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Équipements en ordinateurs portables dans les
collèges du département des Landes : quels effets sur les
résultats au brevet des collèges ?
Mehdi Khaneboubi (EMA, Université de Cergy-Pontoise)
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RÉSUMÉ : Cet
article cherche à caractériser l’impact des technologies sur
les résultats des élèves landais en analysant les
séries chronologiques des résultats au brevet des collèges
issues du rectorat de Bordeaux. La comparaison d’indicateurs de tendances
centrales, de dispersion et de concentration des résultats au brevet (en
français, mathématiques et histoire-géographie) prend en
compte les élèves de 4 départements d’Aquitaine
(Landes, Dordogne, Pyrénées-Atlantiques et Lot-et-Garonne), de
1998 à 2011, soit 4 années avant et 10 années après
le début des dotations en ordinateurs portables du département des
Landes. Ces données vont permettre de s’interroger sur les
singularités éventuelles des résultats landais par rapport
à ceux des départements voisins.
MOTS CLÉS : collège,
ordinateur portable, Landes, évaluation, brevet des collèges |
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ABSTRACT : We
seek to characterize the impact of technology on student achievement in a one to
one context in the French rural territory named Département des Landes.
By analyzing time series of results in the examination at the end of middle
school we look for a différence between students with laptop at school
and others. We took into account indicators of central tendency, dispersion and
concentration results in literature, mathematics and social studies, in 4 areas
of Aquitaine (Landes, Dordogne, Pyrenées-Atlantiques and Lot-et-Garonne),
from 1998 to 2011, four years before and 10 years after the beginning of the
endowments of laptops.
KEYWORDS : middle
school, laptop, one to one, assesment, Landes
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1. Introduction
Depuis l’an 2000, 6
conseils généraux ont doté en ordinateurs portables les
collégiens et les enseignants de leurs départements. En 2001 les
collégiens landais (Jaillet, 2004) ; (Khaneboubi, 2007),
ceux des Bouches-du-Rhône en 2003 (Liautard, 2007),
d’Ille-et-Vilaine en 2004 (Rinaudo et al., 2008),
de Corrèze et de l’Oise en 2009 (Durpaire et al., 2011) ; (Khaneboubi, 2010) et enfin du Val-de-Marne en 2012. Ce type de projets souvent
appelés one to one, peuvent avoir des incidences fortes sur les
enseignements si, comme dans les Landes, des infrastructures accompagnent les
machines et offrent des opportunités quotidiennes d’utilisations
pour les enseignants. Du point de vue des politiques publiques ces projets
marquent une immixtion indirecte des collectivités territoriales dans les
pratiques enseignantes alors que cette autorité était
exclusivement dévolue aux académies.
La variabilité de l’organisation de ces projets selon les pays
et les régions, permet rarement de comparer les résultats entre
eux. Il ressort tout de même que l’examen des contextes
institutionnels constitue une piste explicative stable concernant les modes
d’usages et les effets des technologies sur les apprentissages. Ainsi,
dans des groupes scolaires privés de Californie (Grimes et Warschauer, 2010) ou du Canada (Karsenti et Colin, 2011) les ordinateurs font partie d’une politique globale qui concerne aussi
d’autres éléments de la vie scolaire comme les curriculums,
les conditions d’enseignement, les bâtiments, etc. Dans
l’expérimentation du Maine (Silvernail et al., 2011) ou dans celle du département des Landes (Khaneboubi, 2007) l’intégralité des enseignants et des élèves
d’un ou plusieurs niveaux d’un territoire sont concernés.
Même appuyés par d’autres leviers de politiques publiques,
les déterminants sociaux et institutionnels habituels conservent une
influence prédominante sur les pratiques des acteurs.
Mis en place en 2001, le projet de dotation landais inclut un
équipement des salles de classe en bornes de connexion à internet,
imprimantes, tableaux blancs interactifs, serveurs, applications, etc. En plus
du matériel et d’infrastructure, on trouve au moins un technicien
par collège dédié à l’entretien des machines
et à l’accompagnement des élèves et des enseignants.
La quantité de matériel déployé,
l’accès à internet, la disponibilité à une
alimentation pour chaque élève depuis les salles de classe ainsi
qu’un personnel technique en permanence dans les collèges, rendent
possible des utilisations quotidiennes en classe avec une plus grande
sérénité pour l’enseignant que dans un
établissement ordinaire. Bref, la quantité de ressources
technologiques déployées est si importante que les enseignants et
les élèves évoluent dans un environnement scolaire
où une utilisation pour enseigner et pour apprendre n’est pas
limitée par manque de moyens matériels et humains. Quels effets
cet équipement a-t-il eu sur les résultats des
élèves au brevet des collèges ? Constate-t-on des
résultats différents chez les Landais et dans les
départements voisins qui ne sont pas équipés
massivement ?
2. Perspectives théoriques et nature des données
Jack Goody (Goody, 1979) a
montré quel rôle ont les changements des modes de communication
dans le développement des structures et des processus cognitifs, dans
l’accroissement du savoir et des capacités qu’ont les humains
à le stocker et à l’enrichir :
« même si l’on ne peut raisonnablement pas
réduire un message au moyen matériel de sa transmission, tout
changement dans le système des communications a nécessairement
d’importants effets sur les contenus transmis » (Goody, 1979) p.
46. Dans cette perspective, les savoirs scolaires et les curriculums sont le
produit d’une technologie. Cette idée converge avec celles de
Seymour Papert. Par exemple, lors de la conférence inaugurale du colloque
EIAH 2003 (Papert et Jaillet, 2003),
Seymour Papert affirmait que les modes d'enseignement les plus répandus
portant sur les paraboles étaient produits par la technologie de
l'écrit.
« Tous les enfants du monde apprennent que
l’équation y = x^2 est une parabole. [...] Pourquoi ce petit
morceau là ? Parce que l’on peut le faire facilement avec la
technologie du crayon et du papier. Il suffit d’avoir du papier, on peut
mettre les points, on peut faire la courbe et l’enseignant peut regarder
et d’un coup voir si c’est bien fait. Je n’ai rien contre les
paraboles, mais il faut examiner quelles sont les connaissances qui pourraient
être enseignées et apprises par les enfants avec [les
ordinateurs]. » retranscrit dans (Khaneboubi, 2007),
p. 45.
Seymour Papert insistait sur la possibilité d’enseigner les
paraboles en faisant programmer aux élèves le déplacement
d’un personnage du type de Mario Bros. Ce point de vue se base
notamment sur l’idée que la constitution des savoirs est
liée aux technologies et que les processus d’apprentissage sont une
construction de connaissances produite par la manipulation des savoirs. Dans
cette perspective, on comprend qu’indirectement, si les équipements
en ordinateur sont utilisés, ils ont une forte probabilité
d’influencer les matériaux didactiques.
Dans le contexte des projets de dotation des élèves et des
enseignants en ordinateurs portables, quels effets ont les technologies sur les
apprentissages ? Des enquêtes menées en Amérique du
Nord sur des opérations similaires à celle des Landes indiquent
souvent que les élèves font preuve de meilleures
compétences pour la recherche d’informations (Bebell et Kay, 2010) ; (Freiman et al., 2010) ; (Grimes et Warschauer, 2008) ; (Penuel, 2006) ; (Silvernail et al., 2011) et que les équipements massifs auraient des effets positifs sur les
habiletés d’écriture (Grimes et Warschauer, 2008) ; (Penuel, 2006) ; (Silvernail et al., 2011) ; (Zucker et Light, 2009).
De façon solide il a été établi que les
compétences techniques des élèves étaient accrues (Grimes et Warschauer, 2008) ; (Karsenti et Collin, 2011) ; (Zucker et Light, 2009).
Dans certains cas, est relatée une meilleure appréhension des
tâches complexes (Freiman et al., 2010) ; (Silvernail et al., 2011) et un renouvellement de la motivation et de l’implication des
élèves dans les travaux scolaires (Bebell et O’Dwyer, 2010) ; (Zucker et Light, 2009).
Les projets de dotation massive ont-ils un effet sur les résultats des
élèves ? En Amérique du Nord, les classements
d’état de ces établissements sont rarement affectés
par les projets. Bebell et Kay (Bebell et Kay, 2010),
Penuel (Penuel, 2006),
Silvernail (Silvernail, 2005) et Zucker et Light (Zucker et Light, 2009) indiquent qu’il y a peu d’effet sur les résultats alors que
Karsenti et Collin (Karsenti et Collin, 2011) et Grimes et Warschauer (Grimes et Warschauer, 2008) rapportent un meilleur classement des écoles concernées. Pour
expliquer les effets peu visibles des technologies dans le cas du projet du
Maine, Silvernail (Silvernail, 2005) soutient que les utilisations des technologies se basent sur des
réalisations transversales des élèves alors que les tests
d’état sont centrés sur les connaissances produites par un
enseignement traditionnel faisant fortement appel à la
mémorisation. En revanche, les contraintes aussi bien techniques
qu’organisationnelles qui jouent sur l’action pédagogique en
classe ont tendance à faire considérer comme superflu les
dotations importantes des ces projets d’un point de vue pédagogique
comme l’a exposé Cuban (Cuban, 2006).
Dans ce travail nous avons cherché à identifier dans quelle
mesure les résultats au brevet des collèges landais ont
été affectés par le projet d’équipement en
ordinateurs portables, grâce à une base produite par la direction
de l’évaluation et de la prospective du rectorat de Bordeaux pour
les 5 départements de la région. Ce fichier est constitué
par les résultats au brevet de 1998 à 2011 pour les 5
départements d’Aquitaine soit 5 années avant et 10
années après le début du projet landais de dotation en
ordinateurs. Il s’agit de réaliser des analyses univariées
avec des indicateurs proposés par Saporta (Saporta, 2006) sur les quatorze années dont on dispose, pour les résultats
généraux par département, puis pour chaque
épreuve.
On dispose donc de l’intégralité des résultats de
tous les collégiens aquitains de 1998 à 2011 ce qui
présente notamment l’intérêt de travailler sur une
population complète et non sur un échantillon. En examinant, pour
chaque département, pour le contrôle continu et les épreuves
sur table, les notes de français, de mathématiques et
d’histoire-géographie on a cherché à identifier un
comportement différent des notes landaises. Si le projet de dotation en
ordinateur a un effet sur les résultats au brevet, alors la
représentation graphique des séries chronologiques des indicateurs
de dispersion, tendances centrales, de variétés et de
répartition devrait permettre de caractériser un comportement
singulier des courbes landaises. En sommant les 3 notes de mathématiques,
français et histoire-géographie avec la note moyenne au
contrôle continu on peut observer comment se répartissent les
points obtenus par chaque candidat aquitain au brevet de 1998 à 2011. On
remarque que, selon le département, les écarts par rapport
à une distribution gaussienne varient. Ainsi le centre de la distribution
des notes des Pyrénées-Atlantiques (64) et des Landes (40) est
au-dessus de la moyenne de 40/80. On note aussi une dissymétrie franche
des notes périgourdines (24), girondines (33) et du Lot-et-Garonne (47).
Enfin, la dispersion diffère selon les années et les
départements.
3. Méthode
Afin de déterminer si le projet
d’équipement en ordinateur portable a eu un effet sur les
résultats au brevet des collèges, nous avons comparé les
résultats des élèves landais à ceux des autres
départements de la même région. Les épreuves et les
conditions de passation sont identiques pour tous les élèves
d’une même région. Les jurys de correction sont
composés en mélangeant les enseignants d’une région.
On peut donc au moins considérer les résultats
intrarégionaux comme comparables entre eux.
Les données présentées ici ne permettent pas
d’identifier ni de mesurer quels sont les effets réels des usages
d’ordinateurs sur les apprentissages. En revanche, ces données
permettent de voir si les ordinateurs ont un effet sur les résultats des
élèves au brevet des collèges.
3.1. Distribution de notes et description statistiques
Les activités d’évaluations présentent un certain
nombre d’ambigüités qu’il est nécessaire de
mentionner brièvement. Dans quelle mesure le brevet des collèges
représente-t-il fidèlement les phénomènes
d’apprentissage des élèves ? Dans quelle mesure ces
activités évaluent-elles l’activité des
élèves et non celle des institutions (rectorats, inspections
académiques, établissements, collectivités territoriales,
etc.) ? Il est établi de façon relativement solide que le
brevet des collèges comme le baccalauréat, en tant
qu’évaluation externe, constitue en apparence la légitime
matérialisation d’une hiérarchisation, d’un jugement
d’excellence et constitue le socle des classements et des activités
scolaires (Perrenoud, 1995).
Par ailleurs si pour les copies recevant des notes extrêmes les
résultats semblent relativement stables, selon les correcteurs et les
contextes de correction, pour les copies moyennes la variabilité
intercopie est grande et dépend aussi bien des correcteurs (Suchaut, 2008) que du contexte de correction (Leclercq et al., 2004).
Du point de vue de l’analyse de données, quels types de
variables peuvent représenter une distribution de notes sur 20 ?
Comment les décrire et les analyser sans perdre le lien avec les
activités qu’elles incarnent ? Des éléments de
réponses à ces questions sont fournis par Escoffier et
Pagès (Escoffier et Pagès, 1997).
On considérera ici une distribution de notes selon trois modes :
comme une variable quantitative continue, comme une variable quantitative
discrète, comme une variable qualitative ordinale. Les notes constituent
fondamentalement un moyen de classement des élèves entre eux.
Comme l’évaluateur classe les copies les unes en fonction des
autres, le jury de diplôme contrôle et ajuste ce classement des
évaluateurs entre eux. Dans ce cas, on peut considérer qu’il
s’agit d’une variable qualitative ordinale comme une échelle
de Likert. Néanmoins, au sein des institutions éducatives, les
notes sont manipulées comme des variables quantitatives,
c’est-à-dire comme une mesure des performances des
élèves lors des tests et contrôles. Figurent souvent sur les
bulletins scolaires la moyenne de l’élève et les notes
maximales et minimales de la classe. Enfin, il est aussi possible de
considérer qu’une note sur 20 est une distribution de points, ce
qui en fait une variable discrète sur laquelle on pourra effectuer un
calcul d’entropie et/ou un indice de diversité de Gini.
3.2. Entropie de Shannon et indice de diversité de Gini
L’entropie de Shannon est un indice permettant de quantifier la
diversité d’une variable qualitative. Plus l’indice est
élevé plus la variété est grande. Nous utilisons la
méthode du maximum de vraisemblance comme celle présentée
par Hausser et Strimmer (Hausser et Strimmer, 2009).
L’algorithme a été développé dans la
bibliothèque entropy du logiciel R (Development Core Team, 2011).
D’après Saporta (Saporta, 2006) les fonctions d’entropie, mesurent la quantité d’information
autrement dit c’est une quantification de la variété des
modalités.
Compris entre 0 et 1, l’indice de Gini a été conçu
pour mesurer les inégalités de revenu. C’est donc une mesure
du degré d’inégalités des individus d’une
distribution. Pavoine et Dufour (Pavoine et Dufour, 2010) précisent que pour un grand nombre d’individus, l’indice de
Gini comme l’entropie s’apparente à une mesure de richesse.
Pour plus d’informations sur l’indice de Gini, le lecteur pourra
consulter Monino, Kosianski, et Cornu (Monino et al., 2007) et Saporta (Saporta, 2006).
Pour une présentation plus complète de la description
d’inégalités, dans une distribution voir
Barbut (Barbut, 1998).
Nous utilisons, ici, l’algorithme décrit par Handcock et
Morris (Handcock et Morris, 1999),
utilisable à travers la librairie reldist (Handcock, 2011) du logiciel R.
L’entropie va permettre d’évaluer la variété
dans les notes considérées comme des variables discrètes,
et, en série chronologique l’évolution de cette
variété. Dans une perspective où l’on
considère que les points aux brevets sont distribués comme des
capitaux, l’indice de Gini va nous permettre d’évaluer leur
répartition et de constater une évolution des
inégalités de distribution de points.
3.3. Caractérisation d’un effet sur les notes au brevet
Pour caractériser un effet des dotations en ordinateur portable des
élèves et des enseignants des collèges landais, on a
recherché un comportement différent des notes landaises par
rapport à celles des départements voisins en représentant
graphiquement les séries chronologiques d’indices de dispersion,
concentration et tendance centrale des distributions de notes pour chaque
département, pour le contrôle continu et les épreuves sur
table en français, mathématiques et histoire-géographie.
Par exemple, le nombre de candidats au brevet en Aquitaine a augmenté
pour passer de 23 400 en 1998 à 26 200 en 2011. On remarque sur
la figure 1 que l’augmentation du nombre de candidats landais est
notable par rapport à ses voisins à partir de 2003 puisque la
courbe des résultats landais « décroche »
tandis que les autres courbes ne se croisent pas.
Figure 1. Nombre de candidats au brevet des collèges en
Aquitaine département de la Gironde exclu
On constate de façon inéquivoque que le nombre de candidats
landais augmente d’une façon différente par rapport à
ses voisins. On remarque pour les autres départements une
légère baisse de 2002 à 2008 puis une reprise, sauf pour la
Dordogne qui reste relativement stable. Dans cet exemple, on ne prend pas en
compte les effectifs des collèges girondins, car la relative urbanisation
du département par rapport à ses voisins, ne permet pas de le
comparer avec les 4 autres départements. C’est aussi le cas
dans l’analyse qui suit à une exception prés.
4. Résultats
4.1. Réussite au brevet
On n’identifie pas de différences
notables entre les résultats médians des Landais et ceux des
autres collégiens de la région (figure 2.).
Figure 2. Résultats médians des Aquitains au brevet des
collèges
Le haut du classement des départements n’évolue pas sur
la période que l’on considère. Les Pyrénées
Atlantiques sont premières sur l’ensemble de la période
suivi par les Landes. Enfin, le bas du classement évolue
modérément entre le Lot-et-Garonne, la Gironde et la Dordogne. On
ne remarque pas de comportement singulier de la courbe landaise.
L’année 2002, date à laquelle le projet a été
mis en place, ne constitue pas une date marquante sur la courbe des
résultats landais. À partir de cette année-là, les
variations (croissances/décroissances) des courbes sont identiques pour
chaque département.
En examinant, la dispersion et l’étalement des distributions, on
ne trouve pas, à une exception prés, de différences
particulières entre les résultats du département des Landes
et ceux des départements voisins (figure 3.).
Figure 3. Écarts types, indice de Gini, maximums et
minimums pour les résultats aux brevets des collèges
On remarque que plus les résultats médians sont
élevés, plus les écarts types sont faibles. Ainsi, les
notes des Pyrénées-Atlantiques sont moins dispersées. Les
écarts types des résultats landais ne comportent pas de
singularités franches dans leurs variations. On constate, en outre, que
les indices de Gini se comportent à peu près comme les
écarts type c’est probablement un effet d’effectifs. Les
dispersions des distributions de notes ne permettent pas d’identifier un
impact du projet d’équipement en ordinateur.
La note maximum et la note minimum de chaque distribution annuelle
correspondent à la note la plus élevée et la plus basse de
chaque année. Ces indicateurs de dispersion peuvent permettre de
percevoir des tendances que l’on pourra confirmer par l’examen des
centiles. Un examen des courbes de maximums ne permet pas plus que les
indicateurs de tendance centrale de caractériser un effet des ordinateurs
sur les résultats des meilleurs élèves. En revanche,
concernant la courbe landaise des minimums, on note qu’à partir de
2001 elle est décroissante (à l’exception de
l’année 2008) alors que les autres courbes fluctuent. Il est
possible qu’il s’agisse d’un effet des ordinateurs portables.
Cet élément conduit à s’interroger sur les
résultats les plus faibles. Les centiles sont les valeurs de la variable
qui partage la distribution en 100 parties dans lesquelles figure le même
nombre d’individus, c’est une extension de l’idée de
médiane. Un examen des centiles des notes pour chaque département
du 100ème jusqu’aux minimums permet de remarquer une
stabilité de forme et de tendance pour les 90 derniers centiles.
Néanmoins, les 7 premiers centiles de la courbe landaise, ce qui
correspond aux individus ayant les notes les plus basses, ont une tendance
à la baisse que l’on ne constate pas pour les autres
départements.
4.2. Résultats par disciplines
En examinant les résultats médians des épreuves sur
table et de la moyenne aux contrôles continus, on n’identifie pas de
différence entre les résultats landais et les autres
(Figure 4.).
Figure 4. Résultats médians au brevet pour 4
départements aquitains
Les résultats médians d’épreuves sur table en
français et en mathématiques ne permettent pas de
différencier les résultats landais de ceux des autres
élèves. On remarque que le classement est sensiblement le
même que pour les médianes des moyennes : les
Pyrénées-Atlantiques et les Landes sont devant, le Lot-et-Garonne
et la Dordogne, tour à tour troisième ou quatrième. Les
variations sont globalement les mêmes pour les résultats landais
que pour ceux des Pyrénées Atlantiques. En français est
arrivé en 2005 un accident possiblement dû au niveau de
difficulté des sujets. De façon similaire les résultats de
mathématiques de 2003 sont en rupture avec les années
précédentes suivantes probablement dues aux sujets de cette
année-là. Les résultats de l’épreuve
d’histoire-géographie présentent moins de stabilité
ordinale que ceux de français et de mathématiques, mais leur
étalement est moindre. Comme auparavant la courbe landaise ne se
distingue pas des autres ni avant ni après 2002.
4.3. Entropie des résultats aquitains
Selon le mode de calcul, l’entropie des moyennes nous permet de
distinguer les résultats landais. Si l’on considère que les
notes sont une agrégation de points, en les considérant comme des
comptages, on peut alors calculer un indice d’entropie sur les variables
brutes. Nous verrons plus loin un calcul d’entropie en effectuant des
regroupements par classe de notes. On constate une différence entre les
résultats landais et ceux des autres départements. En effet, sur
la période approximative 2002-2011 elle augmente de façon
significative alors que l’entropie des autres départements reste
stable (Figure 5.).
Figure 5. Entropies des résultats
aquitains au brevet des collèges
Cette augmentation de l’entropie pour les moyennes se retrouve aussi
bien pour les résultats de contrôle continu qu’aux
épreuves sur table par discipline. Les variations sont similaires et du
même ordre (Figure 6.). De plus en comparant la courbe
d’augmentation de population avec l’évolution des entropies
on remarque que leurs évolutions sont les mêmes.
Figure 6. Entropies des résultats landais
et évolution du nombre de candidats.
En découpant les variables numériques en classe (les notes sont
transformées en 4 modalités : entre 0 et 5, entre 5 et 10,
entre 10 et 15 et entre 15 et 20) seuls les résultats au contrôle
continu des Landais se distinguent des résultats des autres
départements (Figure 7.).
Figure 7. Entropie des résultats
découpés en classes.
On remarque, comme pour l’écart type du contrôle continu,
que la courbe d’entropie du contrôle continue est croissante et
stable à la fois, les résultats landais passent de la valeur la
plus faible en 1998 à celle-là plus élevée en 2011
alors que les courbes des autres départements sont stables dans la
croissance.
5. Discussion et perspectives
Peu de différences entre les résultats
au brevet des élèves landais et ceux de leurs voisins ont
été identifiées avec des indicateurs de tendances
centrales. On remarque néanmoins que les notes minimales des Landais sont
en baisse. Les 7 premiers centiles des résultats landais n’ont pas
une tendance à la hausse comme ceux des autres départements. Cet
élément suggère qu’il est possible que les
élèves landais ayant les notes les plus faibles aient tendance
à avoir des notes de plus en plus basses, les ordinateurs jouent
peut-être un rôle dans ce processus. On constate en outre que
l’entropie par classe de notes au contrôle continu augmente
d’une façon singulière par rapport autres
départements. On remarque aussi que l’entropie brute des
résultats aux épreuves sur table et au contrôle continu
augmente d’une façon particulière et selon le même
motif que l’augmentation du nombre de candidats. Enfin, alors que les
notes des Pyrénées-Atlantiques ont des indicateurs de tendances
centrales élevés et croissants et des indices de dispersion bas et
stables, les landes ont des indicateurs de tendances centrales
élevés et croissants et des indicateurs de dispersion
croissants.
Rien ne permet d’affirmer que l’évolution de
l’entropie des notes landaises soit un effet des ordinateurs portables,
bien qu’il y ait probablement un lien entre les deux
phénomènes. On peut conjecturer que l’augmentation de
l’entropie est due à la relative augmentation de population
qu’a connue le département dans les années 2000 et qui fait
partie de la politique globale du conseil général. Attirer des
habitants en favorisant les dispositifs locaux de santé et
d’éducation pour pallier au désengagement de
l’état dans ces secteurs. Le projet d’équipement en
ordinateurs portables des élèves et des enseignants
s’inscrit dans cette logique. Il est donc possible que
l’augmentation du nombre de candidats soit le produit d’une
augmentation de population dont les enfants réussissent moyennement
à l’école.
Il aurait pu être attendu que les évaluations en français
soient affectées par le projet comme l’avaient identifié
dans un autre contexte Grimes et Warschauer (Grimes et Warschauer, 2008) et Zucker et Light (Zucker et Light, 2009).
Si c’est le cas dans les Landes, on ne peut pas le remarquer dans les
résultats au brevet. Ces recherches qui constatent un effet sur les
résultats en lecture/écriture indiquent souvent qu’il ne
s’agit pas forcément de l’effet des ordinateurs. Ces projets
sont le plus souvent accompagnés d’actions d’envergure du
point de vue d’autres variables ayant une influence sur les enseignements.
En particulier, il est souvent mentionné que les enseignants ne voulant
pas utiliser les ordinateurs ont la possibilité de muter. La mise en
œuvre du projet landais, qui s’applique à un territoire
intégralement et non à un groupe d’établissements ne
permet pas de sélectionner les enseignants comme dans certains projets
nord-américains. De plus, Grimes et Warschauer (Grimes et Warschauer, 2008) mentionnent que dans leur contexte, les enseignements littéraires sont
peu performants. Enfin, il faut insister sur la particularité du contexte
français, si le conseil général est responsable du
matériel, les orientations pédagogiques restent sous
l’autorité de l’état par le biais du rectorat.
Ces résultats tendent à montrer que le cas des Landes se
rapproche plus du projet du Maine pour lequel les résultats aux tests
d’état ont peu évolué après la mise en place
des dotations. Ce qui a conduit Silvernail (Silvernail, 2005) à s’interroger : les résultats aux tests nationaux
caractérisent-ils les savoirs faire effectifs des
élèves ? En France comme dans le Maine, les
réalisations transversales font peu partie des évaluations qui
mobilisent plus des compétences de mémorisation que de
réalisations. Les TIC ont souvent une place privilégiée
dans les curricula lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des
projets. Mais en France, l’importante réforme de 2005 accorde aux
projets transversaux un statut moins important qu’auparavant.
Pour aller plus loin, il serait intéressant de réaliser le
même travail avec les départements d’Ille-et-Vilaine et des
Bouches-du-Rhône qui sont équipés depuis le début des
années 2000. Il serait aussi fructueux de poursuivre la fouille de
données d’abord en appliquant des analyses multidimensionnelles
adaptées aux séries chronologiques puis en réalisant une
enquête qualitative auprès des organisateurs du brevet des
collèges, mais aussi auprès d’établissements. Enfin,
il serait probablement éclairant de croiser des données
qualitatives avec l’évolution des résultats d’un seul
établissement en éclairant les données quantitatives avec
des éléments qualitatifs.
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A
propos de l’auteur
Mehdi Khaneboubi est maître de conférence
en sciences de l'éducation au laboratoire EMA (EA 4507),
détaché au laboratoire STEF (ENS Cachan/IFÉ). Il
s'intéresse aux liens entre pratiques pédagogiques et utilisation
de l'informatique en classe par les enseignants de collèges.
Adresse : École
normale Supérieure de Cachan - Bâtiment Cournot - 61,avenue du
Président Wilson F-94235 Cachan cedex.
Courriel : mehdi.khaneboubi@ens-cachan.fr
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