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Volume 22, 2015
Article de recherche



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Jeu-game, jeu-play, vers une modélisation du jeu. Une étude empirique à partir des traces numériques d’interaction du jeu Tamagocours

 

Eric SANCHEZ, Valérie EMIN-MARTINEZ (IFÉ-ENSL, S2HEP, Lyon), Nadine MANDRAN (LIG, Grenoble)

 

RÉSUMÉ : Cette contribution s’appuie sur les travaux que nous conduisons dans le cadre du projet Tamagocours, un jeu destiné à l’apprentissage des règles juridiques qui encadrent l’usage des ressources numériques dans un contexte éducatif. Nous nous appuyons sur la théorie des situations didactiques pour proposer un modèle qui permet de distinguer deux strates de jeu-play : (1) une strate de jeu individuel au cours duquel le joueur/apprenant développe des stratégies et mobilise les connaissances nécessaires pour relever le défi du jeu, (2) une strate de jeu collaboratif où les équipiers formulent et établissent la validité des savoirs mobilisés dans le jeu. Cette recherche empirique s’appuie sur le recueil des traces numériques d’interactions de 200 étudiants. Le processus d’analyse des données combine une analyse factorielle et une méthode de classification. Ces traces nous permettent de modéliser les joueurs/apprenants d’un point de vue comportemental et d’en distinguer différentes classes en fonction de leurs stratégies.

MOTS CLÉS : Jeu épistémique numérique, Tamagocours, Apprentissage par le jeu, Analyse de traces numériques

Toward a model of play : an empirical study

RÉSUMÉ : This paper is based on a work carried out for the Tamagocours project, a game designed to learn the legal rules that comply with the policies for the use of digital resources for an educational context. We rely on the Theory of Didactical Situations to propose a model which encompasses two layers of play: (1) a layer of individual play in which the player/learner develops strategies and mobilizes knowledge to meet the challenge and (2) a layer of collaborative play where teammates formulate and establish the validity of the knowledge they used. We discuss this model through an empirical research, based on recording and analyzing the digital traces of nearly 200 students. The data analysis process combines a principal component analysis followed by a clustering method. These traces enabled for drawing a behavioral model of the players/learners, and to distinguish different classes of players according to their strategies.

KEYWORDS : Digital epistemic games, Tamagocours, Game Based Learning, Digital Traces Analysis

 

1. Introduction

Les travaux de recherche qui portent sur l’usage de jeux numériques pour des visées utilitaires tendent à se développer mais les modèles théoriques dont dispose le chercheur qui s’intéresse à ce champ sont encore trop peu nombreux ou mal adaptés car trop peu spécifiques. Ainsi, le terme « jeu » lui-même est ambigu et il est parfois difficile de savoir s’il renvoie au matériel de jeu ou à la structure ludique (game), à la situation qui se met en place lorsque l’apprenant accepte de jouer (play) ou à l’activité de jouer elle-même (playing). Nous proposons de montrer ici que la théorie des situations didactiques (TSD) (Brousseau, 1998) offre un cadre conceptuel pertinent pour lever ces ambiguïtés. Notre approche nous conduit en particulier à modéliser le jeu-play sous la forme de situations adidactiques d’action, de formulation et de validation (Ibid.) au sein desquelles l’apprenant adapte sa manière de penser et d’agir aux contraintes d’un jeu-game.

Dans une première partie, nous présentons Tamagocours, un jeu numérique multi-joueur que nous avons développé pour une formation aux règles juridiques qui encadrent les usages des ressources numériques en contexte éducatif, destiné aux élèves de l’ENS de Lyon. Nous présentons également un modèle de jeu, issu de la TSD, qui nous permet de formaliser la situation élaborée selon deux strates de jeu que nous qualifions de jeu-play 1 et jeu-play 2. Notre problématique porte sur la validation de ce modèle et la modélisation des joueurs/apprenants, que nous appelons ludants, d’un point de vue comportemental et épistémique.

La deuxième partie est consacrée à la dimension méthodologique de nos travaux. Nous y décrivons le contexte de l’expérimentation qui a été menée et les données qui ont été recueillies. Dans cette partie nous présentons également Undertracks (Mandran et al., 2015), un environnement informatique qui nous a permis de collecter les traces produites lorsque les étudiants jouent et de produire des processus d’analyse de ces traces ainsi que des chronogrammes pour leur visualisation. Nous présentons également les méthodes d’analyse de données employées pour caractériser les stratégies mises en œuvre par les ludants à partir des données recueillies.

La troisième partie de cet article rend compte des résultats obtenus. Ces résultats portent sur l’identification de différentes classes de ludants en fonction des stratégies qu’ils mettent en œuvre.

Dans la dernière partie, nous discutons ces résultats au regard des caractéristiques du jeu-game que nous avons développé et du contexte de son usage. Nous discutons également le modèle de jeu du point de vue de son intérêt pour l’analyse ou la conception de situations de jeu.

2. Vers une modélisation du jeu

Dans cette partie nous décrivons la manière dont nous modélisons une situation de jeu ainsi que le jeu qui a été utilisé dans nos expérimentations.

2.1. Tamagocours : un tamagotchi multijoueur

Nous avons décrit le contexte dans lequel s’inscrit le développement de Tamagocours dans des publications antérieures (Sanchez, 2013), (Sanchez et Emin-Martinez, 2014a), (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) : des contraintes fortes prévalent pour la mise en place du Certificat Informatique et Internet niveau 2 enseignant (C2i2e) à l’ENS de Lyon en raison d’un temps disponible limité tant du côté de l’équipe pédagogique que du côté des étudiants, de la faible motivation des étudiants pour s’engager dans un domaine dont ils ne perçoivent pas toujours l’intérêt et les finalités et de la nécessité de permettre une certaine flexibilité dans la formation en privilégiant des modalités distantes et asynchrones. Du point de vue des objectifs pédagogiques, c’est la compétence A33 du C2i2e qui est visée : « prendre en compte les lois et les exigences d’une utilisation professionnelle des TICE concernant notamment : la protection des libertés individuelles et publiques ; la sécurité des personnes ; la protection des mineurs ; la confidentialité des données ; la propriété intellectuelle ; le droit à l’image... » (Bulletin Officiel de l'Education Nationale, 2011), pour laquelle nous avons retenu plus spécifiquement la question de « l’exception pédagogique » au droit d’auteur, un ensemble de règles qui concernent l’application du droit d’auteur pour les ressources destinées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche.

Tamagocours est un tamagotchi qu’une équipe de 2 à 4 joueurs/apprenants doit alimenter en ressources pédagogiques numériques (figure 1). Dans la suite, nous utiliserons le terme ludant plutôt que apprenant/joueur. En effet, nous nous appuyons sur le latin ludus qui désigne concurremment une activité libre et spontanée, qui est le jeu, et une activité imposée et dirigée qui est le travail scolaire (Yon, 1940), pour retenir le terme ludant afin de désigner un joueur impliqué dans un jeu conçu à des fins d’apprentissage. Il s’agit ainsi de souligner que ces deux facettes de son activité constituent une réalité univoque. Tamagocours est un jeu multijoueur synchrone en ligne où chaque équipe est formée de manière aléatoire et anonyme lors de la connexion. Chaque ludant se voit alors attribuer un avatar et un nom de joueur, il est ainsi possible de jouer de manière anonyme.

Chaque équipe a pour mission d’élever le Tamagocours en le « nourrissant » avec des ressources numériques (images, sons, vidéos, livres, articles, publications conçues à des fins pédagogiques, partitions, etc.).

Figure 1∙ Ecran principal de Tamagocours montrant la métaphore alimentaire retenue pour le game-play

Les ressources, dont chacun peut consulter la nature et les métadonnées (date de parution, taille de l’extrait, droit d’auteur, etc.), sont d’abord individuellement récupérées sur une étagère et ensuite associées à un mode de diffusion (présentation orale, projection en classe, sujet d’examen, mise en ligne sur l’intranet, etc.). Les ressources diffèrent du point de vue de leur nature, de la taille de l’extrait et de leur date de publication. Ces métadonnées sont des éléments qu’il faut prendre en compte afin de juger si elles sont autorisées ou non. Le mode de diffusion est également à prendre en compte car des règles différentes s’appliquent selon qu’une ressource est projetée en classe, mise en ligne sur l’intranet d’un établissement scolaire ou diffusée sur le blog d’un professeur. Les ressources d’une même équipe sont mutualisées dans un « réfrigérateur » commun. Les métadonnées de chacune des ressources stockées dans le réfrigérateur peuvent être visualisées par tous les membres d’une équipe, y compris du point de vue des modalités de sa diffusion, mais le ludant qui a déposé une ressource dans le réfrigérateur en reste propriétaire. Lui seul peut l’utiliser pour nourrir le Tamagocours ou la replacer sur l’étagère s’il juge qu’elle n’est pas appropriée. L’ensemble des déplacements des ressources s’effectue par un simple glissé-déposé et les déplacements effectués par un coéquipier distant sont également visibles. Une ressource utilisée hors du cadre légal (« non autorisée ») conduit au dépérissement et éventuellement à la « mort » du Tamagocours, une ressource « autorisée » à son développement. Des points de vitalité et de satiété sont gagnés ou perdus selon les cas. Dépérissement, mort et développement sont facilement visualisés par des représentations et couleurs différentes du Tamagocours (vert, orange, rouge) et des sons qui symbolisent ces différents changements d’états. Le score dépend des réussites et des erreurs effectuées dans l’emploi des ressources. Il est possible de rejouer un même niveau de jeu sans limitation de manière à améliorer le score. La version actuelle du jeu comprend cinq niveaux de difficulté croissante.

Le jeu comprend également une zone de clavardage qui permet l’échange de messages au sein d’une même équipe. Il est donc possible à un membre d’une équipe, mais pas explicitement demandé, de solliciter l’aide de ses coéquipiers ou de leur prodiguer des conseils.

Les règles juridiques qui s’appliquent pour l’utilisation des différentes ressources pédagogiques sont accessibles à tous. Elles se présentent sous la forme de tableaux synthétiques mais néanmoins relativement complexes en raison de la complexité même du cadre législatif. Lors du lancement du jeu, ces règles n’ont pas fait l’objet d’un enseignement spécifique et il appartient à chacun de consulter ou non ces règles avant de décider de nourrir le Tamagocours avec une ressource donnée.

La conception et le développement de Tamagocours ont été menés par une équipe comprenant des responsables de la formation C2i2e à l’ENS de Lyon, un expert juridique, un élève de l’ENS, des développeurs informatiques, des chercheurs (informatique et sciences humaines), un graphiste, un assistant de recherche et un ingénieur pédagogique. Les considérations qui ont été prises en compte pour le développement du jeu relèvent de la nécessité de choisir un gameplay simple malgré la complexité du domaine abordé, de tenir compte des contraintes des étudiants en développant une formation ouverte et à distance (les étudiants peuvent jouer quand ils le veulent, où ils le veulent) et de minimiser les coûts afférents aux développements et aux graphismes.

2.2. Jeu-play 1, une première strate de jeu

Nos travaux s’appuient sur la théorie des Situations Didactiques (Brousseau, 1998) qui intègre un point de vue piagétien sur l’apprentissage. L’apprentissage est un processus adaptatif qui résulte des interactions qui se nouent entre un apprenant et un milieu didactique « facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres » (Brousseau, 1998). Ainsi, Brousseau définit le milieu didactique comme le système antagoniste de l’apprenant. Il comprend tout ce qui agit sur l’apprenant et tout ce sur quoi l’apprenant agit. Cela nous conduit à proposer le schéma présenté par la figure 2 pour modéliser la situation de jeu Tamagocours. Ainsi, comme Henriot (Henriot, 1969), nous distinguons la « chose » utilisée pour jouer du « jeu » qui se met en place lorsqu’un apprenant accepte de jouer. Autrement dit l’application Tamagocours constitue un milieu didactique ou jeu-game d’une situation de jeu ou jeu-play lorsque se met en place une relation dialectique entre l’apprenant et le jeu-game. Les stratégies mises en place sont validées ou invalidées par l’évolution de l’état du Tamagocours. L’actant est ainsi un ludant qui peut anticiper les réactions du jeu-game. Ses connaissances évoluent en fonction des rétroactions du milieu et donc, en réponse à ses contraintes, selon un processus adaptatif. Ces interactions ne relèvent pourtant pas d’un simple ping-pong béhavioriste car, pour réussir, il doit élaborer des stratégies et analyser les conséquences de ses choix. Cette première strate de jeu-play constitue alors un espace de réflexivité au sein duquel le ludant peut éprouver sa manière de penser et d’agir. Cette distinction entre jeu-play et jeu-game n’est pas totalement originale. Outre les travaux d’Henriot, on peut signaler les travaux de Winnicott (Winnicott, 1971) qui déjà insistait sur le playing. Ces travaux dont les idées ont également été reprises et développées par Genvo (Genvo, 2003) nourrissent aujourd’hui un courant émergent d’études sur le jeu de tradition française.

La situation, que nous qualifions de jeu-play 1, est également une situation adidactique d’action au sens de Brousseau. C’est au ludant et à lui seul qu’incombe la responsabilité du problème à résoudre et c’est de lui dont dépend l’issue de la situation. Les décisions prises, les actions effectuées sont légitimées par la logique interne de la situation élaborée plutôt que par les attentes d’un enseignant. Ainsi, chaque ludant jouit d’une autonomie dans le sens où il dispose d’une liberté de choix d’une stratégie et de rétroactions du jeu-game qui lui permettent d’exercer cette liberté. Le caractère ludique de la situation est lié au fait qu’elle satisfait à des critères qui caractérisent un jeu (Brougère, 2005) : situation de second degré, autonomie, liberté encadrée par des règles du jeu, frivolité liée à la possibilité de faire des erreurs non rédhibitoires (il est toujours possible de recommencer) et incertitude quant à l’issue du jeu.

Figure 2∙ Jeu-play 1 individuel – situation d’action

2.3. Jeu-play 2, une seconde strate de jeu

Margolinas (Margolinas, 1995) propose un modèle qui permet d’une part de rendre compte d’une structuration du milieu didactique en niveaux emboités et, d’autre part, de prendre en compte sa dynamique et son évolution dans le temps. Elle définit ainsi 5 niveaux de situations, notés S-2 à S+2, pour lesquels une situation de niveau n constitue le milieu didactique du niveau n+1. Dans nos propres travaux qui visent à modéliser un jeu-play, nous nous limitons, comme Goncalves (Goncalves, 2013) à un modèle qui rend compte des niveaux S-2, S-1 et S0 de Margolinas (Margolinas, 1995) en qualifiant ces niveaux de strates pour éviter toute confusion avec le sens usuel du vocable « niveau » lorsqu’il s’agit de décrire un jeu. Une situation S-2 est une situation d’action, ou jeu-play 1, telle que décrite plus haut, et qui se situe à un niveau infra-didactique. Une seconde strate de jeu peut se mettre en place. En effet, la zone de clavardage de l’interface de Tamagocours permet aux membres d’une même équipe d’interagir. Ces interactions sont rendues nécessaires car un ludant ne peut terminer seul un même niveau du jeu, parce qu’il est informé des erreurs de ses coéquipiers du fait du synchronisme des actions et des rétroactions et qu’il peut anticiper leurs erreurs en inspectant les ressources présentes dans le frigo. Ce choix est destiné à faciliter la mise en place de situations adidactiques de formulation (Margolinas, 1995), c’est-à-dire des interactions, entre membres d’une même équipe pour formuler les règles qui conduisent à choisir ou rejeter une ressource. Une situation de formulation correspond à la capacité du sujet à identifier et exprimer une connaissance nécessaire pour avancer dans le jeu. Il s’agit également de permettre des interactions dans le cadre de situations adidactiques de validation au cours desquelles des ludants vont être amenés à valider ou invalider de manière explicite les stratégies qui ont été expérimentées et, de ce fait, à identifier les règles juridiques. Pour cette strate S-1, le jeu-play (S-2) devient alors le milieu adidactique d’une nouvelle forme de jeu-play qui est un jeu multijoueur et la situation mise en place alterne entre les niveaux S-2 et S-1 selon que le ludant interagit avec l’application uniquement ou avec ses partenaires de jeu. Nous utilisons le terme jeu-play 2 pour qualifier cette strate de jeu (figure 3).

Figure 3 ∙ Jeu-play 2 (multijoueur)

2.4. La phase d’institutionnalisation et la sortie du jeu

La phase d’institutionnalisation (ou débriefing) signe la sortie du jeu-play. En pratique, elle se déroule soit immédiatement après le jeu dans le cas d’un jeu organisé en présentiel soit après un temps plus ou moins long après la phase de jeu. Les moyens humains dont nous disposions dans le cadre de nos expérimentations ne nous ont pas permis d’organiser de manière systématique cette phase d’institutionnalisation. Conduite par l’expert juridique qui avait participé à la conception du jeu, elle a néanmoins pu être proposée à deux groupes de 16 et 9 élèves lors d’une première phase d’expérimentation conduite en présentiel. Dans la situation ainsi élaborée, le jeu-play 2 devient le milieu didactique sur lequel s’appuient l’apprenant et l’enseignant pour le déroulement d’une situation que l’on peut qualifier de situation didactique. En effet, les intentions didactiques de l’enseignant sont ici affichées et l’objectif de la situation est de valider et d’institutionnaliser les savoirs qui ont été mobilisés dans le jeu. Cette phase se traduit par un changement de statut des connaissances qui, validées par l’enseignant, passent du statut de moyens d’action largement implicites dans le jeu à celui de savoirs explicites et institutionnalisés susceptibles d’être mobilisés hors du contexte qui a présidé à leur développement.

Figure 4∙ Représentation des différentes strates de jeux emboitées

Une telle modélisation (figure 4) permet de considérer que le jeu-game est le milieu adidactique d’un jeu-play 1 qui est lui-même le milieu adidactique d’une situation de jeu-play 2. Ce jeu-play 2 est alors le milieu d’une situation didactique principalement caractérisée par une phase d’institutionnalisation et la fin du jeu. Cette modélisation permet donc de clairement distinguer le jeu-play du jeu-game, l’artefact constitué par l’application informatique dans le cas présent. En ce sens, nous évitons d’utiliser l’expression jeu sérieux pour, à la suite de Shaffer (Schaffer, 2006), (Shaffer et al., 2009), retenir le terme jeu épistémique. L’expression jeu numérique épistémique (ou JEN) désigne alors une situation de jeu qui se développe avec un jeu numérique et qui conduit à résoudre un problème complexe. Cette modélisation permet également de comprendre comment ce jeu-play peut être intégré dans une situation d’apprentissage. Par ailleurs, au cours du jeu, la nature du milieu didactique et donc le jeu épistémique lui-même évoluent. Cela nous conduit à distinguer deux types de jeux-play dans notre modèle.

2.5. Problématique

La problématique de notre recherche vise à éprouver ce modèle en tant qu’outil conceptuel permettant de décrire une situation de jeu multijoueur en ligne telle que Tamagocours. En particulier nous nous interrogeons sur la possibilité d’identifier des situations de jeu-play 1 et jeu-play 2. Est-il possible de distinguer, selon les joueurs, des niveaux d’engagement différents ? Ces niveaux d’engagement pourraient alors se traduire, pour certains joueurs, par une implication individuelle, une situation d’action, qui consisterait à relever le défi proposé par le jeu. Pour d’autres, l’engagement dans le jeu pourrait dépasser cet engagement individuel et se traduire par un jeu collaboratif, des situations de validation et de formulation. Cette question conduit également à s’interroger sur l’acceptation du jeu par les joueurs : acceptent-ils de jouer au jeu qui leur est proposé ? En effet, selon notre modèle, accepter de jouer ne signifie pas seulement accepter de se connecter au jeu. Jouer signifie s’approprier le défi proposé par le jeu-game et construire des stratégies, au sens de plans d’action mis en œuvre pour atteindre un but de manière efficiente, pour le relever. Ces stratégies peuvent renvoyer à un jeu individuel (jeu-play 1) ou un jeu collectif (jeu-play 2). Ainsi, nous sommes conduits à nous interroger sur la manière dont les étudiants jouent et il nous faut donc tenter de distinguer des catégories de joueurs en fonction de leurs actions dans le jeu (actions individuelles ou messages relevant d’un jeu collaboratif).

Les analyses que nous avons menées permettent également d’aborder la question des apprentissages. En effet, le jeu Tamagocours constitue en soi un dispositif d’évaluation du joueur. Si une équipe parvient à franchir les différents niveaux du jeu, cela signifie qu’elle possède une certaine maîtrise des règles juridiques à prendre en compte pour l’usage de ressources numériques dans un contexte éducatif. Il convient donc de s’interroger sur les réussites et les échecs des différentes équipes. Mais notre modèle d’analyse permet d’aller au-delà d’une analyse consistant à comptabiliser échecs et réussites. En effet, il permet également de poser la question des apprentissages du point de vue de la capacité de l’apprenant à formuler les connaissances qu’il mobilise pour jouer et à en discuter la validité (situations de validation et de formulation de jeu-play 2). Ainsi, nous serons conduits, à travers l’analyse des messages de chat, à nous interroger sur ce point : les ludants formulent-ils les règles juridiques qu’ils appliquent à l’adresse de leurs coéquipiers ? Echangent-ils des messages pour en discuter la validité ? Il s’agit alors d’identifier les apprentissages que le jeu permet.

Ainsi, cette étude empirique aborde trois volets :

- à travers l’analyse des stratégies, développées par les ludants, nous souhaitons les modéliser d’un point de vue comportemental ;

- à travers l’analyse des échecs et des réussites, et en mettant en relation stratégie dans le jeu et réussite du jeu, nous souhaitons les modéliser d’un point de vue épistémique ;

- les analyses que nous menons visent également à évaluer la pertinence de notre modèle pour, d’une part, décrire le jeu et, d’autre part, procéder à l’analyse des ludants d’un point de vue comportemental et épistémique.

Un autre aspect de notre travail porte sur l’usage de ces résultats en termes de conditions de mise en place du jeu, pour les prochaines promotions d’élèves, et de réingénierie du jeu.

3. Méthodologie de recherche

Dans cette partie nous décrivons le contexte des expérimentations que nous avons conduites. Nous présentons également la méthode de recueil des traces numériques, les modalités retenues pour leur visualisation et les processus d’analyse que nous avons mis en œuvre.

3.1. Contexte des expérimentations

L’expérimentation que nous décrivons ici s’est déroulée en mars-avril 2014 auprès de 193 étudiants de l’Ecole normale supérieure de Lyon qui, inscrits au Master enseignement, doivent valider le C2i2e. Les étudiants ont été invités à se connecter selon des plages horaires prédéterminées (d’une durée de deux heures) et à jouer avec les autres personnes connectées. Cette expérimentation faisait suite à deux expérimentations antérieures, organisées en présentiel, qui ont concerné d’abord un groupe de 16 élèves préparant l’agrégation de mathématiques puis un groupe de 9 étudiants du Master métiers de l’enseignement scolaire, de la formation et la culture (MESFC) de l’université Lyon 2. Les résultats de ces premières expérimentations, conduites dans un contexte différent car présentiel, avec la présence lors du débriefing de l’expert juridique du jeu, ont fait l’objet d’une publication antérieure (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) et ont permis de mettre à l’épreuve la méthodologie et les analyses.

Nous savons peu de choses sur les conditions de jeu des élèves de l’ENS lors de l’expérimentation conduite en mode distant, mais les 168 messages postés sur un forum dédié à commenter le jeu montrent qu’ils étaient majoritairement hostiles à l’idée de participer à un jeu dans le cadre d’une formation et majoritairement très critiques sur le jeu lui-même. Ces critiques semblent pour partie liées au fait que la proposition qui leur était faite de jouer a été vécue comme une injonction et qu’en cette période de préparation des oraux de l’agrégation leur temps disponible était très limité. Une première analyse des données collectées lors de cette session de jeu a été présentée à la conférence TICE 2014 (Sanchez et Emin-Martinez, 2014a). Nous présentons ici les résultats issus de l’analyse de l’ensemble des données de la session de jeu organisée à l’ENS de Lyon en Avril 2014.

3.2. De la collecte des traces à l’analyse des données

3.2.1. Outils d’analyse

Pour l’analyse des traces numériques, nous avons utilisé des outils d’analyse statistique et UnderTracks (Mandran et al., 2015), une plate-forme Web développée par l’équipe de recherche MeTAH du LIG (Laboratoire Informatique de Grenoble) dédiée à la recherche sur la collecte, l’analyse, le partage et la visualisation des traces numériques d’interactions avec des EIAH. UnderTracks permet de mutualiser des données produites lors d’études conduites dans le domaine des EIAH et les opérateurs de traitement de ces données. Undertracks offre une structure flexible pour stocker différents types de données et une interface visuelle pour construire des processus d’analyse à partir d’opérateurs génériques (p. ex. gestion de données, statistiques) ou plus spécifiques, comme l’indicateur gaming system de (Baker et al., 2004) ou des opérateurs de visualisation. Ainsi, il est possible de créer, de sauvegarder et de disséminer des processus d’analyse de données.

Pour la détermination des patterns d’action, nous avons développé, à l’ENS de Lyon, des outils ad hoc permettant de rechercher des successions d’actions liées à une même ressource et à un même utilisateur.

3.2.2. Traces d’interaction, collecte et pré-traitements

Lors de l’utilisation de Tamagocours par les élèves de l’ENS de Lyon, les différentes actions possibles avec le jeu sont tracées et enregistrées. Ce fichier est constitué de données séquentielles. Nous entendons par données séquentielles toutes données « temporellement situées » (Choquet et Iksal, 2007). Ces données permettent d’observer les dynamiques des individus et/ou des équipes lors de l’utilisation de Tamagocours. Ces données ont été stockées dans la plateforme UnderTracks. Dans le cas de l’analyse des données de Tamagocours, c’est principalement un des opérateurs de visualisation qui a été mobilisé.

L’analyse des données séquentielles sur une masse importante de données pour faire émerger des comportements individuels et signifiants est un processus difficile à appréhender. Pour conduire cette analyse, nous avons, à partir de ces données séquentielles, élaboré un fichier de données agrégées.

Nous définissons par données agrégées, le dénombrement des différentes actions effectuées par chaque joueur pendant le temps de l’activité. Par exemple, une des variables agrégées est le nombre de messages envoyés au cours du jeu. Du fait de ce traitement, les données agrégées perdent leur caractère séquentiel. Ces données non séquentielles sont alors utilisées pour établir une typologie du comportement des ludants basée sur le nombre des différentes actions qu’ils ont effectuées. L’objectif que nous visons est d’identifier des comportements typiques à partir des données agrégées, puis, dans un second temps, d’analyser les séquences d’actions de ces individus.

3.3. Définition des indicateurs de strate de jeu

Dans cet article, le codage des interactions avec le milieu adidactique (représenté par le jeu-game) a été réalisé à l’aide des indicateurs que nous avons définis en référence aux types d’interactions épistémiques définies par Brousseau. La modélisation du jeu que nous avons proposée nous conduit à utiliser deux catégories d’indicateurs pour l’analyse des données :

1. des indicateurs de jeu-play 1 : les patterns d’action qui ont été construits en prenant appui sur les travaux de Romero et al. (Romero et Ventura, 2007), (Srikant & Agrawal, 1996) montrant que le joueur est impliqué dans une situation d’action ;

2. des indicateurs de jeu-play 2 : le codage des messages échangés via le clavardage qui sont répartis en différentes catégories, la formulation et la validation signant le jeu-play 2.

3.3.1. Actions et patterns d’action

Une première catégorie d’indicateurs concerne les interactions qui correspondent à des choix et décisions du ludant. De son point de vue, ces interactions se traduisent par des actions sur le jeu-game qui peuvent être tracées de manière automatique. Certaines interactions concernent des actions du ludant en lien avec la manipulation des ressources. Il s’agit de ShowItemCupboard, addToFridge, removeFromFridge et feedTamago. D’autres correspondent à des rétroactions du milieu telles que feedGood ou feedBad (codé lors d’un feedTamago en fonction du caractère « autorisé » ou non de la ressource associée à un mode de diffusion). Enfin, certaines interactions correspondent à des actions qui ne sont pas liées à la manipulation des ressources. Ce sont des actions telles que session, tuto et help. Ces interactions qui concernent le ludant et le jeu-game signent la mise en place d’une situation d’action et d’un jeu-play 1 individuel.

Les différentes actions tracées correspondent aux actions possibles dans le jeu (figure 1) et sont présentées dans le tableau 1.

Code

Action

« rôle par rapport à la problématique »

addToFridge

Déposer une ressource dans le frigo

Indicateur de jeu-play 1

feedTamago décomposé en feedGood et feedBad

Nourrir le Tamagocours

Nourrir avec une bonne ou une mauvaise ressource

Indicateur de jeu-play 1

chat + code

Ecrire un message

Indicateur de jeu-play 2 pour les messages codés V ou F

help

Ouvrir l’aide juridique

Indicateur de jeu-play 1

helpLink

Cliquer sur un lien particulier de l’aide juridique

Indicateur de jeu-play 1

removeFromFridge

Remettre une ressource placée dans le frigo dans l’étagère

Indicateur de jeu-play 1

showItemCupboard

Consulter la nature et les métadonnées de la ressource dans l’étagère

Indicateur de jeu-play 1

showItem

Consultation d’une ressource dans le ventre du Tamagocours, dans le tableau de fin d’un niveau

Indicateur de jeu-play 1

tuto

Consulter la page de tutoriel

Indicateur d’une difficulté à comprendre le fonctionnement du jeu

Session

Se connecter à une session de jeu

Marque le début de la session de jeu

Tableau 1 • Actions Tamagocours et indicateurs correspondants

Outre l’envoi des messages qui relèvent d’un jeu-play 2 et de la consultation du tutoriel qui traduit une difficulté à comprendre les règles du jeu, toutes ces actions signent le déroulement d’un jeu-play 1 au cours duquel le ludant décide de l’état du jeu-game (ou milieu adidactique) en fonction de ses propres motivations et se traduisent par des modèles implicites d’action (Brousseau, 1998) qui nous conduisent à définir des patterns d'actions (Srikant et Agrawal, 1996), (Romero et Ventura, 2007). Ces patterns consistent en une succession d'actions (consécutives ou non) qui visent à réaliser un objectif spécifique (p. ex. nourrir le Tamagocours avec une ressource numérique) et sont révélateurs d’une stratégie donnée. Nous avons restreint notre étude à deux patterns principaux (tableau 2) que nous avons identifiés et qui indiquent respectivement deux stratégies liées au jeu-play 1.

Nom

Séquence constituant le pattern

Comportement lié au pattern

Pattern Choix

addToFridge et feedTamago

Choix d’une ressource à donner au Tamagocours

Pattern Consultation-Choix

ShowItemCupboard et addToFridge et feedTamago

Consultation-Choix d’une ressource à donner au Tamagocours

Tableau 2 • Patterns d’actions de Tamagocours

Le premier pattern Choix comprend deux actions, directement consécutives ou non (i.e. une action de type chat, help, tuto, etc. peut être intercalée), liées à l’usage d’une ressource particulière (identifiant de la ressource suivi entre les 2 actions) dans le jeu. Les actions sont addToFridge puis feedTamago. Il est révélateur d’une stratégie peu prudente dans le jeu car le ludant ne consulte pas les métadonnées d’une ressource avant de nourrir le tamagotchi. Pour autant, il ne s’agit pas nécessairement d’une stratégie de type essai-erreur totalement fondée sur le hasard, car il est possible de minimiser les risques en choisissant une ressource dont le titre (visible au survol) évoque un auteur ancien, donc passé dans le domaine public, et/ou un mode de diffusion de la ressource peu contraignant d’un point de vue légal (c’est le cas pour le mode « présentation orale ») et ainsi d’avoir quelques chances que la ressource ou le mode de diffusion choisis permettent de satisfaire aux règles de l’exception pédagogique. Le pattern Choix n’est donc pas un indicateur très fin des stratégies mises en œuvre et témoigne d’approches qui peuvent relever de l’absence de prise en compte totale du cadre légal comme d’approches plus prudentes qui consistent à choisir un mode de diffusion peu contraignant.

Le second pattern Consultation-Choix comprend trois actions, directement consécutives ou non, liées à l’usage d’une ressource. Les actions sont successivement showItemCupboard, addToFridge et feedTamago. Il est indicateur d’une stratégie plus prudente qui consiste à consulter les métadonnées d’une ressource avant de l’associer à un mode de diffusion et de la donner au Tamagocours. Ce pattern révèle des stratégies variées qui peuvent consister en un survol très rapide des ressources comme en une analyse approfondie de leurs métadonnées.

Les deux grandes stratégies liées à ces patterns se distinguent par la consultation, ou non, de la nature et des métadonnées de la ressource utilisée et donc de la mobilisation des connaissances visées pour nourrir le tamagotchi. Ainsi, le pattern Consultation-Choix témoigne que la stratégie mise en œuvre comprend une phase au cours de laquelle le ludant s’est donné les moyens de recueillir des informations lui permettant de juger du caractère légal ou non des ressources qu’il sélectionne. Le pattern Choix témoigne d’une stratégie différente qui ne le conduit pas ou peu à mobiliser les connaissances visées par le concepteur du jeu.

3.3.2. Codage des messages du clavardage

Les interactions de type « chat » (envoyer un message à ses co-équipiers dans le clavardage) sont des interactions d’une autre nature : suivant le message envoyé, elles vont correspondre à des types de jeux différents (jeu-play 2 ou non). Le codage réalisé s’appuie sur la modélisation d’un jeu-play 2 (cf. figure 3) en un jeu multijoueur qui comprend des situations adidactiques de formulation et de validation. Ces catégories ont été établies lors des premières expérimentations (Sanchez et Emin-Martinez, 2014b) et sont illustrées par des exemples de messages dans le tableau 3.

F

« Formulation » : énoncé d'une règle juridique ou d'une partie

« Aucune œuvre d'art visuel ou graphique issue d'internet ne peut être diffusée. Il faut photocopier un livre où le tableau est représenté »

H

« Hypothèse » : énoncé d’une hypothèse sur une règle juridique

« Je crois que certaines années c'est du domaine public (genre Le Figaro 1826-1935 que je viens de poster) »

Q

« Question » : énoncé d’une question sur une règle juridique ou une ressource

« On a le droit les podcast d'émissions publiques (France Inter) ? »

O

« Observation » : une observation sur une règle juridique ou une ressource particulière

« Bon ben on met tous les livres périodiques et ouvrages pédagogiques en version orale »

OJ

« Observation sur le game-play »

« à la fin de chaque niveau perdu ou gagné quand on clique sur les ressources il y a la raison pour laquelle ce n'était pas autorisé »

NC

« Non codée » : correspondant à des exclamations ou des présentations

« Qui est Martin ? » « aaaah yum yum ! »

Tableau 3 • Catégories de codage pour les messages du clavardage

Les messages échangés via le clavardage ont été codés individuellement par trois chercheurs selon ce système de codage. Les différences étaient mineures (80% d’accord) et étaient principalement liées aux messages de la catégorie « Observation » : ces messages correspondent-ils au jeu en général, à la ressource traitée ou à une action dans le jeu ? Les différences ont été examinées afin d’aboutir à un consensus sur l’interprétation des messages, le tableau 3 est le résultat de ce consensus.

Ainsi lorsque les messages ne concernent pas directement le jeu, ou lorsqu’il s’agit de jugements formulés sur le jeu mais sans lien avec les connaissances qui doivent être mobilisées, nous les avons codés OJ (opinions sur le jeu) et NC (autres messages non codés), ils ne signent pas un jeu-play 2. En revanche les autres messages concernent les connaissances et les situations de formulation et de validation. Ils signent la mise en place d’un jeu-play 2 et peuvent être classés selon deux catégories distinctes, codées F et V, que nous décrivons ci-après.

Certains messages sont des assertions, vraies ou fausses, sur les règles qu’il faut respecter pour nourrir le Tamagocours. Il s’agit de messages informatifs émis par un ludant à l’adresse de ses coéquipiers sans qu’il ne s’attende à être contredit ou à ce que son assertion soit vérifiée. Ces messages révèlent la mise en place d’une situation de formulation (codée F). Enfin, d’autres messages correspondent à des échanges entre plusieurs membres d’une équipe, qui visent à établir la véracité d’un énoncé. Ils sont parfois formulés sous forme de questions (Q), d’hypothèses (H) ou d’observations (O) sur les assertions des autres joueurs. Ces messages révèlent la mise en place d’une situation de validation (codée V).

Le codage des messages permet ainsi de déterminer si les joueurs sont engagés dans un jeu-play 2 : les messages codés F ou V (H, Q, O) sont des indicateurs de jeu-play 2, les autres messages (OJ et NC) ne relèvent pas d’un jeu-play 2.

3.4. Elaboration d’une typologie du comportement des ludants

Une typologie du comportement des étudiants qui ont participé à notre recherche a été établie par un processus d’analyse qui enchaine une analyse en composantes principales (ACP) et une classification automatique hiérarchique (CAH) (Lebart et al., 1997). Cet enchainement de techniques a été réalisé sur le logiciel SPAD (SPAD, 2015). L’ACP est une méthode qui appartient à la famille de l’analyse factorielle des données. C’est une technique principalement descriptive, dans le sens où il n’y a pas d’inférence ni de modélisation qui s’applique à des variables quantitatives. La diagonalisation de la matrice des coefficients permet d’extraire un ensemble de vecteurs (les vecteurs propres) de manière à construire un nouvel espace vectoriel. L’objectif est de créer une base de l'espace vectoriel sous deux contraintes : (1) les axes vectoriels expliquent une part de la variance globale du nuage de points initial (inertie), (2) chacun des axes est construit de manière orthogonale et rend compte de l’indépendance des axes entre eux. Ces axes factoriels sont appelés composantes principales. La construction de ces axes et les contraintes associées permettent de conserver les structurations les plus signifiantes. A partir de ces axes, de nouvelles coordonnées sont calculées pour chacun des individus. Seules les coordonnées des axes les plus signifiants sont conservées (valeurs propres supérieures à 1). Les variables intégrées dans l’analyse sont de deux types : (1) les variables actives, c’est à partir de leur corrélation que les nouveaux axes sont construits, (2) les variables supplémentaires, qui ne participent pas à la construction des axes mais ces variables sont projetées dans le nouvel espace vectoriel, elles permettent ainsi de compléter l’interprétation des axes factoriels.

Les nouvelles coordonnées des individus sur les axes permettent d’établir une classification des individus selon sur les axes les plus signifiants. La méthode utilisée est la classification ascendante hiérarchique (CAH), elle appartient aux techniques de clustering. La métrique de distance utilisée est la distance de Ward. L’objectif est de définir des classes d’individus les plus semblables possible et des classes les plus différentes les unes des autres. Pour établir ces regroupements, une distance est définie. Dans le cas d’une ACP suivie d’une CAH, l’interprétation consiste à donner du sens à ces classes à partir des variables qui sont les plus présentes et/ou les moins présentes dans la classe. Les différentes classes contiennent des individus qui ont des comportements proches relativement aux variables initialement intégrées dans l’ACP. Pour chacune des classes, les individus typiques, les plus proches des centres de classes, sont qualifiés de « parangons ». Le nombre de parangons est choisi de manière arbitraire ; nous en conservons cinq par classe. Nous visualisons les séquences d’action de ces individus typiques pour repérer les successions d’actions et caractériser les différences qui existent entre ces classes d’individus. La distance entre les classes étant maximisée, les comportements des parangons des différentes classes peuvent être considérés comme significativement différents.

3.5. Visualisation des séquences d’action

Afin d’analyser les séquences d’actions enregistrées, nous nous appuyons sur les données séquentielles des parangons des classes. Pour visualiser cette dynamique, nous utilisons un opérateur interactif de la plateforme UnderTracks, qui permet de représenter la séquence des actions pour chaque individu au cours du temps sous forme de chronogramme. La figure 5 représente les séquences d’actions pour quatre joueurs, chaque ligne correspond à la visualisation de la séquence d’actions d’un ludant organisée de manière séquentielle de gauche à droite. Le code joueur est précédé du code équipe, ce codage permet d’identifier l’équipe et de confronter les chronogrammes des individus d’une même équipe afin de repérer un éventuel effet de groupe, les actions d’un individu pouvant influencer celles de ses coéquipiers. Chacune des barres de couleur correspond à une action. Le code couleur est différent selon l’action considérée, la légende est présentée au-dessous. Le code couleur peut être modifié par le chercheur qui analyse le chronogramme, certaines actions peuvent être masquées, le choix des couleurs peut permettre de faire ressortir une action particulière ou de regrouper certaines actions. Afin de créer des typologies de manière visuelle, les lignes peuvent être rapprochées en fonction de leur ressemblance (Bertin, 1977). Cette visualisation permet de repérer des successions d’actions qui correspondent à des patterns susceptibles de révéler un comportement, voire une stratégie des individus. Dans la figure 5, nous pouvons visualiser facilement un pattern bleu ciel-bleu foncé-marron qui correspond au pattern Consultation-Choix (showItemCupboard-addToFridge-feedTamago), très fréquent chez le 2ème étudiant et parfois pour le premier, et un pattern bleu foncé-marron qui correspond au pattern Choix (addToFridge-feedTamago), très fréquent chez le troisième et le quatrième étudiant, alors qu’il n’apparait jamais pour le second et très rarement pour le premier.


Figure 5 ∙ Exemple de chronogrammes du jeu Tamagocours

4. Résultats

Les résultats que nous avons obtenus et que nous présentons ci-après sont issus de l’analyse de l’expérimentation qui s’est déroulée en mars-avril 2014 auprès de 193 élèves de l’ENS de Lyon répartis en 81 équipes de joueurs.

Ces résultats peuvent être appréhendés selon deux niveaux d’analyse que nous envisageons successivement : au niveau d’une équipe ou au niveau des individus. Dans la suite, chaque équipe de joueurs est dénommée GRn pour « groupe numéro n » et chaque joueur Jn pour « joueur numéro n ».

4.1. Analyses conduites à l’échelle des équipes

Nous présentons ici d’une part l'analyse des patterns d'actions afin de caractériser les stratégies suivies dans le cadre d’un jeu-play 1 et, d’autre part, l’analyse des messages afin d’identifier un jeu-play 2. La très grande majorité des équipes (78 sur 81) a gagné les 5 niveaux du jeu (dont une « équipe » avec un seul joueur connecté au moment du jeu GR123). Les 3 autres équipes (GR 72, GR 107, GR 53) ont réussi à atteindre les niveaux 2, 3, et 4 du jeu.

L’analyse détaillée révèle une grande diversité du point de vue des échecs et des réussites pour les différents niveaux du jeu (niveau gagné ou perdu) ainsi que par rapport au temps de jeu (de 10 minutes à 80 minutes).

Le tableau 4 montre les résultats pour des équipes qui ont joué lors des deux sessions organisées en présentiel. Dans ces expérimentations la durée de jeu a également été variable et certains groupes n’ont pas atteint le dernier niveau.

Equipe

Durée

Nb joueurs

Niveau Max réussi

Synthèse des niveaux joués

GR11

00 : 41 : 23

4

5

1 2 2 3 3 4 4 4 4 4 4 5 5

GR12

00 : 18 : 56

4

5

1 1 1 2 2 3 4 4 4 5

GR13

00 : 29 : 23

3

5

1 2 3 3 3 3 3 4 5

GR14

00 : 45 : 19

3

5

1 2 2 3 3 4 5 5

GR15

01 : 09 : 43

3

3

1 2 3 3 3 4 4

GR33

00 : 27 : 36

3

5

1 2 2 2 3 3 3 3 3 4 5

GR34

00 : 55 : 46

3

3

1 2 3 4

GR35

00 : 52 : 02

3

4

1 2 3 4 5 5 5

Tableau 4 • Synthèse des durées et des niveaux gagnés ou perdus par équipes

Nos analyses sont basées sur des résultats quantitatifs, pour chaque équipe, qui prennent en compte le nombre d'actions dans la session de jeu et le nombre d'occurrences des patterns d'action Choix et Consultation-Choix. Pour les 81 équipes concernées, des actions sont effectuées afin d’atteindre le but du jeu. Parmi les 193 joueurs, 11 n’ont pas vraiment joué, en totalisant moins de 6 actions au total sur une partie (dont un qui a joué 2 fois). On peut également souligner que toutes les équipes ont au moins un joueur impliqué dans un jeu-play 1, et 182 joueurs (94%) ont été impliqués dans un jeu-play 1 à des degrés divers.

Pour certaines équipes un seul des deux patterns d’actions est détectable. Ainsi, le pattern Choix est le seul pattern détectable pour 8 équipes et il est absent pour 5 équipes (53 joueurs répartis dans 36 équipes ne sont pas concernées par ce pattern). Pour d’autres équipes c’est très majoritairement un des deux patterns qui est détectable : plus de 75% de patterns Choix pour 9 équipes et plus de 75% de patterns Consultation-Choix pour 14 équipes. Les deux patterns sont quantitativement répartis de manière équivalente pour les autres équipes. Sur les 81 équipes, 22 (27%) n’ont pas du tout utilisé le clavardage mais 59% des équipes ont échangé des messages codés F ou V. Cela signifie que des phases de jeu-play 2 sont détectables pour ces équipes.

Le tableau 5 représente un extrait de clavardage au sein de l’équipe GR 52 qui illustre la mise en place d’une situation de formulation et de validation qui conduit deux coéquipiers à discuter les règles juridiques qui s’appliquent pour une ressource qu’ils ont sélectionnée. On constate que c’est J69 qui formule les règles et J94 qui pose des questions et émet des hypothèses.

Joueur

Codage

Message

94

H

sur le livre la laïcité, on utilise 3 pages donc je pense qu’on peut photocopier pour un usage pédagogique

69

NC

Oui

69

F

ça fait moins de 30%

94

H

et pour à l’aveugle on utilise tout le livre, donc je pense que on ne peut que en parler à l’oral mais pas tout photocopier

69

F

10% pardon

69

Q

oui du coup, il faudrait que toute la classe acquiert le livre pour le lire ensemble en classe !?

94

NC

c’est ce qu’on faisait au lycée non ?

69

NC

Oui

69

F

mais là par contre c’est une édition numérique

94

H

je pense pas que ça change pour les droits d’auteur

69

F

oui, si de toute manière chaque élève achète sa propre copie, il aura le droit de le ramener en cours. Par contre si c’est que l’enseignant qui en parle, alors ça sera qu’une représentation orale

94

NC

Ouais

69

OJ

donc c’est bon, on peut nourrir la créature verte

Tableau 5 • Extrait de clavardage de l’équipe GR52 avec codage

4.2. Différentes catégories de ludants

Les catégories que nous décrivons ci-dessous résultent d’une première analyse en composantes principales (ACP) pour conserver les informations les plus structurantes suivie d’une classification automatique hiérarchique (CAH) avec extraction des parangons.

L’ACP a été conduite avec les variables décrites dans le tableau 6.

Rôle dans l’ACP

Variables

Signification

Active

nombre de feedGood/ nombre de feedTotal*100

Ratio de réussite : nombre de nourrissage du Tamagocours de manière licite/ nombre total de nourrissage


Nombre de patterns Consultation-Choix

Caractéristiques des ressources consultées


Nombres de patterns Choix

Caractéristiques des ressources non consultées


Nombre de helpLink

Nombre d’accès à un lien particulier de l’aide juridique


Nombre de showItemCupboard

Consultation des caractéristiques des ressources stockées sur l’étagère


Nombre de messages codés NC

Discussion non liée au jeu


Nombre de messages codés OJ

Discussion sur le gameplay


Nombre de messages codés F

Formulation des règles juridiques


Nombre de messages codés V

Discussion de règles juridiques

Supplémentaire

Nombre de feedBad

Nourrissage du Tamagocours de manière non licite


Nombre de feedGood

Nourrissage du Tamagocours de manière licite


Nombre total d’actions

Niveau d’implication dans un jeu-play 1


Nombre de messages envoyés


Tableau 6 • Variables utilisées pour l’ACP

L’ACP fournit trois axes dont les valeurs propres sont supérieures à 1, le pourcentage d’inertie (variance totale) pris en compte est de 66%. Le premier plan factoriel (axes 1 et 2) explique 54,4% de l’inertie. La figure 6 montre l’opposition entre les différents types de patterns (Axe 1) et l’indépendance avec le nombre et le type de messages (Axe 2).

Figure 6 ∙ Plan factoriel 1-2 de l’ACP

Plusieurs résultats peuvent être dégagés de ce plan factoriel.

(1) - Une évolution conjointe entre le nombre de messages codés V, ceux codés F et le nombre de helpLink. Les coefficients de corrélations avec l’axe 1 (r) sont respectivement égaux à 0,80, 0,78 et 0,54. Les ludants qui formulent ou interrogent les règles juridiques ont plus recours à l’aide juridique.

(2) - Une opposition entre le nombre de patterns Choix (r égal à -0,54 avec l’axe 1) et le nombre de showItemCupboard (r égal à 0,63) conjointement liés au nombre de patterns Consultation-Choix (r égal à 0,54). Plus le nombre de showItemCupboard et le nombre de patterns Consultation-Choix augmentent plus le nombre de patterns Choix diminue. Les ludants qui ont recours soit au pattern Consultation-Choix soit au pattern Choix ont un comportement homogène de recours à un pattern quasi exclusif.

(3) - Une indépendance entre les nombres de messages de tous types (F, V, OJ, NC) et le nombre de patterns Choix et de patterns Consultation-Choix. Il n’est pas possible d’établir de lien entre l’utilisation du clavardage et le type de stratégie mise en œuvre.

(4) - L’axe factoriel 3 nous permet d’identifier un quatrième résultat : une évolution conjointe du nombre de helpLink et du nombre de messages codés F en opposition avec le nombre feedGood/feedTotal et le nombre de messages codés NC ou OJ. Autrement dit, plus les ludants accèdent à l’aide juridique, plus ils formulent des règles alors que le nombre de messages qui ne sont pas directement en lien avec une stratégie diminue. Le nombre de feedGood/feedTotal diminue également, ce qui montre que les ludants qui formulent les règles regardent l’aide juridique et « nourrissent » moins le Tamagocours que les autres. Ce dernier élément doit être étudié plus en détail au niveau de l’équipe de joueurs.

4.3. Caractérisation des classes d’individus

La classification est construite à partir des nouvelles coordonnées des individus sur les trois axes factoriels. La CAH nous permet de mettre en évidence cinq classes de comportements de ludants. L’interprétation des classes est basée sur les variables dont la moyenne de la classe est supérieure (ou inférieure) à la moyenne générale. Par exemple, dans la classe 1, la moyenne générale de la variable « nombre de message codés NC » est égale à 3,5 alors que dans la classe 1 la moyenne de cette variable est de 11,0. La différence entre ces deux moyennes est significative puisque le résultat du V test donne une valeur de 8,3. Concrètement, les ludants de la classe 1 sont des ludants qui écrivent plus de messages qui ne sont pas en lien avec le jeu (NC) que la moyenne. Chacune de ces classes est structurée par des variables dont la moyenne est significativement plus élevée (ou plus faible) que la moyenne générale des ludants (tableau 7).

La classe numériquement la plus importante (36%) regroupe des individus que nous qualifions d’« efficients » (classe 3) dans la mesure où ils appartiennent à une classe caractérisée par un nombre important de succès au regard d’un nombre limité d’actions.

La deuxième classe numériquement la plus importante (26,3%), est celle des individus que nous qualifions de « gaveurs » (classe 4), dans la mesure où la stratégie qu’ils adoptent est caractérisée par un très grand nombre d’actions et des erreurs fréquentes qui semblent liées au fait que les métadonnées des ressources sélectionnées sont peu consultées (peu de showItemCupboard et de pattern Consultation-Choix). Le « hasard » semble donc tenir une place plus importante et, au final, cette stratégie se révèle payante car, malgré les erreurs effectuées, les équipes auxquelles appartiennent ces individus parviennent néanmoins à franchir les niveaux du jeu.

Classe

Effectifs

Variables dont la moyenne dans la classe est significativement (valeur absolue de la valeur test >1,96)...

... Inférieure à la moyenne totale

... Supérieure à la moyenne totale

Classe 1

les Bavards

28


Actives : messages NC, messages OJ, messages V, messages F

Supplémentaires : nombre total de messages et nombre total d’actions supérieurs à la moyenne

Classe 2

les Prudents

46

Actives : pattern Choix, messages OJ, messages NC

Actives : pattern Consultation-Choix, showItemCupboard , helpLink , feedGood / feedTotal

Supplémentaires : nombre total d’actions supérieur à la moyenne

Classe 3

Les Efficients

82

Actives : helplink ; pattern Choix, pattern Consultation-Choix, showItemCupboard, chat

Supplémentaires : nombre de feedGood, feedBad et nombre total d’actions inférieurs à la moyenne

Actives : feedGood /feedTotal

Classe 4

Les Gaveurs

60

Actives : showItemCupboard , pattern Consultation-Choix, feedGood / feedTotal, chat

Supplémentaires : nombre total d’actions inférieurs à la moyenne

Actives : pattern Choix

Supplémentaires : nombre total de feedGood et de feedBad supérieurs à la moyenne

Classe 5

les Experts

6


Actives : messages F, messages V, helpLink, showItemCupboard, pattern Consultation-Choix

Supplémentaires : nombre total de messages et nombre total d’actions supérieurs à la moyenne

Tableau 7 • Caractérisation des classes CAH en fonction des variables actives par classe

Cette classe 4 (« gaveurs ») est antithétique d’une classe également numériquement importante (20,2%) : la classe des individus « prudents » (classe 2). La stratégie qu’ils mettent en œuvre consiste à éviter d’utiliser une ressource sans en avoir au préalable consulté les métadonnées (showItemCupboard et pattern Consultation-Choix très supérieurs à la moyenne) et avec une consultation de l’aide juridique fréquente. Leur réussite est meilleure (nombre plus important de feedGood/feedTotal) mais le nombre de messages échangés est très inférieur à la moyenne.

La classe des « bavards » (classe 1) (12,3%) quant à elle échange beaucoup : sur les règles juridiques ainsi que sur d’autres points comme le jeu lui-même. Cette classe est clairement engagée dans un jeu-play 2 et très active (nombre total d’actions supérieur à la moyenne). Enfin, les résultats montrent également l’existence de quelques individus « experts » (classe 5) qui consultent l’aide juridique et échangent beaucoup sur les règles juridiques, soit pour les formuler à l’adresse de leurs coéquipiers, soit pour en discuter la validité, les individus de cette classe sont clairement engagés dans un jeu-play 2.


Figure 7 ∙ Visualisation des séquences d’actions pour un des parangons de chaque classe

La figure 7 permet de visualiser les chronogrammes pour un parangon de chaque classe. Lors de l’analyse, cinq parangons par classe ont été sélectionnés ; par souci de lisibilité nous avons choisi d’en représenter un seul. L’identifiant correspond au numéro de classe suivi du numéro d’individu, la couleur orange correspond au chat, bleu ciel à showItemCupboard, vert à feedGood, rouge à feedBad, gris foncé à addToFridge et violet à helpLink,. Sur cette figure on retrouve bien de nombreux chats pour les classes 1 et 5 (les bavards et les experts), un chronogramme plus court pour la classe 3 avec un nombre important de feedGood/feedTotal, le pattern Consultation-Choix (bleu ciel, gris, vert ou rouge) pour la classe 2 et le pattern Choix (gris puis vert ou rouge) pour la classe 4.

4.4. Comportement individuel vs comportement du groupe

Avec les résultats de la CAH, les ludants sont affectés à une classe. A partir de ces données, nous pouvons étudier la composition des équipes de joueurs : sont-elles composées de ludants ayant des comportements similaires ou sont-elles hétérogènes et composées de ludants appartenant à différentes catégories ? En croisant les données individuelles sur les classes avec l’appartenance à une équipe (tableau 8), on constate une répartition contrastée. Des équipes sont composées d’individus qui appartiennent à une même catégorie (26 équipes sur 81, soit 32%). D’autres équipes (45 sur 81, soit 55%) comprennent des individus appartenant à deux catégories, et enfin des équipes sont très hétérogènes (10 équipes sur 81). Parmi les équipes homogènes, on constate (tableau 9.1) que la catégorie des « gaveurs » (classe 4) est particulièrement représentée (14 équipes sur les 60 joueurs de la classe) et dans une moindre mesure, les classes des individus « bavards » et des individus « efficients » (respectivement classe 1 et classe 3). Les équipes mixtes (tableau 9.2) les plus nombreuses associent des individus « bavards » et des individus « gaveurs » (20 équipes sur les 45 mixtes). Cela indique que, malgré des échanges parfois nourris, certains joueurs ont un comportement très individuel au sein des équipes. Les autres équipes mixtes sont les « bavards »/ « prudents » (7 sur 45), les « gaveurs »/ « efficients » et les « gaveurs »/ « prudents » (respectivement 4 et 5 sur 45). Il faudrait analyser plus finement pour ces groupes les détails des actions afin de voir si les comportements individuels sont liés à ceux du groupe ou s’il n’y a pas de relation directe. Les équipes sont créées de manière aléatoire et automatique lors de la connexion à la session de jeu (i.e. même si deux étudiants s’étaient donné rendez-vous pour jouer, ils n’étaient pas certains d’être dans la même équipe).


Nombre d'équipes

Une seule classe

26

Deux classes

45

Trois classes

9

Quatre classes

1

Total

81

Tableau 8 • Répartition des joueurs appartenant à une même équipe au sein des classes identifiées

 

Nombre d’équipes à 1 classe

 

Nombre d’équipes à 2 classes

Classe 1

4

 

Classe 2

Classe 3

Classe 4

Classe 5

Classe 2

1

Classe 1

7

5

20

1

Classe 3

5

Classe 2

 

1

5

0

Classe 4

14

Classe 3

 

 

4

2

Classe 5

1

Classe 4

 

 

 

0

Tableaux 9.1 & 9.2 • Répartition des effectifs pour les équipes homogènes et hybrides

5. Discussion

Nous discutons ci-dessous les résultats obtenus lors de notre étude au regard du modèle de jeu que nous proposons.

5.1. Un même jeu pour une diversité de jeux

Un des intérêts de notre recherche nous semble résider dans l’obtention de résultats qui tendent à montrer que l’introduction d’un même jeu-game se traduit par des jeux-play très différents selon les étudiants à qui le jeu a pu être proposé. Cet engagement dans le jeu se manifeste par des stratégies très différentes du point de vue interindividuel qui se traduisent par la mise en évidence de différentes classes de joueurs déterminées via les méthodes d’analyse en composantes principales (ACP) et de classification automatique hiérarchique (CAH). Ces méthodes nous permettent d’établir une typologie des comportements des ludants et de pouvoir identifier les individus typiques à partir des données agrégées obtenues à partir des données séquentielles. Ainsi, nous avons pu mettre en évidence que les jeux que jouent les étudiants peuvent être de natures très différentes. Cela se traduit pour certains, par un refus de jouer. Ce refus concerne un nombre peu élevé d’étudiants et il est probable que ce refus est très dépendant de la nature du jeu qui est joué, d’éléments de contexte (comme la manière dont le jeu est introduit) ainsi que des étudiants eux-mêmes. Pour d’autres, un jeu individuel se met en place. Ce jeu individuel se traduit par des stratégies différentes selon les ludants sans qu’il soit possible d’établir, à partir de nos résultats, si cela résulte de différences interindividuelles (des individus seraient plus ou moins enclins à accepter de jouer pour apprendre), du type de jeu proposé, ou d’un effet groupe (le jeu d’un individu dépend du jeu de ses coéquipiers). Pour d’autres étudiants, le degré d’engagement, évalué par la strate de jeu qui est jouée, paraît plus important puisque le jeu qu’ils jouent consiste à échanger sur le jeu et sur les connaissances à mobiliser pour jouer. Ce faisant, les ludants concernés montrent une maîtrise du jeu qui concerne le jeu lui-même (les règles du jeu) ainsi que les connaissances à mobiliser pour gagner.

5.2. Deux strates de jeu

Ces résultats nous conduisent également à vérifier la force heuristique d’un modèle qui consiste à distinguer jeu-game et jeu-play et ainsi de lever les ambiguïtés que la langue française introduit lorsqu’il est question d’analyser des situations de jeu. En effet, distinguer clairement un jeu-game conçu comme une proposition d’un jeu-play qui n’est effectif que si l’apprenant accepte de jouer conduit à déplacer le focus des analyses du dispositif utilisé pour jouer vers les interactions qui se mettent en place. En d’autres mots, il permet de distinguer la structure de jeu, l’artefact (game) du jeu (play) consubstantiel à son joueur. C’est ce que Henriot (Henriot, 1969) relevait en écrivant que « le jeu n’est pas dans la chose mais dans l’usage qu’on en fait ».

Une très large majorité des étudiants (94%) qui ont participé à notre recherche s’est engagée dans un jeu-play 1 qui se caractérise par des tentatives pour nourrir le tamagotchi et pour franchir les différents niveaux. Les résultats obtenus à partir des calculs sur les données agrégées nous ont permis de mettre en évidence différentes catégories de joueurs. Ainsi, ce jeu-play 1 recouvre différentes stratégies qui ne sont pas d’un intérêt équivalent du point de vue de l’apprentissage comme nous le discutons plus loin.

Nos analyses montrent également qu’un second type de jeu s’est mis en place pour une majorité des groupes étudiés (pour 59% des groupes, des chats traduisent des situations de validation et formulation). Ce jeu-play 2 se traduit par la formulation des règles à employer pour choisir les ressources et à des discussions qui conduisent à en établir la validité. Il traduit un degré d’engagement dans le jeu qui nous semble plus important dans la mesure où cet engagement ne concerne pas uniquement des actions individuelles mais concerne de surcroît des interactions entre joueurs, qui, collectivement, tentent de franchir les différents niveaux.

Ainsi, ces résultats tendent également à montrer la pertinence d’un modèle du jeu qui distingue deux strates de jeu et, ce faisant, permet d’apprécier les niveaux d’engagement des joueurs.

5.3. Jeu et apprentissage

Ce travail de modélisation du comportement des joueurs permet de faire un certain nombre d’hypothèses sur les apprentissages des différentes catégories d’individus. Si on considère le jeu-play 1, il est peu probable que des étudiants qui appartiennent à la catégorie « gaveurs » aient beaucoup appris. En effet, du fait que la stratégie qu’ils mettent en œuvre ne s’appuie pas sur la consultation des métadonnées des ressources, il est peu probable qu’ils aient pu faire le lien entre les métadonnées d’une ressource et son caractère licite au regard des règles juridiques qui encadrent son usage. De ce point de vue, si des apprentissages peuvent être détectés, ils concernent probablement la découverte d’un auteur ancien tombé dans le domaine public ou d’un mode de diffusion des ressources peu contraignant (p. ex. « présentation orale » ou « sujet d’examen »). Pour les individus appartenant aux autres catégories, on peut souligner que des modèles implicites d’action qui mobilisent les connaissances visées se sont mis en place. Un joueur qui réussit peut alors être considéré comme ayant appris quelque chose puisqu’il mobilise, de manière implicite, des connaissances qui sont à la fois des outils nécessaires pour relever les défis du jeu mais également des objectifs d’apprentissage que les concepteurs ont définis. Mais il faut aussi relever l’importance du jeu-play 2 pour l’apprentissage car c’est la mise en place d’une telle situation, pour environ 60% des joueurs, qui permet la formulation et la validation des modèles implicites d’action. Cette formulation se traduit par un début de changement de statut des connaissances mobilisées qui, d’instruments élaborés pour avancer dans le jeu, prennent le statut de savoirs partagés au sein d’une équipe de joueurs.

5.4. Un modèle du jeu en contexte éducatif ?

Il faut ici souligner comment la théorie des situations didactiques, d’abord formalisée par Brousseau à partir de la théorie des jeux pour analyser des situations d’apprentissage des mathématiques, est, dans le cadre de notre étude, mobilisée pour analyser des situations qui relèvent du cadre qui lui a donné naissance : le jeu. Une telle théorie pourrait être, et elle l’a été, employée pour formaliser des situations d’apprentissage qui ne relèvent pas du jeu. Néanmoins, le modèle qu’elle nous permet de formaliser nous paraît particulièrement pertinent pour conduire des analyses sur des situations de jeu conduites dans un contexte éducatif. En effet, l’analyse menée sur les traces numériques d’interaction produites lors de l’usage de Tamagocours met en évidence la valeur heuristique de différents éléments de ce modèle : distinction d’un jeu-game vs jeu-play permettant de considérer le jeu comme consubstantiel à son joueur, distinction de différentes strates de jeu qui signent différents niveaux d’engagement et modalités de mobilisation des connaissances selon ces différents niveaux (modèle implicite d’action ou formalisation de ces connaissances).

Ce modèle nous semble également validé par notre étude en tant que modèle de conception de jeu. En effet, en termes d’apprentissage, les résultats obtenus avec cette première version du jeu sont encourageants et ils confirment l’importance de la nature intrinsèque du jeu développé (Habgood, 2007) : les connaissances utilisées pour jouer sont également les objectifs pédagogiques identifiés par les concepteurs. Ils confirment également la pertinence d’offrir au joueur la liberté de développer des stratégies différentes dont il peut apprécier la pertinence au travers des feedbacks qu’il reçoit (situation d’action du jeu-play 1). Un autre élément de ce modèle nous semble particulièrement important à prendre en compte. Il s’agit de la question de l’explicitation des connaissances mobilisées dans le jeu (situations de formulation et de validation du jeu-play 2). Cet aspect a été ici pris en compte en développant un tamagotchi (play 1) multijoueur (play 2). Par ailleurs, ce modèle permet, en intégrant l’enseignant, de prendre en compte le contexte dans lequel le jeu est joué. De ce point de vue, des travaux sur la manière d’introduire le jeu et sur la sortie du jeu (débriefing) seraient bienvenus. Nous pensons ainsi que ce modèle pourrait être mobilisé pour conduire des travaux de conception/analyse de jeux pour d’autres domaines d’apprentissage que celui qui a fait l’objet de cette étude.

5.5. Limites des analyses conduites

La principale difficulté à laquelle nous avons été confrontés lors de la réalisation de ce travail est liée au fait que deux échelles d’analyse doivent être articulées : celle de l’individu et celle de l’équipe. On peut en effet suspecter un “effet groupe”, c’est-à-dire que la stratégie d’un joueur peut, en particulier, être influencée par ce qu’écrivent ses coéquipiers dans la zone de clavardage. Cette difficulté peut être partiellement levée en évaluant l’hétérogénéité d’une équipe du point de vue des catégories de joueurs qui la constituent. Les analyses que nous conduirons sur une nouvelle version du jeu utilisée en avril 2015 prendront cette question en considération. Il s’agira, en particulier, d’identifier si la formulation de règles, leur discussion dans la zone de clavardage, peut être corrélée avec un changement de stratégie d’un joueur de la même équipe qui serait « muet » par ailleurs.

Un autre écueil que nous rencontrons est l’absence d’informations sur d’autres échanges qui a priori auraient pu avoir lieu en présentiel. En effet, un commentaire posté par des étudiants sur le forum dédié à Tamagocours a pu mettre en évidence que, pour un groupe, deux étudiants ont pu se donner rendez-vous pour pouvoir jouer en présentiel. Dans un tel cas, il est possible qu’un jeu-play 2 se soit mis en place, mais qu’il n’ait pas été tracé.

Une limite à nos analyses réside dans le fait que l’absence de clavardage pour certaines équipes (22 équipes, soit 27%) pourrait être liée à des problèmes d’ergonomie. En effet, avec certaines configurations d’écrans, cette zone de l’interface n’est visible que si le joueur utilise les ascenseurs de la page.

Par ailleurs, nos analyses ne prennent pas en compte une probable évolution des stratégies mises en œuvre au cours du temps. De ce point de vue, les analyses qui seront conduites sur la nouvelle version du jeu seront affinées en distinguant les stratégies mises en œuvre pour les différents niveaux joués par une même équipe.

Ces limites étant identifiées, il faut néanmoins relever que les résultats que nous avons obtenus sont très significatifs dans la mesure où ils permettent de distinguer très nettement les différentes catégories de joueurs. Ces résultats tendent à confirmer la robustesse de notre modèle sur lequel sont fondées la conception et l’analyse du jeu en lien avec l’usage d’indicateurs dont le niveau sémantique élevé permet de caractériser assez finement les classes de joueurs. Le nombre d’indicateurs étant toutefois limité, des travaux sont encore nécessaires pour affiner notre modèle de traces. Il paraît aujourd’hui nécessaire d’affiner les indicateurs pour caractériser plus finement les stratégies. Par exemple le pattern Choix pourrait donner lieu à l’identification de différents sous-patterns liés à l’homogénéité ou à la variété des modes de diffusion.

5.6. Perspectives

Outre les révisions de la méthodologie d’analyse que nous avons mises en relation avec les limites de notre approche, ce premier travail ouvre des perspectives intéressantes et fournit des informations précieuses du point de vue de la ré-ingénierie du jeu. En particulier, il nous amène à nous interroger sur les révisions du gameplay et de l’interface. Par exemple, il apparaît aujourd’hui nécessaire de valoriser les actions des joueurs qui conduisent à un rejet des ressources, car lorsqu’un joueur rejette une ressource cela peut signifier qu’il a identifié qu’une règle juridique s’opposait à son usage. Cela pourrait être réalisé simplement en introduisant une poubelle dans l’interface. L’accès à la zone de clavardage est quant à lui un enjeu ergonomique important qui a été réglé pour la prochaine session de jeu.

Du point de vue de la poursuite des recherches, des travaux sont à envisager sur la question du contexte favorisant l’émergence du jeu. En effet, des résultats montrent que les étudiants ayant participé aux expérimentations conduites en présentiel et introduites par les chercheurs utilisent le clavardage de manière significativement plus importante et appartiennent majoritairement à la classe des « experts ». Ce résultat qui souligne l’importance du contexte pour que se mette en place un jeu constitue un élément supplémentaire qui nous conforte dans notre approche : considérer le jeu-play, le jeu qui se joue plutôt que le jeu-game, le jeu donné à jouer.

6. Remerciements

Le projet Tamagocours a été financé par l’ENS Lyon et l’UNR-RA (Université Numérique en Rhône-Alpes). Nous tenons à remercier toute l’équipe de conception et nos assistants de recherche Florence Usclade et Samy Foudil.

7. Références

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A propos des auteurs :

Eric Sanchez est Maître de conférences HDR en sciences de l'éducation. Il est responsable de l'équipe EducTice à l'Institut français de l'éducation (ENS de Lyon) et professeur associé à l'université de Sherbrooke, Qc. Il conduit des travaux sur l'usage des jeux numériques pour l'éducation et la formation et coordonne le projet ANR JEN.lab (Apprentissage avec les Jeux épistémiques numériques).

Adresse : Institut français de l’éducation, ENS Lyon, 15 parvis René Descartes, BP 7000, Lyon Cedex 07

Courriel : eric.sanchez@ens-lyon.fr

Toile : http://eductice.ens-lyon.fr/EducTice/equipe/membres/permanents/eric-sanchez

Valérie Emin-Martinez est docteure en informatique. Elle a soutenu une thèse en 2010 à l’université Joseph Fourier de Grenoble sur le thème de la modélisation de scénarios pédagogiques dirigée par les intentions. Membre de l’EA S2HEP (Lyon1, ENS Lyon), elle est actuellement associée à l'équipe EducTice de l’Institut Français de l’Éducation. Ses recherches portent sur la modélisation de scénarios pédagogiques pour l’enseignement secondaire en Sciences et sur la conception de jeux numériques pour l’apprentissage.

Courriel : valerie.emin@ens-lyon.fr

Toile : http://eductice.ens-lyon.fr/EducTice/equipe/membres/permanents/valerie-emin

Nadine Mandran est ingénieur en production et analyse des données. Elle travaille au Laboratoire d’Informatique de Grenoble (LIG).  Elle est responsable du pôle expérimental en Sciences Humaines et Sociales. Son activité se concentre sur l’élaboration de méthodologies  expérimentales pour la collecte et l’analyse des données dans le cadre de recherches en informatique « centrée humain».

Toile : https://www.liglab.fr/util/annuaire?prenom=Nadine&nom=Mandran

 

 
Référence de l'article :
Eric SANCHEZ, Valérie EMIN-MARTINEZ, Nadine MANDRAN, Jeu-game, jeu-play, vers une modélisation du jeu. Une étude empirique à partir des traces numériques d’interaction du jeu Tamagocours, Revue STICEF, Volume 22, 2015, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 25/11/2015, http://sticef.org
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Mise à jour du 4/12/16