Contact :
infos@sticef.org
|
Motivation, comportement dans le jeu et expérience de
jeu : une relation aux multiples facettes
Denise SUTTER WIDMER, Nicolas SZILAS (TECFA – FPSE, Université de
Genève)
|
RÉSUMÉ : Nous
avons développé un jeu vidéo pour l’apprentissage de
l’algèbre élémentaire, à partir duquel nous
étudions comment la motivation à apprendre et à
s’engager dans l’activité est liée à la
qualité de l’expérience et à l’aisance dans le
jeu. Nous avons mis en évidence différents profils
d’élèves à partir d’une méthode de
classification. Nous montrons que certains joueurs-apprenants sont
orientés plutôt jeu, d’autres plutôt contenu, et
certains d’entre eux ne sont intéressés de prime abord ni
par l’un ni par l’autre. Ces profils correspondent au départ
du jeu à des attentes et motivations diverses qui vont en partie
déterminer le niveau d’engagement des joueurs-apprenants dans
l’activité du jeu et dans l’apprentissage. Il apparaît
que si les attentes d’un des profils ne sont pas satisfaites, le niveau
d’engagement et les performances dans le jeu vont s’en ressentir
négativement.
MOTS CLÉS : Jeu
sérieux, motivation, engagement, intérêt, flow,
expérience de jeu.
|
Serious game, motivation, engagement, interest, flow, gameplay experience |
|
ABSTRACT : We
developed a video game in Algebra to investigate how motivation to learn and to
engage in a learning activity relates to the experiential qualities reported by
learners and in-game behavior. We brought out different profiles of students by
using a clustering method. We show that some learners are more oriented towards
the game, others are more interested by the learning content, and some are
neither interested by one nor by the other. Those profiles correspond to
different types of expectations and motivations that will determine the level of
engagement in the game activity and in the learning. Unfilled expectation was
found to negatively impact engagement and performances in the game.
KEYWORDS : Serious
game, motivation, engagement, interest, flow, gameplay experience |
1. Introduction
Les mathématiques et
notamment l’algèbre élémentaire posent
difficulté à nombre d’adolescents. L’algèbre
est abordée dans le cadre de l’enseignement secondaire à un
âge où la motivation intrinsèque à apprendre est en
général plus faible qu’au niveau primaire. Les adolescents
doutent plus volontiers de la valeur du travail scolaire et de leurs
compétences à réussir. Leurs besoins – tâches
davantage centrées sur l’élève et qui ont du sens
pour lui, plus de choix et d’autonomie, moins d’accent sur les notes
et les évaluations – sont en décalage avec leur nouveau
contexte scolaire (Rathunde et Csikszentmihalyi, 2005).
Souvent récalcitrants à entrer dans les apprentissages en raison
d’échecs répétés et d’un faible
sentiment de compétence, les élèves en difficulté,
notamment en mathématiques, sont en général moins
motivés à s’investir dans des tâches relevant de cette
discipline (Pelgrims, 2009).
Concevoir un environnement motivant et engageant pour l'apprentissage en
mathématiques, tel qu’un jeu sérieux, peut se
révéler particulièrement pertinent dans de telles
circonstances, d’autant plus lorsque l’on s’adresse à
une population d’adolescents dont une partie est en butte à des
difficultés scolaires. On connaît le succès
planétaire des jeux vidéo en termes économiques mais aussi
en tant que phénomène culturel (Barr et al., 2007).
L’engouement pour les jeux vidéo est lié étroitement
au sentiment de plaisir qu’éprouvent les joueurs lorsqu’ils
jouent. Les jeux sont considérés comme étant
intrinsèquement motivants. Dans cette perspective, un jeu sérieux
peut représenter un moyen de récupérer au profit de
l’apprentissage la capacité des jeux vidéo à engager
fortement les joueurs.
Par jeu sérieux, nous entendons un jeu dont la finalité
première n’est pas le simple divertissement mais la formation et
l’apprentissage, en référence à la définition
de Michael et Chen (Michael et Chen, 2006, p. 17) : « A serious game is a game in which education (in its various
forms) is the primary goal, rather than entertainment ». Plus
spécifiquement, nous nous intéressons aux jeux qui ont
été conçus avec l’intention d’amener les
apprenants à construire des connaissances en lien avec des objectifs
pédagogiques prédéfinis et qui peuvent être
évalués.
Les jeux sérieux combinent deux dimensions (jeu et contenu
d’apprentissage) pour lesquelles les apprenants-joueurs ne
témoignent pas forcément le même intérêt, ni
n’accordent la même valeur ; le sentiment de
compétence n’est pas nécessairement identique sur les deux
plans. Les défenseurs des jeux sérieux postulent que
l’engouement pour les jeux et la capacité d’engagement des
jeux vont profiter à l’apprentissage (Malone, 1981), (Mitchell et Savill-Smith, 2004).
Qu’en est-il réellement ? Est-ce que des élèves
qui ont un intérêt pour le jeu mais qui se sentent peu
compétents par rapport au contenu mathématique feraient preuve
d’une plus grande persévérance et fourniraient plus
d’efforts dans un jeu sérieux que dans des tâches scolaires
traditionnelles ? Et inversement, est-ce qu’un
intérêt modéré pour le jeu est nécessairement
un frein à l’engagement lorsque le contenu d’apprentissage
est apprécié et valorisé ?
L’objectif de cette étude est d’identifier
différents profils motivationnels d’élèves
établis sur la base de caractéristiques individuelles
présentes en amont du jeu. Nous cherchons à déterminer dans
quelle mesure ces profils peuvent être mis en relation avec certains
comportements du joueur, avec l’expérience de jeu telle
qu’elle est rapportée par les apprenants à l’issue du
jeu, et avec le sentiment d’avoir acquis de nouvelles connaissances. La
démarche suivie est de type exploratoire, nous ne formulons pas
d’hypothèses a priori. Par ailleurs, nous n’évaluons
pas, dans le cadre de cette contribution, les connaissances mathématiques
construites à travers l’utilisation du jeu au regard des
différents profils motivationnels et ne menons pas d’analyse
didactique des données récoltées durant les sessions de
jeu.
Dans une première partie, nous abordons différentes notions
théoriques en lien avec notre objectif de recherche. Nous évoquons
les questions de motivation, d’engagement et d’immersion dans un jeu
ainsi que la notion de flow qui permet d’approcher
l’expérience subjective des joueurs. Nous définissons aussi
ce que nous entendons, dans cette étude, par la notion de comportement du
joueur. A l’issue du cadre théorique sont exposées nos
différentes questions de recherche.
Dans une deuxième partie, nous présentons Algebra
Mystery, un jeu consacré à la résolution
d’équations et à la mise en équation, qui a
été conçu et développé dans le cadre de cette
recherche. Nous introduisons le contenu d’apprentissage et expliquons les
fondements de la conception du jeu au niveau mathématique ainsi que les
interactions attendues entre les apprenants et le système du jeu en vue
de la construction de nouvelles connaissances. Nous décrivons aussi le
contexte de l’expérimentation qui a été menée
ainsi que les données récoltées qui ont servi à
répondre à nos questions de recherche. Nous précisons quels
indicateurs ont été retenus pour évaluer le comportement
des joueurs. Dans la troisième partie, nous rendons compte des
résultats de nos analyses de données. A travers celles-ci,
différents profils de joueurs sont mis en évidence en fonction des
motivations et attentes au départ des joueurs apprenants ; ces
profils sont caractérisés en fonction de comportements dans le jeu
et de la qualité d’expérience du jeu.
Dans la dernière partie, nous discutons nos résultats sur les
différents profils à la lumière
d’éléments issus de la théorie et de nos questions de
recherche. Nous élargissons également la discussion à un
niveau plus général pour en tirer des conclusions qui pourraient
s’avérer utiles pour la conception d’autres jeux
sérieux.
2. Cadre théorique
2.1. Aspects motivationnels
De nombreuses théories de la motivation en
contexte scolaire ont été proposées et
développées depuis plusieurs décennies. Elles portent sur
les facteurs individuels et/ou contextuels qui expliquent les choix et
décisions des élèves, leurs intentions d’actions,
leur engagement dans une tâche, leur persévérance face aux
obstacles rencontrés et les émotions ressenties (Pelgrims et Cèbe, 2010).
Dans les recherches en psychologie de l’éducation, la motivation
à s’engager dans une tâche est perçue
aujourd’hui, non plus comme le simple produit mécanique de facteurs
internes et externes à l’individu, mais comme dépendant
essentiellement des représentations mentales que l’apprenant
s’est forgées dans la situation d’apprentissage (Bourgeois, 2011).
Ces représentations, dites motivationnelles, sont
considérées comme le fruit d’une interaction entre des
facteurs internes, propres à l’individu, et des facteurs externes,
liés au contexte et à la situation d’apprentissage.
Parmi les facteurs individuels, les facteurs affectifs, tels que le sentiment
de compétence, l’estime de soi, l’intérêt et
l’utilité des savoirs scolaires, ont fait l’objet de nombreux
travaux, notamment par rapport aux élèves en difficulté
d’apprentissage (Pelgrims et Cèbe, 2010).
Eccles et Wigfield, dans leur théorie de l’expectancy-value (Eccles et Wigfield, 2002),
estiment que la valeur accordée à la tâche
d’apprentissage et la perception de ses chances de réussite sont
les deux prédicteurs les plus importants de la motivation à
apprendre chez l’élève. A ces deux composantes viennent
s’ajouter chez Viau (Viau, 1998) la
contrôlabilité du déroulement et des conséquences de
l'activité d’apprentissage. Dans ces différentes approches,
l'engagement d'un sujet dans une activité d’apprentissage est donc
déterminé par la représentation qu’il a de la
situation et de lui-même.
Dans le domaine des mathématiques, la perception qu’ont les
élèves, notamment ceux en difficulté scolaire, de leurs
compétences va déterminer en grande partie la formation de leur
intention à se lancer dans une activité en mathématiques,
ainsi que leur engagement et leur persévérance dans celle-ci (Pelgrims et Cèbe, 2010).
Souvent en proie à des croyances de type « impuissance
acquise », ces élèves attribuent, en raison
d’échecs répétés, leurs réussites et
échecs à des causes incontrôlables, dissociées de
leurs propres actions (Linnenbrink et Pintrich, 2003).
S’intéressant à l’attitude des élèves
envers cette discipline, Tapia, Marsh et George (Tapia et al., 2004) relèvent que la recherche s’est surtout focalisée, pour les
apprenants ayant des mauvais résultats en mathématiques, sur
l’anxiété éprouvée par ces derniers.
L’anxiété engendrerait une attitude d’évitement
vis-à-vis des mathématiques avec pour conséquence une
moindre maîtrise des connaissances procédurales et
stratégiques et donc à terme une moindre compétence dans
cette discipline. D’autres facteurs que l’anxiété et
le sentiment d’efficacité personnelle des élèves
semblent également jouer un rôle dans les performances en
mathématiques, comme la valeur attribuée aux mathématiques
dans la vie actuelle et dans le futur, le plaisir de faire des
mathématiques et de suivre des cours de mathématiques,
l’intérêt pour cette discipline ainsi que l’envie de
poursuivre des études en mathématiques.
Choisir le jeu comme un environnement d’apprentissage se justifie pour
nombre d’auteurs par le plaisir que procure le jeu. Le concept de
motivation intrinsèque est au cœur de l'intérêt de
l'utilisation des jeux numériques pour l'apprentissage. Le jeu est
essentiellement
autotélique (Salen et Zimmerman, 2004) :
les joueurs jouent pour le plaisir de jouer, pour la stimulation
intrinsèque qu'apporte le jeu. Un jeu bien conçu, que l’on
estime réussi, est, par définition, intrinsèquement
motivant. La motivation intrinsèque est définie comme le fait
qu’une activité est engageante parce qu’elle est
satisfaisante et gratifiante en tant que telle et non parce qu’une
récompense est promise en cas de réussite (Csikszentmihalyi et Nakamura, 1989).
Cette notion renvoie à la perception qu’ont les individus
d’une activité. Elle implique que l’activité ou la
tâche sont perçues comme étant intéressantes et
plaisantes (rewarding) en soi (Ryan et Deci, 2009).
La motivation extrinsèque, en revanche, fait référence
à une motivation qui incite à s’engager dans une
activité en tant que moyen pour atteindre une fin (Schunk et al., 2014).
La motivation intrinsèque intéresse les chercheurs dans la
mesure où l’on suppose que les individus font plus d’effort
pour apprendre lorsque l’activité est en soi source de
satisfaction, de bien-être et de plaisir. Pour Whitton (Whitton, 2010),
cependant, c’est moins l’amusement qui va être
déterminant dans la création de conditions d’apprentissage
efficaces dans un jeu que l’engagement de l’apprenant. Garris,
Ahlers et Driskell (Garris et al., 2002) caractérisent le comportement des apprenants-joueurs motivés comme
étant plus susceptibles de s’engager dans une tâche,
d’y consacrer des efforts ; ils persévèrent plus
longtemps dans des activités que des apprenants moins motivés
abandonnent plus facilement. Ils cherchent aussi plus activement à
relever des défis et sont plus enclins à poursuivre une
tâche initiée. La motivation intrinsèque devrait promouvoir
l’apprentissage et la réussite de manière plus importante
que la motivation extrinsèque (Schunk et al., 2014).
Dans leur taxonomie des motivations intrinsèques de
l’apprentissage, Malone et Lepper (Malone et Lepper, 1987) ont mis en avant quatre catégories de motivations individuelles qui
caractérisent bon nombre de jeux considérés comme
intrinsèquement motivants : le défi, la
curiosité, le contrôle, et l’imaginaire. Les
catégories « défi » et
« contrôle » renvoient à la théorie de
l’auto-détermination. Pour ces auteurs, des activités sont
intrinsèquement motivantes quand elles défient les
compétences des apprenants, présentent l’information et les
idées en dissonance avec les connaissances et croyances des
élèves, ou de manière surprenante ou incongrue, fournissent
aux apprenants un sentiment de contrôle sur leurs résultats et,
enfin, les invitent dans un monde imaginaire et fictif à travers des
simulations et des jeux qui les placent dans des situations hors du monde
réel.
Des éléments interpersonnels comme la compétition, la
coopération et la reconnaissance sont également
évoqués par Malone et Lepper (Malone et Lepper, 1987) comme relevant d’autres formes de motivation intrinsèque. Pour
Lazzaro (Lazzaro, 2004),
le plaisir de jouer est non seulement lié au défi (hard
fun), à la curiosité, à l’imaginaire (easy
fun) et au partage d’expériences sociales mais aussi à
un état émotionnel altéré caractérisé
par des émotions positives. Du point de vue de la conception des jeux
sérieux, certains chercheurs avancent que c’est par
l’intégration intrinsèque du contenu d’apprentissage
et du jeu que la motivation intrinsèque suscitée par le jeu est
pleinement exploitée (Habgood et Ainsworth, 2011).
2.2. Engagement, immersion et qualité de l’expérience de
jeu (flow)
Dans le monde des jeux vidéo, deux approches peuvent être mises
en évidence en lien avec l’engagement : l’engagement y
est étudié soit en tant qu’état émotionnel et
cognitif soit en tant que processus (Molinari et al., 2016).
En tant que processus, l’engagement correspond à différents
niveaux d’immersion ou d’implication dans le jeu qui peuvent
évoluer en fonction des activités et des tâches
menées (Brockmyer et al., 2009), (Jennett et al., 2008).
L’expérience psychologique d’engagement n’est donc pas
forcément optimale comme l’entend la notion de flow mais
peut fluctuer dans le temps. L’engagement est alors perçu comme une
succession de points d’engagement, de désengagement et de
réengagement (O’Brien et Toms, 2008).
Pour (Brockmyer et al., 2009) l’engagement est un indicateur générique de
l’implication dans le jeu qui évolue selon une échelle dont
les différents échelons sont l’immersion (niveau le plus
bas), la présence, le flow et l’absorption psychologique
(engagement total). Le flow est, dans cette approche, une forme
particulièrement poussée d’implication dans le jeu.
L’immersion dans les jeux et l’engagement sont des notions
étroitement liées. L’immersion fait partie de
l’expérience des joueurs et résulte de l’interaction
avec l’environnement du jeu ; elle fait référence au
degré d’implication dans le jeu. Brown et Cairns (Brown et Cairns, 2004),
sur la base d’entretiens avec des joueurs, ont dégagé trois
niveaux d’immersion et ont identifié un certain nombre de
barrières (par ex. les préférences des joueurs, les
caractéristiques du jeu) qui peuvent limiter le degré
d’immersion dans un environnement de jeu. Le premier niveau
d’immersion correspond à l’engagement ; il est une
condition préliminaire à toute forme d’immersion. Pour
qu’il y ait engagement, le joueur doit être prêt à
investir du temps, de l’effort et de l’attention pour apprendre le
jeu et pour parvenir à maîtriser les principales
fonctionnalités du jeu. Cela présuppose au départ
qu’il apprécie le type de jeu proposé ou du moins
qu’il est intéressé à s’y investir si celui-ci
ne lui est pas familier.
Le deuxième niveau d’immersion est intitulé engouement
(engrossment). Il est étroitement lié à la
conception du jeu ; il se produit lorsque les émotions du joueur
sont influencées par le jeu en raison de certaines de ses
caractéristiques (scénario, graphisme, tâches captivantes).
Les joueurs deviennent moins conscients d’eux-mêmes et de leur
environnement. Au troisième niveau, le joueur est en totale
immersion : il est complètement présent dans le jeu, se sent
détaché de la réalité à tel point que seul le
jeu est alors important à ses yeux. Le jeu mobilise toutes ses ressources
attentionnelles et ses émotions sont directement affectées par
celui-ci. Pour que ce niveau d’immersion puisse se réaliser, le jeu
doit être conçu de manière à ce que le joueur puisse
s’identifier avec les situations du jeu (par exemple dans le cadre des
jeux de rôle) et que les éléments du jeu participent
à la création d’une atmosphère spécifique. Ce
dernier niveau d’immersion est rarement atteint.
Pour Gunter, Kenny et Vick (Gunter et al., 2008),
l’apprenant-joueur est pleinement immergé dans un jeu
sérieux lorsqu’il est complètement engagé et
concentré sur les objectifs d'apprentissage et les buts du jeu. Un
apprenant-joueur engagé est actif, fournit un effort mental, fait preuve
d’attention, de persistance, montre de l’intérêt, vit
émotionnellement le jeu, s’investit psychologiquement et
intellectuellement. Il ne procède pas systématiquement par
essai/erreur et régule ses actions en fonction des feedbacks fournis par
le milieu du jeu. L'engagement généré par une immersion
totale est à la fois cognitif, physique, psychologique et
émotionnel, et conduit ainsi à l'émergence d'un processus
cognitif élaboré propice à l’apprentissage.
Dans la perspective de Jennett et al. (Jennett et al., 2008),
l’immersion, qui n’est pas définie selon différents
niveaux, requiert également de la concentration, mais aussi un sentiment
de défi et de contrôle sur le jeu, une implication
émotionnelle et une dissociation par rapport au monde environnant. La
dissociation temporelle et la perte de conscience de son environnement sont
considérées comme des indicateurs d’un engagement
élevé. L’immersion n’implique pas forcément le
sentiment de présence : on peut se sentir immergé dans un jeu
comme Tetris sans avoir le sentiment d’être dans un monde
constitué de blocs qui tombent. L’immersion a un lien
évident avec la notion de flow (cf. chapitre 3.4). Mais, selon
Jennett et al. (2008), l’immersion n’est pas forcément
une expérience psychologique optimale, telle qu’elle est
définie dans la théorie du flow (Csikszentmihalyi, 1990),
bien qu’elle puisse en être un prélude.
La théorie du flow (Csikszentmihalyi, 1990) est une manière d'appréhender la qualité
d’expérience de jeu à travers l’expérience
subjective du joueur. Le flow, ou l’expérience optimale,
fait référence au plaisir qu'éprouve un joueur à
s'engager dans une activité de jeu et à y rester (Salen et al., 2009).
Il se caractérise par un état psychologique et émotionnel
où prédominent les sentiments de joie, d'accomplissement, de
compétence. L’expérience optimale n’est pas propre au
monde du jeu mais la présence de différents éléments
propices à l’émergence du flow (buts clairs,
feedbacks immédiats, niveau de difficulté adapté aux
compétences des individus et environnement autorisant la conscience aigue
des actions à entreprendre) peut contribuer à en faire des
environnements de jeu et d’apprentissage engageants pour les apprenants.
Certains éléments permettent d’identifier
l’état de flow : une attention entièrement
fixée sur l’action en cours, l’exclusion de la conscience des
distractions, l’effacement temporaire de la conscience de soi et
l’altération de la perception du temps. Dans cet état,
caractérisé par une forte immersion dans l’activité
en cours, les joueurs se trouvent profondément engagés dans le jeu
mais sans que cela engendre d’effort conscient (deep but effortless
involvement). Dans la théorie du flow, l’immersion fait
donc référence à l'implication extrême du joueur
durant le temps du jeu mais aussi aux sentiments très plaisants
engendrés par cette situation. Elle a pour effet positif de contribuer
à la persévérance du joueur/apprenant dans le jeu
malgré les obstacles rencontrés tant que ceux-ci
n’apparaissent pas totalement insurmontables. Enfin, le sentiment de
contrôle sur ses actions et sur l’interaction avec
l’environnement dans lequel l’apprenant se trouve, le besoin de
savoir que ses compétences sont adaptées au medium et que celui-ci
répond à ses actions, jouent un rôle dans
l’émergence du flow dans un environnement
d’apprentissage (Esteban-Millat et al., 2013).
Plusieurs auteurs se sont interrogés sur l’effet d’un
état de flow intense sur l'acquisition d'un savoir (Egenfeldt-Nielsen, 2005), (Habgood, 2007).
En effet, le développement des compétences métacognitives
que l’on considère comme essentielles pour un apprentissage
efficace (Bransford et al., 2000),
est susceptible de souffrir de l'effet d'immersion des jeux en empêchant
la prise de recul nécessaire à l'émergence d'une
réflexion sur les apprentissages en cours, et ce d'autant plus lorsque
les éléments d'apprentissage ne sont pas dissociés de
l'expérience de jeu (Szilas et Sutter Widmer, 2009).
L’engagement dans un jeu sérieux peut donc être
analysé à travers deux approches : l’examen du
comportement de l’apprenant-joueur durant le jeu à travers
l’analyse de ses interactions avec le logiciel ; l’expression
par l’apprenant-joueur de son expérience de jeu. Nous avons
cherché à combiner les deux approches.
2.3. Questions de recherche
Compte tenu des éléments théoriques qui
précèdent, nous chercherons à mettre en évidence
différents profils motivationnels d’élèves,
construits à partir de la valeur accordée au contenu
mathématique, au sentiment de compétence de l’apprenant et
à son intérêt pour les mathématiques et pour
l’activité de jeu proposée.
Notre première question de recherche porte sur le lien entre la
qualité de l’expérience du jeu telle qu’elle est
rapportée par les apprenants/joueurs après l’utilisation
d’un jeu en algèbre élémentaire et le profil
motivationnel. Notre deuxième question de recherche a pour objectif de
déterminer si, dans le cadre d’un jeu en mathématique,
certains profils motivationnels sont associés à un engagement plus
marqué des apprenants et à une plus forte immersion dans le jeu.
Notre troisième question de recherche s’interroge sur la relation
entre l’aisance, versus difficulté, des apprenants dans le
jeu, et leur profil motivationnel.
3. Méthode
3.1. Participants
Les participants étaient des
élèves âgés de 13-15 ans, au nombre de 94, issus de 7
classes différentes d’un établissement de
l’enseignement secondaire genevois (Suisse), situé dans un quartier
où règne une certaine mixité sociale. Les filles, au total
de 52, étaient légèrement surreprésentées par
rapport aux garçons (42). Les élèves provenaient aussi bien
de sections dites pré-gymnasiales (« latines »,
« scientifiques » ou « langues
modernes »), que de sections non pré-gymnasiales, regroupant
des élèves soit un peu plus faibles (section Langues vivantes et
communication) voire nettement plus faibles (section Communication et
technologie). Ceux des sections les plus fortes (57 au total) étaient en
10ème année tandis que les élèves des
sections dites moyennes (24 élèves) et faibles (13
élèves) étaient déjà en
11ème, autrement dit en dernière année de la
scolarité obligatoire. Selon les enseignants consultés, le niveau
de difficulté des problèmes mathématiques abordés
dans le jeu était adapté aussi bien à des
élèves de 10ème en section pré-gymnasiale
qui se destinent à des études supérieures,
qu’à des élèves de 11ème engagés dans des sections moins fortes. Pour les élèves de
10ème année la mise en équation de
problèmes constituait un chapitre nouveau dans le champ des
équations alors que les élèves de 11ème avaient déjà abordé la mise en équation de
problèmes l’année précédente avec plus ou
moins de bonheur.
3.2. Matériel
Le jeu vidéo Algebra Mystery met en scène une intrigue
policière dont le dénouement passe par la résolution de
problèmes algébriques. Le joueur joue le rôle d’un
expert scientifique ; il aide la police à résoudre des
énigmes policières en apportant son expertise en
mathématiques.
Dans la première partie du jeu, le joueur doit franchir trois portes
pour accéder à son laboratoire ; chacune de ces portes
s’ouvre grâce à un code secret que le joueur découvre
grâce à la résolution d’une équation. Les
équations à résoudre, générées
automatiquement par le système, doivent être simplifiées en
appliquant les règles d’équivalence et leur
complexité augmente à chaque porte (équations de type
x + a = b, puis ax = b et finalement
ax + b = c). Les règles d’équivalence
assurent la conservation de l’égalité par addition,
soustraction et division (nombre non nul dans les deux derniers cas).
Pour aider les élèves à construire la notion
d’équivalence lors de la phase de résolution d’une
équation, celle-ci est représentée visuellement par un jeu
d’équilibre entre les deux membres d’une équation
(Figure 1). Une bonne compréhension du concept d'équivalence
est, en effet, essentielle pour réduire une équation. Nombre
d'élèves remplacent rapidement les règles de transformation
(addition/soustraction du même nombre à chaque membre de
l'équation) en règles plus économiques (passage d'un membre
de l'autre côté de l'équation en changeant de signe) qui
sont souvent sources d'erreurs si le concept d'équivalence n'a pas
vraiment été assimilé. Le risque en appliquant les
procédures mathématiques sans comprendre les règles qui les
sous-tendent est qu’elles perdent leur sens car elles sont alors
dissociées des connaissances conceptuelles (Mayer, 2007).
Équation équilibrée |
Équation « en
déséquilibre » (non respect de
l’équivalence) |
Figure 1 • Représentation de la
mécanique du concept d’équivalence
La métaphore visuelle proposée s’apparente au principe de
la balance, souvent utilisée dans les manuels scolaires de
mathématiques pour introduire la méthode des équations
équivalentes. Lorsque le déséquilibre apparaît, le
signe « = » en gris se transforme en
signe « ≠ », en rouge et reste tel quel tant que
le déséquilibre est maintenu. La visualisation de
l’équivalence, ou absence d’équivalence, à
travers le recours à des couleurs distinctes, attire l’attention de
l’élève sur la signification spécifique du signe
« = » dans une équation, qui est différent du
signe « = » annonçant un résultat
(5 + 4 = 9). Le signe « = » traduit ici
une relation d’équivalence. La représentation choisie a pour
but non seulement de faire appliquer la règle « ce qui est fait
d’un côté, doit être fait de l’autre
côté » mais aussi d’aider l’apprenant
à réaliser que l’égalité d’une
équation lors de sa simplification est conservée tant que les
mêmes opérations sont effectuées de part et d’autre de
l’équation.
Dans la deuxième partie du jeu, qui constitue le cœur du jeu, le
joueur doit résoudre, à l’aide d’équations, des
problèmes mathématiques qui vont lui permettre
d’éclaircir une enquête sur un vol de tableaux. Il
s’avère que seules les ficelles servant à emballer et
transporter les tableaux ont été retrouvées par la police.
Afin de pouvoir identifier les trois tableaux volés, les apprenants
doivent calculer les dimensions respectives de ces derniers à partir de
données fournies sur les ficelles récupérées et
d’informations transmises par des témoins.
Figure 2 • Mise en équation d’un
problème à l’aide d’une simulation 3D
Les joueurs commencent par ficeler un paquet 3D (simulation) avec des bouts
de ficelle « connues » et « inconnues »,
qu’ils découpent conformément aux données de
l’énigme. La simulation 3D (Figure 2), qui donne une
représentation concrète du problème, a pour objectif
d’aider les élèves à poser leur équation
qu’ils peuvent saisir en parallèle au ficelage ou une fois le
paquet complètement ficelé dans une zone dédiée
à l’écriture de l’équation. Elle devrait
faciliter le passage entre les deux registres de représentation que sont
l’énoncé d’un problème, qui relève du
langage naturel, et une écriture algébrique, par définition
abstraite. La conversion dans un nouveau registre (texte vers
l’équation) est une opération cognitive lourde pour les
apprenants, d’autant plus difficile à effectuer lorsque les deux
registres ont des unités de représentations fort
éloignées l’une de l’autre (Duval, 1993), (Duval, 2002). La
représentation concrète, qui constitue un passage obligé
entre les deux autres représentations, sert à réduire la
non congruence entre les unités respectives des deux autres
représentations (texte et équation) et à soutenir les
opérations mentales requises pour traduire un problème (langage
textuel) en équation (écriture algébrique) selon le
principe de supplantation (Salomon, 1972), (Vogel et al., 2007).
De par sa nature visuelle, concrète et manipulable, la simulation devrait
contribuer à la construction d’une représentation mentale
interne du problème.
La construction des concepts d’inconnue et de variables se fait donc
à travers leur représentation dans différents registres
sémiotiques. Le ficelage du paquet peut être défini comme un
jeu de correspondances entre différents registres sémiotiques de
représentations. Une fois le paquet ficelé, ou en cours de
ficelage, l’apprenant saisit l’équation correspondante dans
la zone dédiée à cet effet. Une fois
l’équation écrite et le paquet ficelé correctement,
l’apprenant peut résoudre l’équation. Les apprenants
ayant souvent beaucoup de peine à faire le lien entre deux
représentations (Ainsworth, 1999),
ils ont à leur disposition un bouton de mise en correspondance des deux
représentations (bouton Visualiser) qui leur signale par des indices
visuels de couleur différente les éléments correspondants
(les données s’affichent en vert) ou non correspondants (en orange)
dans l’équation et sur le paquet.
Trois problèmes similaires sont soumis aux apprenants pour les amener
à comprendre et à exercer la mise en équation (voir exemple
Figure 3).
Figure 3 • Données du problème
(exemple type)
L’interface est commune aux trois problèmes, mais certains
paramètres changent d’un problème à l’autre
comme le choix des valeurs inconnues et les relations entre les grandeurs. Les
données sont puisées aléatoirement dans une base de
données pour chacun des trois problèmes que doit résoudre
l’apprenant. Les valeurs sont suffisamment complexes (nombres
décimaux) pour que les élèves ne soient pas tentés
de calculer la solution de tête par tâtonnement ou par
réversion des opérations. Le choix des variables didactiques est
essentiel pour rendre le recours à l’algèbre
nécessaire et contribuer à donner du sens à son
utilisation.
Du point de vue de la conception d’un jeu sérieux, Algebra
Mystery a été conçu selon des principes
d’intégration intrinsèque du contenu pédagogique et
des éléments de jeu (Habgood, 2007), (Szilas et Sutter Widmer, 2009).
La progression dans le jeu est ici indissociable de la progression dans les
apprentissages, la résolution des problèmes mathématiques
étant intégrée dans la fiction et la mécanique du
jeu.
3.3. Procédure
Les élèves ont d’abord dû répondre en classe
à un questionnaire créé pour l’occasion comportant
des items sur le sentiment de compétence en mathématiques, sur la
valeur accordée à cette discipline et au jeu dans une perspective
d’apprentissage, ainsi que sur leur intérêt pour
l’activité proposée. Lors d’une leçon suivante
en mathématiques, en salle informatique, les élèves se sont
engagés dans une session de jeu d’une durée de 60 minutes,
au cours de laquelle ils devaient d’abord résoudre trois
équations de difficulté croissante (franchissement des portes)
avant de mettre en équation trois problèmes d’ordre
géométrique relativement similaires (énigmes des tableaux).
Suite au jeu, les participants ont rempli un second questionnaire sur leur
perception de l’activité (satisfaction, sentiment d’avoir
appris et quelques indicateurs du flow).
Nous précisons que cette étude fait partie d’un projet de
recherche plus large, comportant un groupe de contrôle, au cours duquel
les compétences des élèves en algèbre furent
testées avant et après la session de jeu et où ils furent
alloués à deux conditions expérimentales différentes
qui ne seront pas détaillées ici (Sutter Widmer, 2017).
3.4. Variables et données
En amont de l’expérience de jeu, les aspects motivationnels des
apprenants ont été cernés par neuf items, portant
respectivement sur le sentiment de compétence en mathématiques
(par ex. « Je suis capable de résoudre des problèmes de
maths sans trop de difficultés »), le plaisir
éprouvé à faire des mathématiques à
l’école (par ex. « J'ai en général du
plaisir à faire des maths à l'école »), la valeur
accordée aux mathématiques (par ex. « Les maths
c’est sans intérêt et ennuyeux ») et aux jeux
mathématiques (par ex. « Les jeux mathématiques aident
à apprendre les maths »), ainsi que sur leur
intérêt pour l’activité proposée (par ex.
« Je suis content de faire ce jeu »). Les réponses
étaient données selon une échelle de Lickert à 5
points. Plusieurs de ces items proviennent de l’instrument
présenté dans (Tapia et al., 2004) pour mesurer l’attitude des élèves envers les
mathématiques. Ces auteurs prennent en compte des items qui renvoient au
sentiment de compétence, à l’anxiété face aux
mathématiques, à la valeur attribuée à cette
discipline, au plaisir éprouvé à faire des
mathématiques et à la motivation.
Le questionnaire post-jeu, conçu également en utilisant une
échelle de Lickert à 5 points, fut distribué
immédiatement après la session du jeu. Il compte 21 items qui
portent sur des indicateurs d’un état de flow (par ex.
« Pendant le jeu, j’ai pensé à d’autres
choses sans rapport au jeu »), le sentiment de plaisir ou
d’ennui éprouvés durant l’activité
(« Je me suis ennuyé pendant le jeu »), la prise en
main du jeu (par ex. « J’ai trouvé que le jeu
était facile à utiliser »), ainsi que sur
l’appréciation d’une telle activité (par ex.
« J’aimerais pouvoir faire plus souvent des maths de cette
manière-là ») et le sentiment d’avoir appris (par
ex. « Je comprends mieux maintenant comment écrire un
problème sous forme d’équation »).
De nombreuses données se rapportant à l’interaction entre
le système et les utilisateurs ont, par ailleurs, été
relevées lors des sessions de jeu et un certain nombre de
séquences ont été enregistrées par capture
d’écran vidéo. Dans le cadre de cette contribution, nous
nous intéressons en particulier aux actions des joueurs qui
dénotent une aisance ou au contraire des difficultés dans le jeu.
L’aisance dans le jeu est mesurée par la rapidité à
traverser les trois portes de la première partie du jeu et par le nombre
de problèmes résolus dans la deuxième partie du jeu. A ce
sujet, précisons que tous les élèves ont réussi
à franchir les trois portes mais seule une minorité est parvenue
à résoudre les trois problèmes à mettre en
équation. L’éjection des portes, qui se produit
lorsqu’un apprenant dépasse le temps imparti pour résoudre
l’équation, a également été prise en
considération. Les actions dénotant des difficultés ont
été cernées notamment par l’utilisation
répétée du bouton « recommencer » qui,
selon la partie du jeu, va générer une nouvelle équation ou
un nouveau problème de ficelle similaire alors que
l’activité en cours n’est pas encore terminée, et par
le recours régulier au bouton « annuler » qui
autorise, lors de la simplification d’une équation, de revenir
à l’état précédant la dernière action
effectuée. L’examen de captures vidéo de sessions de jeu a
montré que les apprenants qui recourent plus d’une fois au bouton
« recommencer » rencontrent le plus souvent de
sérieuses difficultés dans le jeu qu’ils ont de la peine
à surmonter.
4. Résultats
4.1. Facteurs motivationnels issus de l’ACP
Une double analyse en composantes principales (ACP)
sur les données des questionnaires passés avant le jeu
(déterminants motivationnels) et après le jeu (qualité
d’expérience du jeu) a permis de réduire le nombre
d’items, en mettant en évidence des structures de
corrélations.
Tableau 1. Analyse en composantes principales sur les
aspects motivationnels (après rotation varimax avec normalisation
Kaiser)
Composantes pour les déterminants motivationnels
(avant le jeu) |
Plaisir à faire des maths (32 %) |
Intérêt pour le jeu (19 %) |
Échec et math
(13 %) |
Aime faire des exercices sur les équations (.86) |
Content de faire le jeu (.76) |
Sentiment de compétence pour résoudre des problèmes de
math
(-.77) |
Plaisir à faire des maths à l’école (.73) |
Curieux de connaître le jeu (.73) |
Sentiment de nervosité en faisant des maths (.74) |
Maths : sans intérêt et ennuyeux (-.68) |
Utilité des jeux mathématiques pour les maths .71) |
Le jeu à venir perçu en tant que défi (.55) |
Trois facteurs sont mis en évidence dans l’ACP sur les aspects
motivationnels (Tableau 1). Ils expliquent 64 % de la variance totale.
Un premier axe concentre les items qui se réfèrent à une
attitude marquée avant tout par le Plaisir à faire des
maths. Un deuxième axe regroupe les items corrélés
fortement autour de l’Intérêt pour le jeu à
venir, donc pour l’activité proposée, mais se
réfère aussi à la valeur attribuée aux jeux
mathématiques en général. Le troisième axe, que nous
avons intitulé Échec et math, se réfère au
manque de sentiment de compétence des apprenants en mathématique,
au sentiment d’anxiété et à la perception de la
situation d’apprentissage comme un défi à relever (obstacle
à surmonter) sans qu’y soit associé un sentiment de
plaisir.
Cinq facteurs rendant compte de la qualité de
l’expérience de jeu (Tableau 2) expliquent 67 % de la
variance totale. Le premier facteur, que nous avons nommé le Sentiment
d’avoir appris en s’amusant, associe le sentiment d’avoir
acquis de nouvelles connaissances en algèbre élémentaire
avec le plaisir d’avoir pu faire des mathématiques à travers
un jeu vidéo. Les items conjuguant l’aspect
« plaisir » et le « sentiment d’avoir
appris » y sont fortement corrélés. Le deuxième
facteur, Forte immersion dans le jeu, met l’accent sur le sentiment
de s’être senti immergé dans le jeu au point de faire
abstraction de son environnement immédiat. Les items qui lui sont
associés reflètent en partie l’expérience du flow
(distorsion du temps, oubli du lieu, sentiment d’être pris par le
jeu, absence d’ennui). L’Effort mental soutenu se rapporte
à des variables signalant que les ressources cognitives des apprenants
étaient très fortement sollicitées durant le jeu. Le Sentiment d’aisance est un facteur relatif au sentiment de
maîtrise de l’environnement d’apprentissage et de jeu par les
élèves. Enfin, le cinquième facteur, Désorientation, désigne le sentiment de ne pas avoir
toujours su quoi faire pour avancer dans le jeu.
Tableau 2 • Analyse en composantes
principales sur l’expérience de jeu (après rotation varimax
avec normalisation Kaiser)
Composantes pour la qualité d’expérience du jeu
(après le jeu) |
Sentiment d’avoir appris en s’amusant (38 %) |
Forte immersion (flow) (9 %) |
Effort mental
soutenu (8 %) |
Sentiment d’aisance
(7 %) |
Désorientation (5 %) |
Jeu utile pour l’apprentissage de concepts mathématiques
(.87) |
Temps passé sans en avoir conscience (.65) |
Quantité d’effort mis dans le jeu (.74) |
Capacités suffisantes pour réussir le jeu (.78) |
Frustration (.40) |
Meilleure compréhension de la mise en équation (.84) |
Activité mathématique ennuyante
(-.67) |
Concentration durant le jeu (.70) |
Sentiment de s’être bien débrouillé dans le jeu
(.70) |
Facilité d’utilisation du jeu (-.39) |
Intérêt de l’activité pour les maths (.83) |
Exercice plus que jeu (-.66) |
Pensées distractives
(-.58) |
|
Sentiment d’être perdu (.80) |
Sentiment d’avoir appris (équations) (.81) |
Ennui pendant le jeu
(-.53) |
|
|
|
Envie de refaire des maths en jouant (.78) |
Sentiment d’être pris par le jeu (.50) |
|
|
|
Activité appréciée (.71) |
Oubli du lieu
(.51) |
|
|
|
Activité mathématique amusante (.66) |
|
|
|
|
Activité mathématique frustrante (-.61) |
|
|
|
|
A partir des différentes composantes mises en évidence par
l’ACP, des corrélations ont été effectuées
entre les facteurs « motivationnels », mesurés avant
l’entrée dans l’activité et, d’une part, les
variables de comportement et de progression dans le jeu et, d’autre part,
les facteurs relatifs à la qualité d’expérience de
jeu et au sentiment d’avoir appris de nouvelles notions en lien avec
l’algèbre élémentaire.
Le premier facteur motivationnel, Plaisir à faire des
mathématiques, est corrélé positivement avec le facteur Sentiment d’aisance dans le jeu, r = .24, p = .018, et négativement avec le facteur Désorientation, r = -.26, p = .010. Aucune corrélation significative ne peut
être relevée entre le Plaisir à faire des
mathématiques et les facteurs Sentiment d’avoir appris en
s’amusant, Forte immersion dans le jeu ou Effort mental
soutenu. Concernant les interactions du joueur avec le système de
jeu, on constate que le facteur Plaisir à faire des
mathématiques est corrélé négativement avec des
variables de comportements révélant des temps
d’hésitation ou de tâtonnement durant le jeu, qu’il
s’agisse de l’activation du bouton « annuler »
une dernière action, r = -.29, p = .020, ou du nombre de fois où le joueur est
éjecté d’une porte en raison du dépassement du temps
imparti pour résoudre l’équation, r = -.38, p < .001. Enfin, par rapport à la progression dans le
jeu, le facteur Plaisir à faire des mathématiques est
lié à un temps de jeu plus court lors du passage des trois portes, r = .42, p < .001, et à un plus
grand nombre de problèmes résolus dans la deuxième partie
du jeu, r = .33, p = .004.
Le deuxième facteur motivationnel, Échec et math, qui
regroupe les variables dénotant un faible sentiment de compétence
en mathématique, est associé au facteur Sentiment d’avoir
appris en s’amusant, r = .27, p = .008, qui est lui-même corrélé avec le
nombre de problèmes résolus dans la deuxième partie du jeu, r = .26, p = .023. Si on se penche de
manière détaillée sur les différents items composant
le facteur Sentiment d’avoir appris en s’amusant, on constate
que le facteur Échec et math est corrélé avec les
différents items constituant le volet
« apprentissage » mais pas avec ceux composant le volet
« amusement ». Aucune relation n’apparaît entre
le facteur Échec et math et les facteurs Forte immersion dans
le jeu, Effort mental soutenu et Désorientation, ni
entre le facteur Échec et math et les différentes variables
de comportement ou de progression dans le jeu.
Le troisième facteur motivationnel, Intérêt pour le
jeu est corrélé, du point de vue de la qualité de
l’expérience de jeu, avec le facteur Forte immersion dans le
jeu, r = .24, p = .020,
caractérisé notamment par une forte immersion dans l’univers
du jeu au point d’avoir le sentiment de s’être extrait du lieu
de la classe et de ne plus avoir eu conscience du temps qui passait. Il est
marginalement corrélé, r = .20, p = .055, au facteur Sentiment d’avoir appris en
s’amusant, car il n’est associé qu’avec les items
faisant référence à l’appréciation de
l’activité et non pas à ceux attachés au sentiment
d’avoir acquis de nouvelles connaissances. Par contre, aucune relation ne
peut être établie entre l’Intérêt pour le
jeu et les facteurs Effort mental soutenu et Désorientation. De même, aucune variable de comportement,
qu’il s’agisse d’actions reflétant de
l’indécision ou une progression rapide à travers les
différents problèmes qui constituent le cœur du jeu, ne peut
être mise en relation avec le plaisir de se lancer dans
l’activité proposée.
4.2. Profils motivationnels d’élèves
Suite à l’ACP, nous avons procédé à une
classification ascendante hiérarchique (CAH) en recourant à la
méthode d’agrégation Ward pour mettre en évidence des
profils d’élèves en fonction des scores factoriels issus de
l’ACP sur les déterminants motivationnels. La méthode de
Ward permet de regrouper au sein d’une même classe les individus qui
se ressemblent plus et de maximiser l’inertie inter-classe afin
d’obtenir des classes les plus homogènes possibles.
La CAH a produit quatre profils motivationnels d’élèves.
Chacune des classes est structurée par la moyenne des scores factoriels
significativement différents de la moyenne des élèves. Le
premier groupe (n = 36), majoritaire, est constitué
d’élèves qui n’ont pas de plaisir à faire des
mathématiques, ont un sentiment moyen de compétence, mais sont
curieux de connaître le jeu. Nous avons dénommé ce groupe
« les Joueurs non matheux ». Le
deuxième groupe (n = 25), intitulé
« Les Mathématiciens curieux », se
caractérise par des élèves qui aiment les
mathématiques bien qu’ils se disent moyennement compétents,
et qui sont curieux de connaître le jeu. Le troisième groupe
(n = 12), qui compte le moins de sujets, regroupe les
élèves qui se sentent très peu sûrs
d’eux-mêmes en mathématique, mais qui ont malgré tout
une attitude assez favorable envers cette discipline scolaire, et sont
moyennement intéressés par le jeu : ce sont
« les Peu Confiants ». Enfin, les
élèves du quatrième groupe (n = 21) aiment
moyennement les mathématiques et se sentent moyennement compétents
dans cette branche ; ils ne sont pas du tout curieux de connaître le
jeu. Nous les avons dénommés « les
Inintéressés ».
Nous avons d’abord regardé si chacun des profils est
cohérent avec la moyenne annuelle en mathématique et le score au
pré-test algébrique, en procédant à des analyses de
variance (Tableau 3). Les différences de moyennes entre les quatre
groupes d’élèves sont significatives aussi bien pour la
moyenne annuelle en mathématique, [F(3,89) = 4.66, p = .005, η2 = .136], que pour le
score au pré-test algébrique, [F(3,90) = 6.11, p = .001, η2 = .169].
Tableau 3 • Moyenne annuelle en
mathématique et score au pré-test selon les profils
d’élèves (moyennes et écart-types)
|
Moyenne annuelle en
mathématique (notée de 1 à 6) |
Score au pré-test
(max. : 100 pts) |
Moyenne |
Σ |
Moyenne |
σ |
Les Joueurs non matheux (n = 36) |
4.3 |
.64 |
35.2 |
16.9 |
Les Mathématiciens curieux (n = 25) |
4.7 |
.71 |
52.3 |
18.6 |
Les Peu Confiants (n = 12) |
3.9 |
.40 |
36.9 |
16.1 |
Les Inintéressés
(n = 21) |
4.6 |
.56 |
47.3 |
14.5 |
Le groupe des Mathématiciens curieux a une moyenne annuelle en
mathématique supérieure à celles des autres groupes, qui se
distingue notamment (.77, p = .011) selon les tests post-hoc de
Scheffé, de celle du groupe des Peu Confiants. Ces derniers sont
les seuls à avoir une moyenne annuelle en mathématique qui est en
deçà de celle exigée par le système scolaire suisse
(moyenne fixée à 4). Les Mathématiciens curieux ont
également un score au pré-test algébrique supérieur
à celui des trois autres groupes. Cette différence est
significative (17.07, p = 0.03) par rapport aux Joueurs non
matheux et quasi significative (15.35, p = 0.87) par
rapport aux Peu Confiants, sachant que la taille de ce groupe est
comparativement plus petite (n = 12).
Les élèves se différencient-ils, selon leur profil
motivationnel de départ, du point de vue de la qualité de
l’expérience de jeu ? Les conditions
d’homogénéité des variances n’étant pas
respectées pour tous les scores factoriels, des tests non
paramétriques ont été réalisés pour les
facteurs concernés. Le test de Kruskal-Wallis nous indique que
l’aisance dans le jeu (χ2 = 9.14, p = .027) et le sentiment de désorientation et
frustration (χ2 = 8.32, p = .040)
diffèrent significativement selon le profil des élèves. Les Mathématiciens curieux se sont sentis les plus à
l’aise dans le jeu avec un rang moyen de 57, tandis que les Joueurs non
matheux, dont le rang moyen est de 38, se sont sentis les moins à
l’aise (Tableau 4). Les Peu Confiants, avec un rang moyen de 41, se
sont également sentis, mais dans une moindre mesure, peu à
l’aise dans le jeu. En cohérence avec le résultat
précédent, ce sont les Mathématiciens curieux qui se
sont sentis les moins désorientés en cours de jeu (rang moyen de
35 pour le facteur Désorientation) alors que les Peu
Confiants sont les élèves qui ont le plus
éprouvé le sentiment d’être perdus (rang
moyen = 58).
Tableau 4 • Qualité de
l’expérience de jeu selon les profils d’élèves
(moyennes et écart-types)
Scores factoriels
[- 2.8, 2.8] |
|
Les Joueurs non matheux |
Les Mathématiciens curieux |
Les Peu
Confiants |
Les Inintéressés |
m (σ) |
m (σ) |
m (σ) |
m (σ) |
Sentiment d’avoir appris en s’amusant |
.08 (1.06) |
.08 (.84) |
.41 (.68) |
-.48 (.24) |
Forte immersion (flow) |
-.01 (.88) |
.26 (.92) |
.40 (.79) |
-.53 (.26) |
Sentiment d’aisance |
-.32 (.67) |
.35 (1.07) |
-.18 (1.06) |
.25 (.26) |
Effort mental soutenu |
.02 (1.02) |
.04 (.91) |
-.03 (1.08) |
-.07 (.24) |
Désorientation |
.26 (.84) |
-.44 (.92) |
.46 (.81) |
-.19 (.27) |
Pour le facteur Sentiment d’avoir appris en s’amusant, les
résultats globaux sont proches de la significativité
[F(3,90) = 2.57, p = .059, η2 = .079], sans doute en raison de la différence de taille du
groupe des Peu Confiants par rapport aux autres groupes. Le score moyen
des Peu Confiants est nettement supérieur à celui des
autres profils d’élèves (Tableau 4). Si l’on prend
séparément les items du facteur Sentiment d’avoir appris
en s’amusant, on relèvera, sur la base de tests de
Kruskal-Wallis, des différences significatives entre les profils
d’élèves pour l’appréciation de
l’activité (p = .004), le sentiment que faire des
maths de cette manière-là est intéressant
(p = .001) et amusant (p = .002). Sur tous ces
items, les Peu Confiants se distinguent significativement des Inintéressés : ils ont en moyenne des réponses
positives pour chacun des ces items en comparaison avec les Inintéressés qui ont un avis plutôt négatif
sur l’ensemble des questions relatives à
l’appréciation de l’activité. Les différents
profils d’élèves se distinguent aussi entre eux par rapport
à l’impression de mieux comprendre certains concepts
mathématiques à la suite du jeu
[F(3,90) = 4.57, p = .043,
η2 = .086], les Peu Confiants partageant le
plus ce sentiment, tandis que les Inintéressés étaient plutôt en désaccord avec ce point de vue.
Aucun des profils d’élèves n’est associé
à une forte immersion dans le jeu bien que deux groupes
d’élèves (les Joueurs non matheux et les Mathématiciens curieux) se caractérisent au départ
par une curiosité plus marquée pour le jeu que les deux autres
groupes. Les élèves ayant pu vivre une expérience de forte
immersion se retrouvent dispersés dans les différents groupes,
mais sans aucun doute dans une proportion moindre chez les Inintéressés. Trois items sur six composant le facteur Forte immersion donnent des scores factoriels moyens différents
selon les groupes d’élèves : il s’agit du
sentiment que l’activité proposée relevait plus d’un
exercice que d’un jeu [F(3,90) = 3.34, p = .023, η2 = .100], du sentiment
de s’être ennuyé [F(3,90) = 4.38, p = .006, η2 = .127], et de
s’être senti pris par le jeu [F(3,90) = 3.99, p = .010, η2 = .117]. Le sentiment de
s’être ennuyé est le plus marqué chez les Joueurs
non matheux (M = 2.64, ET = 1.07), suivi
de près des Inintéressés (M = 2.52, ET = 1.25) et le moins prononcé chez les Mathématiciens curieux (M = 1.86, ET = .81) et les Peu Confiants (M = 1.75, ET = .75) ; à
l’inverse, ces derniers sont ceux qui, parmi tous les groupes, se sont
sentis le plus pris par le jeu, tandis que les Inintéressés l’étaient le moins.
Selon les analyses de comparaisons multiples de Scheffé, les
différences sont significatives entre les Mathématiciens
curieux et les Joueurs non matheux pour l’ennui
éprouvé durant le jeu (-.78, p = .041), et entre
les Peu Confiants et les Inintéressés pour le
sentiment de s’être senti pris par le jeu (-.77, p = .038). On ne relève cependant pas de
différences significatives entre les quatre groupes pour l’oubli du
lieu et la distorsion du temps. En moyenne, les élèves ont tous eu
le sentiment de n’avoir pas vu le temps passer ; par contre, ils
n’ont pas eu, dans l’ensemble, le sentiment d’avoir
oublié qu’ils étaient en classe. Quant au facteur Effort
mental soutenu, il ne se distingue pas non plus d’un groupe
d’élèves à l’autre.
Des différences dans le degré d’aisance dans le jeu ont
également pu être observées selon le profil des joueurs. Le
temps total moyen passé sur la première partie du jeu
[F(3,86) = 2.65, p = .054,
η2 = .085], et le nombre de problèmes
résolus dans la deuxième partie du jeu
[F(3,84) = 3.08, p = .0.32, η2 = .099], varient selon les groupes d’élèves. Les Mathématiciens curieux réussissent toujours mieux que les
autres, tandis que ce sont les Joueurs non matheux qui passent en moyenne
le plus de temps sur les portes et qui résolvent le moins de
problèmes dans la deuxième partie du jeu (Tableau 5). Ces
derniers se distinguent significativement des Mathématiciens curieux (-.80, p = .044), selon les tests post-hoc de
Scheffé pour le nombre de problèmes résolus. Les Peu
Confiant, quant à eux, arrivent en deuxième position pour le
nombre de problèmes résolus, devant les Joueurs non matheux et les Inintéressés.
Tableau 5 • Comportement dans le jeu
selon les profils d’élèves (moyennes et
écart-types)
Variables de comportement |
Les Joueurs non matheux |
Les Mathématiciens curieux |
Les Peu
Confiants |
Les Inintéressés |
m (σ) |
m (σ) |
m (σ) |
m (σ) |
Temps passé sur les portes (sec.) |
1040 (580) |
650 (397) |
785 (424) |
736 (416) |
Nombre de problèmes résolus |
.75 (1.01) |
1.64 (1.18) |
1.22 (1.20) |
1.06 (.93) |
Utilisation du bouton annuler |
4.80 (4.73) |
1.84 (2.24) |
1.14 (1.21) |
2.69 (2.92) |
Nombre d’éjections des portes |
1.14 (1.30) |
.33 (.92) |
.83 (1.20) |
.55 (1.00) |
D’autres variables dénotant des attitudes de tâtonnement
ou d’hésitation, pour lesquels nous avons procédé
à des tests non paramétriques en raison d’une absence
d’homogénéité des variances, indiquent des
différences de comportement selon les profils de joueurs. Selon le test
de Kruskal-Wallis, la fréquence d’utilisation du bouton
« annuler » la dernière action
(p = .014) ainsi que le nombre d’éjections
d’une porte dans la première partie du jeu
(p = .016) en raison d’un dépassement du temps
imparti pour résoudre une équation, varie selon le profil des
élèves. Les Joueurs non matheux ont le plus tendance
à activer le bouton « annuler », tandis que les Peu Confiants l’utilisent le moins souvent ; ce sont
également les Joueurs non matheux qui subissent le plus
d’éjections alors que les Mathématiciens curieux en
sont le plus préservés.
5. Discussion
L’analyse en composantes principales
combinée à la méthode de classification ascendante
hiérarchique a permis de dégager différents profils
d’élèves définis en fonction de leur attitude
à l’égard des mathématiques, de leur sentiment de
compétence dans cette discipline et de leur intérêt pour
l’activité de jeu proposée.
L’analyse des différents profils motivationnels a mis en
évidence deux types d’engagement dans le jeu sérieux
liés à des orientations motivationnelles différentes au
départ : d’un côté, nous avons identifié
des apprenants orientés plutôt vers les contenus, de
l’autre côté, des apprenants orientés plutôt
vers le jeu ; une troisième catégorie
d’apprenants, qui n’est intéressée ni par le contenu
ni par le jeu, ne s’est pas réellement engagée dans les
apprentissages visés par le jeu. Un engagement porté au
départ par le contenu mathématique apparaît comme ayant
été plus bénéfique, dans le cadre de notre jeu
sérieux, en termes de motivation et d’expérience de jeu
qu’un engagement motivé au départ essentiellement par
l’intérêt pour le jeu.
Dans le premier groupe d’apprenants se trouvent les Mathématiciens curieux et les Peu confiants. Ils ont
majoritairement apprécié Algebra Mystery, sans doute parce
que le jeu sérieux a répondu à leurs attentes de
départ, mais aussi parce que leur performance dans le jeu, tributaire de
leur motivation intrinsèque pour les mathématiques, a
contribué à ce sentiment de satisfaction. Ces deux profils
d’élèves ont en commun un intérêt personnel
pour le contenu mathématique, doublé d’un
intérêt situationnel (Fredricks et al., 2004), (Murphy et Alexander, 2000) chez les Mathématiciens curieux, puisque ces derniers se disaient
aussi curieux de découvrir le jeu. L’intérêt personnel
conduit à un investissement plus important dans l’activité
en raison d’un désir marqué d’acquérir de
nouvelles compétences dans le champ en question (Eccles et Wigfield, 2002), (Hidi, 2001), (Linnenbrink et Pintrich, 2003).
Les apprenants-joueurs qui avaient avant tout un intérêt pour
les contenus d’apprentissage au départ du jeu, ont fait preuve
d’un engagement élevé dans le jeu, ils ont été
persévérants tout au long de l’activité malgré
les obstacles rencontrés. Leur comportement dans le jeu s’est
caractérisé par la volonté de comprendre les
mécanismes du jeu ainsi que le contenu pédagogique qui lui
était étroitement associé, ce qui s’est traduit par
des réussites tout au long du jeu. La conception d’un jeu fortement
axé sur les mathématiques, correspondant sans doute en partie aux
attentes des apprenants, ainsi que le fait de pouvoir se rendre compte des
progrès réalisés (résoudre les équations et
les problèmes mathématiques) et de se sentir compétents
dans l’activité menée ont dû avoir un effet positif
sur leur engagement et renforcer celui-ci (Whitton, 2010).
Une partie des apprenants orientés « contenu »,
les Peu Confiants, ont déclaré avant le jeu avoir un faible
sentiment d’efficacité personnelle dans la résolution de
problèmes. Il s’agit d’apprenants qui ont sans doute en
général de la peine à s’engager dans une
activité mathématique et à se sentir compétents pour
la mener à terme. Ils ont d’ailleurs fait part au début
d’un faible intérêt pour le jeu, même s’ils ont
une attitude favorable à l’égard des mathématiques,
faible intérêt qui s’explique peut-être par des
expériences passées négatives en mathématique ou est
le fruit d’un certain scepticisme quant à l’efficacité
des jeux pour apprendre les mathématiques. L’attitude circonspecte
par rapport au jeu proposé n’a toutefois pas eu d’incidence
négative sur leur engagement et leur motivation à
réussir.
Un simple habillage des tâches mathématiques n’est
pourtant souvent pas suffisant pour induire un véritable engagement dans
les apprentissages pour des élèves en difficulté scolaire
et les inciter à l’action (Pelgrims et Cèbe, 2010).
On peut supposer que la conception d’un jeu centré sur le contenu
pédagogique, ne contenant pas d’éléments distractifs,
ainsi que la présence de feedbacks, informant immédiatement les
apprenants de la validité de leurs actions, ont permis aux
élèves peu confiants de réguler leurs actions au fur
et à mesure de leur avancement dans le jeu, ce qui a dû favoriser
leur engagement et leur persévérance dans le jeu et contribuer
à leur progression (Cameron et Dwyer, 2005), (Gunter et al., 2008).
Un environnement d’apprentissage en ligne a aussi comme avantage de ne pas
émettre de jugement de valeur sur les erreurs commises et peut de ce fait
avoir un effet rassurant pour ce profil de joueurs. Aucun de ces
élèves n’a abandonné en cours de route le jeu,
même si certains d’entre eux ont rencontré des
difficultés dans la prise en main du logiciel, alors que ce sont des
élèves qui ont sans doute souvent été
confrontés à des échecs et ont pu développer au
cours du temps des comportements d’évitement (Pelgrims et Cèbe, 2010).
En laissant peu de place à des stratégies d’essais-erreurs
et en fournissant des rétroactions immédiates, Algebra
Mystery a certainement encouragé ces élèves à
attribuer leurs réussites et échecs à leurs propres
actions, plutôt qu’à des causes externes incontrôlables
qui ont un effet négatif sur la motivation (Graham et Williams, 2009),
et leur a donné le sentiment d’avoir acquis de nouvelles
connaissances en mathématique.
Par contre, les apprenants-joueurs qualifiés de Joueurs non
matheux, qui étaient au départ essentiellement motivés
à s’engager dans Algebra Mystery en raison de leur
intérêt pour le jeu, mais qui n’avaient pas de plaisir
à faire des mathématiques, ne sont pas parvenus à surmonter
certaines des difficultés auxquelles ils ont été
confrontés durant le jeu, ce qui a empêché une
véritable entrée dans les apprentissages. Leur engagement initial,
orienté sur le « jeu » n’a pas
coïncidé avec un engagement cognitif dans les contenus
didactiques ; il s’est délité au fur et à mesure
des problèmes rencontrés, qui relevaient soit du contenu
didactique soit de la prise en main des mécaniques de jeu ou des deux
à la fois, s’agissant d’un jeu intrinsèquement
intégré.
Plusieurs des facteurs considérés comme ayant un effet
négatif sur l’engagement (Whitton, 2010) ont joué en défaveur de ces apprenants, tels que des
difficultés à démarrer dans la deuxième partie du
jeu, le fait d’être restés bloqués dans le premier
problème pour une majorité d’entre eux, et un ennui
intrinsèque manifesté pour le contenu ou l’activité
elle-même. Face à un jeu centré essentiellement sur un
contenu d’apprentissage, les Joueurs non matheux ont sans doute eu
le sentiment que le jeu proposé, tel qu’il était
conçu, ne contenait pas suffisamment de ressorts ludiques. Lorsque la
motivation porte essentiellement sur le jeu et que la motivation
intrinsèque pour le contenu pédagogique fait totalement
défaut, voire que des émotions négatives sont ressenties
par rapport à celui-ci, il semble difficile de reporter
l’intérêt pour le jeu sur le contenu d’apprentissage
lorsque celui-ci est prédominant dans l’environnement
d’apprentissage. Il serait sans doute souhaitable, pour maintenir
l’engagement de cette catégorie d’apprenants-joueurs, de
concevoir un environnement qui contienne plus d’éléments
ludiques, dans l’idée qu’en soutenant un engagement
orienté sur le jeu, on assiste à un effet contagieux sur
l’engagement dans les contenus d’apprentissage.
Enfin, les joueurs-apprenants qui n’étaient
particulièrement intéressés ni par le contenu ni par le
jeu, se sont sentis moins motivés à s’engager dans un jeu
pédagogique même si ce sont des apprenants qui n’avaient pas
de difficultés majeures dans le champ disciplinaire dans lequel
s’inscrit le jeu. Il semble difficile de faire entrer dans un jeu des
élèves très peu intéressés au départ
par l’activité qui leur est proposée, voire qui lui sont
hostiles. Ce résultat confirme le rôle central que joue
l’intérêt pour un contenu ou une tâche dans
l’envie de s’engager dans une activité (Linnenbrink et Pintrich, 2003).
Une attitude détachée dès le départ et qui se
maintient tout au long du jeu se traduit par une absence d’apprentissage,
même si certains de ces apprenants ont passé le cap du premier
problème. Un accompagnement particulier ou une introduction au jeu
seraient peut-être efficaces pour assurer un engagement cognitif et
comportemental, voire émotionnel, plus important de ces
élèves afin de leur assurer une plus grande satisfaction et une
progression plus importante dans les apprentissages visés par un jeu.
Les profils dégagés ont donc révélé des
attentes et des motivations variées chez les joueurs qui se sont
traduites par différents types de comportements d’engagement dans
le jeu et par une qualité d’expérience
différenciée selon les profils. D’autres études ont
également montré pour les jeux vidéo que l’attention
et la conscience des joueurs pouvaient être tournées vers des
éléments distincts, notamment soit vers l’environnement du
jeu soit vers le jeu lui-même (Bouvier et al., 2014).
L’engagement apparaît donc comme un état qui se manifeste et
se maintient dans un jeu sérieux lorsque la forme du jeu et ses contenus
pédagogiques coïncident avec les attentes et les
intérêts des apprenants-joueurs. Dans le cas d’un jeu
sérieux comme Algebra Mystery qui privilégie des contenus
complexes, entièrement ou partiellement nouveaux pour ses utilisateurs,
et où les formes du jeu pourraient être davantage
développées, ce ne sont finalement pas les
« joueurs » mais les « sérieux »
qui ont le plus progressé dans le jeu et se sont déclarés
les plus satisfaits de l’activité.
L’ACP a montré, par ailleurs, un lien clair entre la
curiosité a priori avant le jeu et une forte immersion dans
l’univers fictif du jeu, sans qu’on puisse néanmoins relever
un lien entre une expérience de jeu que l’on peut qualifier de
proche d’un état de flow (plaisir, absence d’ennui et
déconnexion temporelle et spatiale) et la progression dans la
résolution des problèmes. Il semble donc que l’état
d’expérience optimale n’est pas forcément propice
à un engagement cognitif dans la tâche d’apprentissage et
dans la prise de conscience des concepts mathématiques sous-jacents dans
le jeu (Klawe, 1998).
Aucun des profils d’élèves n’est associé
à une forte immersion dans le jeu bien que deux groupes
d’élèves (Les Joueurs non matheux et les Mathématiciens curieux) se caractérisent au départ
par une curiosité plus marquée pour le jeu que les deux autres
groupes. Les Peu confiants se distinguent cependant des Inintéressés en affirmant s’être sentis pris
par le jeu et ne pas s’être ennuyés mais d’autres
dimensions importantes du flow comme l’oubli du lieu ou la
distorsion du temps ne sont pas l’apanage d’un groupe par rapport
à un autre. Les élèves ayant pu vivre une expérience
de forte immersion se retrouvent dispersés dans les différents
groupes, mais sans aucun doute dans une proportion moindre chez les Inintéressés. La nouveauté du jeu, les
difficultés de prise en main et le contexte d’utilisation de la
classe ont sans doute rendu difficile l’émergence et le maintien
tout au long du jeu d’une expérience proche du flow.
6. Conclusion
Nous avons évalué dans cette
étude les aspects motivationnels d’un jeu vidéo
destiné à l’apprentissage de concepts algébriques.
Les résultats indiquent, en lien avec nos questions de recherche, que les
prédispositions motivationnelles des apprenants, mesurées avant
l’engagement dans le jeu, peuvent être mises en relation avec
certains comportements durant le jeu, avec la difficulté ou la
facilité de la prise en main de l’environnement
d’apprentissage/jeu, ainsi qu’avec la qualité de
l’expérience, mais aussi avec la perception qu’ont les
apprenants/joueurs d’avoir acquis ou non de nouvelles connaissances suite
à l’activité proposée. En particulier,
différents profils d’élèves ont pu être
dégagés à partir des déterminants motivationnels, ce
qui a permis de montrer que les notions de plaisir à jouer, de
progression dans le jeu, de capacité à surmonter les obstacles,
d’immersion et de perception de l’apprentissage ne sont pas
liés de manière simple et directe mais sont le produit d’une
configuration complexe.
Sur le plan de la motivation, l’expérience menée avec Algebra Mystery a confirmé que l’intérêt pour
une activité, conformément à la théorie de
l’intérêt, joue un rôle déterminant dans
l’engagement des élèves dans une activité
donnée. Néanmoins, dans le cas d’un jeu sérieux,
l’orientation de l’intérêt, selon qu’il porte sur
le jeu, le contenu d’apprentissage, ou les deux à la fois, semble
avoir une influence prépondérante sur le degré
d’engagement cognitif et la qualité de l’expérience de
jeu des joueurs-apprenants. Par ailleurs, à moins d’un
intérêt complètement absent, voire d’une attitude
négative envers l’activité proposée, qui rend
très difficile tout engagement et persistance, la nature de
l’environnement d’apprentissage et la qualité de
l’interaction entre l’apprenant et cet environnement est susceptible
de faire naître en cours de jeu un intérêt grandissant pour
l’activité, même si au départ celui-ci était
faible, et conduire à l’engagement cognitif et émotionnel
des intéressés. Des élèves a priori peu confiants,
qui ont un sentiment d’efficacité personnelle moindre, semblent
bénéficier d’un environnement d’apprentissage
interactif et ludique qui fournit des feedbacks immédiats sur chacune des
actions menées.
Mieux connaître à l’avance les prédispositions
motivationnelles des joueurs-apprenants pourrait donc servir à orienter
ces derniers de manière plus efficace vers telle ou telle activité
pédagogique et de prévoir des mesures d’accompagnement
adaptées en fonction du profil de chaque joueur-apprenant. Dans le cas
des « joueurs » peu intéressés au
départ par le contenu didactique, l’entrée dans les
apprentissages pourrait se faire plus progressivement, des intermèdes de
« pur jeu » pourraient être proposés à
certains moments du jeu tout en conservant en parallèle des contenus
d’apprentissage intégrés dans la mécanique du jeu. On
peut dès lors se demander si un accent mis sur l’apprentissage
durant tout le temps du jeu, à travers chacune des actions du jeu, est
toujours profitable en matière d’engagement pour les profils de
« purs joueurs » qui estiment qu’il y a
insuffisamment de jeu et d’actions et trop de contenu pédagogique.
Il serait, par ailleurs, important de mener une analyse didactique des
interactions entre le joueur et l’environnement de jeu afin de mettre en
évidence les difficultés rencontrées par les joueurs dans
leur compréhension des notions mathématiques sous-jacentes et
d’établir précisément dans quelle mesure
l’environnement proposé, qui comportait différentes
représentations des objets mathématiques, a contribué, pour
chacun des profils motivationnels, à la construction des connaissances
mathématiques visées par le jeu.
7. Remerciements
Nous tenons à remercier les enseignants du
Cycle d’Orientation des Colombières qui ont participé
à la phase d’expérimentation du projet et notamment Gabriel
Thullen qui a suivi le projet dès sa phase de conception. Nous remercions
également Nicolas Habonneau pour le développement
d’Algebra Mystery ainsi que la Commission informatique de
l’Université de Genève qui a soutenu financièrement
le projet.
À
propos des auteurs
Denise Sutter Widmer est chargée
d’enseignement à l’Université de Genève. Elle
forme les étudiants engagés dans la formation en enseignement
primaire à l’usage pédagogique des MITIC. Au
bénéfice d’une licence en histoire économique et
sociale et d’un master en administration publique, Denise Sutter Widmer a
travaillé quelques années dans différents secteurs
(administration publique, milieu associatif et enseignement) avant de
s’intéresser aux technologies éducatives. Ses thèmes
de recherche concernent les jeux destinés à l’apprentissage.
Sa thèse, soutenue en janvier 2017, portait sur la conception et
l’évaluation d’un jeu sérieux en algèbre. Elle
s’intéresse également à l’intégration
des technologies éducatives dans les classes.
Adresse : TECFA-FPSE Université de
Genève – Uni-Pignon, Pont d'Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse
Courriel : denise.sutterwidmer@unige.ch
Toile : tecfa.unige.ch/perso/sutterw/
Nicolas Szilas est ingénieur de l’ESIM (Ecole
Centrale Marseille) et docteur de l’INPG en Sciences Cognitives. Du public
au privé et vice-versa, il a acquis une compétence
pluridisciplinaire dans les domaines de l’Intelligence Artificielle, de
l’Interface Homme Machine et des jeux vidéo. En 1999, il lance
IDtension, un programme de recherche sur le Drame Interactif, qui devra devenir
son domaine d'excellence pour les années à venir. En 2006, il
entre au laboratoire TECFA de l'Université de Genève, où il
poursuit ces recherches au travers de plusieurs projets financés par
l'Europe ou la Suisse. Il s'intéresse particulièrement à
l'utilisation de ces systèmes à des fins d'apprentissage ou de
formation, au développement de modèles, outils et
méthodologies permettant à des auteurs de s'approprier ces
nouvelles technologies d'écriture, et enfin à leur
évaluation. Il s'intéresse également de près aux
jeux vidéo pédagogiques, domaine qu'il enseigne à
l'Université, notamment aux questions d'intégration des objectifs
pédagogiques dans la mécanique de jeu.
Adresse : TECFA-FPSE Université de
Genève – Uni-Pignon, Pont d'Arve 40, 1211 Genève 4, Suisse
Courriel : nicolas.szilas@unige.ch
Toile : tecfa.unige.ch/perso/szilas/
BIBLIOGRAPHIE
Ainsworth, S. (1999). Designing effective multi-representational learning environments. ESRC
Centre for Research in Development, Instruction & Training, Department of
Psychology, University of Nottingham, 58. Disponible sur internet.
Barr, P., Noble, J. et Biddle, R. (2007). Video game
values: Human–computer interaction and games. Interacting with
Computers, 19(2), 180–195.
Bourgeois, E. (2011). La motivation à apprendre.
Dans E. Bourgeois et G. Chapelle (dir.), Apprendre et faire apprendre (2nd ed., p. 235–253). Paris : Presses Universitaires de France.
Bouvier, P., Lavoue, E. et Sehaba, K. (2014). Defining
engagement and characterizing engaged-behaviors in digital gaming. Simulation
& Gaming, 45(4–5), 491–507.
Bransford, J. D., Brown, A. L. et Cocking, R. R. (2000). How people learn: Brain, mind, experience and school. Washington,
DC : National Academy Press.
Brockmyer, J. H., Fox, C. M., Curtiss, K. A., Mcbroom,
E., Burkhart, K. M. et Pidruzny, J. N. (2009). The development of the Game
Engagement Questionnaire: A measure of engagement in video game-playing. Journal of Experimental Social Psychology, 45(4), 624–634.
Brown, E. et Cairns, P. (2004). A grounded investigation
of game immersion. Dans Proceedings of the Conference on Human Factors in
Computing Systems (CHI 2004) (p. 1297-1300). ACM Press.
Cameron, B. et Dwyer, F. (2005). The effect of online
gaming, cognition and feedback type in facilitating delayed achievement of
different learning objectives. Journal of Interactive Learning Research, 16(3), 243–258.
Csikszentmihalyi, M. (1990). Flow: the psychology of
optimal experience. New York, NY : Harper.
Csikszentmihalyi, M. et Nakamura, J. (1989). The dynamics
of intrinsic motivation: A study of adolescents. Dans C. Ames & R. Ames
(dir.), Research on motivation in education (Vol. 3, p. 45–71). San
Diego, CA : Academic Press.
Duval, R. (1993). Registres de représentation
sémiotique et fonctionnement cognitif de la pensée. Annales de
Didactique et de Sciences Cognitives, 5, 37–65.
Duval, R. (2002). Comment décrire et analyser
l’activité mathématique ? Cadres et registres. Dans Actes de la journée en hommage à Régine Douady (p. 83–105). Paris, France : IREM, Université Paris 7
Denis Diderot. Disponible sr internet.
Eccles, J. S. et Wigfield, A. (2002). Motivational
beliefs, values, and goals. Annual Review of Psychology, 53,
109–132.
Egenfeldt-Nielsen, S. (2005). Beyond edutainment.
Exploring the educational potentials of computer (Thèse,
IT-University of Copenhagen, Danemark).
Esteban-Millat, I., Martínez-López, F. J.,
Huertas-García, R., Meseguer, A. et Rodríguez-Ardura, I. (2013).
Modelling students’ flow experiences in an online learning environment. Computers & Education, 71, 111-123.
Fredricks, J. A., Blumenfeld, P. C. et Paris, A. H.
(2004). School engagement: Potential of the concept, State of the Evidence. Review of Educational Research, 74(1), 59–109.
Garris, R., Ahlers, R. et Driskell, J. E. (2002). Games,
motivation, and learning: A research and practice model. Simulation &
Gaming, 33(4), 441–467.
Graham, S. et Williams, C. (2009). An attributional
approach to motivation in school. Dans K. Wentzel et A. Wigfield (dir.), Handbook of motivation at school (p. 11–33). London, United
Kingdom : Routledge.
Gunter, G. A., Kenny, R. F. et Vick, E. H. (2008). Taking
educational games seriously: Using the RETAIN model to design endogenous fantasy
into standalone educational games. Educational Technology Research and
Development, 56(5–6), 511–537.
Habgood, J. (2007). The effective integration of
digital games and learning content (Thesis, University of Nottingham, U.K.). Disponible sur internet.
Habgood, J. et Ainsworth, S. (2011). Motivating children
to learn effectively: Exploring the value of intrinsic integration in
educational games. The Journal of the Learning Sciences, 20(2),
169–206.
Hidi, S. (2001). Interest, reading, and learning:
Theoretical and practical considerations. Educational Psychology Review, 13(3), 191–209.
Jennett, C., Cox, A. L., Cairns, P., Dhoparee, S., Epps,
A., Tijs, T. et Walton, A. (2008). Measuring and defining the experience of
immersion in games. International Journal of Human-Computer Studies, 66(9), 641–661.
Klawe, M. (1998). When does the use of computer games
and other interactive multimedia software help students learn mathematics? Disponible sur internet (consulté le 25
novembre 2016).
Lazzaro, N. (2004). Why we play game: Four keys to
more emotion without story. Repéré sur le site de
Xeodesign à http://xeodesign.com/xeodesign_whyweplaygames.pdf
(consulté le 25 novembre 2016).
Linnenbrink, E. A. et Pintrich, P. R. (2003). The role of
self-efficacy beliefs in student engagement and learning in the classroom. Reading & Writing Quarterly, 19(2), 119–137.
Malone, T. W. (1981). Toward a theory of intrinsically
motivating instruction. Cognitive Science, 5(4), 333–369.
Malone, T. W. et Lepper, M. R. (1987). Making learning
fun : a taxonomy of intrinsic motivations for learning. Dans R. E.
Snow et M. J. Farr (dir.), Aptitude, learning and instruction : III.
Conative cognitive and affective process (p. 222–253). Hilsdale,
NJ : Erlbaum.
Mayer, R. E. (2007). Learning and instruction (2nd
ed.). Pearson.
Michael, D. et Chen, S. (2006). Serious Games: Games
That Educate, Train, and Inform. Boston, MA: Thomson.
Mitchell, A. et Savill-Smith, C. (2004). The use of
computer and video games for learning. A review of the literature. London,
United Kingdom : Learning and Skills Development Agency.
Murphy, P. K. et Alexander, P. A. (2000). A motivated
exploration of motivation terminology. Contemporary Educational
Psychology, 25, 3–53.
O’brien, H. L. et Toms, E. G. (2008). What is user
engagement? A conceptual framework for defining user engagement with technology. Journal of the American Society for Information Science and Technology, 59(6), 938–955.
Pelgrims, G. (2009). Contraintes et libertés
d'action en classe spécialisée : leurs traces dans la
motivation des élèves à apprendre les mathématiques. Formation et pratiques d’enseignement en questions, 9,
135–158. Disponible sur internet.
Pelgrims, G. et Cebe, S. (2010). Aspects motivationnels
et cognitifs des difficultés d’apprentissage : le rôle
des pratiques d’enseignement. Dans M. Crahay et M. Dutrévis (dir.), Psychologie des apprentissages scolaires (p. 111–135). Bruxelles,
Belgique : De Boeck.
Rathunde, K. et Csikszentmihalyi, M. (2005). Middle
school students’ motivation and quality of experience : A
comparison of Montessori and traditional school environments. American
Journal of Education, 111(3), 341–371.
Ryan, R. M. et Deci, E. L. (2009). Promoting
self-determined school engagement. Dans K. Wentzel et A. Wigfield (dir.), Handbook of motivation at school (p. 171–195). London, United
Kingdom : Routledge.
Salen, K., Nowacek, N., Tandon, R., Nunez, E. et Jenson,
T. (2009). Gamestar mechanic, Learning guide. Institute of Play.
Salen, K. et Zimmerman, E. (2004). Rules of play: game
design fundamentals. Cambridge, MA : The MIT Press.
Salomon, G. (1972). Can we affect cognitive skills
through visual media? An hypothesis and initial findings. AV
Communication Review, 20(4), 401–422.
Schunk, D. H., Meece, J. et Pintrich, P. R. (2014). Motivation in education: Theory, research, and applications (4th ed.).
Pearson Education.
Sutter Widmer (2017), Conception et évaluation
d'un jeu vidéo en algèbre : Apprentissage, motivation et
usage de la visualisation dans un environnement aux représentations
multiples (Thèse de doctorat). Université de Genève,
Suisse.
Szilas, N. et Sutter Widmer, D. (2009). Mieux comprendre
la notion d’intégration entre l’apprentissage et le jeu. Dans Actes de l'Atelier Jeux Sérieux - Conférence francophone
Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH'09) (p. 27-40). Disponible sur internet.
Tapia, M., Marsh, I. et George, E. (2004). An instrument
to measure mathematics attitudes. Academic Exchange Quarterly, 8(2), 2–9.
Viau, R. (1998). La motivation en contexte scolaire (2nd
ed.). Bruxelles, Belgique : De Boeck.
Vogel, M., Girwidz, R. et Engel, J. (2007). Supplantation
of mental operations on graphs. Computers & Education, 49(4),
1287–1298.
Whitton, N. (2010). Game engagement theory and adult
learning. Simulation & Gaming, 42(5), 596–609.
|