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Volume 20, 2013
Article de recherche

Numéro Spécial CREN



Contact : infos@sticef.org

L'utilisation de tablettes numériques dans des classes de troisième secondaire : retombées, difficultés, exigences et besoins de formation émergents

 

Patrick GIROUX, Sandra COULOMBE (UQAC & CRIFPE), Nadia CODY (UQAC), Suzie GAUDREAULT (UQAC & CRIFPE)

 

RÉSUMÉ : Plusieurs écoles tentent d'innover dans un contexte où le paysage technologique évolue rapidement et les tablettes numériques telles l'iPad sont clairement identifiées comme une technologie émergente susceptible d'avoir des retombées importantes en éducation à très court terme (Johnson et al., 2012). Une école secondaire québécoise intègre depuis septembre 2012 des iPad dans deux de ses groupes de troisième secondaire. Une équipe de recherche accompagne l'école et suit leur parcours. Cet article présente un premier regard sur les données préliminaires amassées depuis septembre 2012 auprès des enseignants, des élèves et de leurs parents.

MOTS CLÉS : tablette numérique, iPad, compétences du 21e siècle, implantation, école secondaire.

ABSTRACT : Many schools are trying to innovate while the technological landscape is changing rapidly. Digital tablets like the iPad are clearly identified as an emerging technology that could have a significant impact on education in the short term (Johnson et al., 2012). A Quebec high school integrated iPad in two secondary three groups since last September. A research team accompanied the school and followed its course. This paper presents a first look at the preliminary data collected since the beginning of the project from the teachers, the students and their parents.

KEYWORDS : digital tablet, iPad, 21st century skills, implementation, secondary school

 

1. Contexte de la recherche

Les technologies occupent une place importante dans la société du savoir. Au 21e siècle, l'ensemble des compétences associées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) sont jugées importantes pour l'intégration des individus à la société et pour la compétitivité des nations (California Emerging Technology Fund, 2008), (Anderson, 2010). Déjà, les enfants et les adolescents intègrent ces outils technologiques à leur vie quotidienne (CEFRIO, 2009), (PEW Internet & American Life Project, 2010a), (PEW Internet & American Life Project, 2010b), (Media-Awareness Network, 2001), (Media-Awareness Network, 2005), (Rideout et al., 2010), (Thirouin et Khattou, 2010). Plusieurs curriculums des écoles primaires et secondaires, dont ceux du Québec : Ministère de l'Éducation (MEd, 2001), Ministère de l'Éducation, (MEd, 2004), Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, (MEd, 2007) ; de la Suisse : Conférence Intercantonale de l’Instruction Publique de la Suisse Romande et du Tessin (CIIP, 2013) et de la France : Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative - Direction générale de l'enseignement scolaire (MEN, 2011), reconnaissent l’importance de telles compétences et attribuent une part de la responsabilité de leur développement à l'école.

Au même moment, le paysage technologique des pays industrialisés évolue très rapidement. La miniaturisation et le développement accélérés des technologies permettent une véritable révolution en terme de portabilité, de mobilité et de collaboration. L'un des fers de lance actuel des technologies mobiles est la tablette numérique. Les tablettes numériques, avec l'iPad en tête, ont rapidement conquis les utilisateurs et sont pratiquement devenues incontournables. Déjà, on l'utilise quotidiennement pour le loisir comme pour le travail, tant à la maison qu'à l'usine. Situé quelque part entre l'ordinateur portable et le téléphone intelligent, ce nouvel outil semble pertinent dans plusieurs contextes éducatifs. Il n'est donc pas surprenant que plusieurs écoles tentent d'intégrer la tablette numérique à la formation des élèves.

Selon Karsenti et Fièvez (Karsenti et Fièvez, 2013), il y aurait environ 4,5 millions de tablettes iPad en circulation dans les écoles américaines, 20 000 dans les écoles canadiennes et 8 000 dans les écoles québécoises, mais ces statistiques tendent à croitre rapidement. Ils soulignent aussi qu'au moins 35 milliards d'applications et 420 millions de livres numériques ont été téléchargés. En fait, au moment d'écrire ces lignes, le nombre d'applications téléchargées sur iTunes dépasse maintenant 50 milliards. Face à ces chiffres, Karsenti et Fièvez se questionnent à savoir s'il s'agit d'une planche de salut pour l'éducation ou d'un outil de marketing étant donné qu'il y a encore peu de recherches, concernant les usages pédagogiques, qui y sont rattachées. Le développement technologique et l'intégration de cet outil au quotidien des utilisateurs ont été rapides au point que les chercheurs en éducation sont maintenant un peu à la remorque des écoles. De surcroît, les tablettes numériques sont clairement identifiées comme une technologie émergente susceptible d'avoir des retombées importantes en éducation à très court terme (Johnson et al., 2012).

Comme il y a encore peu de résultats de recherche disponibles quant à l'usage pédagogique de cet outil, un projet de recherche a été élaboré, en collaboration avec une école secondaire québécoise, afin de suivre l'implantation et l'intégration de tablettes numériques iPad dans deux groupes de troisième secondaire. Plus précisément, les objectifs spécifiques de ce projet de recherche sont 1) de documenter les étapes de l'intégration, les stratégies (administratives et pédagogiques) élaborées, les écueils rencontrés et les solutions envisagées et mises en place par l'école ; 2) d'identifier et d'analyser les stratégies de formation et d'adaptation des enseignants impliqués dans le projet d'intégration des tablettes numériques et 3) d'étudier les impacts de l'intégration des iPad sur les élèves et les enseignants de l'école impliquée. Cet article présente un premier regard sur les données préliminaires amassées depuis septembre 2012. Il permet d’apporter un éclairage sur la chronologie de l’intégration des tablettes numériques dans les deux classes de cette école secondaire et de relater les retombées, les difficultés, les exigences et les besoins de formation émergeant de cette première phase d’intégration des tablettes numériques. L'ensemble des données, colligées à partir des points de vue des enseignants, des élèves et des parents impliqués dans le projet nommé « Projet Tablette », seront croisées afin de présenter un portrait initial, évolutif et global de cette première année d'intégration des iPad et de distinguer les leçons qui en ont été tirées.

2. Cadre théorique

Pour le California Broadband Task Force et le California Emerging Technology Fund, la capacité d'un état à demeurer compétitif globalement et à être un leader dans l'innovation en lien avec les TIC dépend du niveau d'acquisition de compétences technologiques de sa population (CETF, 2008). Cela est aussi nécessaire si la population de cet état veut profiter des bénéfices associés à une société technologiquement avancée. La littératie numérique, c'est-à-dire savoir utiliser et manipuler les appareils électroniques, serait une composante essentielle du développement technologique d'un état et cela passerait, entre autres, par l'ajout de ces compétences aux curriculums des programmes des écoles et par le développement de ces compétences par les enseignants.

Anderson (Anderson, 2010) écrit spécifiquement pour les acteurs de l'éducation et adopte une vision plus large. Il parle des compétences nécessaires pour faire face au 21e siècle, un siècle caractérisé par des changements nombreux et rapides ainsi que par un environnement qui gagne en complexité. Un siècle dans lequel les jeunes ont besoin de nouvelles compétences. Pour Anderson, l'information et le savoir représentent les nouvelles formes de richesse et tout individu doit pouvoir accéder à l'information continuellement créée et engrangée dans des répertoires numériques partout sur la planète. Plus particulièrement, selon cet auteur, les jeunes devraient développer trois grandes catégories de compétences :

- des compétences liées à l'apprentissage comme la créativité, l'innovation, l'esprit critique, la résolution de problèmes, la communication et la collaboration dans ce nouvel environnement complexe, hyperconnecté et très compétitif ;

- des compétences liées plus spécifiquement à la gestion de l'information, aux médias et aux TIC afin d'être en mesure de faire face à l'abondance d'information (littératie informationnelle), à l'importance des médias (littératie médiatique) et aux changements technologiques rapides (littératie numérique) ;

- des compétences devant permettre de mener adéquatement sa vie et sa carrière dans un monde complexe et plus que jamais compétitif telles la flexibilité, l'adaptabilité, l'initiative, la responsabilité et le leadership.

Selon Anderson (Anderson, 2010), ces compétences devraient être au coeur de toute initiative visant à adapter la formation et la préparation des jeunes au 21e siècle. De plus, les technologies "mobiles", comme les tablettes et les téléphones intelligents, doivent être particulièrement mises à profit par les écoles puisqu'elles rendent toute cette information constamment disponible en plus de permettre la production de nouvelles informations, la communication et la collaboration. Cette vision de l'importance des tablettes et des appareils numériques est partagée par Johnson, Adams et Cummins (Johnson et al., 2012) qui soutiennent, en ce sens, que la tablette numérique est une technologie émergente qui devrait avoir un impact important en éducation dès 2013. Ils expliquent que son usage est tellement intuitif que la tablette ne requiert aucune formation ou très peu et prétendent qu'elle permet de former les élèves aux compétences du 21e siècle.

Shuler, Winters et West (Shuler et al., 2013) décrivent, quant à eux, toute l'importance et la portée des technologies mobiles pour l'éducation et ils expliquent comment ces appareils permettent déjà ce qu'ils nomment "l'apprentissage mobile" tout en ayant le potentiel de favoriser l'accès à l'éducation pour tous. Ils précisent que l'intégration des outils mobiles peut, entre autres, contribuer à la mise en place de situations d'apprentissage personnalisées et authentiques ainsi qu'à la création de nouvelles formes d'évaluation. Ils décrivent ensuite plusieurs éléments susceptibles de constituer des facilitateurs ou des barrières au développement de l'apprentissage mobile et à son insertion dans le cadre actuel de l'éducation. Parmi les éléments facilitateurs, ils citent une tendance à la diminution de la résistance sociale, l'existence de modèles ayant obtenu du succès, l'attrait économique du milieu de l'éducation, les pressions économiques et politiques exercées sur les institutions, la montée de l'enseignement à distance et de l'enseignement en ligne, l'apparition de nouveaux marchés ainsi que de nouveaux canaux de distribution. Cependant, certains éléments constituent actuellement des barrières à la mise en place de l'apprentissage mobile dont le fait que plusieurs éducateurs ne sont pas convaincus du potentiel éducatif des appareils mobiles, le nombre encore limité d'exemples du potentiel évolutif et de la durabilité des projets d'intégration de ces outils, le manque d'initiatives locales, la censure et les préoccupations concernant la confidentialité. Pour réaliser le plein potentiel de l'apprentissage mobile, certains défis devront donc être relevés. Il faudra d'abord bâtir des partenariats larges (enseignants, chercheurs, industrie privée du secteur des télécommunications, développeurs, etc.) afin de rendre possible la mise en place de projets qui dépassent le stade du "pilote". Il faudra aussi construire des ponts entre les théories de l'apprentissage et la façon dont les élèves utilisent les outils mobiles. Il faudra également répondre aux besoins de perfectionnement des enseignants pour qu'ils parviennent à intégrer adéquatement ces outils à leur pédagogie.

Gong et Wallace (Gong et Wallace, 2012) expliquent, pour leur part, que la nouvelle dynamique créée par l'intégration des appareils mobiles bouleverse les dynamiques éducationnelles établies depuis longtemps en éducation. Dans leur étude comparative menée au niveau universitaire, ces auteurs ont constaté que les appareils mobiles, comme les ordinateurs portables, les iPad, les iPod Touch et les "Tablet PC", sont considérés comme convenant davantage aux loisirs qu'à l'éducation par plus de 50% des répondants. Aussi, plus de 40% des participants à cette étude pensent que ces outils peuvent les distraire de leurs apprentissages et qu'ils encouragent le plagiat. La tablette iPad ressortirait cependant comme l'outil mobile favori, après l'ordinateur portable, et les étudiants préfèreraient même apprendre à utiliser l'iPad plutôt que l'ordinateur portable. Gong et Wallace concluent que cela se traduira probablement dans la demande vis-à-vis cet outil. Les étudiants ayant participé à cette étude sur l'apprentissage mobile rapportent ensuite que l'on répondrait rarement à leurs désirs de curriculums et d'activités pédagogiques technologiques et ils affirment que les enseignants ne les supporteraient pas suffisamment par rapport à l'usage des technologies mobiles. Malgré cela, l'enquête laisse entendre que les outils mobiles, comme l'iPad, conviendraient bien pour la réalisation de projets individuels ou en équipe. Les répondants à cette étude pensent aussi que ces outils ont le potentiel d'améliorer la communication avec les enseignants et entre les élèves. De plus, ils permettraient la mise en place de situations d'apprentissage plus motivantes, ils faciliteraient l'étude et ils contribueraient à rendre accessible l'enseignement à distance. Pour Gong et Wallace, ces résultats s'expliquent, en partie, par la grande connectivité et par la richesse médiatique de ces outils.

Crichton, Pegler et Duncan (Crichton et al., 2012) ont étudié une initiative dans laquelle les apprenants pouvaient apporter leurs propres appareils mobiles (BYOD ou AVAM) dont des ordinateurs portables, des iPod Touch et des iPad. Ils concluent qu'aucun appareil ne semble convenir pour toutes les situations d'enseignement et d'apprentissage. Après une année d'expérimentation, il apparait que les iPad sont des outils prometteurs si certaines conditions sont respectées. Ces conditions portent sur :

- un environnement scolaire structuré pour soutenir l'apprentissage mobile (réseau sans fil performant, guide définissant les usages acceptables à l'école, etc.) ;

- la considération des enseignants comme des apprenants et le souci de combler leurs besoins d'apprentissage et de les soutenir ;

- la concentration des enseignants sur l'intégration des iPad en lien avec le curriculum et dans des activités signifiantes puisque la majorité de ces derniers n'est pas intéressée à seulement utiliser l'appareil ; ils désirent l'utiliser en lien avec le contenu à enseigner ;

- la possibilité d'amener leurs tablettes numériques à la maison, de les personnaliser et de les utiliser pour accéder à des contenus et à du matériel pertinent tels que des livres numériques, etc.

Dans l'ensemble, on remarque que les conditions citées comme importantes pour l'intégration pédagogique des tablettes sont souvent similaires à celles associées à l'intégration d'autres appareils numériques. L'importance du soutien et de l'environnement technique, de la formation, de rendre du temps disponible et des croyances des enseignants étaient, par exemple, déjà cités comme des facteurs importants lors du projet ACOT durant les année 1990 (Sandholtz et al., 1997).

Crichton, Pegler et Duncan (Crichton et al., 2012) associent plusieurs autres avantages aux iPad et iPod Touch dont la longue vie de leur batterie, leur taille, leur courte et rapide courbe d'apprentissage ainsi que leur prix. Du côté négatif, ils citent des difficultés associées à la perte de données et au partage de fichiers pour la collaboration.

Plus près de nous, au Québec, Karsenti et Fièvez (Karsenti et Fièvez, 2013) rapportent les données préliminaires d'une étude regroupant des informations provenant de plus de 4000 apprenants, âgés entre 12 et 17 ans, et de 200 enseignants qui utilisent des tablettes iPad à l'école. Ils constatent, entre autres, que les tablettes sont utilisées le plus souvent entre 15 et 30 minutes par cours et que les manuels scolaires électroniques constituent l'application la plus fréquemment utilisée. Les tablettes seraient principalement utilisées pour la réalisation d'exercices et de travaux scolaires. La recherche d'information sur Internet et le jeu arriveraient en deuxième et en troisième position. Les principaux avantages cités par les participants renvoient à la portabilité, à l'accès à l'information et aux manuels scolaires, à la motivation, à la facilité pour annoter des documents et pour organiser son travail, à la qualité des travaux et des présentations réalisés, à la collaboration, à la créativité, à la variété des ressources, à la possibilité d'aller à son rythme, à l'économie de papier et, finalement, au développement de compétences informatiques. Karsenti et Fièvez remarquent cependant qu'ils ont été témoins de quelques contradictions comme, par exemple, l'usage de calculatrices dans un cours de mathématiques alors que les étudiants avaient des iPad dans leur sac ou l'achat de classiques de la littérature, en format papier, disponibles gratuitement en livres numériques. Cela indique probablement que tous ne sont pas en accord quant aux avantages de cet outil ou que le niveau de maitrise et de connaissance du potentiel de l'outil varie encore considérablement d'un individu à l'autre. Parmi les principaux défis posés par l'intégration des iPad, ces auteurs citent le potentiel distracteur de la tablette, la gestion d'une classe intégrant cet outil, la planification pédagogique, la gestion des travaux des élèves et la méconnaissance des ressources. Selon les enseignants interrogés par Karsenty et Fièvez, la formation des enseignants serait essentielle au succès de l'implantation des tablettes. Il serait aussi important de libérer du temps pour faciliter leur intégration par les enseignants. Ces auteurs concluent que selon les données préliminaires, les avantages sont tout de même plus nombreux que les défis rencontrés.

3. Méthodologie

La méthode privilégiée pour atteindre les objectifs de cette recherche peut être qualifiée de mixte puisqu'elle a recours à des données quantitatives et qualitatives. Selon Fortin (Fortin, 2010), ce type de devis est approprié pour résoudre les problèmes sociaux ou liés au monde de l'éducation. Le devis envisagé est descriptif, au sens où cette recherche "vise à découvrir de nouvelles connaissances, à décrire des phénomènes existants, à déterminer la fréquence d'apparition d'un phénomène dans une population donnée (incidence, prévalence) ou à catégoriser l'information" (Fortin, 2012) p. 32. Comme l'explique Fortin, ce type d'étude est particulièrement pertinent quand le niveau de connaissance sur un sujet donné est faible. Finalement, l'approche choisie est collaborative en ce sens où des représentants de l'école participent à la coconstruction de l'objet de connaissance (Desgagné, 1997). Le projet contribuera à la fois à la production de connaissances scientifiques et pratiques et au développement professionnel des acteurs impliqués.

Les données colligées dans le cadre de ce projet proviennent de trois sources : 60 élèves de troisième secondaire ainsi que leur parents et huit enseignants. La direction de l'école a aussi tenu un journal des évènements qui a été mis à la disposition de l'équipe de recherche. La première partie de la collecte de données a eu lieu après quelques semaines d'intégration des iPad en classe. Les élèves ont alors participé à une entrevue semi-dirigée en grand groupe. Ce type d'entrevue a permis aux participants d'exprimer leurs points de vue, leurs convictions sur le « Projet Tablette », de raconter leur expérience et de donner leur opinion sur les situations vécues (Demazière et Dubar, 2004) p.7. Les canevas d'entrevues comportaient quatre catégories principales : 1) l'appréciation générale de l'intégration de l'outil, 2) les avantages et les inconvénients, 3) les usages à l'école et à la maison et 4) la gestion du temps. Après huit mois d'intégration des tablettes en classe, les élèves ont de nouveau été rencontrés pour une entrevue de groupe semi-dirigée suivant le même canevas que celui utilisé en début d'année. Le deuxième groupe de répondants, les parents, a aussi été interrogé, mais à partir d'un questionnaire élaboré spécifiquement pour ce projet. Ce questionnaire comportait quatre questions fermées et trois questions ouvertes. Les questions fermées utilisaient une échelle de Likert à cinq points et portaient sur le niveau de satisfaction en regard de l'intégration des tablettes iPad et leur appréciation du rendement scolaire, de la motivation et des apprentissages de leurs enfants. Après huit mois d'intégration de la tablette, les enseignants ont quant à eux participé à une entrevue semi-dirigée basée sur les mêmes thèmes que ceux abordés lors de l'entrevue réalisée auprès des élèves. Le canevas avait cependant été bonifié d'une catégorie relative au développement professionnel (Coulombe, 2008), (Coulombe, 2012).

L'analyse préliminaire des données qualitatives a été réalisée à partir de ce que Paillé et Mucchielli (Paillé et Mucchielli, 2003) nomment l'arbre thématique, c'est-à-dire les thèmes principaux de nos canevas d'entrevues, les sous-thèmes et ceux qui ont émergés. Par la suite, les verbatims des données qualitatives ont été analysés en deux mouvements : d'abord, selon une posture restitutive, ensuite, selon une posture analytique (Demazière et Dubar, 2004). Les quelques questions fermées du questionnaire des parents, seules données quantitatives considérées dans cet article, ont fait l'objet d'une analyse statistique descriptive.

4. Résultats

L'analyse des données dont nous rendons compte plus spécifiquement dans cet article permet, dans un premier temps, de présenter la chronologie de l'implantation du « Projet Tablette », et ce, dans les deux classes de troisième secondaire. Elle permet, dans un deuxième temps, de faire ressortir des retombées positives de l'intégration des tablettes numériques dans ces classes, des difficultés rencontrées par les trois groupes de répondants de même que des exigences et des besoins de formation exprimés par les enseignants.

4.1. Chronologie de l’implantation

Dès octobre 2011, le comité TIC de l'école, formé de trois enseignants, d’un technicien en informatique et de deux membres de la direction, a tenu une rencontre afin de mettre sur pied le projet d’intégration de tablettes numériques en classe. Deux des enseignants impliqués dans ce comité sont reconnus par leurs pairs pour leur intérêt, leur audace et leurs réussites technopédagogiques. À l'hiver 2011, l'un deux avait élaboré, avec quelques groupes d'élèves, un projet de classe inversée qui misait sur les appareils des apprenants, principalement des téléphones intelligents et des iPod Touch.

Durant l'année, ledit comité a élaboré les bases du projet en plus de réussir à s'assurer de la collaboration de huit enseignants, d’un agent ressource (qui est en fait l'un des deux enseignants reconnu comme étant particulièrement compétent en ce qui a trait à l'intégration des technologies en classe et qui est aussi membre du comité TIC), d'une institution financière locale et de l'association des anciens de cette école. En juin 2012, une séance d’information a été offerte aux parents des élèves de 2e secondaire afin de leur présenter le « Projet Tablette », de répondre à leurs questions et de recevoir les premières inscriptions. Environ 75 personnes ont participé à cette rencontre (parents et élèves). Les questions posées ont porté principalement sur les critères de sélection, la logistique et les coûts reliés au projet. À la suite de cette rencontre, le comité a reçu 38 inscriptions (32 sur place à la toute fin de la réunion et six par téléphone dans les jours qui ont suivi). L’intérêt immédiat des parents et des élèves pour ce projet a amené le comité à envisager la possibilité de former deux groupes. Cette décision a été confirmée à la fin du mois de juin à la suite de la réception de 61 inscriptions pour le projet pilote.

Deux groupes de 30 élèves ont donc été formés en juillet 2012 par les deux membres de la direction siégeant sur le comité TIC et par une conseillère en orientation. Les critères de sélection retenus pour ce projet pilote étaient les suivants : la moyenne générale, le comportement en classe, l’attitude et la maturité. Comme les élèves ayant des difficultés d’apprentissage sont généralement bien connus de la direction et qu’ils pouvaient certainement bénéficier du projet, une attention particulière leur a été accordée afin de ne pas les exclure. La formation des huit enseignants participants au projet a débuté à la fin juin 2012 et s'est poursuivie en août. D'une durée de plusieurs heures, elle a été dispensée par un conseiller pédagogique de la Fédération des établissements d’enseignement privés (FÉEP). Une session d’information d'une heure à propos du projet pilote a aussi été offerte à tout le personnel de l’école (taux de participation : 40%).

À l'été 2012, l'école a profité de sa collaboration avec ses anciens élèves et une institution financière locale pour mettre en place un vaste réseau sans fil susceptible de répondre à la demande à l'intérieur de ses murs. L'école avait déjà un réseau sans fil, mais ce dernier risquait fort de ne pas pouvoir répondre à la demande imposée par l'implantation d'un tel projet. Deux réseaux ont été rendus disponibles : un premier auquel les étudiants peuvent se brancher grâce à un identifiant et un mot de passe personnel et un second réservé au personnel de l'école. En août 2012, la direction de l'école a rencontré un étudiant à la maitrise en éducation, s'avérant aussi être un enseignant de français au secondaire, qui avait expérimenté l'enseignement dans une classe sans fil l'année précédente afin de bénéficier de son expérience. Avant d'avoir accès au réseau sans fil, tous les élèves de l'école ont dû prendre connaissance d'un code de bonne conduite qui avait été proposé par un enseignant à l'hiver 2011 et les parents ont dû y apposer leur signature. Ce code a dû être ajusté durant l'année en raison de certaines situations qui n'avaient pas été prévues initialement. Par exemple, en octobre, la direction a dû préciser aux étudiants que les téléphones intelligents étaient interdits lors de la reprise d'examens en dehors des heures habituelles de cours. Le réseau sans fil a été rendu accessible aux étudiants du « Projet Tablette » dès la seconde semaine de cours et aux autres étudiants de l'école deux semaines plus tard.

Le comité TIC a tenu des rencontres régulières tout au long de l'année pour assurer le suivi du projet. Plusieurs Apple TV ont été installés dans les classes. Des ajustements techniques et l'augmentation de la bande passante ont aussi été nécessaires au cours de l'automne pour stabiliser le réseau sans fil. La question de la poursuite du projet pilote l'année suivante et du nombre de groupes qui le composerait a été posée pour la première fois dès le mois d'octobre 2012. En novembre, les enseignants participant au projet ont été divisés en deux groupes en fonction de leur niveau de compétences technologiques afin de faciliter la mise en place de formations mieux adaptées aux besoins de chacun.

Des chercheurs de l'UQAC se sont associés à ce projet en juin 2012. L'équipe de recherche a surtout collaboré avec la direction de l'école jusqu'en mars 2013, moment à partir duquel les enseignants ont clairement manifesté leur désir de rencontrer l'équipe de recherche et de participer plus directement.

4.2. Retombées positives à la suite de l’intégration des tablettes numériques

Après une première année, plusieurs retombées positives se dégagent de l’intégration des tablettes numériques en salle de classe du troisième secondaire. Nous notons 1) l'enthousiasme et une frénésie pour la variété des activités, la qualité du contenu et le renouveau pédagogique, 2) les usages scolaires, 3) l'amélioration de la communication entre les élèves et les enseignants, le potentiel de collaboration et 4) le développement des compétences technologiques.

4.2.1. Enthousiasme, frénésie pour la variété des activités, la qualité du contenu et le renouveau pédagogique

Certes, un premier constat se dégage. L'intégration des iPad a favorisé plusieurs changements et a placé les enseignants et les élèves dans un contexte propice à l'innovation. Il faut, a priori, souligner que tous les répondants affirment que l’utilisation des tablettes en classe dynamise les cours tout en suscitant la motivation et l’intérêt des élèves. Dans plusieurs cours, les activités et les apprentissages réalisés étaient plus variés et plus interactifs. Un enseignant confirme cette idée en ces mots : « Les activités sont tellement plus variées. C’est énorme ce qu’on peut faire de plus avec les tablettes » (P3). Les élèves ont toutefois nuancé cette retombée en affirmant que l'iPad ne devait pas être simplement utilisé pour lire des notes de cours ou pour expliquer les choses. Selon ce groupe de répondants, des activités très dynamiques et très intéressantes ont été réalisées dans quelques cours. Ils ont pu explorer certains aspects des contenus enseignés, les manipuler et les approfondir. Plusieurs d'entre eux le signalaient d'ailleurs en ces mots : "[Qu'ils aimaient travailler avec les iPad parce que] : c’est comme divertissant, c’est différent de d’habitude. À la place d’ouvrir un dictionnaire papier, c’est plus simple, plus rapide, c’est tout en un : internet, dictionnaire, calculatrice, pour prendre des photos. [On peut] faire des PowerPoint, des projets, faire des vidéos, plus facile prendre des notes, on écrit plus vite, ça modernise l’école. "

Dans cet engouement pour le changement pédagogique, les participants ont signalé que l’outil permettait d’améliorer la qualité du contenu enseigné de même que celle des présentations et des travaux des élèves. Deux groupes de répondants, soit les enseignants et les élèves, ont souligné que l’utilisation des tablettes augmentait l’efficacité et la rapidité d’exécution des travaux. Enfin, elle permettait aux élèves de remettre des travaux plus propres et plus approfondis.

4.2.2. Les usages scolaires

Professionnellement, les données rapportent que les enseignants utilisent leur tablette pour planifier leur enseignement, pour élaborer des tutoriels, pour réaliser des capsules pédagogiques, du matériel pour les élèves et pour leurs enseignements ainsi que pour évaluer des présentations orales. Ils l'utilisent pour consulter leurs courriels et pour aller sur le portail de l’école. Les applications qu’ils utilisent le plus sont KeyNote, Antidote, SimpleMind, Explain Everythings, Edmodo, PDFNote, SplashTop, DropBox, les podcast et les codes QR. Ils utilisent aussi Google Drive, mais ils ont précisé que cette application était instable. De manière plus spécifique, un enseignant a également indiqué que la tablette permettait de faire très facilement des démonstrations qui demandaient énormément de temps ou qui étaient impossibles à faire par le passé (lorsqu’elles étaient faites au tableau). Enfin, un enseignant a même souligné que l'iPad facilitait la pédagogie inversée.

Les principaux usages scolaires identifiés par les élèves correspondent à la recherche d’informations, à la prise de notes, à la correction et la remise des travaux ainsi qu'à l’accès au portail. Selon ce groupe de répondants, Antidote, Note, Safari, iBooks, Solar Walk, le Corps Humain et le calendrier sont les applications les plus utiles, mais celles utilisées le plus souvent sont Antidote, Note, Safari. Les applications qu’ils conseilleraient aux enseignants et aux élèves sont Paperdesk, iHomework, Onenote, Noteplus et Keynote. Ces applications et la tablette en général leur permettent d'innover et de gagner en efficacité. Dans un cours, Google Drive a, par exemple, permis de faire compléter des questionnaires en ligne sur les tablettes numériques plutôt que de se rendre au laboratoire informatique.

Les enseignants et les étudiants témoignent ensuite que l’utilisation d’Antidote améliore grandement le niveau de vocabulaire dans les textes des élèves. Ces derniers affirment d'ailleurs apprécié particulièrement cet outil pour l'enrichissement de leur vocabulaire en situation d'écriture. L’enseignant de français a confirmé cet apport en ces mots : « Dans les classes Ipad, nous utilisons Antidote ardoise. [...] Je n’ai jamais vu autant de vocabulaire dans tous les contes que j’ai corrigés dans ma carrière » (P8).

Plusieurs élèves ont également souligné la pertinence de la tablette dans les cours de sciences, notamment dans le cadre de l’étude du système solaire et dans celui de l’étude du corps humain, deux sujets pour lesquels l'enseignant utilisait des applications convenant à ses cours. Dans ce contexte, la tablette permettait également de filmer les laboratoires des élèves pour faciliter la rédaction des rapports ou simplement pour garder un souvenir d'une expérience particulièrement marquante. Comme l’enseignante le soulignait : « L’outil permet la diversité! C’est très visuel. J’ai beaucoup aimé le lien que ça crée avec les élèves, les échanges...les élèves viennent nous voir pour nous dire : avez-vous vu telle application, avez-vous essayé telle autre ? Il y a plein d’applications en science... J’interdisais la techno avant (cellulaire pour prendre photo exemple) alors que maintenant je trouve ça vraiment hot... On va filmer la dissection et les élèves vont pouvoir le garder » (P6)

Enfin, dans le contexte d'une région relativement éloignée des grands centres et presque uniquement francophone, l'accès plus facile et plus fréquent à du matériel présenté dans une langue autre que le français rend la nécessité d’apprendre une deuxième ou une troisième langue plus concrète, ce qui est très appréciée des parents. Selon les enseignants responsables des cours de langue, les tablettes permettent d’aller chercher des contenus que les élèves aiment, de personnaliser les cours et de respecter le rythme de chacun. Un enseignant l’exprimait en ces mots : « En anglais, tu peux aller chercher du tangible et de la motivation à apprendre la langue anglaise, surtout [dans notre région]. La tablette permet d’aller chercher des choses que eux aiment, c’est personnalisé, chacun le fait avec ses écouteurs et y va a son rythme. Plus d’activités peuvent être faites et [il y a] beaucoup de sites sur la grammaire en anglais. » (P3)

4.2.3. L'amélioration de la communication entre les élèves et les enseignants et le potentiel de collaboration

La troisième retombée du « Projet Tablette » renvoie à l'amélioration des interactions, des communications et de la collaboration. Selon les données recueillies, l'intégration des tablettes a favorisé la communication et la collaboration entre enseignants, entre enseignants et élèves et entre les élèves. En effet, les données montrent des changements en ce qui a trait à ces trois niveaux d'interaction.

Les changements au niveau de la communication et de la collaboration entre les enseignants se réalisent dans un premier temps de façon très informelle. En fait, les enseignants ne collaborent pas encore à l'aide des iPad pour des projets pédagogiques ou des activités d'enseignement. Ils ont cependant communiqué entre eux pour retrouver un élève dans l’école, pour échanger sur des applications ou pour partager des recettes.

L'intégration des tablettes numériques a également favorisé l'émergence de liens entre les enseignants et les élèves. Ils étaient tous branchés et partageaient un projet commun, celui de réussir l'intégration des tablettes. Selon les enseignants, il était plus facile de créer des liens, d’échanger des applications intéressantes selon des domaines d’intérêts et de transférer des informations aux élèves absents. Certains enseignants ont mis à l'essai des modes de partage et de collaboration avec les étudiants via Google Drive et Dropbox. Un autre a utilisé l'application Edmodo (réseautage social) pendant quelque temps afin de partager et d'interagir plus facilement avec les élèves.

Sur le plan de la communication et de la collaboration, les grands gagnants sont certes les élèves qui apprécient la proximité relative que cet outil leur procure. Ils sont clairement ceux qui exploitent le plus la tablette pour communiquer et partager. Tous les groupes de répondants en ont témoigné. Un enseignant le soulignait de la façon suivante : « Pour les travaux d’équipe, c’est très facilitant. Les élèves n’ont plus à être « ensemble » physiquement. Si un élève est absent, ils se "facetiment". » (P5). Les parents soulignaient quant à eux que l’utilisation des tablettes permettait aux jeunes d’améliorer la communication virtuelle. Les jeunes témoignent abondamment que les tablettes numériques offrent d'importantes possibilités de communication et de collaboration. Ils utilisent, entre autres, les textos, le clavardage, la visiocommunication et les réseaux sociaux. Ils en profitent pour s'échanger des informations susceptibles de les aider à réussir les activités prescrites, partager leurs notes de cours, réaliser les travaux d’équipe ou s'entraider pour leurs devoirs, peu importe la distance réelle qui les sépare.

4.2.4. Le développement des compétences technologiques.

Selon les enseignants, les parents et les élèves, la tablette améliore les compétences technologiques des élèves ainsi que l’intégration des TIC à l’école. L'intégration de la tablette a aussi amené un changement quant à la relation que les acteurs impliqués entretiennent avec la technologie. Les enseignants apprécient l’utilisation des tablettes en classe, tant pour l’impression qu’ils ont de suivre l’évolution de la société par rapport aux technologies que pour les possibilités pédagogiques qu'elles offrent. Ils se sentent plus compétents et davantage au niveau de leurs élèves, et ce, même s’ils sont conscients de leurs besoins de formation à l’utilisation des applications et à l’intégration des tablettes numériques. Les élèves ont également développé un rapport différent aux technologies puisqu'ils les ont utilisées en contexte de travail. Ils doivent apprendre à se concentrer, à exploiter différemment l'outil qu'ils ont entre les mains et à gérer les distractions qui l'accompagnent. À ce titre, les élèves ont précisé que la tablette peut être une source de distraction en classe comme à la maison. Ces distractions seraient causées par le clavardage, l’accès à divers jeux et aux réseaux sociaux ainsi que par la réception d’alertes et de notifications pendant les heures de cours ou de devoirs. Toutefois, les enseignants et les élèves ont reconnu qu’il s’agissait d’un bon contexte pour apprendre à gérer ces distractions.

Les enseignants affirment avoir développé leur patience, avoir changé leurs méthodes de travail et d’enseignement (apprentissage exploratoire, pédagogie inversée, etc.), s’être dépassés et avoir tenté de nouvelles approches. Ils ont appris à se donner le droit à l’erreur et ils ont créé des liens différents et plus collaboratifs avec leurs élèves.

Les parents soulignent que l’utilisation de la tablette offre une ouverture sur le monde et vers l’avenir. Elle est notamment un soutien tangible et une motivation pour apprendre l’anglais. Cet effet collatéral est également souligné par les enseignants.

Les élèves ont ensuite fait preuve d'imagination ; ils témoignent avoir réussi à résoudre des problèmes en imaginant des solutions nouvelles ou en développant des compétences techniques. Quelques élèves sont ainsi devenus des spécialistes de l'Apple TV qu'ils réparent quand cela ne fonctionne pas. Ils ont aussi appris à partager leur compte iTunes et ont développé des stratégies pour partager des applications, s'évitant ainsi des achats coûteux. Quelques jeunes sont aussi clairement identifiés comme étant devenus des "spécialistes" de certaines applications ou de certains problèmes techniques. L'un des groupes a ainsi créé son propre petit service de dépannage.

4.3. Difficultés rencontrées par les trois groupes de répondants

Au terme d’une première année d’expérimentation, les difficultés liées à ce projet peuvent être regroupées en cinq catégories : 1) l’utilisation de la tablette numérique à bon escient, tant à l’école qu’à la maison, 2) le nombre limité d’applications et le peu de matériel scolaire numérisé, 3) le temps d’utilisation de la tablette en classe, 4) les difficultés techniques qui y sont rattachées et 5) le développement des compétences numériques chez les enseignants.

4.3.1. L'utilisation de la tablette numérique à bon escient, tant à l’école qu’à la maison

Plusieurs élèves ont précisé que la tablette peut constituer une importante source de distraction en classe comme à la maison. Selon eux, très souvent, lorsque les enseignants expliquent, plusieurs élèves écoutent et prennent des notes, mais d’autres en profitent pour jouer, d’où leur incapacité par la suite à bien saisir la matière qui leur a été présentée. En fait, plusieurs applications existantes ne sont aucunement reliées à l’apprentissage scolaire proprement dit et viennent perturber la concentration des élèves. S’il est vécu sur une base régulière, ce manque de concentration peut, selon les élèves, avoir un impact significatif sur les résultats scolaires. À cet égard, ils constatent que plus l’année avance, plus ce problème est susceptible de se présenter, car ils connaissent et se partagent de plus en plus de jeux fort intéressants. « Il y en a qui sortent chaque semaine et on a le goût de les essayer ! » Selon eux, bien que les jeux constituent la principale source de distraction, d’autres éléments peuvent aussi venir perturber leur concentration. À titre d’exemple, lorsqu’ils sont en train de travailler, ils reçoivent fréquemment des messages, des photos, etc. qui ne sont pas toujours en lien avec le cours. Donc, il arrive qu'ils clavardent, échangent des textos et des images (Snapchat, Vine, etc.), téléchargent des jeux qu'ils mettent à l'essai ou perdent leur temps en naviguant sur le Web plutôt que de se concentrer sur ce qui se passe en classe.

Pour surmonter cette difficulté, les élèves considèrent qu'il est de leur responsabilité d’apprendre à se concentrer, et ce, malgré les nombreuses distractions possibles. Cette responsabilité leur revient entièrement selon cet élève : « À la place de jouer à des jeux sur le iPad, on peut juste dessiner sur une feuille de papier. On décide ce qu’on fait avec notre matériel. » Selon eux, lorsque le professeur donne son cours, il n’est pas toujours en mesure de déterminer si tous les élèves sont connectés au bon moment. Du point de vue des étudiants, certains enseignants semblent cependant avoir développé des moyens efficaces pour assurer un certain contrôle à cet effet. «Dans ces cours-là, on ne joue pas», confirmait un élève. Des élèves affirment avoir entendu dire qu’une application pourrait être utilisée par les enseignants, dès l’an prochain, afin de leur permettre de savoir si un élève se déconnecte de l’application utilisée dans le cadre du cours pour aller ailleurs. Ils déclarent être tout à fait contre ce genre de contrôle, sauf dans le cadre des périodes réservées aux examens, car selon eux, ils doivent apprendre à gérer eux-mêmes l’utilisation qu’ils doivent faire de la tablette.

Si l’on se base sur les propos relatés par les enseignants sur ce même sujet, ce problème lié à l’utilisation de la tablette en classe n’aurait pas du tout la même ampleur. Selon eux, les élèves sortent la tablette lorsqu’ils leur demandent et ils la rangent aussi au moment opportun. Pendant la période de travail, ils ont l’impression d’avoir le contrôle quant à l’utilisation qui en est faite, ce qui ne serait apparemment pas toujours le cas selon les élèves !

Les parents, quant à eux, identifient l’utilisation à bon escient comme étant le principal problème lié à la tablette numérique. Un doute persiste quant à l’utilisation de la tablette à son plein potentiel, c’est-à-dire à des fins plus scolaires que ludiques. Ils disent constater les pertes de temps et les nombreuses distractions associées à son l’utilisation lors des cours et des devoirs. Par exemple, les élèves mettraient plus de temps qu’auparavant à faire leurs devoirs. En fait, ils passent parfois des heures à faire leurs « devoirs » alors que les parents savent très bien qu’ils jouent au lieu de travailler, mais ils n’osent pas restreindre l’utilisation de la tablette, car ils en ont supposément besoin pour faire leurs « devoirs ». Les distractions seraient causées notamment par le clavardage, l’accès à divers jeux, aux réseaux sociaux ainsi que par la réception d’alertes et de notifications de toutes sortes. Les parents croient que ce problème relatif à la gestion du temps-écran doit également se poser à l’école, d’où l’importance de demeurer vigilant dans les deux milieux.

Les parents se questionnent aussi sur les effets de la surutilisation de l’informatique par leur enfant, partout et en tout temps (chambre, salle de bain, autobus, repas...) et sur le manque de contrôle face à l’utilisation d’internet. Un parent parle même de la tablette comme d'un autre "jouet technologique". Ils insistent sur la nécessité de sensibiliser les jeunes au bon usage qu’ils doivent faire des technologies ainsi qu’aux règles liées à la sécurité informationnelle. Selon eux, afin d’éviter le plus d’écueils possible, il importe de faire preuve de rigueur, tant à l’école qu’à la maison.

4.3.2. Le nombre limité d’applications et le peu de matériel scolaire numérisé

Les trois groupes interrogés, à savoir les élèves, les enseignants et les parents, déplorent le fait que les applications utilisées soient en nombre très limité et que la plus grande partie du matériel scolaire ne soit pas disponible en version numérique. Les enseignants apportent cependant une nuance en indiquant que ce qui pose réellement problème, ce n’est pas tant le nombre d’applications disponibles que leur connaissance de l’existence de ces applications. Très souvent, l’application qu’ils souhaiteraient utiliser dans le cadre de leur discipline existe, mais ils manquent de temps pour effectuer les recherches nécessaires afin de la découvrir, mais aussi, pour se l’approprier.

Quant aux parents, plusieurs d’entre eux semblent à la fois étonnés et déçus par le fait que même en faisant partie du « Projet Tablette », leur enfant utilisent encore autant de papier, ce qui constituent, selon eux, une source de gaspillage. En fait, certains croyaient que la tablette remplacerait, du moins en grande partie, les volumes scolaires, mais force est de constater que les élèves doivent posséder tous les volumes en plus de la tablette, ce qui génère des frais supplémentaires.

4.3.3. Le temps d’utilisation de la tablette en classe

La troisième difficulté renvoie au temps d'utilisation de la tablette en classe. En effet, les élèves jugent que la tablette est loin d’être suffisamment utilisée dans tous les cours et selon leurs dires, cette « sous-exploitation » de l’outil crée chez eux une démotivation. Ils parlent en fait d’un manque d’équilibre, car certains enseignants l’exploitent suffisamment tandis que d’autres ne le font pas assez.

Les enseignants semblent partager l’avis des élèves à cet effet, mais ils expliquent cette difficulté par le fait qu’ils en viennent à manquer d’idées et, surtout, à manquer de temps pour arriver à planifier des activités intégrant la tablette numérique. Aussi, le fait de devoir enseigner la même matière à des groupes du « Projet Tablette » et à des groupes n’en faisant pas partie complique leur travail. Ils doivent réaliser deux types de planification pédagogique. Enfin, certains affirment qu’étant donné leur manque de connaissances et de compétences en lien avec les TIC, le pilotage de ces activités peut également s’avérer très ardu, d’où leur réticence à mettre en place un grand nombre de « nouveautés » qui pourraient par ailleurs être fort intéressantes et pertinentes en lien avec l’apprentissage de leur discipline.

Considérant également que la tablette pourrait être exploitée bien davantage en classe, certains parents se questionnent à savoir si le choix d’utiliser ou non cet outil est laissé à la discrétion de l’enseignant. Lorsqu’ils ont donné leur aval pour que leur enfant fasse partie d’une classe tablette, ils croyaient que celle-ci serait utilisée dans le cadre de tous les cours, ce qui, selon eux, n’est pas le cas actuellement. Bien que les parents disent constater qu’il reste beaucoup à faire pour optimiser l’utilisation de la tablette numérique en classe, ils estiment qu’il s’agit-là d’un investissement qui en vaut la peine.

4.3.4. Les difficultés techniques qui y sont rattachées

Les élèves mettent réellement l’accent sur les difficultés techniques qui semblent les préoccuper voire même, selon leurs propos, les démotiver. Les principaux problèmes relatés sont en lien avec le réseau sans fil, qui bien qu’amélioré, serait encore trop lent lorsqu’un grand nombre de personnes tentent de s’y connecter en même temps. L'utilisation de l'Apple TV occasionne également certaines difficultés, notamment sur le plan de la fluidité et du son. Tous ces blocages techniques ont pour effet de ralentir la progression de leurs travaux. Ils ont même déjà été dans l’obligation de reporter des activités prévues (par exemple, un exposé oral incluant une présentation PowerPoint). Il semble aussi qu’il soit parfois compliqué de transférer et d’imprimer des fichiers, d’envoyer des travaux et de travailler sur une longue période étant donné la limite imposée par la durée de charge de la batterie. Les élèves relatent quelques pertes de données et certains bris matériels (ex. : écrans cassés) qui n'auraient toutefois pas empêché le bon fonctionnement des appareils. Certains élèves avouent aussi ne pas toujours penser à faire recharger la batterie de leur tablette.

Les enseignants insistent également sur les fréquents problèmes techniques en lien avec le réseau, le projecteur numérique, etc. Ils font également part des difficultés qu’ils éprouvent lorsque vient le temps de gérer et d’archiver les travaux numériques des élèves tout en soulignant le fait que la correction de ces travaux s’avère plus longue et moins objective étant donné qu’ils savent toujours à qui appartient la copie en question.

Quant aux parents, ceux-ci affirment avoir parfois été témoins de la perte de travaux non enregistrés. Ils déplorent aussi le fait qu’à l’occasion, aucune explication n'est fournie en lien avec la façon d’accéder à certains sites ou de télécharger des outils. Enfin, ils considèrent que l’élève qui participe à un projet de ce genre doit nécessairement posséder des connaissances technologiques supérieures à la moyenne.

4.3.5. Le développement des compétences technologiques chez les enseignants

La cinquième difficulté identifiée à partir des données recueillies renvoie au développement des compétences numériques des enseignants. Les élèves constatent que tous les enseignants ne sont pas au même niveau quant à l’intégration des technologies. Avant même que ne débute le projet, certains étaient déjà très à l’aise alors que d’autres n’en étaient qu’à leurs premiers balbutiements relativement à l’utilisation de la tablette iPad. Les élèves remarquent que certains éprouvent de plus grandes difficultés et qu’ils gagneraient à développer davantage ces compétences - moins de perte de temps donc plus d’efficacité -, mais ils mettent également en évidence la bonne volonté de plusieurs enseignants qui veulent s’engager en ce sens et qui persévèrent, qui font des tentatives, des essais, tout en instaurant une certaine discipline et en faisant preuve de rigueur. Les parents soulignent aussi ce problème relié à la compétence numérique de certains enseignants tout en valorisant également les nombreux efforts déployés dans une perspective d’amélioration.

Pour plusieurs enseignants, le niveau de compétence technologique en début de projet représentait une réelle difficulté. Bien qu’ils affirment se trouver plus compétents aujourd’hui, à la suite d'une première année d’expérimentation, ils sont conscients qu’il leur en reste beaucoup à apprendre pour parvenir au niveau d’efficacité souhaité, d'où l'importance de prendre en considération les exigences et les besoins de formation qu'ils expriment à cet effet.

4.4. Exigences et besoins de formation exprimés par les enseignants

Afin d’en arriver à développer ou à consolider les compétences numériques nécessaires à l’utilisation et à l’intégration pédagogique de la tablette, les enseignants expriment quelques exigences tout en identifiant certains besoins de formation. Ces exigences et besoins de formation associés au « Projet Tablette » portent principalement sur trois éléments : le temps dont ils disposent, l’accès à des listes d’applications disponibles et à des procéduriers décrivant leurs fonctionnalités et la mise en place d’un type de formation continue leur permettant d’être efficaces à court terme.

Selon eux, le fait de participer à un projet pilote de cette envergure constitue un surplus de travail important, d’où le manque de temps, identifié par l’ensemble des enseignants comme étant un problème majeur. Comme mentionné antérieurement, les enseignants disent manquer de temps pour trouver des applications, pour se les approprier, pour élaborer des activités et du matériel, pour se rencontrer, échanger et s’entraider. De plus, ils doivent planifier « en double », ce qui pourrait être évité si tous les élèves faisaient partie du « Projet Tablette ». Cela serait, selon leurs dires, une très bonne chose, car on préviendrait ainsi toute forme de ségrégation. Cette difficulté liée au temps semble avoir constitué une source de stress et de fatigue professionnelle pour plusieurs enseignants, lesquels souhaiteraient à l’avenir pouvoir bénéficier de tâches d’enseignement allégées.

Tous les enseignants manifestent aussi très clairement le souhait d’avoir accès à une liste détaillée d'applications disponibles, classées par disciplines et ordonnées selon un ordre d’importance d’intégration en classe. Le fait de pouvoir recourir à des procéduriers, en version papier, renseignant sur le potentiel et l’utilisation de ces applications, vulgarisés et accompagnés de photos, seraient également facilitant pour eux.

Finalement, étant donné les limites imposées par le manque de formation dans le cadre de ce projet, les enseignants n’ont pas toujours eu l’impression de posséder les compétences nécessaires pour être en mesure de relever les défis qui se présentaient à eux. Afin de pallier ce problème, ils souhaitent dorénavant pouvoir bénéficier de plus de soutien et de formation, notamment par discipline. À titre d’exemple, un enseignant de français plus compétent et/ou plus expérimenté au plan des TIC, pourrait soutenir et former les autres enseignants de cette même discipline. Ils apprécieraient également qu’une personne ressource puisse être disponible sur place et « à la demande ».

En somme, dans un premier temps, les enseignants ont besoin de se sentir plus à l’aise sur le plan purement technique, et ce, selon leur propos, « pour être en mesure de faire face efficacement aux problèmes inattendus ». D’autres besoins, davantage d’ordre didactique et pédagogique, surgiront probablement ultérieurement, une fois cette phase d’initiation complétée.

5. Discussion

Ce premier regard sur le projet d'intégration de tablettes iPad dans deux groupes de troisième secondaire montre que tout n'est pas parfait. Il y a plusieurs retombées positives associées à l'usage des tablettes numériques, mais la mise en place de ce projet a aussi occasionné des inconvénients et est associée à quelques difficultés. Cette section tente de remettre l'ensemble de ces résultats en perspective et de tracer le chemin à parcourir pour que ce projet puisse perdurer tout en ayant l'impact le plus positif possible sur la formation des élèves. Dans l'ensemble, on constate que nos résultats préliminaires recoupent les résultats d'autres recherches ou publications. Positives ou négatives, les observations effectuées dans le cadre de cette première année d'implantation trouvent une résonance certaine dans d'autres projets et chez d'autres auteurs.

Dès le départ, les conditions mises en place cette année par la direction étaient propices à l'intégration d'outils mobiles. Dans les faits, la direction et le comité TIC ont réussi à regrouper plusieurs des conditions supposées faciliter l'insertion de l'apprentissage mobile dans les cadres actuels de l'éducation décrits par Schuler, Winters et West (Schuler et al., 2013). D'abord, il faut dire qu'il y a eu peu de résistance sociale si l'on considère que les parents étaient nombreux à vouloir inscrire leur enfant le soir même où on leur a présenté le projet et que la direction a réussi à convaincre un nombre suffisant d'enseignants de tenter l'expérience pour au moins un an. À cet effet, l'un des facteurs facilitant était probablement l'existence d'exemples de réussites technopédagogiques à l'intérieure même de l'école. Au moins deux enseignants de l'école, impliqués de près (enseignant de troisième secondaire) ou de loin (membre du comité TIC) dans le projet, sont clairement identifiés par leurs pairs comme étant très compétents sur le plan technologique. Dans le passé, ils avaient initié, chacun de leur côté, plusieurs projets technologiques réussis. Le tout s'était bien déroulé et cette information a probablement circulé au sein des membres du personnel enseignant de l'école.

Ensuite, bien que l'école n'ait pas vécu de pressions externes pour mettre en branle ce projet, il faut tout de même souligner qu'elle a reçu l'appui financier de partenaires externes qui reconnaissaient ainsi la pertinence du projet et l'encourageaient concrètement. Si l'on ajoute à cela la collaboration avec des chercheurs de l'université, l'école et son comité TIC ont réussi à relever partiellement l'un des défis identifié par Schuler, Winters et West (Schuler et al., 2013) et considéré comme étant une limite à la réalisation du plein potentiel de l'apprentissage mobile soit la création d'un partenariat large qui permet la mise en place de projets de grande importance.

Aussi, dans une certaine mesure, l'école est parvenue à restructurer son environnement pour soutenir l'utilisation des iPad en améliorant son réseau sans fil. Selon Crichton, Pegler et Duncan (Crichton et al., 2012), ce serait une condition importante pour le succès du « Projet Tablette ». Selon ces mêmes auteurs, le fait d'adopter une formule selon laquelle les élèves sont propriétaires de leur tablette et peuvent la personnaliser en fonction de leurs souhaits contribue probablement aussi à la réussite de ce projet. Ainsi, il n'est peut-être pas surprenant que ce projet pilote soit amené à prendre davantage d'ampleur l'an prochain, passant de deux à huit groupes répartis de la première à la quatrième année du secondaire. Par contre, au moins deux conditions, identifiées par Crichton, Pegler et Duncan (Crichton et al., 2012) semblent encore à travailler par l'école et son comité TIC. D'abord, l'école devra continuer à soutenir les enseignants dans l'appropriation de la technologie. Les données montrent que tous les enseignants essaient d'intégrer la tablette, mais que certains réussissent mieux que d'autres ou le font plus souvent. Selon Crichton, Pegler et Duncan, il est important pour le succès d'un tel projet de traiter les enseignants comme des apprenants et de combler leurs besoins d'apprentissage. Ces derniers doivent pouvoir se concentrer à intégrer la tablette au curriculum de manière signifiante. Sans les connaissances et les compétences requises, ils seront incapables d'y arriver. Étant tout à fait conscients de cela, ceux-ci réclament plus de temps pour se préparer et pour s'approprier l'outil en question. Toutes les mesures que l'école pourra mettre en place en lien avec l'appropriation et le temps risquent donc d'avoir des effets positifs. Ensuite, tous les parents ne semblent peut-être pas aussi convaincus qu'ils pourraient l'être concernant le bien-fondé de ce projet. Le commentaire d'un parent qui considère la tablette comme un autre "jouet technologique" est lourd de sens. Ce dernier n'est certainement pas persuadé que la tablette est un outil de travail utile. Avec l'expansion du projet l'an prochain, le nombre de participants augmentera et inévitablement « les moins convaincus » aussi. Il deviendra important d'informer les gens à propos des réussites et des efforts mis en place pour éviter les écueils et corriger les problèmes identifiés.

Dans une perspective davantage orientée vers l'apprentissage, le projet d'intégration de tablettes iPad vécu dans cette école semble avoir réussi à créer des conditions propices au développement des compétences nécessaires pour faire face au 21e siècle (Anderson, 2010), par les élèves, mais aussi par les enseignants. Plusieurs changements ou retombées observés pointent à tout le moins dans cette direction. L'intégration des tablettes et la mise en place du réseau sans fil, malgré les critiques formulées par certains vis-à-vis ce dernier, semblent favoriser le développement de compétences communicationnelles nécessaires à une époque à laquelle les médias et les sources d'information se multiplient et se croisent. Les élèves apprécient déjà ce changement et ont commencé à l'exploiter à des fins pédagogiques d'une manière qu'ils jugent avantageuse. Ils échangent documents et informations, collaborent malgré la distance, de façon synchrone et asynchrone, etc. Certains enseignants ont aussi commencé à expérimenter de nouvelles façons de communiquer avec leurs élèves. Citons simplement la mise à l'essai d'Edmodo (réseautage social pensé pour l'éducation) par un enseignant. Tous les enseignants ne sont cependant pas au même niveau en ce qui à trait à ce domaine. Et même, certains ne sont peut-être pas encore convaincus du potentiel éducatif des appareils mobiles. Selon Schuler, Winters et West (Schuler et al., 2013), il s'agit là d'une barrière à la mise en place de l'apprentissage mobile. Il conviendra probablement d'étudier cette question et d'offrir plus de soutien à certains enseignants afin de maximiser les chances de réussite du « Projet Tablette ». L'initiative du comité TIC visant à former différemment les enseignants en fonction de leur degré de compétences offre, par ailleurs, des perspectives intéressantes à ce niveau.

Parmi les compétences du 21e siècle décrites par Anderson (Anderson, 2010), celles liées à la communication sont probablement les plus touchées par la mise en place de ce projet. C'est en lien avec cet aspect que nous observons peut-être le changement le plus important et le plus rapide. Les constats relatifs aux changements interactionnels dans ce projet sont cohérents avec les observations de Gong et Wallace (Gong et Wallace, 2012) à l'effet que l'intégration des tablettes numériques favorise l'apparition de nouvelles dynamiques communicationnelles. On peut constater que les observations effectuées dans le cadre de ce projet recoupent celles de Gong et Wallace d'autres manières. Ainsi, nous avons pu remarquer que les jeunes avaient d'abord tendance à jouer avec la tablette et à l'utiliser pour communiquer à des fins personnelles. On sait maintenant que celle-ci est souvent perçue comme étant une source de distraction. Selon les enseignants, cette situation s'est améliorée en cours d'année, ce qui, de l'avis des élèves, ne semble pas être le cas. Cela peut être attribuable au fait que les élèves sont plus sensibles à cette réalité, plus conscients de cette problématique, donc ils le remarquent davantage. Cela pourrait aussi être lié à une mauvaise perception de la situation par les enseignants. Quoi qu'il en soit, le fait que la tablette soit d'abord ou souvent considérée pour son potentiel ludique correspond, en partie, à la perception initiale de la majorité des répondants de l'enquête menée par Gong et Wallace. Dans le cadre de notre étude, cela correspond aussi à la perception exprimée par certains parents. Étant donné le nombre important de jeux offerts pour cette plateforme, le design de l'outil y est probablement pour quelque chose. Par exemple, le fait de pouvoir influer directement sur le comportement d'un objet en inclinant la tablette ou en cliquant sur un obstacle visible à l'écran est simplement plus intuitif que de devoir manipuler des boutons sur une télécommande et un très grand nombre de développeurs en profitent dans le but de faire du profit. Il est alors du ressort des pédagogues de déterminer la façon d'utiliser et d'exploiter les caractéristiques de l'outil, dont sa grande connectivité, ainsi que les applications disponibles afin de le rendre profitable pour l'apprentissage. Malgré tout, la position des jeunes quant au caractère distracteur de la tablette iPad apparait être très constructive et encourageante en regard du futur. Elle nous ramène aussi aux impacts de la tablette sur la communication. En effet, les jeunes reconnaissent l'effet distracteur de la tablette et ses conséquences probables sur l'apprentissage, mais ils pensent être en mesure d'apprendre et de se discipliner. Ce qu'ils réclament, c'est qu'on les accompagne. Or, tous les enseignants ne semblent pas conscients que certains élèves se laissent distraire et, au contraire, plusieurs parents décrient les trop nombreuses distractions que la tablette suscite et réclament plus de contrôle. Il convient cependant de rappeler que les élèves utilisent la tablette pour se coordonner lors de projets, pour collaborer, pour échanger des informations pertinentes ou encore pour échanger entre eux ou compléter mutuellement leurs notes de cours. Pour ce faire, ils utilisent le clavardage, la messagerie instantanée, le courriel, FaceTime et d'autres moyens qu'ils jugent utiles et pertinents. Simultanément à l'adoption de ces nouvelles habitudes de communication, on note aussi, entre autres, que la qualité des travaux augmente et qu'ils sont mieux présentés. Devant de tels constats, doit-on automatiquement mettre à l'avant-plan l'effet distracteur de la tablette parce qu'on observe que les élèves échangent parfois des messages à des moments jugés inopportuns ou qu'ils prennent plus de temps pour faire leurs devoirs? Certains aspects de l'effet distracteur de la tablette tels le clavardage et la messagerie instantanée sont possiblement associés aux changements en cours dans les méthodes de travail qu'il faut reconsidérer avec plus de soin et avec lesquelles il faudra probablement familiariser les enseignants et les parents. Tout en étant réaliste et en sachant pertinemment que les jeunes perdent parfois réellement leur temps, il faut prendre conscience que nous assistons à des changements importants sur le plan des pratiques et que les élèves, tout comme les enseignants, ont besoin d'être guidés et appuyés à l'intérieur de ce processus.

6. Conclusion

Comme Crichton, Pegler et Duncan (Crichton et al., 2012) et Karsenti et Fièvez (Karsenti et Fièvez, 2013), nous concluons également que les iPad sont des outils prometteurs si certaines conditions pédagogiques et technologiques sont respectées. L'environnement scolaire doit être structuré pour soutenir l'apprentissage mobile (réseau sans fil performant, guides définissant les usages acceptables à l'école, guides d'utilisation des applications, etc.), mais surtout, il faut combler les besoins de soutien et de formation des enseignants qui intègrent les tablettes dans leur pratique et être attentif aux changements occasionnés tout en évitant de les interpréter trop rapidement ou selon un cadre qui ne prend pas en compte les changements se produisant. Les changements au niveau communicationnel semblent être parmi les premiers provoqués, à tout le moins chez les élèves qui intègrent rapidement certains comportements, associés d'abord aux loisirs et à la vie privée, au contexte pédagogique. Dans le futur, il sera intéressant de continuer d'analyser la façon dont ces changements évoluent et sont interprétés par les autres acteurs impliqués dans ce projet. Il faudra aussi observer si les enseignants réussiront à mettre ces nouvelles stratégies communicationnelles à profit et, si tel est le cas, déterminer comment ils les exploitent et dans quelle mesure cela est positif. Enfin, les stratégies qui seront mises en place dans le but de former les enseignants et de leur accorder le temps qu'ils réclament pour réussir l'intégration des tablettes seront d'une importance capitale, car elles pourront contribuer au succès du projet ou, à l'opposé, pratiquement le condamner. L'école ayant décidé de continuer à s'investir dans l'intégration des tablettes, les chercheurs poursuivront le travail en lien avec cet établissement et centreront leurs activités sur la formation des enseignants ainsi que sur les pratiques collaboratives et communicationnelles des acteurs impliqués.

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A propos des auteurs

Patrick GIROUX, Ph.D., est professeur au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Chicoutimi (http://www.uqac.ca) où il est responsable des cours traitant de l'intégration pédagogique des TIC. Il est chercheur associé au CRIFPE (http://crifpe.ca/). Ses intérêts actuels de recherche sont liés à l'intégration des TIC en milieu éducatif ainsi qu'à la formation des enseignants dans ce domaine. Plus spécifiquement, ses travaux actuels portent sur les impacts de l'intégration massive des tablettes en plus d'étudier et d'orienter les mécanismes de formation des enseignants, le niveau et le développement de l'esprit critique des futurs enseignants par rapport à Internet, l'usage des réseaux sociaux par les jeunes d'âge primaire ainsi que l'utilisation pédagogique des tableaux numériques interactifs (TNI).

Adresse : Département des sciences de l'éducation, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), 555, boulevard de l'Université, Chicoutimi (Québec), Canada,G7H 2B1

Courriel : pgiroux@uqac.ca

Toile : http://pedagotic.uqac.ca

Nadia CODY, Ph. D., est professeure au Département des sciences de l’éducation et coordonnatrice pédagogique du Bureau de la formation pratique en enseignement de l’Université du Québec à Chicoutimi. Depuis plusieurs années, elle réalise des projets de recherche collaborative avec des intervenants impliqués dans la formation à l’enseignement. Son enseignement et ses recherches portent sur la supervision pédagogique, tant sur le plan des fondements que sur l’instrumentation didactique. Elle s’intéresse aussi au développement des compétences professionnelles des enseignants dans une perspective d’intégration de la théorie et de la pratique, en formation initiale et continue, et à la pédagogie en enseignement supérieur.

Adresse : Département des sciences de l'éducation, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), 555, boulevard de l'Université, Chicoutimi (Québec), Canada,G7H 2B1

Courriel : Nadia_Cody@uqac.ca

Sandra COULOMBE est docteure en Éducation et professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi en enseignement professionnel. Ses activités d’enseignement concernent l’insertion sociale et professionnelle, la collaboration dans les centres de formation professionnelle et la formation pratique des enseignants en formation professionnelle. Ses intérêts de recherche portent sur l’apprentissage en situation de travail, la reconnaissance des acquis, l’insertion professionnelle et la collaboration en formation professionnelle. Elle dirige le Module d’enseignement secondaire et professionnel à l’UQAC, depuis juin 2011, et est chercheure-associée au CRIPFE.

Adresse : Département des sciences de l'éducation, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), 555, boulevard de l'Université, Chicoutimi (Québec), Canada,G7H 2B1

Courriel : Sandra_Coulombe@uqac.ca

Suzie GAUDREAULT est enseignante en adaptation scolaire et sociale et chargée de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Elle complète une maitrise en éducation dont le sujet de recherche porte sur le potentiel des jeux vidéo destinés au divertissement en contexte scolaire en lien avec la réussite scolaire des garçons. Elle collabore à titre d’assistante de recherche à différents projets portant sur l’utilisation des TIC en éducation. De plus, elle fait du soutien pédagogique auprès des étudiants de différents professeurs et chargés de cours de l’UQAC depuis 2009.

Adresse : Département des sciences de l'éducation, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), 555, boulevard de l'Université, Chicoutimi (Québec), Canada,G7H 2B1

Courriel : suziesourie@live.ca

 

 
Référence de l'article :
Patrick GIROUX, Sandra COULOMBE, Nadia CODY, Suzie GAUDREAULT, L'utilisation de tablettes numériques dans des classes de troisième secondaire : retombées, difficultés, exigences et besoins de formation émergents , Revue STICEF, Volume 20, 2013, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 27/02/2014, http://sticef.org
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Mise à jour du 31/03/14