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Dissémination de tablettes tactiles en primaire et
discours des enseignants : entre rejet et adoption
Séverine FERRIÈRE, Philippe COTTIER, Florence LACROIX,
Aurélie LAINÉ, Loïc PULIDO (CREN, Nantes)
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RÉSUMÉ : De
nombreuses recherches ont montré les limites des opérations de
dissémination massive de terminaux numériques en milieu scolaire.
Nous analysons ici le discours de 18 enseignants sur leurs
représentations et leur réception au sujet d'un programme de
déploiement de 1000 IPad dans des écoles primaires d’une
ville française. L’analyse des discours fait émerger trois
types de discours : de « rejet »,
« d’indifférence » et « d’adoption
». Les analyses nous conduisent à porter une attention
spécifique aux mécanismes mis en jeu par les enseignants qui
déclarent utiliser les IPad disponibles dans leurs classes.
MOTS CLÉS : Analyse
lexicologique, discours, représentations sociales, dissémination,
école primaire, enseignants, pratiques, tablettes tactiles.
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ABSTRACT : Many
studies have shown the limits of mass dissemination of digital devices in
schools. Here we analyze the speech of 18 teachers on their representations and
their reception about a deployment of 1,000 IPad in primary schools in a French
city. The discourse analysis brings out three types of discourses: "rejection",
"indifference" and "adoption". The analyzes lead us to give special attention to
mechanisms involved by teachers who report using IPad available in their
classrooms.
KEYWORDS : Lexicologic
analysis, Discourses, social representations, dissemination, primary school,
teachers, practices, touch pads. |
1. Introduction.
De nombreuses recherches ont montré les
limites des opérations de dissémination massive de terminaux
numériques en milieu scolaire notamment Larry Cuban (Cuban, 2001).
Souvent à l’origine de décisions publiques et politiques, le
déploiement massif de ces technologies est diversement
apprécié dans les écoles et les universités, il
suscite chez les enseignants des réactions pouvant aller de la
résistance à l’accompagnement. La tablette tactile est la
technologie qui fait actuellement l’objet de nombreux programmes de
diffusion dans les écoles françaises. Ces situations interrogent
les acteurs de l’éducation et les chercheurs. Plusieurs travaux ont
été menés visant notamment à mieux comprendre les
modalités d’appropriation de ces instruments numériques par
les enseignants et les élèves (Bruillard et Villemonteix, 2013).
Au-delà de l’instrumentation des tablettes en classe, que
produisent aujourd’hui chez les enseignants ces situations de
déploiement ? Pour répondre à cette question, il nous
a semblé pertinent de nous intéresser à ce qu’ils
disent de leurs pratiques, à leurs représentations du
numérique ainsi qu’à ce qu’ils ont ou non
développé dans une telle situation. La connaissance de ces
éléments, de cet imaginaire technique (Flichy, 2001) ; (Flichy, 2008),
de sa construction, met à jour les ressorts de l’activité
des enseignants.
Notre recherche s’appuie sur une situation dans laquelle, après
une première expérimentation dans une école en fin
d’année scolaire 2010-2011, une ville de France décide
l’achat d’un millier de tablettes tactiles (IPad d’Apple) qui
seront disséminées une année plus tard dans 45 groupes
scolaires. Environ 9000 élèves sont concernés par ce
déploiement (LEA.fr, 2011).
Les écoles ont été pourvues d’un ou deux chariots,
comprenant 12 tablettes équipées d’une quarantaine
d’applications, une imprimante, une borne wifi permettant un accès
à internet, et un serveur afin de faciliter le stockage des
données produites par les élèves et les enseignants.
L’initiative de cet investissement est principalement municipale. Elle
est motivée par une volonté politique affichée par le
premier magistrat de la ville, qui déclare placer
l’éducation dans ses actions prioritaires et souhaite aller plus
loin que ce que la loi exige en termes de place qu’occupent les
municipalités au plan de l’éducation scolaire. Cette
politique locale prend appui sur les textes officiels qui, depuis 2006, ont
inscrit dans le curriculum la maîtrise des TICE comme un des piliers du
socle commun des connaissances et des compétences, de
l’école primaire au lycée. L’affirmation de
l’entrée et de l’intégration dans
« l’ère numérique » est actuellement
toujours au centre des politiques éducatives françaises, comme
l’attestent les actions planifiées pour 2013/2017 afin de
« Faire entrer l’école dans l’ère
numérique » 1.
Dans le prolongement de ce déploiement, des formations ont
été mises en place par les instances académiques, afin de
permettre aux enseignants volontaires de se former au fonctionnement du
matériel et de penser, partager et mettre en œuvre des
scénarios pédagogiques utilisant les tablettes tactiles.
Pour ce faire, nous avons constitué un corpus de 18 enseignants
répartis à peu près également dans quatre
catégories : formés et non formés, utilisateurs et non
utilisateurs des IPad. L’analyse lexicologique des entretiens recueillis
permet d’identifier trois grandes classes de discours : de rejet,
d’indifférence et d’adoption.
Après nous être focalisés sur la question de la diffusion
des technologies à l’école, nous développons la
méthodologie mise en œuvre. Nous exposons les trois types de
discours émergeants et nous intéressons ensuite plus
particulièrement, avant de conclure, à la classe de discours
« d’adoption ».
2. Cadre théorique : penser les représentations plus que
les effets.
Les études des effets des médias de
masse (et plus largement des technologies de l’information et de la
communication) ont depuis longtemps montré leurs limites et, plutôt
que comprendre ce que les technologies de l’information peuvent faire aux
individus, il s’avère plus fructueux de s’intéresser
à ce que les individus en font, et pas uniquement d’un point de vue
instrumental (c’est-à-dire au regard des fonctions
attribuées par les concepteurs ou les agences de marketing) mais aussi en
termes de réception, de stratégies individuelles et collectives,
d’appropriation, de représentations. Ce tournant de la recherche,
qui n’est pas récent, - il a été amorcé par
Katz et Lazarsfeld (Katz et Lazarsfeld, 1964) - a largement été étudié par exemple (Beaud, 1984) ; (Mattelart et Mattelart, 2004).
Ce type d’approche permet de mettre en lumière les facteurs
déterminant les usages qui doivent bien souvent moins aux technologies
elles-mêmes qu’à l’activité des sujets et aux
schèmes dont ils sont porteurs.
2.1. Des effets difficiles à mesurer... et pourtant.
Pour Larry Cuban (Cuban, 2006),
aucune étude n’a réellement pu mettre en évidence
avec certitude et rigueur l’efficacité éducative des outils
numériques. Sans doute parce que les biais méthodologiques sont
trop importants. Le dogme de la causalité en la matière ne tient
pas. À propos du projet ACOT (Apple Classrooms Of Tomorrow), ce dernier
explique que les modalités pédagogiques mises en œuvre par
les enseignants sont rarement prises en compte, et que l’on compare ainsi
des classes équipées et non équipées sans tenir
compte des caractéristiques contextuelles qui diffèrent, ainsi que
des enseignants dont l’importance est bien évidemment capitale, et
qui ne sont pas les mêmes d’un groupe à l’autre. Pour
Chaptal (Chaptal, 2000) ; (Chaptal, 2003),
les études des effets de l’informatique sur les
élèves sont de toute façon un leurre : « rien
de miraculeux ne découle du simple fait de confronter un
élève à un ordinateur ». En écho,
Thibert observe que : « L’équipement des
établissements n’est pas une condition suffisante, le
numérique doit aussi être un élément essentiel pris
en compte dans les curricula » (Thibert, 2012).
Le lien entre équipement et développement d’usages
n’est donc jamais certain (Cerisier et Marchessou, 2001),
loin de là. D’où vient alors le fait que les enseignants,
qui ne sont pas ignorants en matière de numérique, qui sont
équipés (Chambon et Le Berre, 2011) ; (Thibert, 2012),
qui utilisent ordinateurs, réseaux et ressources numériques dans
leur sphère personnelle ou pour la préparation de leurs cours, les
intègrent de façon aussi modérée dans leurs
pratiques en classe ? Pourquoi, alors que les ordinateurs et les
réseaux ont largement imprégné la sphère publique,
industrielle, générant des usages, l’école
semble-t-elle rester en marge ? Larry Cuban résout ce paradoxe en
invoquant la déstabilisation provoquée par les discours fluctuants
des experts qui changent à chaque nouvelle technologie, les
difficultés inhérentes au métier d’enseignant, les
pressions extérieures (parents, encadrement, collectivités, etc.),
le manque de fiabilité des technologies et une forme d’irrespect
des politiques publiques vis-à-vis de l’opinion des enseignants (Cuban, 1999).
Bien qu’il soit malaisé de déterminer les effets
potentiels en matière d’apprentissage chez les
élèves, les investissements en matière de numérique
continuent pourtant de se faire. Dans « oversold,
underused » Cuban (Cuban, 2001),
montre combien ces programmes, souvent publics, se traduisent dans la plupart
des cas par des usages limités. Ce constat est récurrent. À
chaque technologie nouvelle ses discours enchantés de la part des
décideurs, son programme de déploiement, ses études
académiques statuant sur des usages assez réduits, sa banalisation
et, au final, l’amertume des bailleurs face à un système
éducatif finalement peu utilisateur de nouveautés techniques aux
bénéfices supposés. Alors que chaque innovation semble
à même de répondre aux problèmes posés par la
précédente, les mêmes constats demeurent, les mêmes
processus se mettent à l’œuvre.
2.2. Innovation, appropriation et résistances.
Dans le champ plus large des nouvelles technologies, on peut retenir un
certain nombre de critères et de concepts récurrents en termes
d’implantation et d’utilisation, qui permettent de qualifier une
innovation (Cros, 1997) ;
(Cros 2004). L’innovation, selon Huberman (Huberman, 1989),
conduit à trois types de changements majeurs : matériels
(livres, manuels scolaires), conceptuels (programme, méthode
d’enseignement), et en termes de relations interpersonnelles (rôle
enseignant/élève). Il s’agit d’un temps long, pour in fine aboutir à une appropriation.
Mais cette appropriation conduit à des changements, en fonction du
« degré perçu », soit la distance entre
l’ancien et le nouveau, et les résistances que cet écart
peut provoquer, en lien notamment avec les changements que cela provoque. Pour
Assude, Bessières, Combrouze et Loisy (Assude et al., 2010),
cela conduit les acteurs à une « dialectique
changements/résistances », permettant l’observation
plus fine des situations d’implantation.
Là encore, on observe des récurrences dans les
résistances observées : l’économie
d’enseignement, qui demande par exemple trop d’investissement dans
l’intégration ; des transformations comme la peur de
l’échec, ou des changements identitaires ; des obstacles plus
institutionnels, autour de problèmes techniques, de matériel, de
soutien ; et des obstacles relatifs aux pratiques professionnelles, en lien
avec la maîtrise de l’outil, la formation (Sauvé et al., 2004).
Cependant, ces résistances sont à considérer non pas
uniquement comme des obstacles, mais aussi comme des leviers, pour accompagner
le processus d’appropriation et limiter les évitements ou la
propagation de représentations négatives (Carugati et Tomasetto, 2002).
2.3. Nouvelles technologies et représentations sociales dans le monde
enseignant
Les enjeux de l’implantation de nouvelles technologies depuis des
décennies sont multidimensionnels et renvoient à plusieurs niveaux
d’analyses qui sont abordés dans le champ des
représentations sociales, allant d’une perspective
idéologique, qui oriente ensuite les conduites et les attitudes des
enseignants (Carugati et Tomasetto, 2002).
Pour Assude , Bessières, Combrouze et Loisy, les représentations
sociales sont même à considérer comme des
éléments : « fondamentaux dans la genèse
des usages des TIC » (Assude et al., 2010).
Elles sont composées d’opinions, de croyances partagées,
offrant une « grille de lecture », qui permet un lien
entre savoirs scientifiques et sens commun. Les représentations sociales
ont également une fonction de : « familiarisation à
la nouveauté et la mise en sens de l’expérience humaine que
dans l’orientation des conduites et des communications et dans la
dynamique sociale » (Jodelet, 2006).
On distingue les processus d’objectivation et d’ancrage.
L’objectivation permet de « rendre concret
l’abstrait », par l’intermédiaire du langage et
plus largement de la communication. Le principe est de transformer le savoir
scientifique en sens commun. L’ancrage permet quant à lui une
association du « nouveau » sur de l’ancien, connu,
pour aboutir à une appropriation. La communication est donc au centre du
processus de construction des représentations sociales, car c’est
à travers le dialogue que se transmettent des idéologies, des
valeurs, ou encore des croyances. On distingue alors trois facteurs : la
dispersion et le décalage des informations, l’intérêt
et l’implication des locuteurs, la pression à
l’inférence qui conduit le sujet à prendre position,
à produire un savoir (Jodelet, 2006).
Comme le soulignent Carugati et Tomasetto (Carugati et Tomasetto, 2002),
l’enjeu de l’observation des nouvelles technologies par le filtre
des représentations sociales est de mettre en lumière des
« théories naïves », attitudes et croyances, qui
vont provoquer des discours à capter pour mieux saisir les conflits entre
le sentiment d’étrangeté, le niveau tout comme le manque
d’expertise, la position idéologique face à la
nouveauté, la pression ressentie en termes d’usages, tout en
préservant une identité professionnelle positive.
Dans notre contexte de recherche, l’introduction massive de tablettes
tactiles, considérées comme vecteurs d’innovations
pédagogiques selon l’IGEN 2 en 2012 (Thibert, 2012),
tout en étant un outil nouveau, peut conduire les enseignants à
une « pression à l’inférence » (Carugati et Tomaso, 2002).
En effet, sa nouveauté peut provoquer des comportements
d’appropriation, d’objectivation ou d’ancrage
contrastés. C’est pour ces raisons que nous avons souhaité
interroger les enseignants afin de dégager leurs représentations
face à un outil novateur dans le champ éducatif.
3. Méthodologie
Pour mener à bien notre étude, nous
avons rencontré 18 enseignants d’écoles
élémentaires. Leurs propos enregistrés ont fait
l’objet de transcriptions. Les discours produits ont été
statistiquement étudiés.
3.1. Constitution du corpus.
Les appartenances à des groupes, en termes identitaires, permettent
d’éclairer les représentations sociales (Doise, 1990). Dix
femmes et huit hommes ont été interrogés selon un certain
nombre de variables groupales définies au préalable. Ils ont en
moyenne 17,5 années d’expérience, quatre exercent en ZEP
(Zone d’Éducation Prioritaire). Neuf ont été
formés à l’usage des tablettes tactiles. Ces derniers ont
bénéficié d’une formation technique de 3 heures et
d’une formation de 3 jours en présentiel et 6 jours en autonomie
à distance pour élaborer des scenarios pédagogiques
impliquant des tablettes tactiles. Parmi eux, cinq ont déclaré
utiliser les tablettes tactiles lorsque nous avons pris contact avec eux pour la
recherche. Neuf n’ont pas reçu de formation et parmi eux, cinq ont
déclaré utiliser les tablettes en classes lors de la prise de
contact avec les chercheurs. Enfin, quatre ont déclaré ne pas les
utiliser.
Leurs discours ont été recueillis lors d’un entretien
semi-structuré réalisé avec chacun d’eux durant le
deuxième trimestre de l’année scolaire. Les enseignants
interrogés, volontaires pour participer à l’étude,
ont été contactés d’une manière
différente selon qu’ils avaient ou non
bénéficié d’une formation. Les enseignants
formés ont été choisis au hasard dans une liste fournie par
l’inspection académique et contactés directement pour savoir
s’ils étaient d’accord pour participer à un entretien
sur les tablettes tactiles à l’école. Les enseignants non
formés ont été sélectionnés par
l’entremise d’un échantillonnage par réseau.
Introduite par les caractéristiques sociologiques des participants, la
structure générale des entretiens a suivi un fil chronologique,
afin de mettre à jour un certain nombre de thèmes en lien
avec leurs représentations :
- les représentations et les utilisations du numérique
dans l’environnement personnel ;
- l’équipement et la place des TICE dans
l’établissement scolaire avant l’arrivée des
tablettes ;
- la présentation du projet, en termes de formation,
d’attentes et de projections, de discours
d’accompagnement ;
- les modes d’appropriation, autour de la formation, de
l’utilisation sur le terrain, et plus largement de la réception par
les acteurs et du soutien institutionnel ;
- le bilan de cette expérience, avec la projection,
l’intégration à long terme, des pistes pour le
futur ;
- puis une synthèse de l’entretien.
Ces entretiens ont été transcrits et les analyses ont
porté sur le discours produit (les relances ne sont pas prises en compte
au regard de leurs caractéristiques non directives).
Les analyses réalisées retiennent 1) une variable pour chaque
enseignant (chacun étant considéré comme une
modalité) ; 2) une variable « formation
reçue » par les enseignants, qui admet deux modalités
(formé vs non formé) ; 3) une variable
« utilisation » qui admet deux modalités
(déclare utiliser vs déclare ne pas utiliser) ; 4) une
variable selon le sexe de l’enseignant (homme vs femme) ; 5)
une variable contexte d’exercice qui admet deux modalités (ZEP, non
ZEP).
3.2. L’analyse lexicologique3 :
intérêts et limites
L’objectif de ce type d’analyse est de proposer une sorte de
« réorganisation » du discours, et de mettre à
jour des champs représentationnels, sous forme de
« classes ». Pour réaliser ces analyses, nous avons
utilisé le logiciel Alceste (pour Analyse des Lexèmes
Co-occurrents dans les Enoncés Simples d’un Texte). Ce dernier a
été développé par Reinert, dans le champ de
l’analyse du discours. La méthode repose sur l’analyse
statistique textuelle distributionnelle, issue des travaux de Benzecri
(école d’analyse des données « à la
française »), eux-mêmes inscrits dans la lignée de
Harris (Reinert, 1993) ;
(Reinert 1999). Le principe s’appuie sur l’analyse statistique de la
distribution du vocabulaire d’un corpus donné,
considéré comme signifiant d’activités cognitives,
par l’intermédiaire de traces
lexicales4. Dans cette perspective
théorique, le corpus soumis à analyse est découpé
selon un tableau qui croise des « énoncés
simples » en ligne, et les « bases lexicales » (ou
lexèmes) en colonne.
Cela conduit à dégager la distribution du vocabulaire en
mettant en exergue les similitudes et les contrastes. Le logiciel déploie
une classification descendante hiérarchique (CDH) par regroupement des
unités de contextes en classes, déterminant la force ou la
faiblesse d’appartenance d’un mot à une des classes. Les CDH
sont des analyses itératives, et reposent donc sur un découpage du
corpus selon des « unités de contexte ». On distingue
les unités de contexte initiales (u.c.i) qui sont les variables
signalées, des unités de contexte élémentaire
(u.c.e), qui sont les fragments de discours sur lesquels portent les recherches
de cooccurrences. Le fait que l’analyse soit itérative signifie que
chaque étape du traitement conduit à séparer
l’ensemble du corpus en deux moitiés présentant chacune une
cohérence au plan des cooccurrences lexicales (ces dernières
étant supposées renvoyer à un même domaine
d’usage, à des points de vue
proches)5. Les CDH sont
constituées selon la distance du « Chi2 d’association
signé » 6
En résumé, le principe de cette méthode d’analyse
a pour objectif de mettre à jour l’organisation topique et les
mondes lexicaux présents dans les discours. Kalampalikis propose une
comparaison qui illustre bien les avantages et les limites de cette
démarche : « A la manière des archéologues qui
utilisent des vues aériennes de l’espace pour cartographier la
région des fouilles leur permettant de découvrir des fragments
significatifs d’une vie collective passée, nous sommes en train de
circonscrire l’espace de notre corpus lexical et de regrouper des objets
et des lieux usuels, avant de tenter d’en donner une description
précise et une interprétation fine » (Kalampalikis, 2003).
Un logiciel ne peut pas accéder à toutes les subtilités du
langage, comme les métaphores, les figures de style, ou encore la
ponctuation, l’intonation, l’ironie. C’est pour cette raison
que ce type d’analyse ne dispense pas d’analyses
complémentaires et pragmatiques (Kalampalikis et Moscovici, 2005).
Pour ce qui nous concerne, nous avons dans un premier temps
procédé à une analyse du discours des enseignant-e-s
(assistée par le logiciel Alceste) et réalisé ensuite une
analyse plus qualitative, par une analyse de leur contenu.
4. Des discours enseignants qui s’inscrivent dans trois champs
représentationnels
On peut noter dans un premier temps que 85% du
discours recueilli a été pris en compte pour l’analyse, les
15 % restant n’étant pas
exploitables7. Trois classes de
discours stables apparaissent (Figure 1).
Figure 1 • Classifications
Descendantes et poids des trois classes en pourcentage
Le découpage a d’abord été réalisé
en deux classes : la Classe 3, opposée à un groupement des
Classes 1 et 2 ; puis, dans un second temps, l’analyse des
cooccurrences a permis une opposition entre les discours, conduisant au
découpage en Classes 1 et 2. Autrement dit, les Classes 1 et 2 sont
relativement proches, et majoritaires dans notre corpus (73% du total). La
Classe 3 demeure cependant importante dans le corpus global, puisqu’elle
représente 27%.
4.1. Les discours de résistance
La Classe 1 (tableau 1) est la plus importante, avec 58% du corpus pris en
compte dans les analyses. Elle est donc la plus représentative des
discours enseignants sur le sujet. Elle renvoie à une description des
moyens déployés et aux résistances suite à
l’arrivée des tablettes dans les écoles.
Classe 1 (58%) |
Les moyens déployés et les résistances |
Variables significatives |
Femmes, Formation, Non utilisateur |
Formes réduites lemmatisées représentatives |
Pas, temps, formation, falloir, dire, chose, maitriser, IPad, vrai, je
pense, passer, techno (20), pédagog, outil, peu, question, perdre,
acheter, collègue, matériel, payer, moment, intérêt,
aide, gens, nous, point, compte, rendre, concret, dommage, négatif,
important |
Absences significatives 8 |
Texte, photo, année, traitement, écrit, image, dernier,
écrire, enregistrer, sur, anglais, travail, vidéo,
écriture |
Tableau 1 • Classe 1 : les
moyens déployés et les résistances
La population féminine ayant suivi une formation dans le cadre
institutionnel, mais n’utilisant pas les IPad actuellement dans la classe,
est particulièrement représentative de ce champ
représentationnel. Si l’on se penche plus précisément
sur les présences significatives, par l’intermédiaire des
formes réduites lemmatisées, le discours est
particulièrement orienté vers les enjeux de la mise en place de l’outil, énoncé également comme IPad,
lui-même à proximité de choses et maitriser.
Ce type de discours est révélateur des limites de l’objet
qu’il s’agit de maitriser. Les aspects formatifs, avec formation, ainsi que temps, sont particulièrement
importants, et font écho à ce premier champ
représentationnel, plutôt ancré dans l’approximatif et
la méconnaissance. Il est aussi question de technique et de pédagogie, accentuant encore les oppositions possibles entre
l’outil et son utilisation dans la classe. Les discours les plus
significatifs de cette première classe illustrent l’aller/retour
entre formation et application concrète, ainsi que les limites :
Sujet 3, homme formé et utilise : « C’est que
effectivement on a besoin d’une formation initiale pour voir comment
fonctionne l’outil, ça c’est un incontournable, et puis
après, ce qui est intéressant c’est l’alternance entre
la formation et des formateurs et puis une pratique de
classe. »
Sujet 5, homme formé, n’utilise pas : « Le
matériel qui peut être acheté, le matériel qui, pour
pallier au manque actuel qu’on peut avoir, des petites choses, heu...
charger un IPad, tout seul par exemple, des petites choses techniques, dans un
premier temps, je pense que c’est ça, d’abord la technique et
puis après les questions pédagogiques. »
Sujet 11, femme, pas formée et n’utilise pas :
« Parce que je ne maîtrise pas du coup la technique,
l’intérêt, la perte de temps, voilà. Je me dis on
n’a pas assez de temps avec les enfants, si en plus heu, et puis je suis
sûre que ce que je pourrais apporter avec ces techniques-là aux
enfants, ils l’ont déjà ».
La proximité soulignée entre les termes
« chose » et « ipad »,
utilisés dans les entretiens par les enseignant-e-s, va dans le sens de
difficultés pour ces derniers et dernières en termes de
« maîtrise » et de
« l’outil », eux aussi proches dans les
discours. Le discours reste cependant assez négatif, les
enseignants trouvent que c’est dommage. Ils ne semblent pas
remettre en question l’intérêt, mais cela est tout de
même évoqué à proximité des discours traitant
de l’achat, de payer, des raisons d’ordre plutôt
financières, et donc un peu éloignées des
préoccupations d’implantation et d’utilisation en contexte.
En écho, les absences significatives, qui sont plutôt relatives
à un déploiement en classe (texte, photo, écrit, image, anglais ou encore vidéo)
confirment que les préoccupations ne sont pas orientées vers
l’utilisation.
4.2. Les discours descriptifs du contexte
La Classe 2 (Tableau 2), la moins importante (15%), est
particulièrement représentative de la trame chronologique
provoquée par notre guide d’entretiens. On y trouve une forte
présence de marqueurs chronologiques tels que : année, dernière, an, depuis etc., ainsi qu’un
marqueur d’espace, la ville.
Classe 2 (15%) |
Présentation et perception des tablettes |
Variables significatives |
Pas formé, Ecole en zep |
Formes réduites lemmatisées représentatives |
Année, dernier, la ville, an, depuis, maternelle, ville,
école, porter, mois, smartphone, directeur, inspection, ordinateur,
élémentaire, cycle 3, équipe, mini PC, CE2, réunion,
grand, presse, section, direction, participer, décembre, CM2,
arrivée, campagne, téléphone, équiper |
Absences significatives |
utilisateur, chose, falloir, ça, application, intéressant,
outil, formé, fois, faire, texte |
Tableau 2 • Classe 2 :
Présentation contextuelle et perception des tablettes
Cette deuxième classe regroupe des discours
générés par l’amorce de l’entretien. Ils sont
donc orientés vers le parcours professionnel et les classes dans lesquels
ils ont enseigné. L’extrait suivant, le plus représentatif,
illustre bien ce discours narratif :
Sujet 16, femme, non formée et utilise : « Oui,
voilà, Grande Section, CP, CE1, Cycle 2 pour l’essentiel,
voilà. Et donc je suis arrivée dans [la région] ça
fait maintenant 6 ans, donc la première année, j’ai
commencé avec des quart temps, donc quatre écoles
différentes dans [la région] et ensuite je suis arrivée
ici, j’ai fait CE1, CE2, j’ai fait CP pur et j’ai fait
CP/CE1 ».
On distingue dans ce champ l’aspect très contextuel, avec année et dernière ou encore décembre (lors de la passation des entretiens, les chariots de tablettes étaient
présents dans les écoles depuis environ un an). Les niveaux des
classes sont mentionnés, avec maternelle, élémentaire, cycle 3, et le personnel de direction, les inspecteurs, dans l’ambiance de réunion d’équipe à la rentrée, ainsi que la mise en stage des étudiant-e-s durant
le départ en formation des titulaires, qui sont des Master 2 de
l’IUFM, avec recevoir :
Sujet 8, homme, non formé et n’utilise pas :
« J’ai appelé mon inspecteur en lui disant qu’il
y avait une formation qui allait démarrer le 8 février, que
j’étais intéressé pour y participer. Seulement ces
formations ne sont pas proposées aux enseignants qui enseignent en ZEP
car ce sont des formations M2, c’est-à-dire qu’on est
remplacés par des Master 2. »
Un autre champ représentationnel dans cette Classe 2 est plus
orienté vers la présentation du projet IPad, non plus dans une
perspective organisationnelle, voire institutionnelle, mais plutôt dans le
cadre de la ville. L’information de l’arrivée des tablettes
est principalement passée par le conseil des maîtres et la presse. Toujours dans un contexte chronologique, il est aussi fait
référence au monde numérique en général, par
l’intermédiaire de l’équipement (ordi, mini-PC, smartphone), à titre professionnel. Ce discours
émane particulièrement d’enseignants n’ayant pas suivi
la formation proposée et issus de ZEP, ce qui confirme bien que nous
avons affaire au même profil (les écoles classées ZEP
n’ont pas pu bénéficier de la formation, pour ne pas mettre
en difficulté les étudiants de master sensés effectuer les
remplacements durant ces périodes, comme le souligne le Sujet 8). En
creux, le profil est donc un peu ambigu, les enseignants ont eu les
informations, par différents canaux, mais l’utilisation, la formation, ou plus concrètement les applications sont des
termes significativement absents, tout comme l’outil en tant que
tel et son intérêt.
4.3. Les discours centrés sur les usages
Enfin, la Classe 3 (Tableau 3) est très descriptive quant aux
utilisations pratiques de l’IPad en classe. Les variables significatives
sont d’ailleurs : utilisateur, homme et non issu de ZEP. Le texte
sous toutes ses formes est évoqué, particulièrement avec le
traitement de texte et la production écrite. Une partie des descriptions
pourrait être considérée comme
« traditionnelle » dans le champ des apprentissages
scolaires, avec image, graph, recherche, feuille, texte, lecture, livre,
exercice, histoire, cahier, exposé, dictée, phrase, dessin,
écriture, écrit, taper, tracer, écrit...
Classe 3 (27%) |
Les différentes utilisations en contexte classe |
Variables significatives |
Utilisateur, homme, pas en Zep |
Formes réduites lemmatisées représentatives |
Texte, photo, écrit, traitement, image, enregistrer, écrire,
page, anglais, travail, vidéo, par exemple, cahier, taper, recherche,
exercice, dessin, dictée, créer, écriture, productif,
copier, tracer, document, numbers, serveur, intéressant, graph, feuille,
livre, histoire, phrase, exposer, permettre, art |
Absences significatives |
Ecole, formation, pas, temps, nous, non, collègue, dire, me, est, eu,
classe, vrai, IPad, mais, maitriser |
Tableau 3 • Classe 3 : Les
différentes utilisations en contexte classe
Un autre pôle thématique de cette Classe est orienté vers
les pratiques spécifiques et, dans une certaine mesure, moins
calqué sur des pratiques déjà existantes, avec les documents et créer, autour également de la langue
(anglais), et la vidéo ou la photo :
Sujet 8, homme, non formé et n’utilise pas :
« Faire des visites virtuelles de musées pour pouvoir
ensuite travailler l’histoire de l’art, travailler l’art
plastique tout ça c’est intéressant. Oui, j’imagine
bien après en calcul mental, aussi, il y a des choses en ligne que les
élèves peuvent faire. C’est toutes ces choses-là, en
art visuel, histoire-géo, traitement de texte. »
Les absences significatives dans ce type de discours sont relatives à
la formation, ce qui semble indiquer une réelle prise en main. On
pourrait aussi interpréter l’absence significative de IPad et de maitrise par le fait que, finalement, cette tablette est
véritablement instrumentée, la technologie s’étant
banalisée, cela ne fait plus obstacle aux pratiques.
5. Comment les tablettes sont utilisées en classe ?
Nous l’avons souligné, le traitement
global du corpus ne dispense pas d’une analyse plus fine. En
complément de l’analyse lexicologique, nous avons donc
réalisé une analyse de contenu (Bardin, 2003) des u.c.e. de la classe réunissant les discours sur les usages des
enseignants. Méthodologiquement, nous avons procédé
à une « triangulation » permettant de minimiser la
part de subjectivité du chercheur dans l’élaboration des
thèmes et des catégories dans l’élaboration de
l’analyse de contenu (Denzin, 1978) ; (Huberman et Miles, 1991).
Deux chercheurs ont réalisé en parallèle une analyse
thématique, pour parvenir à un consensus. Cela a conduit à
dégager 5 grandes thématiques à partir de trois
pôles, avec les proportions représentatives par
thématique :
Figure 2 • Pôles
thématiques dans les discours sur les usages.
À partir de ces thématiques, nous avons procédé
à une analyse catégorielle, pour rendre compte de la place prise
par les différentes préoccupations relatives à
l’utilisation des tablettes dans le discours des enseignants et pour avoir
une indications quant aux utilisations qui occupent le plus de place dans leur
discours
5.1. Les aspects contextuels et pédagogiques
Sous cette appellation, nous avons regroupé tout ce qui touchait de
façon générique au contexte d’exercice, avec des
termes tels que les niveaux (CP, CE1 etc.). Les préoccupations
au-delà du contexte environnemental, dans la classe, ou avec les
collègues et les élèves, font ressortir des discours
orientés vers le travail de l’enseignant et des
élèves (l’occurrence la plus importante de cette
catégorie), Ces préoccupations sont orientées vers de
nouvelles pratiques qui peuvent par exemple amener à des remaniements
collectifs de travaux individuels réalisés en autonomie ou encore
la différenciation, dans la perspective d’une adaptation au niveau
des élèves. Ces thématiques interrogent notamment
l’évaluation. Par exemple, ces enseignants exposent leur
utilisation dans une perspective de différenciation, ou de
coopération et d’organisation dans la classe :
Sujet 16, femme pas formée et utilise : « J’ai
des enfants qui écrivent de manière plus, enfin, qui sont
très très en marge, voilà, donc ça me permet, aussi,
d’enregistrer mes dictées et de les faire, de les enregistrer et
puis ils les font sur papier, pour différencier, c’est un outil,
aussi, qui est très intéressant ».
Sujet 3, homme, formé et utilise : « Oui, je
récupère le document sur le serveur puis je projette avec un
vidéoprojecteur et on corrige collectivement à partir du document
d’un élève, avec ses erreurs ou pas, c’est ce qui est
intéressant ».
Cet autre enseignant décrit les enjeux d’un projet
pluridisciplinaire avec les tablettes :
Sujet 3, homme formé et qui utilise : « ... et une fois
que les représentations ont été communes, on a
décidé de construire un album collectif version papier, toujours,
et puis, pour moi, la tablette ça a été un moment
d’évaluation, de validation de ce fameux projet du monstre, parce
que je me suis dit : bah maintenant on va voir si, avec la tablette, on a
des applications qui vont pouvoir construire un monstre ».
Ces quelques exemples mettent en exergue que lorsque les enseignants
évoquent des pratiques faisant intervenir l’IPad, il s’agit
de penser des projets avec différents objectifs pédagogiques. Mais
ils soulignent également, de manière plus large, une remise en
question des modèles « traditionnels », comme le mode
transmissif d’enseignement, inscrivant bien ce type de démarche
dans une perspective d’intérêt et d’implication.
5.2. L’utilisation effective en classe
Assez logiquement, tout un champ thématique est décliné
autour des activités relatives au numérique, mais aussi de termes
en lien avec les possibilités techniques des tablettes, tels
qu’appareil photo, prise de son, film. Les enseignants utilisent des
termes techniques, citent des applications, ce qui peut être
interprété comme une véritable prise en main de
l’outil, et de ses fonctionnalités.
Le monde numérique |
Détail des occurrences |
Activités spécifiques (50%) |
Copier, coller, imprimer, récupérer, mise en forme,
sauvegarde, accès, document, enregistrer, dossier, insérer,
importer, taper, saisir, créer, transformer, projette,
sélectionner, valider, programmes, taguer, exporter, supprimer |
Le multimédia (25%) |
Photo, visites virtuelles, vidéos, films, audio, écouter,
illustrer, faires des visuels, livres numériques, dessin, illustration,
notes |
Outils spécifiques (14%) |
Serveur, vidéoprojecteur, manipulation, disque dur, en ligne,
internet, site, tablettes, IPad, PC, ordinateur, écran, barre
d’espace, ENT, TICE |
Applications (11%) |
Applications/appli, Doodle buddy, Keynote, Numbers, Book creator, Didapage,
Pages, tas de sable virtuel |
Tableau 4 • Occurrences des termes
relatifs au monde numérique
On dégage également un discours en lien avec des qualificatifs,
et tout particulièrement avec
« l’intérêt » (la plus forte occurrence).
En général, il s’agit de souligner que cela fonctionne,
même si quelques difficultés techniques perdurent, comme les
copier/coller de photos importées d’internet. Les enseignants
évoquent également une mise en perspective dans le temps, en
termes professionnels, mais aussi pour les élèves :
Sujet 4, homme formé qui utilise : « Pour que chaque
enfant puisse s’y référer régulièrement. Si en
plus ces notes sont partageables sur un ENT et extérieur, voilà,
chaque année on leur apprend à créer ces notes-là
qui leur serviront après au collège, s’ils ont des
exposés à faire, ils créent des notes puis les exploitent,
en les taguant et en mettant des marques pour les repérer en fonction des
différents thèmes ».
Là encore le vocabulaire utilisé met en évidence une
utilisation du numérique et de l’informatique au sens large du
terme. Les activités spécifiques ne sont pas exclusives des IPad,
à l’exception cependant du multimédia (photos, vidéo,
son notamment) où les tablettes semblent générer des usages
différents en classe. Enfin, les applications, cette fois très
spécifiques à l’outil, révèlent une
appropriation forte. Il s’agit cependant d’une thématique
assez peu développée si on la compare aux activités
spécifiques plus largement évoquées par les enseignants. Le
rôle de l’expérience accumulée par les enseignants
semble jouer ici un rôle facilitateur des usages des tablettes.
5.3. Les domaines d’apprentissage concernés
Dans cette troisième classe de discours, une autre thématique
émerge très fortement. Il s’agit de l’utilisation
selon les matières et les activités scolaires. Les enseignants
décrivent les utilisations réalisées ou les projets
envisagés avec l’outil (Tableau 5) :
Domaine d’apprentissage |
Détail des occurrences |
Français (65%) |
Trace écrite, texte, écrit, écrire, note,
écriture poétique, orthographe, grammaire, conjugaison, syntaxe,
vocabulaire, synthèse, poésie, lecture, lecture à voix
haute, rallye lecture, dictée, dictée à l’adulte,
langage, légender, marquer |
Techniques usuelles de l’information et la communication (10%) |
Traitement de texte, recherche d’information, de photos, sur
internet |
Pratiques artistiques et Histoire de l’art (9%) |
Art visuel, histoire de l’art, théâtre, arts
plastiques |
Découverte du Monde (7%) |
Histoire, géographie, sciences, gastronomie, jardin |
Mathématiques (5%) |
Mathématiques, calcul mental, géométrie, calcul |
Anglais (3%) |
Anglais |
Sport (1%) |
Sport |
Tableau 5 • Occurrences des domaines
scolaires
Le domaine relatif au lire/écrire est très majoritairement
développé par l’intermédiaire des tablettes, et tout
particulièrement comme « trace écrite », qui
reste transversale à toutes les autres disciplines
évoquées, nous y reviendrons. Voilà un exemple
d’utilisation de la tablette dans l’apprentissage de la graphie en
fin de maternelle :
Sujet 3, homme formé qui utilise : « Donc j’ai
une application, qui fonctionne très bien, qui permet aux
élèves de s’entrainer avec un tas de sable virtuel, donc
comme les tas de sables, ou la farine, refaire les lettres, refaire les sens.
Donc j’ai cette application-là qui permet de voir le sens des
lettres et la formation des lettres ».
Des idées sont également développées dans le
champ de la lecture, en complément finalement des méthodes plus
traditionnelles :
Sujet 16, femme, non formée et utilise : « ... et puis
j’ai comme idée aussi, maintenant que je suis dedans,
c’est-à-dire qu’à la rentrée, je leur ai dit,
aux élèves, que je trouvais l’application
s’enregistrer, de s’écouter, c’est très
très intéressant pour, par exemple, des CP ou des CE1 qui ont
tendance encore à lire de façon
robotisée. »
La seconde catégorie particulièrement évoquée est
relative au traitement de texte ainsi que la recherche sur internet. Nous avons
dissocié ces deux pratiques de la thématique relative au monde
numérique car il s’agit, au-delà des tablettes, de
compétences identifiées dans les programmes scolaires en
élémentaire. La tablette est particulièrement
utilisée pour garder justement une trace écrite, qui peut ensuite
être imprimée et collée dans un cahier, ou alors
retravaillée, et également pour faire des recherches sur internet,
pour préparer des exposés ou réaliser des travaux en
commun.
Les pratiques artistiques, comme l’histoire de l’art, les arts
plastiques et les arts visuels, ainsi que la découverte du monde,
comprenant la géographie et l’histoire, sont des pratiques
évoquées, mais majoritairement par l’intermédiaire
d’internet. La plupart du temps, les enseignants à
l’évocation de ces différents projets dans ce domaine,
envisagent les tablettes comme une ouverture sur le monde extérieur, avec
des visites virtuelles de musée par exemple, ou des projets de
correspondance et d’échange avec des écoles
étrangères. Plus minoritairement, des projets en
mathématiques sont évoqués, mais plutôt par
l’intermédiaire d’exerciseurs pour le calcul mental ; en
anglais, dans une perspective orale (écoute individuelle avec des
casques), et enregistrements, réécoute etc. Il est
également question de sport. Dans ce champ, les projets
évoqués sont transdisciplinaires : il s’agit de
créer des diagrammes en fonction de performances en course, ou alors de
faire des recherches internet sur les sports.
Au-delà des matières scolaires identifiées, nous
l’avons souligné, l’utilisation des tablettes est
pensée autour d’un projet, et déclinée dans
différentes disciplines scolaires. Les activités utilisant la
tablette comme support sont exhaustivement des exposés, un projet de
correspondance (sollicitant principalement la recherche d’informations sur
internet, d’images, etc.), des fiches de lecture, d’entrainement
à l’écriture (comme traces écrites, avec le
traitement de texte), des questionnaires (là encore comme traitement de
texte), des exercices, textes à trous (applications,
particulièrement pour la différenciation), la fabrication
d’un jeu de « Qui est-ce » (par la prise de photo),
d’une BD (avec des photos, des commentaires insérés), la
création de devinettes, d’un abécédaire ou encore une
banque de mots. À l’exception de quelques activités, telles
que celles répertoriées comme « exercices » et
qui pourraient être réalisées sans la tablette, les autres
font entrer en interaction différentes compétences et/ou
matières, comme la géographie et les mathématiques ;
de la photo, en alliant le dessin et des compétences dans le champ du
français ; ou encore illustrer une poésie, et ce, tout en
faisant appel aux compétences informatiques, comme taper, saisir un
texte, entrer des données, les transformer, les enregistrer, etc. Voici
quelques exemples :
Sujet 15, homme, formé et utilise : «... et donc Numbers,
je l’utilise, d’ailleurs ça marche bien, c’est assez
intéressant, donc en géo, on travaille sur les diagrammes
climatiques, donc eux, ils ont trace, on en a étudié, on a fait
des bâtons, les courbes etc., donc pour faire des
maths. »
Sujet 17, femme, non formée et utilise : « ... on a
fait tout un travail sur le visage avec du vocabulaire, un peu de syntaxe sur
les mots, et on a fabriqué notre jeu de « qui
est-ce ? », et donc on s’est servi de cette application
pour le dessin ».
Sujet 6, homme formé n’utilise pas : « Un
projet qui était autour de la poésie, c’était saisir
un texte, aller chercher une image, aller chercher sur internet et choisir une
image, enregistrer une petite vidéo et faire une page type word avec
ça ».
Tout comme les projets et les activités, qui sont pensés de
façon pluridisciplinaire, les conséquences sont
multiples pour les enseignants :
Sujet 16, femme non formée et utilise : « Donc
là je me suis rendu compte avec le projet qu’ils ont pu produire,
lire à voix haute, illustrer, faire leur visuel, enfin, voilà,
ça fait quand-même un support, les TICE, vraiment, c’est
assez complet, bon après, c’est un projet qui est quand-même
lourd. »
Il semble donc que la clef d’une utilisation des tablettes dans les
classes passe d’abord par une vision « ouverte » de
l’outil, mais également par la création de projets qui ne se
cantonnent pas à un seul aspect disciplinaire, ou une seule
compétence. La présence du français au sens large du terme,
et décliné sous toutes ses formes, étaye cette vision
malléable de la tablette, qui est prétexte à
développer des compétences en réalisant d’autres
activités. Les projets évoqués recouvrent toujours
plusieurs disciplines, et développent en parallèle des
compétences informatiques qui peuvent être transférables,
comme l’explique cet enseignant :
Sujet 4, homme formé qui utilise : « Il faut
à un moment donné aussi dire la vérité, quand les
élèves sont en 6ème et qu’ils ont des
exposés à faire, ils le font sur informatique. Il faut donc
qu’ils connaissent les règles typographiques, où on met les
espaces, où on ne les met pas, comment on met en gras, comment on met un
titre, est-ce qu’on souligne, est-ce qu’on
justifie... »
Ce témoignage est orienté vers le futur, pour la formation des
élèves qui indubitablement évoluent et évolueront
dans un environnement numérique. La configuration et le nombre par
classe, ainsi que les options et les applications de l’outil, autrement
dit ce qui différencie une tablette d’un ou deux PC en fond de
classe, ont aussi une place importante dans l’utilisation faite par les
enseignants. En effet, la recherche sur internet, activité majeure, est
beaucoup plus contraignante avec un ordinateur. De même,
l’utilisation des photos, prises ou recherchées sur internet pour
illustrer, être modifiées, ou pour agrémenter des
exposés, n’est pas réalisable de la même façon
avec un PC fixe.
6. Discussion
6.1. Trois profils de discours face à l’introduction des
tablettes
Nos résultats illustrent les processus
d’introduction et d’appropriation en contexte scolaire des
tablettes, en prenant appui sur les discours contrastés des enseignants.
Selon l’analyse par cooccurrences, le champ représentationnel issu
de la Classe 1 (le plus lourd du corpus), pourrait être assimilé
à une posture de « rejet », comme l’avait
définie Cros au sujet de l’innovation (Cros, 1997). Ce
profil est plutôt composé de femmes ayant suivi la formation
proposée, mais n’utilisant pas les tablettes en classe. Ce profil
est peu enclin à développer des pratiques effectives. On peut
penser que la présentation et l’arrivée de ce type de
matériel novateur, ainsi que les conditions de formation, n’ont pas
permis un déploiement sur le terrain, conduisant à un certain
nombre de résistances identifiées : l’économie
d’enseignement, car l’utilisation conduit à une surcharge de
travail, notamment en terme de familiarisation avec un nouvel outil tactile, un
environnement informatique nouveau, les transformations du style
pédagogique, les obstacles institutionnels et les obstacles dans les
pratiques professionnelles. Elles sont proches de celles observées dans
d’autres contextes d’implantation (Sauvé et al., 2004).
On retrouve ces quatre axes dans les discours des enseignants, axes
eux-mêmes en interaction. Bien souvent les enseignants opposent la
pédagogie à la technologie. Certains mettent en avant que les
problèmes techniques, allant de l’utilisation concrète de
l’outil, à l’enregistrement de documents, demandent un
investissement temporel bien souvent pris sur le temps personnel. Ces
mêmes problèmes techniques conduisent par ailleurs à la
crainte de ne pas maitriser correctement l’outil en contexte de classe. La
question des obstacles institutionnels et professionnels mettent en avant le
souhait de bénéficier d’un encadrement et d’un
accompagnement inscrit dans la durée.
Cependant, comme l’observait déjà Bauer (Bauer, 1995), ces
résistances doivent être prises en considération pour
parvenir à dépasser ce comportement de rejet, et accompagner
l’appropriation. Il parait difficile d’aller plus avant dans
l’analyse de l’utilisation effective sur le terrain, cependant, au
regard des trois profils dégagés dans les discours, la grande
majorité est ancrée dans ce profil de rejet, voire
l’indifférence. Mais le déploiement des tablettes est somme
toute récent, il serait donc intéressant de réinterroger
ces enseignants afin d’observer si, sur une durée plus longue, leur
non-utilisation perdure.
Le second profil dégagé dans les discours enseignants pourrait
être envisagé comme intermédiaire. Moins important, il est
plus représentatif du discours des enseignants non formés, sans
distinction homme/femme. On retrouve l’aspect descriptif et chronologique,
commun à tous les entretiens, ainsi que l’utilisation à
titre professionnel de l’informatique, principalement pour préparer
la classe. Il est aussi fait référence à la diffusion de
l’information et les acteurs en jeu. On pourrait rapprocher ces discours
du profil de type « indifférence » (Cros, 1997). En
effet, on ne distingue pas un rejet manifeste ou un refus, mais plutôt une
posture d’attente en terme de temporalité, là encore,
vraisemblablement issue du processus d’appropriation, demandant à
aller au-delà des résistances.
Le troisième profil regroupe des enseignants, particulièrement
des hommes n’ayant pas suivi la formation, et leurs utilisations. Cette
classe est descriptive de l’utilisation en contexte, et donc proche
d’une posture « d’adoption », toujours selon Cros (Cros, 1997),
puisque les outils ont été pris en main par les enseignants et
introduits dans les pratiques de classe. L’analyse thématique de
cette catégorie de discours a permis de mettre en avant que les
enseignants qui les ont produits vivent un processus de
« transformation ». Les tablettes sont utilisées
très majoritairement pour le traitement de texte et les productions
écrites. Les facteurs qui ont permis cette appropriation font logiquement
écho, en effet miroir, à certains axes de résistance
observés chez leurs collègues non utilisateurs. D’abord, ils
ont une connaissance et une maîtrise de l’univers informatique
(traitement de texte, sauvegardes, transferts, mais aussi applications
générales ou spécifiques). Ces connaissances sont
plutôt implicites, et relatives à un type de formation informelle (Carugati et Tomasetto, 2002).
Libérés de contraintes d’ordre technique, ils peuvent alors
se concentrer sur les aspects plus pédagogiques, ainsi que
l’organisation et la gestion de la classe.
6.2. Possibles leviers pour une utilisation des tablettes :
représentations et utilisations pratiques
Ces trois profils issus des représentations des enseignants nous
informent quant aux points de résistances, et donc également quant
aux facteurs d’appropriation d’une nouvelle technologie
numérique dans l’enseignement. Notre analyse a permis de mettre
à jour un certain nombre de points de résistance, qui rejoignent
les observations réalisées récemment par Karsenti et
Lira-Gonzales (Karsenti et Lira-Gonzales, 2011),
chez les futurs enseignants et les TICE : manque de temps, soucis en termes
de gestion de classe, manque de motivation, manque de confiance en soi et envers
les personnes référentes dans ce type de déploiement et,
enfin, de mauvaises expériences dans ce domaine (des difficultés,
des mises en échec). Tous ces facteurs, que nous avons identifiés,
interagissent. Dans une perspective facilitant l’implantation et
l’utilisation de nouveautés, il semble important de les prendre en
considération.
À un niveau plus « pratique », le principe de
projets regroupant plusieurs disciplines, et faisant appel à
différentes compétences, semble être un trait commun des
pratiques des utilisateurs. Il serait alors possible, afin de contrecarrer les
résistances de certains enseignants, dans une perspective de formation,
que des utilisateurs présentent leurs projets en contexte de classe, ce
qui permettrait de lever certaines inquiétudes relatives à la
gestion de la classe ou à la technicité des tablettes.
Enfin, une autre particularité de ces enseignants utilisateurs est de
mettre en avant certaines particularités techniques des tablettes,
notamment leur mobilité, qui se traduisent pas des usages
spécifiques : recherches internet individuelles, partage et retour en
collectif, production de photos, de vidéos, etc. Autant d’usages
qui ne peuvent être envisagés qu’à la condition
d’une maîtrise des dimensions informatiques des tablettes et une
connaissance à minima des réseaux, ce qui est rarement le cas.
Sans ce pré-requis, qui semble aller de soi, la mise à disposition
brutale de tablettes tactiles dans les écoles génère une
étrangeté peu propice à l’appropriation. Comme nous
l’avons souligné, les enseignants utilisateurs possèdent une
maîtrise de base sur laquelle le changement peut s’appuyer, et
l’on sait que l’écart entre l’ancien et le nouveau est
décisif dans tout processus d’appropriation (Assude et al., 2010).
7. Conclusion et perspectives
L’objectif principal de la recherche
était d’étudier ce que produisait l’introduction
massive par les politiques publiques de tablettes tactiles en contexte
éducatif et de mettre en lumière les discours produits par les
enseignants concernés. Dans le contexte scolaire, Chaptal (Chaptal
2000) ; (Chaptal 2003) explique qu’il est très difficile
d’observer les pratiques et l’instrumentation en
général, car trop de variables contextuelles entrent en jeu. Nous
avons tenté de contourner cette difficulté en orientant la focale
sur les discours d’enseignants formés ou non, utilisateurs ou non
de tablettes tactiles, afin de dégager les représentations
actuelles, et autrement dit d’observer les processus de réception
et d’appropriation à l’œuvre. Une
spécificité du lieu d’observation et de son implantation
vient du déploiement massif d’un outil qui, au regard des
enseignants, ne semblait pas prioritaire. Or on sait que ce type de
dissémination, sans que les acteurs impliqués ne soient vraiment
concertés, ne favorise pas les processus d’appropriation et
d’utilisation (Cuban, 1998) ; (Cuban, 2001).
Nous avons pu observer que, confrontés à l’innovation
dans un contexte éducatif et dans une temporalité assez courte (Cros, 1997), les
enseignants produisent des discours orientés vers trois profils. Comme le
soulignent Assude Bessières, Combrouze et Loisy dans leur étude
sur les formateurs TIC : « les représentations sociales
qu’ont les formateurs des TIC et leurs usages sont sans aucun doute
liées à leurs pratiques pédagogiques. On peut alors, au
travers des discours, avoir accès aux modes d’appropriation ou de
rejet » (Assude et al., 2010).
Nous avons effectivement pu mettre à jour un certain nombre
d’obstacles par l’analyse des discours enseignants, avec comme
constat majeur que le rejet reste une posture dominante, car reflet
d’incompréhensions, relatives aussi bien à
l’intérêt qu’à l’utilisation, ou aux
politiques publiques.
Nous avons aussi évoqué le principe de distance face à
la nouveauté. Cette piste autour de
« l’étrangeté » ou
l’anxiété face aux nouvelles technologies, pourrait
éclairer certaines résistances, et permettre de palier des
postures de rejet. En ce sens, et au-delà des expériences
personnelles liées aux nouvelles technologies, nous avons relevé
un investissement plus important dans les usages des tablettes tactiles chez les
hommes, alors que dans le 1er degré ils ne représentent
qu’une minorité (en janvier 2012, on dénombrait 81,6% de
femmes enseignantes selon les statistiques de la
DEPP 9). Ce constat semble
être le reflet de stéréotypes forts associant les hommes
à l’informatique au contraire des femmes dont le rapport aux outils
numériques serait plus distancié (Cohoon et Aspray, 2008).
Ces stéréotypes genrés semblent se renforcer sous
l’effet d’autres facteurs que nous avons mis en évidence
comme le manque de confiance en soi, ou plus largement
l’anxiété. L’âge est également une
variable à prendre en considération dans tout processus
d’innovation et d’appropriation. Hubmerman (Huberman, 1989) a dégagé des « thèmes de
carrière », que l’on pourrait comparer à des
stades de développement de l’identité professionnelle
enseignante. Entre 1 et 3 ans de carrière, il s’agit de
« l’entrée, le tâtonnement » ; entre
4 et 6 ans la « stabilisation et la consolidation d’un
répertoire pédagogique », entre 7 et 25 ans la
« diversification, l’activisme, ou la remise en
question ». Puis, deux axes possibles se détachent ensuite
entre 25 et 35 ans d’expérience : certains iraient vers la
distance affective, conduisant au désengagement serein ; alors que
d’autres iraient vers le conservatisme, puis le désengagement amer.
Pour notre échantillon, l’expérience moyenne était de
17,5 ans. Une moyenne qui situe la plupart des enseignants rencontrés
dans le groupe caractérisé par la diversification,
l’activisme, ou la remise en question. Un groupe qu’on ne peut
qualifier selon cette classification de réfractaire et qui pourtant
évoque peu l’utilisation des tablettes.
Ces pistes relatives aux variables enseignantes mériteraient
d’être approfondies et prises en considération dans le champ
de la formation initiale et continue des enseignants en primaire, afin de
contourner les résistances et les peurs qui font manifestement obstacle
au déploiement des technologies numériques.
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Disponible sur :
http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossiers.php?parent=accueiletdossier=79etlang=fr
A
propos des auteurs
Séverine FERRIÈRE est Maitresse de
Conférences en Sciences de l'Education à l'Université de
Nantes, et chercheuse au Centre de Recherche en Education de Nantes (CREN, EA
2661). Ses recherches prennent ancrage dans le champ des représentations
sociales en contexte scolaire, en analysant des phénomènes tels
que l'ennui, le bien-être ; et dans la construction identitaire et la
transmission sous l'angle du genre, et ce, du côté des
élèves et des enseignant-e-s.
Adresse : CREN, Chemin de la Censive du
tertre, BP 81227, 44312 Nantes Cedex 3
Courriel : severine.ferriere@univ-nantes.fr
Philippe COTTIER est maître de conférences en
sciences de l’information et de la communication à
l’université du Maine et chercheur au Centre de recherche en
éducation de Nantes (CREN, EA 2661). Ses recherches portent sur la
conception et les usages des technologies de l’information et de la
communication dans l’enseignement et la formation : conception
collective et usages du numérique.
Adresse : CREN, Chemin de la Censive du
tertre, BP 81227, 44312 Nantes Cedex 3
Courriel : philippe.cottier@univ-lemans.fr
Florence LACROIX est maître de conférences en
sciences de l'éducation à l'Université de Nantes et
chercheur au Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN, EA 2661).
L’objectif principal de ses recherches est d’analyser comment
certains dispositifs (jeux d’orthographes approchées, lecture
partagée, tablettes tactiles, etc.) peuvent permettre de
développer certaines compétences langagières et certains
prérequis de la lecture d’enfants de 2 à 6 ans, afin de
favoriser leur entrée dans l’écrit et ainsi de faciliter
ultérieurement leur apprentissage de la lecture et de
l’écriture.
Adresse : CREN, Chemin de la Censive du
tertre, BP 81227, 44312 Nantes - Cedex 3
Courriel : florence.lacroix@univ-nantes.fr
Aurélie LAINÉ est Maître de
Conférences en Sciences de l’Éducation à
l’Université de Nantes et chercheur au Centre de Recherche en
Éducation de Nantes (CREN, EA 2661). Ses recherches portent sur les
acquisitions langagières (enseignement et apprentissage du langage oral,
de la lecture et de l’écriture) chez les élèves de
l’école primaire. Les objectifs de ses recherches portent à
la fois sur la création de dispositifs d’enseignement (de type jeux
pédagogiques ou médiatisés par des supports comme les
tablettes tactiles) tant au niveau de leur élaboration que de leur
évaluation, mais également sur leurs effets en terme
d’apprentissage chez les élèves.
Adresse : CREN, Chemin de la Censive du
tertre, BP 81227, 44312 Nantes Cedex 3
Courriel : aurelie.laine@univ-nantes.fr
Loïc PULIDO est maître de
conférences de sciences de l'éducation à l'ESPE de
l'Académie de Nantes et membre du Centre de Recherche en éducation
de Nantes (CREN EA 2661). Ses recherches portent sur les pratiques
pédagogiques qui permettent le développement des
compétences littéraciques et langagières des
élèves.
Adresse : CREN, Chemin de la Censive du
tertre, BP 81227, 44312 Nantes Cedex 3
Courriel : loic.pulido@univ-nantes.fr
1 Pour plus de détails quant
au déploiement et aux moyens voir :
http://www.education.gouv.fr/cid72307/point-d-etape-de-l-entree-de-l-ecole-dans-l-ere-du-numerique.html
2 Inspection Générale
de l’Éducation Nationale
3 ADT-Alceste, version 4.8.,
société Image,
4 Comme le résume
Kalampalikis : « Pour reprendre l’exemple proposé
par Benzécri (1981), supposons un corpus dont toutes les phrases sont
constituées d’un sujet et d’un verbe. Par exemple
(l’avion vole ; l’avion ronfle ; le chacal mange ; le
chacal aboie ; l’oiseau vole ; etc.). Il est possible de
représenter le corpus par un tableau de données avec, en ligne,
les différents sujets et, en colonnes, les différents
prédicats. Si l’ordre des « propositions » est
indifférent, la donnée du tableau de correspondances est
même équivalente, dans ce cas, à la donnée du corpus
(à partir de l’un, on peut reconstruire l’autre et
réciproquement). En ce sens, l’analyse de données de ce
tableau permet de donner une représentation spatiale de la forme de
corpus associé ».
5 Pour le détail complet des
processus d’analyse du logiciel :
http://ww.image-zafar.com/index_alceste.htm.
6 Comme le résume
Kalampalikis : « La valeur du chi2 (à un degré
de liberté) exprime le coefficient d’association d’une forme
lexicale à une classe calculée sur un tableau de contingences qui
croise la présence/absence de la forme dans une u.c.e. et
l’appartenance ou non dans cette u.c.e. à la classe
lexicale ».
7 Selon Reinert (1987), on
considère que l’analyse est stable et fiable à partir de 70%
d’uce classées.
8 Les absences significatives sont
les termes qui par contraste avec les formes réduites lemmatisées
sont particulièrement absents dans le discours.
9 Direction de
l’évaluation, de la perspective et de la performance.
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