludiques ont été implémentés dans le Projet Voltaire
par l’entreprise Woonoz, indépendamment du moteur
d’apprentissage existant, tel que décrit dans la section 3.
Figure 2 • Interface utilisateur du
Projet Voltaire
La première fonctionnalité est un groupe
d’étoiles, que l’utilisateur voit s’allumer une
à une lorsqu’il apprend des règles de grammaire. La seconde
est un tableau de scores (cf. figure 3). Il classe les utilisateurs en fonction
de leur meilleur nombre consécutif de bonnes réponses. Il ne
montre pas les meilleurs utilisateurs du groupe mais ceux qui
précèdent l’utilisateur concerné, dans le but de
présenter un challenge accessible. La troisième
fonctionnalité ludique propose aux utilisateurs de partager entre eux des
moyens mnémotechniques pour mieux retenir les règles de grammaire.
Elle encourage les interactions sociales. La quatrième
fonctionnalité représente un randonneur qui progresse sur un
chemin à chaque fois que l’utilisateur fait une bonne
réponse. Lorsque ce dernier atteint certains points, elle lui donne
accès à des anecdotes sur l’orthographe. La cinquième
fonctionnalité affiche en permanence un chronomètre qui
défile pendant que l’utilisateur répond. Cela lui donne
l’opportunité de remporter des coupes s’il est assez rapide.
Les concepteurs des fonctionnalités ludiques ont veillé
à implémenter à travers elles des mécaniques de jeu
diverses, et à respecter les règles d’indépendance.
Chaque fonctionnalité est notamment accompagnée d’une croix
permettant à tout utilisateur de la masquer. La figure 3 propose une vue
partielle des cinq fonctionnalités.
Figure 3 • Capture
d’écran des 5 fonctionnalités
implémentées.
3.3. Construction de la A-matrice
Dans une étude précédente, nous avons comparé
deux façons d’obtenir une A-matrice (Monterrat et al., 2015).
L’expérimentation comparait une A-matrice obtenue à partir
de l’avis d’experts et une A-matrice obtenue empiriquement à
partir des préférences des utilisateurs. La matrice issue des
experts s’est montrée plus fiable, c’est donc celle sur
laquelle nous nous appuyons pour cette expérimentation.
Six experts, spécialisés en jeux sérieux et en
ludification, ont été sollicités pour remplir une A-matrice
de poids associant les types de joueurs et les fonctionnalités
implémentées dans le Projet Voltaire. Ils ont d’abord pris
connaissance de la typologie de joueur BrainHex. Ils ont ensuite utilisé
le Projet Voltaire pendant environ une heure, interagissant avec chacune des 5
fonctionnalités ludiques. Ils pouvaient choisir les valeurs parmi les
suivantes :
1. Correspondance totale : 1
2. Correspondance forte : 0,75
3. Correspondance moyenne : 0,50
4. Correspondance faible : 0,25
5. Aucune correspondance : 0
La A-matrice des experts a ensuite été calculée en
sélectionnant la médiane des 6 avis d’experts sur chacune
des 35 valeurs. La médiane est une bonne manière de chercher le
consensus, sans être influencé par une note extrême
donnée par un seul expert. Le tableau 1 présente la A-matrice des
avis des experts ainsi obtenue.
Tableau 1 • A-matrice issue de la
consultation des experts. Colonnes : fonctionnalités ludiques. Lignes :
types de joueurs BrainHex.
|
Etoiles |
Tab. de scores |
Astuces |
Randonneur |
Chronomètre |
Seeker |
0,5 |
0 |
0,75 |
0,88 |
0 |
Survivor |
0,13 |
0,5 |
0 |
0 |
0,38 |
Daredevil |
0,63 |
0,63 |
0 |
0,13 |
0,88 |
Mastermind |
0,63 |
0,63 |
0,38 |
0,25 |
0,25 |
Conqueror |
0,75 |
1 |
0,13 |
0,38 |
0,75 |
Socializer |
0,13 |
0,13 |
1 |
0,25 |
0 |
Achiever |
1 |
0,75 |
0,13 |
0,88 |
1 |
Cette A-matrice a été utilisée dans la formule
R = B A pour obtenir la prédiction R-experts.
Il est nécessaire que les experts soient d’accord entre eux pour
que la A-matrice des experts soit considérée comme valide. Cela
garantit que la matrice médiane reflète une réelle
tendance. Nous avons utilisé la corrélation intra-classe (ICC) (Shrout et Fleiss, 1979) comme outil de mesure. Nous obtenons une valeur de 0,43 pour la
corrélation entre les 6 experts, une valeur modérée mais
suffisante pour confirmer l’accord entre eux. Cette A-matrice a donc
été utilisée selon la formule R = B A pour
obtenir la matrice de prédiction R.
4. Étude sur l’impact de la ludification adaptative
Nous avons conçu une expérimentation
visant à répondre principalement à cette question :
« La ludification adaptative basée sur notre modèle
peut-elle améliorer la participation des utilisateurs, et leur motivation
à utiliser l’environnement
d’apprentissage ? ». Le niveau de motivation et
l’appréciation des fonctionnalités peuvent être
évalués par questionnaire. Le niveau de participation peut
être obtenu en mesurant directement le temps passé par les
utilisateurs sur l’environnement d’apprentissage. Nous avons alors
posé les trois hypothèses suivantes :
H1. Des utilisateurs avec des fonctionnalités adaptées passent
plus de temps sur l’environnement que des utilisateurs avec des
fonctionnalités mal adaptées ou sans fonctionnalités.
H2. Des utilisateurs avec des fonctionnalités adaptées
apprécient mieux ces fonctionnalités que des utilisateurs avec des
fonctionnalités mal adaptées ou sans fonctionnalités.
H3. Des utilisateurs avec des fonctionnalités adaptées ont un
niveau de motivation plus élevé que des utilisateurs avec des
fonctionnalités mal adaptées ou sans fonctionnalités.
4.1. Conditions expérimentales
4.1.1. Participants
Un appel à volontaires a été diffusé sur la page Facebook du Projet Voltaire. Les volontaires devaient remplir le
questionnaire BrainHex et donner leur adresse e-mail pour s’inscrire. Le
jour de la fermeture des inscriptions, nous avions 338 volontaires. Nous avons
créé un groupe de 140 inscrits avec des fonctionnalités
adaptées, un groupe de 140 inscrits avec des fonctionnalités
contre-adaptées et un groupe de 58 inscrits sans fonctionnalité
ludique. Les volontaires ont été attribués
aléatoirement à chacun des groupes. 266 des 338 volontaires se
sont effectivement connectés au Projet Voltaire pendant la période
d’expérimentation. Les participants effectifs étaient
répartis ainsi :
• Groupe FA (Fonctionnalités adaptées) : 112
participants
• Groupe FC (Fonctionnalités Contre-adaptées) : 111
participants
• Groupe SF (Sans Fonctionnalité) : 43 participants
Les participants étaient à 79% des femmes. Ils étaient
âgés de 18 à 75 ans (moyenne = 40,3 ans, écart type =
9,8 ans). La seule récompense qu’ont obtenue les utilisateurs pour
leur participation était l’accès gratuit au Projet voltaire
pendant la durée de l’expérimentation.
4.1.2. Protocole
Nous avons calculé la matrice R de prédiction des
préférences des utilisateurs pour les fonctionnalités sur
la base des matrices A (A-matrice des experts) et B (profils de joueur), selon
la formule R = B A. Afin d’équilibrer les
probabilités de sélection des fonctionnalités entre elles,
nous avons ensuite normalisé les valeurs de R.
Les participants en conditions adaptées (FA) ont reçu les deux
fonctionnalités ayant le meilleur score pour eux selon R. Les
participants en conditions contre-adaptées (FC) ont reçu les deux
fonctionnalités ayant les scores les plus bas pour eux selon R. Les
membres du groupe SF n’avaient aucune fonctionnalité active dans
leur environnement d’apprentissage. Le tableau 2 montre la
répartition des fonctionnalités activées selon les
groupes.
Tableau 2 • Répartition des
fonctionnalités selon les groupes
|
Étoiles |
Tab. |
Astuces |
Rando. |
Chrono |
total |
FA |
20 |
45 |
54 |
60 |
45 |
224 |
FC |
17 |
56 |
49 |
46 |
54 |
222 |
total |
37 |
101 |
103 |
106 |
99 |
|
Les étoiles ont été sélectionnées moins
souvent que les autres fonctionnalités dans le processus. La raison de
cela est que cette fonctionnalité convient relativement bien à
tous les types de joueurs (comme le montre la A-matrice sur le tableau 1). Par
conséquent les étoiles ont rarement été
identifiées comme faisant partie des deux fonctionnalités les
mieux adaptées (FA) ou des deux moins bien adaptées (FC).
Une fois le système initialisé, les participants ont
reçu leurs identifiants pour se connecter au Projet Voltaire. Ils
pouvaient alors utiliser le Projet Voltaire librement pendant une période
de 3 semaines.
4.2. Résultats
4.2.1. Durée d’utilisation de l’environnement
Le tableau 3 représente le nombre de sessions et la durée
totale moyenne passée sur le Projet Voltaire par chacun des trois
groupes. Un test d’indépendance a été
réalisé pour confirmer les différences
observées.
Tableau 3 • Durée moyenne
passée sur le Projet Voltairen = effectif m = moyenne, sd =
écart type
Groupe |
n |
m |
sd |
test de Student avec FA |
test de Wilcoxon avec FA |
AF |
112 |
2H36 |
2h20 |
N.A. |
N.A. |
CF |
111 |
1h54 |
1h22 |
0.047 |
0.85 |
SF |
43 |
1h53 |
1h29 |
0.104 |
0.378 |
Pendant la période de trois semaines, les participants du groupe FA
ont passé en moyenne 2h36 sur le Projet Voltaire, tandis que les
membres du groupe FC n’étaient connectés que 1h54.
Cela représente un écart de 42 minutes, soit 37 % de temps
supplémentaire pour les membres du groupe FA par rapport à FC. Cet
écart est confirmé avec le test de Student (p =
0,047, p < 5%).
Nous présentons également les résultats au test de
Wilcoxon, réalisé en raison des grands écarts types
observés quant à la distribution des temps passés sur le
site. Ce test n’est pas significatif. Le désaccord entre le test de
Student et le test de Wilcoxon nous a amenés à regarder plus en
détail la distribution des résultats dans chaque groupe. Elle est
présentée en figure 4.
Figure 4 • Temps passé sur le Projet
Voltaire en fonction du pourcentage cumulatif de participants dans chaque
groupe.
La figure 4 révèle un comportement similaire dans les trois
groupes pour les premiers 75 % des utilisateurs, et des différences
importantes pour les 25 % des utilisateurs les plus engagés. Nous
présentons ces résultats en détail dans le tableau 4.
Tableau 4 • Temps passé sur le
Projet Voltaire pour les 75% des utilisateurs les moins engagés et pour
les 25% les plus engagés.n = effectif, m = moyenne, sd =
écart type
|
les 75% moins engagés |
les 25% plus engagés |
n |
m |
sd |
Wil. avec FA |
n |
m |
sd |
Wil.. avec FA |
FA |
83 |
1h01 |
0h39 |
N.A. |
29 |
7h08 |
4h07 |
N.A. |
FC |
82 |
1h00 |
0h33 |
0,778 |
29 |
4h24 |
1h43 |
0,006 |
SF |
31 |
0h51 |
0h35 |
0,333 |
12 |
4h31 |
2h47 |
0,007 |
Pour les 75 % des utilisateurs les moins engagés, la durée
moyenne de participation est presque la même dans les trois groupes, FA,
FC et SF, allant de quelques secondes à deux heures. Pour les 25 %
des utilisateurs les plus actifs, il y a une différence très
importante dans le temps de participation. Le test de Wilcoxon
réalisé sur ces participants montre des résultats
très significatifs quand on compare le groupe avec fonctionnalités
adaptées (FA) à celui qui avait des fonctionnalités
contre-adaptées (FC) (p = 0,006, p < 0,01), mais
aussi à celui sans fonctionnalités (SF) (p = 0,007,
p < 0,01).
Ce résultat nous permet d’accepter l’hypothèse H1,
les participants avec fonctionnalités adaptées ayant passé
significativement plus de temps que les autres sur le Projet Voltaire.
Cependant, nous devons signaler que ce gain ne s’applique qu’aux
utilisateurs les plus engagés au départ, c’est à dire
ceux qui ont passé plus de deux heures sur le Projet Voltaire.
L’équivalence des temps passés pour le groupe avec
fonctionnalités contre-adaptées (FC) et celui sans
fonctionnalités (SF) est un autre résultat important. Cela
signifie que les fonctionnalités ludiques n’ont eu aucun impact sur
le temps de participation des utilisateurs lorsqu’elles
n’étaient pas en correspondance avec leur profil de joueur.
4.2.2. Motivation des participants
Pour évaluer la motivation des utilisateurs, nous avons utilisé
le questionnaire SIMS (SItuational Motivation Scale) de (Guay et al., 2000).
Nous présentons les résultats du questionnaire sur le tableau 5.
Les valeurs s’expriment sur une échelle de 4 à 28. Les
effectifs dépendent du nombre total de 178 répondants au
questionnaire final. Les comparaisons ont été
réalisées avec le test de Student.
Tableau 5 • Résultats sur la
motivation des participantsn = effectifs, m = moyenne, sd = écart
type
|
|
Motivation intrinsèque |
Régulationidentifiée |
Amotivation |
n |
m |
sd |
m |
sd |
m |
sd |
FA |
73 |
21,2 |
3,8 |
24,3 |
2,7 |
5,1 |
1,4 |
FC |
75 |
21,1 |
4,2 |
23,6 |
3,5 |
6,1 |
2,7 |
SF |
30 |
22,9 |
2,6 |
25,0 |
2,9 |
5,2 |
1,5 |
Les valeurs de motivation intrinsèque sont globalement hautes
pour les trois groupes. La motivation intrinsèque est équivalente
pour les groupes FA et FC. Par ailleurs, elle est significativement plus
élevée pour le groupe sans fonctionnalité (SF), à la
fois par rapport au groupe FA (p = 0,031) et par rapport au groupe FC
(p = 0,039).
Les valeurs de régulation identifiée sont globalement
hautes pour les trois groupes. La régulation identifiée est
également équivalente pour les groupes FA et FC. Elle semble aussi
plus faible pour les groupes avec fonctionnalités que pour le groupe SF,
mais de manière non significative (p > 0,05).
Les valeurs de l’amotivation sont globalement faibles pour les
trois groupes. Cependant, l’amotivation est significativement plus
élevée pour le groupe avec fonctionnalités
contre-adaptées que pour le groupe avec fonctionnalités
adaptées (p = 0,018, p < 0,05). Cette
différence signifie que les participants du groupe FC étaient
moins motivés à continuer l’activité que ceux du
groupe FA. Nous n’observons pas de différence significative entre
les groupes d’utilisateurs ayant des fonctionnalités
adaptées et ceux n’ayant aucune fonctionnalité. Ces
résultats nous permettent de valider partiellement
l’hypothèse H3, l’adaptation des fonctionnalités
ludiques réduit l’amotivation des utilisateurs, la maintenant au
même niveau qu’un environnement non ludifié. Ces
résultats sont cohérents par rapport à ceux d’autres
expérimentations que nous discutons dans la section 4.3.
4.2.3. Appréciation des fonctionnalités
Pour chacune des fonctionnalités présentes dans leur interface,
nous avons demandé aux utilisateurs de noter l’affirmation
« J’apprécie cette fonctionnalité ». Les
valeurs possibles pour la réponse étaient :
1 = « Non, pas du tout »
2 = « Très peu »,
3 = « Un peu »,
4 = « Moyennement »,
5 = « Assez », 6 = « Tout
à fait », 7 = « Oui,
parfaitement ».
Les valeurs moyennes d’appréciation des fonctionnalités
sont présentées dans le tableau 6.
Tableau 6 • Appréciation des
fonctionnalités selon les groupesn = effectifs, m = moyenne, sd =
écart type
|
|
Étoiles |
Tableau |
Astuces |
Rando. |
Chrono. |
Toutes |
n |
m |
sd |
m |
sd |
m |
sd |
m |
sd |
m |
sd |
m |
sd |
FA |
73 |
4,1 |
1,9 |
4,6 |
1,5 |
5,2 |
1,1 |
4,3 |
1,6 |
5,5 |
1,4 |
4,6 |
1,3 |
FC |
75 |
5,5 |
0,9 |
4,4 |
1,4 |
4,6 |
1,5 |
4,2 |
1,7 |
5,1 |
1,3 |
4,7 |
1,4 |
total |
148 |
4,8 |
1,6 |
4,5 |
1,5 |
4,9 |
1,2 |
4,3 |
1,6 |
5,2 |
1,4 |
|
|
Les participants avec des fonctionnalités adaptées et les
participants avec des fonctionnalités contre-adaptées ont
donné des valeurs similaires d’appréciation pour la plupart
des fonctionnalités. La seule fonctionnalité pour laquelle la
différence est supérieure à 1 point est celle des
étoiles, mais les effectifs sont trop faibles pour conclure à un
écart significatif. Avec une moyenne de 4,6 pour FA et 4,7 pour FC, les
utilisateurs avec des fonctionnalités adaptées à leur
profil les apprécient autant que des utilisateurs avec des
fonctionnalités contre-adaptées. Ce résultat nous
amène à rejeter l’hypothèse H2,
l’appréciation des fonctionnalités semblant être
indépendante du fait qu’elles soient adaptées au profil de
l’utilisateur.
4.2.4. Impact de binômes de fonctionnalités
Nous avons observé dans les trois sections précédentes
que l’adaptation des fonctionnalités : (1) augmente le temps
passé sur l’environnement d’apprentissage, (2) diminue
l’amotivation et (3) semble ne pas avoir d’impact sur
l’appréciation des fonctionnalités. Pour confirmer
l’indépendance de ces résultats avec la distribution
initiale des fonctionnalités entre les groupes FA et FC, nous avons
appliqué ces comparaisons à des sous-groupes d’utilisateurs
ayant reçu exactement les mêmes fonctionnalités. Afin de
sélectionner ces groupes, le tableau 7 montre la répartition des
binômes de fonctionnalités parmi les membres des groupes FA et
FC.
Seuls deux binômes de fonctionnalités sont présents en
effectifs suffisants pour étudier leur impact de façon
indépendante : les fonctionnalités 2 et 5 (tableau de score
et chronomètre) et les fonctionnalités 3 et 4 (astuces et
randonneur).
Tableau 7 • Effectifs selon les
binômes de fonctionnalités attribués dans les groupes FA et
FC
FA |
F1 |
F2 |
F3 |
F4 |
F5 |
|
FC |
F1 |
F2 |
F3 |
F4 |
F5 |
F1 |
|
|
|
|
|
|
F1 |
|
|
|
|
|
F2 |
2 |
|
|
|
|
|
F2 |
4 |
|
|
|
|
F3 |
1 |
11 |
|
|
|
|
F3 |
4 |
9 |
|
|
|
F4 |
15 |
0 |
38 |
|
|
|
F4 |
8 |
0 |
32 |
|
|
F5 |
2 |
32 |
4 |
7 |
|
|
F5 |
1 |
43 |
4 |
6 |
|
Dans le tableau 8, nous observons les variations dans le temps passé
sur le site par ces sous-groupes de participants, ainsi que leur amotivation et
leur appréciation des fonctionnalités.
Tableau 8 • Durée, amotivation
et appréciation des fonctionnalités pour les participants avec les
fonctionnalités (2 et 5) ou (3 et 4)
2 et 5 |
Durée |
Amotiv. |
Appréc |
|
3 et4 |
Temps |
Amotiv. |
Appréc. |
FA |
3h18 |
5,8 |
4,8 |
|
FA |
2h28 |
4,4 |
5,0 |
FC |
1h58 |
5,9 |
4,6 |
|
FC |
2h02 |
7,0 |
4,8 |
Les participants ayant les fonctionnalités 2 et 5 dans le groupe FA
ont passé en moyenne 1h20 de plus sur le Projet Voltaire que les
participants du groupe FC avec les mêmes fonctionnalités. Cet
écart n’est pas significatif à p < 0,05
(p = 0,078), mais la p-value est appréciable compte-tenu de la
taille des échantillons et de l’ampleur de la différence
(p < 0,01). Par ailleurs, les participants avec les
fonctionnalités 2 et 5 montrent des niveaux identiques
d’amotivation et d’appréciation des fonctionnalités
dans les groupes FA et FC.
Les participants ayant les fonctionnalités 3 et 4 dans le groupe FA
ont passé 20 minutes en moyenne de plus sur le Projet Voltaire que les
participants du groupe FC avec les mêmes fonctionnalités, un
écart relativement faible et non significatif. Par ailleurs, les
participants avec les fonctionnalités 3 et 4 avaient un niveau
d’amotivation significativement plus bas dans le groupe FA que dans le
groupe FC (p = 0,006, p < 0,01).
La comparaison des groupes ayant les fonctionnalités 2 et 5 confirme
l'impact de l'adaptation sur le temps passé avec l’environnement
d’apprentissage. La comparaison des groupes ayant les
fonctionnalités 3 et 4 confirme le gain de motivation. Les deux groupes
confirment que l’adaptation n’a pas d’incidence sur
l’appréciation des fonctionnalités.
5. Discussion
5.1.1. Impact de l’adaptation des fonctionnalités
Concernant l’hypothèse H1 (temps
passé), les résultats ont montré que (1) les utilisateurs
avec fonctionnalités contre-adaptées passent autant de temps que
les utilisateurs sans fonctionnalités ludiques sur l’environnement,
(2) les utilisateurs les plus engagés restent significativement plus
longtemps quand leurs fonctionnalités sont adaptées que
lorsqu’elles ne le sont pas. Nous pouvons donc conclure que des
fonctionnalités ludiques n’ont un impact sur la durée
d’utilisation d’un environnement que lorsqu’elles
correspondent au profil de joueur des utilisateurs. Plus
précisément, nous avons observé que les
fonctionnalités adaptées n’ont pas d’impact sur tous
les utilisateurs mais seulement sur les plus engagés (25 % dans
cette étude). Nous supposons que la raison à cela est que les
fonctionnalités agissent sur les utilisateurs seulement au-delà
d’un temps d’utilisation minimal. Cela implique que d’autres
mécanismes doivent être utilisés pour retenir les
utilisateurs pour les premières minutes d’utilisation.
Concernant l’hypothèse H2 (appréciation des
fonctionnalités), les résultats n’ont montré aucune
différence entre les groupes selon l’adaptation des
fonctionnalités. Ce résultat est surprenant, car d’autres
mesures ont montré un impact significatif de l’adaptation des
fonctionnalités sur le comportement des utilisateurs. Cela suggère
que l’appréciation consciente des fonctionnalités par les
utilisateurs est indépendante de l’impact que ces
fonctionnalités auront sur leur comportement. Ce résultat a des
conséquences importantes sur la manière dont est
réalisée l’adaptation : il implique que
l’adaptation ne peut pas être réalisée à partir
du choix des utilisateurs.
Concernant l’hypothèse H3 (motivation), nous avons tout
d’abord observé que la motivation intrinsèque est plus
faible pour ceux qui utilisent un environnement ludifié. Ce
résultat est similaire à ceux observés dans des
études récentes telles que celle de (Hanus et Fox, 2015).
Pour les utilisateurs qui sont déjà intrinsèquement
motivés par l’activité d’apprentissage (tel que
c’était le cas dans notre étude), l’intégration
de fonctionnalités ludiques peut avoir un effet négatif sur leur
motivation. Par ailleurs, les résultats du questionnaire sur la
motivation ont montré que le fait d’utiliser des
fonctionnalités adaptées aux utilisateurs permet de maintenir leur
niveau d’amotivation aussi bas que si l’environnement
n’était pas ludifié. Ce résultat conforte le besoin
de ludification adaptative.
Enfin, nous avons également observé des différences
significatives concernant l’amotivation et la participation des
étudiants en fonction des fonctionnalités. Cela tend à
montrer que l’impact de la fonctionnalité sur les utilisateurs
diffère selon les mécaniques qu’elle
implémente : certaines ont un impact sur la motivation et
d’autres sur le temps passé. Par exemple, le chronomètre
encourage les utilisateurs à recommencer un niveau pour battre leur
meilleur temps, et ainsi à pratiquer plus longtemps. D’un autre
côté, les astuces donnent aux utilisateurs un moyen d’aider
les autres participants, ceci donnant plus de sens à
l’activité pour eux. Nous pensons que ces premiers résultats
ont un impact important sur la façon dont doivent être
conçues les fonctionnalités ludiques selon l’impact
désiré chez les utilisateurs. D’autres travaux permettraient
d’étudier plus particulièrement quel type de
fonctionnalité a un impact plutôt sur la motivation ou plutôt
sur la participation des utilisateurs.
5.1.2. Limites de l’étude
Il aurait été intéressant de mesurer l’impact des
fonctionnalités non seulement sur l’engagement, mais plus
directement sur les résultats d’apprentissage de
l’activité. Cela peut généralement être
mesuré par le calcul du taux de bonnes réponses des participants
ou le temps qu’ils mettent pour répondre (Attali et Arieli-Attali, 2015).
Cependant cela n’était pas possible dans le cadre cette
étude, car le moteur d’adaptation pédagogique du Projet
Voltaire adaptait le niveau de difficulté des exercices en temps
réel, ce qui fait que tous les utilisateurs avaient des taux de bonnes
réponses similaires.
Nous sommes conscients que le système de ludification proposé
ne s’applique qu’à un certain type d’environnement,
notamment avec des activités pédagogiques
répétitives et structurées telles que les questionnaires
à choix multiples. De telles fonctionnalités ludiques ne
conviennent pas à des activités plus complexes, telles que celles
favorisant la créativité. Cependant, les questionnaires et petits
exercices sont actuellement très répandus dans les LMS
(Learning Management Systems) tels que Moodle. De plus, de telles
activités ont particulièrement besoin de la ludification, à
cause de leur nature peu intrinsèquement motivante.
Pour terminer, notons que les participants à cette
expérimentation étaient tous les volontaires
intéressés par l’utilisation de l’environnement
d’apprentissage. Cela a probablement joué un rôle dans les
résultats concernant la motivation. Il serait intéressant de
conduire une telle expérimentation dans un contexte où les
participants ne s’engagent pas dans l’activité par choix,
dans un contexte scolaire par exemple.
6. Conclusion et perspectives
Dans cet article nous avons présenté
un modèle d’adaptation pour proposer à un apprenant
utilisant un environnement d’apprentissage en ligne des
fonctionnalités ludiques qui correspondent à son profil de joueur.
Ce modèle est basé sur une relation linéaire entre les
types de joueurs et les fonctionnalités. Nous avons mené une
expérimentation en conditions écologiques et avons montré
que la ludification adaptative peut (1) améliorer significativement
la participation des utilisateurs sur l’environnement
d’apprentissage et (2) réduire le niveau d’amotivation
des utilisateurs. Par ailleurs, certains résultats suggèrent que
la participation et la motivation des utilisateurs ne sont pas
nécessairement reliés, et peuvent être influencés par
des mécaniques de jeu différentes.
Le système proposé sélectionne les
fonctionnalités ludiques en prenant en compte le profil de joueur des
utilisateurs, mais ne prend actuellement pas en compte par exemple ceux qui ne
souhaitent pas jouer. Une prochaine version du système pourrait faire
varier non seulement le choix des fonctionnalités mais aussi le nombre de
fonctionnalités activées pour un utilisateur donné. Le
système déciderait par exemple de ne donner aucune
fonctionnalité à un utilisateur déjà
intrinsèquement motivé par l’activité
pédagogique, et trois fonctionnalités ou plus à un
utilisateur initialement démotivé mais sensible aux
mécaniques de jeu. Cela préviendrait la baisse de la motivation
intrinsèque des utilisateurs.
Actuellement, l’adaptation est rendue possible grâce au
questionnaire BrainHex que l’utilisateur remplit avant de commencer
à utiliser l’EIAH. La suite de notre travail sera
dédiée à la mise à jour du profil de joueur en temps
réel à partir des traces d’utilisation. Cela permettra de
prendre en compte les modifications du profil de joueur de l’utilisateur,
en réduisant l’utilisation du questionnaire BrainHex et en
utilisant des méthodes de classification non supervisées.
Remerciements
Nous remercions l’ANRT et l’entreprise
Woonoz pour le financement de ce travail de recherche. Nous remercions
également l’équipe de Woonoz pour le travail de
développement de la version expérimentale du Projet Voltaire et la
mise en relation avec la communauté d’utilisateurs qui s’est
portée volontaire pour participer à l’expérience.
Nous remercions aussi les experts pour leur travail sur la A-matrice. Enfin nous
remercions International Hobo pour nous avoir permis d’utiliser librement
le questionnaire BrainHex.
À
propos des auteurs
Baptiste MONTERRAT est concepteur
de fonctionnalités ludiques pour la société Woonoz.
À la fin de son master, il a développé une architecture
pour l’apprentissage par le modding de jeux vidéo. Lors de sa
thèse, il a reçu le prix du meilleur article aux rencontres des
jeunes chercheurs en EIAH 2014. Sa thèse, soutenue en 2015 avec le LIRIS
et l’INSA de Lyon, porte sur un modèle d’adaptation de la
ludification pour les situations d’apprentissage. En 2016, il a
travaillé en tant que post-doctorant au LIP6 (Paris) pour concevoir un
modèle d’adaptation générique et multi-aspects
(MAGAM).
Courriel : b.monterrat.pro@gmail.com
Toile : www.bmonterrat.com
Élise LAVOUÉ est Maître de
Conférences HDR en Informatique à l’IAE Lyon,
Université Jean Moulin Lyon 3 depuis 2009 et membre du laboratoire LIRIS,
équipe SICAL. Ses travaux de recherche concerne la conception
d’environnements informatiques d’apprentissage humains (EIAH)
réflexifs et engageants comme support à
l’auto-régulation des apprenants, notamment par le biais de la
ludification adaptative. Elle est auteure ou co-auteure de plus de 70
publications dans les domaines des EIAH et Learning Analytics. Elle a obtenu son
HDR en novembre 2016 après avoir été Professeure
Invitée à l’Université McGill pendant 8 mois. Elle a
été responsable de l’organisation de la conférence
européenne ECTEL
Adresse : 2016 et est
co-présidente du comité de programme en 2017.
6 cours Albert Thomas BP 8242, 69355 Lyon Cedex 08, France
Courriel : elise.lavoue@univ-lyon3.fr
Toile : http://liris.cnrs.fr/elise.lavoue/
Sébastien GEORGE est Professeur des
Universités en informatique à l’Université du Maine
(IUT de Laval, laboratoire LIUM) depuis 2013. Après l’obtention
d’un doctorat en informatique en 2001, il a travaillé au centre de
recherche LICEF de la Télé-université du Québec puis
a rejoint l’INSA de Lyon en 2002 (département informatique,
laboratoire LIRIS). Ses travaux portent sur les Environnements Informatiques
pour l’Apprentissage Humain (EIAH) et notamment pour le support à
l’apprentissage collectif. Il s’intéresse aux Interactions
Homme-Machine innovantes dans le contexte de l’éducation et de la
formation (jeux sérieux, réalité mixte). Il est responsable
de l’équipe de recherche IEIAH du LIUM et chargé de mission
« Apprendre et Enseigner avec le Numérique » à
l’Université du Maine.
Adresse : IUT Laval –
Département Informatique, 52 rue des docteurs Calmette et Guérin,
53020 Laval Cedex 9
Courriel : sebastien.george@univ-lemans.fr
Toile : http://perso.univ-lemans.fr/~sgeorge
Michel DESMARAIS est professeur titulaire au
département de génie informatique de l'École Polytechnique
de Montréal. Il a œuvré dans les domaines des environnements
d'apprentissage, des interactions humain-ordinateur et de l'intelligence
artificielle. Après un doctorat en psychologie à
l'Université de Montréal, il a passé une dizaine
d'années à la direction scientifique d'une équipe de
recherche au Centre de recherche informatique de Montréal. Il a par
la suite occupé différents postes de gestion et de recherche et
développement dans une entreprise spécialisée dans le
développement d'applications web. À Polytechnique de
Montréal depuis 2002, il poursuit des recherches principalement dans le
domaine de la modélisation des connaissances pour les environnements
d'apprentissage. Il est éditeur de la revue JEDM depuis 2013 et
très impliqué dans les communautés de l'analytique des
données d'apprentissage (EDM) et de la modélisation utilisateur
(UMUAI, UMAP).
Adresse : C.P. 6079, succ. Centre-Ville,
Montréal Québec, Canada, H3C 3A7
Courriel : michel.desmarais@polymtl.ca
Toile : www.professeurs.polymtl.ca/michel.desmarais/
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