Étude de l’intégration d’un jeu
sérieux pour l’enseignement de la programmation dans
différents contextes universitaires
Mathieu MURATET (Grhapes, Suresnes), Élisabeth DELOZANNE
(LIP6, Paris), Fabienne VIALLET (UMR EFTS, Toulouse), Patrice TORGUET (IRIT,
Toulouse)
|
RÉSUMÉ : Cet
article étudie l’utilisation sur une large échelle (388
étudiants, 22 enseignants), dans 7 différents contextes et sur
plusieurs sessions, du jeu sérieux Prog&Play, logiciel
développé à l’IRIT et libre d’accès.
Après une analyse a priori du domaine, une enquête auprès
d’étudiants sur leur pratique des jeux vidéo et une
enquête auprès des enseignants pour prendre en compte leurs
contraintes, Prog&Play a été conçu pour accompagner un
enseignement de la programmation à des étudiants débutants.
Une première étude s’appuyant sur un questionnaire
auprès des étudiants après utilisation du jeu, a
montré que l’intérêt des étudiants pour
Prog&Play ne dépend pas uniquement de la qualité
intrinsèque du jeu mais est corrélé avec le dispositif
d’enseignement dans lequel le jeu a été utilisé. Dans
cet article, après une présentation de l’ensemble du projet,
nous analysons les commentaires de 56 étudiants et 17 enseignants, ayant
utilisé le jeu, pour explorer les conditions de l’adoption de ce
jeu sur la durée dans un dispositif d’enseignement
universitaire.
MOTS CLÉS : jeux
sérieux, enseignement de la programmation, usages d’un jeu
sérieux, appropriation par les enseignants.
|
Teaching computer programming with a serious game: study on various university contexts |
|
ABSTRACT : This
paperstudies a large-scale use (388 students and 22 teachers), in various
contexts and during several sessions of Prog&Play, afree serious game
specially designed to teach computer programming fundamentals.In earlier
quantitative studies, we found, through a students’ motivation survey,that
the students’ interest for Prog&Play was not only related to the
intrinsicgame quality, it was also related to the teaching context. In this
paper, after presenting the project, weinvestigate conditions of the game
adoption in different university teaching settings. Results from a
qualitativestudy of 56 students’ and 17 teachers’ comments, suggest
guidelines for asuccessful implementation of Prog&Play.
KEYWORDS : serious
games, programming teaching, serious games use, teachers’
appropriation |
1. Introduction
Zyda (Zyda, 2005) définit un jeu sérieux comme un défi mental joué
avec un ordinateur, qui respecte des règles spécifiques et qui
s’appuie sur le plaisir pour atteindre des objectifs de formation,
d’éducation, de santé ou de communication. De nombreux
travaux ont étudié l’effet des jeux sérieux sur la
motivation (Bizzocchiet Paras, 2005).
D’autres travaux portent sur la mise au point de modèles et
d’outils pour faciliter leur conception (Marfisi-Schottman et al., 2010) et (Yessad et al., 2010),
en particulier par des enseignants (Marchiori et al., 2012) et (Marne et al., 2013),
ou pour suivre l’apprenant-joueur et évaluer
l’évolution de ses compétences (Thomas et al., 2011).
D’autres recherches se penchent sur leur efficacité pour
l’apprentissage en comparaison avec d’autres méthodes.Par
exemple
Stizmann(Stizmann, 2011),dans
une méta-analyse récente des publications sur ce sujet, met en
évidence des caractéristiques des jeux et des
caractéristiques du contexte pédagogique qui influencent
l’effet sur l’apprentissage. Les jeux doivent être ludiques et
l’apprenant doit agir et pas seulement lire ou écouter. Quand au
contexte, il doit permettre un accès fréquent au jeu et les jeux
sont plus efficaces comme complément d’une autre méthode
pédagogique qu’utilisé comme seule méthode
d’apprentissage. Cette auteure appelle de ses vœux des études
détaillées et précises sur les caractéristiques des
jeux et les contextes pédagogiques où ils s’avèrent
favoriser les apprentissages.
Dans cet article, nous étudions comment un même jeu
sérieux peut être utilisé avec profit dans certains
contextes pédagogiques et rejeté ou tout au moins abandonné
dans d’autres contextes.Le projet Prog&Play a pour objectif de motiver
les étudiants dans leur apprentissage de la programmation en leur
proposant de mobiliser leurs compétences via un jeu sérieux. Ce
projet se fonde sur l’hypothèse que les jeux vidéo (i)
attirent un grand nombre d’étudiants et (ii) constituent un
contexte d’application des concepts et savoir-faire de base de
programmation aussi riche mais plus motivant que les exemples
mathématiques souvent proposés aux étudiants.
Une précédente étude (Muratet et al., 2012) a mis en évidence que la motivation des étudiants pour apprendre
la programmation avec Prog&Play ne dépend pas seulement des
qualités intrinsèques du jeu, mais dépend aussi du contexte
d’enseignement dans lequel le jeu est utilisé. Notre contribution
dans cet article ne cherche pas à montrer la supériorité
d’un jeu sérieux par rapport à un enseignement traditionnel,
mais à étudier les rapports entre les caractéristiques du
jeu et celles des différents contextes d’enseignement dans lesquels
il a été utilisé pour comprendre ce qui a fait obstacle
à son intégration ou, au contraire, ce qui a facilité son
appropriation par certains enseignants et conduit à son adoption
plusieurs années de suite. Après une exploration de travaux
connexes pour positionner notre travail, nous présentons
l’environnement Prog&Play et les différentes mises à
l’épreuve du jeu dans différents contextes universitaires.
Nous analysons ensuite les commentaires recueillis par questionnaires
auprès de 56 étudiants et 17 enseignants et concluons sur des
recommandations pour une utilisation fructueuse de Prog&Play.
2. Positionnement scientifique du projet Prog&Play
Notre travail s’appuie, d’une part, sur
les recherches concernant l’apprentissage de la programmation et,
d’autre part, sur celles concernant les jeux sérieux pour faciliter
cet apprentissage.
2.1. L’apprentissage des fondamentaux de la programmation
Un document mis au point par les principales associations scientifiques
regroupant les informaticiens au niveau international (ACM et IEEE-CS, 2008)(p.
38) précise les concepts à enseigner aux débutants en
programmation. Le même document précise les compétences
visées.Les étudiants doivent être capables : (i)
d’analyser et expliquer le comportement de programmes simples ; (ii)
de modifier et compléter des programmes simples ; (iii) de
concevoir, de mettre en œuvre, de tester et de corriger des programmes
comportant les constructions de base ; (iv) de choisir les constructions
appropriées pour un problème donné ; (v) de
décomposer un problème en sous-problèmes et de mettre en
œuvre des fonctions pour les résoudre ; (vi) de décrire
les mécanismes de passages des paramètres. Ces notions sont
très généralement enseignées par le biais de cours
magistraux, suivis par la résolution de séries d’exercices
d’application sans lien entre eux, lors de séances de travaux
dirigés papier crayon (TD) et de travaux pratiques sur machine (TP).
Parfois, l’enseignement est complété par un projet personnel
ou de groupe qui demande à l’étudiant de résoudre un
problème un peu plus complexe. L’apprentissage est
évalué par un examen écrit et par des devoirs rendus durant
la session (McCraken et al., 2001).
De nombreuses recherches ont mis en évidence les dysfonctionnements de
ce type d’enseignement et les raisons des taux d’abandon et
d’échec très élevés observés dans ce
type de formation dans le monde entier. Elles mettent en cause, en particulier,
la méconnaissance de la part des enseignants des difficultés
cognitives auxquelles doivent faire face les étudiants dans ce domaine et
des stratégies d’enseignement inadaptées (Du Boulay, 1986), (Jenkins, 2002) et (Kinnumen et Malmi, 2006).
En ce qui concerne l’enseignement, Pears et al. (Pears et al., 2007) considèrent trois facteurs qui influencent le succès des
étudiants : (i) le choix de l’enseignant de privilégier
soit la résolution de problème, soit l’apprentissage
d’un langage particulier, soit un environnement de développement
particulier ; (ii) le choix du langage et du paradigme de programmation
(fonctionnel, impératif, orienté objet) ; (iii) les
différents outils utilisés pour accompagner l’enseignement,
l’apprentissage et l’évaluation (outils de visualisation,
d’évaluation automatique, environnements de programmation,
micro-mondes ou tuteurs intelligents).
Du côté étudiant, peu d’étudiants
considèrent que l’apprentissage de la programmation est facile.
Jenkins (Jenkins, 2002) a identifié plusieurs difficultés concernant la nature même
de l’activité de programmation, mais aussi la façon dont
elle est enseignée. En particulier, il met en évidence
l’inefficacité de cours magistraux centrés sur les
détails de syntaxe et le manque d’intérêt, pour les
étudiants, d’exercices qui demandent des manipulations
mathématiques simples d’ensembles de notes, de stocks ou de comptes
bancaires. De nombreuses recherches ont montré qu’une approche
efficace consiste à encourager les apprenants à travailler
très tôt sur des tâches qui font sens pour eux (Greitzer et al., 2007).
Des outils comme Scratch (Maloney et al., 2004) ou Alice2 (Kelleher et al., 2002) ont été mis au point et sont utilisés afin de rendre les
premières expériences de programmation plus attractives pour les
jeunes. Nos travaux ont le même objectif. Plus précisément,
Prog&Play a un double objectif :
(i) Ancrer l’apprentissage de la programmation dans un contexte qui
intéresse et fait sens pour les étudiants (au moins pour une
majorité d’entre eux) ;
(ii) Proposer un outil aux enseignants qui les laisse libres de choisir la
stratégie d’enseignement, le langage, le paradigme et
l’environnement de programmation les plus adaptés à leur
contexte.
2.2. Les jeux sérieux pour l’apprentissage de la
programmation
La motivation pour poursuivre une tâche est une des principales
caractéristiques mises en avant pour promouvoir les jeux comme outil
d’apprentissage. Girard et al. (Girard et al., 2012) étudient les résultats publiés concernant
l’efficacité des jeux sérieux pour favoriser
l’engagement des étudiants et les apprentissages. En ce qui
concerne l’initiation à la programmation s’appuyant sur les
jeux vidéo, deux approches sont mises en œuvre.
La première approche consiste à demander aux apprenants de
programmer eux-mêmes un jeu vidéo. Chen et Cheng (Chen et Cheng, 2007) proposent aux étudiants un projet collaboratif pour programmer en C++,
sur un semestre, un jeu de moyenne taille à l’aide d’un outil
professionnel de développement de jeux vidéo. Gestwicki et Sun (Gestwicki et Sun, 2008) demandent aux étudiants de développer, en java, un jeu
d’arcade en utilisant des patrons de conception dans l’environnement
EEclone (EEClone, 2011).
La seconde approche consiste à demander aux étudiants de
programmer les entités virtuelles d’un jeu existant soit dans une
approche storytelling pour réussir une ou plusieurs missions, soit
dans une approche compétitive pour que les entités virtuelles
contrôlées par le programme du joueur-apprenant soient meilleures
que celles programmées par ses adversaires (ordinateurs ou
co-apprenants). Colobot (Colobot, 2001) est un exemple de l’approche storytelling où le joueur
incarne le rôle d’un explorateur qui part à la conquête
de planètes extraterrestres. Le joueur est plongé dans une
scénarisation qui l’invite à programmer de petits robots
(avec un langage orienté objet proche de C++) afin d’atteindre les
objectifs fixés par chaque mission. Dans Robocode,
Hartness(Hartness, 2004) propose une approche compétitive ; le joueur programme en Java (ou,
avec les versions récentes, dans un langage compatible .NET) un tank pour
combattre d’autres tanks programmés par les autres joueurs. Ce jeu
est accessible aussi bien aux débutants (un comportement simple peut
être programmé en quelques minutes) qu’aux programmeurs
experts (une véritable intelligence artificielle prendra plusieurs mois
à être développée). D’autres jeux adoptent
cette approche compétitive, mais tous proposent des langages de
programmation peu répandus dans le domaine de l’enseignement de la
programmation : par exemple Guntactyx (Gun-Tactyx, 2008) utilise le langage SMALL, et Robot Battle (Robot Battle, 2009) un langage de script propriétaire.
Dans le projet Prog&Play, nous avons adopté une double approche.
Le premier mode de jeu propose une approche storytelling où les
étudiants ont à réussir des missions de difficultés
progressives comme dans Colobot ; le second mode de jeu prépare les
étudiants à réaliser un programme dans un contexte de duel
(contre l’ordinateur ou contre leurs condisciples). Un tournoi peut alors
être organisé pour déterminer le programme le plus
performant dans une situation de jeu donnée. De plus, afin de faciliter
son intégration, Prog&Play a été
implémenté pour enseigner la programmation dans la plupart des
langages utilisés actuellement dans les établissements
français. Dans cet article, nous nous centrons sur l’approche par
missions dont les scénarios sont conçus en fonction
d’objectifs pédagogiques précis. Le scénario
d’utilisation de Prog&Play est le suivant : (i) Le joueur prend
connaissance de l’objectif à atteindre pour une mission
donnée ; (ii) il met au point une stratégie pour atteindre
l’objectif ; (iii) il écrit des programmes dans un des
langages pour lesquels la bibliothèque Prog&Play a été
développée ; (iv) il observe les effets de son programme sur
le jeu et très souvent il est amené à modifier
itérativement son programme pour atteindre l’objectif de la
mission.
3. Conception et implémentation de Prog&Play
Au début du projet, un
questionnaire,diffusé auprès de 950 étudiants en
informatique en première année à l’université
(780 garçons et 170 filles), nous a appris que les jeux de
stratégie temps réel (STR) étaient un type de jeu
très populaire dans notre public cible (Muratet et al., 2009).
Nous avons donc choisi de fonder Prog&Play sur un STR au code source libre
appelé Kernel Panic (Kernel Panic, 2012).
Ce jeu utilise une métaphore informatique : les unités du jeu
représentent des bits ; des octets ; des assembleurs ; des
pointeurs ; des noyaux...C’est un jeu en 3D,
multi-joueurs ; la qualité du moteur de jeu sous-jacent permet de
faire tourner le jeu sur des ordinateurs de salle de TP ordinaire tout en
restant attrayant.
Dans un STR, le joueur ordonne à ses unités
d’exécuter des actions (par exemple avancer, construire ou
attaquer) en cliquant avec la souris. Nous avons modifié le jeu afin que
le joueur donne ses ordres par programme. Les étudiants accèdent
aux données du jeu par le biais d’une Applicative Programming
Interface (API) que nous avons développée afin de les
dispenser de gérer les problèmes complexes de synchronisation.
Dans leurs programmes, ils utilisent ainsi les fonctions de haut niveau de la
bibliothèque Prog&Play pour modifier l’état du jeu via
des constructions simples (conditionnelles, itérations ou appel de
fonctions).
Dans notre approche, il est important de laisser l’enseignant libre de
choisir l’environnement de programmation et le langage. À
l’heure actuelle, nous avons implémenté six versions de
l’API pour les langages : ADA ; C ; Java ;Ocaml ;
Scratch ;CompAlgo. Le logiciel est téléchargeable en libre
accès (Prog&Play, 2012)
Dans le mode mission, le scénario proposé aux étudiants
par Prog&Play est le suivant : « Depuis un certain nombre
d’années, une guerre secrète fait rage au sein même
des ordinateurs. Des attaques ont régulièrement lieu contre
d’innocentes victimes. Aujourd’hui c’est votre tour. Votre
agresseur a capturé le contrôleur de votre souris. Vous devez le
récupérer. Votre seule solution : la
programmation ». Pour atteindre l’objectif final, nous avons
défini plusieurs missions de difficulté croissante. Les
premières missions se centrent sur les instructions de base et servent
à la prise en main progressive de Prog&Play et de sa
bibliothèque. Par exemple, la mission 5 (Figure 1) consiste en une boucle
pour rechercher une unité particulière dans l’ensemble des
unités. La mission est ainsi proposée :
« L'assembleur vient d'apparaître sur la carte, aidez le
à rejoindre le reste de votre armée. Déplacez l'assembleur,
et uniquement lui, aux coordonnées (256, 811). » Dans la
dernière mission (mission 8), le problème est ouvert et le joueur
doit définir et implémenter une stratégie pour remporter la
victoire contre l’ordinateur.
(a) Vue du jeu |
(b) Solution en langage C |
(c) Solution en langage Scratch |
Figure 1 • Mission 5 : recherche
d’une unité.(a) Copie d’écran du jeu (b) une
solution en C(c) une solution en SCRATCH
4. Questions de recherche et méthodologie
Une première étude quantitative
à partir de questionnaires de satisfaction (Muratet et al., 2012) a suggéré que Prog&Play était plus
apprécié des étudiants dans des contextes d’ateliers
ou de projets que comme substitut à des séances de TP dans le
cadre d’une formation classique. En effet, les données
collectées suggèrent que l'utilisation d'un jeu sérieux
comme simple outil d'illustration dans un enseignement classique ne semble pas
avoir d'influence sur la motivation. En revanche, lorsque les contraintes
temporelles sont moindres et que la continuité du jeu peut être
respectée, les étudiants perçoivent mieux l'avantage
inhérent du jeu sérieux : apprendre par l'expérience.
Cette première analyse quantitative a permis de formuler ces suggestions
qui méritent d’être approfondies par une analyse qualitative
des commentaires des étudiants et des enseignants ayant utilisés
le jeu. Dans cette seconde étude présentée ici, nous
cherchons à comprendre les caractéristiques des situations
d’enseignement s’appuyant sur Prog&Play pour favoriser des
apprentissages et celles pour lesquelles l’utilisation du jeu
n’apporte pas d’amélioration voir introduit une
complexité ressentie comme néfaste. Nos questions de recherche
sont les suivantes :
1. Quelles sont les caractéristiques de Prog&Play et des
situations d’usage mises en avant par les étudiants et les
enseignants pour expliquer l’adoption de Prog&Play sur la durée
ou son abandon après une première utilisation ?
2. Quelles recommandations établir pour conduire à une
utilisation favorable de Prog&Play ?
4.1. Méthodologie d’observation
Les différentes expérimentations de Prog&Play ont
été réalisées dans le cadre d’un dispositif
expérimental (Cobb et al., 2002) très souple qui consiste à laisser l’enseignant ou
l’institution totalement libre dans la mise en place du dispositif. Notre
objectif est en effet de pouvoir découvrir les différentes
potentialités de l’outil en termes de pratiques enseignantes.
L’idée a été de proposer à des enseignants ou
à des institutions, d’intégrer Prog&Play dans leur
enseignement ordinaire. Au départ, nous avons sollicité des
enseignants à titre individuel, puis nous avons répondu à
des demandes d’institutions ou d’enseignants désirant tester
le jeu sérieux.
Certains enseignants ont utilisé Prog&Play en toute autonomie,
cependant, les chercheurs sont parfois intervenus pour aider à la mise en
place des séances d’enseignement, voire participer aux
enseignements. L’aide des chercheurs a porté autant sur les parties
techniques (installation de Prog&Play) que sur les parties
pédagogiques (élaboration de sujets de TP et leur animation).
Les seules contraintes imposées aux différentes personnes qui
ont expérimenté Prog&Play, ont été (i) de nous
préciser les caractéristiques de la formation où ils sont
intervenus (niveau universitaire, institution, formation continue ou
professionnelle, etc.) et de décrire la situation d’enseignement
dans laquelle ils ont intégré le jeu (TD et TP
d’algorithmique, cours de soutien, projet, etc.) ; (ii) de nous faire
un compte rendu de leur expérience en répondant à un
questionnaire très ouvert ; (iii) de faire passer auprès des
étudiants, deux questionnaires en début et en fin
d’expérience.
Le questionnaire passé en fin d’expériencecomprend
actuellement trois parties : une première
concernel’évaluation de leur degré de satisfaction
vis-à-vis de Prog&Play, une seconde leur rapport à la
programmation et la dernière leurs commentaires et suggestions. Dans les
deux premières parties les réponses sont fournies sur une
échelle de Likert en 5 points. Au fur et à mesure des
expérimentations, nous avons fait évoluer les questionnaires (Questionnaire, 2008), (Questionnaire, 2010) et (Questionnaire, 2013) afin de clarifier et mieux cibler les questions sur la motivation mais aussi sur
les connaissances et compétences acquises.
4.2. Méthodologie de constitution du corpus de données
4.2.1. Nature et sélection des données
La multiplicité et
l’hétérogénéité des
expérimentations menées ont conduit à la constitution
d’un corpus de données hétérogène.Tous les
enseignants n’ont pas systématiquement transmis les questionnaires
aux étudiants ou ne nous les ont pas fait remonter. Ainsi, sur les 11
contextes d’utilisation identifiés, nous en avons retenu 7,
impliquant 388 étudiants et 22 enseignants.
Au cours d’une des expérimentations, l’enseignant a
demandé aux étudiants de produire un rapport sur leur projet dans
lequel ils décrivent les stratégies mises en œuvre pour
remporter les missions, les difficultés rencontrées et en
conclusion, ce qu’ils pensaient avoir appris.Dans certains cas, nous avons
pu conduire des entretiens avec les enseignants en fin
d’expérimentation, dans d’autres cas ce sont des entretiens
post séances informels que nous avons menés.
Dans cet article, pour comprendre les raisons d’adoption/abandon de
Prog&Play par les enseignants et de la satisfaction/insatisfaction variable
des étudiants, nous centrons notre analyse sur les parties ouvertes des
questionnaires enseignants et étudiants et sur les conclusions des
rapports de projet étudiants.
4.2.2. Définition des variables indépendantes et des
indicateurs
L’étude portant sur les conditions d’appropriation de
Prog&Play par les enseignants, nous avons choisi comme variables
indépendantes les éléments permettant de
caractériser chaque situation, à savoir : (i)
l’institution (IUT ou Université) ; (ii) le curriculum (IUT
SRC, IUT info, IUT GII, L1) ; (iii) le langage support (Compalgo, C, Java,
Ocaml) et le fait qu’il soit enseigné en premier langage ou en
second ; (iv) le degré d’intégration des séances
Prog&Play dans le cursus (fusionné aux TP ou en complément de
la formation initiale), leur caractère d’obligation ou non et
l’évaluation des étudiants ; (v) le temps
consacré par les étudiants aux séances Prog&Play ;
(vi) le degré d’implication des enseignants dans la mise en place
des séances.
À partir d’une première lecture de l’ensemble du
corpus, nous avons déterminé les indicateurs pertinents pour cette
étude. Nous avons retenu trois dimensions dans les propos des
étudiants et des enseignants :(1) la motivation et
l’intérêt manifesté par les étudiants ou
perçu par les enseignants ;(2) l’organisation des
séances avec Prog&Play ;(3) le contenu enseigné/appris.
Puis, pour chaque dimension nous avons repéré plusieurs
catégoriesrésumées dans le Tableau 1 et
détaillées dans la section 5.
4.2.3. Méthodologie de traitement des données
Pour analyser ce corpus, nous avons procédé à une
analyse de contenu manuelle de type catégorielle (Bardin, 1998).
Les propos des enseignants et des étudiants ont été
classés suivant la situation et la personne. Le texte a été
segmenté au regard des catégories retenues. Par exemple, dans la
phrase de l’étudiant 6 de la situation 5 « le jeu
m’a bien plu mais je n’aime pas du tout le langage de programmation
qui est utilisé », les auteurs ont codé la
catégorie« engagement dans le jeu » (cf.
catégorie 1.1, Tableau 1) pour la
première partie de la phrase et la catégorie« langage de
programmation » (cf. catégorie 3.1, Tableau 1) pour la
seconde partie. Lors d’une première réunion, les chercheurs
ont confronté leur segmentation des propos par situation et personne
interrogée.
Situation |
S1 |
S2 |
S3 |
S2|3 |
S4 |
S5 |
S6 |
S7 |
Total |
Total |
Étudiant/Professeur |
Étu |
Étu |
Étu |
Prof |
Prof |
Étu |
Prof |
Étu |
Prof |
Prof |
|
Nb commentaires
Catégories |
4 |
3 |
2 |
2 |
1 |
23 |
12 |
9 |
1 |
1 |
1- Motivation / Intérêt |
1- Engagement dans le jeu (jeu, flow, investissement, jouer à
programmer) |
2+ |
1+ |
1+ |
|
|
3+ |
5+
1=
1- |
11+ |
1+ |
2+ |
28 |
173 |
2- Application de la programmation (programmer un jeu, concret, réel,
utilité de l’informatique) |
4+ |
|
|
1+
1- |
|
6+ |
6+
1- |
19+ |
1+ |
|
39 |
3- Créativité, réflexion, collaboration, autonomie |
2+ |
|
|
|
|
1+ |
|
18+
1- |
2+ |
1+ |
25 |
4- Innovation pédagogique (apprendre en jouant, nouveauté,
expérience à étendre) |
5+ |
|
2= |
1+ |
1+ |
10+ |
6+
1=
1- |
8+ |
1+ |
3+ |
39 |
5- Motivation, intérêt |
|
1+
1- |
|
|
|
6+
5- |
6+
3=
3- |
8+
1- |
|
|
34 |
6- Orientation professionnelle ou universitaire |
|
|
|
|
|
2+
1- |
|
5+ |
|
|
8 |
|
Total |
13 |
3 |
3 |
3 |
1 |
34 |
34 |
71 |
5 |
6 |
|
|
2- Organisation |
1- Préparation installation et prise en main de l’environnement
(appropriation du jeu, charge de travail enseignant) |
|
|
|
2- |
1- |
1+
1- |
1+
3=
4- |
1- |
1- |
2+ |
17 |
72 |
2- Gestion du temps |
|
1- |
1= |
|
|
1- |
4- |
1+
1- |
|
|
9 |
3- Organisation des séances (rédaction des sujets,
intégration dans le cursus, évaluation, semestre) |
|
|
2= |
|
1- |
2=
5- |
1+
8=
7- |
2+
2=
1- |
1- |
1+ |
33 |
4- Gestion des différences et aide |
|
1- |
|
|
|
1+
2=
1- |
2=
2- |
1= |
1=
1- |
1+ |
13 |
|
Total |
|
2 |
3 |
2 |
2 |
14 |
32 |
9 |
4 |
4 |
|
|
3- Contenu enseigné |
1- Langage (C/Caml) |
|
|
|
|
|
3=
4- |
1=
2- |
|
1+ |
|
11 |
84 |
2- Facilité/Difficulté |
|
|
1= |
|
|
4- |
12- |
3= |
1- |
|
21 |
3- Notions de programmation(utilisation d’une API, abstraction des
données, décomposition d’un programme, boucles,
commentaires, tests) |
1+ |
|
|
2- |
1- |
|
1=
4- |
15+ |
1+ |
|
25 |
4- Influence sur l’apprentissage |
2+ |
|
|
|
1= |
2+
1= |
1+
3=
4- |
9+
2- |
1+ |
1+ |
27 |
|
Total |
3 |
|
1 |
2 |
2 |
14 |
28 |
29 |
4 |
1 |
|
|
Total |
16 |
5 |
7 |
7 |
5 |
62 |
94 |
109 |
13 |
11 |
329 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Remarques principalement positives |
|
|
Remarques principalement négatives |
|
Remarques principalement neutres |
|
|
Aucune remarque recensée |
Tableau
1 • Nombre de commentaires des étudiants et des
professeurs par dimension, par catégorie et par situation
Chaque chercheur a ensuite attribué une
valence positive, négative ou nulle aux segments selon que le commentaire
est jugé favorable, critique ou neutre. Une confrontation entre les
différentes analyses a été effectuée pour obtenir un
consensus. En effet, étant donné le grand nombre de variables et
la faiblesse des effectifs de données recueillis dans certaines
situations, nous n’avons pas voulu effectuer de comparaison statistique.
Le consensus étant obtenu entre les différents chercheurs, un
tableau de synthèse a été établi permettant de
rendre compte des valences des différents thèmes sur tout le
corpus, classé par situation et personne interrogée. Le corpus
annoté,résultat de ce travail, est consultable en ligne (Corpus, 2013).
4.3. Description du corpus de données : situations
d’utilisation et participants retenus
Nous avons ainsi retenu sept situations différentes (S1 à S7)
impliquant 388 étudiants et 22 enseignants (Tableau 2). Les sujets
étaient des étudiants en informatique de première
année d’université, ou bien, de première ou
deuxième année d’IUT. Dans les situations 1, 2, 3 et 5, un
membre de l’équipe de conception de Prog&Play faisait partie de
l’équipe enseignante ce qui n’était pas le cas dans
les autres situations. Dans les situations 1, 3 et 6, les étudiants
étaient volontaires alors que dans les autres situations
l’utilisation de Prog&Play était obligatoire, soit en substitut
de TP classiques (situation 4, 5), soit pour un public désigné
nécessitant un enseignement de remédiation (situation 7), soit
à titre d’exercices complémentaires (situation 2), soit dans
le cadre d’un projet (situation 6). Les situations 6 et 7 sont
particulières dans la mesure où, dans deux contextes
différents, les deux enseignants ont monté un enseignement
spécifique fondé sur une pédagogie de projet autour de
Prog&Play.Dans ces deux contextes, l’évaluation des
étudiants tenait compte de la qualité des programmes produits dans
l’environnement Prog&Play et d’une réflexion sur les
apports du projet en termes d’apprentissage de la programmation. Ce
n’était pas le cas dans les autres situations. Ces enseignants
continuent d’utiliser Prog&Play chaque année depuis quatre
ans.
Dans chaque situation, les étudiants jouaient et travaillaient avec
Prog&Play dans les salles de TP où le jeu était
déjà installé sur les machines et où ils
bénéficiaient de l’assistance d’un enseignant. Dans la
situation 6 cependant, les étudiants pouvaient terminer les missions en
dehors des séances avec une aide, de l’enseignant ou de leurs
pairs, par courrier électronique pour installer l’environnement sur
leur ordinateur personnel ou pour mettre au point leurs programmes.
|
Institution et curriculum |
Année |
Nb participants |
Langage, intégration des séances dans le cursus et implication
des enseignants |
Temps de jeu |
S1 |
IUT A(Dpt Info, Semestre1) |
2008 |
Nb ens. : 2 ; Nb étu. : 15 |
Compalgo, étudiants volontaires, atelier en complément de la
formation initiale, aucun enseignant externe au projet |
5 * 1h30 |
S2 |
IUT B(Dpt Info, Semestre1) |
2009 |
Nb ens. : 2Nb étu. : 35 |
C, soutien pour les étudiants en difficulté en
complément de la formation initiale, 1 enseignant externe au projet |
3 * 1h30 |
S3 |
IUT B(Dpt Info, S3) |
2009 |
Nb ens. : 2Nb étu. : 16 |
Java, étudiants volontaires, atelier en complément de la
formation initiale, 1 enseignant externe au projet |
3 * 1h30 |
S4 |
IUT C(Dpt SRC, Semestre1) |
2009 |
Nb ens. : 2Nb étu. : 60 |
C, travaux pratiques obligatoires pour tous les étudiants, 2
enseignants externes au projet |
5 * 1h30 |
2011 |
Nb ens. : 1Nb étu. : 10 |
C, sessions de remédiation pour les étudiants en
difficulté, 1 enseignant externe au projet |
8* 1h |
S5 |
Université A
(L1 Semestre1) |
2009 |
Nb ens. : 15Nb étu. : 99 |
OCaml, travaux pratiques obligatoires pour tous les étudiants, 14
enseignants externes au projet |
2 * 2h |
S6 |
Université B
(L1 Semestre 2) |
2009 |
Nb ens. : 1Nb étu. : 9 / année |
C, étudiants volontaires, UE projet facultative en complément
d’une UE initiation au langage C, 1 enseignant externe au projet |
6 * 2h + travail personnel |
2010 |
2011 |
Nb ens. : 1Nb étu. :13 / année |
2012 |
2013 |
Nb ens. : 1Nb étu. : 19 |
S7 |
IUT D(Dpt GEII, Semestre 1) |
2009 |
Nb ens. : 1Nb étu. :15 / année |
C, projet intégré à une formation spécialement
conçue pour un public désigné d’étudiants en
difficulté, 1 enseignant externe au projet |
5 * 2h |
2010 |
2011 |
Nb ens. : 1Nb étu. :30 / année |
2012 |
Tableau
2 • Les différentes situations d’usage de
Prog&Play
5. Résultats
Le Tableau 1 résume
les résultats de notre analyse. Sur les 75 commentaires analysés
(56 d’étudiants et 17 d’enseignants), nous avons retenu 329
remarques (199d’étudiants et 130d’enseignants). En ce qui
concerne les valences, sur l’ensemble de ces remarques, 88 sont
négatives et expriment des critiques ou des difficultés
rencontrées, 46 sont neutres ou sont de l’ordre du conseil ou de la
proposition et 195 sont positives. En ce qui concerne le contenu des remarques,
nous les étudions selon les dimensions et catégories que nous
avons retenues. Dans la suite de l’article, nous
référençons les citations des étudiants et des
enseignants de la manière suivante : SxEy référence
une citation de l’étudiant « y » de la
situation « x » ; SxPy référence une
citation de l’enseignant « y » de la situation
« x ».
5.1. Motivation
Les remarques les plus nombreuses concernent la
dimension de la motivation pour laquelle nous avons distingué six
catégories de remarques : 1) celles qui concernent
l’engagement des étudiants par le jeu ; 2) celles qui
considèrent Prog&Play comme un domaine d’application
particulier de la programmation ; 3) celles qui se focalisent sur les
compétences transversales mises en œuvre ; 4) celles qui font
référence au caractère innovant de ce type de
pédagogie ; 5) celles qui mentionnent l’intérêt
et la motivation sans précision ; 6) celles qui font
référence à une orientation professionnelle ou
universitaire future.
5.1.1. Engagement dans le jeu
Nous avons classé dans la catégorie
engagement des étudiants dans le jeu les remarques qui mentionnent
l’aspect ludique.
« Très bon accueil des étudiants qui sont [...]
pour certains démotivés pas la programmation. Les étudiants
ont montré leur implication (notamment en travaillant chez eux alors que
cela n’était pas demandé) et c’est déjà
un gain important » (S7P1)
« Chaque mission réussie, est ressentie comme une
victoire. On a envie de programmer, on a envie de réfléchir pour
trouver une stratégie et gagner le jeu. » (S6E17).
« Pour le mot de la fin, nous pouvons dire que l’approche
du jeu sérieux est très efficace, nous ne nous attendions pas
à quelque chose pouvant susciter tant d’intérêt, mais
plutôt quelque chose de très scolaire maquillé sous le
thème du jeu. Nous avons pris vraiment plaisir, à faire le travail
qui s’apparentait à un jeu et là est le tour de force. Nous
ne devions plus faire un programme pour travailler la syntaxe sur un
énoncé imposé, mais pour faire marcher et donner vie
à un jeu avec nos tactiques et donc nos propres énoncés,
que nous pouvions rendrede plus en plus complexes. Il nous a fallu nous armer de
patience mais lorsque le résultat était là il était
très gratifiant de voir le fruit de l’élaboration de nos
tactiques. » (S6E21)
« Le code de la 7ème mission a été
réellement très long à établir. Beaucoup,
d’idées ont dû être abandonnées et revues
dès le début. Au total, des centaines de lignes de code ont
été écrites. De nombreuses fois j’ai vu mon
armée se faire détruire entièrement. Cependant le fait
d’approcher de plus en plus de la victoire à chaque tentative
m’a tenu en haleine. » (S6E4)
Cette dernière citation illustre bien la notion de flow,
définie comme un état où le joueur perd la notion du temps
et se retrouve absorbé par l’expérience du jeu (Csikszentmihalyi, 1991).
5.1.2. Application concrète de la programmation
Un des points qui revient très souvent est
l’intérêt pour une application souvent qualifiée de
« concrète » de l’informatique. Certaines
remarques relèvent que Prog&Play montre l’utilité de la
programmation.
« L'expérience est positive dans le sens où
ça peut montrer aux étudiants que programmer est nécessaire
(ne serait-ce que pour écrire un jeu). » (S5P4)
« À notre surprise, nous qui n’aimons pas les jeux
vidéo, les étudiants ont trouvé qu’ils programmaient
quelque chose de réel. » (S6P1)
« C'est un exemple concret où on comprend à quoi
servent nos algorithmes. » (S1E2)
« Nous avons pu nous exercer à une pratique qu’on
effectue depuis un an : la programmation. Cependant cette fois nous avions
une application concrète à observer. » (S6E3)
« Pour les néophytes dans la programmation, ça
permet d’avoir une application directe autre que mathématique qui,
je pense, nous permet une meilleure compréhension de la
matière. » (S6E23)
Dans cette catégorie, quelques remarques soulignent
l’intérêt de démystifier les jeux vidéo.
« C'est un peu comme quand on explique un tour de magie, on a
l'impression de maîtriser quelque chose de plus. »
(S5P11)
« Pour moi les jeux, l’informatique, c’était
un peu magique. Là je vois comment ça marche. »
(S6E8)
« On est dans l’envers du décor de notre enfance,
on programme un jeu alors que d’habitude on y joue et pour une fois on y
voit la complexité (avec tous les cas qu’on doit étudier)
mais aussi la possibilité de le faire, cela devenant
accessible. » (S6E10)
Enfin, dans la même catégorie, nous avons aussi placé les
remarques qui insistent sur la visualisation des résultats des
programmes.
« Ils ont apprécié de jouer et de voir que leurs
programmes avaient un effet sur le déroulement du jeu. »
(S5P6)
« La visualisation du résultat des actions amène
un côté didactique motivant pour les
élèves. » (S5P9)
« On voit le résultat que l'on produit et ça
change de la théorie du cours. » (S1E3)
5.1.3. Créativité, Réflexion, Travail collaboratif
Principalement dans les contextes de projets (S6 et S7) mais pas seulement,
les enseignants et certains étudiants, mettent en avant que Prog&Play
favorise l’imagination, la créativité, l’autonomie et
aussi la collaboration.
« Nous avons été impressionnées par la
diversité des stratégies envisagées par les
étudiants. » (S6P1)
« On se sent dans un projet collectif et on n’a pas besoin
de nous dire faites cette fonction de cette procédure. Car cela vient
tout seul. [...] Alors qu’en TD on ne réfléchit pas, on suit
simplement les questions. » (S1E3)
« La programmation est propice à l'imagination comme dans
ce que nous avions à faire dans ce module qui était de faire sa
stratégie pour battre l'adversaire et c'est ça qui était le
plus intéressant à mon goût. » (S6E5)
« La "Force" et la "Faiblesse" de ce projet est, nous pensons,
le fait qu'il demande beaucoup d'initiatives et de patience. "Force" car
l'étudiant qui n'abandonne pas et fait de nombreux essais, en sort
enrichi de cette expérience. "Faiblesse" car l'étudiant qui
n'aurait pas su prendre des initiatives, qui n'aurait pas su lever le blocage,
n'apprendrait rien. » (S6E6)
« Ce projet a la particularité, contrairement aux TP
machines d’informatique, de faire suivre un exercice sur plusieurs
séances avec un binôme, nous avons dû apprendre à nous
organiser. » (S6E21)
« Certes, il y a eu des difficultés liés au
fonctionnement pas très intuitif de Prog and Play, mais cela nous a
appris à persévérer pour trouver la solution et à
prendre de recul par rapport à notre façon de coder : il faut
toujours se demander comment le programme marche, et remettre en question ce qui
semble à nous logique. » (S6E23)
5.1.4. Innovation pédagogique à étendre
De nombreuses remarques relèvent le côté innovant de ce
type de pédagogie.
« Prog&Play a été bien accueilli par sa
dimension innovante. » (S4P1)
« Bonne initiative mais c'est dommage que ce soit si long et si
compliqué. Mais dans l'ensemble, les étudiants étaient
quand même satisfaits car cela sortait de l'ordinaire. »
(S5P8)
« Ce module devrait être intégré totalement
à l'IUT car on s'améliore à une vitesse
surprenante. » (S1E3)
« Suggestions ?Oula, oui, et plein !!! D'abord,
étendre l'enseignement par jeux vidéo à tous les
élèves, c'est une expérience remarquable d'audace et
d'ingéniosité. Et apparemment, elle porte ses fruits... [clin
d’œil] Pourquoi ne pas essayer le même système dans les
autres matières ? Ce serait visionnaire [cool]. »
(S5E18)
« Tout cela a bien sûr éveillé notre gout de
l’informatique, nous espérons avoir une UE de la sorte dans notre
parcours et pouvoir un jour aller plus loin dans la programmation
ludique. » (S6E21)
5.1.5. Intérêt et motivation
Certains enseignants de la situation 5 et un étudiant relativisent
l’intérêt d’un jeu (ou de ce type de jeu) pour
étudier la programmation.
« Je suis malheureusement incapable de dire si ça les a
réellement motivés. [...] Un jeu où l'on se tire dessus
n'est pas non plus forcément un bon choix. [...] les filles
n'étaient pas fana de ça » (S5P4)
« Le sujet a surtout eu l'air de motiver les plus joueurs
d'entre eux (trop complexe pour les autres !). » (S5P9)
« Apprendre la programmation en se basant sur un jeu peut
motiver certaines personnes, mais cependant, cela peut également avoir
l'effet inverse sur les personnes qui ne sont pas du tout
intéressées par les jeux. » (S2E3)
Dans la situation 5 où, à l’inverse des situations 6 et
7, les énoncés des missions étaient très
fermés et directifs, des enseignants et des étudiants estiment les
missions trop simples et ennuyeuses.
« En fait, je pense qu'ils ont tous été
frustrés : soit ils n'arrivent à rien (car la moindre
fonction à écrire repose sur l'utilisation de fonctions
prédéfinies), soit ils trouvent qu'ils n'ont pas assez
programmé. » (S5P3)
« Les étudiants étaient plus motivés au
départ car il s'agit d'un jeu, ils ont bien aimé jouer à la
première séance. Après ils sont tombés de haut, car
même si ça leur faisait plaisir d'arriver au bout d'une mission et
qu'ils étaient réellement motivés à terminer, ils
étaient tout de même frustrés car les missions avaient un
but précis sans aucune marge de manœuvre. » (S5P8)
« Au final, on n'a pas réellement joué au jeu, on
programmait et puis, 1 fois sur 10, un pion
bougeait... »(S5E15)
« On ne crée pas vraiment le jeu, on fait juste des
fonctions pour le déplacement et autre. » (S5E21)
Cependant, même dans cette situation, certains étudiants
estiment que le jeu les a intéressés.
« J'ai adoré ces TP et je suis impatient de continuer au
semestre 2. » (S5E8)
« Je pense que le fait d'apprendre à travers un jeu est
intéressant : on voit, de suite les résultats de ce que l'on
fait. Pour moi, cela a suscité un plus grand intérêt pour
les TP. » (S5E16)
« Étant donné que la nouvelle
génération est tournée vers les nouvelles technologies et
en particulier vers l'informatique et les jeux vidéo, je trouve
l'idée bonne pour motiver les étudiants de cette
filière. » (S5E17)
5.1.6. Orientation professionnelle ou universitaire
Quelques remarques d’étudiants font référence
à l’influence de Prog&Play sur leur orientation future.
« Très bonne idée d'utiliser un jeu vidéo
pour la programmation. Ces TP ont renforcé mon envie de continuer en
informatique. » (S5E10)
« Je me suis aperçu lors de ce premier semestre que
l'informatique était un domaine qui ne m'intéressait pas du
tout. » (S5E11)
« Au bout de 4 mois, notre vision en tant
qu’étudiants a évolué. Dans le sens où notre
connaissance en C s’est approfondie à travers la découverte
de nouvelles bibliothèques, le travail de groupe a pris un rôle
important,de la partie codage, des idées se sont échangées
et on a découvert d’autres façons de concevoir
l’informatique, ainsi que la préparation de notre avenir en
entreprise où le travail d’équipe a une place
importante. » (S6E10)
« Une des autres choses que m’a apportées cette UE
mais cela est à titre personnel c’est qu’elle m’a
donné envie d’en savoir plus sur un sujet qui avant ne me serait
jamais venu à l’esprit : l’Intelligence
Artificielle. » (S6E14)
5.2. Organisation du travail
L’organisation des séances
était très variable selon les situations. Nous avons retenu quatre
catégories de remarques : 1) celles qui abordent la
préparation, l’installation et la prise en main de
l’environnement ; 2) celles qui traitent de la gestion du
temps ; 3) celles qui portent sur l’organisation même des
séances et leur intégration dans le cursus ; 4) celles qui
concernent la gestion des différences entre étudiants et
l’aide à leur apporter.
5.2.1. Préparation, installation et prise en main de
l’environnement
Les enseignants estiment n’avoir pas passé plus de temps
à préparer les séances de TP que pour des TP ordinaires.
« La charge de travail vient essentiellement du fait que c'est
différent des années précédentes. Un sujet classique
mais nouveau aussi, aurait également demandé une charge
importante. Le surplus dû au fait que c'est du serious gaming n'est pas
très important à mon avis et est essentiellement dû au fait
qu'il faut un peu de temps pour maîtriser le nouvel
environnement. » (S5P1)
« Ce genre de TP n'impose pas vraiment de charge
supplémentaire quant à la préparation. Le surplus subsiste
dans la prise en main de l'environnement Kernel Panic, mais pour le reste, c'est
équivalent. » (S5P8)
Seule l’enseignante de la situation 6 mentionne des difficultés
à installer le jeu sur des machines pour faire jouer les étudiants
en réseau.
« En fait nous avons passé beaucoup de temps à
préparer (3 jours entiers à deux) surtout pour surmonter les
difficultés techniques (trouver des portables, installer, copier, tester,
redéfinir les adresses IP pour créer un réseau local
etc.) » (S6P1)
Par contre, dans la situation 5, certains commentaires indiquent que la prise
en main de l’environnement Prog&Play par les enseignants était
insuffisante.
« On peut la [l’expérience] répéter
l’année prochaine, en espérant qu’au moins les
enseignants se soient mieux habitués à l’environnement du
jeu. » (S5P6)
Certains enseignants signalent aussi des difficultés pour identifier
des stratégies de jeu et les mettre en œuvre.
« Difficultés rencontrées : Principalement,
sans bien connaître le jeu, identifier des stratégies de solution
à mettre en œuvre, expliquer aux étudiants comment mettre en
œuvre une stratégie qu’ils avaient décidée
(passer de la stratégie aux actions). » (S3P1)
5.2.2. Gestion du temps
Le temps de travail avec Prog&Play est
évoqué.Pour des enseignants de la situation 5les sujets ont paru
trop longs et mal adaptés au temps alloué aux séances
Pro&Play.
« Les TPs étaient bien longs et par conséquent on
ne couvrait que très peu d'exercices en séances. »
(S5P5)
« Les TP étaient vraiment plus longs et plus difficiles
que ceux de l'enseignement classique. A la limite le TP3 P&P aurait pu faire
séance 3 et 4 (et zapper le TP4 ou le mettre en annexe...) pour que les
étudiants puissent vraiment à la fois s'imprégner du jeu et
comprendre ce qu'on attendait d'eux et arriver à quelque
chose. » (S5P8)
Pour d’autres, au contraire, le temps a passé trop vite et les
étudiants auraient voulu davantage de TP de ce genre
« Pour une fois c'est passé vite en programmant le jeu
! » (S2E2)
« Il faudrait qu'il y ait plus de missions, que la durée
de l'atelier soit plus longue, afin de rentrer encore plus dans les
détails de la programmation. Et que les dernières missions se
fassent à plusieurs (en réseau). :) »
(S3E2)
5.2.3. Organisation des séances
L’organisation des séances est
abordée presque exclusivement par les étudiants et les enseignants
de la situation 5pour déplorer la longueur des sujets, pour mentionner le
décalage entre les TP Prog&Play et les TP traditionnels et
l’évaluation de la formation. Certains proposent des
améliorations tant sur les sujets que sur l’organisation.
« Source du problème : pas le jeu en lui-même,
mais le sujet. Il faut continuer à essayer le Prog&Play, mais il faut
modifier les sujets de TP : les simplifier ou les rendre moins longs, moins
compliqués. » (S5P8)
« Ce qui est peut-être dommage c'est que toutes les
séances ne soient pas toutes basées sur le seriousgame, le
déroulement des séances a l'air de manquer d'un peu de
lisibilité pour les étudiants. » (S5P9)
« Je pense que Prog&Play serait plus adapté pour des
étudiants plus avancés dans le cursus. En début de L2 par
exemple, sous réserve de le faire dans un langage que les
étudiants maitrisent déjà, l'apprentissage de la
bibliothèque et des outils associés à Prog&Play
pourrait être plus facile. Dans ce cadre Prog&Play permettrait
d'aborder des notions simples (d'IA par exemple) en offrant un cadre difficile
à mettre en place autrement. » (S5P12)
« Un point négatif pour les TP : dans les fiches
Prog&Play, il y a plus à lire qu'à écrire, je ne pense
pas que ce soit le but premier d'un TP. » (S5E1)
« Je pense qu'on aurait dû varier les types de TP
informatiques pour être plus complet, mais peut être avec des TP de
Prog&Play plus complexes, avec une sorte d'intelligence artificielle,
puisque utiliser la fonction se déplacer était assez
simple. » (S5E22)
Dans les autres situations, l’organisation des séances ne semble
pas avoir posé de problème et n’est pratiquement pas
évoquée.Enfin certaines remarques évoquent
l’intégration dans le cursus.
« Nous aurions dû, par plus de préparation,
beaucoup plus l'adapter (simplification des bibliothèques) au niveau des
étudiants et l'intégrer plus étroitement aux séances
et à l'évaluation du module dans lequel nous l'avons
utilisé » (S4P1)
« L’UE nous a donné une idée de comment sont
liées les jeux et la programmation. C’était une UE
intéressante et plutôt relaxante comparée aux autres UEs. On
a aussi appris comment un jeu sérieux peut être utilisé
comme instrument didactique. On a pu améliorer nos capacités en C,
et du coup les cours de LI1151 étaient plus faciles. » (S6E15)
Notons qu’un étudiant de la même situation est d’un
avis contraire. C’est le seul à exprimer cette idée, qui
n’en est pas moins légitime. En effet, il estime que le changement
de contexte d’application n’est pas profitable car
l’évaluation de l’UE de programmation en C (appelée
LI115),qui se déroule en parallèle de l’UE Prog&Play,
porte sur le contexte traditionnel.
« Pour nous qui venons de découvrir le langage C ce
semestre et qui débutons en informatique, ce jeu nous a permis de
connaître une autre application de la programmation. Nous n’avions
utilisé le langage C que dans le but de résoudre de petits
problèmes mathématiques. [...] Cependant, un inconvénient
que nous pourrions trouver à ce jeu est qu’il n’est pas
vraiment pédagogique. Il ne nous apprend pas le langage C, il permet
juste de l’appliquer. De plus, il n’aide pas à la
préparation de l’examen qui nous attend à la fin du semestre
en C, les exercices demandés étant totalement différents.
Enfin, la bibliothèque que l’on utilise dans ce jeu est
forcément différente de celle utilisée en classe, ce qui du
coup ne nous aide pas à nous familiariser avec. »
(S6E11)
5.2.4. Gestion des différences et aide
Certains enseignants notent des
différences interindividuelles et des difficultés à
gérer les aides à apporter tout en maintenant la motivation.
« Malgré tous mes efforts, certains étudiants
n'ont rien compris : j'ai l'impression que ce genre d'exercice creuse
encore plus le fossé entre ceux qui savent lire et les autres (qui sont
malheureusement de + en + nombreux). » (S5P3)
« J'ai eu l'impression d'une influence différente suivant
les étudiants : pour les étudiants déjà
motivés par l'informatique et de niveau au moins correct, cela a
été visiblement motivant ; pour les étudiants de
niveau plus faible, l'utilisation des bibliothèques a constitué
une barrière supplémentaire, que j'ai dû leur aider à
passer. » (S5P12)
« Un binôme (celui qui n’a pas réussi
à programmer la mission 7) aurait souhaité plus de support, les
autres ont au contraire apprécié devoir trouver par
eux-mêmes. » (S6P1)
L’enseignant de la situation 7, quant à lui, pointe
l’intérêt du dispositif dans un contexte
hétérogène.
« [...] cela permet pour les plus faibles (souvent issus
d’un "redoublement") de se motiver, et pour les plus forts (ceux qui par
exemple arrivent de classes préparatoires en février) de
développer de véritable stratégies dans
Prog&Play. » (S7P1)
Les étudiants mentionnent à plusieurs reprises,
l’importance de la médiation des enseignants (ou des pairs).
« Le seul point sur lequel je suis déçu c'est le
fait que l'on ne soit pas assez "entouré". J'aurais
préféré aller moins vite mais avec plus d'attention au cas
par cas de la part du professeur car les difficultés ne sont pas les
mêmes pour tout le monde. » (S2E1)
« Plus à lire qu'à faire en particulier dans les
TPProg&Play. Éventuellement ajouter des fiches de rappels /
didacticiels sur le site de moodle pour ceux qui ne comprennent pas
trop. » (S5E3)
« Les enseignants étaient là pour nous expliquer
et nous pousser à tenter de faire les TP par
nous-mêmes. » (S5E10)
« Pour la mission 7, au début on n’arrivaità
réparer qu’une unité, il a donc fallu trouver le moyen de
toutes les réparer, et c’est avec notre travail
d’équipe et l’aide du professeur qui nous explique où
cela ne fonctionne pas qu’on a réussi à gagner la
mission. » (S6E10)
5.3. Contenu enseigné
Sur la dimension de la programmation, contenu d’apprentissage
visé par Prog&Play, nous avons retenu quatre catégories de
remarques : 1) celles qui concernent le langage étudié ;
2) celles qui évoquent la difficulté du travail (ou sa trop grande
facilité) ; 3) celles qui mentionnent explicitement des notions de
programmation ; 4) celles qui évaluent l’influence sur
l’apprentissage.
5.3.1. Le langage de programmation étudié
Concernant le langage de programmation, les remarques concernent uniquement
la situation 5. Au-delà des complaintes bien connues des étudiants
sur la lourdeur ou l’inutilité de Caml, des enseignants
s’interrogent sur la compatibilité de Pro&Play avec
l’enseignement d’un langage fonctionnel.
« Je pense que le Prog&Play est une bonne idée. Mais
pas en l'état. Il arrive trop tôt, et le Caml ne me semble pas le
meilleur langage pour utiliser cet outil. Peut-être que l'introduire au
second semestre, pour les cours de C, serait plus
intéressant. » (S5P2)
« Je crois que les concepts abordés qui ressemblent un
peu à la programmation objet (pour agir sur une entité j'utilise
des méthodes) leur échappe complètement et même en
expliquant et en réexpliquant (..), certains ont du mal à
comprendre et je ne suis pas certaine qu'ils aient assimilé le truc.
Ça risque donc, pour certains, de les entraver plus qu'autre chose. Mais,
pour la majorité, ça a marché... » (S5P4)
5.3.2. Difficulté/Facilité
Deux étudiants et six enseignants de la situation 5 estiment que le
jeu est contre-productif, trop difficile, trop complexe et constitue une perte
de temps.
« Ce qui a handicapé le groupe Prog&Play :
gestion de l'environnement. L'environnement n'est pas mal fait, je ne saurais
pas comment l'améliorer. C'est juste un overhead inhérent au
contexte du jeu. » (S5P6)
« L'apprentissage de l'environnement se fait au détriment
de la programmation [...] avec le jeu on rajoute un niveau d'abstraction
supplémentaire par rapport à un TP traditionnel. »
(S5P10)
« Le jeu est quand même relativement compliqué pour
un (premier) semestre de programmation. » (S5E21)
D’autres, au contraire, mentionnent une absence de
difficultés.
« Aucune difficulté rencontrée sur
l’utilisation de l’environnement de
développement. » (S7P1)
« Ce fût plus facile pour moi de construire les programmes
à travers un jeu. » (S1E1)
Enfin, les étudiants de la situation 6 jugent les dernières
missions plutôt difficiles et, ce qui est cohérent, dans la
situation 5 où seules les premières missions ont été
proposées, quatre étudiants et un enseignant estiment les missions
trop faciles.
« Les exercices de programmation avec Kernel Panic pourraient
être plus avancés, dans les TP c'est juste réaliser une
action, c'est plus du type "entrer une commande sous DOS" que des vrais lignes
de code. » (S5E4)
« Les premières missions furent faciles. Puis en fonction
des missions,le professeur nous demande d’approfondir le code (par exemple
lors de la première attaque, on attend que l’ennemi apparaisse puis
on attaque). Les missions 7 et 8 furent assez difficiles. »
(S6E10)
5.3.3. Notions de programmation
Certaines remarques font référence
aux concepts informatiques mis en jeu par l’utilisation de Prog&Play.
Dans la situation 5, ce sont surtout les enseignants qui signalent des
difficultés vis-à-vis de points qui ne sont pas enseignés
en cours (utilisation d’une bibliothèque de fonctions, abstraction
de données par exemple).
« L'introduction du Prog&Play demandait aux étudiants
de faire appel à des concepts qu'ils ne maitrisent pas encore (notamment
en ce qui concerne l'utilisation de fonctions ou de variables
prédéfinies) qui en a bloqué certains pendant de longs
moments. » (S5P2)
« Il n'est peut-être pas possible de traiter toutes les
notions du cours/TD à l'aide du jeu. » (S5P9)
« Pour les étudiants de niveau plus faible, l'utilisation
des bibliothèques a constitué une barrière
supplémentaire [... en particulier] l'utilisation des fonctions
associées et l'abstraction des données
(entités). » (S5P12)
D’autres signalent un apprentissage (cas des boucles, de la
décomposition d’un programme en fonctions,de
l’intérêt des commentaires ou des tests).
« Du point de vue apprentissage du C, je pense qu’ils ont
approfondi leur connaissances sur les boucles, appris à chercher des
fonctions dans une bibliothèque en se contentant des commentaires et
surtout qu’ils ont été obligés, par eux-mêmes,
de décomposer un problème en sous problèmes (alors
qu’en TD/TP/examen ils doivent résoudre les sous problèmes
ponctuels qui sont donnés et plus faciles à noter). Par contre, je
ne suis pas sûre que ce travail les avantage pour l’UE de C qui
n’évalue pas ces compétences. » (S6P1)
Les remarques des étudiants proviennent essentiellement de la
situation 6 où les étudiants ont rédigé un rapport
pour lequel la consigne était de préciser les difficultés
rencontrées et ce qu’ils avaient appris durant le projet. Ces
étudiants comparent l’apprentissage avec Prog&Play à
celui de l’UE de programmation de C qu’ils suivent en
parallèle.
« Pour pouvoir créer une IA on doit
réfléchir par nous-mêmes aux fonctions nécessaires
qu'on va devoir créer. Alors qu'en TD on ne réfléchit pas,
on suit simplement les questions. » (S1E3)
« Il y a dans ce jeu une notion qu’il n’y a pas en
UE de LI115, qui est la gestion du temps. En effet, il faut attendre que
certains ordres soient effectués avant d’en donner d’autres
(par exemple, il faut attendre que l’unité qui nous
intéresse soit créée avant de lui envoyer une
commande). » (S6E11)
« Le fait de devoir écrire un programme entier complet
à l'aide de bibliothèques extérieures qui nous
étaient jusqu'ici inconnues constitue une nouveauté (plutôt
plaisante) dans notre cursus informatique. [...] Si nous avons
déjà pu être amenés à nous concentrer sur des
problèmes plus conséquents que ceux présentés en TD,
celui de terminer la mission huit aura sans doute constitué le plus
difficile de ces derniers.Ainsi, nous pensons en avoir retenu de bonnes
habitudes de programmation, car à plusieurs reprises, par manque de
tests, nous nous sommes retrouvés dans une position difficile où
la correction de nos fonctions devenait assez complexe. »
(S6E16)
« Nous avons également pu mettre en pratique ce que nous
avons appris en LI115, notamment la création et l'utilisation de
fonctions. Nous nous sommes également améliorés sur
l'utilisation de boucles et d'alternatives, dans le choix des priorités
des unes par rapport aux autres. » (S6E18)
« Ce jeu nous a amené à faire un long programme
(pour la mission 8), ce que nous ne faisions pas en TP de C. Ainsi nous avons
appris plusieurs choses :
• L’utilité de faire des fonctions :Nous avons
découvert l’intérêt de découper le code en
plusieurs fonctions, ce qui nous a aidé à détecter les
erreurs, et à alléger le programme pour le rendre plus
compréhensible.
• L’utilité de mettre des commentaires :Au bout de
la 2e séance sur la mission 8, nous nous sommes rendu compte que, en
l'absence de commentaires, nous mettrions beaucoup de temps à
déchiffrer le code et à nous rappeler où nous en sommes.
• Une technique pour détecter les erreurs :Lorsque nous
ne savions pas pourquoi la fonction ne faisait pas ce qu’elle devait, nous
avons découvert qu’il était utile de demander à la
fonction d’afficher quelque chose. » (S6E20)
« Jusqu’à maintenant nous étions
habitués aux TP rapides où les commentaires et les variables
explicités n’étaient pas indispensables car nous
n’avions pas à revenir sur le travail plus tard. La
lisibilité du code n’était pas importante, il suffisait que
le code fonctionne comme annoncé. [...]De même, on retrouve une
utilisation systématique des fonctions qui s'avèrent
indispensables pour décomposer le travail. » (S6E21)
« Ça permet aussi de se forger une bonne base, surtout
dans l’écriture de C et ça nous apprend aussi à bien
lire et utiliser un document de programmation. » (S6E23)
5.3.4. Influences sur l’apprentissage
Des remarques sont partagées concernant
une influence sur l’apprentissage.
Certains enseignants de la situation 5 estiment l’influence
négative, au moins dans l’état du jeu ou dans le dispositif
qui avaient été mis en place.
« Ces étudiants ont trouvé que le temps de lecture
est beaucoup trop important par rapport au temps nécessaire à la
programmation : en résumé, "tout ça pour ça".
[...] Au final, j'ai choisi à l'issue des TP 3 et 4 de Prog&Play de
leur faire faire le TP4 traditionnel sur les listes avant de passer au TP
5. » (S5P3)
« Je pense que l'influence sur leur motivation était
positive. [...] Par contre, l'impact sur leurs performances effectives
était clairement négatif. [...] Je pense qu'il serait
prématuré de trancher après une première
expérience. » (S5P6)
D’autres enseignants ont un avis plus nuancé et lié au
profil des étudiants.
« J’ai l’impression (à confirmer) que les
étudiants en grande difficulté n’améliorent pas
vraiment leur connaissance en C mais sont débordés par la
complexité ajoutée par l’environnement
d’exécution du jeu. Peut-être par ce que je ne les ai pas
assez aidés. » (S6P1)
Enfin de nombreuses remarques mentionnent une amélioration des
connaissances et un apprentissage facilité sans faire toujours
référence à un contenu de programmation ou en faisant
allusion à des compétences « transversales »
de réflexion, d’autonomie comme nous en avons donné des
exemples dans la section 5.1.
« En ce qui concerne les étudiants, très forte
motivation au départ, et réel engouement pour certains. Sur la fin
certains sont arrivés à leurs limites mais sur une ou deux
séances uniquement. Tous les étudiants ont atteint les objectifs
initiaux. » (S7P1)
« Nous pensons qu'il devrait y avoir beaucoup plus d'UEs qui
nous apprenne à développer cet esprit d'analyse, d'investigateur
que nous avons pu développer dans cette UE de jeux
sérieux. » (S6E6)
« Cette UE m’a énormément apporté
aussi en ce qui concerne la programmation en C et m’a aidé en
LI115. Le fait aussi de travailler en binôme fut très
intéressant. » (S6E12)
« Ce projet nous a permis d’approfondir nos connaissances
en programmation. En effet étant donné que nous avons
commencé à programmer il y a peu de temps, nous n’avions
qu’une approche un peu trop théorique de la programmation. Ce
projet nous a donc apporté un côté pratique non
négligeable. » (S6E13)
6. Discussion
À la lumière de cette analyse, quatre
facteurs nous apparaissent déterminants dans les situations
étudiées : 1) la prise en compte des subtiles
différences dans les connaissances travaillées dans le contexte du
jeu et celles qui font partie du programme des enseignements
traditionnels ; 2) le temps d’exposition au jeu ; 3) le
degré d’implication des enseignants dans la mise en place de la
formation ; 4) la médiation mise en œuvre par
l’enseignant. Nous déduisons de ces observations des
recommandations pour faciliter l’utilisation de Prog&Play.
6.1. Contenu enseigné
Les missions de Prog&Play visent à intégrer des concepts de
programmation dans un contexte que les étudiants trouvent réaliste
ou,du moins, qui fait sens pour eux. On peut se demander si Prog&Play ne
renforce pas chez les étudiants le cliché « informatique
égal jeux vidéo », mais il peut aussi démystifier
et ouvrir l’intérêt vers de nouvelles applications (c.f.
remarques de la catégorie 1.2 – voir section 5.1.2).
Les concepts travaillés sont les mêmes que ceux de
l’enseignement traditionnel (affectation, structures de contrôle
conditionnelles et itératives, fonctions) mais ils sont appliqués
dans un contexte différent : d’une part l’enseignement
traditionnel propose des exercices mathématiques simples et,
d’autre part, l’environnement Prog&Play permet de commander des
entités virtuelles dans un monde qui évolue avec le temps. Dans
les deux cas, des prérequis sont nécessaires : des concepts
mathématiques pour les enseignements traditionnels et la manipulation de
l’environnement et l’interaction avec le jeu dans le contexte de
Prog&Play.Lorsque ces prérequis restent implicites et à la
charge des étudiants, cela crée des obstacles pour de nombreux
étudiants. Nous recommandons donc un enseignement explicite des
manipulations de l’environnement du jeu.
Si l’on accepte l’hypothèse que l’apprentissage est
contextuel, le changement de contexte n’est pas indifférent sur
l’apprentissage comme le relèvent certains étudiants de la
situation 6 (par exemple à propos de la gestion du temps,
catégorie 3.3 – voir section 5.3.3). De plus,
certains enseignants de la situation 5remarquent que le contexte du jeu (donner
des ordres à des objets du jeu) est plus proche du paradigme de la
programmation impérative et objet que de celui de la programmation
fonctionnelle qui est par contre très adapté au contexte
mathématique.
Une autre caractéristique de l’usage de Prog&Play est
l’utilisation d’une bibliothèque de fonctions et son
exploration. Les enseignants de la situation 5 notent cette
caractéristique comme étant un élément
négatif puisque cette compétence n’est pas explicitement
enseignée (ni évaluée), alors que les enseignants et des
étudiants des contextes 6 et 7 le soulignent comme étant une
compétence très intéressante travaillée dans
l’environnement Prog&Play.
Enfin, dans les situations de projet (situations 6 et 7), les enseignants ont
insisté sur l’autonomie des étudiants qui apprécient
d’être dans un environnement qui leur permet d’être
créatifs. Les étudiants cherchent par eux-mêmes les
stratégies gagnantes et créent les programmes pour les mettre en
œuvre. Ils exercent ainsi des compétences peu travaillées en
première année (par exemple, d’analyse descendante) qui sont
cependant très importantes en programmation comme le souligne le
curriculum ACM-IEEE déjà cité. Cependant, cette autonomie
n’est profitable qu’à condition de connaître un minimum
de syntaxe ce qui est l’objectif des séances de TD et de TP
habituels. Notons que dans la situation 6, l’utilisation de Prog&Play
ne débute qu’en semaine 5 au second semestre,
c’est-à-dire une fois que les étudiants ont
bénéficié de l’enseignement traditionnel sur les
notions de base qui peuvent alors être travaillées en profondeur
dans le jeu.
Ces différences dans les notions travaillées posent bien
évidemment le problème de l’évaluation des
étudiants. Les commentaires des étudiants ont été
recueillis avant l’évaluation finale des étudiants. Sur ce
point, un seul juge négatif le transfert des compétences
travaillées avec Prog&Play dans l’UE de programmation classique
(c.f. catégorie 2.3 – voir section5.2.3, remarque de
l’étudiant S6E11). Cette question du transfert transparaît
aussi dans certains commentaires d’enseignants de la situation 5 qui
s’inquiètent de défavoriser les étudiants en
utilisant Prog&Play dans certains TP. Dans les situations 6 et 7, dans le
cadre d’une pédagogie de projet, les enseignants ont mis au point
une évaluation spécifique tenant compte des compétences
travaillées dans le jeu, ce qui n’était pas le cas dans les
autres situations où l’évaluation classique porte
généralement sur des habiletés plus spécifiques.
L’environnement Prog&Play apparaît donc plus adapté
pour approfondir les notions de base et pour développer des
compétences que pour introduire ces notions de base. Il peut cependant
être utilisé très tôt dans un cours
d’introduction à la programmation comme le montre la situation 6
où il est utilisé à partir de la semaine 5 (sur 12 semaines
du cours d’introduction).
6.2. Temps d’exposition au jeu
Le facteur temps est lié à un des aspects constituants
d’un jeu : les joueurs apprécient de découvrir par
eux-mêmes l’univers du jeu, les différentes unités et
leurs propriétés. Ainsi, dans Prog&Play, le temps
d’exposition au jeu est important pour permettre aux étudiants de
comprendre comment l’univers du jeu réagit à leurs
programmes ce qui est un des ressorts principaux de la motivation et de
l’apprentissage dans cet environnement (cf. remarques de la dimension 1 et
des catégories 2.2, 2.3, 3.3 et 3.4 – voir sections 5.1, 5.2.2, 5.2.3, 5.3.3 et 5.3.4).
Dans un TP traditionnel d’introduction à la programmation,
chaque séance cible un concept unique à enseigner (par exemple,
les conditionnelles ou les boucles). Lorsque Prog&Play a été
intégré dans une séquence pédagogique existante (S4
et S5), les enseignants ont éclaté les différentes missions
sur plusieurs séances afin de les mettre en correspondance avec les
objectifs de chaque séance. Les étudiants en difficulté ont
été aidés par leur enseignant pour terminer la mission dans
le temps imparti à la séance. Ces étudiants se sont
retrouvés ainsi dans une situation d’exécution au lieu
d’être dans une démarche exploratoire. Cette parcellisation
des missions va à l’encontre de l’immersion des
étudiants dans le jeu, alors même que les missions ont
été conçues dans une logique de flow qui est un des
éléments clés de la persistance à rester dans
l’action (Csikszentmihalyi, 1991) comme en témoignent les nombreuses remarques de la dimension 1.
La mise en place de TP Prog&Play en substitution d’un TP
traditionnel, met les enseignants mal à l’aise car ils ont
l’impression de ne pas traiter assez d’exercices et de perdre du
temps en laissant les étudiants explorer. Les situations d’ateliers
ou projets permettent une organisation plus flexible en cohérence avec la
notion de flow où les étudiants peuvent découvrir le
jeu par eux-mêmes et apprendre à partir du feedback que
l’environnement produit sur leurs actions.
6.3. Implication des enseignants
Le critère de succès que nous avons retenu
(réutilisation du jeu après une première
expérimentation) montre l’importance de l’investissement de
l’enseignant dans la mise en place de la situation d’apprentissage
avec Prog&Play. Dans les situations 4, 6 et 7, les enseignants
persévèrent à utiliser le jeu. Ils ont été
à l’initiative de la mise en œuvre du jeu qui leur semblait
pouvoir servir leurs objectifs pédagogiques. Ils ont ainsi mis en place
un dispositif autour du jeu : spécification des objectifs,
préparation des sujets, consignes données aux étudiants,
planification des séances, évaluation des étudiants dans
les contextes 6 et 7. Ils ont aussi assumé l’installation du jeu
sur les ordinateurs de leur institution. Dans les autres situations,
l’équipe de conception de Prog&Play avait sollicité des
enseignants pour tester le jeu dans leur contexte d’enseignement. Ce sont
les membres de cette équipe qui ont installé Prog&Play sur les
ordinateurs des différentes institutions. Peu d’enseignants ont
participé à cette phase, les autres ont soutenu la démarche
mais ne se sont pas réellement investis. En conséquence, lorsque
les expérimentations se sont terminées, aucun enseignant
n’était réellement capable de poursuivre l’initiative.
De plus, comme le révèlent certains commentaires de la situation 5
(dimension 2 – voir section 5.2), les sujets de TP
ont semblé inadaptés bien qu’ils aient été
validés en amont par l’équipe pédagogique de la
formation. Un des enseignants souligne que l’expérience manquait de
lisibilité pour les étudiants, mais sans doute aussi pour les
enseignants qui animaient les séances.
Le rôle de l’implication des enseignants dans la réussite
d’une innovation pédagogique est très bien documentée (Egenfeldt-Nielsen, 2006).
Pour les jeux sérieux, comme pour une autre technologie éducative,
elle est cruciale pour qu’une innovation se scolarise (Bruillard et Baron, 2006).
En ce qui concerne Prog&Play, pour dépasser le seul attrait de la
nouveauté, l’enseignant doit tout d’abord bien
évidemment s’assurer que le jeu sert ses objectifs
pédagogiques et ensuite se familiariser assez avec l’environnement
pour être à l’aise avec les étudiants. Au regard de la
situation 6, nous constatons qu’être joueur n’est pas une
condition sine qua none pour enseigner avec Prog&Play.
L’important réside dans la clarté des objectifs
d’apprentissage avec le jeu.
6.4. Médiation de l’enseignant
Comme dans toute pédagogie active, l’exposition au jeu et
l’autonomie de travail doivent être accompagnées d’une
médiation de l’enseignant. L’enseignant clarifie les concepts
de programmation mobilisés dans le jeu, incite à faire le lien
avec les concepts étudiés en cours et facilite le travail de
contextualisation/décontextualisation des étudiants. Ces
interventions sont modulées en fonction des profils des étudiants.
Les étudiants avancés aiment trouver les solutions par
eux-mêmes alors que les étudiants moins avancés ont besoin
d’être davantage sollicités et guidés.
L’équilibre entre laisser suffisamment de défi pour que le
jeu soit motivant et le guidage pour éviter que certains étudiants
ne soient noyés, n’est pas facile à mettre en place, comme
en témoignent les remarques de la catégorie 2.4 (voir section 5.2.4).
Etant donnée la diversité des stratégies mises en
œuvre et des rythmes de progression de chacun, un point délicat
à gérer est de ménager des temps de réflexion en
commun et d’institutionnalisation de ce qui a été appris.
Dans la situation 6, à la dernière séance, chaque
binôme exposait devant les autres ses stratégies, les
difficultés rencontrées et ce qu’il avait appris durant les
séances. Cette dernière séance est l’occasion pour
l’enseignant de susciter cette réflexion collective.
6.5. Recommandations
L’étude présentée ici suggère des
recommandations pour faciliter l’utilisation de Prog&Play :
1. prévoir du temps pour la prise en main par les enseignants de
l’environnement du jeu, pour prendre la mesure des changements
pédagogiques induits par l’approche ludique et pour expliciter les
connaissances à mettre en œuvre pour réussir les
missions ;
2. mettre en place une évaluation qui prenne en compte les
connaissances travaillées dans le jeu ;
3. laisser du temps aux étudiants pour découvrir le jeu et ses
règles ;
4. indiquer clairement aux étudiants les objectifs pédagogiques
des sessions de travail avec Prog&Play et les apprentissages qui seront
évalués ;
5. trouver un équilibre pour soutenir aussi bien les étudiants
autonomes que les étudiants qui le sont moins ;
6. encourager la collaboration entre étudiants ;
7. prévoir une phase de réflexion collective et
d’institutionnalisation sur ce qui a été appris pendant les
sessions Prog&Play ;
8. enseigner explicitement les connaissances implicites : pourquoi il
est important en programmation d’utiliser des bibliothèques
prédéfinies et comment les utiliser, comment utiliser un nouvel
environnement de programmation et comment passer de cet environnement au
jeu.
Certaines de ces recommandations sont proches des bonnes pratiques
relevées par (Stizman 2011). Cependant, l’étude
précise que nous avons menée met l’accent sur les
difficultés potentielles d’intégration d’un dispositif
d’enseignement fondé sur un jeu dans un dispositif
d’enseignement plus traditionnel. Elle met aussi l’accent sur la
nature des connaissances dont l’apprentissage est visé par le
jeu.
7. Conclusion
Dans cet article, nous avons présenté
Prog&Play un environnement d’apprentissage de la programmation
s’appuyant sur un jeu vidéo et le projet de recherche qui lui a
donné naissance. Nous avons analysé des données recueillies
auprès de 56 étudiants et 17 enseignants ayant utilisé
Prog&Play lors de projets ou de TP dans sept contextes
universitairesdifférents. Pour trois des situations
étudiées, la formation avec Prog&Play est reconduite depuis
plusieurs années.
De nombreuses recherches visent à étudier
l’efficacité des jeux sérieux. Notre expérience avec
Prog&Play confirme que la question ne peut être tranchée
indépendamment du dispositif d’enseignement que le jeu
sérieux instrumente. Nous avons retenu un critère
d’évaluation manichéen : Prog&Play est-il
réutilisé après une première tentative ? Ce
critère nous permet d’étudier les deux questions
suivantes :
1. Quelles sont les caractéristiques de Prog&Play mises en avant
par les étudiants et les enseignants pour expliquer l’adoption de
Pro&Play sur la durée ou son abandon après une première
utilisation ?
2. Quelles recommandations établir pour conduire à une
utilisation favorable de Prog&Play ?
L’analyse présentée indique que Prog&Play est un bon
support pour une pédagogie de projet qui laisse du temps aux
étudiants pour s’approprier le contexte du jeu et pour
expérimenter par eux-mêmes des stratégies avant
d’arriver à programmer une stratégie optimale. Par contre,
utiliser Prog&Play ponctuellement comme outil pour introduire des notions
dans une pédagogie plus transmissive apparaît limiter à la
fois la motivation et l’apprentissage. L’environnement Prog&Play
apparaît plus adapté pour approfondir les notions de base et pour
développer des compétences que pour introduire les notions de
base.
Dans cet article, nous nous sommes intéressés au critère
d’évaluation « adoption sur la durée »
de l’environnement. D’autres critères
d’évaluation nous semblent intéressants à
étudier. Le premier est celui de l’adaptabilité de
l’environnement par les enseignants. Nous pouvons citer plusieurs
exemples.Nous avons vu que des enseignants ont organisé des dispositifs
de soutien (situation 4), de projets (situation 6 et 7) autour de Prog&Play.
L’enseignant de la situation 7, pour l’évaluation, a
imaginé et intégré au jeu une nouvelle
mission.D’autres enseignants ont créé une situation de jeu
originale que nous n’avons pas présentée ici, faute de
données recueillies. Ils ont organisé un concours de programmation
non obligatoire ouvert à toutes les formations en informatique de leur
université (DUT, Licence, Master soit 42 participants). Enfin,
l’utilisation de Prog&Play pour initier à l’informatique
des publics scolaires ou non informaticiens est une perspective qui nous
intéresse et pour laquelle nous avons développé
l’interface en Scratch. Le deuxième critère consisterait
à étudier l’influence sur la réussite aux examens de
l’UE traditionnelle des étudiants ayant suivi l’UE
Prog&Play. Nous avons déjà exploré ce critère
d’évaluation dans le cadre de la situation 5 (Muratet et al., 2011) et il mériterait d’être approfondi dans de nouveaux
contextes. Le troisième porterait sur l’évaluation du
détournement de l’environnement comme un outil pédagogique
pour former les étudiants en informatique plus avancés à
travers des projets de développement du jeu (par exemple pour de
nouvelles interfaces pour d’autres langages de programmation) ou
desprojets de game design (par exemple pour concevoir de nouvelles
missions et de nouvelles situations de jeu).
Ces premières étapes du projet montrent qu’il est
possible d’introduire (et de maintenir) un jeu sérieux dans des
enseignements universitaires fondamentaux. Nos recherches actuelles portent sur
trois points : (i) diversifier les jeux pour faciliter l’organisation
de tournois ; (ii) créer un outil auteur pour faciliter la
création de missions par les enseignants ; (iii) proposer des jeux
sérieux pour des publics à besoins éducatifs
particuliers.
Remerciements
Nous remercions
chaleureusement les étudiants et les enseignants qui ont participé
à ces mises à l’essai et tout particulièrement Pierre
Jarraud, Françoise Le Calvez, Véronique Gaildrat, André
Péninou, Sylvain Barreau et Jérémie Guiochet.
BIBLIOGRAPHIE
BARDIN L.
(1998).L’analyse de contenu, Presses Universitaires de France,
9ème édition,
Paris.
BIZZOCHI J., PARAS B. (2005). Game, motivation, and effective learning: an
integrated modelfor educational game design. International
DiGRAConference.
BRUILLARD E., BARON G.-L. (2006). Usages en milieu scolaire :
caractérisation, observation et évaluation, GRANDBASTIEN
Monique et LABAT Jean-Marc (dir.), Environnements informatiques pour
l'apprentissage humain, Traité IC2, Lavoisier, Paris, p.
269-284.
CHEN W.-K., CHENG Y. C. (2007). Teaching Object-Oriented Programming
Laboratory With Computer Game Programming.IEEE Transactions on Education,
Vol. 50 n°3, p. 197-203.
COOB P., CONFREY J., DISESSA A., LEHRER R., SCHAUBLE L. (2002). Design
experiments in educational research. IEEE Transaction on Education, Vol.
40 n°1, P. 412-416.
CSIKSZENTMIHALYI M. (1991). Flow - The Psychology of optimal
Experience. Harper Perennial.
Du BOULAY B. (1986).Some difficulties of learning to program.Journal of
EducationalComputing Research,Vol. 2 n°1, p.
57–73.
EGENFELDT-NIELSEN S. (2006).Overview of research on the educational use of
video games.Digital Kompetanse, Vol. 1 n°3,
p.184–213.
GESTWICKI P., SUN F-S. (2008). Teaching design patterns through computer
gamedevelopment.ACM Journal on Educational Resources in Computing, Vol. 8
n°1, p.1–22.
GIRARD C., ESCALLE J., MAGNAN A. (2012). Serious games as new educational
tools: howeffective are they? A meta-analysis of recent studies.J. of
Computer Assisted Learning, Vol. 29 n°3, p.
207-219.
GREITZER F. L., KUCHAR O. A., HUSTON K. (2007).Cognitive science
implications for enhancing training effectiveness in a serious gaming
context.J. Educ. Resour. Comput.,Vol. 7 n°3 art.
2.
HARTNESS K. (2004).Robocode: using games to teach artificial intelligence. J. of Comput. Sciences in Colleges, Vol. 19 n°4, p.
287-291.
JENKINS T. (2002).On the difficulty of learning to program.3rd Annual
Conference of LTSN-ICS,p.53–58.
KELLEHER C., COSGROVE D., CULYBA D., FORLINES C., PRATT J., PAUSCH R.
(2002). Alice2: Programming without Syntax Errors. 15th annual symposium on
the User Interface Software and
Technology.
KINNUMEN P., MALMI L. (2006). Why students drop out CS1 course? Proceedings of theSecond International Workshop on Computing Education
Research, p.97–108.
MALONEY J., BURD L., KAFAI Y., RUSK N., SILVERMAN B., RESNICK M. (2004).
Scratch: A Sneak Preview. 2nd International Conference on Creating
Connecting, and Collaborating through Computing, p.
104-109.
MARCHIORI E. J., TORRENTE J., DEL BLANCO A., MORENO-GER P., SANCHO P.,
FERNANDEZ-MANJON B. (2012). A narrative metaphor to facilitate educational game
authoring.Computers & Education,Vol. 58 n°1, p.
590–599.
MARFISI-SCHOTTMAN I., GEORGE S., TARPIN-BERNARD F. (2010).Tools and methods
for efficientlydesigning serious games.4th European Conference on Games Based
Learning ECGBL2010,Copenhagen, Denmark,
p.226–234.
MARNE B., CARRON T., LABAT, J.-M. (2013). Modélisation des parcours
pédago-ludiques pour l’adaptation des jeux sérieux. 6ème conférence sur les Environnements Informatiques
pour l’Apprentissage Humain EIAH2013, Toulouse, France, p.
55-66.
McCRACKEN M., ALMSTRUM V., DIAZ D., GUZDIAL M., HAGAN D., KOLIKANT Y.B-D.,
LAXER C.,THOMAS L., UTTING I., WILUSZ T. (2001).A Multi-national,
Multi-institutional Study ofAssessment of Programming Skills of First-year CS
Students.Working group reports from ITiCSE on Innovation and Technology in
Computer Science Education,
p.125–180.
MURATET M., TORGUET P., JESSEL J.-P., VIALLET F (2009). Towards a Serious
Game to Help Students Learn Computer Programming. International Journal of
Computer Games Technology,Hindawi Publishing Corporation, Vol.
2009.
MURATET M., TORGUET P., VIALLET F., JESSEL J.-P. (2011). Évaluation
d'un jeu sérieux pour l'apprentissage de la programmation. Revue
d'Intelligence Artificielle, Hermès Science Publications, Vol. 25
n°2, p. 175-202.
MURATET M., DELOZANNE E., TORGUET P., VIALLET F. (2012). Jeu sérieux
et motivation des étudiants pour apprendre : influence du contexte
avec Prog&Play. Colloque Technologies de l'Information et de la
Communication pour l'Enseignement (TICE 2012), Lyon, France, p.
91-97.
PEARS A., SEIDMAN S., MALMI L., MANNILA L., ADAMS E., BENNEDSEN J., DEVLIN
M., PATERSON J. (2007).A survey of literature on the teaching of introductory
programming.SIGCSE Bull., Vol. 39 n°4,
p.204–223.
THOMAS P., YESSAD A., LABAT J.-M. (2011). Petri nets and ontologies: tools
for the “learning player” assessment in serious games. Advanced
Learning Technologies, p. 415-419.
YESSAD A., LABAT J.-M., KERMORVANT F. (2010).SeGAE: a serious game
authoringenvironment.10th IEEE International Conference on Advanced Learning
Technologies(ICALT), p.538–540.
ZYDA M. (2005). From visual simulation to virtual reality to games.IEEE
Computer, Vol. 38 n°9, p. 25-32.
Référencement
des documents électroniques et des sites
web
ACM et IEEE-CS (2008). Computer Science Curriculum 2008:
An Interim Revision of CS2001.ACM Press and IEEE Computer Society Press,
New York.
CORPUS (2013). Corpus des commentaires annotés (consulté le
1er juin 2013) :
http://www.irit.fr/ProgAndPlay/ressources/codageProgAndPlay_Sticef.pdf
COLOBOT (2001). Colobot, http://www.ceebot.com/colobot/index-f.php,
(consulté le 21mai 2013).
EECLONE (2011). EEClone,
http://www.cs.bsu.edu/homepages/pvg/games/eeclone/, (consulté le 21 mai
2013).
GUN-TACTYX (2008). Gun-Tactyx,
http://apocalyx.sourceforge.net/guntactyx/, (consulté le 21 mai 2013).
KERNEL PANIC (2012).Kernel Panic,
http://springrts.com/wiki/Kernel_Panic, (consulté le 21 mai 2013).
PROG&PLAY (2012). Prog&Play, http://www.irit.fr/ProgAndPlay/,
(consulté le 21 mai 2013).
QUESTIONNAIRE (2008). Version du questionnaire de motivation et de
satisfaction utilisé en 2008 :
http://www.irit.fr/ProgAndPlay/ressources/Questionnaire_2008.pdf,
(consulté le 1er juin
2013).
ROBOT BATTLE (2009). Robot Battle, http://www.robotbattle.com/,
(consulté le 21mai 2013).
A
propos des auteurs
Mathieu Muratet est docteur en informatique de
l’Université Paul Sabatier depuis 2010. Il est Maître de
Conférences à l’INS HEA (Institut National Supérieur
de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes
Handicapés et les Enseignements Adaptés) et membre du GRHAPES
(Groupe de Recherche sur le Handicap, l'Accessibilité et les Pratiques
Educatives et Scolaires). Ses travaux portent sur la conception et
l’évaluation des jeux sérieux pour des élèves
à besoins éducatifs particuliers.
Adresse : Groupe de Recherche sur le
Handicap, l'Accessibilité et les Pratiques Educatives et Scolaires
(GRHAPES), 58-60 avenue des Landes, 92150 Suresnes
Courriel : mathieu.muratet@inshea.fr
Toile : http://www.inshea.fr/equipe_accueil_detail.php?id=4140&id_menu=2
Élisabeth Delozanne est Maître de
Conférences en Informatique à l’Université Pierre et
Marie Curie où elle enseigne en particulier la programmation. Ses travaux
de recherche portent sur la modélisation des connaissances dans les
Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH). Elle a
travaillé avec des didacticiens des mathématiques sur les projets
Pépite et Lingot pour concevoir des environnements diffusés en
ligne et utilisés en collège ou à
l’université.
Adresse : Laboratoire
d’Informatique de Paris 6 (LIP6), L'UTES, Université Pierre et
Marie Curie, 4 place Jussieu 75270 Paris cedex 05
Courriel : Elisabeth.Delozanne@upmc.fr
Toile : http://lutes.upmc.fr/delozanne/
Fabienne Viallet est Maître de Conférences en
informatique à l’Université Toulouse III – Paul
Sabatier et enseigne au département informatique de l’IUT. Elle est
membre de l’équipe de recherche en sciences de
l’éducation « Éducation, Formation, Travail,
Savoirs » (EFTS) et s’intéresse principalement à
la didactique de l’informatique et aux jeux sérieux destinés
à l’enseignement apprentissage en milieu universitaire.
Adresse : UMR EFTS, Enseignement
Formation Travail Savoirs, École Interne de l'université Toulouse
2, 118, route de Narbonne, 31078 Toulouse cedex 4.
Courriel : fabienne.viallet@univ-tlse3.fr
Toile : http://efts.univ-tlse2.fr/accueil/les-chercheurs/mme-viallet-fabienne-117163.kjsp
Patrice Torguet est Maître de Conférences en
Informatique à l’Université Toulouse III – Paul
Sabatier depuis 2001. Il est membre de l’équipe VORTEX (Visual
Objects from Reality to Expression) de l’IRIT et s’intéresse
principalement à la réalité virtuelle distribuée et
aux jeux sérieux utilisant des environnements virtuels.
Adresse : IRIT (Institut de Recherche en
Informatique de Toulouse), Université Toulouse III – Paul Sabatier,
118 Route de Narbonne, F-31062 TOULOUSE CEDEX 9
Courriel : patrice.torguet@irit.fr
Toile : http://www.irit.fr/~Patrice.Torguet/
1 LI115 est une UE
d’initiation au langage C que les étudiants de la situation 6
suivaient en parallèle de l’UE transversale Prog&Play.
|