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Jeu-game, jeu-play, vers une modélisation du jeu. Une
étude empirique à partir des traces numériques
d’interaction du jeu Tamagocours
Eric SANCHEZ, Valérie EMIN-MARTINEZ (IFÉ-ENSL, S2HEP, Lyon),
Nadine MANDRAN (LIG, Grenoble)
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RÉSUMÉ : Cette
contribution s’appuie sur les travaux que nous conduisons dans le cadre du
projet Tamagocours, un jeu destiné à l’apprentissage des
règles juridiques qui encadrent l’usage des ressources
numériques dans un contexte éducatif. Nous nous appuyons sur la
théorie des situations didactiques pour proposer un modèle qui
permet de distinguer deux strates de jeu-play : (1) une strate de jeu
individuel au cours duquel le joueur/apprenant développe des
stratégies et mobilise les connaissances nécessaires pour relever
le défi du jeu, (2) une strate de jeu collaboratif où les
équipiers formulent et établissent la validité des savoirs
mobilisés dans le jeu. Cette recherche empirique s’appuie sur le
recueil des traces numériques d’interactions de 200
étudiants. Le processus d’analyse des données combine une
analyse factorielle et une méthode de classification. Ces traces nous
permettent de modéliser les joueurs/apprenants d’un point de vue
comportemental et d’en distinguer différentes classes en fonction
de leurs stratégies.
MOTS CLÉS : Jeu
épistémique numérique, Tamagocours, Apprentissage par le
jeu, Analyse de traces numériques
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Toward a model of play : an empirical study |
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RÉSUMÉ : This
paper is based on a work carried out for the Tamagocours project, a game
designed to learn the legal rules that comply with the policies for the use of
digital resources for an educational context. We rely on the Theory of
Didactical Situations to propose a model which encompasses two layers of play:
(1) a layer of individual play in which the player/learner develops strategies
and mobilizes knowledge to meet the challenge and (2) a layer of collaborative
play where teammates formulate and establish the validity of the knowledge they
used. We discuss this model through an empirical research, based on recording
and analyzing the digital traces of nearly 200 students. The data analysis
process combines a principal component analysis followed by a clustering method.
These traces enabled for drawing a behavioral model of the players/learners, and
to distinguish different classes of players according to their strategies.
KEYWORDS : Digital
epistemic games, Tamagocours, Game Based Learning, Digital Traces Analysis |
1. Introduction
Les
travaux de recherche qui portent sur l’usage de jeux numériques
pour des visées utilitaires tendent à se développer mais
les modèles théoriques dont dispose le chercheur qui
s’intéresse à ce champ sont encore trop peu nombreux ou mal
adaptés car trop peu spécifiques. Ainsi, le terme
« jeu » lui-même est ambigu et il est parfois
difficile de savoir s’il renvoie au matériel de jeu ou à la
structure ludique (game), à la situation qui se met en place
lorsque l’apprenant accepte de jouer (play) ou à
l’activité de jouer elle-même (playing). Nous
proposons de montrer ici que la théorie des situations didactiques (TSD) (Brousseau, 1998) offre un cadre conceptuel pertinent pour lever ces ambiguïtés. Notre
approche nous conduit en particulier à modéliser le
jeu-play sous la forme de situations adidactiques d’action,
de formulation et de validation (Ibid.) au sein desquelles
l’apprenant adapte sa manière de penser et d’agir aux
contraintes d’un jeu-game.
Dans une première partie, nous présentons Tamagocours,
un jeu numérique multi-joueur que nous avons développé pour
une formation aux règles juridiques qui encadrent les usages des
ressources numériques en contexte éducatif, destiné aux
élèves de l’ENS de Lyon. Nous présentons
également un modèle de jeu, issu de la TSD, qui nous permet de
formaliser la situation élaborée selon deux strates de jeu que
nous qualifions de jeu-play 1 et jeu-play 2. Notre
problématique porte sur la validation de ce modèle et la
modélisation des joueurs/apprenants, que nous appelons ludants,
d’un point de vue comportemental et épistémique.
La deuxième partie est consacrée à la dimension
méthodologique de nos travaux. Nous y décrivons le contexte de
l’expérimentation qui a été menée et les
données qui ont été recueillies. Dans cette partie nous
présentons également Undertracks (Mandran et al., 2015),
un environnement informatique qui nous a permis de collecter les traces
produites lorsque les étudiants jouent et de produire des processus
d’analyse de ces traces ainsi que des chronogrammes pour leur
visualisation. Nous présentons également les méthodes
d’analyse de données employées pour caractériser les
stratégies mises en œuvre par les ludants à partir des
données recueillies.
La troisième partie de cet article rend compte des résultats
obtenus. Ces résultats portent sur l’identification de
différentes classes de ludants en fonction des stratégies
qu’ils mettent en œuvre.
Dans la dernière partie, nous discutons ces résultats au regard
des caractéristiques du jeu-game que nous avons
développé et du contexte de son usage. Nous discutons
également le modèle de jeu du point de vue de son
intérêt pour l’analyse ou la conception de situations de
jeu.
2. Vers une modélisation du jeu
Dans cette partie nous décrivons la
manière dont nous modélisons une situation de jeu ainsi que le jeu
qui a été utilisé dans nos expérimentations.
2.1. Tamagocours : un tamagotchi multijoueur
Nous avons décrit le contexte dans lequel s’inscrit le
développement de Tamagocours dans des publications
antérieures (Sanchez, 2013), (Sanchez et Emin-Martinez, 2014a), (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) :
des contraintes fortes prévalent pour la mise en place du Certificat
Informatique et Internet niveau 2 enseignant (C2i2e) à l’ENS de
Lyon en raison d’un temps disponible limité tant du
côté de l’équipe pédagogique que du
côté des étudiants, de la faible motivation des
étudiants pour s’engager dans un domaine dont ils ne
perçoivent pas toujours l’intérêt et les
finalités et de la nécessité de permettre une certaine
flexibilité dans la formation en privilégiant des modalités
distantes et asynchrones. Du point de vue des objectifs pédagogiques,
c’est la compétence A33 du C2i2e qui est visée :
« prendre en compte les lois et les exigences d’une utilisation
professionnelle des TICE concernant notamment : la protection des
libertés individuelles et publiques ; la sécurité des
personnes ; la protection des mineurs ; la confidentialité des
données ; la propriété intellectuelle ; le droit
à l’image... » (Bulletin Officiel de l'Education Nationale, 2011),
pour laquelle nous avons retenu plus spécifiquement la question de
« l’exception pédagogique » au droit
d’auteur, un ensemble de règles qui concernent l’application
du droit d’auteur pour les ressources destinées à des fins
d’illustration des activités d’enseignement et de
recherche.
Tamagocours est un tamagotchi qu’une équipe de 2
à 4 joueurs/apprenants doit alimenter en ressources pédagogiques
numériques (figure 1). Dans la suite, nous utiliserons le terme ludant plutôt que apprenant/joueur. En effet, nous nous appuyons
sur le latin ludus qui désigne concurremment une activité
libre et spontanée, qui est le jeu, et une activité imposée
et dirigée qui est le travail scolaire (Yon, 1940), pour
retenir le terme ludant afin de désigner un joueur impliqué
dans un jeu conçu à des fins d’apprentissage. Il
s’agit ainsi de souligner que ces deux facettes de son activité
constituent une réalité univoque. Tamagocours est un jeu
multijoueur synchrone en ligne où chaque équipe est formée
de manière aléatoire et anonyme lors de la connexion. Chaque ludant se voit alors attribuer un avatar et un nom de joueur, il est
ainsi possible de jouer de manière anonyme.
Chaque équipe a pour mission d’élever le Tamagocours en le « nourrissant » avec des ressources
numériques (images, sons, vidéos, livres, articles, publications
conçues à des fins pédagogiques, partitions, etc.).
Figure
1∙ Ecran principal de Tamagocours montrant la métaphore alimentaire retenue pour le game-play
Les ressources, dont chacun peut consulter la nature et les
métadonnées (date de parution, taille de l’extrait, droit
d’auteur, etc.), sont d’abord individuellement
récupérées sur une étagère et ensuite
associées à un mode de diffusion (présentation orale,
projection en classe, sujet d’examen, mise en ligne sur l’intranet,
etc.). Les ressources diffèrent du point de vue de leur nature, de la
taille de l’extrait et de leur date de publication. Ces
métadonnées sont des éléments qu’il faut
prendre en compte afin de juger si elles sont autorisées ou non. Le mode
de diffusion est également à prendre en compte car des
règles différentes s’appliquent selon qu’une ressource
est projetée en classe, mise en ligne sur l’intranet d’un
établissement scolaire ou diffusée sur le blog d’un
professeur. Les ressources d’une même équipe sont
mutualisées dans un « réfrigérateur »
commun. Les métadonnées de chacune des ressources stockées
dans le réfrigérateur peuvent être visualisées par
tous les membres d’une équipe, y compris du point de vue des
modalités de sa diffusion, mais le ludant qui a
déposé une ressource dans le réfrigérateur en reste
propriétaire. Lui seul peut l’utiliser pour nourrir le Tamagocours ou la replacer sur l’étagère s’il
juge qu’elle n’est pas appropriée. L’ensemble des
déplacements des ressources s’effectue par un simple
glissé-déposé et les déplacements effectués
par un coéquipier distant sont également visibles. Une ressource
utilisée hors du cadre légal (« non
autorisée ») conduit au dépérissement et
éventuellement à la « mort » du Tamagocours, une ressource « autorisée »
à son développement. Des points de vitalité et de
satiété sont gagnés ou perdus selon les cas.
Dépérissement, mort et développement sont facilement
visualisés par des représentations et couleurs différentes
du Tamagocours (vert, orange, rouge) et des sons qui symbolisent ces
différents changements d’états. Le score dépend des
réussites et des erreurs effectuées dans l’emploi des
ressources. Il est possible de rejouer un même niveau de jeu sans
limitation de manière à améliorer le score. La version
actuelle du jeu comprend cinq niveaux de difficulté croissante.
Le jeu comprend également une zone de clavardage qui permet
l’échange de messages au sein d’une même équipe.
Il est donc possible à un membre d’une équipe, mais pas
explicitement demandé, de solliciter l’aide de ses
coéquipiers ou de leur prodiguer des conseils.
Les règles juridiques qui s’appliquent pour l’utilisation
des différentes ressources pédagogiques sont accessibles à
tous. Elles se présentent sous la forme de tableaux synthétiques
mais néanmoins relativement complexes en raison de la complexité
même du cadre législatif. Lors du lancement du jeu, ces
règles n’ont pas fait l’objet d’un enseignement
spécifique et il appartient à chacun de consulter ou non ces
règles avant de décider de nourrir le Tamagocours avec une
ressource donnée.
La conception et le développement de Tamagocours ont
été menés par une équipe comprenant des responsables
de la formation C2i2e à l’ENS de Lyon, un expert juridique, un
élève de l’ENS, des développeurs informatiques, des
chercheurs (informatique et sciences humaines), un graphiste, un assistant de
recherche et un ingénieur pédagogique. Les considérations
qui ont été prises en compte pour le développement du jeu
relèvent de la nécessité de choisir un gameplay simple malgré la complexité du domaine abordé, de tenir
compte des contraintes des étudiants en développant une formation
ouverte et à distance (les étudiants peuvent jouer quand ils le
veulent, où ils le veulent) et de minimiser les coûts
afférents aux développements et aux graphismes.
2.2. Jeu-play 1, une première strate de jeu
Nos travaux s’appuient sur la théorie des Situations Didactiques (Brousseau, 1998) qui intègre un point de vue piagétien sur l’apprentissage.
L’apprentissage est un processus adaptatif qui résulte des
interactions qui se nouent entre un apprenant et un milieu didactique «
facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres
» (Brousseau, 1998).
Ainsi, Brousseau définit le milieu didactique comme le système
antagoniste de l’apprenant. Il comprend tout ce qui agit sur
l’apprenant et tout ce sur quoi l’apprenant agit. Cela nous conduit
à proposer le schéma présenté par la figure 2 pour
modéliser la situation de jeu Tamagocours. Ainsi, comme Henriot (Henriot, 1969),
nous distinguons la « chose » utilisée pour jouer du « jeu
» qui se met en place lorsqu’un apprenant accepte de jouer. Autrement
dit l’application Tamagocours constitue un milieu didactique ou
jeu-game d’une situation de jeu ou jeu-play lorsque se met
en place une relation dialectique entre l’apprenant et le jeu-game.
Les stratégies mises en place sont validées ou invalidées
par l’évolution de l’état du Tamagocours.
L’actant est ainsi un ludant qui peut anticiper les
réactions du jeu-game. Ses connaissances évoluent en
fonction des rétroactions du milieu et donc, en réponse à
ses contraintes, selon un processus adaptatif. Ces interactions ne
relèvent pourtant pas d’un simple ping-pong béhavioriste
car, pour réussir, il doit élaborer des stratégies et
analyser les conséquences de ses choix. Cette première strate de
jeu-play constitue alors un espace de réflexivité au sein
duquel le ludant peut éprouver sa manière de penser et
d’agir. Cette distinction entre jeu-play et jeu-game n’est pas totalement originale. Outre les travaux d’Henriot, on peut
signaler les travaux de Winnicott (Winnicott, 1971) qui déjà insistait sur le playing. Ces travaux dont les
idées ont également été reprises et
développées par Genvo (Genvo, 2003) nourrissent aujourd’hui un courant émergent d’études
sur le jeu de tradition française.
La situation, que nous qualifions de jeu-play 1, est également
une situation adidactique d’action au sens de Brousseau.
C’est au ludant et à lui seul qu’incombe la
responsabilité du problème à résoudre et c’est
de lui dont dépend l’issue de la situation. Les décisions
prises, les actions effectuées sont légitimées par la
logique interne de la situation élaborée plutôt que par les
attentes d’un enseignant. Ainsi, chaque ludant jouit d’une
autonomie dans le sens où il dispose d’une liberté de choix
d’une stratégie et de rétroactions du jeu-game qui
lui permettent d’exercer cette liberté. Le caractère ludique
de la situation est lié au fait qu’elle satisfait à des
critères qui caractérisent un jeu (Brougère, 2005) :
situation de second degré, autonomie, liberté encadrée par
des règles du jeu, frivolité liée à la
possibilité de faire des erreurs non rédhibitoires (il est
toujours possible de recommencer) et incertitude quant à l’issue du
jeu.
Figure 2∙ Jeu-play 1 individuel –
situation d’action
2.3. Jeu-play 2, une seconde strate de jeu
Margolinas (Margolinas, 1995) propose un modèle qui permet d’une part de rendre compte
d’une structuration du milieu didactique en niveaux emboités
et, d’autre part, de prendre en compte sa dynamique et son
évolution dans le temps. Elle définit ainsi 5 niveaux de
situations, notés S-2 à S+2, pour lesquels une situation de niveau
n constitue le milieu didactique du niveau n+1. Dans nos propres travaux qui
visent à modéliser un jeu-play, nous nous limitons, comme
Goncalves (Goncalves, 2013) à un modèle qui rend compte des niveaux S-2, S-1 et S0 de
Margolinas (Margolinas, 1995) en qualifiant ces niveaux de strates pour éviter toute confusion avec le
sens usuel du vocable « niveau » lorsqu’il
s’agit de décrire un jeu. Une situation S-2 est une situation
d’action, ou jeu-play 1, telle que décrite plus haut, et qui
se situe à un niveau infra-didactique. Une seconde strate de jeu peut se
mettre en place. En effet, la zone de clavardage de l’interface de Tamagocours permet aux membres d’une même équipe
d’interagir. Ces interactions sont rendues nécessaires car un ludant ne peut terminer seul un même niveau du jeu, parce
qu’il est informé des erreurs de ses coéquipiers du fait du
synchronisme des actions et des rétroactions et qu’il peut
anticiper leurs erreurs en inspectant les ressources présentes dans le
frigo. Ce choix est destiné à faciliter la mise en place de situations adidactiques de formulation (Margolinas, 1995),
c’est-à-dire des interactions, entre membres d’une même
équipe pour formuler les règles qui conduisent à choisir ou
rejeter une ressource. Une situation de formulation correspond à la
capacité du sujet à identifier et exprimer une connaissance
nécessaire pour avancer dans le jeu. Il s’agit également de
permettre des interactions dans le cadre de situations adidactiques de
validation au cours desquelles des ludants vont être
amenés à valider ou invalider de manière explicite les
stratégies qui ont été expérimentées et, de
ce fait, à identifier les règles juridiques. Pour cette strate
S-1, le jeu-play (S-2) devient alors le milieu adidactique d’une
nouvelle forme de jeu-play qui est un jeu multijoueur et la situation
mise en place alterne entre les niveaux S-2 et S-1 selon que le ludant interagit avec l’application uniquement ou avec ses partenaires de jeu.
Nous utilisons le terme jeu-play 2 pour qualifier cette strate de jeu
(figure 3).
Figure 3 ∙
Jeu-play 2 (multijoueur)
2.4. La phase d’institutionnalisation et la sortie du jeu
La phase d’institutionnalisation (ou débriefing) signe la sortie
du jeu-play. En pratique, elle se déroule soit
immédiatement après le jeu dans le cas d’un jeu
organisé en présentiel soit après un temps plus ou moins
long après la phase de jeu. Les moyens humains dont nous disposions dans
le cadre de nos expérimentations ne nous ont pas permis d’organiser
de manière systématique cette phase d’institutionnalisation.
Conduite par l’expert juridique qui avait participé à la
conception du jeu, elle a néanmoins pu être proposée
à deux groupes de 16 et 9 élèves lors d’une
première phase d’expérimentation conduite en
présentiel. Dans la situation ainsi élaborée, le
jeu-play 2 devient le milieu didactique sur lequel s’appuient
l’apprenant et l’enseignant pour le déroulement d’une
situation que l’on peut qualifier de situation didactique. En effet, les
intentions didactiques de l’enseignant sont ici affichées et
l’objectif de la situation est de valider et d’institutionnaliser
les savoirs qui ont été mobilisés dans le jeu. Cette phase
se traduit par un changement de statut des connaissances qui, validées
par l’enseignant, passent du statut de moyens d’action largement
implicites dans le jeu à celui de savoirs explicites et
institutionnalisés susceptibles d’être mobilisés hors
du contexte qui a présidé à leur développement.
Figure 4∙ Représentation des différentes
strates de jeux emboitées
Une telle modélisation (figure 4) permet de considérer que le
jeu-game est le milieu adidactique d’un jeu-play 1 qui est
lui-même le milieu adidactique d’une situation de jeu-play 2.
Ce jeu-play 2 est alors le milieu d’une situation didactique
principalement caractérisée par une phase
d’institutionnalisation et la fin du jeu. Cette modélisation permet
donc de clairement distinguer le jeu-play du jeu-game,
l’artefact constitué par l’application informatique dans le
cas présent. En ce sens, nous évitons d’utiliser
l’expression jeu sérieux pour, à la suite de Shaffer (Schaffer, 2006), (Shaffer et al., 2009),
retenir le terme jeu épistémique. L’expression jeu
numérique épistémique (ou JEN) désigne alors une
situation de jeu qui se développe avec un jeu numérique et qui
conduit à résoudre un problème complexe. Cette
modélisation permet également de comprendre comment ce
jeu-play peut être intégré dans une situation
d’apprentissage. Par ailleurs, au cours du jeu, la nature du milieu
didactique et donc le jeu épistémique lui-même
évoluent. Cela nous conduit à distinguer deux types de
jeux-play dans notre modèle.
2.5. Problématique
La problématique de notre recherche vise à éprouver ce
modèle en tant qu’outil conceptuel permettant de décrire une
situation de jeu multijoueur en ligne telle que Tamagocours. En
particulier nous nous interrogeons sur la possibilité d’identifier
des situations de jeu-play 1 et jeu-play 2. Est-il possible de
distinguer, selon les joueurs, des niveaux d’engagement
différents ? Ces niveaux d’engagement pourraient alors se
traduire, pour certains joueurs, par une implication individuelle, une situation
d’action, qui consisterait à relever le défi proposé
par le jeu. Pour d’autres, l’engagement dans le jeu pourrait
dépasser cet engagement individuel et se traduire par un jeu
collaboratif, des situations de validation et de formulation. Cette question
conduit également à s’interroger sur l’acceptation du
jeu par les joueurs : acceptent-ils de jouer au jeu qui leur est
proposé ? En effet, selon notre modèle, accepter de jouer ne
signifie pas seulement accepter de se connecter au jeu. Jouer signifie
s’approprier le défi proposé par le jeu-game et
construire des stratégies, au sens de plans d’action mis en
œuvre pour atteindre un but de manière efficiente, pour le relever.
Ces stratégies peuvent renvoyer à un jeu individuel (jeu-play
1) ou un jeu collectif (jeu-play 2). Ainsi, nous sommes conduits
à nous interroger sur la manière dont les étudiants jouent
et il nous faut donc tenter de distinguer des catégories de joueurs en
fonction de leurs actions dans le jeu (actions individuelles ou messages
relevant d’un jeu collaboratif).
Les analyses que nous avons menées permettent également
d’aborder la question des apprentissages. En effet, le jeu Tamagocours
constitue en soi un dispositif d’évaluation du joueur. Si une
équipe parvient à franchir les différents niveaux du jeu,
cela signifie qu’elle possède une certaine maîtrise des
règles juridiques à prendre en compte pour l’usage de
ressources numériques dans un contexte éducatif. Il convient donc
de s’interroger sur les réussites et les échecs des
différentes équipes. Mais notre modèle d’analyse
permet d’aller au-delà d’une analyse consistant à
comptabiliser échecs et réussites. En effet, il permet
également de poser la question des apprentissages du point de vue de la
capacité de l’apprenant à formuler les connaissances
qu’il mobilise pour jouer et à en discuter la validité
(situations de validation et de formulation de jeu-play 2). Ainsi, nous
serons conduits, à travers l’analyse des messages de chat,
à nous interroger sur ce point : les ludants formulent-ils
les règles juridiques qu’ils appliquent à l’adresse de
leurs coéquipiers ? Echangent-ils des messages pour en discuter la
validité ? Il s’agit alors d’identifier les
apprentissages que le jeu permet.
Ainsi, cette étude empirique aborde trois volets :
- à travers l’analyse des stratégies,
développées par les ludants, nous souhaitons les
modéliser d’un point de vue comportemental ;
- à travers l’analyse des échecs et des réussites,
et en mettant en relation stratégie dans le jeu et réussite du
jeu, nous souhaitons les modéliser d’un point de vue
épistémique ;
- les analyses que nous menons visent également à
évaluer la pertinence de notre modèle pour, d’une part,
décrire le jeu et, d’autre part, procéder à
l’analyse des ludants d’un point de vue comportemental et
épistémique.
Un autre aspect de notre travail porte sur l’usage de ces
résultats en termes de conditions de mise en place du jeu, pour les
prochaines promotions d’élèves, et de
réingénierie du jeu.
3. Méthodologie de recherche
Dans cette partie nous décrivons le contexte
des expérimentations que nous avons conduites. Nous présentons
également la méthode de recueil des traces numériques, les
modalités retenues pour leur visualisation et les processus
d’analyse que nous avons mis en œuvre.
3.1. Contexte des expérimentations
L’expérimentation que nous décrivons ici s’est
déroulée en mars-avril 2014 auprès de 193 étudiants
de l’Ecole normale supérieure de Lyon qui, inscrits au Master
enseignement, doivent valider le C2i2e. Les étudiants ont
été invités à se connecter selon des plages horaires
prédéterminées (d’une durée de deux heures) et
à jouer avec les autres personnes connectées. Cette
expérimentation faisait suite à deux expérimentations
antérieures, organisées en présentiel, qui ont
concerné d’abord un groupe de 16 élèves
préparant l’agrégation de mathématiques puis un
groupe de 9 étudiants du Master métiers de l’enseignement
scolaire, de la formation et la culture (MESFC) de l’université
Lyon 2. Les résultats de ces premières expérimentations,
conduites dans un contexte différent car présentiel, avec la
présence lors du débriefing de l’expert juridique du jeu,
ont fait l’objet d’une publication antérieure (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) et ont permis de mettre à l’épreuve la méthodologie
et les analyses.
Nous savons peu de choses sur les conditions de jeu des élèves
de l’ENS lors de l’expérimentation conduite en mode distant,
mais les 168 messages postés sur un forum dédié à
commenter le jeu montrent qu’ils étaient majoritairement hostiles
à l’idée de participer à un jeu dans le cadre
d’une formation et majoritairement très critiques sur le jeu
lui-même. Ces critiques semblent pour partie liées au fait que la
proposition qui leur était faite de jouer a été
vécue comme une injonction et qu’en cette période de
préparation des oraux de l’agrégation leur temps disponible
était très limité. Une première analyse des
données collectées lors de cette session de jeu a
été présentée à la conférence TICE
2014 (Sanchez et Emin-Martinez, 2014a).
Nous présentons ici les résultats issus de l’analyse de
l’ensemble des données de la session de jeu organisée
à l’ENS de Lyon en Avril 2014.
3.2. De la collecte des traces à l’analyse des
données
3.2.1. Outils d’analyse
Pour l’analyse des traces numériques, nous avons utilisé
des outils d’analyse statistique et UnderTracks (Mandran et al., 2015),
une plate-forme Web développée par l’équipe de
recherche MeTAH du LIG (Laboratoire Informatique de Grenoble)
dédiée à la recherche sur la collecte, l’analyse, le
partage et la visualisation des traces numériques d’interactions
avec des EIAH. UnderTracks permet de mutualiser des données
produites lors d’études conduites dans le domaine des EIAH et les
opérateurs de traitement de ces données. Undertracks offre
une structure flexible pour stocker différents types de données et
une interface visuelle pour construire des processus d’analyse à
partir d’opérateurs génériques (p. ex. gestion de
données, statistiques) ou plus spécifiques, comme
l’indicateur gaming system de (Baker et al., 2004) ou des opérateurs de visualisation. Ainsi, il est possible de
créer, de sauvegarder et de disséminer des processus
d’analyse de données.
Pour la détermination des patterns d’action, nous avons
développé, à l’ENS de Lyon, des outils ad hoc permettant de rechercher des successions d’actions liées à
une même ressource et à un même utilisateur.
3.2.2. Traces d’interaction, collecte et pré-traitements
Lors de l’utilisation de Tamagocours par les
élèves de l’ENS de Lyon, les différentes actions
possibles avec le jeu sont tracées et enregistrées. Ce fichier est
constitué de données séquentielles. Nous entendons par
données séquentielles toutes données
« temporellement situées » (Choquet et Iksal, 2007).
Ces données permettent d’observer les dynamiques des individus
et/ou des équipes lors de l’utilisation de Tamagocours. Ces
données ont été stockées dans la plateforme UnderTracks. Dans le cas de l’analyse des données de Tamagocours, c’est principalement un des opérateurs de
visualisation qui a été mobilisé.
L’analyse des données séquentielles sur une masse
importante de données pour faire émerger des comportements
individuels et signifiants est un processus difficile à
appréhender. Pour conduire cette analyse, nous avons, à partir de
ces données séquentielles, élaboré un fichier de
données agrégées.
Nous définissons par données agrégées, le
dénombrement des différentes actions effectuées par chaque
joueur pendant le temps de l’activité. Par exemple, une des
variables agrégées est le nombre de messages envoyés au
cours du jeu. Du fait de ce traitement, les données
agrégées perdent leur caractère séquentiel. Ces
données non séquentielles sont alors utilisées pour
établir une typologie du comportement des ludants basée sur
le nombre des différentes actions qu’ils ont effectuées.
L’objectif que nous visons est d’identifier des comportements
typiques à partir des données agrégées, puis, dans
un second temps, d’analyser les séquences d’actions de ces
individus.
3.3. Définition des indicateurs de strate de jeu
Dans cet article, le codage des interactions avec le milieu adidactique
(représenté par le jeu-game) a été
réalisé à l’aide des indicateurs que nous avons
définis en référence aux types d’interactions
épistémiques définies par Brousseau. La modélisation
du jeu que nous avons proposée nous conduit à utiliser deux
catégories d’indicateurs pour l’analyse des
données :
1. des indicateurs de jeu-play 1 : les patterns d’action qui ont été construits en prenant appui sur les travaux
de Romero et al. (Romero et Ventura, 2007), (Srikant & Agrawal, 1996) montrant que le joueur est impliqué dans une situation
d’action ;
2. des indicateurs de jeu-play 2 : le codage des messages échangés via le clavardage qui sont répartis en
différentes catégories, la formulation et la validation signant le jeu-play 2.
3.3.1. Actions et patterns d’action
Une première catégorie d’indicateurs concerne les
interactions qui correspondent à des choix et décisions du ludant. De son point de vue, ces interactions se traduisent par des
actions sur le jeu-game qui peuvent être tracées de
manière automatique. Certaines interactions concernent des actions du ludant en lien avec la manipulation des ressources. Il s’agit de ShowItemCupboard, addToFridge, removeFromFridge et feedTamago. D’autres correspondent à des rétroactions
du milieu telles que feedGood ou feedBad (codé lors
d’un feedTamago en fonction du caractère
« autorisé » ou non de la ressource associée
à un mode de diffusion). Enfin, certaines interactions correspondent
à des actions qui ne sont pas liées à la manipulation des
ressources. Ce sont des actions telles que session, tuto et help. Ces interactions qui concernent le ludant et le
jeu-game signent la mise en place d’une situation d’action et
d’un jeu-play 1 individuel.
Les différentes actions tracées correspondent aux actions
possibles dans le jeu (figure 1) et sont présentées dans le
tableau 1.
Code |
Action |
« rôle par rapport à la
problématique » |
addToFridge |
Déposer une ressource dans le frigo |
Indicateur de jeu-play 1 |
feedTamago décomposé en feedGood et feedBad |
Nourrir le Tamagocours
Nourrir avec une bonne ou une mauvaise ressource |
Indicateur de jeu-play 1 |
chat + code |
Ecrire un message |
Indicateur de jeu-play 2 pour les messages codés V ou F |
help |
Ouvrir l’aide juridique |
Indicateur de jeu-play 1 |
helpLink |
Cliquer sur un lien particulier de l’aide juridique |
Indicateur de jeu-play 1 |
removeFromFridge |
Remettre une ressource placée dans le frigo dans
l’étagère |
Indicateur de jeu-play 1 |
showItemCupboard |
Consulter la nature et les métadonnées de la ressource dans
l’étagère |
Indicateur de jeu-play 1 |
showItem |
Consultation d’une ressource dans le ventre du Tamagocours, dans
le tableau de fin d’un niveau |
Indicateur de jeu-play 1 |
tuto |
Consulter la page de tutoriel |
Indicateur d’une difficulté à comprendre le
fonctionnement du jeu |
Session |
Se connecter à une session de jeu |
Marque le début de la session de jeu |
Tableau 1 • Actions Tamagocours et
indicateurs correspondants
Outre l’envoi des messages qui relèvent d’un
jeu-play 2 et de la consultation du tutoriel qui traduit une
difficulté à comprendre les règles du jeu, toutes ces
actions signent le déroulement d’un jeu-play 1 au cours
duquel le ludant décide de l’état du jeu-game (ou milieu adidactique) en fonction de ses propres motivations et se traduisent
par des modèles implicites d’action (Brousseau, 1998) qui nous conduisent à définir des patterns d'actions (Srikant et Agrawal, 1996), (Romero et Ventura, 2007).
Ces patterns consistent en une succession d'actions (consécutives ou non)
qui visent à réaliser un objectif spécifique (p. ex.
nourrir le Tamagocours avec une ressource numérique) et sont
révélateurs d’une stratégie donnée. Nous avons
restreint notre étude à deux patterns principaux (tableau 2)
que nous avons identifiés et qui indiquent respectivement deux
stratégies liées au jeu-play 1.
Nom |
Séquence constituant le pattern |
Comportement lié au pattern |
Pattern Choix |
addToFridge et feedTamago |
Choix d’une ressource à donner au Tamagocours |
Pattern Consultation-Choix |
ShowItemCupboard et addToFridge et feedTamago |
Consultation-Choix d’une ressource à donner au Tamagocours |
Tableau 2 •
Patterns d’actions de Tamagocours
Le premier pattern Choix comprend deux actions, directement
consécutives ou non (i.e. une action de type chat, help, tuto, etc. peut être intercalée), liées
à l’usage d’une ressource particulière (identifiant de
la ressource suivi entre les 2 actions) dans le jeu. Les actions sont addToFridge puis feedTamago. Il est révélateur
d’une stratégie peu prudente dans le jeu car le ludant ne
consulte pas les métadonnées d’une ressource avant de
nourrir le tamagotchi. Pour autant, il ne s’agit pas nécessairement
d’une stratégie de type essai-erreur totalement fondée sur
le hasard, car il est possible de minimiser les risques en choisissant une
ressource dont le titre (visible au survol) évoque un auteur ancien, donc
passé dans le domaine public, et/ou un mode de diffusion de la ressource
peu contraignant d’un point de vue légal (c’est le cas pour
le mode « présentation orale ») et ainsi
d’avoir quelques chances que la ressource ou le mode de diffusion choisis
permettent de satisfaire aux règles de l’exception
pédagogique. Le pattern Choix n’est donc pas un indicateur
très fin des stratégies mises en œuvre et témoigne
d’approches qui peuvent relever de l’absence de prise en compte
totale du cadre légal comme d’approches plus prudentes qui
consistent à choisir un mode de diffusion peu contraignant.
Le second pattern Consultation-Choix comprend trois actions,
directement consécutives ou non, liées à l’usage
d’une ressource. Les actions sont successivement showItemCupboard, addToFridge et feedTamago. Il est indicateur d’une
stratégie plus prudente qui consiste à consulter les
métadonnées d’une ressource avant de l’associer
à un mode de diffusion et de la donner au Tamagocours. Ce pattern
révèle des stratégies variées qui peuvent consister
en un survol très rapide des ressources comme en une analyse approfondie
de leurs métadonnées.
Les deux grandes stratégies liées à ces patterns se
distinguent par la consultation, ou non, de la nature et des
métadonnées de la ressource utilisée et donc de la
mobilisation des connaissances visées pour nourrir le tamagotchi. Ainsi,
le pattern Consultation-Choix témoigne que la stratégie
mise en œuvre comprend une phase au cours de laquelle le ludant s’est donné les moyens de recueillir des informations lui
permettant de juger du caractère légal ou non des ressources
qu’il sélectionne. Le pattern Choix témoigne
d’une stratégie différente qui ne le conduit pas ou peu
à mobiliser les connaissances visées par le concepteur du jeu.
3.3.2. Codage des messages du clavardage
Les interactions de type « chat » (envoyer un
message à ses co-équipiers dans le clavardage) sont des
interactions d’une autre nature : suivant le message envoyé,
elles vont correspondre à des types de jeux différents
(jeu-play 2 ou non). Le codage réalisé s’appuie sur
la modélisation d’un jeu-play 2 (cf. figure 3) en un
jeu multijoueur qui comprend des situations adidactiques de formulation et de validation. Ces catégories ont été
établies lors des premières expérimentations (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) et sont illustrées par des exemples de messages dans le
tableau 3.
F |
« Formulation » : énoncé d'une
règle juridique ou d'une partie |
« Aucune œuvre d'art visuel ou graphique issue d'internet
ne peut être diffusée. Il faut photocopier un livre où le
tableau est représenté » |
H |
« Hypothèse » : énoncé
d’une hypothèse sur une règle juridique |
« Je crois que certaines années c'est du domaine public
(genre Le Figaro 1826-1935 que je viens de poster) » |
Q |
« Question » : énoncé d’une
question sur une règle juridique ou une ressource |
« On a le droit les podcast d'émissions publiques (France
Inter) ? » |
O |
« Observation » : une observation sur une
règle juridique ou une ressource particulière |
« Bon ben on met tous les livres périodiques et ouvrages
pédagogiques en version orale » |
OJ |
« Observation sur le game-play » |
« à la fin de chaque niveau perdu ou gagné quand
on clique sur les ressources il y a la raison pour laquelle ce n'était
pas autorisé » |
NC |
« Non codée » : correspondant à des
exclamations ou des présentations |
« Qui est Martin ? » « aaaah yum
yum ! » |
Tableau 3 •
Catégories de codage pour les messages du clavardage
Les messages échangés via le clavardage ont été
codés individuellement par trois chercheurs selon ce système de
codage. Les différences étaient mineures (80% d’accord) et
étaient principalement liées aux messages de la catégorie
« Observation » : ces messages correspondent-ils au jeu
en général, à la ressource traitée ou à une
action dans le jeu ? Les différences ont été
examinées afin d’aboutir à un consensus sur
l’interprétation des messages, le tableau 3 est le
résultat de ce consensus.
Ainsi lorsque les messages ne concernent pas directement le jeu, ou
lorsqu’il s’agit de jugements formulés sur le jeu mais sans
lien avec les connaissances qui doivent être mobilisées, nous les
avons codés OJ (opinions sur le jeu) et NC (autres messages non
codés), ils ne signent pas un jeu-play 2. En revanche les autres
messages concernent les connaissances et les situations de formulation et de
validation. Ils signent la mise en place d’un jeu-play 2 et peuvent
être classés selon deux catégories distinctes, codées
F et V, que nous décrivons ci-après.
Certains messages sont des assertions, vraies ou fausses, sur les
règles qu’il faut respecter pour nourrir le Tamagocours. Il
s’agit de messages informatifs émis par un ludant à
l’adresse de ses coéquipiers sans qu’il ne s’attende
à être contredit ou à ce que son assertion soit
vérifiée. Ces messages révèlent la mise en place
d’une situation de formulation (codée F). Enfin,
d’autres messages correspondent à des échanges entre
plusieurs membres d’une équipe, qui visent à établir
la véracité d’un énoncé. Ils sont parfois
formulés sous forme de questions (Q), d’hypothèses (H) ou
d’observations (O) sur les assertions des autres joueurs. Ces messages
révèlent la mise en place d’une situation de validation (codée V).
Le codage des messages permet ainsi de déterminer si les joueurs sont
engagés dans un jeu-play 2 : les messages codés F ou V
(H, Q, O) sont des indicateurs de jeu-play 2, les autres messages (OJ et
NC) ne relèvent pas d’un jeu-play 2.
3.4. Elaboration d’une typologie du comportement des ludants
Une typologie du comportement des étudiants qui ont participé
à notre recherche a été établie par un processus
d’analyse qui enchaine une analyse en composantes principales (ACP) et une
classification automatique hiérarchique (CAH) (Lebart et al., 1997).
Cet enchainement de techniques a été réalisé sur le
logiciel SPAD (SPAD, 2015).
L’ACP est une méthode qui appartient à la famille de
l’analyse factorielle des données. C’est une technique
principalement descriptive, dans le sens où il n’y a pas
d’inférence ni de modélisation qui s’applique à
des variables quantitatives. La diagonalisation de la matrice des coefficients
permet d’extraire un ensemble de vecteurs (les vecteurs propres) de
manière à construire un nouvel espace vectoriel. L’objectif
est de créer une base de l'espace vectoriel sous deux contraintes :
(1) les axes vectoriels expliquent une part de la variance globale du nuage de
points initial (inertie), (2) chacun des axes est construit de manière
orthogonale et rend compte de l’indépendance des axes entre eux.
Ces axes factoriels sont appelés composantes principales. La construction
de ces axes et les contraintes associées permettent de conserver les
structurations les plus signifiantes. A partir de ces axes, de nouvelles
coordonnées sont calculées pour chacun des individus. Seules les
coordonnées des axes les plus signifiants sont conservées (valeurs
propres supérieures à 1). Les variables intégrées
dans l’analyse sont de deux types : (1) les variables actives,
c’est à partir de leur corrélation que les nouveaux axes
sont construits, (2) les variables supplémentaires, qui ne
participent pas à la construction des axes mais ces variables sont
projetées dans le nouvel espace vectoriel, elles permettent ainsi de
compléter l’interprétation des axes factoriels.
Les nouvelles coordonnées des individus sur les axes permettent
d’établir une classification des individus selon sur les axes les
plus signifiants. La méthode utilisée est la classification
ascendante hiérarchique (CAH), elle appartient aux techniques de clustering. La métrique de distance utilisée est la
distance de Ward. L’objectif est de définir des classes
d’individus les plus semblables possible et des classes les plus
différentes les unes des autres. Pour établir ces regroupements,
une distance est définie. Dans le cas d’une ACP suivie d’une
CAH, l’interprétation consiste à donner du sens à ces
classes à partir des variables qui sont les plus présentes et/ou
les moins présentes dans la classe. Les différentes classes
contiennent des individus qui ont des comportements proches relativement aux
variables initialement intégrées dans l’ACP. Pour chacune
des classes, les individus typiques, les plus proches des centres de classes,
sont qualifiés de « parangons ». Le nombre de
parangons est choisi de manière arbitraire ; nous en conservons
cinq par classe. Nous visualisons les séquences d’action de ces
individus typiques pour repérer les successions d’actions et
caractériser les différences qui existent entre ces classes
d’individus. La distance entre les classes étant maximisée,
les comportements des parangons des différentes classes peuvent
être considérés comme significativement
différents.
3.5. Visualisation des séquences d’action
Afin d’analyser les séquences d’actions
enregistrées, nous nous appuyons sur les données
séquentielles des parangons des classes. Pour visualiser cette dynamique,
nous utilisons un opérateur interactif de la plateforme UnderTracks, qui permet de représenter la séquence des actions
pour chaque individu au cours du temps sous forme de chronogramme. La figure 5
représente les séquences d’actions pour quatre joueurs,
chaque ligne correspond à la visualisation de la séquence
d’actions d’un ludant organisée de manière
séquentielle de gauche à droite. Le code joueur est
précédé du code équipe, ce codage permet
d’identifier l’équipe et de confronter les chronogrammes des
individus d’une même équipe afin de repérer un
éventuel effet de groupe, les actions d’un individu pouvant
influencer celles de ses coéquipiers. Chacune des barres de couleur
correspond à une action. Le code couleur est différent selon
l’action considérée, la légende est
présentée au-dessous. Le code couleur peut être
modifié par le chercheur qui analyse le chronogramme, certaines actions
peuvent être masquées, le choix des couleurs peut permettre de
faire ressortir une action particulière ou de regrouper certaines
actions. Afin de créer des typologies de manière visuelle, les
lignes peuvent être rapprochées en fonction de leur ressemblance (Bertin, 1977).
Cette visualisation permet de repérer des successions d’actions qui
correspondent à des patterns susceptibles de révéler un
comportement, voire une stratégie des individus. Dans la figure 5,
nous pouvons visualiser facilement un pattern bleu ciel-bleu foncé-marron
qui correspond au pattern Consultation-Choix (showItemCupboard-addToFridge-feedTamago), très fréquent
chez le 2ème étudiant et parfois pour le premier, et un
pattern bleu foncé-marron qui correspond au pattern Choix (addToFridge-feedTamago), très fréquent chez le
troisième et le quatrième étudiant, alors qu’il
n’apparait jamais pour le second et très rarement pour le
premier.
Figure 5 ∙
Exemple de chronogrammes du jeu Tamagocours
4. Résultats
Les résultats que nous avons obtenus et que
nous présentons ci-après sont issus de l’analyse de
l’expérimentation qui s’est déroulée en
mars-avril 2014 auprès de 193 élèves de l’ENS de Lyon
répartis en 81 équipes de joueurs.
Ces résultats peuvent être appréhendés selon deux
niveaux d’analyse que nous envisageons successivement : au niveau
d’une équipe ou au niveau des individus. Dans la suite, chaque
équipe de joueurs est dénommée GRn pour « groupe
numéro n » et chaque joueur Jn pour « joueur
numéro n ».
4.1. Analyses conduites à l’échelle des
équipes
Nous présentons ici d’une part l'analyse
des patterns d'actions afin de caractériser les stratégies suivies
dans le cadre d’un jeu-play 1 et, d’autre part,
l’analyse des messages afin d’identifier un jeu-play 2. La
très grande majorité des équipes (78 sur 81) a gagné
les 5 niveaux du jeu (dont une « équipe » avec un
seul joueur connecté au moment du jeu GR123). Les 3 autres équipes
(GR 72, GR 107, GR 53) ont réussi à atteindre les niveaux 2, 3, et
4 du jeu.
L’analyse détaillée révèle une grande
diversité du point de vue des échecs et des réussites pour
les différents niveaux du jeu (niveau gagné ou perdu) ainsi que
par rapport au temps de jeu (de 10 minutes à 80 minutes).
Le tableau 4 montre les résultats pour des équipes qui ont
joué lors des deux sessions organisées en présentiel. Dans
ces expérimentations la durée de jeu a également
été variable et certains groupes n’ont pas atteint le
dernier niveau.
Equipe |
Durée |
Nb joueurs |
Niveau Max réussi |
Synthèse des niveaux joués |
GR11 |
00 : 41 : 23 |
4 |
5 |
1 2 2 3 3 4 4 4 4 4 4 5 5 |
GR12 |
00 : 18 : 56 |
4 |
5 |
1 1 1 2 2 3 4 4 4 5 |
GR13 |
00 : 29 : 23 |
3 |
5 |
1 2 3 3 3 3 3 4 5 |
GR14 |
00 : 45 : 19 |
3 |
5 |
1 2 2 3 3 4 5 5 |
GR15 |
01 : 09 : 43 |
3 |
3 |
1 2 3 3 3 4 4 |
GR33 |
00 : 27 : 36 |
3 |
5 |
1 2 2 2 3 3 3 3 3 4 5 |
GR34 |
00 : 55 : 46 |
3 |
3 |
1 2 3 4 |
GR35 |
00 : 52 : 02 |
3 |
4 |
1 2 3 4 5 5 5 |
Tableau 4 • Synthèse des durées
et des niveaux gagnés ou perdus par équipes
Nos analyses sont basées sur des résultats quantitatifs, pour
chaque équipe, qui prennent en compte le nombre d'actions dans la session
de jeu et le nombre d'occurrences des patterns d'action Choix et
Consultation-Choix. Pour les 81 équipes concernées, des actions
sont effectuées afin d’atteindre le but du jeu. Parmi les 193
joueurs, 11 n’ont pas vraiment joué, en totalisant moins de 6
actions au total sur une partie (dont un qui a joué 2 fois). On peut
également souligner que toutes les équipes ont au moins un joueur
impliqué dans un jeu-play 1, et 182 joueurs (94%) ont été
impliqués dans un jeu-play 1 à des degrés divers.
Pour certaines équipes un seul des deux patterns d’actions est
détectable. Ainsi, le pattern Choix est le seul pattern
détectable pour 8 équipes et il est absent pour 5 équipes
(53 joueurs répartis dans 36 équipes ne sont pas concernées
par ce pattern). Pour d’autres équipes c’est très
majoritairement un des deux patterns qui est détectable : plus de
75% de patterns Choix pour 9 équipes et plus de 75% de patterns Consultation-Choix pour 14 équipes. Les deux patterns sont
quantitativement répartis de manière équivalente pour les
autres équipes. Sur les 81 équipes, 22 (27%) n’ont pas du
tout utilisé le clavardage mais 59% des équipes ont
échangé des messages codés F ou V. Cela signifie que des
phases de jeu-play 2 sont détectables pour ces équipes.
Le tableau 5 représente un extrait de clavardage au sein de
l’équipe GR 52 qui illustre la mise en place d’une situation
de formulation et de validation qui conduit deux coéquipiers à
discuter les règles juridiques qui s’appliquent pour une ressource
qu’ils ont sélectionnée. On constate que c’est J69 qui
formule les règles et J94 qui pose des questions et émet des
hypothèses.
Joueur |
Codage |
Message |
94 |
H |
sur le livre la laïcité, on utilise 3 pages donc je pense
qu’on peut photocopier pour un usage pédagogique |
69 |
NC |
Oui |
69 |
F |
ça fait moins de 30% |
94 |
H |
et pour à l’aveugle on utilise tout le livre, donc je pense que
on ne peut que en parler à l’oral mais pas tout photocopier |
69 |
F |
10% pardon |
69 |
Q |
oui du coup, il faudrait que toute la classe acquiert le livre pour le lire
ensemble en classe !? |
94 |
NC |
c’est ce qu’on faisait au lycée non ? |
69 |
NC |
Oui |
69 |
F |
mais là par contre c’est une édition numérique |
94 |
H |
je pense pas que ça change pour les droits d’auteur |
69 |
F |
oui, si de toute manière chaque élève achète sa
propre copie, il aura le droit de le ramener en cours. Par contre si c’est
que l’enseignant qui en parle, alors ça sera qu’une
représentation orale |
94 |
NC |
Ouais |
69 |
OJ |
donc c’est bon, on peut nourrir la créature verte |
Tableau 5 • Extrait
de clavardage de l’équipe GR52 avec codage
4.2. Différentes catégories de ludants
Les catégories que nous décrivons ci-dessous résultent
d’une première analyse en composantes principales (ACP) pour
conserver les informations les plus structurantes suivie d’une
classification automatique hiérarchique (CAH) avec extraction des
parangons.
L’ACP a été conduite avec les variables décrites
dans le tableau 6.
Rôle dans l’ACP |
Variables |
Signification |
Active |
nombre de feedGood/ nombre de feedTotal*100 |
Ratio de réussite : nombre de nourrissage du Tamagocours de
manière licite/ nombre total de nourrissage |
|
Nombre de patterns Consultation-Choix |
Caractéristiques des ressources consultées |
|
Nombres de patterns Choix |
Caractéristiques des ressources non consultées |
|
Nombre de helpLink |
Nombre d’accès à un lien particulier de l’aide
juridique |
|
Nombre de showItemCupboard |
Consultation des caractéristiques des ressources stockées sur
l’étagère |
|
Nombre de messages codés NC |
Discussion non liée au jeu |
|
Nombre de messages codés OJ |
Discussion sur le gameplay |
|
Nombre de messages codés F |
Formulation des règles juridiques |
|
Nombre de messages codés V |
Discussion de règles juridiques |
Supplémentaire |
Nombre de feedBad |
Nourrissage du Tamagocours de manière non licite |
|
Nombre de feedGood |
Nourrissage du Tamagocours de manière licite |
|
Nombre total d’actions |
Niveau d’implication dans un jeu-play 1 |
|
Nombre de messages envoyés |
|
Tableau 6 •
Variables utilisées pour l’ACP
L’ACP fournit trois axes dont les valeurs propres sont
supérieures à 1, le pourcentage d’inertie (variance totale)
pris en compte est de 66%. Le premier plan factoriel (axes 1 et 2) explique
54,4% de l’inertie. La figure 6 montre l’opposition entre les
différents types de patterns (Axe 1) et l’indépendance avec
le nombre et le type de messages (Axe 2).
Figure 6 ∙ Plan factoriel 1-2 de
l’ACP
Plusieurs résultats peuvent être dégagés de ce
plan factoriel.
(1) - Une évolution conjointe entre le nombre de messages
codés V, ceux codés F et le nombre de helpLink. Les
coefficients de corrélations avec l’axe 1 (r) sont respectivement
égaux à 0,80, 0,78 et 0,54. Les ludants qui formulent ou
interrogent les règles juridiques ont plus recours à l’aide
juridique.
(2) - Une opposition entre le nombre de patterns Choix (r
égal à -0,54 avec l’axe 1) et le nombre de showItemCupboard (r égal à 0,63) conjointement liés
au nombre de patterns Consultation-Choix (r égal à 0,54). Plus le
nombre de showItemCupboard et le nombre de patterns Consultation-Choix augmentent plus le nombre de patterns Choix diminue. Les ludants qui ont recours soit au pattern Consultation-Choix soit au pattern Choix ont un comportement homogène de recours
à un pattern quasi exclusif.
(3) - Une indépendance entre les nombres de messages de tous
types (F, V, OJ, NC) et le nombre de patterns Choix et de patterns Consultation-Choix. Il n’est pas possible d’établir de
lien entre l’utilisation du clavardage et le type de stratégie mise
en œuvre.
(4) - L’axe factoriel 3 nous permet d’identifier un
quatrième résultat : une évolution conjointe du nombre
de helpLink et du nombre de messages codés F en opposition avec le
nombre feedGood/feedTotal et le nombre de messages codés NC ou OJ.
Autrement dit, plus les ludants accèdent à l’aide
juridique, plus ils formulent des règles alors que le nombre de messages
qui ne sont pas directement en lien avec une stratégie diminue. Le nombre
de feedGood/feedTotal diminue également, ce qui montre que les ludants qui formulent les règles regardent l’aide juridique
et « nourrissent » moins le Tamagocours que les autres. Ce
dernier élément doit être étudié plus en
détail au niveau de l’équipe de joueurs.
4.3. Caractérisation des classes d’individus
La classification est construite à partir des nouvelles
coordonnées des individus sur les trois axes factoriels. La CAH nous
permet de mettre en évidence cinq classes de comportements de ludants. L’interprétation des classes est basée sur
les variables dont la moyenne de la classe est supérieure (ou
inférieure) à la moyenne générale. Par exemple, dans
la classe 1, la moyenne générale de la variable
« nombre de message codés NC » est
égale à 3,5 alors que dans la classe 1 la moyenne de cette
variable est de 11,0. La différence entre ces deux moyennes est
significative puisque le résultat du V test donne une valeur de 8,3.
Concrètement, les ludants de la classe 1 sont des ludants qui écrivent plus de messages qui ne sont pas en lien avec le jeu (NC)
que la moyenne. Chacune de ces classes est structurée par des variables
dont la moyenne est significativement plus élevée (ou plus faible)
que la moyenne générale des ludants (tableau 7).
La classe numériquement la plus importante (36%) regroupe des
individus que nous qualifions d’« efficients » (classe
3) dans la mesure où ils appartiennent à une classe
caractérisée par un nombre important de succès au regard
d’un nombre limité d’actions.
La deuxième classe numériquement la plus importante (26,3%),
est celle des individus que nous qualifions de
« gaveurs » (classe 4), dans la mesure où la
stratégie qu’ils adoptent est caractérisée par un
très grand nombre d’actions et des erreurs fréquentes qui
semblent liées au fait que les métadonnées des ressources
sélectionnées sont peu consultées (peu de showItemCupboard et de pattern Consultation-Choix). Le
« hasard » semble donc tenir une place plus importante et,
au final, cette stratégie se révèle payante car,
malgré les erreurs effectuées, les équipes auxquelles
appartiennent ces individus parviennent néanmoins à franchir les
niveaux du jeu.
Classe |
Effectifs |
Variables dont la moyenne dans la classe est significativement (valeur
absolue de la valeur test >1,96)... |
... Inférieure à la moyenne totale |
... Supérieure à la moyenne totale |
Classe 1
les Bavards |
28 |
|
Actives : messages NC, messages OJ, messages V, messages F
Supplémentaires : nombre total de messages et nombre total
d’actions supérieurs à la moyenne |
Classe 2
les Prudents |
46 |
Actives : pattern Choix, messages OJ, messages NC |
Actives : pattern Consultation-Choix, showItemCupboard ,
helpLink , feedGood / feedTotal
Supplémentaires : nombre total d’actions
supérieur à la moyenne |
Classe 3
Les Efficients |
82 |
Actives : helplink ; pattern Choix, pattern Consultation-Choix, showItemCupboard, chat
Supplémentaires : nombre de feedGood, feedBad et nombre total
d’actions inférieurs à la moyenne |
Actives : feedGood /feedTotal |
Classe 4
Les Gaveurs |
60 |
Actives : showItemCupboard , pattern Consultation-Choix, feedGood / feedTotal, chat
Supplémentaires : nombre total d’actions
inférieurs à la moyenne |
Actives : pattern Choix
Supplémentaires : nombre total de feedGood et de feedBad
supérieurs à la moyenne |
Classe 5
les Experts |
6 |
|
Actives : messages F, messages V, helpLink, showItemCupboard, pattern Consultation-Choix
Supplémentaires : nombre total de messages et nombre total
d’actions supérieurs à la moyenne |
Tableau 7 •
Caractérisation des classes CAH en fonction des variables actives par
classe
Cette classe 4 (« gaveurs ») est antithétique
d’une classe également numériquement importante
(20,2%) : la classe des individus « prudents »
(classe 2). La stratégie qu’ils mettent en œuvre consiste
à éviter d’utiliser une ressource sans en avoir au
préalable consulté les métadonnées
(showItemCupboard et pattern Consultation-Choix très
supérieurs à la moyenne) et avec une consultation de l’aide
juridique fréquente. Leur réussite est meilleure (nombre plus
important de feedGood/feedTotal) mais le nombre de messages
échangés est très inférieur à la moyenne.
La classe des « bavards » (classe 1) (12,3%) quant
à elle échange beaucoup : sur les règles juridiques
ainsi que sur d’autres points comme le jeu lui-même. Cette classe
est clairement engagée dans un jeu-play 2 et très active
(nombre total d’actions supérieur à la moyenne). Enfin, les
résultats montrent également l’existence de quelques
individus « experts » (classe 5) qui consultent
l’aide juridique et échangent beaucoup sur les règles
juridiques, soit pour les formuler à l’adresse de leurs
coéquipiers, soit pour en discuter la validité, les individus de
cette classe sont clairement engagés dans un jeu-play 2.
Figure 7 ∙
Visualisation des séquences d’actions pour un des parangons de
chaque classe
La figure 7 permet de visualiser les chronogrammes pour un parangon de
chaque classe. Lors de l’analyse, cinq parangons par classe ont
été sélectionnés ; par souci de
lisibilité nous avons choisi d’en représenter un seul.
L’identifiant correspond au numéro de classe suivi du numéro
d’individu, la couleur orange correspond au chat, bleu ciel à showItemCupboard, vert à feedGood, rouge à feedBad, gris foncé à addToFridge et violet à helpLink,. Sur cette figure on retrouve bien de nombreux chats pour les
classes 1 et 5 (les bavards et les experts), un chronogramme plus court pour la
classe 3 avec un nombre important de feedGood/feedTotal, le pattern Consultation-Choix (bleu ciel, gris, vert ou rouge) pour la classe 2 et
le pattern Choix (gris puis vert ou rouge) pour la classe 4.
4.4. Comportement individuel vs comportement du groupe
Avec les résultats de la CAH, les ludants sont affectés
à une classe. A partir de ces données, nous pouvons étudier
la composition des équipes de joueurs : sont-elles composées
de ludants ayant des comportements similaires ou sont-elles
hétérogènes et composées de ludants appartenant à différentes catégories ? En croisant les
données individuelles sur les classes avec l’appartenance à
une équipe (tableau 8), on constate une répartition
contrastée. Des équipes sont composées d’individus
qui appartiennent à une même catégorie (26 équipes
sur 81, soit 32%). D’autres équipes (45 sur 81, soit 55%)
comprennent des individus appartenant à deux catégories, et enfin
des équipes sont très hétérogènes (10
équipes sur 81). Parmi les équipes homogènes, on constate
(tableau 9.1) que la catégorie des « gaveurs »
(classe 4) est particulièrement représentée (14
équipes sur les 60 joueurs de la classe) et dans une moindre mesure, les
classes des individus « bavards » et des individus
« efficients » (respectivement classe 1 et classe 3). Les
équipes mixtes (tableau 9.2) les plus nombreuses associent des individus
« bavards » et des individus « gaveurs »
(20 équipes sur les 45 mixtes). Cela indique que, malgré des
échanges parfois nourris, certains joueurs ont un comportement
très individuel au sein des équipes. Les autres équipes
mixtes sont les
« bavards »/ « prudents » (7 sur
45), les
« gaveurs »/ « efficients » et les
« gaveurs »/ « prudents »
(respectivement 4 et 5 sur 45). Il faudrait analyser plus finement pour ces
groupes les détails des actions afin de voir si les comportements
individuels sont liés à ceux du groupe ou s’il n’y a
pas de relation directe. Les équipes sont créées de
manière aléatoire et automatique lors de la connexion à la
session de jeu (i.e. même si deux étudiants s’étaient
donné rendez-vous pour jouer, ils n’étaient pas certains
d’être dans la même équipe).
|
Nombre d'équipes |
Une seule classe |
26 |
Deux classes |
45 |
Trois classes |
9 |
Quatre classes |
1 |
Total |
81 |
Tableau 8 • Répartition des joueurs
appartenant à une même équipe au sein des classes
identifiées
|
Nombre d’équipes à 1 classe |
|
Nombre d’équipes à 2 classes |
Classe 1 |
4 |
|
Classe 2 |
Classe 3 |
Classe 4 |
Classe 5 |
Classe 2 |
1 |
Classe 1 |
7 |
5 |
20 |
1 |
Classe 3 |
5 |
Classe 2 |
|
1 |
5 |
0 |
Classe 4 |
14 |
Classe 3 |
|
|
4 |
2 |
Classe 5 |
1 |
Classe 4 |
|
|
|
0 |
Tableaux 9.1 & 9.2 • Répartition des
effectifs pour les équipes homogènes et hybrides
5. Discussion
Nous discutons ci-dessous les résultats
obtenus lors de notre étude au regard du modèle de jeu que nous
proposons.
5.1. Un même jeu pour une diversité de jeux
Un des intérêts de notre recherche nous semble résider
dans l’obtention de résultats qui tendent à montrer que
l’introduction d’un même jeu-game se traduit par des
jeux-play très différents selon les étudiants
à qui le jeu a pu être proposé. Cet engagement dans le jeu
se manifeste par des stratégies très différentes du point
de vue interindividuel qui se traduisent par la mise en évidence de
différentes classes de joueurs déterminées via les
méthodes d’analyse en composantes principales (ACP) et de
classification automatique hiérarchique (CAH). Ces méthodes nous
permettent d’établir une typologie des comportements des ludants et de pouvoir identifier les individus typiques à partir
des données agrégées obtenues à partir des
données séquentielles. Ainsi, nous avons pu mettre en
évidence que les jeux que jouent les étudiants peuvent être
de natures très différentes. Cela se traduit pour certains, par un
refus de jouer. Ce refus concerne un nombre peu élevé
d’étudiants et il est probable que ce refus est très
dépendant de la nature du jeu qui est joué,
d’éléments de contexte (comme la manière dont le jeu
est introduit) ainsi que des étudiants eux-mêmes. Pour
d’autres, un jeu individuel se met en place. Ce jeu individuel se traduit
par des stratégies différentes selon les ludants sans qu’il
soit possible d’établir, à partir de nos résultats,
si cela résulte de différences interindividuelles (des individus
seraient plus ou moins enclins à accepter de jouer pour apprendre), du
type de jeu proposé, ou d’un effet groupe (le jeu d’un
individu dépend du jeu de ses coéquipiers). Pour d’autres
étudiants, le degré d’engagement, évalué par
la strate de jeu qui est jouée, paraît plus important puisque le
jeu qu’ils jouent consiste à échanger sur le jeu et sur les
connaissances à mobiliser pour jouer. Ce faisant, les ludants concernés montrent une maîtrise du jeu qui concerne le jeu
lui-même (les règles du jeu) ainsi que les connaissances à
mobiliser pour gagner.
5.2. Deux strates de jeu
Ces résultats nous conduisent également à
vérifier la force heuristique d’un modèle qui consiste
à distinguer jeu-game et jeu-play et ainsi de lever les
ambiguïtés que la langue française introduit lorsqu’il
est question d’analyser des situations de jeu. En effet, distinguer
clairement un jeu-game conçu comme une proposition d’un
jeu-play qui n’est effectif que si l’apprenant accepte de
jouer conduit à déplacer le focus des analyses du dispositif
utilisé pour jouer vers les interactions qui se mettent en place. En
d’autres mots, il permet de distinguer la structure de jeu,
l’artefact (game) du jeu (play) consubstantiel à son
joueur. C’est ce que Henriot (Henriot, 1969) relevait en écrivant que « le jeu n’est pas dans la chose
mais dans l’usage qu’on en fait ».
Une très large majorité des étudiants (94%) qui ont
participé à notre recherche s’est engagée dans un
jeu-play 1 qui se caractérise par des tentatives pour nourrir le
tamagotchi et pour franchir les différents niveaux. Les résultats
obtenus à partir des calculs sur les données
agrégées nous ont permis de mettre en évidence
différentes catégories de joueurs. Ainsi, ce jeu-play 1
recouvre différentes stratégies qui ne sont pas d’un
intérêt équivalent du point de vue de l’apprentissage
comme nous le discutons plus loin.
Nos analyses montrent également qu’un second type de jeu
s’est mis en place pour une majorité des groupes
étudiés (pour 59% des groupes, des chats traduisent des
situations de validation et formulation). Ce jeu-play 2 se traduit par la
formulation des règles à employer pour choisir les ressources et
à des discussions qui conduisent à en établir la
validité. Il traduit un degré d’engagement dans le jeu qui
nous semble plus important dans la mesure où cet engagement ne concerne
pas uniquement des actions individuelles mais concerne de surcroît des
interactions entre joueurs, qui, collectivement, tentent de franchir les
différents niveaux.
Ainsi, ces résultats tendent également à montrer la
pertinence d’un modèle du jeu qui distingue deux strates de jeu et,
ce faisant, permet d’apprécier les niveaux d’engagement des
joueurs.
5.3. Jeu et apprentissage
Ce travail de modélisation du comportement des joueurs permet de faire
un certain nombre d’hypothèses sur les apprentissages des
différentes catégories d’individus. Si on considère
le jeu-play 1, il est peu probable que des étudiants qui
appartiennent à la catégorie « gaveurs » aient
beaucoup appris. En effet, du fait que la stratégie qu’ils mettent
en œuvre ne s’appuie pas sur la consultation des
métadonnées des ressources, il est peu probable qu’ils aient
pu faire le lien entre les métadonnées d’une ressource et
son caractère licite au regard des règles juridiques qui encadrent
son usage. De ce point de vue, si des apprentissages peuvent être
détectés, ils concernent probablement la découverte
d’un auteur ancien tombé dans le domaine public ou d’un mode
de diffusion des ressources peu contraignant (p. ex.
« présentation orale » ou « sujet
d’examen »). Pour les individus appartenant aux autres
catégories, on peut souligner que des modèles implicites
d’action qui mobilisent les connaissances visées se sont mis en
place. Un joueur qui réussit peut alors être
considéré comme ayant appris quelque chose puisqu’il
mobilise, de manière implicite, des connaissances qui sont à la
fois des outils nécessaires pour relever les défis du jeu mais
également des objectifs d’apprentissage que les concepteurs ont
définis. Mais il faut aussi relever l’importance du jeu-play 2 pour l’apprentissage car c’est la mise en place d’une telle
situation, pour environ 60% des joueurs, qui permet la formulation et la
validation des modèles implicites d’action. Cette formulation se
traduit par un début de changement de statut des connaissances
mobilisées qui, d’instruments élaborés pour avancer
dans le jeu, prennent le statut de savoirs partagés au sein d’une
équipe de joueurs.
5.4. Un modèle du jeu en contexte éducatif ?
Il faut ici souligner comment la théorie des situations didactiques,
d’abord formalisée par Brousseau à partir de la
théorie des jeux pour analyser des situations d’apprentissage des
mathématiques, est, dans le cadre de notre étude, mobilisée
pour analyser des situations qui relèvent du cadre qui lui a donné
naissance : le jeu. Une telle théorie pourrait être, et elle
l’a été, employée pour formaliser des situations
d’apprentissage qui ne relèvent pas du jeu. Néanmoins, le
modèle qu’elle nous permet de formaliser nous paraît
particulièrement pertinent pour conduire des analyses sur des situations
de jeu conduites dans un contexte éducatif. En effet, l’analyse
menée sur les traces numériques d’interaction produites lors
de l’usage de Tamagocours met en évidence la valeur heuristique de
différents éléments de ce modèle : distinction
d’un jeu-game vs jeu-play permettant de considérer le
jeu comme consubstantiel à son joueur, distinction de différentes
strates de jeu qui signent différents niveaux d’engagement et
modalités de mobilisation des connaissances selon ces différents
niveaux (modèle implicite d’action ou formalisation de ces
connaissances).
Ce modèle nous semble également validé par notre
étude en tant que modèle de conception de jeu. En effet, en termes
d’apprentissage, les résultats obtenus avec cette première
version du jeu sont encourageants et ils confirment l’importance de la
nature intrinsèque du jeu développé (Habgood, 2007) :
les connaissances utilisées pour jouer sont également les
objectifs pédagogiques identifiés par les concepteurs. Ils
confirment également la pertinence d’offrir au joueur la
liberté de développer des stratégies différentes
dont il peut apprécier la pertinence au travers des feedbacks qu’il
reçoit (situation d’action du jeu-play 1). Un autre
élément de ce modèle nous semble particulièrement
important à prendre en compte. Il s’agit de la question de
l’explicitation des connaissances mobilisées dans le jeu
(situations de formulation et de validation du jeu-play 2). Cet aspect a
été ici pris en compte en développant un tamagotchi
(play 1) multijoueur (play 2). Par ailleurs, ce modèle
permet, en intégrant l’enseignant, de prendre en compte le contexte
dans lequel le jeu est joué. De ce point de vue, des travaux sur la
manière d’introduire le jeu et sur la sortie du jeu
(débriefing) seraient bienvenus. Nous pensons ainsi que ce modèle
pourrait être mobilisé pour conduire des travaux de
conception/analyse de jeux pour d’autres domaines d’apprentissage
que celui qui a fait l’objet de cette étude.
5.5. Limites des analyses conduites
La principale difficulté à laquelle nous avons
été confrontés lors de la réalisation de ce travail
est liée au fait que deux échelles d’analyse doivent
être articulées : celle de l’individu et celle de
l’équipe. On peut en effet suspecter un “effet groupe”,
c’est-à-dire que la stratégie d’un joueur peut, en
particulier, être influencée par ce qu’écrivent ses
coéquipiers dans la zone de clavardage. Cette difficulté peut
être partiellement levée en évaluant
l’hétérogénéité d’une
équipe du point de vue des catégories de joueurs qui la
constituent. Les analyses que nous conduirons sur une nouvelle version du jeu
utilisée en avril 2015 prendront cette question en considération.
Il s’agira, en particulier, d’identifier si la formulation de
règles, leur discussion dans la zone de clavardage, peut être
corrélée avec un changement de stratégie d’un joueur
de la même équipe qui serait « muet » par
ailleurs.
Un autre écueil que nous rencontrons est l’absence
d’informations sur d’autres échanges qui a priori auraient pu
avoir lieu en présentiel. En effet, un commentaire posté par des
étudiants sur le forum dédié à Tamagocours a pu
mettre en évidence que, pour un groupe, deux étudiants ont pu se
donner rendez-vous pour pouvoir jouer en présentiel. Dans un tel cas, il
est possible qu’un jeu-play 2 se soit mis en place, mais
qu’il n’ait pas été tracé.
Une limite à nos analyses réside dans le fait que
l’absence de clavardage pour certaines équipes (22 équipes,
soit 27%) pourrait être liée à des problèmes
d’ergonomie. En effet, avec certaines configurations
d’écrans, cette zone de l’interface n’est visible que
si le joueur utilise les ascenseurs de la page.
Par ailleurs, nos analyses ne prennent pas en compte une probable
évolution des stratégies mises en œuvre au cours du temps. De
ce point de vue, les analyses qui seront conduites sur la nouvelle version du
jeu seront affinées en distinguant les stratégies mises en
œuvre pour les différents niveaux joués par une même
équipe.
Ces limites étant identifiées, il faut néanmoins relever
que les résultats que nous avons obtenus sont très significatifs
dans la mesure où ils permettent de distinguer très nettement les
différentes catégories de joueurs. Ces résultats tendent
à confirmer la robustesse de notre modèle sur lequel sont
fondées la conception et l’analyse du jeu en lien avec
l’usage d’indicateurs dont le niveau sémantique
élevé permet de caractériser assez finement les classes de
joueurs. Le nombre d’indicateurs étant toutefois limité, des
travaux sont encore nécessaires pour affiner notre modèle de
traces. Il paraît aujourd’hui nécessaire d’affiner les
indicateurs pour caractériser plus finement les stratégies. Par
exemple le pattern Choix pourrait donner lieu à
l’identification de différents sous-patterns liés à
l’homogénéité ou à la variété
des modes de diffusion.
5.6. Perspectives
Outre les révisions de la méthodologie d’analyse que nous
avons mises en relation avec les limites de notre approche, ce premier travail
ouvre des perspectives intéressantes et fournit des informations
précieuses du point de vue de la ré-ingénierie du jeu. En
particulier, il nous amène à nous interroger sur les
révisions du gameplay et de l’interface. Par exemple, il
apparaît aujourd’hui nécessaire de valoriser les actions des
joueurs qui conduisent à un rejet des ressources, car lorsqu’un
joueur rejette une ressource cela peut signifier qu’il a identifié
qu’une règle juridique s’opposait à son usage. Cela
pourrait être réalisé simplement en introduisant une
poubelle dans l’interface. L’accès à la zone de
clavardage est quant à lui un enjeu ergonomique important qui a
été réglé pour la prochaine session de jeu.
Du point de vue de la poursuite des recherches, des travaux sont à
envisager sur la question du contexte favorisant l’émergence du
jeu. En effet, des résultats montrent que les étudiants ayant
participé aux expérimentations conduites en présentiel et
introduites par les chercheurs utilisent le clavardage de manière
significativement plus importante et appartiennent majoritairement à la
classe des « experts ». Ce résultat qui souligne
l’importance du contexte pour que se mette en place un jeu constitue un
élément supplémentaire qui nous conforte dans notre
approche : considérer le jeu-play, le jeu qui se joue
plutôt que le jeu-game, le jeu donné à jouer.
6. Remerciements
Le projet Tamagocours a été
financé par l’ENS Lyon et l’UNR-RA (Université
Numérique en Rhône-Alpes). Nous tenons à remercier toute
l’équipe de conception et nos assistants de recherche Florence
Usclade et Samy Foudil.
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A
propos des auteurs :
Eric Sanchez est Maître de conférences HDR en
sciences de l'éducation. Il est responsable de l'équipe EducTice
à l'Institut français de l'éducation (ENS de Lyon) et
professeur associé à l'université de Sherbrooke, Qc. Il
conduit des travaux sur l'usage des jeux numériques pour
l'éducation et la formation et coordonne le projet ANR JEN.lab
(Apprentissage avec les Jeux épistémiques numériques).
Adresse : Institut français de
l’éducation, ENS Lyon, 15 parvis René Descartes, BP 7000,
Lyon Cedex 07
Courriel : eric.sanchez@ens-lyon.fr
Toile : http://eductice.ens-lyon.fr/EducTice/equipe/membres/permanents/eric-sanchez
Valérie Emin-Martinez est docteure en informatique.
Elle a soutenu une thèse en 2010 à l’université
Joseph Fourier de Grenoble sur le thème de la modélisation de
scénarios pédagogiques dirigée par les intentions. Membre
de l’EA S2HEP (Lyon1, ENS Lyon), elle est actuellement associée
à l'équipe EducTice de l’Institut Français de
l’Éducation. Ses recherches portent sur la modélisation de
scénarios pédagogiques pour l’enseignement secondaire en
Sciences et sur la conception de jeux numériques pour
l’apprentissage.
Courriel : valerie.emin@ens-lyon.fr
Toile : http://eductice.ens-lyon.fr/EducTice/equipe/membres/permanents/valerie-emin
Nadine Mandran est ingénieur en production et
analyse des données. Elle travaille au Laboratoire d’Informatique
de Grenoble (LIG). Elle est responsable du pôle expérimental
en Sciences Humaines et Sociales. Son activité se concentre sur
l’élaboration de méthodologies expérimentales
pour la collecte et l’analyse des données dans le cadre de
recherches en informatique « centrée humain».
Toile : https://www.liglab.fr/util/annuaire?prenom=Nadine&nom=Mandran
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