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Une approche sociocritique des usages numériques en
éducation
Simon COLLIN (CRIFPE, Université du Québec à
Montréal), Nicolas GUICHON (ICAR, Université Lumière Lyon
2), Jean Gabin NTÉBUTSÉ (CERTA, Université de
Sherbrooke)
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RÉSUMÉ : Cet
article a pour objectif de contribuer à formaliser une approche
sociocritique du numérique en éducation. Telle que nous la
concevons, cette approche consiste à étudier les relations entre
le profil et le contexte socioculturel des élèves et leur
disposition à s'éduquer et se former avec le numérique.
Elle se situe au croisement, d’une part, de la sociologie des usages, qui
a peu développé les dimensions éducatives du
numérique, et d’autre part, des sciences de
l’éducation, qui ont faiblement mis en lien les usages
numériques proposés aux élèves en salle de classe
avec ceux développés en contexte extrascolaire. Elle
s’inscrit dans la thématique des usages numériques
éducatifs, telle que circonscrite par (Baron, 2014), et se veut
complémentaire aux approches didactique et psychopédagogique
majoritairement utilisées. Nous commençons par expliciter les
fondements de cette approche. Nous présentons ensuite un aperçu de
trois de ses thématiques saillantes, avant d’aborder ses
implications méthodologiques et sa complémentarité avec les
approches didactique et psychopédagogique, ainsi que les principaux
défis qu'elle doit relever.
MOTS-CLES : Approche
sociocritique, rapport éducatif au numérique, contexte
extrascolaire. |
A Social-Critical Approach to Digital Technology in Education |
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ABSTRACT : This
article aims to contribute to formalize a sociocritical approach of digital
technology in education. Such a sociocritical approach focuses on the
relationships between students’ sociocultural profiles and contexts, and
their disposition to learn with digital technology. This approach lies at the
crossroads of sociology of use, on the one hand, which has granted little
attention to educational uses of digital technology, and, on the other hand,
education sciences, which have mainly considered educational uses of digital
technology within the school context. It is part of the theme of educational
uses of digital technology (Baron, 2014) and it is complementary to didactic and
psychopedagogical approaches of digital technology, which are more commonly
used. We first explain the foundation of this approach of digital technology in
education. We then present an overview of three main research interests of this
approach, before discussing its methodological implications, its complementarity
with educational technology approaches and the challenges that are raised.
KEYWORDS : Sociocritical
approach, educational relationship to digital technology, out-of-school
context. |
1. Introduction
Ce texte propose une
réflexion sur le domaine du numérique en éducation (aussi
communément appelé « technologies de l’information
et de la communication [TIC] en éducation ») en contribuant
à formaliser une approche récente et montante dans le monde
anglophone – que nous appelons une approche sociocritique, en empruntant
le terme à (Guichon, 2011).
Elle s’inscrit en réaction à certaines limites auxquelles
est confronté le domaine du numérique en éducation.
Engeström souligne la contradiction à laquelle font face les
chercheurs en éducation : bien que la plupart d’entre eux
reconnaissent que l’utilité et la validité écologique
des recherches menées par le biais d’études
décontextualisées aux variables contrôlées sont
épistémologiquement questionnables, ils demeurent cependant
victimes de pressions fortes d’ordres administratif, financier et
scientifique, qui les incitent à se conformer à des principes et
des approches méthodologiques issus du paradigme positiviste (Engeström, 2008) .
Le domaine du numérique en éducation n’est pas exempt de ce
biais en cela que les chercheurs qui y œuvrent continuent
d’être sommés de prouver le bénéfice,
l’intérêt et la valeur ajoutée des technologies
à la fois pour légitimer des investissements financiers massifs ou
pour justifier des attentes par rapport à une
régénération de l’apprentissage scolaire par le biais
du numérique (Eynon, 2012). Ce
faisant, les recherches tendent à se focaliser sur l'impact des
technologies sur les apprentissages, ce qui est assurément
légitime mais non suffisant pour couvrir les différents enjeux du
domaine du numérique en éducation. Comme le dit (Selwyn, 2010) :
« It is contended that more research is required that moves away
from a ‘means-end’ way of thinking about how best to harness the
presumed inherent educational potential of digital technology and, instead,
focuses on the socially contested and socially shaped nature of
technology », (p. 66).
Ce texte s'inscrit dans la même perspective et souhaite faire
écho à celui publié en 2014 par Baron, lequel
présente une synthèse pertinente de l’évolution du
domaine scientifique du numérique en éducation dans l’espace
francophone. Dans cet article, Baron souligne l’aspect pluridisciplinaire
de ce domaine et identifie ses thématiques d’étude
principales, notamment celle portant sur les « études
d’usages éducatifs ». Le présent article porte sur
cette dernière dimension, qui a traditionnellement été
traitée par les approches didactique et psychopédagogique, et pour
laquelle les apports de la sociologie sont mentionnés — voir Figure
1, p. 4 de (Baron, 2014) —, mais demeurent peu discutés. L’approche sociocritique du
numérique en éducation que nous souhaitons formaliser dans cet
article consiste, d’une part, à étudier les relations entre
le profil et le contexte socioculturels des élèves et le
développement d’usages numériques éducatifs, et
d’autre part, à analyser les implications et les incidences sur les
apprentissages, notamment scolaires, des élèves. Elle se situe au
croisement de la sociologie des usages, qui a relativement peu
développé les dimensions éducatives du numérique, et
des sciences de l’éducation, qui ont faiblement mis en lien les
usages numériques proposés aux élèves en salle de
classe avec ceux développés en contexte extrascolaire. Dans la
suite de ce texte, nous commençons par expliciter les fondements de cette
approche. Nous esquissons ensuite les contours de son champ d'étude au
moyen de trois questions vives qui lui sont liées, avant d’aborder
ses implications méthodologiques et sa complémentarité avec
les approches didactique et psychopédagogique, ainsi que les principaux
défis auxquels les chercheurs sont confrontés.
2. Fondements de l’approche sociocritique du numérique en
éducation
Pour présenter les fondements de
l’approche sociocritique telle que nous la concevons, nous proposons dans
un premier temps d'aborder ses principales prémisses. Nous discutons
ensuite des usages numériques éducatifs, qui constituent une
entrée d'analyse privilégiée de cette approche. Nous
terminons en évoquant la posture critique qui lui est constitutive et qui
la différencie des postures déterministe et instrumentaliste. Ces
fondements contribuent ainsi à dresser un premier portrait d’une
approche sociocritique du numérique en éducation, que nous
approfondissons dans les sections ultérieures
2.1. Quelques prémisses de départ
L’approche sociocritique que nous formalisons dans cet article repose
sur la prémisse principale que les élèves
développent un rapport premier au numérique en contexte
extrascolaire étant donné l’omniprésence des outils
numériques dans les environnements familiaux et sociaux des pays
développés (Fluckiger, 2008).
Il est maintenant bien établi que les élèves
n’arrivent pas en salle de classe démunis de toutes
représentations et pratiques vis-à-vis de l’école, de
l’apprentissage, du fonctionnement de la classe, des disciplines
scolaires, etc. Par exemple, de nombreux travaux — à commencer
par ceux de (Penloup, 1999) —
montrent que les élèves disposent d’un rapport initial
à l’écriture avant que cette dernière ne fasse
l’objet d’apprentissages en contexte scolaire. Ainsi, (Barré-de-Miniac, 2000) définit le rapport à l’écriture comme
l’ensemble « des conceptions, des opinions, des attitudes, de
plus ou moins grande distance, de plus ou moins grande implication, mais aussi
des valeurs et des sentiments attachés à l’écriture,
à son apprentissage et à ses usages » (p. 13). Le
« rapport à » est forgé par chaque
élève sur la base de ses expériences singulières (p.
ex. essais, échecs, succès, intérêt personnel) et
collectives (appartenance à des groupes sociaux et culturels
variés) dans un entrelacement complexe : « les
groupes sociaux et culturels dans lesquels est inséré le sujet
développent des usages de l’écrit et des valeurs
associées à ces usages qui contribuent à la formation du
rapport à l’écriture de chacun des individus, et
interagissent avec les variables envisagées [...] sous l’angle de
la singularité » (Barré-de-Miniac, 2000, p. 14). Au
même titre que le rapport à l’écriture, nous posons
que les élèves ont des représentations, des accès,
des usages et des compétences numériques préalables puis
concomitants à l’utilisation du numérique en salle de
classe.
Ce rapport au numérique, construit en contexte extrascolaire, nous
conduit à examiner deux autres prémisses. Premièrement, le
contexte extrascolaire reste, tout au long de la scolarité des
élèves, le principal contexte dans lequel ils construisent leur
rapport au numérique. À ce titre, plusieurs études
démontrent que l’accès et les usages numériques des
élèves ont lieu beaucoup plus fréquemment en dehors de
l’école qu’à l’école (Buckingham, 2007), (Eynon, 2008), (Alluin, 2010), (OCDE, 2010),
cette dernière peinant à intégrer le numérique (Cuban, 1986), (Leask, 2011), (Maddux et Johnson, 2012), (OCDE, 2011), (Underwood et Dillon, 2011).
L’écart notable entre les contextes extrascolaire et scolaire
amène certains auteurs à parler d’une nouvelle fracture
numérique (« new digital divide », Buckingham,
2007, p. 112). Le contexte extrascolaire est donc doublement constitutif de la
construction du rapport des élèves au numérique
puisque : 1) une grande majorité des élèves
commencent à développer leur rapport au numérique
préalablement à l’école, bien qu’à des
degrés variables, avec les outils accessibles dans leur environnement
familial et social ; 2) le contexte extrascolaire reste, pour la suite
de leur cheminement scolaire, le principal contexte d’accès et
d’usages numériques des élèves. Dans cette
perspective, nous avançons que le contexte scolaire, étant
donné son intégration limitée du numérique à
l’heure actuelle, est secondaire dans la construction du rapport des
élèves au numérique, ce qui nécessite de prendre en
compte finement comment les usages numériques éducatifs se
construisent hors de l’institution scolaire. Les résultats de
l’étude rapportée par (De Haan, 2004) vont dans ce sens. Trois hypothèses concurrentes ont été
testées pour expliquer les variations de compétences
numériques entre élèves : l’instruction
hypothesis, qui postule que les variations de compétences
numériques sont dues aux différences d’équipement
informatique des écoles et à la qualité de
l’enseignement des compétences numériques ; la selection hypothesis, qui stipule que les variations de
compétences numériques proviennent des compétences
intellectuelles générales des élèves ; la social background hypothesis, qui pose que les compétences
numériques varient essentiellement en fonction du profil et du contexte
socioculturel des élèves. Les résultats de
l’étude indiquent que seule la variable de l’origine sociale
permet d’expliquer de manière significative les variations de
compétences numériques entre élèves, ce qui invite
à penser que le contexte extrascolaire, notamment le contexte familial,
joue un rôle de premier plan dans le développement d'un rapport
éducatif au numérique chez les élèves.
La troisième et dernière prémisse suppose que le rapport
premier au numérique, construit en contexte extrascolaire, peut avoir des
incidences sur les apprentissages scolaires des élèves et sur la
suite de leur parcours socioprofessionnel. Bien que cette relation de cause
à effet reste à préciser, plusieurs études ont
déjà établi des liens entre les usages numériques
variables des élèves et leurs capacités à en tirer
profit à des fins notamment éducatives, voir par exemple (Hargittai, 2010), (Livingstone et Helsper, 2007).
Une étude de l’OCDE (2010) sur les données du Program for
International Student Assessment (PISA) 2006 conclut d’ailleurs que
les performances scolaires des élèves observés sont
corrélées plus fortement à leurs usages numériques
en contexte extrascolaire qu’à leurs usages en contexte scolaire.
Il est donc possible de penser que le rapport que les élèves ont
développé vis-à-vis du numérique en contexte
extrascolaire est plus ou moins riche en potentiel pour l’apprentissage et
qu’il influe sur leur disposition à s'éduquer et se former
avec le numérique, notamment lorsqu’il s’agit
d’apprentissages scolaires.
Pour résumer, l’approche sociocritique du numérique en
éducation, telle que nous la concevons, est fondée sur trois
prémisses principales, que nous reformulons ici : 1) les
élèves disposent d’un rapport au numérique,
élaboré à la fois par leurs expériences
individuelles et leurs appartenances à des groupes
socioculturels ; 2) ce rapport au numérique se développe
principalement en contexte extrascolaire, à la fois avant leur
scolarisation et durant leur scolarité ; 3) le rapport qu'ils
construisent au numérique est susceptible d’influencer leur
disposition à s'éduquer et se former avec le numérique,
notamment en contexte scolaire. Parce qu’elle concerne
l’éducation, cette approche s’intéresse tout
particulièrement au rapport éducatif que les élèves
développent, à des degrés variables, envers le
numérique, c'est-à-dire, à leur capacité à
tirer profit du numérique pour s'éduquer et se former. Sur la base
de ces prémisses, les tenants d’une approche sociocritique
postulent que le rapport éducatif des élèves au
numérique ne peut être pleinement compris qu’à la
condition de prendre en compte leur contexte et leur profil socioculturels. (Selwyn, 2010) est explicite sur ce point en affirmant que « whilst perhaps not
immediately apparent to the observer of a classroom setting, it would be
foolhardy to attempt to explain any aspect of education and digital technology
in the 21st century without some recourse to these wider influences [the social
‘milieu’ of technology use] » (p. 67-68). Cette
insistance à prendre en compte le milieu socioculturel n’est
d’ailleurs pas spécifique à l'éducation, comme le
rappelle (Feenberg, 2014) : « depuis
une vingtaine d’années, les recherches historiques et sociologiques
critiques consacrées à la technique ont montré toute
l’importance de son ancrage socioculturel » (p. 191). En ce
sens, bien qu'elle se base sur des écrits principalement issus du domaine
de l'éducation, les travaux antérieurs sur la technique doivent
également être pris en compte pour enrichir une approche
sociocritique. Terminons en précisant que le présent article se
concentre sur la population des élèves, laquelle a
été de loin la plus étudiée par cette approche. Il
est toutefois important de reconnaitre que le rapport éducatif des
acteurs scolaires (à commencer par les enseignants et les parents
d’élèves) en fait partie intégrante, bien qu’il
demeure peu étudié.
2.2. Les usages numériques éducatifs comme point
d'entrée de l'approche sociocritique
L'étude des usages numériques éducatifs constitue un
point d'entrée de premier choix dans l’optique d’une approche
sociocritique. Les travaux sur la cognition distribuée (Hutchins, 1995), (Hutchins, 2000) offrent un arrière-plan théorique pertinent pour aborder la
dimension éducative que peuvent revêtir les usages
numériques des élèves, tant dans leur quotidien scolaire
qu'extrascolaire. En relevant la part de l'environnement humain
(« versant social ») et de l'environnement matériel
(« versant écologique ») dans le fonctionnement
cognitif des individus (Conein, 2004, p. 57), la cognition distribuée
permet d'envisager le numérique comme un ensemble d'artefacts cognitifs (Norman, 1998),
c'est-à-dire :
« comme partenaires dans l’activité cognitive de celui
ou celle qui l’utilise. Ils peuvent ainsi être
considérés comme des ressources permettant d’alléger les
tâches cognitives d’attention, de raisonnement, de
mémorisation, de planification, etc., chez l’usager dans la mesure
où ils prennent en charge une partie de l’activité cognitive
humaine ». (Millerand, 2002, p. 194).
Bien que la théorie de la cognition distribuée n'ait pas
été élaborée spécifiquement pour les
situations d'apprentissage avec le numérique, plusieurs auteurs ont
déjà opéré des prolongements en lien avec
l'apprentissage collaboratif à distance, p. ex. (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001) et les environnements personnels d'apprentissage (Charlier, 2014).
Appliqué aux usages numériques des élèves, le
numérique peut être entendu comme un ensemble d'artefacts cognitifs
susceptibles, à des degrés divers, de soutenir les apprentissages
des élèves, en même temps que de modifier leur
manière d'apprendre.
Parce qu'ils peuvent utilement s’appliquer à
l’apprentissage au-delà des murs de la salle de classe, la
cognition distribuée et le concept d'artefact cognitif permettent
d'étudier les usages numériques éducatifs dans une
pluralité de formes allant du formel à l'informel et dans une
pluralité de contextes. Il existe plusieurs typologies sur les types
d'apprentissage formel-informel (Brougère et Bezille, 2007).
La majorité d'entre elles, par exemple (Coombs et Amhed, 1974), (Livingstone, 2001), (Mocker et Spear, 1982),
caractérisent les types d'apprentissage à partir des situations
dans lesquelles ils ont émergé. À titre d'exemple, le
contexte institutionnel est majoritairement envisagé en lien avec
l'apprentissage formel alors que le contexte extrascolaire serait davantage
porteur d'apprentissage informel ou autre. Cette distinction des usages
numériques éducatifs en fonction des contextes connaît
toutefois des limites, comme le démontrent (Furlong et Davies, 2012) et (Fluckiger, 2011),
en relevant que le contexte extrascolaire peut comporter des types
d’apprentissage formel, par exemple lorsque les élèves
utilisent le numérique à domicile pour compléter un travail
scolaire. Aussi, plutôt que de « forcer » une
catégorisation des usages numériques éducatifs en fonction
des contextes, il nous semble plus adéquat de reconnaître que le
numérique offre aux jeunes des possibilités d’apprentissage
qui brouillent les frontières entre les apprentissages formels-informels (UNESCO, 2011) et
qui tendent à faire tomber les lisières institutionnelles
classiques entre la maison, l'école et les loisirs (Furlong et Davis, 2012), (Lai et al., 2013).
Dans cette perspective, les usages numériques éducatifs gagnent
donc à être appréhendés dans le cadre de parcours
d'usages numériques éducatifs allant du formel à
l'informel, en saisissant leur dynamique dans le temps et dans l'espace et en
considérant les enchâssements entre les réalités en
ligne et hors-ligne des élèves (Collin, 2014), (Guichon, 2015).
2.3. Une posture critique
L’approche sociocritique que nous adoptons, parce qu’elle adresse
de front les dimensions socioculturelles qui contribuent à
façonner le rapport des élèves au numérique,
implique nécessairement une posture critique vis-à-vis de la
technique. Puisque les perspectives critiques de la technique sont
variées (George, 2014),
il importe de situer celle que nous adoptons, de préciser qu’elle
s'inscrit dans la lignée des travaux de l’école de Francfort
et résonne avec ceux de Feenberg, en postulant que « all
knowledge, even the most scientific or "commonsensical," is historical and
broadly political in nature » (Friesen, 2008).
Le projet de Feenberg (Feenberg, 2004), (Feenberg, 2005), (Feenberg, 2014) consiste à réinscrire la part de l'homme et de son
expérience dans la technique. Pour ce faire, il appréhende cette
dernière non plus selon le seul principe de rationalité technique
relevant essentiellement d'acteurs dominants (les « technocrates »),
mais comme la conséquence de valeurs et de choix sociaux, politiques et
économiques auxquels les sociétés devraient pouvoir
participer, notamment pour assurer leur bien-être. Ce faisant, la
technique devient un « terrain de lutte entre des types
d’acteurs entretenant des relations différentes à la
technique et au sens » (Feenberg, 2004, p. 17). Ceci est bien
illustré par cet auteur lorsqu’il prend l'exemple d'Internet, qui
est à la fois objet de contrôle de certains groupes
d'intérêt et creuset d'initiatives et de résistance pour
d'autres (Feenberg, 2014).
De manière globale, la perspective critique que nous adoptons a pour
finalité de mettre au jour les rapports de force, les jeux de pouvoir et
les intérêts multiples et contradictoires, qu’ils soient de
nature politique, économique, sociale ou autre, qui façonnent
l’objet d’étude et les savoirs qui lui sont relatifs (Bayne, 2014), (Buckingham, 2007), (Friesen, 2008), (Friesen, 2013), (Warschauer, 1998).
Cela ne conduit pas nécessairement à dénoncer les
intérêts de certains aux dépens d’autres, mais
à partir de cet état de fait pour élaborer des savoirs
complémentaires ou alternatifs, qui tiennent compte des enjeux à
l’œuvre, et qui, ultimement, visent à contribuer à
davantage de justice sociale. Ainsi, pour (Feenberg, 2005),
la tendance technocratique qui domine actuellement la technique entraîne
certains bénéfices et en écarte d'autres qui pourraient
pourtant occasionner des retombées durables et positives sur le plan
social.
La posture critique ainsi envisagée se démarque de deux autres
postures : la posture déterministe, aussi appelée
« essentialiste » par (Hamilton et Friesen, 2013) et la posture instrumentaliste, telle qu'identifiée par (Warschauer, 1998).
La première part du principe que le numérique dispose de
propriétés éducatives inhérentes qui sont à
même de soutenir l’enseignement et l’apprentissage, ce qui a
pour conséquence néfaste de surestimer le rôle du
numérique et de sous-estimer le rôle des acteurs et des contextes
d’enseignement et d’apprentissage (Collin et Karsenti, 2012a).
À l’opposé, la posture instrumentaliste envisage le
numérique comme un ensemble d’outils prêts à
être utilisés pour servir les fins des utilisateurs selon une
perspective où les technologies sont perçues comme neutres et ne
comportant pas de valeurs propres (Feenberg, 1991, p. 5). Cette deuxième
posture pêche par l’excès inverse de la posture
déterministe, en sous-estimant les influences différenciées
des outils numériques spécifiques sur les individus et les groupes
dans leurs pratiques sociales et culturelles (Millerand, 2003).
Appliquée au numérique en éducation, la posture
instrumentaliste ne parvient pas à rendre compte de la manière
dont le numérique affecte le rapport éducatif des
élèves au numérique (Warschauer, 1998).
Dans un cas comme dans l’autre, ces deux postures tendent à
décontextualiser le rapport éducatif au numérique, comme si
ce dernier se développait de façon autonome, indépendamment
de la singularité, du profil et du contexte socioculturels propres
à chaque élève. Nous rejoignons alors (Bayne, 2014) pour
dire que :
« such over-simplification does the field no favours, either as
a domain of research or as a domain of practice. Casting the technological and
the social as isolated from each other in the context of digital (and
post-digital) education merely robs the field of its complexity and richness,
reducing our capacity to understand it as a domain of genuine social
significance » (p. 5-6).
Par ailleurs, la posture critique présente aussi
l'intérêt de mettre au jour les idéologies qui
opèrent dans le domaine du numérique en éducation, tant
chez les administrateurs politiques, que les praticiens et les chercheurs.
Friesen définit une idéologie comme « a set of ideas
or a kind of knowledge that is used to justify actions of social and political
consequence and that is considered so obviously commonsensical or natural that
it is placed beyond criticism » (Friesen, 2008).
Avec cette définition en tête, il est possible de constater qu'une
partie des développements numériques en éducation est
accompagnée de discours idéologiques qui véhiculent des
attentes souvent disproportionnées chez les acteurs politiques,
professionnels et scientifiques (George, 2014), (Gouseti, 2010), (Selwyn, 2010). (Feenberg, 2001) pointe bien la forte charge idéologique du numérique en
éducation en soulignant que le fait que le numérique fonctionne ou
ne fonctionne pas est finalement moins important que la place que cela occupe
dans l’imaginaire d’un certain nombre de réformistes de
l’éducation.
Pour prendre un exemple récent, citons le cas des Massive Open
Online Courses (MOOC, cours en ligne ouverts et massivement
distribués), que Coursera présente par le biais d’un
affichage humaniste : « nous imaginons un futur où
tout le monde aura accès à une éducation de première
qualité » (Coursera, 2014).
Pourtant, plusieurs études, p. ex. (Christensen et al., 2013) démontrent que le profil d’étudiants
bénéficiant des MOOC est majoritairement déjà
éduqué, ce que (Laurillard, 2014) résume de façon cynique ainsi : « the
problem MOOCs succeed in solving is: to provide free university teaching
for highly qualified professionals » (en ligne). Ainsi, si les
MOOC présentent un certain potentiel pédagogique, une partie des
discours sur les MOOC sont idéologiques et passe notamment sous silence
les intérêts commerciaux de Coursera (Kolowich, 2013) et des enjeux éducatifs tels que la déqualification possible du
corps professoral (Feenberg, 2001).
Face à ce type de discours dont les MOOC représentent la
dernière manifestation en date, une posture critique permet d’une
part de mettre au jour les idéologies, les intérêts et les
rapports de force à l’œuvre, et d’autre part,
d’apprécier les apports de certains dispositifs, applications ou
outils numériques en tenant compte de la singularité des multiples
contextes et profils socioculturels des étudiants à qui ils
s’adressent, ce qui représente, à notre sens, un gage de
succès pour une meilleure actualisation de leur potentiel.
3. Aperçu de trois thématiques saillantes de l’approche
sociocritique
Dans cette section, nous esquissons les contours du
champ d'étude d’une approche sociocritique à travers trois
thématiques saillantes, suivant un découpage sans doute discutable
mais qui illustre bien les enjeux de recherche de cette approche. Nous ne
prétendons pas présenter une revue de la littérature
exhaustive de chacune d’entre elles mais davantage donner un aperçu
de la manière dont l’approche sociocritique que nous formalisons
dans cet article s’est structurée et des principaux points
qu’il reste à approfondir.
3.1. Congruence des contextes scolaire et extrascolaire dans la construction
du rapport éducatif des élèves au numérique
L’inclusion du profil et du contexte socioculturels des
élèves dans l’étude de leur rapport éducatif
au numérique pose d’emblée la question de la congruence et
des transferts possibles entre les contextes scolaire et extrascolaire. Les
études empiriques et conceptuelles consultées permettent de
dégager quelques tendances à cet égard. En premier lieu,
l'étude de (Fluckiger, 2011) établit que les outils numériques personnels (p. ex.
réseaux sociaux, téléphones cellulaires, courriels
personnels) peuvent être mis à profit pour des usages
numériques éducatifs formels dans le cadre d’un travail
d’équipe entre étudiants universitaires, alors que les
outils numériques institutionnels (p. ex. courriels institutionnels,
forums de discussion disponibles dans les environnements numériques
d’apprentissage) sont délaissés. Ainsi, le contexte
extrascolaire peut accueillir une variété d’usages
numériques éducatifs, allant du plus formel au plus informel (voir
section 2.2.) et cumulés à des usages numériques non
éducatifs. En revanche, le contexte scolaire semble davantage
privilégier les usages numériques éducatifs formels aux
dépens d’autres types d’usages numériques
éducatifs (Buckingham, 2007), (Male et Burden, 2013).
Cet écart entre, d’une part, la diversité des types
d’usages numériques éducatifs en contexte extrascolaire et,
d’autre part, la quasi-exclusivité des usages numériques
éducatifs formels en contexte scolaire semble relever plus largement
d’une divergence d'autonomie et d'initiative dont disposent les
élèves (Buckingham, 2007).
Plus précisément, le degré d'autonomie et d'initiative des
élèves en contexte extrascolaire, conséquent de
l'évolution sociale du statut d'adolescent dans les
sociétés occidentales (Schneider, 2013),
leur permettrait de développer de nouveaux styles d’apprentissage
avec le numérique (p. ex. développement de compétences par
essai-erreur, collaborations ponctuelles sur demande, exploration et
expérimentation non linéaires, etc.), que les contraintes
scolaires ne permettraient pas aisément de réinvestir en salle de
classe. Comme le
souligne (Fluckiger, 2008) :
« Les TIC [utilisées en contexte extrascolaire] sont
perçues comme émancipatrices par les jeunes qui peuvent
accéder à des contenus numériques sans passer par les
médiations parentales habituelles, ou entretenir grâce aux outils
de communication numérique une sociabilité de pairs au sein
même du domicile familial. Cette dimension émancipatrice est
absente des usages scolaires, qui sont nécessairement sous
contrainte » (p. 53).
De leur analyse d'études empiriques, (Bourque et al., 2013) concluent que les activités pédagogiques recourant à la
Toile sont rarement en mesure de développer la pensée critique des
élèves en contexte scolaire, car « l’apprenant,
soumis à un contrôle interne et externe, conscient de la pression
sociale normative et de l’autorité du maître, dispose de bien
peu de latitude » (p. 15). On retrouve ici la faible autonomie que
l’école permet aux élèves, d’après (Furlong et Davies, 2012).
Cette divergence de fond entre les contextes scolaire et extrascolaire placerait
les élèves dans une situation de tension lorsque que
l’école leur impose, en contexte scolaire, des outils
numériques associés au contexte extrascolaire, tout en
délégitimant le degré d'autonomie et d'initiative qui les
accompagne habituellement (Clark et al., 2009).
Cette divergence d'autonomie et d'initiative contribuerait à expliquer
pourquoi l’intégration du numérique en salle de classe a
souvent donné des résultats mitigés sur les apprentissages
scolaires (Ito et al., 2013), (Male et Burden, 2013).
Dans la perspective de cette thématique, un des principaux enjeux
actuels consiste à mieux définir et catégoriser les types
d’usages numériques qu’inclut le rapport éducatif au
numérique, notamment en intégrant ceux qui ont lieu en contexte
extrascolaire (voir section 2.2.).
3.2. Inégalités numériques en éducation
La thématique des inégalités numériques en
éducation s’intéresse aux relations entre le rapport des
élèves au numérique, les déterminants de ce rapport
et la capacité des élèves à en tirer profit dans une
visée éducative. Sur le plan empirique, il s’agit donc, dans
un premier temps, de mettre au jour les variations du rapport des
élèves au numérique et les facteurs associés (p. ex.
sexe, revenu des parents, nombre d’outils numériques accessibles,
types et nombre d’usages d’Internet, etc.), et dans un second temps,
d’étudier les incidences sur le développement d’un
rapport éducatif au numérique.
Le premier point a été le plus étudié, de sorte
que nous n’y reviendrons pas ici, voir p. ex. (Collin et Karsenti, 2013).
Nous nous contenterons simplement de rappeler que la qualité du rapport
des élèves à Internet semble prendre la forme d’une
« échelle d’opportunités »
(« ladder of opportunities »), (Livingstone et Helsper, 2007), (Wei, 2012),
présentant une cumulation progressive allant de quelques usages basiques
au départ, et partagés par une majorité
d’élèves (par exemple, jouer à des jeux en ligne),
à l’ajout d’usages plus complexes et moins répandus,
qui impliquent notamment la participation (p. ex. partages de fichiers) et la
création (p. ex. montages vidéo, programmation). Aussi,
l’échelle d’opportunités invite à penser que
certains usages numériques éducatifs se
« greffent » éventuellement à des usages non
éducatifs préexistants (Livingstone et Helsper, 2007).
Il est important de noter que les élèves ne progressent pas
également à travers l’échelle
d’opportunités : certains d’entre eux peuvent
demeurer à un niveau de base, alors que d’autres accèdent
à des niveaux intermédiaires ou élevés. En somme, le
numérique ouvre des opportunités éducatives plus ou moins
riches, que les élèves saisissent à des degrés
divers, notamment suivant leur profil et leur contexte socioculturels. Les
variables déterminant le positionnement de chaque élève sur
l’échelle d’opportunités peuvent être nombreuses
et combinées les unes aux autres. Parmi les plus récurrentes dans
la littérature scientifique, notons l’âge mais
également le niveau socioéconomique des élèves et de
leurs parents, par exemple (Gire et Granjon, 2012), (Wei, 2012),
ce qui ancre résolument les inégalités numériques
dans des inégalités sociales plus larges, bien que leurs relations
ne soient pas toujours symétriques (Granjon, 2009).
En France, l'ouvrage dirigé par Langouët (Langouët, 2000) constitue un des premiers portraits approfondis des inégalités
numériques appliquées aux jeunes et avec des implications
éducatives (voir notamment les textes de Baron, Linard et Porcher).
Les incidences des inégalités numériques sur le
développement d’un rapport éducatif au numérique ont
été beaucoup moins explorées et les résultats
actuels sont parfois contradictoires. Ainsi, (Fairlie et Robinson, 2013) ont mené une étude quasi-expérimentale sur les
élèves ne possédant pas personnellement
d’ordinateurs. Une partie d’entre eux (559 élèves sur
1123) ont été équipés d’un ordinateur à
domicile. Il en ressort que les performances scolaires entre les
élèves ayant été dotés d’un ordinateur
et ceux n’ayant toujours pas d’ordinateur n’ont fait
état d’aucune différence significative entre les
élèves. Plusieurs limites invitent toutefois à prendre ces
résultats avec prudence : 1) le temps de traitement
était relativement court (les élèves ont reçu les
ordinateurs à la fin de l’automne et étaient
évalués d’après les examens ministériels en
fin d’année scolaire) pour espérer noter des changements
substantiels dans la performance scolaire ; 2) les
élèves et leurs parents n’ont pas reçu de formation
particulière dans l’utilisation de l’ordinateur, alors que
les premiers étaient relativement jeunes (6 à 10 ans). Sachant que
les enjeux éducatifs du numérique se situent davantage au niveau
des usages que de l’accès (Hargittai, 2002)1,
fournir un ordinateur à chaque élève sans se
préoccuper des usages qui en sont faits présente peu de chance, en
soi, d’aboutir à des résultats concluants sur le plan
éducatif ; 3) enfin, les auteurs n’ont pas pu isoler la
cause de l’absence d’ordinateur à la maison, pour chacun des
foyers concerné. Or l’absence d’ordinateur ne constitue pas de facto une manifestation des inégalités
numériques, comme le reconnaissent d'ailleurs les auteurs (p. 2-3).
L’étude multi-cas d’Angus, Snyder et Sutherland-Smith (Angus et al., 2004) auprès de quatre familles défavorisées
d’élèves montre bien comment le capital culturel de chaque
famille oriente, chez les élèves, le développement
d’un rapport plus ou moins éducatif au numérique en contexte
extrascolaire. L’étude de (Rafalow, 2014) envisage une autre incidence des inégalités numériques en
éducation, en s’intéressant aux relations entre le niveau
socioéconomique des écoles, les usages du tableau blanc interactif
(TBI), les représentations enseignantes et la culture institutionnelle
concernant la valeur éducative du numérique. Cette étude
multi-cas portait sur trois enseignants dans des milieux volontairement
contrastés (niveaux socioéconomiques élevé, moyen et
faible) et s’appuyait aussi sur des entrevues avec leurs collègues,
afin de dresser un portrait de la « culture » de
l’école. Rafalow conclut que des différences notables se
font jour selon le niveau socioéconomique : l’enseignant
de l’école de milieu socioéconomique favorisé fait
état d’usages innovants du TBI dans l’optique de continuer
à offrir un enseignement de qualité aux élèves,
notamment sous la pression des parents. Tout aussi dynamique dans ses usages du
TBI, l’enseignant de l’école de milieu moyennement
favorisé perçoit principalement le TBI dans sa dimension
motivationnelle et l’utilise moins fréquemment, ce qui semble
être un contrecoup du manque d’adhésion de certains
collègues. Enfin, l’enseignant de l’école de milieu
défavorisé utilise principalement le TBI en reproduisant les
pratiques du tableau noir et sans y apposer de nouvelles valeurs
éducatives. Bien que ces résultats ne soient pas
généralisables, ils laissent penser que les représentations
des enseignants et la culture de chaque école sont influencées par
le niveau socioéconomique du milieu concerné, et qu’elles
contribuent à déterminer le potentiel attribué au
numérique et les usages qui en sont faits. L’étude
quantitative de (Nunn et al., 2002) va dans le même sens. Elle conclut, à partir de différents
indicateurs appliqués aux écoles publiques du Maryland
(États-Unis), que les enseignants des écoles de milieu
défavorisé utilisent moins fréquemment et moins
efficacement le numérique, complémentairement aux
désavantages numériques observés chez les
élèves de ces écoles.
Ces résultats semblent indiquer que les inégalités
numériques présentent des incidences tant sur le plan des usages
numériques éducatifs des élèves que sur celui des
pratiques techno-pédagogiques des enseignants.
3.3. Rapport éducatif des élèves migrants ou issus des
minorités ethnoculturelles au numérique pour leur
intégration linguistique et scolaire
Une troisième thématique, sans doute la moins travaillée
à l’heure actuelle, concerne le rapport éducatif des
élèves migrants ou issus des minorités ethnoculturelles.
L’origine de cette thématique se trouve dans le constat que le
rapport au numérique n’est pas neutre et qu’il varie suivant
les traits culturels propres à chaque groupe (Dibakana, 2010), (Erumban et De Jong, 2006), (Nistor et al., 2014),
bien qu’il s’agisse d’aspects « plus subjectifs,
difficilement quantifiables, et qui conservent pourtant toute leur importance
dans l’analyse des comportements d’adoption [du numérique par
les individus] » (Kharbeche, 2006, p. 90). Ces traits culturels sont
susceptibles d’influencer le rapport des individus au numérique,
suivant un processus de « resignification » (Mattelart, 2009).
À titre d’exemple, (Agboton, 2006) observe que la tradition orale valorisée dans certaines
communautés africaines, notamment comme moyen privilégié de
transmettre les savoirs, peut représenter un frein pour l’adoption
d’Internet, où le savoir est exposé de manière
écrite dans la plupart des cas, et sans interlocuteur physique. (Daoudi, 2011) met notamment en exergue la ruralité, la vie en collectivité et la
rigidité des liens hiérarchiques comme des caractéristiques
culturelles supplémentaires pouvant avoir une influence sur les usagers
africains.
Sur la base de ces constats, (Daoudi, 2011) invite à développer « une intégration durable,
adaptée au contexte local et favorisant la pleine participation des
enseignants et des élèves » (p. 114). Cette dimension
culturelle a été relativement peu prise en compte dans
l’étude du numérique en éducation, ce qui
s’explique sans doute par le fait que la majorité des outils
numériques ont été historiquement créés par
des entreprises occidentales et étudiés dans des contextes
scolaires occidentaux, notamment aux États-Unis (Helsper et Eynon, 2010), (Guichon, 2015).
À ces dimensions culturelles s’ajoutent des dimensions
migratoires, notamment liées à l’intégration
linguistique, psychologique et socioculturelle des élèves et de
leurs familles (Chen et Choi Siu Kay, 2011),
ainsi qu’au maintien des contacts avec leur société
d’origine (Gallant et Friche, 2012).
En termes proprement éducatifs, l’intégration linguistique
semble avoir été l’aspect le plus étudié.
À titre d’exemple, quelques études se sont penchées
sur le numérique comme soutien à l’intégration
linguistique des migrants, soit la manière dont ces derniers tirent ou
non profit du numérique, dans des contextes d’apprentissage plus ou
moins liés à l’institution éducative, pour apprendre
la langue de la société d’accueil, par exemple (Collin et Karsenti, 2012b), (Kluzer et al., 2009), (Spotti et al., 2010).
En revanche, ces études ont principalement porté sur les adultes
et n’abordent pas l’intégration scolaire des
élèves migrants.
Le rapport éducatif au numérique des élèves
migrants et issus des minorités ethnoculturelles reste donc en grande
partie à explorer. Il s’agit d’un double
défi : d’une part, arriver à isoler les variables
culturelles et migratoires des variables sociales, ce qui est complexe dans la
mesure où elles sont étroitement imbriquées (Mesch et Talmud, 2011), (Schradie, 2012) ; d’autre
part, parvenir à rendre compte avec acuité des traits culturels
spécifiques à chaque groupe ethnoculturel et migratoire, sans
tomber dans du « particularisme » empêchant toute
discussion des résultats au delà des terrains
étudiés.
4. Considérations méthodologiques
Bien que l'approche sociocritique que nous adoptons
ne se prévale pas d'une méthodologie spécifique, elle tend
à être davantage compatible avec certaines méthodes qu'avec
d'autres. En s'intéressant aux usages numériques éducatifs
des élèves tels qu'ils les pratiquent dans leur quotidien scolaire
et extrascolaire, cette approche implique d'emblée des recherches
descriptives plutôt qu'interventionnistes. Autrement dit, l'objectif est
de documenter les pratiques numériques telles qu'elles sont, et non pas
telles qu'elles devraient être (Selwyn, 2010),
ce qui rend les approches de type quasi-expérimental peu adaptées (Engeström, 2008).
Dans une visée descriptive, deux niveaux de collecte et d'analyse
complémentaires gagnent à être
considérés : les observations, c'est-à-dire les
pratiques numériques effectives des élèves, et les
représentations, qui renvoient à la manière dont les
élèves font sens de leurs pratiques du numérique. Ces deux
niveaux d'analyse sont à la fois autonomes et complémentaires l'un
de l'autre : ils peuvent apparaître conjointement ou non dans un
même devis méthodologique, suivant l'objectif poursuivi. Concernant
les méthodes en tant que telles, l'entrevue et le questionnaire sont tout
à fait adéquats mais présentent l'inconvénient de ne
pas permettre l'observation directe des pratiques numériques
éducatives, ce qui a été reproché au domaine du
numérique en éducation (Ungerleider, 2002).
En effet, un des enjeux méthodologiques est précisément
d'accéder aux pratiques numériques effectives et dynamiques des
élèves. Certaines avancées technologiques permettent
cependant de repousser les limites méthodologiques qui ont longtemps
grevé l'observation des pratiques numériques éducatives. Le
développement du big data et du data mining (Baker et Yacef, 2009),
par exemple, ouvrent des avenues très intéressantes pour observer
en continu dans le temps et dans l'espace toutes les activités
numériques des élèves sur un outil donné, et ce de
façon systématique, automatique et discrète, ce qui
n'était pas possible jusque-là. En revanche, ce type
d’approche méthodologique ne permet pas d'accéder aux
représentations des élèves. L'approche ethnographique
présente alors une entrée de choix dans la mesure où elle
conjugue à la fois la collecte d'observations et de
représentations in situ (Schneider, 2013).
Elle permet ainsi de documenter les pratiques numériques dans leur
« écologie médiatique » (Ito et al., 2010).
La recherche récente de (Boyd, 2014) sur
les usages numériques des jeunes constitue un exemple de la pertinence de
l'ethnographie. Cette chercheure a pu identifier, grâce à une
enquête ethnographique approfondie, les principaux enjeux que
génèrent les usages numériques des jeunes. En revanche,
l'inconvénient de cette méthode est d'être plus intrusive
pour les participants et plus chronophage pour le chercheur que les autres
méthodes de collecte de données, et partielle par rapport au big data et au data mining dans les usages numériques
recueillis. En somme, et sans surprise, aucune méthode n'est suffisante
pour prétendre rendre compte a elle seule du rapport éducatif des
élèves au numérique, dans la mesure où ce rapport
est complexe et évolutif. L'enjeu pour les chercheurs s’inscrivant
dans une approche sociocritique est donc de conjuguer les méthodes pour
combler les lacunes des unes par les forces des autres, selon les principes de
l'approche mixte (Teddlie et Tashakkori, 2009), (Creswell, 2014).
5. Complémentarité des approches didactique,
psychopédagogique et sociocritique dans l'étude du
numérique en éducation
Après avoir examiné les enjeux
méthodologiques d’une approche sociocritique, nous proposons de
situer cette dernière au sein de l’étude des usages
numériques éducatifs, traditionnellement menée par les
approches didactique et psychopédagogique.
La principale distinction d’une approche sociocritique avec les
approches didactique et psychopédagogique est liée à
l’étendue de leurs objets d’étude respectifs. Parce
que les approches didactique et psychopédagogique se concentrent
habituellement sur la situation d’enseignement et d’apprentissage et
ses acteurs (en premier lieu, l’enseignant et les apprenants), certains
auteurs relèvent que les usages numériques éducatifs
observés laissent de côté certains autres usages
numériques éducatifs, notamment ceux développés
à l’initiative des élèves en contexte extrascolaire.
Leander, Philipps et Taylor (Leander et al., 2010) rendent
compte de ce point en prenant la métaphore de la classroom as
container :
« The classroom-as-container constructs not only particular ways of
speaking and writing in educational research, but also systems of rules
concerning how meaning is made (Foucault, 1972).
This discourse functions as an imagined geography of education, constituting
when and where researchers and teachers should expect learning to take place.
This dominant discourse shapes educational research practice and perspectives,
we posit, even when research questions cross in school and out of school borders
». (p. 329).
Cela invite à élargir la perspective avec laquelle est
appréhendé le rapport éducatif des élèves au
numérique en prenant en compte toute sa complexité et sa
polymorphie, transversalement aux contextes scolaires et extrascolaires.
C’est d’ailleurs ce que tentent d’opérer plusieurs
concepts, tels que les learning lives (Erstad et Arnseth, 2013),
le connected learning (Ito et al., 2010),
ou encore le mobile learning (Berge et Muilenburg, 2013),
qui présentent des directions fructueuses pour élargir la
conception des usages numériques éducatifs tout en veillant
à ne pas négliger l’apprentissage scolaire. Ces concepts
sont récents de sorte que nous ne sommes pas en mesure de les discuter et
de les différencier avec finesse. Retenons toutefois que leurs
conceptions respectives de l’apprentissage partagent plusieurs traits
communs : 1) ils relèvent tous la nécessité
d’appréhender l’apprentissage non pas en vase-clos, mais de
façon continue dans le temps (suivi longitudinal) et dans l’espace,
incluant le contexte scolaire (suivi transcontextuel) ; 2) ils
abordent l’apprentissage dans ses dimensions cognitives mais
également affectives et expérientielles ; 3) enfin, ils
l’abordent dans ses « pratiques
épistémiques » (Kumpulainen et Sefton-Green, 2014, p. 8)
formelles, informelles et autres. À ce titre, ces concepts
s’avèrent prometteurs pour penser le développement
d’un rapport éducatif des élèves au numérique
de manière intégrée. Ils sont, du même coup, capables
de concilier l’apprentissage scolaire et les autres types
d’apprentissage. Nous reconnaissons toutefois avec (Fluckiger, 2014) que « si l’hypothèse de continuité
s’avère heuristique pour penser les pratiques académiques,
elle porte le risque de minorer certaines de leurs spécificités,
en omettant de mettre l’accent sur le rôle du contexte dans le
formatage des usages » (p. 15).
Cette approche ouvre ainsi une perspective complémentaire et
compatible avec les approches didactique et psychopédagogique. La figure
1 illustre trois dimensions d’analyse possibles des usages
numériques éducatifs. La première renvoie à
l’approche didactique et la seconde, à l’approche
psychopédagogique. Ces deux premières dimensions d’analyse
se situent en contexte scolaire. La troisième est une approche
sociocritique qui positionne une troisième dimension d'analyse.
Parce qu’elle s’intéresse aux relations entre le profil et
le contexte socioculturel des élèves et le développement
d’un rapport éducatif au numérique, cette approche ne se
limite pas à l’étude des usages numériques
éducatifs en contexte extrascolaire. Elle s’intéresse
également à leur congruence avec les usages numériques
éducatifs proposés aux élèves en contexte scolaire.
Elle englobe donc à la fois les contextes scolaires et extrascolaires.
Les pointillés signifient la porosité entre les trois dimensions
d’analyse des usages numériques éducatifs, alors que la
flèche qui les traverse exprime leur transversalité, à la
fois à travers les contextes (scolaire et extrascolaire) et les
dimensions d’analyse (didactique, psychopédagogique et
sociocritique).
Figure 1 • Les approches didactique,
psychopédagogique et sociocritique en tant que dimensions d’analyse
complémentaires pour l’étude des usages numériques
éducatifs
Il ne s’agit pas de favoriser une de ces trois dimensions
d’analyse aux dépens des autres, mais plutôt de reconnaitre
que l’étude du rapport éducatif des élèves au
numérique, en tant que domaine de recherche, ne peut être
pleinement accomplie que par la mutualisation des connaissances issues de ces
trois dimensions d’analyse. Nous rejoignons ainsi (Selwyn, 2010) lorsqu’il souligne qu’une approche sociocritique offre simplement
une dimension supplémentaire à l’étude des
technologies éducatives en complément à une perspective
davantage focalisée sur les apprentissages qui a dominé le domaine
au cours des vingt-cinq dernières années.
6. Défis d’une approche sociocritique
Comme toute approche théorique, une telle
approche du numérique en éducation comporte aussi son lot de
défis à relever et de glissements conceptuels à
éviter. En premier lieu, il importe de reconnaître que cette
approche est en émergence et qu'elle porte sur un objet (les usages
numériques éducatifs) lui-même évolutif au gré
des avancées technologiques et des changements socioculturels, tant
à l'échelle de l'individu que de la société. Cette
approche, tout comme son objet d'étude, ne sont donc pas encore
stabilisés. Ainsi, ses fondements critiques, la délimitation de
ses objets de recherches, la théorisation de ces concepts-clés
dans un tout systémique et inclusif se doivent d'être
précisés. Un des enjeux consiste donc à poursuivre ses
efforts de structuration en arrimant solidement les acquis sur lesquels elle
repose et les nouveaux développements conceptuels, méthodologiques
et empiriques qui opèrent rapidement dans le domaine du numérique
en éducation. À l'heure actuelle, les recherches empiriques se
situant dans une approche sociocritique ne peuvent donc faire l'économie
d'une réflexion théorique sur les apports, les limites et les
implications de cette approche sur leurs travaux de recherche et sur le domaine
du numérique en éducation d'une manière
générale. Aussi, ce texte ne prétend pas tant
présenter un aboutissement que contribuer aux réflexions et
à la formalisation d’une approche sociocritique du numérique
en éducation dans l'espace francophone.
En deuxième lieu, définir et catégoriser les usages
numériques éducatifs reste problématique à
l’heure actuelle. En s’ouvrant sur le contexte extrascolaire, cette
approche complexifie considérablement les usages numériques
éducatifs et le concept même d’apprentissage. À titre
d’exemple, les usages numériques relationnels et ludiques ne
forment pas des usages numériques éducatifs par eux-mêmes.
Ils peuvent toutefois le devenir s’ils sont mis au service
d’intentions ou de retombées éducatives, plus ou moins
délibérées, lorsque des élèves utilisent Facebook pour faire un travail en équipe ou encore
lorsqu’ils jouent à un jeu en ligne en anglais et qu’ils
s’approprient le vocabulaire utilisé (Thorne et al., 2012).
Ce faisant, les distinctions entre certains types d’apprentissages,
notamment informels, et les pratiques de loisirs et de socialisation des
élèves tendent à s’infléchir, ce qui
soulève de nouvelles questions : jusqu’où un usage
numérique est-il éducatif ? À partir de quand
n’a-t-il plus de valeur éducative ? En somme, de quoi est
fait un rapport « éducatif » au
numérique ? Ou, pour le dire avec (Kumpulainen et Sefton-Green, 2014) :
« Efforts to understand the dynamic processes of learning
situated across space and time, beyond the here and now, are presently
challenging traditional definitions of learning and education. How can we
conceptualize learning in a way that is able to explain the increasing
complexity, connectivity, and velocity of our times ? » (p.
8).
Finalement, la posture critique sous-jacente à une approche
sociocritique, parce qu'elle reconnaît que les usages numériques
sont ancrés dans des rapports de force et des intérêts
dépassant le seul contexte scolaire, est portée à mettre au
jour les déterminants structuraux qui sont en jeu, notamment dans
l’optique de rendre compte des inégalités numériques
en éducation. Poussé à l’extrême, ce
raisonnement pourrait glisser dans l’excès inverse du
déterminisme technologique, c’est-à-dire dans un
déterminisme social abusif — voir (Granjon, 2004) à propos de l'École de Francfort —, en
présentant les usages numériques éducatifs comme relevant
principalement du positionnement social des élèves. Pour montrer
l’intérêt de nuancer cette position, prenons comme exemple le
cas des élèves non usagers d’Internet. Dans l’optique
d’un déterminisme social abusif, les élèves non
connectés pourraient être compris comme la manifestation la plus
poussée de l’exclusion numérique. Pourtant, (Livingstone et Helsper, 2007) identifient plusieurs profils de jeunes non connectés : les voluntary drop-outs (have access, stopped using) ; les involuntary drop-outs (lost access, stopped using) ; les potential users (have access, never used) ; les Internet
excluded (no access, never used). Si les profils 2 et 4 semblent
effectivement relever des inégalités numériques, les
profils 1 et 3 ne permettent pas de généraliser cette situation
à l’ensemble des cas de non usage. Les déterminants
socioculturels restent donc pertinents à étudier mais ne sauraient
constituer l’unique cadre de référence d’une approche
sociocritique.
7. Conclusion
Pour rappel, l’objectif du présent
article était de contribuer à formaliser une approche
sociocritique et son apport au domaine du numérique en éducation,
notamment à la thématique des usages numériques
éducatifs, telle que circonscrite par (Baron, 2014).
Pour ce faire, nous avons commencé par circonscrire les fondements
d’une telle approche, avant d'identifier les contours de son champ
d'étude à travers trois thématiques saillantes. Nous avons
également situé dans leurs grandes lignes les implications
méthodologiques de cette approche, sa complémentarité avec
les approches didactique et psychopédagogique et les limites auxquelles
elle fait face.
Entre les discours zélotes des tenants du numérique (par
exemple, le numérique comme preuve de la capacité de
l’école à innover, l’intégration du
numérique comme moyen privilégié de motiver les
élèves) et les discours dénonçant les effets du
numérique sur les apprentissages (déconcentration, culture du
loisir plutôt que de l’effort, perversion des missions
éducatives prioritaires), l’approche sociocritique du
numérique en éducation que nous adoptons se donne comme
perspective d’approfondir la compréhension du rapport plus ou moins
éducatif que les élèves développent à
l’égard du numérique, ainsi que les causes et les
conséquences sur l’apprentissage et le cheminement scolaire des
élèves. Pour poursuivre le développement de cette approche,
plusieurs niveaux d’action nous semblent impératifs : 1)
sur le plan théorique, plusieurs concepts brièvement
évoqués dans le présent article, tels que
l’échelle d’opportunités numériques, les
inégalités numériques, le mobile learning, le connected learning, les learning lives, semblent prometteurs pour
interpréter les résultats empiriques du domaine. En revanche, il
s’agit de concepts relativement récents qui se doivent
d’être précisés et mis à l’épreuve
du terrain avant de servir de base théorique solide. 2) sur le plan
empirique, il convient de déployer des programmes de recherche capables,
à partir de méthodologies qualitatives, quantitatives,
longitudinales et comparatives, de documenter finement : a) les
pratiques numériques éducatives de divers profils socioculturels
d’élèves (recueil d’observations) ; b) le
sens que ces derniers leur attribuent (recueil de représentations). En
outre, comme le rapport au numérique est multidimensionnel, mobile et
évolutif, les usages numériques éducatifs gagneraient
à être interprétés de façon holistique au sein
de parcours d’usages numériques éducatifs, eux-mêmes
enchâssés de façon complexe dans des activités et des
réalités offline. L’enjeu consiste donc à
savoir comment combiner au mieux des méthodes pertinentes susceptibles de
capturer toute la complexité du rapport éducatif au
numérique. Conjointement à l’étude du rapport
éducatif des élèves au numérique, il convient de se
pencher davantage sur le rapport éducatif que développent les
acteurs scolaires (notamment les enseignants et les parents
d’élèves), ce qui a peu été investigué
jusqu’à maintenant. Or il s’agit d’aspects dont elle ne
pourra pas faire l’économie si elle souhaite inscrire
l’élève dans l’agencement relationnel qui est le sien
au quotidien. Outre l’étude du rapport éducatif des
élèves et des acteurs scolaires au numérique, cette
approche ne peut se dispenser de mettre au jour des discours politiques,
institutionnels, médiatiques, économiques et scientifiques afin de
montrer comment ils influent sur les politiques et les pratiques
d’intégration du numérique en contexte scolaire, avec quels
intérêts, quels agendas et quelles conséquences. 3) Enfin,
comme une telle approche du numérique en éducation est
récente et encore peu structurée dans l’espace francophone,
les chercheurs qui s’y intéressent gagneraient à intensifier
les collaborations afin de mutualiser leurs expertises, leurs initiatives et
leurs contributions à l’avancement des connaissances.
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1 On gardera à l'esprit que
l'accès reste, malgré tout, une condition nécessaire, mais
non suffisante des usages numériques éducatifs, et qu’il
reste problématique dans plusieurs pays — voir p. ex. (Brown et Czerniewicz, 2010) pour le cas de l’Afrique du Sud.
A
Propos des auteurs
Simon Collin est professeur à la Faculté des
sciences de l’éducation de l’Université du
Québec à Montréal (UQÀM). Il est titulaire de la
Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socioculturels du numérique
en éducation et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur
la formation et la profession enseignante –Université du
Québec (CRIFPE-UQ). Son parcours académique et ses
intérêts de recherche portent sur les enjeux socioculturels du
numérique en éducation.
Adresse : Département de
didactique des langues, Université du Québec à
Montréal, Succursale Centre-ville, CP. 8888, H3C 3P8, Montréal
(Canada)
Courriel : collin.simon@uqam.ca
Toile : www.simoncollin.ca
Nicolas Guichon est professeur des universités en
sciences du langage, spécialisé en didactique des langues,
à l’université Lyon 2. Il appartient au laboratoire ICAR
(Interactions, Corpus, Apprentissage, Représentations). Ses recherches
portent sur l’apprentissage des langues médiatisé par les
technologies, sur les interactions en ligne et sur l’appropriation des
outils numériques.
Adresse : Ecole Normale
Supérieure de Lyon - Site Descartes, 15, Parvis René Descartes, BP
7000, 69342, LYON cedex 07
Courriel : nicolas.guichon@univ-lyon2.fr
Toile : http://nicolas.guichon.pagesperso-orange.fr/
Jean Gabin Ntebutse est professeur agrégé au
département de pédagogie de l'Université de Sherbrooke. Il
est chercheur régulier au Centre d'études et de recherches sur les
transitions et l'apprentissage (CÉRTA) et au Centre de recherche et
d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES). Ses recherches portent
sur l'apprentissage et le développement, les changements de paradigme en
formation et le développement de la compétence
numérique des apprenants.
Adresse : Université de
Sherbrooke, 2500 Boulevard de l'Université, Sherbrooke, Québec,
Canada, J1K 2R1
Courriel : jean.gabin.ntebutse@usherbrooke.ca
Toile : http://www.usherbrooke.ca/pedagogie/notre-equipe/ped/ntebutse-jean-gabin/
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