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Volume 21, 2014
Article de recherche

Numéro Spécial
Les EPA : entre description et conceptualisation



Contact : infos@sticef.org

L’analyse des Environnements Personnels d’Apprentissage sous l’angle de la discontinuité instrumentale

 

Cédric FLUCKIGER (Théodile-CIREL, EA4354, Université Lille 3)

 

RÉSUMÉ : La notion d’EPA rend compte du fait que les étudiants utilisent de manière croissante les outils numériques quotidiens pour leurs activités universitaires. Nous proposons de revenir sur la notion d’EPA en soulignant que le concept d’instrument peut permettre de mieux cerner la discontinuité des pratiques entre les sphères académiques et privées, en montrant que ce ne sont pas les mêmes instruments (au sens de l’approche instrumentale) qui sont convoqués dans des pratiques relevant de contextes différents, et en tirons quelques conclusions sur la notion d’EPA.

MOTS CLÉS : instruments numérique, étudiants, pratiques personnelles, EPA.

Analysis of Personal Learning Environments in terms of instrumental discontinuity

ABSTRACT : The notion of PLE explains how students increasingly use daily digital tools for their academic activities. We propose to revisit the notion of PLE noting that the instrument concept can help us to describe the discontinuity between academic and private use universes. In that purpose, we show how it is not the same instruments that are used in practices in different contexts. We draw some conclusions on the notion of PLY

KEYWORDS : digital tools, students, personal practices, PLE

 

 

1. Introduction, intentions et limites de l'article

Les étudiants utilisent de manière croissante des outils numériques du quotidien dans le cadre de leurs activités universitaires. Cet usage d’outils personnels, leur intégration aux activités de travail et d’apprentissage, a conduit à formaliser le concept d’Environnement Personnel d’Apprentissage (EPA), qui tire sa force heuristique de la volonté de dépasser les oppositions binaires éducatif/personnel (ou scolaire/extrascolaire) dont on sait de longue date les limites (ne serait-ce que du fait de l’extension des activités scolaires/universitaires « à la maison », et réciproquement). Parler d’EPA incite donc à considérer l’ensemble des outils de l’étudiant et non les seuls instruments fournis ou proposés par les institutions universitaires.

Pour autant, cet usage ne va pas de soi, certains transferts semblent ne pas se faire et le constat d’un hiatus entre usages académiques et privés demeure (Bruillard, 2008) ; (Fluckiger, 2011a) ; (Guichon, 2012). Les chercheurs du champ des EIAH1 et de l’instrumentation des apprentissages ont maintes fois noté la faible participation des étudiants aux dispositifs collaboratifs mis en place institutionnellement (Conole et Alezivou, 2010). Pourtant, ces étudiants, que l’on trouve si passifs dans nos environnements, forums éducatifs, campus numériques, ENT, ne sont-ils pas justement de cette génération baptisée parfois hâtivement digital natives ? Ne sont-ils pas censés être des habitués du Web 2.0, des « communicants » obsessionnels, accrochés à leurs portables, branchés en permanence, se jouant d’identités multiples et fragmentées sur les réseaux sociaux, multipliant les interactions ? Et pourtant, ils ne se saisiraient pas (ou mal) des outils de communication qui leurs sont offerts en contexte éducatif ?

Si certains outils du quotidien sont entrés en formation, les usages, eux, semblent ainsi demeurer spécifiés. Par quoi et comment, telle est la question sur laquelle nous entendons poser quelques jalons théoriques.

Ces évolutions imposent de penser à nouveaux frais les relations entre usages éducatifs (qu’on les nomme académiques, de formation, etc.) et les usages personnels (ordinaires, quotidiens, familiers, etc.) des étudiants2. Cet article prolonge ici des résultats présentés auparavant (Fluckiger, 2011b), qui partaient de l’hypothèse d’une discontinuité des pratiques3entre ces deux grands univers. Pour cela, nous discutons plus spécifiquement de la portée heuristique de la notion d’instrument (Rabardel, 1995) pour aborder les environnements personnels d’apprentissage (EPA) des étudiants. Nous argumenterons que l’approche instrumentale, appliquée aux EPA, peut permettre de mieux cerner la nature de cette discontinuité, sur deux plans :

• en proposant que les distinctions passent non pas entre les instruments, qui relèveraient de l’un ou l’autre contexte d’usage, mais au sein même des instruments ;

• en suggérant que la discontinuité n’est pas à entendre entre deux blocs (éducatif et personnel) pensés comme homogènes, mais relève de dynamiques locales et contextuelles d’appropriation des moyens d’apprentissage (Fluckiger, 2014)4.

En retour, l’étude des EPA permet de mettre en avant une dimension peu travaillée des systèmes d’instruments, lorsqu’ils sont mobilisés dans des systèmes d’activités variés (loisir, travail, communication, apprentissage, etc.). Nous montrerons que les instruments peuvent alors présenter ce que nous nommerons des discontinuités instrumentales.

Dans un premier temps (partie 2), nous présenterons le dispositif expérimental qui nous a conduit à formuler les propositions et leur corollaire qui constituent le corps de l’article. Nous discuterons ensuite (partie 3) de l’apport de la notion d’EPA à l’étude des pratiques de communication et d’apprentissage instrumentées des étudiants, tout en en soulignant certaines difficultés actuelles que soulèvent cette notion. Nous formulerons (partie 4) trois propositions et leur corollaire, pour mettre en évidence certaines genèses instrumentales différenciées selon les contextes d’usage. Nous discuterons ainsi de la possibilité de considérer les instruments comme unité d’analyse fondamentale des EPA, à même de contribuer à la constitution des EPA comme objets de recherche ; nous montrerons que les mêmes artefacts peuvent être mobilisés dans des situations variées ; nous proposerons enfin de considérer que les instruments au sein des EPA sont davantage locaux et spécifiques que généraux. Enfin, nous établirons quelques perspectives pour des recherches futures sur la base des propositions énoncées, en proposant des pistes de travail pour dépasser les oppositions binaires entre académique et privé notre démarche vise à dénaturaliser les oppositions mais il faut bien partir des catégories mobilisées par les acteurs, les distinctions que nous proposons ici permettent d’ouvrir le chantier (le mettre en perspectives ?)

2. Etayage empirique et méthodologie

Cet article a une dimension programmatique assumée. En discutant de notions théoriques possibles, nous entendons contribuer aux réflexions d’un champ en émergence, mais le travail d’étayage empirique et de validation des hypothèses n’est à ce jour qu’à peine entamé, et les notions avancées ici (comme celle de discontinuité instrumentale) ne pourront prétendre à une certaine stabilité qu’une fois mise au travail empirique5.

Les résultats présentés, sans se substituer au travail empirique encore à venir, permettent de donner un premier aperçu des résultats que la posture « discontinuiste », défendue ici, pourra mettre en évidence.

Surtout, cette enquête exploratoire permet de souligner la difficulté à étudier un objet comme les EPA, c’est-à-dire étudier l’ensemble des outils de communication, d’échange et d’accès aux informations et aux savoirs.

Se pose en premier lieu la question de la délimitation des outils à prendre en compte dans l’analyse : les outils de communication, d’échange etc. sur internet ou aussi les communications par téléphone ou en face à face ; les outils numériques ou également les outils « papier » (livres, notes de cours, post-it...) ; les dispositifs techniques ou également des individus (pairs, personnes ressources...) ; les outils matériels seulement ou bien les outils cognitifs (entendus dans un sens vygotskien, (Vygotsky, 1930/1985), etc. voir (Roland, 2013) qui pose ce problème) ? Pour notre part, si nous ne limitons pas formellement a priori l’EPA au seul environnement « numérique », car nous ne voyons pas de raison théorique de le distinguer absolument d’autres dispositifs (analogiques, papiers...), c’est de fait aux outils numériques (mail, outils de réseaux sociaux, traitement de texte...) que nous nous intéressons ici.

Mais le problème principal auquel se heurte la recherche est celui de disposer d’un recueil de données suffisamment exhaustif, pour deux raisons :

• en premier lieu, s’il est relativement aisé d’avoir accès à des traces d’activités sur les plates-formes ou campus numériques mis en place institutionnellement, les chercheurs ont plus difficilement accès aux échanges sur les outils personnels des étudiants (mails, Skype, pages Facebook...). À moins de dispositifs lourds (sondes installées sur les ordinateurs, téléphones, etc. des étudiants), auxquels bien peu de laboratoires ont accès (Smoreda, 2007), le propre des outils personnels de communication est précisément qu’ils échappent largement au regard des chercheurs ;

• en second lieu, dans la perspective esquissée ci-dessous où l’EPA est un environnement « égocentré » ne préexistant pas aux usages qu’en fait l’étudiant, le chercheur ne peut circonscrire a priori les outils que l’étudiant considérera comme faisant partie de son environnement d’apprentissage. L’EPA ne peut être reconstitué qu’après coup, avec l’aide de l’étudiant.

Afin de tenir compte de ces difficultés, nous avons expérimenté (en juin 2011) un dispositif méthodologique articulant une approche quantitative et une approche qualitative.

D’une part, nous avons proposé un questionnaire à des étudiants de l’Université Lille 3 (Sciences Humaines et Sociales) sollicités aléatoirement6 sur le campus, par un questionnaire papier auto-administré (N=104), conçu et analysé avec Sphynx ®.

D’autre part, pour éviter de figer des catégories d’analyse a priori et permettre le recueil des traces d’échanges, nous avons mené parallèlement un recueil de données qualitatives auprès d’un groupe de Master 1 de Lettres Modernes. La tâche demandée consistait à rédiger, par groupes de 3 étudiants, un dossier de recherche sur une problématique de sociologie des usages. Aucune consigne ou outil spécifique ne leur était fourni pour réaliser cette tâche. Nous avons procédé par des entretiens semi-directifs avec 12 étudiants et par la collecte des messages mails échangés au sein des 3 groupes devant réaliser un travail universitaire commun. Nous avions formulé la demande initiale aux groupes volontaires, avant le travail commun, de conserver l’intégralité de leurs échanges au sein du groupe pour ce travail. Les entretiens a posteriori permettaient aux étudiants de décrire les échanges qui avaient eu lieu au sein des groupes d’étudiants, sans préjuger des moyens employés par ces groupes. C’est donc bien l’interaction avec les étudiants qui permettait de circonscrire les outils et les échanges à prendre en compte dans l’analyse, dans une démarche itérative, proche de celle mise en œuvre par (Roland, 2012) sur l’utilisation du podcast. L’une des limites de la démarche est bien entendu que les messages mails collectés l’ont été suite à la demande initiale, sans qu’il ne soit possible de savoir si les étudiants ont procédé à un tri avant de nous en faire copie.

3. La notion d’Environnement Personnalisé d’Apprentissage (EPA) : apports, limites et discussions

La notion d’EPA permet indéniablement de mettre l’accent sur un point relativement aveugle des recherches sur les pratiques éducatives instrumentées. Pour les chercheurs, la distance n’a longtemps été pensée qu’en tant qu’elle était conçue et mise en œuvre institutionnellement, opérationnalisée dans des plates-formes, campus numériques (Fichez, 2006), dispositifs hybrides (Charlier, Deschryver et Peraya, 2006), etc. Or le développement d’Internet et des réseaux sociaux, la banalisation des appareils mobiles connectés conduit, de fait, à l’émergence de nouvelles formes de distances : les étudiants communiquent entre eux à propos des cours, se connectent à l’ENT de l’établissement, créent des pages Facebook « parallèles » pour échanger des informations (Bonfils et Peraya, 2010), échangent des mails pour faire des travaux communs, etc. De leur point de vue, la distance peut être envisagée comme une caractéristique des formations universitaires, même lorsque l’enseignement est qualifié de présentiel (Fluckiger, 2011a). En conséquence, depuis quelques années, des recherches se penchent sur les choix et usages des étudiants « en marge des dispositifs sociotechniques ou technopédagogiques proposés par une institution pédagogique » (Peraya et Bonfils, 2012), p. 2 ; voir aussi (Roland, 2013).

Une première interrogation sur la notion d’EPA concerne la nouveauté du phénomène qu’elle entend décrire. Si, comme le souligne Henri (Henri, 2013), le fait que les apprenants doivent organiser leur propre environnement n’est certes pas nouveau, ce qui, du point de vue des usages, constitue l’originalité de ce phénomène, est sans doute le fait que les mêmes outils peuvent être utilisés, et qu’ils le sont effectivement, aussi bien dans des situations académiques que des situations ludiques ou de sociabilité personnelle. Ce qui pouvait être embryonnaire dans certains usages détournés des plates-formes académiques, avec la privatisation de certains échanges (entre autres Peraya, 2003) devient alors massif.

Pour autant, la notion d’EPA s’avère encore non stabilisée, et ne dispose pas d’une définition unique et consensuelle (Lubensky, 2012). Si l’idée générale d’un « espace d’interactions dans lequel l’apprenant construit activement, par sa propre expérience, ses connaissances » (Peraya et Bonfils, 2013), constitué d’un ensemble d’artefacts voir de personnes (Roland, 2013) semble partagée, plusieurs tensions sont pointées par les différents articles de ce numéro : notamment entre un EPA envisagé comme un système technologique (Van Harmelen, 2006) ou, pour (Fiedler et Väljataga, 2010), comme un concept ou une approche (Roland, 2013) ; entre objet concret, objet de recherche et objet scientifique (Henri, 2013), etc.

L’appellation elle-même questionne : faut-il entendre un environnement personnel ou personnalisé ? Cet environnement ne serait-il pas plutôt un dispositif (Roland, 2013) ? Le terme apprentissage lui-même peut-être discuté : si l’EPA fournit aux étudiants un environnement de travail et de communication, rien ne permet de déterminer a priori si et quand des apprentissages auront lieu.

Nous n’entendons pas ici apporter une nouvelle définition des EPA, complémentaire ou concurrente. Nous entendons mettre en lumière une propriété des EPA, que nous nommerons provisoirement la discontinuité instrumentale, à travers la formulation de 3 propositions et leur corollaire.

4. Propositions pour une hypothèse de discontinuité instrumentale

4.1. Proposition 1 : un  EPA peut être décrit comme un système d’instruments

Au sens courant des termes, qu’un EPA soit un système d’instruments semble une évidence. Au sens de l’approche instrumentale, cette proposition a des conséquences théoriques importantes. Elle permet notamment de définir l’instrument comme unité d’analyse fondamentale des EPA.

Citant les travaux de Davallon parus en 2004, (Henri, 2013), rend compte de l’évolution des recherches sur les EPA et des tentatives de passer de l’objet concret à l’objet de recherche puis à l’objet scientifique. Elle souligne la dualité sous-jacente aux analyses, l’EPA étant tout à la fois un ou des dispositifs ou artefacts technologiques et une réalité subjective vécue par les apprenants, en lien avec leurs projets éducatifs. Cette dualité nous semble constitutive du projet même de construire l’EPA comme objet de recherche en soi : un EPA ne peut-être que les deux, artefact et réalité subjective.

Cela impose d’aborder l’étude des EPA en construisant une unité d’analyse à même de rendre compte de cette double nature du phénomène considéré, mais aussi de la dépasser dialectiquement. Rappelons que si Vygotsky a vu dans la signification du mot l’unité d’analyse fondamentale de la pensée et du langage7, c’est précisément parce que la signification du mot relève des phénomènes langagiers et cognitifs, individuels et sociaux. Plusieurs concepts peuvent prétendre jouer ce rôle d’unité d’analyse des EPA : l’usage (Perriault, 1989) ; (Proulx, 2001), l’activité, au sens de la théorie de l'activité (Engeström, 1987), le dispositif (Peraya et Bonfils, 2013), etc., précisément parce que tous relèvent d’une telle dualité...

Dans l’approche instrumentale, l’instrument est conçu comme étant une entité mixte, comprenant une composante artefact et une composante constituée d’un ou de plusieurs schèmes d’utilisation, eux-mêmes souvent liés à des schèmes8 d’action plus généraux. Le terme artefact est utilisé comme un terme neutre, désignant « toute chose ayant subi une transformation, même minime, d’origine humaine » (Rabardel, 1995), p. 58, et pouvant désigner un objet matériel ou symbolique. L’instrument au contraire tient à la fois du sujet et de l’artefact, définit par Rabardel comme un « artefact en situation, inscrit dans un usage, dans un rapport instrumental à l’action du sujet, en tant que moyen de celle-ci » (Rabardel, 1995), p. 6.

C’est cette double nature de l’instrument, « entité mixte » qui tient de l’artefact et du sujet, qui permet de considérer le concept d’instrument, au sens que lui donne Rabardel (1995), comme unité d’analyse pertinente.

Les instruments fonctionnent rarement isolément, mais constituent, dans les différents domaines d’activités, des systèmes d’instruments, « vastes ensembles d’instruments et de ressources de nature hétérogènes » (Bourmaud, 2007).

Le recours à la notion d’instrument comme unité d’analyse des EPA nous semble donc permettre :

• de mettre l’accent sur la dualité intrinsèque des EPA, comme dispositif technique et comme dispositif « approprié » par les apprenants, et donc de saisir, du fait de la double nature des instruments (artefacts et schèmes), les processus organisateurs des EPA dans leurs dimensions technique, représentationnelle et conceptuelle (Vergnaud, 1991) ;

• de souligner leur dimension construite (et constamment reconstruite dans l’activité) et donc d’être attentifs aux moments de cette construction dans une épistémologie génétique au sens de Piaget et Vygotsky (Bronckart, 2004) ;

• de souligner que dans cette approche les EPA sont les médiateurs de l’activité d’apprentissage. En d’autres termes la question qui est posée est celle de la construction et de l’usage des moyens de l’apprentissage « disciplinaire », et non celle (intéressante également) de l’apprentissage des usages des instruments de l’EPA ;

• de souligner que les EPA sont à la fois individuels et collectifs.

4.2. Corollaire 1 : Un EPA est à concevoir comme une construction personnelle des étudiants

Un EPA peut déjà être conçu comme un assemblage d’outils et de services « Web 2.0 » prescrit ou offert par l’université aux étudiants, qui disposent dès lors d’un environnement souple et malléable qu’ils peuvent ou non s’approprier (l’EPA est alors l’ensemble des services offert aux étudiants dans le cadre d’une formation). Dans cette perspective, l’EPA préexiste aux usages. Mais l’EPA peut également être conçu comme l’environnement tel qu’il est construit par les usages mêmes des étudiants, en marge, voire contre l’institution (les étudiants articulant outils prescrits et non prescrits). Dans cette conception, l’EPA est le produit des usages effectifs des étudiants.

Or considérer les EPA comme des systèmes d’instruments implique :

• que l’activité instrumentale repose sur des schèmes, c’est-à-dire sur un jeu de représentations, de connaissances en actes, d’inférences, etc., qui participent donc de la constitution de l’EPA tel qu’il est vécu par les apprenants (et constituent une partie de la dimension subjective de l’EPA) ;

• que les EPA font l’objet de genèses instrumentales, c’est-à-dire d’un processus de construction dans l’activité, dans un double processus d’instrumentation et d’instrumentalisation, dirigé vers l’artefact et vers le sujet. Les EPA, pour paraphraser (Rabardel, 1995), p. 12 ne sont pas donnés à l’utilisateur, celui-ci les élabore progressivement ;

• que les EPA sont en conséquences propres aux individus dans la mesure où les schèmes, bien qu’ils puissent être partagés ou collectifs, sont également des construits individuels, fonctions de l’expérience, des habitudes, des capacités de chaque utilisateur.

Pour notre part, nous parlerons donc ici d’EPA en référence à l’environnement construit dans et par les usages de chaque apprenant, comprenant l’ensemble des dispositifs, ressources, aides, mobilisées dans les situations de travail et/ou de communication, susceptibles d’entraîner des apprentissages (formel ou informel).

Dans l’enquête qualitative présentée ici, les étudiants devaient réaliser un travail de recherche et de rédaction par groupe de trois, sans aucune consigne spécifique sur les outils de travail et d’échange à mobiliser. Ils avaient tous la possibilité de travailler avec des pages sur la plateforme Moodle, ce qu’aucun n’a fait. Les étudiants ont privilégié les échanges par mail, dans une moindre mesure par SMS ou via leur profile Facebook. Ils ont tous rédigé leur texte à l’aide du logiciel Word. Mais au-delà de cette unité apparente, si l’on considère plus finement comment les étudiants ont échangé et travaillé, chacun des étudiants a mobilisé le système instrumental à sa disposition en fonction de son expérience, de ses compétences, de ses besoins aux différents moments du travail. Ainsi, Julien explique « Eva, elle répond pas trop au mail, des fois je lui envoie un mail et elle répond sur Facebook. Les mails elle les lit, bien sûr, mais elle est pas aussi réactive que sur Facebook ». Envisagé au niveau artefactuel, le mail est présent dans les EPA de Julien et dans celui d’Eva, mais au niveau instrumental, il s’agit bien de deux systèmes d’instruments distincts : avec les mêmes artefacts, chacun a créé un système d’instrument spécifique.

Le fait que l’EPA, envisagé au niveau instrumental, de chacun lui soit spécifique ne signifie pas qu’il n’y ait pas des phénomènes de diffusion et d’harmonisation : chacun doit adapter ses habitudes et schèmes incorporés à ceux des autres membres du groupe. Cela peut passer par l’abandon de certaines pratiques et donc une harmonisation des EPA par le plus petit dénominateur commun. Sophia aurait bien aimé utiliser Dropbox pour échanger des fichiers « j’ai essayé hein, mais les autres elles y arrivaient pas alors... », le groupe a donc utilisé les envois groupés par mail. D’autres schèmes se diffusent (comme ceux de l’utilisation de la couleur dans les documents Word, détaillés infra), contribuant donc à enrichir l’EPA de certains de nouvelles manières de faire.

4.3. Proposition 2 : Les mêmes artefacts peuvent être mobilisés dans des situations variées

Les recherches sur les EPA le montrent : même les étudiants n’ayant cours qu’en présentiel sont amenés à utiliser quotidiennement des outils de communication à distance dans le cadre de leurs études ; inversement, certains outils leurs permettent de poursuivre jusque dans les cours leurs relations personnelles. La plupart de ces outils n’ont pas été conçus à des fins éducatives, et ne sont pas fournis par l’institution universitaire. Ainsi, les étudiants peuvent prendre des notes pendant les cours dans un document Word, sur un ordinateur portable, tout en restant connectés à Facebook et en envoyant des messages privés ou des SMS. Ils peuvent faire des recherches bibliographiques depuis leur domicile, échanger des mails avec les autres étudiants du cours, rédiger un mémoire à plusieurs, c’est à dire travailler et apprendre avec des outils qui ne leur sont pas imposés, ni même proposés par leur université.

Ces usages ne peuvent être catégorisés au sein de l’opposition de sens commun entre ce qui relèverait de l’éducatif et ce qui relèverait des usages privés des étudiants. Ce sont bien les mêmes outils qui sont utilisés par les étudiants dans leurs pratiques personnelles, et qui constituent au moins une partie de l’environnement numérique de leur formation et de leurs apprentissages. Plus précisément, un EPA est hétérogène déjà dans la mesure où il agrège des outils relevant de l’expérience personnelle, extra-éducative des apprenants (mail, traitement de texte...) et d’autres qui relèvent clairement de la sphère éducative.

Cette hétérogénéité des systèmes d’instruments constituant les EPA est sans doute l’une de leurs caractéristiques majeures – et l’une des plus nouvelles.

4.4. Corollaire 2 : Les instruments peuvent avoir des statuts hétérogènes pour les étudiants

Cette hétérogénéité au sein des EPA peut prendre plusieurs formes. Elle peut par exemple se caractériser quantitativement par la fréquence de connexion aux outils académiques bien plus faible que celle aux outils personnels. Ainsi, dans l’enquête quantitative que nous avons conduite, si 80% des étudiants interrogés déclarent se connecter tous les jours à leur compte Facebook (Fluckiger, 2011a), ils ne sont qu’un peu plus d’un sur dix à se connecter à leur Espace Numérique de Travail (ENT).

Mais cette hétérogénéité se caractérise aussi par le fait que les différents outils que les étudiants utilisent (ou peuvent utiliser) pour communiquer entre eux, échanger et éventuellement apprendre n’ont pas tous le mêmes statut symbolique. Certains sont assignés à des contextes sociaux bien précis.

Ainsi, pour les étudiants interrogés, Moodle est sans surprise clairement indexé à la sphère « éducative », alors que Facebook relève de la sphère « ludique ». Dans les groupes étudiés, les étudiants avaient recours à l’un comme à l’autre, mais leur attribuaient des places bien différentes. Marie distingue les deux : « Moodle ça reste dans le cadre scolaire, alors que Facebook on peut plus se l’approprier. C’est un espace que pour nous, on sait que les profs ne vont pas aller regarder. Moodle c’est lié à tout ce qui est administratif, tout ce qui est cours. Dans la pratique, comme tout le monde a Facebook, si quelqu’un met un message je vais le voir ».

Ces différences entre Moodle et Facebook ont des conséquences en termes d’usage, comme le souligne Armelle : « Moodle, on y va moins souvent, quand quelqu’un participe il faut se connecter sur son adresse mail Lille 3, c’est moins fonctionnel, on a moins de possibilités, Facebook tout le monde l’a, on va même de notre côté. (...) Si ça avait été mis en place par l’université : ça aurait limité certaines paroles ». D’autres études montrent de même des outils qui sont, pour les étudiants, attachés à la sphère académique, même s’ils ne sont pas proposés directement par l’institution universitaire, comme Dropbox ou Google Docs, voir (Peraya et Bonfils, 2013).

Mais si « Facebook on peut plus se l’approprier » (Marie), cela ne signifie pas que son usage à des fins académiques aille de soi. Pour communiquer avec d’autres étudiants en contexte éducatif, il est même largement moins utilisé que le mail, non seulement par les étudiants interrogés mais plus largement dans le volet quantitatif de l’enquête : pour échanger lorsqu’ils doivent travailler à plusieurs, les étudiants déclarent utiliser essentiellement leur mail (70%) et leur téléphone (48%), les autres outils restant marginaux : Facebook concerne moins de 8% des étudiants. Ce résultat diverge en revanche fortement de ceux de (Peraya et Bonfils, 2013), qui montrent au contraire un fort usage de Facebook comme instrument de communication en situation académique. Ces différences peuvent s’expliquer par la date de l’enquête (2011 pour notre part) et les évolutions plus récentes de Facebook, facilitant par exemple l’utilisation de groupes, par les différences de nature du public concerné (étudiants en lettre vs étudiants en cursus technologique, plus habitués des outils Web 2.0), ou encore par l’existence de cultures locales, co-construites et véhiculées sur le mode de la circulation horizontale entre pairs et dont, précisément, les notions d’EPA et d’instrument permettent de rendre compte.

Le mail semble donc avoir un statut hybride dans l’environnement communicationnel des étudiants, intermédiaire entre les outils institutionnels (la plate-forme Moodle dans le cas étudié) et Facebook. En terme de possession et d’usages, le mail figure parmi les outils les plus répandus (99% des étudiants interrogés dans l’enquête déclarent posséder et utiliser une adresse mail, contre 74% pour Facebook par exemple), mais d’un usage plus rare : on ne s’y connecte pas tous les jours. Le mail est également hybride quant au statut symbolique que lui assignent les étudiants : il est moins lié à la sphère ludique. Marie explique que « Facebook c’est la sphère de détente, ou pour des indications de dernière minute. Le mail c’est plus pour avoir des informations précises ». Armelle précise que le mail, par son caractère asynchrone, engage déjà à une forme de distance réflexive : « Quand c’est une conversation spontanée, on va directement dire ses idées, tandis que par mail, déjà c’est plus réfléchi, forcément on a un peu plus de recul. Et puis on sait qu’on va pas avoir tout le monde en même temps, on va devoir attendre un peu ». Le fait que le mail soit un outil d’un usage moins quotidien en fait donc, dans les représentations des étudiants, un outil plus adapté que Facebook au travail collaboratif9.

D’autres études donnent à voir des situations où le même outil peut avoir un statut variable, et rendent compte des stratégies mises en œuvre par les étudiant pour gérer cette pluralité. Peraya et Bonfils (Peraya et Bonfils, 2013) soulignent l’usage croissant par les étudiants des outils les plus quotidiens, comme le smartphone et le compte Facebook, notamment pour leur fonction d’awareness, permettant la gestion du flux informationnel. Mais cet usage ne signifie pas pour autant l’abandon de formes de spécifications. Ainsi Roland (Roland, 2013) cite le cas d’étudiants qui distinguent bien le groupe Facebook dédié à un cours ou une formation et les « amis », ou encore des étudiants qui utilisent deux comptes Dropbox distincts. Il note que non seulement les étudiants « ne laissent pas entrer n’importe quel contenu académique au sein de leur sphère privée et n’utilisent pas n’importe quel outil privé à des fins académiques » (Roland, 2013), p. 32, mais encore que « les étudiants ne vont pas adopter des comportements identiques à ceux qu’ils ont avec leurs « amis Facebook » » (idem).

L’EPA des étudiants est donc constitué d’outils aux statuts variés : référés clairement à l’un des espaces ou non, d’usage quotidien ou moins fréquent.

4.5. Proposition 3 : Au sein des EPA, les instruments sont davantage locaux et spécifiques que généraux

Nous sommes partis de l’hypothèse très générale d’une discontinuité des pratiques entre éducatif et personnel. Mais encore faut-il expliciter là où se situe la discontinuité, c’est-à-dire d’une part préciser « ce » qui se transfère ou non entre différentes situations ou contexte d’usage, d’autre part quels sont ces contextes qui spécifient les pratiques.

4.5.1. De la continuité et discontinuité au sein des EPA

Cette question peut paraître paradoxale, tant la notion d’EPA permet précisément de souligner la continuité qui existe dans les outils et les pratiques, continuité à laquelle serait aveugle une vision dichotomique, opposant de manière rigide les usages éducatifs et personnels. La prise en compte de cette continuité s’avère d’ailleurs heuristique en ce qu’elle permet de rendre compte d’usages éducatifs empruntant leurs outils au monde des pratiques privées, ludiques et de sociabilité, en matière de communication interpersonnelle (Peraya et Bonfils, 2012), de pratiques scripturales (Lienard, 2012) ; (Marcoccia et al., 2014) ; (Schneider, 2014), etc.

Pour autant, la nature même des EPA, construits par les apprenants, articulant des outils issus de l’univers académique à des outils issus de leur univers personnel, excédant donc les frontières établies institutionnellement entre académique et personnel, conduit à interroger les transferts possibles entre ces univers. En dépassant les frontières académiques, l’objet EPA contraint à poser frontalement la question de ce qui peut (ou ne peut pas) se transférer d’un univers à l’autre, d’un contexte à l’autre, et donc à adopter une posture plus moins « unifiante » ou « plurielle » du sujet. En ce sens, la notion d’EPA représente indéniablement une avancée non pas en ce qu’il confond les deux univers mais en ce qu’il incite à la prise en compte de leurs relations réciproques.

Ainsi, la notion d’EPA rend possible une posture de recherche, qui tend à mettre l’accent sur les discontinuités instrumentales plus que sur les continuités10. Si l’hypothèse de continuité s’avère heuristique pour penser les pratiques académiques, elle porte le risque de minorer certaines de leurs spécificités, en omettant de mettre l’accent sur le rôle du contexte dans le formatage des usages.

Cette posture « discontinuiste » des pratiques est relativement peu mise en œuvre dans les recherches actuelles : le « sujet apprenant » construit par les recherches est, selon la distinction proposée par Lahire (Lahire, 1998), davantage un acteur « unifié », « solidaire » qu’un « acteur pluriel ». En témoigne notamment le fait que les pratiques extra-éducatives, au sens large, sont très largement absentes des analyses (Fluckiger, 2012) : peu de travaux investiguent les pratiques ludiques et personnelles d’un point de vue éducatif, tout comme peu de travaux analysent en retour les pratiques en contexte éducatif à la lumière de ce que l’on sait des pratiques personnelles. La conséquence en est que, les habitudes de présentation de soi, le recours à des formes conversationnelles particulières, sont le plus souvent analysées sans que les habitudes des mêmes apprenants dans d’autres contextes ne soient évoquées : les formats relationnels, stratégies de communications sont-ils les mêmes, sont-ils apparentés, sont-ils en contradiction avec ceux développés dans d’autres contextes ? Cette question n’est pour ainsi dire jamais posée ; soit qu’elles soient supposées radicalement distinctes, soit qu’elles soient supposées identiques, les relations entre pratiques scolaires/extrascolaires, académiques/personnelles sont rarement thématisées et construites théoriquement en tant que telles.

4.5.2. Discontinuité et hypothèse de pluralité appliquée aux instruments

Il est des raisons théoriques de mettre l’accent sur la pluralité ou la discontinuité des pratiques. Divers courants théoriques, sociologiques ou psychologiques ont, de manière pertinente, montré le gain heuristique d’une focalisation de l’attention sur la pluralité interne des sujets. C’est notamment le cas en sociologie qui a, de longue date, questionné les solidarités ou les fractures intra-individuelle des acteurs, sous l’angle des dispositions plurielles plus ou moins cohérentes (Lahire, 1998) ou de la pluralité des régimes d’engagement (Thévenot, 2006) par exemple. C’est le cas également des courants l’apprentissage situé (Anderson et al., 1996) ou encore, en psychologie, de l’action située (Suchman, 1987) ; (Conein et Jacopin, 1994), qui soulignent que « tout cours d’action dépend de façon essentielle de ses circonstances matérielles et sociales » (Suchman, 1987), p. 50.

Plus spécifiquement, Lahire (Lahire, 1998) considère que « dès lors qu’un acteur a été placé, simultanément ou successivement, au sein d’une pluralité de mondes sociaux non homogènes, et parfois contradictoires [...] alors on a affaire à un acteur au stock de schèmes d’actions ou d’habitudes non homogène, non unifié et aux pratiques conséquemment hétérogènes. » (p. 35). A l’appui de son argument, Lahire discute l’usage fait par Bourdieu du concept de schème de Piaget, notant que si pour ce dernier, les schèmes sont ce qui est « transposable », « généralisable » d’une action, « certains schèmes sont beaucoup moins généraux » (Piaget, 1992), p. 16. Pour Lahire en conséquence, « chaque contexte social peut déclencher des schèmes spécifiques », p. 95.

Lahire ne parle pas spécifiquement des schèmes d’utilisation, mais ceux-ci sont bien, pour Vergnaud comme pour Rabardel, « relatifs à une classe de situations » (Vergnaud, 1991), formés « d’invariants organisateurs de l’activité du sujet, dans les classes de situations et domaines d’activités qui sont habituellement les siens » (Rabardel, 2005). En d’autres termes, l’approche instrumentale considère que les mêmes artefacts peuvent être construits en tant qu’instruments spécifiés dans des contextes ou « classes de situations » différentes. L’hypothèse de discontinuité que nous formulons ne fait donc in fine que prendre au sérieux un principe théorique fondamental de l’approche instrumentale.

L’idée d’une discontinuité des pratiques que nous évoquions plus haut nous semble donc pouvoir être dépassée en en précisant la nature : ce que nous nommons ici discontinuité instrumentale ne tient pas uniquement à ce que ce seraient des outils différents qui seraient utilisés, mais au fait que leur usage est construit et reconstruit (ou non) par les étudiants en fonction des différentes situations. Le hiatus parfois décrit entre éducatif et personnel ne doit, dans cette perspective, pas être entendu comme passant uniquement entre les outils, certains relevant par nature de l’univers privé et d’autres de l’univers académique, mais également au sein même des instruments.

4.6. Corollaire 3 : Les instruments font l’objet de genèses instrumentales spécifiques à des situations d’usage variées

Si les schèmes sont relatifs à des « contextes sociaux », « classes de situations » ou « domaines d’activités », cela signifie que les mêmes artefacts peuvent éventuellement être appropriés en tant qu’instruments différents selon qu’ils sont mobilisés en contexte d’apprentissage ou non, et suivant la nature de la tâche des apprenants. Cela signifie donc que des genèses instrumentales spécifiques doivent avoir lieu.

Cette perspective théorique conduit donc à rechercher les conditions et processus d’élaboration de nouveaux instruments, les modifications et restructurations entrainées dans le système instrumental de l’apprenant, mais aussi les représentations, connaissances, etc. et leurs évolutions. Nous avons ainsi reconstitué certaines genèses instrumentales, qui nous semblent spécifiques non uniquement aux situations académiques, mais plus précisément à la situation de collaboration en contexte d’apprentissage académique. Nous en donnons deux exemples.

4.6.1. Communiquer dans un groupe : le mail comme instrument pivot

L’usage du mail dans les situations de « collaboration ordinaire » (Fluckiger, 2011b), non instrumentées institutionnellement, telles celles que nous avons étudiées pose la question de ce que le chercheur doit considérer comme faisant partie de l’EPA. Le mail, en tant qu’instrument spécifique à cette situation, ne préexiste pas à la situation de collaboration. Les schèmes disponibles ne convenant pas nécessairement, il est nécessaire d’en construire de nouveaux. Les propos des étudiants laissent entendre qu’il ne s’agit pas là d’un usage stabilisé, acquis par exemple dans d’autres situations de collaborations antérieures.

Par exemple, au cours de la collaboration, il est nécessaire de décider quand envoyer un mail individuel ou un mail collectif. Ainsi, Armelle explique « Des fois on n’envoie qu’à certaines personnes, on se corrige, c’est pas forcément tous en même temps. Moi c’est plus avec Marie, on fonctionne beaucoup à deux. Je lui envoie déjà à elle pour qu’elle me corrige, et après on les envoie aux autres. (...) C’est une fois que c’est plus finalisé qu’on l’envoie à tout le monde, sinon ça ferait trop de mail, après on s’en sort, plus  ». C’est bien l’usage au sein du groupe qui oblige à se poser ces questions, à développer des stratégies plus ou moins conscientes ou implicites, à créer des schèmes d’usage partagés. Comme nous l’avons indiqué, ces genèses sont individuelles, mais également collectives ; certains groupes recourront ainsi presque exclusivement à des mails collectifs, d’autres fonctionnement par dyades.

Cette construction n’est d’ailleurs pas achevée avec le début de la situation de travail collaboratif. L’analyse des mails échangés au sein des groupes montre des évolutions dans le statut et la fonction des mails envoyés au sein du groupe. Cette modulation dépend bien entendu de la phase du travail collectif, mais elle fait également l’objet d’ajustements collectifs. Nous avons catégorisé les mails récoltés en fonction de leur finalité. Il a été possible de repérer trois grands types de fonction aux mails échangés :

• des mails de coordination (« quelle sont vos disponibilités ? ce serait bien de mettre en place le projet dès cette semaine (définir le type et le nombre de tâches) », « si on n’a pas le temps de se voir on peut toujours communiquer par mail », « Franck, on te mettra au goût du jour demain ») ;

• des mails support d’échange de contenus (« je vous envoie le résumé de l’article que j’ai lu pour la sociologie », « je vous fais part de mes trouvailles », « j’ai trouvé une revue en ligne qui s’intitule Mobile et Société », « je vous donne les liens ») ;

• des mails manifestant l’avancée du travail (« J’ai commencé ma partie », « je vais commencer à créer des activités », « je compte faire un Powerpoint pour la présentation du blog »), ou demandant la réciproque (« et vous, comment ça avance ? si vous avez des problèmes techniques n’hésitez pas. »).

Dans les différents groupes les proportions évoluent, à chaque phase du travail, les mails envoyés par les uns contribuent à instituer les usages du mail des autres : l’envoi de mails de coordination impose des mails semblables en retour. Les schèmes tendant à se diffuser au sein du groupe. Ainsi lorsqu’on demande à Eva, qui envoyait très peu de mails, pourquoi et dans quelles circonstances elle a envoyé un mail annonçant « demain je vous envoie mon compte-rendu [de lecture] », elle témoigne de la pression collective qu’elle ressent et qui la conduit à harmoniser sa manière de faire : « c’est vrai que moi je travaille dans mon coin [...] j’avance, j’ai pas besoin de dire tout le temps j’ai fait-ci, j’ai fait ça... Mais faut pas qu’ils croient que je fais rien non plus. Eux ils disent tout le temps voilà, j’ai fait ça, bon ben moi aussi ».

Dans leur usage du mail pour accomplir la tâche prescrite, les étudiants ne se sont pas contentés de « piocher » parmi les outils à leur disposition : ils ont littéralement construit un nouvel instrument, en partie personnel, en partie propre au groupe, et non stabilisé. En effet, si les étudiants utilisent certes le mail, en tant qu’artefact, en revanche l’instrument de coordination, d’échange de contenus, de manifestation de l’engagement dans la collaboration a bien, lui, fait l’objet de genèses instrumentales spécifiques : c’est bien la situation éducative nouvelle (de collaboration imposée mais non instrumentée a priori) qui a conduit à l’émergence de ce nouvel instrument.

Cela signifie que ce n’est pas le « mail », en tant qu’artefact qui doit être considéré comme faisant partie de l’EPA, mais bien cet instrument nouveau créé dans l’activité académique. Cet instrument est triplement spécifié : par la situation (situation académique de collaboration), par le groupe et son fonctionnement, par le sujet, son expérience, ses compétences. Mais pour chaque étudiant, les schèmes d’utilisation associés à l’artefact mail sont bien distincts, spécifiques. Le hiatus bien connu entre usages privés et universitaires trouve ici une forme nouvelle : ce ne sont plus les outils qui varient d’un univers à l’autre mais ce que les apprenants en font, c’est-à-dire les instruments.

4.6.2. La genèse instrumentale du traitement de texte comme instrument collectif

La tâche demandée aux étudiants impliquait la rédaction d’un dossier collectif. Il leur a alors été nécessaire d’opérer une autre genèse instrumentale pour faire du traitement de texte, instrument individuel d’écriture et de mise en forme textuelle (André, 2006), un instrument collectif sur lequel il est possible d’écrire à plusieurs.

Cette genèse instrumentale conduisant à une appropriation collective est très dépendante du niveau technique des étudiants. Dans le contexte d’étudiants en lettres modernes, l’usage de fonctionnalités « avancées », comme le suivi des modifications ou l’usage d’outils spécifiques de partage de documents (type Dropbox) s’avérait inexistant. Les rares étudiants ayant connaissances de possibilités techniques avancées font état, dans les entretiens, d’une part de difficultés techniques liées aux différences de versions et de logiciels (Mac, OpenOffice, Microsoft Word...), d’autre part aux réticences des autres membres du groupe, conduisant de fait à renoncer à les utiliser. Les étudiants ont donc recours à des règles partagées pour suivre les modifications de chacun et tenir des versions à jour du document collectif. Nous avons ainsi pu distinguer deux genèses instrumentales principales distinctes, mais qui peuvent se superposer :

• la délégation de la responsabilité du document à l’un des participants;

• l’emploi de la couleur pour signaler les modifications.

En ce qui concerne la délégation de la responsabilité, Marie explique : « Souvent c’est Armelle qui centralise tout à la fin. Elle aime bien faire la mise en page, elle est plus habile aussi, on lui envoie tout chacune notre partie, et elle, elle remet tout dans l’ordre. » Armelle confirme : « souvent quand c’est des fichiers informatiques, c’est moi qui ai le dossier et que le renvoie aux autres, et quand les autres ont fait une modification elles me le renvoient, et si il y en a une autre, je lui dit « attends avant de faire tes corrections, je t’envoie le dernier », pour qu’il y en ait au moins une qui ait le fichier final, parce que si on envoie toutes en même temps, il faut reprendre et être sûr que tout est remis. (...) Si on a 36 fichiers avec le même nom, pour retrouver, il faut être sûr d’être bien organisé. J’envoie, je dis voilà le fichier final... je tiens le fil conducteur, quel est le dernier... ». Cette procédure et ces schèmes sont collectifs, partagés. Ils peuvent bien sûr être partiellement hérités de situations antérieures, mais dans la forme de leur exécution, ce sont bien les ajustements réciproques qui conduisent à la création d’un instrument collectif d’écriture, en partie artefact, en partie schèmes, propre à la situation, à ce groupe d’étudiant et aux différents sujets.

Mais si tous les groupes ne disposent pas d’un « expert » qui centralise le document, tous en revanche utilisent les couleurs pour se signaler entre membres du groupe les modifications et les ajouts : « Quand on se corrige, généralement on utilise les polices de couleurs. Quand on ajoute quelque chose, on va mettre les choses en gras, soit une couleur... ou alors si on corrige des syntaxes pas très correcte, on les met par exemple en rouge, on se donne des codes couleurs. Mais essaie de garder le texte tel qu’il est. En plus il y en a qui sont sur mac, des fois on passe d’Office à Word, sur mac des fois ça décale tout, donc on essaie de garder le texte tel qu’il est sans trop décaler à droite et à gauche » (Armelle). Là encore, les manières de faire se diffusent : « au début je leur disais en rouge, c’est un ajout, là en vert c’est que j’ai corrigé une faute [...] après tout le monde s’y est mis ». Cet usage collectif du traitement de texte nécessite une genèse instrumentale collective, par la circulation de la signification des codes couleurs et la diffusion de schèmes d’usages associés au sein du groupe.

Cet exemple permet de souligner que si le traitement de texte peut-être envisagé comme un instrument présent dans l’EPA de Marie, Armelle, Julien, etc., c’est bien en tant qu’instrument re-construit, auquel de nouveaux schèmes ont été associés et non directement du traitement de texte utilisé en situation individuelle. Cette reconstruction n’est pas uniquement spécifique des situations de collaboration, mais bien de cette situation de collaboration singulière, fonction des compétences et habitudes du groupe particulier, l’usage qui en est fait doit être chaque fois renégocié, adapté aux finalités, à la temporalité du travail.

4.7. Perspectives

L’idée d’une discontinuité instrumentale, c’est-à-dire que des instruments différents peuvent être construits dans les diverses situations (éducatives ou non) à partir des mêmes artefacts a émergé des premiers résultats d’enquête présentés ci-dessus. Ils n’ont pas encore donné lieu à une validation empirique systématique. Un tel travail empirique, partant de cette hypothèse, devrait se donner les moyens non pas seulement d’observer quelques genèses instrumentales en repérant ce qu’elles peuvent avoir de spécifique ou de non transposable, mais bien d’observer systématiquement l’usage des mêmes artefacts dans des situations (éducatives et non éducatives) variées.

Plus précisément, il s’agirait de recenser et typologiser les différentes situations d’usage des artefacts de communication, d’apprentissage et de travail mobilisé par les étudiants et constituant leur EPA, afin de dégager quelques indices sur ce qui peut caractériser une telle « situation ». En effet, si Vergnaud (Vergnaud, 1991) emploie le terme de « classe de situations » dans le contexte de problèmes mathématiques, il serait nécessaire de clarifier ce qu’on peut entendre par « situation », « classe de situations », « domaines d’activités », du « contexte social » dans le cadre d’usage d’artefacts numériques et qui conduit à des usages différenciés : les finalités d’usage, le contexte institutionnel ? L’usage « privé », au sens de « non éducatif » du mail, par exemple, est une construction qui subsume des pratiques variées (ludiques, commerciaux, de sociabilité, administratifs...), répondant à leurs logiques propres. Or, si la notion d’EPA rend compte du fait que les catégories « ordinaires » opposant de manière dichotomique « l’académique » et le « privé » n’opèrent pas concernant l’usage des outils numériques (Fluckiger, 2014), si les exemples précédents étayent l’idée que ce sont des contextes plus fin que ces macro-catégories, il ne pouvait entrer dans le cadre de cet article de déterminer plus précisément comment les différentes situations d’usage diffèrent.

Une telle étude devrait également déterminer empiriquement plus précisément ce qui diffère entre les divers instruments tels qu’ils sont construits, et ce à trois niveau :

• au niveau des artefacts, en cherchant notamment les fonctionnalités mobilisées ou non dans des situations différentes, par l’observation et le recueil de traces d’activités ;

• au niveau des schèmes d’action, en repérant par des observations en situation des récurrences dans les manières, individuelles et collectives, de faire ;

• au niveau représentations (de l’utilité, des finalités...) ou des valeurs attribuées par les sujets aux artefacts en fonction des différentes situations.

Ces genèses instrumentales opérant à la fois au niveau individuel et au niveau collectif, au sein du groupe, ce travail devrait en outre examiner attentivement les dynamiques à l’intérieur des groupes afin de mettre en lumière comment les schèmes, représentations, valeurs circulent, sont partagées, s’homogénéisent ou non dans la situation d’apprentissage collaboratif.

Un premier travail dans le sens du « dépliage » des macro-situations « académiques » a été réalisé par Annocques (Annocques, 2014), qui a étudié les variations dans l’usage des outils d’une même plate-forme institutionnelle (incluant des outils de type forum, chat, etc.) en fonction des disciplines enseignée. Annocques partait de l’hypothèse nettement didactique que les contenus d’enseignement, et secondairement les représentations et images que les apprenants se faisaient de ces contenus et de leur organisation disciplinaire, structuraient la manière de s’approprier les mêmes outils, conduisant à des genèses instrumentales différentes. Des études similaires pourraient être conduites, autour d’autres variations que cette variation disciplinaire (parti pris théorique des didactiques), afin de déterminer ce qui, dans les contextes d’usages, s’impose aux instruments, c’est-à-dire ce qui constitue une « classe de situations ».

5. Conclusions, retour sur la notion d’EPA

Le concept d’EPA permet, de toute évidence, de souligner à quel point les dichotomies présence/distance, personnel/institutionnel, ludique/éducatif sont en train d’être dépassées par la diffusion des technologies personnelles, en particulier mobiles. Ces évolutions entrainent des convergences, qu’il est nécessaire de pointer pour éviter de reproduire dans le domaine scientifique les oppositions ordinaires, binaires non construites (jeunes branchés vs école débranchée, académique vs privé, etc.). Bonfils et Peraya (Bonfils et Peraya, 2010) notent ainsi à juste titre « une certaine congruence » entre les sphères personnelle et éducative, en tous cas dans le choix des outils.

Pour autant, d’autres aspects demanderaient parallèlement à être examinés sous l’angle des divergences ou des tensions dans les manières de faire, de s’engager, de diviser le travail au sein du groupe. Il apparaît alors que des différences surgissent, qui conduisent à penser que les mêmes artefacts, sont appropriés en tant qu’instruments différents. Pour peu que l’on prête attention à la pluralité des contextes d’usage, apparaissent des logiques en tension, qui nécessitent de nouvelles genèses instrumentales. Or s’interroger sur la pluralité des contextes d’usage des mêmes outils conduit à interroger les procédés de passage des uns aux autres.

Cette perspective interroge en retour le concept développé actuellement d’EPA, considéré ici comme système d’instruments et qui serait éventuellement à moduler : doit-il renvoyer à l’idée d’un environnement unique, transversal aux différentes situations sociales traversées par l’étudiant, dont certaines fonctionnalités sont partagées et d’autres non, ou faut-il davantage envisager que l’environnement, constitué dans les différentes classes de situation via des genèses instrumentales spécifiques, est une caractéristique de la situation plus que de l’apprenant ?

Si la première position renvoie à une conception « unifiée » du sujet, parcourant les différentes situations sociales armé des mêmes instruments, schèmes, compétences ; la seconde renvoie à une conception attentive à la pluralité interne, pour laquelle les instruments ne « suivent » pas un sujet invariable, mais qu’au contraire le sujet se (re)constitue en activant schèmes, dispositions, engagements spécifiques. La mise en œuvre de l’hypothèse de discontinuité nous semble ainsi permettre d’éclairer sous un autre jour les constats de « percolation des usages » et de l’existence de « dispositifs passeurs » (Peraya et Bonfils, 2012).

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A propos des auteurs

Cédric Fluckiger est Maitre de Conférences en sciences de l'éducation à l'université Lille 3 (France), dans l'équipe de didactique Théodile-CIREL (EA4354), dont il a été directeur adjoint de 2011 à 2013. Il est spécialiste de didactique de l'informatique. Il mène des recherches dans trois domaines. Il étudie les contenus d'enseignement/apprentissage liés à l'informatique scolaire (primaire et secondaire), notamment les perceptions et représentations de ces contenus par les élèves et les enseignants. Il investigue par ailleurs la culture numérique juvénile et ses relations avec les apprentissages scolaires. Il étudie enfin les usages des TIC comme moyen d'apprentissage et d'enseignement, tant pour les enseignants (TBI) que pour les apprenants (MOOC, usage des réseaux sociaux en situation éducative, etc.).

Adresse : Adresse : Université de Lille 3 Théodile. Cirel Domaine universitaire du Pont de Bois, rue du Barreau. BP 60149 59653. Villeneuve d'Ascq Cedex.

Courriel : Courriel : cedric.fluckiger@univ-lille3.fr


1 Environnements Informatisés pour l’Apprentissage Humain.

2Précisons que l’un des objectifs de cet article consiste précisément à dépasser cette opposition binaire, non construite en montrant que cette distinction n’opère pas concernant les EPA. Le scolaire, le hors-scolaire sont des constructions d’autant moins construites qu’elles s’éloignent des objets centraux du chercheur (Reuter, 2013): le sociologue parlera aisément du « scolaire », le didacticien du « hors-scolaire » là où chacun établira des distinctions plus fines.

3 Précisons que dans ce texte, les termes de pratique et usage sont à entendre comme des termes de travail utiles, et ne sont pas employés en tant que notions théoriquement construites, bien que nous nous efforcions de réserver le terme d’usage à ce qui fait l’objet d’un partage social, le terme de pratique renvoyant davantage à une dimension individuelle.

4« cette dichotomie fait [...] l’impasse sur le fait bien connu que le travail scolaire, puis le travail étudiant, ne se déroulent pas qu’en présentiel, pendant les heures de cours, mais se poursuivent largement hors des institutions éducatives sur le « temps libre » des élèves ou étudiants » (Fluckiger, 2014) ; p. 59.

5 Les notions ne deviennent concept qu’une fois qu’ils sont partagés et ont montré leur valeur dans la confrontation aux données de recherche. The proof of the pudding is in the eating.

6Sans que la représentativité de cet échantillon ne soit assurée, le contrôle a posteriori des grandes variables (âge, genre, UFR d’origine, année) n’a pas montré de distorsions importantes d’avec l’ensemble de la population mère.

7 « La signification du mot est non seulement l’unité de la pensée et du langage mais aussi l’unité de la généralisation et de l’échange social, de la communication et de la pensée. » (Vygostki, 1934/1986), p. 58 ; voir (Bronckart, 1985). Vygotsky s’appuie lui-même sur certaines réflexions de Marx qui voit dans la marchandise l’unité d’analyse fondamentale pour l’analyse de l’économie et de la société capitaliste, car la marchandise présente elle-même cette double nature, comme objet matériel et comme objet signifiant, porteur de valeur socialement partagée, mais aussi comme « valeur d’usage » et « valeur d’échange ». (Marx, 1867/1993).

8 Le concept de schème est lui-même emprunté à Piaget (Piaget, 1968) et à Vergnaud, qui les défini comme « l’organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée » (Vergnaud, 1991), p. 136. Les schèmes sont donc des unités à la fois structurales et fonctionnelles (Brun, 1994), tout à la fois produits et organisateurs de l’activité, et rendent compte de l’invariance de l’action et de son adaptabilité (Pastré, 2005).

9Notons que malgré cette représentation du mail comme « plus réfléchi », les mails effectivement échangés ne semblent pas véritablement plus « travaillés » que d’autres formes de communication : les mails sont généralement courts et s’ils véhiculent souvent de l’information ce n’est pas le contenu du mail lui-même qui construit la réflexion.

10 Précisons bien qu’il ne s’agit ici en rien d’une posture normative ou d’une quelconque injonction, mais plutôt de la formalisation d’une posture « possible » (et de fait peu mise en œuvre), ainsi que d’un plaidoyer pour l’explication des options théoriques et méthodologiques prises. Cela n’enlève bien entendu rien à l’intérêt de la posture « continuiste » et des apports des travaux : c’est bien la complémentarité des regards qui peut permettre d’appréhender dans leur complexité les phénomènes considérés ici.

 
Référence de l'article :
Cédric FLUCKIGER (Théodile-CIREL, EA, Université Lille ), L’analyse des Environnements Personnels d’Apprentissage sous l’angle de la discontinuité instrumentale, Revue STICEF, Volume 21, 2014, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 17/12/2014, http://sticef.org
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Mise à jour du 5/12/16