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Connaissances embarquées pour personnaliser les
environnements d’apprentissage : Application à la plate-forme
OP4L
Monique GRANDBASTIEN, Samuel NOWAKOWSKI (LORIA, Université de Lorraine,
Nancy)
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RÉSUMÉ : La
conception et la réalisation logicielle d’environnements personnels
d’apprentissage repose sur la modélisation d’un ensemble de
données variées et l’utilisation des technologies web
disponibles. Cet article donne un bref aperçu des catégories de
données le plus souvent utilisées pour personnaliser les
environnements d’apprentissage ainsi que des traitements
opérés. Il se focalise ensuite sur les approches à base de
connaissance et sur l’utilisation de modèles ontologiques
partagés pour assurer l’interopérabilité des
données entre les services. Cette dernière approche est
illustrée par la modélisation et l’implantation de la notion
de présence en ligne sur la plate-forme OP4L ainsi que par les retours
d’étudiants utilisateurs.
MOTS CLÉS : e-formation,
présence en ligne, modèles ontologiques, web
socio-sémantique, réseaux sociaux, environnement
personnalisé de formation.
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Embedded knowledge to customize learning environments: Application to OP4L platform |
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ABSTRACT : The
design and implementation of personal learning environments is based on the
modeling of a set of diverse data and the use of available web technologies.
This article gives a brief overview of the types of data most often used to
customize the learning environments as well as of the way to process these data.
It then focuses on knowledge based approaches and the use of shared ontological
models to ensure data interoperability between services. This approach is
illustrated by the inclusion of the concept of on line presence in the OP4L
platform and by students’ feedbacks.
KEYWORDS : e-learning,
online presence, ontological models, socio-semantic web, social networks,
personal learning environment. |
1. Introduction
L’objectif de
personnalisation des formations est très présent à la fois
du point de vue social et institutionnel. La personnalisation des environnements
numériques dans lesquels se déroulent de plus en plus les
activités des apprenants est probablement un aspect de sa mise en
œuvre. Dans ce contexte, qu’est-ce qu’un environnement
personnel d’apprentissage (EPA) et quelles questions de conception et
réalisation logicielles pose ce type d’environnement ? La
communauté scientifique ne dispose pas encore d’une
définition communément admise pour un EPA. En effet, dans un
précédent numéro de la revue STICEF (Lavoué et Rinaudo, 2012),
Lavoué et Rinaudo considéraient que « individualisation et
personnalisation sont des termes ambigus », souvent utilisés
l’un pour l’autre car ils renvoient aux notions voisines
d’individu et de personne. Par ailleurs, les écrits sur les EPA
mettent tantôt l’accent sur une approche techniciste en termes de
composants logiciels, tantôt sur l’activité de l’usager
dans le choix et l’utilisation de tels composants (Henri, 2014). Le
présent article adopte plutôt le point de vue d’un assemblage
de composants tel que proposé dans (Attwell, 2007),
c’est-à-dire une collection de services et d’outils choisis
par l’apprenant et qui aide ce dernier à construire son propre
réseau d’apprentissage comprenant différents types de
ressources de formation, numériques ou humaines. Mais il servira aussi de
base de discussion pour concevoir et implanter des fonctions
suggérées à partir d’autres définitions. Nous
nous focalisons sur la réalisation de différentes dimensions de la
personnalisation au sein de composants logiciels destinés à des
EPA, sans pour autant aborder de façon générale la question
de leur réunion au sein d’un EPA.
Nous montrons (§2 et §3) que du point de vue de la conception et de
la réalisation, la personnalisation suppose des connaissances
particulières embarquées dans le logiciel et nous faisons un
rapide état de l’art de l’existant sur ce point. Nous prenons
ensuite (§4) l’exemple d’un environnement particulier,
greffé sur une plateforme Moodle, pour montrer quels modèles de
connaissances sont utilisés et quelle architecture permet de
déployer des services personnalisés. Nous décrivons de
façon détaillée la modélisation des données
spécifiques à la prise en compte de la présence en ligne
d’utilisateurs (apprenants, enseignants, professionnels, etc.). Les
premières observations faites avec des étudiants utilisateurs sont
présentées ensuite. Enfin (§5), nous nous interrogeons sur
des prolongements possibles tant au niveau du prototype décrit que de la
personnalisation des environnements de travail des apprenants en
général.
2. EPA et personnalisation des ressources pédagogiques en ligne
Dans son article fondateur (Vassileva, 2008),
Vassileva a établi que la mise en œuvre de technologies
éducatives impose de s'intéresser au contexte social de
l'apprentissage. Elle définit alors trois rôles principaux pour les
environnements de formation du futur : (1) accompagner l'apprenant dans sa
recherche du contenu adéquat (en accord avec le contexte, en tenant
compte de la spécificité de l'apprenant et de ses besoins, le tout
pédagogiquement), (2) accompagner l'apprenant dans sa mise en relation
avec les personnes appropriées (...) et (3) le motiver et l’inciter
dans ses apprentissages.
Pour atteindre ces objectifs, les recherches se sont appuyées sur des
travaux menés dans différents domaines. L'identification de
ressources éducatives est l'un d'eux. Ce problème a largement
été étudié en particulier par des approches
exploitant l'interopérabilité des métadonnées,
menant à l'utilisation d'ontologies et permettant une meilleure
adéquation entre les besoins des apprenants et le contexte. En tant
qu'applications du web social, les solutions proposées exploitent
à la fois les ontologies et les approches par mots-clés. Dans le
même temps, la communauté des chercheurs en recommandation de
contenus a développé des algorithmes puissants pour le secteur du
e-commerce, ce qui a incité les chercheurs à les adapter dans le
contexte de la e-formation (Vuokari et al., 2009).
La prise en compte de la présence humaine en est un autre. Cela fait
plusieurs années que les chercheurs affirment que la présence
sociale est un facteur clé de la réussite en e-formation (Cob, 2009), (Lowenthal, 2010).
Aux commencements, la présence sociale n'était prise en compte que
par la mise en place de forums et de messageries instantanées, ces outils
ayant vocation à établir et maintenir le côté social.
Le vrai changement a été de pouvoir intégrer les
réseaux sociaux en ligne dans les EPA et d’offrir ainsi des
ressources humaines. En théorie, ceci doit permettre aux étudiants
d'interagir avec leur réseau social dans son ensemble, mais pour un
contexte d’apprentissage donné, de nouvelles questions se posent :
savoir qui est actif, qui pourrait être disponible, qui est le plus
compétent pour répondre à une question ou apporter de
l'aide, etc. (Beham, 2010).
Les propositions issues des recherches doivent ensuite être
implantées dans des composants logiciels et mises à la disposition
des apprenants. C’est par exemple ce qui a été fait dans le
cadre du projet ROLE (Responsive Open Learning Environment) qui visait
à proposer des environnements d’apprentissage garantissant aux
étudiants d’être acteurs de leurs apprentissages, facilitant
l’accès aux ressources ainsi que la mise en place de
démarches réflexives (ROLE, 2013).
L’approche adoptée dans ce projet et présentée dans (Bogdanov et al., 2012) vise à intégrer les principales fonctionnalités des EPA
dans le LMS des étudiants en y implantant des widgets
activables à la demande, permettant d’étendre les
fonctionnalités de la plateforme d’enseignement.
Nous allons maintenant détailler la mise en œuvre de
fonctionnalités associées à ces objectifs à
partir de données embarquées dans les systèmes
informatiques.
3. Personnaliser à partir de modèles de connaissances
Nous considérons ici non pas la
personnalisation venant du choix de composants par l’apprenant, mais celle
venant des composants logiciels eux-mêmes, avec faculté pour
l’apprenant d’utiliser ou non le service. La personnalisation se
traduit alors notamment par des services un peu « intelligents » qui
se souviennent de qui est l’apprenant, de ce qu’il a fait, de ce
qu’il est en train de faire, dans quel univers physique, professionnel
et/ou social il vit. Ce type de comportement suppose des données
partagées et échangées entre les différents
services. De quelles données avons-nous donc besoin et comment les
modéliser ? Plusieurs approches ont été proposées
pour la réalisation d’applications personnalisées à
la formation, nous les décrivons brièvement, puis nous focalisons
notre présentation sur les modèles à base de connaissances.
Nous développons successivement les connaissances à
représenter, la nécessité d’assurer
l’interopérabilité au niveau des modèles et nous
donnons des exemples de modèles déjà utilisés pour
réaliser des environnements personnels d’apprentissage.
3.1 Plusieurs approches pour réaliser la personnalisation
Historiquement, la personnalisation a toujours été un objectif
des travaux sur les systèmes informatiques pour l’apprentissage.
Les premiers tuteurs intelligents (Sleeman et Brown, 1982) et les hypermédias adaptatifs (Brusilovsky, 1996) offraient des fonctions de personnalisation reposant sur des connaissances
embarquées dans ces systèmes. Si les architectures et les
fonctionnalités visées aujourd’hui sont bien
différentes de ces systèmes pionniers, les bases de modèles
apprenant étaient posées dans les systèmes tutoriels
raisonnant à partir d’un modèle apprenant nommé
« overlay », c’est-à-dire construit « par
recouvrement » à partir du modèle des connaissances du
domaine. La personnalisation concernait alors les rétroactions du
système pendant l’exécution d’une activité
ainsi que le séquencement des activités ou l’adaptation des
parcours. Ces modèles ont été enrichis notamment avec
l’utilisation de modèles bayésiens (Conati, 2010) et
par la prise en compte de plusieurs autres facteurs incluant par exemple des
aspects émotionnels. De nombreux exemples en sont proposés dans la
revue IJAIED (IJAIED, 2009) dont les articles sont accessibles en ligne.
Ensuite sont apparues des méthodes numériques issues de la
fouille de données (analyse de traces d’usage personnelles ou
collectives). Ces méthodes développées plutôt dans le
contexte du e-commerce ont été adaptées notamment pour la
recommandation de ressources dans les systèmes de formation (Vuokari et al., 2009), (Manouselis et al., 2010), (Santos et Boticario, 2012),
puis pour l’analyse des traces des apprenants (STICEF, 2007), (Marty et Mille, 2009).
Un courant de recherche spécifique sur la personnalisation s’est
développé suite à l’augmentation du nombre et de la
qualité des données disponibles via les sessions
d’apprentissage en ligne, comme en témoignent la création
des conférences Educational Data Mining (EDM, 2009) et
Learning Analytics (LAK, 2009) et celle
de la revue Journal of Educational Data Mining (EDM, 2009) et
d’un numéro spécial de JETS (IFETS, 2009).
Chaque ensemble de méthodes ayant ses avantages et ses
inconvénients, des chercheurs proposent aussi des méthodes
hybrides combinant les deux approches. La thèse soutenue par P.Y. Gicquel (Gicquel, 2013) en est un exemple pour réaliser la personnalisation des dispositifs
mobiles d’apprenants en visite dans un musée.
Dans la suite de ce document, nous nous limitons aux approches reposant sur
des modèles explicites de connaissances (approche systèmes
à base de connaissances). Nous nous interrogeons successivement sur les
connaissances à modéliser et sur la façon de les
modéliser pour assurer la nécessaire
interopérabilité des données, essentielle pour permettre
ensuite des services communicants entre eux.
3.2 Quelles connaissances modéliser ?
Dans les tout premiers systèmes, la personnalisation était
uniquement assurée à partir la représentation de
connaissances relatives à l’apprenant dans un modèle
d’apprenant. Dès que sont apparus les réseaux,
l’apprentissage collaboratif, les échanges via Internet et plus
récemment la mobilité, il est devenu nécessaire de
représenter aussi une part du contexte dans lequel un apprenant
évolue.
Les modèles d’apprenant ont été parmi les premiers
modèles d’utilisateurs créés pour les systèmes
informatiques, mais ensuite la modélisation des utilisateurs s’est
développée comme une thématique plus large. Un
modèle apprenant comprend généralement des données
statiques relativement pérennes d’ordre général comme
l’identité, les diplômes ou qualifications
possédés, les préférences, etc. Un tel modèle
comprend également des données dynamiques relatives à
l’apprentissage en cours, qui évoluent au fur et à mesure
des interactions logiciel/apprenant. De nombreuses caractéristiques
relatives à un apprenant peuvent être saisies et implantées
dans des prototypes. Cependant, il faut s’interroger sur leur
utilité en fonction des objectifs visés. Dès 1988, J. Self (Self, 1990) conseillait de ne recueillir et conserver dans un modèle
d’apprenant que les données véritablement utilisables.
À ce sujet, (Desmarais et de Baker, 2012) proposent une synthèse des dernières avancées en termes de
modélisation de l’apprenant.
Les modèles de contextes sont aussi une préoccupation ancienne
en informatique, voir par exemple (McCarthy, 1993).
Plus récemment (Zimmermann et al., 2007) ont caractérisé la notion de contexte pour les utilisateurs de
systèmes informatiques de la façon suivante : « Context is
any information that can be used to characterize the situation of an entity.
Elements for the description of this context information fall into five
categories: individuality, activity, location, time and relations. The activity
predominantly determines the relevancy of context elements in specific
situations and the location and time primarily drive the creation of relations
between entities and enable the exchange of context information among
entities ». Dans les systèmes dédiés à la
formation, on peut citer les travaux de (Jovanovic et al., 2007) qui proposent l’ontologie LOCO-Cite pour décrire le contexte
d’usage d’une ressource d’apprentissage. Toutefois,
c’est le développement des dispositifs mobiles qui a donné
son essor aux travaux sur la représentation des contextes en
général (informatique ubiquitaire) et pour les environnements
d’apprentissage en particulier.
3.3 Comment assurer l’interopérabilité des
données
L’absence de modèles de connaissances largement partagés
a longtemps pesé sur le développement et l’échange
d’applications (environ jusqu’aux années 2000), et pas
seulement dans le champ de la formation. Heureusement, un certain nombre de
recherches en ingénierie des connaissances ont fini par converger et la
mise en place d’une structure internationale, le World Wide Web
Consortium (W3C, 2009), a
permis d’en cristalliser et prolonger les résultats. Le W3C
réunit des institutions membres, une équipe permanente et toute
personne intéressée. Il s’est donné pour mission de
développer des standards ouverts pour assurer le développement
à long terme du web. Les concepts, langages et outils dont nous disposons
pour assurer l’interopérabilité au niveau des modèles
sont les ontologies exprimées en OWL, avec des éditeurs et des
raisonneurs. Les auteurs d’ontologies sont invités à
respecter un ensemble de bonnes pratiques pour les documenter et les publier en
ligne.
Les ontologies sur lesquelles reposent des services de personnalisation
utilisent en général les concepts de personne et de ressources qui
sont déjà modélisés dans FOAF (FOAF, 2009) et
SIOC (SIOC, 2009).
FOAF (acronyme de Friend Of A Friend) propose un vocabulaire rdf pour
décrire des personnes et les lier par des propriétés
à d’autres entités du web. SIOC (acronyme pour Semantically-Interlinked Online Communities) est utilisé avec FOAF
pour décrire des données relatives aux communautés en
ligne.
Pour illustrer notre propos, nous allons décrire les
modélisations de données utilisées dans un système
qui intègre un service de personnalisation incluant les réseaux
sociaux dans un environnement institutionnel d’apprentissage (EIA) sur
Moodle.
4. Les modèles de connaissances du prototype OP4L
4.1 Objectifs et contexte du projet
OP4L (pour Online Presence For Learning) est
un projet du programme européen SEE-ERANET dont la description
complète est donnée sur le site web du projet (OP4L, 2009). OP4L
a pour objectif d’explorer l’utilisation d’outils et de
services web pour favoriser la présence sociale sur les plateformes de
formation en ligne et permettre d’utiliser cette présence humaine
pour améliorer les apprentissages. Dans la suite du texte, nous utilisons
le sigle OP4L aussi bien pour nommer le projet que pour désigner le
prototype construit au sein du projet.
OP4L met donc l’accent sur la présence en ligne qu’il
définit comme une description temporaire de la présence d’un
utilisateur dans le monde en ligne. Une telle description peut aussi être
vue comme une image qu’une personne projette d’elle-même dans
ce monde en ligne.
Le prototype OP4L a été construit à partir de DEPTHS
(DEsign Patterns Teaching Help System), un logiciel de formation existant
et accessible à partir d’une plateforme Moodle (Jovanovic et al., 2007).
DEPTHS utilise des ontologies comme base unificatrice permettant la mise
à la disposition de l’apprenant de différents outils dans un
environnement d’apprentissage collaboratif institutionnel,
spécialisé pour l’apprentissage du concept de design
pattern en génie logiciel.
4.2 Description fonctionnelle
La description technique du prototype OP4L sort du cadre du présent
article. Le lecteur intéressé pourra la trouver dans (Jovanovic et al., 2007) et dans les livrables du projet en ligne sur le site. Nous allons donc
simplement en donner une vue générale et décrire les
modèles et données qui rendent possibles la fourniture des
services proposés.
OP4L tient compte du contexte, au sens des « context aware
PLE » (Jeremic et al., 2009),
en intégrant des données de contexte provenant de
différents systèmes, outils et services. Le contexte
d’apprentissage y est défini comme le contexte d’une
situation d’apprentissage donnée et il comprend les composants
suivants (Jeremic et al., 2011) (1) l’activité d’apprentissage qui est exécutée
ou l’événement relatif à l’apprentissage qui
vient de survenir ; (2) le matériel de formation (ressource, document)
utilisé ou produit par l’apprenant durant cette activité ;
(3) les personnes impliquées (apprenants, enseignants, experts) ; (4)
l’environnement en ligne dans lequel l’activité se
déroule ; (5) le moment auquel l’activité se
déroule.
Ces données contextuelles sont intégrées dans un
modèle flexible reposant sur des ontologies, plus
précisément un ensemble d’ontologies inter-reliées
nommé LOCO framework (Learning Object Context Ontologies) (Jeremic et al., 2011).
Ces ontologies représentent la couche fondatrice pour le
développement de l’application informatique DEPTHS, dont les
principales caractéristiques sont : (1) l’intégration de
données et de ressources provenant de différentes applications
d’apprentissage avec lesquelles l’apprenant interagit, (2) la
recommandation de ressources portant sur les design patterns en tenant compte du
contexte constitué d’entrepôts en ligne, des ressources
produites et partagées par les apprenants, des fils de discussion et
autres données disponibles, (3) les recommandations
contextualisées faites par d’autres étudiants, experts ou
enseignants pour offrir de l’aide dans une situation donnée.
4.3 Modéliser la présence en ligne
Beaucoup d’auteurs ont étudié la présence en ligne
et leurs écrits constituent autant de sources potentielles pour
dégager les traits qui peuvent la caractériser et faire partie
d’un modèle informatique. L’idée de présence a
été largement étudiée d’abord dans le cadre de
la formation à distance, pas encore en ligne (Garrison et Arbaugh, 2007), (Lowenthal, 2010), (Richardson et Swan, 2003),
puis dans le cadre de la formation en ligne (Aragon, 2003), (Cob, 2009), (Jovanovic et al., 2009).
Plusieurs formes de présence sont d’ailleurs distinguées (Norman, 2004), (Wilson, 2009),
présence cognitive, sociale, présence du formateur, etc., toutes
les études en soulignent les bénéfices pour les
apprentissages, parlant de la création d’une sorte de «
sixième sens en ligne ».
Cependant, des études de communication dans les situations de
face-à-face montrent l’importance de communications verbales et
non-verbales comme la proximité physique, le langage du corps, les
expressions faciales, les gestes, la façon de s’habiller, etc.
Aucun de ces éléments n’existe à l’identique
dans les environnements de formation en ligne. Ils sont
« remplacés » jusqu’à un certain point
par certains caractères de la présence en ligne comme les messages
indiquant le statut (occupé, disponible, absent), des avatars, des
témoins de présence, la localisation actuelle,
l’activité actuelle, etc.
Les premières réalisations ont essentiellement exploré
cette présence virtuelle au travers de forums et d’outils de
messagerie instantanée. L’apparition des réseaux sociaux et
la rapide expansion de leur usage a amené les concepteurs
d’environnements de formation en ligne à étudier les
bénéfices éventuels de ces réseaux en les
intégrant dans l’espace de formation. Le défi est alors
d’adapter les interactions système-personne à
l’état de présence des apprenants (conseiller
quelqu’un qui est disponible) et à proposer des services de
façon à ce que les interactions entre participants tiennent compte
de ces données sur leur état de présence.
Plusieurs approches ont été proposées, notamment dans
les systèmes de recommandations de ressources. Certaines tendent à
exploiter des données de type appréciations ou tag provenant de certains services ou applications pour compléter une
indexation sémantique traditionnelle de ressources pédagogiques,
par exemple les propositions de fusion entre web sémantique et web
participatif faites par B. Huynh Kim Bang dans (Huynh Kim Bang, 2009).
D’autres, comme Gilliot et al. (Gilliot et al., 2012),
dans le prototype SMOOPLE, utilisent directement des données issues de
diverses applications dont les réseaux sociaux en même temps que
des modèles sémantiques relatifs au domaine
d’activité et au contexte.
Certains travaux ont proposé des approches permettant la
recommandation d’acteurs, de ressources et/ou d’activités,
comme par exemple (El Helou et al., 2010) qui exploitent le système de recommandation des 3A (Actors, Assets et
Group Activities), cependant aucune approche, à notre connaissance, ne
propose de recommander des personnes en indiquant comment les joindre (en tenant
compte de leurs états en ligne) de la même façon que des
ressources numériques dans une plateforme de formation, fusionnant les
données distribuées dans les réseaux de mobiles et les
réseaux sociaux.
L’ontologie proposée (figure 1) vise à décrire la
présence en ligne dans le « monde en ligne »,
c’est-à-dire essentiellement les messageries instantanées et
les sites des réseaux sociaux. Elle respecte au mieux les principes
d’interopérabilité et d’économie que nous avons
posés. En effet, elle utilise au maximum des ontologies existantes et
largement référencées pour décrire les
entités connues, comme FOAF et SIOC précédemment
citées. Elle n’introduit que quelques entités et relations
nouvelles pour décrire des concepts non encore modélisés
comme le statut d’une présence en ligne qui peut prendre les
valeurs activité, visibilité, contactable,
dérangeable. Un agent déclare sa présence en ligne, qui
peut se manifester de différentes façons, par exemple, en
affichant sa photo et/ou ce qu’il est en train de faire, etc. Enfin, elle
est entièrement documentée et son code RDF est disponible en ligne (OPO, 2009), le
lecteur intéressé y trouvera notamment les définitions
précises de chacun des concepts et des relations proposées.
Pour le projet OP4L, la notion de contexte d’apprentissage de DEPTHS a
été étendue pour y inclure la notion de présence en
ligne telle que définie précédemment. En conséquence
des liens ont été établis entre les ontologies LOCO et une
nouvelle ontologie de présence en ligne nommée OPO (Online
Presence Ontology) de façon à obtenir une définition
sémantique précise de cette notion de contexte
d’apprentissage étendu (Jovanovic et al., 2009), (Stankovic, 2008).
Les ontologies LOCO et OPO ainsi intégrées servent donc de
nouvelle couche fondatrice pour le développement de services au sein de
l’application OP4L. Ces services utilisent les données de
présence en ligne pour recommander aux apprenants les personnes
qu’ils ont intérêt à contacter afin d’obtenir de
l’aide ou de proposer du travail collaboratif.
Par exemple, un étudiant qui a le profil et les compétences
requises, et qui est en ligne, ne sera pas recommandé si son statut
indique qu’il est occupé et ne souhaite pas être
dérangé. En revanche, le système peut recommander une
rencontre en face-à-face avec un autre étudiant qui vient de
rentrer dans le bâtiment et dont le statut indique qu’il peut
être contacté.
Figure 1 • Le modèle de «
présence en ligne » extrait de (Stankovic, 2008)
Une démonstration est accessible en ligne sur le site du projet et les
plugs-in développés pour l’échange de données
de présence en ligne y sont documentés.
4.4 Principaux services implantés dans OP4L
La page d’accueil principale est celle d’une plateforme Moodle
standard. L’objectif est d’offrir aux étudiants des services
nouveaux dans un environnement qu’ils maîtrisent. Le prototype OP4L
affecte principalement le contenu d’un cours intitulé
“Updating patient's data problem UML modelling tool”. Une fois ce
cours sélectionné, nous avons accès aux
fonctionnalités de la plateforme (voir figure 2). On note en haut
à gauche une fenêtre indiquant des personnes recommandées,
ici Zoran, Mira et Kevin, le type de présence (ici données issues
de Facebook) et la façon dont ils peuvent être contactés
(ici par courrier électronique). L’ontologie OPO, celles
décrivant les acteurs (leur identité, leurs compétences par
rapport au problème en cours de résolution) et le domaine de
travail, ainsi que les plugs-in permettant de mettre à jour à
intervalles réguliers les données de présence issues des
réseaux sociaux ont servi au calcul des personnes à recommander.
Un tel processus suppose que les personnes concernées aient donné
leur accord pour que leurs diverses formes de présence en ligne soient
récupérées par le logiciel. D’un point de vue
opérationnel, on notera que OP4L va plus loin que l’installation de
services à la carte proposée par le projet ROLE puisqu’il
traite les données issues de tels services (par exemple, la
présence captée sur Facebook), mais ne laisse pas la même
flexibilité aux utilisateurs enseignants ou étudiants.
Figure 2 • À
l’intérieur du prototype
De plus, la plateforme dispose des fonctionnalités plus classiques de
recommandation de contenus relativement aux centres
d’intérêts (figure 3).
Figure 3 • Recommandation de
contenus
Une originalité est d’avoir intégré les travaux
échangés entre les étudiants aux ressources de la
bibliothèque numérique.
Le service de recommandation de ressources utilise les descriptions de ces
ressources faites à partir notamment des ontologies du domaine de travail
(les patrons de conception en génie logiciel). Pour collaborer, les
étudiants disposent également d’un outil de brainstorming
permettant l’annotation et l’enrichissement des idées
échangées. Enfin, les étudiants ont la possibilité
de soumettre leurs travaux pour une évaluation par leurs pairs.
4.5 Enquête et démonstrations auprès
d’étudiants
4.5.1 Objectifs et méthodologie
Notre objectif était d’obtenir un rapide retour
d’utilisateurs potentiels (étudiants niveau master) à propos
des fonctionnalités relatives à la présence en ligne
offertes dans OP4L. En effet, comme expliqué dans le paragraphe
précédent, la plupart des résultats en sciences sociales
n’ont pas été établis sur l’utilisation
d’un LMS proposant des services de présence en ligne. Ainsi, nous
ne disposons d’aucune donnée précise relative aux attentes
des étudiants en matière de présence en ligne. Une analyse
en profondeur avant le développement d’un prototype offrant des
services basés sur des technologies sociales et sémantiques est
une tâche quasi-impossible à cause de la rapidité de
l’évolution de ces technologies. En effet, toute analyse de besoins
conduite dans le contexte des technologies existantes ne correspondra à
aucune des technologies disponibles quelques années plus tard.
C’est pourquoi la plupart des équipes de recherche choisit de
construire des prototypes d’environnements d’apprentissage offrant
de nouveaux services et d’analyser comment les utilisateurs finaux
utilisent, aiment ou pas les nouvelles fonctionnalités. C’est par
exemple la conclusion de Brooks et al. (Brooks et al., 2009) dans leur communication intitulée : “Lessons Learned using
Social and Semantic Web Technologies for E-learning”: “there
is no substitute for constantly trying to test techniques in the real world of
students’ learning”. Le projet OP4L a adopté une telle
approche par prototypage.
4.5.2 Population test et mise en œuvre
Les premiers retours à propos de la plate-forme OP4L ont
été collectés en février 2012 auprès de 15
étudiants de l’université de Lorraine. Ces 15
étudiants ont été choisis pour être
représentatifs de filières où ce genre d’outils
n’est pas mis en œuvre afin de disposer de retours avec un œil
neuf. Aucun des étudiants, ni de leurs enseignants n’était
impliqué directement dans le développement du prototype. De plus,
les étudiants n’ont pu tester que les fonctionnalités de la
plateforme sans pouvoir effectuer les tâches proposées puisque le
cours implanté sur le prototype est un cours spécialisé de
génie logiciel et que les étudiants disponibles pour ce premier
test appartenaient à d’autres disciplines. Cependant, il
était intéressant pour la poursuite du projet de pouvoir
recueillir les avis d’étudiants, puisqu’aucune enquête
n’avait été effectuée pour établir le cahier
des charges, et notamment d’étudiants issus d’autres
disciplines que les sciences de l’ingénieur. Les étudiants
ont été classés dans les cinq catégories suivantes
afin d’observer d’éventuelles variations : (1) 3ème
année de licence en communication, (2) 1ère année de master
en droit privé européen, (3) 1ère année de master en
chimie, (4) 2ème année de master en technologies
multimédia, (5) 2ème année de DUT Génie Biologie
Santé. L’étude s’est déroulée en trois
étapes.
Étape 1. Les étudiants ont reçu un texte de
présentation des services de présence en ligne et des
scénarios proposés par l’environnement DEPTHS. Un premier
questionnaire (voir résultats en 4.5.3) a cherché à mettre
en évidence leurs usages et leur maîtrise des environnements et
outils issus du web et des réseaux sociaux. Afin d’identifier leurs
premières attentes en matière d’intégration de ce
genre de services, il a également été demandé de
proposer un scénario idéal, selon eux, d’utilisation de ces
services.
Étape 2. Nous avons proposé une démonstration du
prototype OP4L-DEPTHS et plus spécifiquement des services de
présence en ligne ; ils ont été alors libres de
l’utiliser comme ils le voulaient, revoir les services par exemple.
Étape 3. Un second questionnaire a permis de recueillir les premiers
retours et impressions après présentation et usage de ces
services.
4.5.3 Retours des étudiants sur leurs usages et attentes à
propos des réseaux sociaux
Ci-après, nous détaillons les profils d’usages des
étudiants sur les réseaux sociaux, tels qu’ils apparaissent
au dépouillement du premier questionnaire.
Profils utilisateurs des technologies dans leurs apprentissages
universitaires
La fréquence d’utilisation de la plateforme Moodle est
principalement une fois par semaine sauf pour les étudiants en master de
droit qui l’utilisent plus de trois fois par semaine.
Parallèlement, le moyen privilégié pour contacter les
autres étudiants est le téléphone portable – le
courriel n’est utilisé que de façon épisodique. Par
contre, tous les étudiants mentionnent le fait qu’ils se connectent
à leurs réseaux sociaux au moins une fois par jour.
Scenarios identifiés par les étudiants
Pour tous les étudiants (communication, droit, santé,
multimédia), le scénario se place dans le cadre de la
réalisation d’un projet (en autonomie ou collaboratif). Une des
premières attentes concerne la recherche d’informations. Le constat
de ces étudiants est que les recherches standards sur Wikipedia de termes
techniques sont rarement satisfaisantes (articles non adaptés, recherches
non abouties, etc.). Le service de recommandation de pairs va leur permettre
d’entrer en contact avec les étudiants dont les centres
d’intérêts sont similaires. L’état des pairs
(disponible pour échanger, pour une réunion, pour travailler) leur
donnera la possibilité d’obtenir une information adaptée,
dans la forme et le fond, à leurs besoins et leurs attentes.
Enfin, les activités proposées (plus particulièrement,
les activités soutenues par l’outil de brainstorming) permettront
de renforcer les échanges et les collaborations en systématisant
les conseils et les échanges pair-à-pair.
4.5.4. Retours des étudiants sur les aspects présence en
ligne
Le tableau ci-dessous rassemble les réponses données par les
étudiants au second questionnaire visant à évaluer leur
perception et leur intérêt pour les services de présence en
ligne envisagés dans OP4L. Seuls les quatre premiers étaient
implantés dans le prototype. Le tableau affiche les résultats par
catégories d’étudiants comme plus haut dans le texte. Les
étudiants avaient pour consigne de classer par ordre d’importance
les propositions données (de 1 pour le plus important à 8).
Dimensions/Catégories des étudiants |
Cat1 |
Cat2 |
Cat3 |
Cat4 |
Cat5 |
Savoir qui est présent sur la plate-forme de formation |
1 |
2 |
2 |
3 |
1 |
Savoir ce que les autres font (quelle activité) |
5 |
4 |
1 |
5 |
3 |
Savoir qui est disponible pour communiquer |
2 |
1 |
4 |
1 |
4 |
Savoir qui est occupé et ne veut pas être
dérangé |
6 |
3 |
3 |
2 |
2 |
Savoir où est une personne (géolocalisation) |
7 |
5 |
7 |
7 |
8 |
Savoir ce que ressentent les autres étudiants (pressés,
fatigués, enthousiastes, etc.) |
8 |
7 |
8 |
8 |
7 |
Savoir ce qui les intéresse en ce moment |
4 |
6 |
5 |
4 |
5 |
Savoir ce qu’ils aiment ou n’aiment pas |
3 |
8 |
6 |
6 |
6 |
Tableau 1 • Appréciations
données par les étudiants sur l’ensemble des dimensions de
la présence en ligne.
Nous donnons ci-après quelques suggestions et commentaires
proposés librement par les étudiants.
Suggestions
- Permettre la création de profils utilisateurs
détaillés incluant les formations suivies, les centres
d’intérêt et quelles sont les personnes qui ont
été aidées et dans quels domaines. Ceci permettra
d’avoir une meilleure connaissance des personnes connectées afin de
mieux cibler les personnes à interroger.
- Donner la possibilité d’avoir une liste des pairs
recommandés au delà de la liste des contacts existants sur les
réseaux sociaux utilisés afin d’élargir le champ des
personnes susceptibles de collaborer ou d’apporter une aide.
Commentaires
- Cet outil peut ainsi être utile pour identifier les contenus
additionnels appropriés, pour collaborer sur des sujets
spécifiques et pour recevoir des conseils sur des travaux
déjà réalisés. La propriété «
social » semble être vraiment un plus pour les étudiants.
- L’ergonomie générale de l’outil
étudié est plutôt bonne et bien adaptée.
La possibilité d’interroger et collaborer constitue le point
fort et le fait de disposer de l’information quant à
l’état des connectés permet d’optimiser les contacts
et les échanges. Les fonctionnalités les plus
appréciées sont, savoir qui est disponible pour communiquer,
savoir qui est occupé et ne veut pas être dérangé,
savoir qui est présent sur la plate-forme de formation. Les principales
conséquences identifiées suite à l’usage des services
proposés sont le gain de temps et des réponses plus pertinentes
aux demandes. On note que, quelle que soit la discipline de provenance, tous
placent en bonne position le fait de savoir qui est présent sur la
plateforme et qui est disponible pour communiquer. Il faudrait creuser
l’importance qu’ils attachent ou non à l’idée de
savoir parmi les disponibles quelle est la personne la plus apte à les
aider, ce qui ne pourra se faire qu’avec des étudiants de
génie logiciel utilisant l’environnement pour leur projet de design
pattern. Il n’y a pas pour l’instant de différence
significative relative à la discipline de l’étudiant.
4.5.5 Analyse des résultats obtenus
Cette étude portait sur une première démonstration du
prototype OP4L auprès d’étudiants qui n’étaient
pas la population cible initiale et qui appartiennent à une
université différente de celle dans laquelle OP4L a
été conçu et implanté. L’hypothèse
était que la fourniture de services de présence en ligne dans une
plate-forme de formation pouvait apporter une aide significative pour certaines
de leurs activités pédagogiques. Si l’hypothèse est
vérifiée, de tels services pourront être proposés
pour constituer des EPA. L’analyse préalable de l’usage que
les étudiants font quotidiennement des techniques de communication et
environnements numériques de travail a montré qu’ils
n’étaient pas des utilisateurs réguliers de Moodle. Les
réseaux sociaux et le téléphone apparaissent comme leur
moyen de communication préféré. Dans ce contexte,
l’appréciation qu’ils portent sur le prototype est
plutôt encourageante, puisque, sans être des familiers du travail
dans Moodle, ils perçoivent immédiatement
l’intérêt qu’un tel outil pourrait leur apporter pour
un des travaux importants dans le cadre de la préparation de leur master,
à savoir le projet par groupes qu’ils proposent tous dans le
scénario demandé. De plus, nous avons recueilli leur classement
des différentes dimensions caractérisant la présence en
ligne que nous avons proposées. Les résultats montrent à
nouveau leur intérêt, mais mériteraient des études
complémentaires et des croisements avec les appréciations
d’autres étudiants. Enfin, parmi les points positifs, ils
mentionnent un gain potentiel de temps pour effectuer leur travail, ce qui est
certainement un critère important aussi bien pour les étudiants
que pour les enseignants qui les encadrent. Du point de vue des enseignants, ce
type d’outil favorise l’activité de l’étudiant,
sa prise d’initiative et la collaboration avec les pairs, et donc la
transition depuis des activités à l’initiative des
enseignants vers des activités centrées sur des groupes
d’apprenants. Nous notons de plus l’absence de remarques
négatives relatives à l’utilisation de données issues
des réseaux sociaux.
D’autres évaluations plus précises de
l’environnement de formation OP4L ont été effectuées
chez d’autres partenaires du projet (OP4L evaluation, 2012).
L’une, orientée logiciel, repose sur la méthode SUMI
(Software Usability Measurement Inventory) proposée en
génie logiciel. Une autre, conduite à l’université de
Skopje, a concerné des étudiants en informatique qui ont
utilisé les services OP4L pour résoudre des exercices de design
patterns. De façon assez inattendue, et alors qu’ils
n’hésitent pas à contacter leurs enseignants via Facebook,
ils ont peu utilisé cette fonction et ont déclaré
réserver les réseaux sociaux pour des « activités
privées ». Nous expliquons partiellement ces réactions par le
caractère singulier et artificiel d’un système
utilisé à la veille d’examens traditionnels où aucune
collaboration n’était permise.
5. Conclusions et perspectives
5.1 Sur les EPA en général
Les paragraphes précédents ont
montré que l’on savait modéliser beaucoup de connaissances
permettant la personnalisation et assurant une bonne
interopérabilité entre services les utilisant. D’un point de
vue opérationnel, des limites existent. Elles tiennent notamment au
coût de développement de certains modèles, à la
difficulté d’acquisition de certaines données, au temps
d’exécution de certains traitements. Par exemple, nous
n’avons pas inclus de données relatives au volet socio-affectif des
apprenants, comment ils perçoivent ce que ressentent les autres. Parmi
ces possibles, il faut donc parvenir à déterminer ce qui est
utile, pour qui, dans quel contexte de formation. Mais les plus grandes
difficultés résident sans doute dans l’identification des
services souhaités et l’étude d’un rapport
qualité/prix pour chacun d’eux, puis dans la mise à
disposition de services à la fois largement paramétrables au
gré des besoins (évolutifs) des utilisateurs et pourtant simples
et conviviaux. Quelles architectures flexibles proposer ? La plupart des
fonctions de personnalisation implantées jusqu’ici le sont dans des
environnements relativement fermés, et rarement à la demande de
l’utilisateur, alors que le vrai défi est celui d’une offre
relativement ouverte de services recombinables au sein d’EPA. À
quels apprenants faut-il laisser ces initiatives ? Comment les préparer
à en faire bon usage ? Ces travaux contribuent à définir
les cahiers des charges de modules logiciels permettant aux apprenants de
configurer leur EPA.
5.2 Vers une autre définition de l'identité par le
numérique
Dans les perspectives en marge de ces travaux, émerge une nouvelle
vision de l'identité par le numérique. Des modèles
spécifiques vont permettre d’écrire l’être au
sein des EPA selon deux dimensions complémentaires à celle
étudiée ci-dessus, à savoir en
« grammes » et en
« interactions », (Nowakowski, 2013).
En effet, le « gramme » en tant que combinaisons de la trace
et du graphe devient l’entité visible, combinable et/ou traitable
de l’individu qui « s’individue » par la
technologie. Ainsi, dans cette logique, et comme l’affirme Merzeau dans (Merzeau, 2009),
nous ne pouvons pas ne pas laisser de trace. Ces traces comme signifiants,
résultats des interactions avec de multiples dispositifs techniques, sont
contextuelles et les réseaux (sociaux, pédagogiques,
professionnels et autres) deviennent l’espace de manifestation d’une différance, (Derrida, 1967).
Ainsi, pour continuer dans cette direction, le modèle de cette
identité représente alors l’ensemble de cette chaîne
d’éléments associée aux séquences
d’événements qui se matérialisent en traces. Le
modèle va ainsi donner à voir une part du signifié que nous
construisons autour des usages. De cette vision, nous pouvons dériver des
trajectoires individuelles au sein d’un dispositif numérique en
ligne (site web ou EPA). Cette trajectoire permet alors une approche
géométrique pour l’étude des usages du
numérique qui nous permet de mettre en place de nouvelles
stratégies de recommandation de contenus au sein des EPA, mais
également nous amène à repenser la notion
d’identité par le numérique et, au-delà ouvre le
champ de recherche sur les EPA vers celui de l’être en
numérique.
Remerciements
Le projet OP4L a été partiellement financé par le
programme européen SEE-ERANET, projet n° 115. Nous remercions tous
les partenaires pour leur coopération ainsi que les étudiants de
master qui ont accepté de participer à cette étude. Nous
remercions également les lecteurs de la première version soumise
pour leurs suggestions constructives.
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A
propos des auteurs
Monique GRANDBASTIEN est professeur émérite
à l’université de Lorraine et chercheur au LORIA
(laboratoire lorrain d’informatique et ses applications - UMR 7503).
Elle s’intéresse à la conception et la réalisation
des systèmes informatiques qui sont au cœur de la e-formation, et
plus particulièrement aux connaissances à modéliser et
à embarquer dans ces systèmes. Elle a dirigé plusieurs
équipes et structures relatives à ce domaine et fait partie de
nombreux comités de programme et comités éditoriaux de
revues au niveau international.
Adresse : Adresse : LORIA, Campus
Scientifique, BP 239, 54506, Vandoeuvre Cedex, France
Courriel : monique.grandbastien@loria.fr
Samuel NOWAKOWSKI (snowakowski.eduportfolio.org) est
Maître de conférences HDR à l’université de
Lorraine. Il est chercheur au LORIA (laboratoire lorrain d’informatique et
ses applications - UMR 7503) et plus particulièrement dans
l’équipe KIWI (Knowledge Information and Web Intelligence). Il est
également chercheur au sein de la MSH Lorraine » (USR 3261) ce
qui lui permet de développer les aspects interdisciplinaires de ses
recherches qui sont principalement centrées sur la modélisation
des usage du web, l’identité par le numérique et les mises
en œuvre dans des projets transversaux en e-Education.
Adresse : Adresse : LORIA, Campus
Scientifique, BP 239, 54506, Vandoeuvre Cedex, France
Toile : http://snowakowski.eduportfolio.org
Courriel : samuel.nowakowski@loria.fr
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