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Les environnements personnels d’apprentissage,
étude d’une thématique de recherche en émergence
France HENRI (Centre de recherche LICEF, Télé-université du
Québec)
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RÉSUMÉ : Nous
tentons dans cet article de caractériser la recherche sur les
environnements personnels d’apprentissage (EPA) et d’en baliser
l’évolution en nous appuyant sur l’analyse de travaux qui
illustrent la variété des conceptualisations en la matière.
Les notions d’objet concret, d’objet de recherche et d’objet
scientifique telles que définies par (Davallon, 2004) servent de cadre
à notre étude et permettent d’identifier quatre
repères témoignant de diverses manières d’aborder les
EPA. Ainsi, l’article est structuré en quatre parties : la
genèse de la recherche sur les EPA, la quête d’une
définition des EPA, la problématisation et la théorisation
des EPA, et la confrontation à l’expérience. Notre
étude se veut une contribution à la réflexion sur les EPA
en tant que thématique de recherche, sur sa formalisation, sur sa
scientificité et sur l’opportunité d’élaborer
une vision qui soit partagée par les chercheurs des différentes
disciplines qui s’intéressent aux EPA.
MOTS CLÉS : Environnement
d’apprentissage personnel, définition, conceptualisation, objet de
recherche, démarche de recherche |
Personal learning environments, study of an emerging research theme |
|
ABSTRACT : We
try in this article to characterize the research on personal learning
environments (PLE) and to trace its evolution based on an analysis of papers
that illustrates the various conceptualizations on this matter. The notions of
concrete object, research object and scientific object (Davallon, 2004) provide
a framework for our study allowing for the identification of four markers which
show diverse ways to approach PLE. Thus, the article is structured in four
parts: the genesis of the PLE research, the quest for a definition of PLE, the
problematization and theorization of PLE, and the confrontation through
experiment. Our study is a contribution to the debate on PLE as a research
thematic, on its formalization, its scientificity, and on the opportunity to
develop a shared vison among researchers from different disciplines interested
by PLE.
KEYWORDS : Personal
learning environment, definition, conceptualization, research object, research
approach |
1. Introduction
Depuis une décennie,
l’intérêt pour les environnements personnels
d’apprentissage (EPA) ne cesse de croître. On évoque leur
souplesse, leur adaptabilité et leur polyvalence permettant
d’appréhender l’apprentissage de manière globale. Ils
sont présentés comme des instruments malléables que les
apprenants peuvent eux-mêmes configurer en fonction des divers contextes
d’apprentissage : formel ou non- formel, en milieu éducatif ou
milieu de travail. Leur caractère évolutif les rendrait aptes
à accompagner l’apprenant dans ses expériences
d’apprentissage tout au long de la vie. En milieu éducatif, on
tente d’incorporer ce nouveau phénomène comme composante des
systèmes de formation. Mais l’idée que l’apprenant
puisse se doter d’un EPA en marge de l’environnement prévu
par l’institution et hors de son contrôle est déstabilisante.
Comment cet idéal d’environnements personnels construits au
goût et selon les besoins de chacun peut-il s’intégrer dans
un système qui prescrit l’apprentissage et qui dicte la
manière d’apprendre ? Comment un système de formation,
normalisé, peut-il fonctionner si sa composante principale,
l’apprenant, jouit d’un degré de liberté que les
approches classiques de la planification éducative et
d’ingénierie pédagogique sont incapables
d’absorber ? Le paradoxe entre la planification rationnelle de la
formation et une plus grande liberté de l’apprenant n’est pas
nouveau ; il était déjà présent avant
l’ère numérique. Les modèles de design
pédagogique à tendance constructiviste, comme celui de (Willis, 1995),
ont tenté de résoudre cette contradiction en adoptant une
démarche récursive et réflexive permettant de
s’abstraire du modèle linéaire, souvent rigide, des
approches traditionnelles. En s’opposant à la rationalité
technique au profit d’une plus grande flexibilité, ces
modèles demeurent néanmoins confrontés à une
contradiction. Comme le souligne très justement (Dessus, 2006),
atténuer le caractère prescriptif du design pédagogique
revient à renoncer à sa fonction première.
Aujourd’hui, de nouvelles approches d’ingénierie
pédagogique font place aux apprentissages émergents qui se
produisent concurremment aux apprentissages prescrits (Williams et al., 2011).
D’autres approches, à tendance plus radicale, préconisent la
conception d’environnements dans lesquels les apprenants conçoivent
eux-mêmes leurs apprentissages (de Paula et al., 2001), (Fischer et Ostwald, 2002), (Giaccardi, 2005), (De Lavergne, 2007).
Ainsi, ce n’est plus les apprentissages qui font l’objet d’une
prescription mais plutôt la méthode de conception visant à
obtenir des environnements non prescriptifs capables de soutenir les apprenants
dans la définition de ce qu’ils vont apprendre. On parle alors de
méthodes de méta-design ou de conception de la conception.
Force est de constater que l’intégration pédagogique des EPA
dans les systèmes de formation soulève des enjeux de taille qui
remettent en cause la conception de l’acte d’apprendre ainsi que le
rôle des acteurs, une problématique qui n’a pas encore
été cernée de manière précise ni
mesurée dans toute son ampleur.
Les MOOC de type connectiviste ou
cMOOC1,
épiphénomènes du système éducatif,
constituent le lieu d’application par excellence des EPA et d’une
conception ouverte de l’apprentissage à l’ère
numérique. Les cMOOC sont des microcosmes de l’univers
numérique global. Ils partagent avec les EPA une même
conception de l’apprentissage, une même culture de communication, de
participation et de création, et un même accès à une
information abondante et à de nombreux outils. Ce type de cours se
distingue du cours traditionnel par la connectivité et le
réseautage social entre apprenants. Le contenu dispersé dans de
très nombreuses ressources n’y fait pas l’objet d’un
enseignement magistral. Les apprenants s’y regroupent en fonction de leurs
connaissances, de leurs compétences, des buts et des
intérêts qu’ils partagent. Ils organisent eux-mêmes
leur activité et leur participation. Ils utilisent les technologies du
web social pour constituer des réseaux de travail et définir les
sujets qu’ils étudieront de manière collaborative. Les
réseaux ainsi créés sont tout aussi importants que leur
objet de collaboration. Plusieurs centaines voire des milliers de participants
peuvent s’inscrire et se retrouver dans un cMOOC. La participation y est
émergente, fragmentée, diffuse et diverse. Les apprenants
invités à définir et à organiser leurs
apprentissages doivent faire preuve d’autonomie et d’auto-direction.
Pour tirer le meilleur parti d’un cMOOC, les apprenants doivent, tout
comme dans la vraie vie, créer leur propre EPA, c’est-à-dire
construire leur propre réseau, repérer et récupérer
leurs ressources d’apprentissage et choisir les technologies qu’ils
utiliseront pour communiquer, collaborer et créer leurs connaissances.
L’idée que l’apprenant puisse créer lui-même
son propre EPA s’est d’abord concrétisée dans des
travaux menés par des chercheurs en informatique. Assez rapidement, des
chercheurs en technologie éducative et en sciences de l’information
et de la communication se sont intéressés au
phénomène. Par la suite, d’autres chercheurs en sciences
humaines et sociales, notamment en psychologie et en sociologie, se sont
ajoutés à la communauté de recherche. À ce jour,
nous disposons d’un volume de travaux non-négligeable et
d’une grande diversité émanant de projets européens,
de conférences annuelles, d’ateliers scientifiques, de symposiums,
de numéros spéciaux et de revues scientifiques
dédiés aux EPA (Buchem et al., 2011).
Malgré le corpus de connaissances disponible, le terme EPA demeure
imprécis. Les premiers écrits, souvent descriptifs, par exemple (Attwell, 2007a), (Attwell, 2007b), (Chan et al., 2005) et (Severance et al., 2008),
exposent des visions prometteuses sur le devenir des systèmes
éducatifs attribuant aux EPA la capacité de susciter un processus
d’apprentissage responsable, autonome et autogéré.
D’autres écrits en traitent sur un mode de réflexion
spéculative et formulent des interprétations et des
conceptualisations diverses associant les EPA à un système
technologique (Johnson et Liber, 2008),
à une approche d’apprentissage (Downes, 2007) ou
à une approche de design pédagogique (Wilson et al., 2006).
Tous y voient un moteur de renouvellement et de transformation de
l’apprentissage. Cependant, le discours sur la nature des EPA demeure flou
et plutôt disparate, chacun abordant le sujet selon une conception
particulière et une démarche de recherche propre à son
champ disciplinaire. L’ensemble des travaux n’est pas sans susciter
plusieurs questions. De quoi parle-t-on au juste ? Quel est l’objet
de recherche ? Comment est-il construit ? Quels en sont les ancrages
théoriques ? Sur quoi s’appuie-t-on pour décrire les
changements induits par les EPA ? Quelle démarche scientifique
a-t-on appliquée et quels en sont les résultats ? Un tel
questionnement, s’il est légitime, n’est toutefois pas
singulier. Il est typique des recherches multidisciplinaires portant sur des
thématiques en émergence abordant un objet de recherche complexe
selon différents points de vue et regards spécialisés.
2. Objectif et méthode de notre étude
Notre étude s’intéresse à
la recherche sur les EPA. Nous tentons de caractériser son
évolution en nous appuyant sur l’analyse de travaux qui illustrent
la diversité des conceptualisations et les différentes
manières d’aborder les EPA. Pour baliser cette évolution,
nous utilisons les notions d’objet concret, d’objet de
recherche et d’objet scientifique telles que définies
par (Davallon, 2004).
Ce chercheur en sciences de l'information et de la communication montre que ce
champ de recherche n’est pas défini par l'objet qu'il étudie
(la communication et l’information) mais par la manière de
constituer l'objet, c’est-à-dire en se questionnant sur
l’objet et en articulant des problématiques qui s’y
rapportent. Ainsi, pour Davallon, c'est le point de vue qui crée
l’objet. Nous pensons que ce principe s’applique également
aux EPA car, comme en sciences de l’information et de la communication,
cette thématique de recherche appelle au développent de divers
points de vue portant sur les moyens techniques, sur leur production et sur les
nombreux processus qui y sont associés. Elle convoque aussi plusieurs
disciplines qui orientent et structurent la construction d’objets de
recherche mobilisant des cadres théoriques et d’analyse, des
méthodes et des terrains spécifiques.
Dans la perspective de Davallon, les notions d’objet concret,
d’objet de recherche et d’objet scientifique sont décrites de
la manière suivante. Les objets concrets existent effectivement dans la
société et correspondent au sens commun que l’on peut leur
donner, c’est-à-dire aux représentations qu’on se fait
des choses et de l'expérience qu'on a de celles-ci
(l’évidence des objets). Ils appartiennent au champ d'observations
et « sont précisément la réalité de la
chose : un livre, une émission de télévision, un journal,
une représentation théâtrale ou une discussion au
téléphone « est » la communication
réalisée » (p.31). Les objets concrets,
c'est-à-dire les moyens sont les choses sur lesquelles
travaillent tous ces champs nés aux confins d'autres disciplines ou
champs disciplinaires. L’objet de recherche dûment construit, garant
de scientificité, constitue l’assise principale du processus de
recherche alors que l’objet scientifique en représente
l'aboutissement et propose une représentation explicative ou
compréhensive de la réalité. L'objet de recherche est donc
le phénomène, ou le fait, tel que le chercheur le construit pour
pouvoir l'étudier. L'objet scientifique quant à lui
« désigne une représentation déjà
construite du réel ; il se situe du côté du résultat
de la recherche et de la connaissance produite ». Davallon
précise la différence entre ces deux objets :
« l'objet de recherche est ‘problématisé’ (on connaît son cadre
théorique d'analyse, la méthode et le terrain), sans pour autant
être ‘connu’, puisque le chercheur ne dispose pas encore d'une
connaissance (une représentation explicative plus ou moins
conceptualisée) qui à la fois réponde à cette
problématique et ait été confrontée à des
formes d'expérience (analyse de données, d'observations,
etc.). L'objet de recherche se trouve ainsi à mi-chemin entre d'un
côté les objets concrets qui appartiennent au champ d'observation
et de l'autre côté les représentations explicatives du
réel déjà existantes ou visées (qui relèvent,
quant à elles, de l'objet scientifique). ... [en sciences de
l’information et de la communication les] objets de recherche sont
travaillés de l'intérieur par une complexité et une
hétérogénéité qui en fait des hybrides de
science et de technologie (p.32-33). ... Ce type d'objet de recherche [est] construit par le chercheur à partir de la complexité
de la réalité technique et sociale » (p. 34-35).
En utilisant les définitions de Davallon et en nous
référant au processus de construction de l’objet de
recherche qu’il décrit, nous avons analysé des écrits
scientifiques qui témoignent de diverses conceptualisations des EPA. Les
résultats de l’analyse nous ont permis d’identifier quatre
repères marquants de l’évolution de la recherche sur les EPA
: 1- la genèse de la recherche sur les EPA (Olivier et Liber, 2001), (Wilson, 2005);
2- la quête d’une définition des EPA (Fiedler et Väljataga, 2011), (Väljataga et Laanpere, 2010) ;
3- la problématisation et la théorisation des EPA (Buchem et al., 2011), (Fiedler et Väljataga, 2011) ;
4- la confrontation à l’expérience (Valtonen et al., 2012), (Väljataga et Laanpere, 2010).
3. Genèse de la recherche sur les EPA
Soulignons d’abord que la notion d’EPA
n’est pas nouvelle en soi. Les apprenants ont toujours eu à
construire et à organiser individuellement leur propre environnement
d’apprentissage. Typiquement, les EPA d’avant l’ère
numérique étaient composés de documents produits par
l’apprenant pour son usage personnel mais aussi pour le partage avec
d’autres apprenants : notes de cours, résumés de lecture,
tableaux synthèses, cartes conceptuelles, etc. Les EPA pouvaient en outre
inclure des groupes de pairs rassemblés pour étudier, se soutenir
dans l’effort et s’entraider. Des ressources institutionnelles comme
les bibliothèques et les manuels en faisaient également partie.
Ces environnements apparaissent aujourd’hui d’une extrême
pauvreté si on les compare aux EPA que les apprenants peuvent se
construire à même les ressources abondantes du web dont de nombreux
outils et services pour communiquer, partager, collaborer et créer. Les
EPA de nouvelle génération peuvent ainsi être décrits
comme des environnements enrichis, multiples et éclatés.
Les premières recherches sur les EPA de nouvelle
génération remontent à 1998 avec la première version
du Future Learning Environment (FLE, renommé par la suite Fle3)
réalisé par le Media Lab d’Helsinki (Leinonen et al., 2003).
Dans cet environnement basé sur le web et conçu pour supporter
l’apprentissage individuel et collectif, chaque apprenant dispose
d’un espace personnel sur le web pour sauvegarder, organiser et partager
différentes ressources. Des espaces réservés aux groupes
sont dédiés au dialogue et au débat pour la construction de
connaissances ainsi qu’à la création collaborative
d’objets numériques variés. L’idée originale
voulant que chaque apprenant doive posséder son propre environnement est
reprise en 2001 par (Olivier et Liber, 2001) qui, les premiers, utilisent l’expression personal learning
environment pour désigner un environnement technologique à
l’usage d’un seul apprenant, indépendant des environnements
institutionnels d’apprentissage (EIA), lesquels deviennent inaccessibles
dès lors que l’apprenant a terminé sa formation. L’EPA
constitue pour ces auteurs une réponse aux besoins que
génèrent les nouvelles modalités d’apprentissage que
sont l’apprentissage tout au long de la vie, l’apprentissage
à distance et l’apprentissage mobile. L’EPA est
envisagé comme un environnement pérenne qui permet à
l’apprenant de s’engager dans ses apprentissages de manière
autonome sans avoir l’obligation de se connecter à un fournisseur
de formation. Olivier et Liber conçoivent néanmoins que les EPA et
les EIA puissent être complémentaires et interdépendants
afin de pouvoir communiquer et collaborer. Dans leurs travaux, ces chercheurs
s’intéressent surtout aux problèmes liés à la
permanence des environnements et à l’utilisation des standards
d’interopérabilité pour assurer la communication et la
collaboration entre les EPA de même qu’entre les EPA et les EIA. Ils
développent Colloquia (Colloquia, 2002),
un EPA basé sur une architecture de pair à pair radicalement
différente, sans serveur central, qui supporte l’auto-organisation
d’apprenants qui veulent se regrouper pour apprendre.
En 2005, Scott Wilson du Centre for Educational Technology and
Interoperability Standards (UK) illustre le concept en publiant sur son blogue
sa vision de l’EPA de l’avenir. Son schéma intitulé The Future of VLE (figure 1) et repris par de nombreux auteurs, illustre
la configuration technologique d’un EPA. Cet environnement virtuel
d’apprentissage du futur n’est plus fourni
par l’institution, mais plutôt construit par l’apprenant,
décentralisé, où les contenus sont sauvegardés dans
divers services web et où les apprenants peuvent être
connectés entre eux et aux EIA grâce au standard web RSS/FOAF.
Figure 1 • The Future VLE (Wilson, 2005)
Inspirés par une vision de l’apprentissage à
l’ère numérique, ces premiers travaux sur les EPA
réalisés par des chercheurs en informatique sont orientés
vers le développement d’une solution technologique composée
essentiellement d’un ensemble de services web en soutien à la
gestion personnelle des connaissances, au développement de réseaux
personnels d’apprentissage et à la constitution
d’e-portfolios. Ces chercheurs associent le nouvel artefact à un
usage pédagogique et à une nouvelle manière
d’apprendre. Ainsi, l’EPA n’est pas qu’un objet concret
au sens de Davallon. Il devient un objet de recherche construit par
l’articulation de l’artefact technologique (objet concret) à
trois enjeux principaux : 1- la nécessité de faire contrepoids
à la conception monolithique et centralisatrice des plateformes
e-learning dont les architectures fermées sont jugées
inadaptées aux possibilités d’échanges et de partage
du web 2.0 et aux pratiques sociales qui en émergent; 2-
l’importance de la responsabilisation de l’apprenant par la prise de
contrôle de ses apprentissages et la liberté de choix et de gestion
des technologies avec lesquelles chacun apprend ; et 3- la
nécessité de soutenir et de valoriser l’apprentissage tout
au long de la vie.
Dans le cadre de travaux de recherche/développement propres aux
sciences de l’informatique, cette construction des EPA comme objet de
recherche peut être jugée satisfaisante. Mais sans la perspective
de Davallon, elle apparaît lacunaire dans la mesure où les EPA sont
modélisés sans que les chercheurs ne se soient donnés un
cadre théorique d'analyse et sans que des hypothèses à
vérifier n’aient été formulées.
4. En quête d’une définition des EPA :
diversité de points de vue sur l’objet
Après 2005, un débat s’amorce sur
la définition des EPA au sein de la communauté de chercheurs en
technologie éducative. Lors de la conférence de
l’Association of Learning Technology en 2006, les participants
s’interrogent sur ce que sont les EPA. Peuvent-ils être autre chose
qu’un artefact technologique ? Sans arriver à dégager
un consensus sur la question, les participants s’entendent pour dire que
les EPA devraient être envisagés comme un concept plutôt
que comme une application logicielle (Attwell, 2007a).
La question sera reprise par la suite par plusieurs auteurs exprimant des points
de vue divers. La recension d’écrits de (Fielder et Väljataga, 2011) couvre ce débat à partir de publications antérieures
à 2009. On y relève des conceptualisations élaborées
par des informaticiens préoccupés de répondre au besoin
sociétal de changement de paradigme éducatif. Nous les
résumons aux points 3.1 et 3.2. Nous présentons au point 3.3 la
conceptualisation de (Väljataga et Laanpere, 2010),
deux chercheurs en technologie éducative qui définissent les EPA
comme une réalité subjective. Leur point de vue
s’écarte du débat associant les EPA à l’objet
technique pour insister sur sa dimension psychosociale. En conclusion de cette
partie, nous formulons au point 3.4 quelques observations sur la construction de
l’objet de recherche.
4.1 Les EPA, une approche pédagogique
Selon les travaux recensés par (Fielder et Väljataga, 2011),
pour certains chercheurs, le concept d’EPA renvoie à une approche
pédagogique personnalisée. Cette conceptualisation s’aligne
sur les écrits antérieurs à 2006 voulant que les EPA
s’inscrivent à contre-courant de l’approche rigide des EIA
qui n’offrent que très peu de libertés de choix à
l’apprenant. La souplesse de l’approche EPA incarnerait un
changement significatif favorisant un processus d’apprentissage
personnalisé, moins prescriptif, facilité par l’usage de
technologies dont l’apprenant a le plein contrôle.
Pour d’autres chercheurs, toujours en réaction au contexte
institutionnel, les EPA correspondent à une approche de design en rupture
avec l’approche modulaire des EIA qui fait de l’apprentissage une
expérience en solitaire. Plutôt que de s’intéresser
aux technologies et à en prescrire l’usage, le design d’EPA
prend en compte les pratiques et les usages personnels des technologies que les
apprenants développent pour apprendre. Il vise essentiellement à
ré-instrumenter l’apprentissage en permettant à
l’apprenant de composer son propre environnement avec des outils, des
applications et des services qu’il utilise déjà pour
travailler et apprendre. Ce design laisse aux apprenants la
responsabilité de construire leur EPA et la prise de contrôle des
apprentissages. Craignant que cet exercice dépasse les compétences
techniques des apprenants, il est proposé de faire intervenir un designer
pédagogique qui ferait une organisation préalable des ressources
et des outils parmi lesquels l’apprenant ferait son choix, cela
jusqu’à ce qu’il soit en mesure de construire lui-même
son propre EPA.
Dans une perspective d’adaptation institutionnelle, certains autres
chercheurs conceptualisent les EPA comme une approche du changement. Selon eux,
l’introduction des EPA en milieu éducatif mènerait au
développement d’une posture critique pour évaluer les
technologies actuelles et susciterait la réflexion pour les rendre
conformes à la pédagogie des EPA et à l’utilisation
efficace des technologies du web 2.0. Les EPA agiraient comme levier pour faire
évoluer les technologies en usage. Au plan technologique, cette approche
guiderait l’évolution des technologies institutionnelle vers des
architectures orientées services afin que les EPA soient parfaitement
intégrés à l’espace de travail personnel de
l’apprenant.
Loin d’être concurrentes, ces trois approches apparaissent
complémentaires. Les EPA susciteraient une critique sans compromis des
technologies institutionnelles aboutissant à l’implantation
d’une pédagogie moins prescriptive et l’émancipation
des apprenants et de leur apprentissage. Toute initiative de changement
prendrait alors en compte l’usage que les apprenants font des technologies
dans la sphère privée et s’en inspirerait pour
re-instrumenter l’apprentissage avec des EPA que les apprenants auraient
eux-mêmes construits. Une part de réalisme vient cependant freiner
ces aspirations au changement. Certains auteurs admettent que
l’application de l’approche EPA ne sera possible que si les
apprenants ont la capacité de construire leur EPA. En somme, la
conceptualisation des EPA comme une approche est teintée d’un
discours plutôt superficiel qui reste au niveau des
velléités accusant les mêmes faiblesses que celles
relevées dans les travaux antérieurs à 2006 à
savoir une absence de fondements théoriques qui pourraient appuyer la
problématique des EPA et aboutir à la construction d’un
objet de recherche (l’objet à connaître).
4.2 Les EPA, systèmes technologiques et collections
d’outils
Fielder et Väljataga rendent compte d’écrits de chercheurs
en informatique qui partagent la volonté de libérer
l’apprentissage et de contrer la posture institutionnelle centralisatrice.
Ces chercheurs manifestement engagés s’emploient à orienter
le développement des EPA selon leur vision en formulant des prescriptions
ou requis technologiques qui permettraient à
l’apprenant d’exercer un plus grand contrôle et une plus
grande liberté. Leur intérêt de recherche se rapporte
essentiellement à l’objet technique qu’ils veulent
imprégner d’une nouvelle conception de l’apprentissage
induite par les EPA.
Le système technologique envisagé comme support des EPA se
présente sous la forme d’un portail ou d’une application
autonome sur l’ordinateur de l’apprenant. Pour être
performant, le système doit donner accès à une
variété de ressources grâce à une architecture
puissante connectée à un outil de recherche et de navigation
efficace. L’ensemble doit aussi assurer que l’information
récupérée soit pertinente, consistante et complète.
Aux yeux de l’apprenant, l’EPA se présente comme une
interface unique intégrant une collection d’applications,
d’outils personnalisés et des services du web 2.0
interopérables qu’il aura lui-même choisis. Le système
envisagé devrait pouvoir être utilisé dans tous les
contextes et servir en continu tout au long de la vie.
Le principal problème technique qui retient l’attention des
chercheurs est celui de l’interopérabilité des ressources
qui permettra à l’apprenant de connecter son EPA à
d’autres EPA et à divers EIA. Le système d’EPA
offrirait ainsi à l’apprenant la possibilité de construire
son EPA à même une sélection de ressources
interopérables établie par les développeurs à partir
de la connaissance que ces derniers peuvent avoir de l’usage que les
apprenants font des technologies. Mais pour ces chercheurs, l’EPA
n’est pas qu’une trousse d’outils normalisés qui
répond à certaines caractéristiques techniques. Chaque EPA
constitue un système unique et original qui se distingue par trois
facteurs : la personne qui l’utilise, l’usage qu’elle en
fait et le contexte dans lequel il est utilisé.
Dans ces écrits, la définition des EPA ne se limite pas
à l’identification de caractéristiques techniques. Bien que
l’EPA y soit conceptualisé comme un système
contrôlé ou construit par l’apprenant, qui
l’accompagnera tout au long de sa vie, on n’y trouve pas
d’indications explicites quant aux orientations et aux méthodes
à appliquer pour le développement du système. Les
apprenants, ultimes usagers, participent-ils au développement du
système d’EPA qui leur permettra de configurer leur propre EPA
? Le développement procède-t-il selon une méthode de
prototypage rapide qui permet de valider en cours de développement des
hypothèses auprès des usagers ? Les écrits restent
également muets sur la vérification de la convivialité et
de l’acceptabilité des solutions technologiques de même que
sur les compétences requises par les apprenants pour construire leurs
EPA. Le développement informatique du système d’EPA est
fondé sur un usage anticipé, défini par les
développeurs, et fait abstraction de son évolution dans
l’usage. Cette approche apparaît incohérente avec
l’intention de développer un système dont l’usager a
le contrôle et qui doit être adaptable tout au long de la vie aux
différents contextes d’apprentissage formel, non-formel et
informel.
4.3 Les EPA, un phénomène subjectif
(Väljataga et Laanpere, 2010) s’écartent de la vision bipolaire des EPA (approche
pédagogique versus technologie) pour mettre en évidence la
dimension psychosociale et la nature fondamentalement subjective des EPA. Leur
démonstration procède par l’adjonction de trois notions
– environnement, environnement d’apprentissage et environnement
personnel d’apprentissage.
Pour ces auteurs, l’environnement pris dans un sens
général constitue le cadre dans lequel les individus
opèrent. Il impose des conditions qui affectent et qui influent sur son
développement et sur son activité. L’environnement
possède des caractéristiques physiques profondément
intégrées dans le modèle mental que se fait
l’individu de son environnement. Pour cette raison, il est difficile de
contrôler l’environnement d’un individu et les interactions
qu’il établit. L’environnement devient un environnement
d’apprentissage lorsqu’un individu s’engage intentionnellement
dans un projet d’apprentissage qu’il a lui-même défini.
Il commence alors à percevoir puis à prendre conscience des
ressources qui sont (ou ne sont pas) présentes dans son environnement et
à leur donner un sens pour la réalisation du projet.
L’environnement d’apprentissage devient un EPA dans la mesure
où l’apprenant en prend le contrôle, lorsqu’il a la
possibilité de le concevoir, de l’utiliser, de le modifier et de
lui donner un sens selon son projet. Au sens de Väljataga et Laanpere,
l’EPA est une représentation mentale des ressources qui le
composent en rapport avec un projet d’apprentissage formalisé dans
un contrat que l’apprenant négocie avec lui-même. Le
contrôle qu’il exerce ne se limite pas à la
possibilité de choisir les technologies et de les utiliser comme bon lui
semble. Il s’applique également au projet qui constitue une partie
intégrante de l’EPA. Dans la perspective de l’auto-direction
de projets intentionnels, ne pas reconnaître le contrôle que
l’apprenant a sur son projet, c’est limiter son EPA et
l’auto-direction de ses apprentissages.
Väljataga et Laanpere proposent ici une conceptualisation originale qui
se distingue des précédentes en définissant les EPA du
point de vue de l’apprenant et en soulignant leur nature subjective
difficilement perméable au contrôle d’agents
extérieurs. Pour ces auteurs, la subjectivité des EPA
soulève le problème des méthodes de design
pédagogique traditionnelles essentiellement prescriptives, qui ne
reconnaissent pas qu’une même prescription puisse faire vivre aux
apprenants des expériences et des apprentissages différents et qui
n’accordent à l’apprenant que peu de contrôle.
4.4 D’une vision idéale des EPA à la construction
d’un objet de recherche
Les trois conceptualisations des EPA présentées dans cette
partie témoignent d’une évolution dans la construction de
l’objet de recherche. Dans les deux premiers cas, les EPA sont
conceptualisés comme des objets hybrides, à la fois techniques et
pédagogiques. La construction de l’objet est inspirée par
une philosophie éducative ouverte et une approche pédagogique
centrée sur les besoins de l’apprenant, renouvelée par les
possibilités inédites que les technologies du web 2.0 peuvent
offrir. Les chercheurs formulent une critique sévère de
l’institution éducative actuelle justifiant d’ambitieux
objectifs de changement qui seront atteints en utilisant les EPA pour
ré-instrumenter l’apprentissage. Toutefois, leurs
préoccupations de recherche demeurent sensiblement attachées
à l’objet technique, à sa spécificité et
à son mode d’opération. Il manque à ces travaux les
appuis conceptuels ou théoriques pertinents qui permettraient de
construire un objet de recherche à partir d’une
problématique articulant leur vision idéale de
l’apprentissage, les développements technologiques qu’ils
proposent et les transformations de l’institution éducative
qu’ils souhaitent.
Dans le troisième cas, les EPA sont conceptualisés comme un
phénomène subjectif. L’objet de recherche est construit en
se référant aux notions d’environnement,
d’environnement d’apprentissage et d’apprentissage
intentionnel. Il est problématisé en s’appuyant sur les
principes théoriques de l’auto-direction et du contrôle. Une
relation de pertinence est établie entre le design pédagogique, le
contrôle de l’apprenant et l’environnement
d’apprentissage incluant les technologies. Les EPA comme objet de
recherche sont problématisés de manière systématique
et réflexive en s’appuyant sur un solide appareil notionnel. Dans
ce troisième cas, les EPA ainsi travaillés, contrairement aux deux
cas précités, répondent assez fidèlement à la
notion d’objet de recherche de Davallon.
L’étude des premiers travaux sur les EPA indique que la
quête d’une définition qui soit universelle et consensuelle
serait une entreprise contreproductive dans la mesure où chaque chercheur
définit son objet de recherche en fonction de son point de vue sur le
phénomène. L’élaboration de définitions
multiples apparaît plutôt comme une démarche féconde
permettant de mettre en évidence la complexité et
l’hétérogénéité de l’objet de
recherche adéquatement problématisé et
théorisé.
5. Problématisation et théorisation des EPA
Toujours selon (Davallon, 2004),
dans une démarche de recherche, après avoir défini son
objet de recherche, le chercheur choisira un cadre d’analyse
théorique et formulera des hypothèses à vérifier.
Nous présentons ici deux recherches qui utilisent la théorie de
l’activité comme cadre d’analyse théorique tout en
adoptant des points de vue et des objectifs fort différents. La
première recherche (Buchem et al., 2011) tente de structurer le concept d’EPA selon le modèle de
l’activité alors que la seconde (Fiedler et Väljataga, 2011) applique une approche socio-historique pour débusquer les tensions et les
contradictions dans le système d’activité à
l’intérieur duquel les EPA se développent.
5.1 Les EPA, un système d’activité complexe
Préoccupés par la diversité et la variété
des conceptualisations des EPA, (Buchem et al., 2011) veulent cerner les caractéristiques et les particularités de ce
phénomène. Ils formulent l’hypothèse que les EPA sont
des systèmes complexes qui peuvent être analysés en
appliquant la théorie de l’activité développée
par Engeström (1999; 2001) pour en identifier les concepts clés et
dégager les relations qui existent entre ceux-ci. Leur choix
théorique est justifié par le fait que le concept d’EPA
cible l’appropriation de différents outils par l’apprenant
dans le cadre d’une activité située dans un contexte social
qui influence l’usage des outils, la participation aux activités et
l’engagement dans la communauté. Ainsi décrit,
l’apprentissage se présente comme une activité
médiée par l’outil, située, collective et
dirigée vers l’objet.
La recherche de (Buchem et al., 2011) a pour but de faire émerger de l’analyse des écrits des
catégories conceptuelles qui, mises en relation, devraient permettre de
découvrir des explications théoriques du phénomène
des EPA. Plus de 100 publications2 ont
été analysées selon une technique d’analyse
systématique et itérative procédant en trois
étapes principales : identification des concepts qui émergent
des données empiriques tirées des écrits ;
catégorisation des concepts centraux selon les six pôles du
modèle bi-triangulaire de l’activité (sujet, objet, outil,
communauté, règles et division du travail); mise en relation des
concepts centraux de chaque pôle du système avec les cinq autres
des pôles3.
(Buchem et al., 2011) présentent de manière schématique la synthèse des
résultats de leur analyse. Les concepts centraux des EPA ont
été catégorisés et classés sous chacun des
pôles du modèle de l’activité (figure 2). Dix-neuf
concepts ont été extraits des écrits. L’apprenant
comme sujet, premier acteur et agent de l’EPA, est
caractérisé par des concepts de possession, de contrôle et
de littéracie ; les outils renvoient aux concepts de
personnalisation et de facilitation ; l’objet de
l’activité est orienté par les concepts
d’intérêt, de participation et de contrôle ; la
division du travail correspond aux concepts de rôles des apprenants, des
enseignants, des pairs et de l’institution ; la communauté est
liée aux concepts de soutien social et de passage de
frontières ; finalement, les règles sont
caractérisées par les concepts d’ouverture, de distribution
et de connexion.
Figure 2 • Summary of elements and
their core dimensions (Buchem et al., 2011)
Les résultats détaillés sont présentés
dans le texte intégral sous forme de six tableaux correspondant aux six
pôles du modèle de l’activité. Ils fournissent pour
chaque concept central une liste des propriétés descriptives.
Chaque tableau est suivi d’un court texte qui paraphrase le contenu des
tableaux. Dans leur conclusion, (Buchem et al., 2011) observent que les concepts clés qui ressortent de leur analyse
─ contrôle, littéracie, autonomie et
responsabilisation ─ sont très souvent mentionnés dans
les écrits mais rarement définis, fondés
théoriquement ou différenciés. Ces omissions selon les
auteurs ne permettent pas d’obtenir une vue d’ensemble claire et une
compréhension approfondie des EPA. Ils regrettent cette situation et
insistent sur la nécessité de poursuivre les recherches menant
à la découverte théorique et empirique des principaux
concepts liés aux pôles constitutifs des EPA en tant que
système d’activité. Ils souhaitent également que la
théorie de l’activité soit appliquée à
d’autres recherches et qu’elle soit évaluée pour
vérifier sa pertinence pour l’étude et la conception des
EPA.
Les auteurs sont d’avis que leur analyse a su dépasser le niveau
des interprétations descriptives pour arriver à des
conceptualisations abstraites qui rehaussent le niveau de maturité de
leur travail. Ils soulignent que leur recherche est la première analyse
scientifique des EPA fondée sur la théorie de
l’activité. Toutefois, il est à noter que les
résultats qu’ils en ont tirés ne répondent
qu’en partie à leur question de recherche, laquelle portait sur les
caractéristiques et les particularités des EPA. Leur analyse a
simplement permis d’identifier les concepts clés liés aux
EPA et de les catégoriser en utilisant les composantes du modèle
de l’activité.
Il faut admettre que cette application de la théorie de
l’activité est réductrice. En se limitant à
catégoriser les concepts, les auteurs ne sont pas arrivés à
mettre en lumière les relations – tensions et contradictions
internes – qui existent au sein des EPA en tant que système
d’activité. Les deux seuls problèmes relevés
– la diversité des conceptualisations et des
interprétations des EPA et leurs faiblesses
théoriques – ne se rapportent pas au système
d’activité lui-même, mais à la qualité des
travaux de recherche qu’ils ont analysés. Les tensions et les
contradictions existantes à l’intérieur du système,
très souvent mentionnées de manière explicite dans les
écrits, sont passées sous silence, entre autres, la contradiction
entre le contrôle par l’apprenant sur son EPA (sujet) et le
rôle centralisateur de l’institution (division du travail); la
tension entre l’apprenant responsable de son apprentissage (sujet) et
l’enseignant responsable du design de l’apprentissage (division du
travail); et la tension entre la littéracie de l’apprenant (sujet)
et les compétences non maîtrisées par l’apprenant pour
la construction de son EPA (outil).
5.2 Les EPA, un système d’activité en tension
(Fiedler et Väljataga, 2011) appliquent l’approche socio-historique et s’inspirent
également de la théorie de l’activité
développée par Engeström (1987) pour analyser les
interprétations et les conceptualisations des EPA. Ils postulent que les
différentes appartenances disciplinaires et les orientations
professionnelles des chercheurs n’expliquent pas à elles seules la
diversité des conceptualisations. Ils estiment que cette
variété peut être interprétée comme
l’expression d’une seule et même contradiction plus
fondamentale perçue et présentée de manières
différentes. Fiedler et Väljataga expliquent que les EPA seraient un
contre-concept traduisant un conflit et une tension croissante entre deux
entités rivales au sein du système d’activité
éducatif. D’une part, les institutions éducatives ont mis en
place des systèmes d’activités instrumentés par les
nouveaux outils de l’ère numérique tout en conservant les
mêmes modèles dominants de contrôle et de
responsabilité (règles, division du travail) afin de
ré-instrumenter l’activité d’enseigner et
étudier. Leur choix s’est tourné vers des plateformes et
systèmes de gestion des apprentissages centralisés qui
reproduisant la domination d’un modèle et de pratiques
séculaires. D’autre part, un nombre croissant de personnes
conscientes de la prégnance du numérique dans leurs vies ont fait
l’expérience de l’auto-direction, de
l’autocontrôle et de la responsabilisation que cette nouvelle
instrumentation rend possible pour apprendre en contextes formel et non-formel.
Cette expérience s’oppose aux modèles qui guident les
pratiques institutionnelles. Ainsi, dans une perspective socio-historique,
l’émergence de la notion d’EPA serait l’expression de
la contradiction et de l’incompatibilité que perçoivent les
chercheurs et que vivent les praticiens du milieu éducatif qui
participent pleinement à l’ère du numérique.
Fiedler et Väljataga ont une vision optimiste de l’arrivée
du numérique et proposent d’envisager de manière globale les
transformations qu’elle induit. Leur analyse va au-delà des
contradictions et tensions observées à l’intérieur du
système éducatif pour mettre en évidence celles qui
existent entre le système éducatif et les autres systèmes
sociaux, c’est-à-dire entre l’instrumentation de
l’éducation formelle et l’expérience
d’agentivité vécue par ceux qui baignent dans
l’univers numérique. Ces auteurs expliquent que le numérique
a désormais pénétré tous les processus et les
systèmes d’activité sociétaux. Il s’agit
d’un phénomène global, éminent et marquant de notre
époque qui constitue une source inépuisable de possibilités
pour la pratique humaine, mais qui pose à la fois des défis
impressionnants de développement pour les individus et pour les
systèmes d’activités. Selon les auteurs, historiquement,
nous nous situons individuellement et collectivement au stade précoce
d’une transformation fondamentale dont le processus génère
un ensemble de contradictions pour les individus et les systèmes
d’activité. Sous la poussée du web, médium phare
dominant actuellement, nous sommes amenés à changer graduellement
la manière dont nous percevons l’objet de l’activité
et comment un artefact peut être transformé en instrument utile.
Nous nous situons au début d’un processus développemental
individuel et collectif de coévolution dont les phases sont
progressivement orientées vers l’acquisition
d’équivalences fonctionnelles, l’exploration de nouvelles
configurations d’instruments et la découverte de nouvelles
affordances. Il faut s’attendre à ce que les transformations
fondamentales que nous sommes appelés à vivre soient
caractérisées par la disparité et la variété
des stades développementaux et des trajectoires. L’éducation
et sa ré-instrumentation n’échappent pas à ces
transformations. Au cours des premières phases, il est normal de
reproduire les vieux patterns de contrôle et de responsabilité dans
l’usage des nouveaux outils. Cette tendance a toutefois pour effet de
limiter les efforts de re-conception, de ré-instrumentation et
d’implantation d’activités qui contribuent au
développement des individus et des collectifs sur un mode de
coévolution. Pour ces auteurs, ce sont ces aspects qui doivent être
examinés par la recherche pour tenter de reconfigurer
l’activité d’enseignement et son instrumentalisation afin que
l’apprenant puisse actualiser son contrôle et sa
responsabilité et donner forme à son activité et à
son EPA.
Fiedler et Väljataga insistent sur le fait qu’il faut
éviter de traiter les problèmes de ré-instrumentation de
l’activité d’enseignement et d’apprentissage en
relation avec les configurations actuelles du web (standards, services,
applications). Car nous courons le risque de nous engager dans une exploration
provisoire et non-durable de nouveaux outils sans jamais les mettre en relation
avec un modèle personnel de l’activité d’apprentissage
intentionnel et un modèle élargi de la personne et de son
développement en tant qu’apprenant.
5.3 Perspectives de recherche contrastées
(Buchem et al., 2011) et (Fiedler et Väljataga, 2011) appliquent et exploitent la théorie de l’activité de
manière contrastée. Dans la construction de leur objet de
recherche, leurs travaux se distinguent par l’échelle
d’observation et par le niveau d’abstraction. Pour (Davallon, 2004),
l’échelle d’observation amène le chercheur à
choisir entre des approches micro ou macro, alors que le degré
d’abstraction mis en œuvre est défini selon que le chercheur
est « orienté soit vers la construction de
représentations conceptuelles, faisant appel à des objets
scientifiques préconstruits ou soit au contraire vers la description des
objets, des faits ou des représentations.» (p. 34).
Sur l’échelle d’observation, l’étude de (Buchem et al., 2011) correspond à une approche microscopique analysant le sujet
apprenant en relation avec le contexte institutionnel. Les concepts
extraits des écrits, associés aux six pôles du modèle
bitriangulaire de l’activité, sont plutôt de l’ordre
des descriptions et des représentations. Bien que ces chercheurs
soutiennent avoir atteint un degré d’abstraction dans
l’analyse, les résultats demeurent descriptifs à
défaut d’avoir analysé les relations entre les concepts pour
faire émerger les contradictions. Buchem et al. déplorent
eux-mêmes l’insuffisance des résultats qu’ils ont
obtenus, qu’ils attribuent aux faiblesses théoriques des
écrits analysés alors que nous soumettons qu’elle
découle de la déficience de leur propre analyse. Il semble que ces
chercheurs ont sous-exploité la puissance d’analyse de la
théorie de l’activité, limitant sensiblement la
portée de leur travail. Sans vouloir nier l’utilité de leur
recension bibliographique et de leur catégorisation des concepts,
l’absence de mise en évidence des tensions et des contradictions
dans le système d’activité ne leur a pas permis de
dégager une compréhension en profondeur des EPA pour en construire
une représentation consistante.
(Fiedler et Väljataga, 2011) pour leur part appliquent une perspective socio-historique pour l’analyse
macroscopique des systèmes d’activité des transformations
individuelles et collectives induites dans nos sociétés par la
ré-instrumentation numérique massive. L’analyse identifie et
appréhende dans la durée les tensions et les contradictions qui
surgissement dans les systèmes d’activité et leur donne une
signification élargie en les associant au développement humain.
Dans les systèmes éducatifs également confrontés aux
transformations, tensions et contradictions impulsées par le
numérique, les EPA se situent pour ces auteurs à un niveau
microscopique. Ils sont le reflet de cette problématique, mais n’en
sont pas le cœur. Ils sont un instantané de l’état
actuel du développement individuel et collectif par rapport au
numérique. Tout en reconnaissant que la vision optimiste de Fiedler et
Väljataga puisse être critiquée, il faut admettre que ces
auteurs traitent les EPA à un niveau d’abstraction
élevé offrant une compréhension approfondie et une
signification élargie du phénomène.
6. Confrontation à l’expérience
Nous terminons notre analyse d’écrits
sur les EPA par la présentation de deux recherches menées sur le
terrain. La première (Valtonen et al., 2012) vise à vérifier la capacité des apprenants à
construire leur EPA et la deuxième (Väljataga et Laanpere, 2010) a comme objectif principal de mettre à l’épreuve
auprès d’apprenants un design pédagogique visant le
développement de leur capacité d’auto-direction.
6.1 Les EPA, une construction personnelle
La recherche de (Valtonen et al., 2012) vise à comprendre le point de vue d’apprenants universitaires
invités à faire l’expérience de la construction et de
l’utilisation d’un EPA. Elle permet de vérifier les avantages
et les potentialités pédagogiques attribués aux EPA dans
les écrits, à savoir le développement des capacités
d’autorégulation, de personnalisation, de contrôle et
d’autogestion des apprentissages, la mobilisation des compétences
métacognitives et le vécu d’expériences
d’apprentissage significatives. La recherche tente de répondre
à deux questions. Quelle sera la configuration des EPA construits par les
apprenants ? Quels défis auront-ils relevés?
L’hypothèse étant que, tel qu’avancé dans les
écrits, les apprenants peuvent construire eux-mêmes leur EPA et en
retirer plusieurs avantages.
L’expérience menée pendant une année
académique auprès de 33 apprenants de 20 à 46 ans inscrits
à des cours de six disciplines différentes. Ils devaient
construire leur EPA en utilisant la plateforme technologique de leur choix et
s’en servir de manière régulière pour apprendre. Les
résultats obtenus par les chercheurs diffèrent sensiblement de
ceux qu’ils avaient anticipés sur la base des écrits. Sans
présenter les caractéristiques innovantes relevées dans les
écrits, tous les EPA construits par les apprenants comportent des outils
de collaboration et de réseautage, des plus simples aux plus complexes.
Ils adoptent différentes configurations associées à
diverses intentions. La première configuration, conçue pour suivre
le déroulement de la formation, reproduit le modèle des
environnements d’apprentissage traditionnels (LMS). La deuxième
configuration se veut un environnement de réflexion incluant des outils
de partage et de communication qui permettent d’entretenir un dialogue
pour approfondir l’expérience d’apprentissage. La
troisième configuration prend la forme d’une vitrine ouverte au
public de type CV ou portfolio mettant en valeur les compétences et les
savoir-faire dans une perspective de recherche d’emploi. Valtonen et al.
notent que, contrairement aux idées de Stephen Downes (2010) et de
nombreux autres auteurs, les apprenants ont peu fait usage d’outils pour
la recherche et l’agrégation de ressources. Seuls les apprenants en
informatique ont construit leur environnement en assemblant une plus grande
palette de logiciels ou en le programmant eux-mêmes. Plusieurs apprenants
pris au dépourvu face à la tâche ont tout simplement
utilisé Ning, une plateforme existante, pour construire leur EPA.
D’autres ont indiqué ne pas avoir les compétences
suffisantes face aux technologies ni disposer du temps nécessaire pour
apprendre à les manipuler.
Selon Valtonen et al., ces résultats remettent en cause
l’hypothèse courante au sujet de l’inventivité et de
la créativité des natifs du numérique dans l’usage
des technologies tel que le proposent plusieurs études (Kvavik, 2005), (Valtonen et al., 2011).
Les données recueillies montrent que mêmes les plus jeunes ne
savent pas utiliser les technologies du web social dans un contexte
d’apprentissage formel. Les résultats indiquent également
que les apprenants éprouvent des difficultés à participer,
à collaborer et à maintenir des interactions de qualité
avec les autres apprenants. Pour ces chercheurs, le problème ne
réside pas dans la capacité d’assembler un EPA mais
plutôt dans le développement de pratiques qui exploitent
efficacement les technologies pour apprendre.
Ainsi confrontés à la réalité du terrain, les
présomptions recensées dans les écrits en rapport avec le
processus de construction des EPA, leur configuration et leur usage par les
apprenants n’ont pas été vérifiés. Les
idées visionnaires exprimées surtout dans la première vague
de recherches sur les EPA ne se sont pas avérées. Valtonen et ses
collaborateurs indiquent toutefois que les résultats obtenus sont
malgré tout encourageants. Bien que la construction des EPA ait
représenté un défi pour plusieurs, la plupart des
apprenants ont donné un sens à la construction de leur EPA et ont
trouvé l’expérience enrichissante.
6.2 Les EPA, une composante du design pédagogique
La recherche de (Väljataga et Laanpere, 2010) est menée dans le cadre d’un cours en ligne offert à des
apprenants de plusieurs pays. Elle prend la forme d’une intervention ayant
pour objectif la création et la mise en œuvre
d’expériences éducatives au cours desquelles les apprenants
pourront s’exercer à l’auto-direction par la
réalisation d’un projet d’apprentissage personnel et par la
création de leur EPA. Cette recherche soulève la
problématique du contrôle de l’apprenant et met en cause le
design de l’intervention pédagogique.
Le contrôle y est défini comme une expression de
l’auto-direction et les EPA sont conceptualisés comme un moyen de
développement du contrôle. Selon les auteurs, en matière de
design pédagogique, on se doit de délaisser les approches
prescriptives pour se tourner vers des approches plus ouvertes et plus globales
qui, tout en visant l’apprentissage de connaissances liées à
un domaine, soutiennent la capacité de l’apprenant à
construire et à entretenir son propre environnement
d’apprentissage. Dans ce contexte, la recherche/intervention de
Väljataga et Laanpere met en œuvre le design d’un cours en ligne
structuré en deux grandes étapes favorisant des apprentissages
autodirigés. La première étape du cours
réalisée sur Moodle est dédiée à la
définition par chaque apprenant d’un projet personnel
d’apprentissage dont il aura le contrôle. Au cours de la seconde
étape, le cours migre sur un blogue et des groupes sont formés.
Chaque apprenant crée alors son propre blogue qui servira de base
à la construction de son EPA. Chacun formalise par la suite son projet
sous forme de contrat incluant les objectifs, les actions à mener et les
ressources à utiliser, les résultats escomptés et les
critères d’évaluation. Ce travail a valeur
d’engagement que l’apprenant prend avec lui-même et dont il a
l’entier contrôle.
Des 77 apprenants inscrits à ce cours expérimental, 49 ont
réussi, 16 ont abandonné dès le début et 12 autres
ont échoué. Les résultats de la recherche indiquent que la
préparation du contrat d’apprentissage fut une étape
exigeante. Seulement la moitié des apprenants ont pu jusqu’à
un certain degré développer et clarifier leur projet. La
difficulté s’explique par la nouveauté de la tâche.
Par ailleurs, l’expérience de construction des EPA a posé un
défi à ceux qui n’avaient évolué que dans des
environnements d’apprentissage fermés, structurés et
prédéfinis. Pour eux, l’exercice s’est
avéré ardu et chronophage, mais ce ne fut pas le cas pour ceux qui
avaient des connaissances en informatique. Après avoir passé
l’étape du choix des outils et des services, les apprenants ayant
éprouvé des difficultés se sont sentis plus à
l’aise pour apprendre dans l’environnement qu’ils avaient
construit et qu’ils contrôlaient. L’absence de structure des
EPA n’a pas fait l’objet de critiques. Tous étaient
d’avis que les outils qu’ils avaient retenus étaient utiles
pour la communication et la socialisation et qu’ils allaient continuer
à les utiliser à l’avenir. Tous ont aussi eu le sentiment
d’apprendre beaucoup non seulement sur le plan du contenu mais aussi sur
le travail en équipe.
Les recherches qui s’apparentent à celles de (Valtonen et al., 2012) et de (Väljataga et Laanpere, 2010) ne sont pas légion. Elles appliquent des démarches de recherche
systématiques mettant à l’épreuve le discours
prospectif, voire idéalisé, sur les EPA et sur les effets
qu’ils induisent. Ces travaux représentent un intérêt
pour la construction et la problématisation de l’objet de recherche
et pour la vérification sur le terrain d’idées qui,
confrontées à des données réelles, peuvent
être ou ne pas être qualifiées d’objets
scientifiques.
6.3 Construction de l’objet scientifique
L'objet scientifique tel que défini par (Davallon, 2004) désigne une représentation du réel construite en
s’appuyant sur des résultats de recherche et sur la connaissance
produite. Les deux recherches présentées dans cette partie
bouclent le processus de recherche par la production de résultats
vérifiés par l’expérience à partir desquels il
est possible de déconstruire une représentation idéale des
EPA et d’amorcer la construction d’une représentation
scientifiquement fondée des EPA.
La première recherche confirme l’idée voulant que
l’assemblage d’un EPA ne suffise pas pour assurer un apprentissage
engagé, autonome, autogéré et participatif, nourri par des
interactions sociales fécondes. Elle propose une représentation
hybride des EPA en deux dimensions. Ils sont d’abord un artefact
technologique personnalisable aux configurations diverses, dont les variations
sont principalement attribuables à l’intention de
l’apprenant. Ils sont également un phénomène
associé à des défis que l’apprenant se donne :
construire l’artefact (acquérir des compétences techniques)
et apprendre à l’utiliser pour apprendre (se familiariser avec la
manipulation des technologies en contexte d’apprentissage et
intégrer des pratiques de communication et de collaboration dans sa
manière d’apprendre).
La deuxième recherche construit une représentation fort
différente. Les EPA ne sont pas considérés avant tout comme
un artefact technologique construit par l’apprenant. Ils vont
au-delà du choix de technologies et de ressources qui le composent. Ils
font partie d’une stratégie de design pédagogique ouvert
invitant l’apprenant à construire son EPA dans le but de
l’investir du plein contrôle de ses apprentissages. Les EPA
renvoient ainsi à un phénomène subjectif associé
à un projet d’apprentissage intentionnel autodirigé.
7. Conclusion
En utilisant les définitions de Davallon
(2004), nous avons analysé des écrits scientifiques
témoignant de la diversité des conceptualisations des EPA. Notre
but était d’atteindre une meilleure compréhension des
recherches sur cette thématique et de les situer par rapport au processus
de construction des connaissances. L’exercice nous apparaissait
nécessaire afin de mettre en perspective les travaux
réalisés depuis une dizaine d’années.
Notre étude montre que la première vague de recherches
menées par des chercheurs en informatique est marquée par des
développements technologiques qui prennent leur fondement sur une vision
idéale des EPA. Ces travaux ont servi de point de départ à
des explorations plus poussées du phénomène par des
chercheurs d’autres disciplines, notamment en technologie
éducative. Cette deuxième vague de recherches tente de mieux
comprendre ce que sont les EPA à travers des constructions
théoriques d’objets de recherche originaux et porteurs, ouvrant la
voie à un cycle complet de production de connaissances dont la
scientificité est renforcée par la formulation
d’hypothèses et leur vérification sur le terrain.
Sans pouvoir anticiper l’orientation que pourra prendre une
troisième vague de recherche, nous croyons que le questionnement sur la
nature des EPA est toujours d’actualité et qu’il devrait y
occuper une place importante. Le texte de cadrage de la conférence
internationale sur les EPA de 2013 (PLE Conference, 2013) abonde dans ce sens. En s’interrogeant sur ce que sont les EPA, les
promoteurs de la conférence apportent une réponse soulignant
l’hétérogénéité du
phénomène. « What are Personal Learning Environments
(PLEs)? Personal Learning Environments (PLEs) are an approach to
Technology-Enhanced Learning based on the principles of learner autonomy
and empowerment. PLEs include methods, tools, communities, and
services constituting individual learning infrastructures or ecosystems
which learners use to direct their own learning and pursue their
educational goals. » L’édition 2014 de cette
même conférence (PLE Conference, 2014) prend une distance par rapport à la question en se donnant comme objectif
d’aller au-delà des discussions au sujet de la définition
des EPA pour les envisager comme une pratique. « The 5th Edition of
the PLE conference aims to move beyond discussions about definitions to explore
emergent practices for living, learning and working in relation to PLEs and the
new understandings and underlying needs that arise around these practices in our
contemporary society. » Nous pensons qu’il serait
réducteur de définir les EPA uniquement comme une pratique. Les
recherches à venir ne pourront négliger leur complexité et
leur hétérogénéité. Les EPA sont des hybrides
de science et de technologie liés à des problématiques que
des chercheurs de diverses appartenances disciplinaires construisent à
partir de leur analyse de la réalité technique et sociale. Les
points de vue multiples et les différentes conceptualisations des EPA qui
éclairent le phénomène ne peuvent que contribuer à
la mise en œuvre de processus de recherche féconds qui aideront
à appréhender les profondes transformations individuelles et
sociétales de l’ère numérique, notamment les
nouvelles pratiques qui façonnent les nouvelles manières
d’apprendre.
L’hybridité et la complexité font des EPA une
thématique de recherche multidisciplinaire. Dans ce contexte, il serait
souhaitable que les chercheurs qui s’y intéressent travaillent en
synergie et croisent leurs résultats afin d’exploiter de la
complémentarité de leurs recherches tant dans leurs dimensions
techniques que sociales. Les chercheurs en informatique pourront tirer de ce
partage un enrichissement des conceptualisations qui guident la conception des
EPA comme objet technique, alors que les chercheurs d’autres disciplines
pourront y trouver matière à l’élaboration de
problématiques qui intègrent une meilleure prise en compte de
l’instrumentation technique. L’objectif étant de soutenir un
processus de construction des connaissances toujours plus rigoureux et de
développer au sein de la communauté de chercheurs qui
s’intéressent aux EPA une vision cohérente et
partagée de cette thématique de recherche.
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A
propos des auteurs
France HENRI est professeure honoraire à la
Télé-université et chercheuse régulière au
Centre de recherche LICEF du
même établissement. Ses intérêts de recherche portent
sur l'apprentissage et le travail collaboratif, les communautés
virtuelles et la conception d'environnements d'apprentissage virtuels incluant
les MOOC et les environnements personnels d'apprentissage.
Adresse : Centre de
recherche LICEF, Télé-université, 5800, rue Saint-Denis,
bureau 1105, Montréal (Québec) H2S 3L5
Courriel : france.henri@teluq.ca
1 MOOC, pour Massive Open Online
Course. Stephen Downes distingue deux types de MOOC à savoir les xMOOC et
les cMOOC qui renvoient à des conceptions de l’apprentissage
diamétralement opposées. Les xMOOC se limitent le plus souvent
à des visionnements de capsules vidéo et à la passation de
courts questionnaires à choix multiples. On y observe une relative
pauvreté des activités pédagogiques proposées aux
participants et ils n’offrent que peu ou pas d’encadrement
pédagogique. Les cMOOC se caractérisent par une approche
pédagogique fondée sur la théorie du connectivisme de
Siemens. Pour une présentation de ce qu’est un cMOOC : http://www.youtube.com/watch?v=eW3gMGqcZQc
2 Les écrits recensés portent
sur les EPA et ont été publiés entre 2006 et 2011 dans
des revues scientifiques, des actes de colloques et de conférences, du
matériel de cours sur les EPA, des rapports de projets et des billets sur
des blogues d’experts. Buchem et ses collègues ont rassemblé
ces écrits dans une banque de ressources sur les EPA extrêmement
complète et accessible à tous. Ils invitent les chercheurs
à contribuer à cette banque par l’ajout de nouvelles
références (http://plep.pbworks.com).
3 La troisième étape de la
méthode n’a pas été appliquée pour
l’élément « division du travail ». Elle
prévoyait la mise en relation des concepts clés avec les cinq
autres pôles du système.
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