Contact :
infos@sticef.org
|
La Toile et la pensée critique : une
conceptualisation deleuzienne
Jimmy BOURQUE, Natasha PRÉVOST et Mathieu LANG
(Université de
Moncton)
|
RÉSUMÉ : L’importance
de l’intégration des TIC aux programmes de formation est
soulignée depuis déjà plusieurs années. Par
ailleurs, la pensée critique occupe une place prépondérante
dans les projets éducatifs. Or, l’école fournit un
référentiel de jugement dont l’orthodoxie est
défendue par l’évaluation des apprentissages et la sanction
des études. Dans ce contexte, l’élève apprend
à travers la confiance qu’il porte à ses enseignantes et
enseignants. L’un des apports de la Toile serait alors
l’accès facile pour les élèves à
d’autres sources d’expertise que leurs enseignantes et enseignants.
Plusieurs auteurs font l’hypothèse que l’utilisation des TIC
contribuerait au développement et à l’expression de la
pensée critique. Avec ce texte, nous explorons ce phénomène
à travers un regard deleuzien (la dichotomie lisse/strié) sur les
études empiriques publiées sur le sujet. Il s’agit de se
demander si la forme scolaire s’avère propice à
l’expression et au développement de la pensée critique. Les
recherches empiriques menées à ce sujet présentent des
résultats au mieux mitigés : globalement, il serait
exagéré de prétendre à un effet facilitateur
systématique du recours aux TIC sur l’éclosion de la
pensée critique.
MOTS CLÉS : TIC,
pensée critique, Toile, forums virtuels, lisse, strié.
|
|
ABSTRACT : The
importance of integrating ICTs into school programs has been stressed for many
years. Also, critical thinking skills take a dominant place in school curricula.
However, schools provide a frame of reference whose orthodoxy is defended by
assessment and certification processes. In this context, students learn through
their trust towards their teachers. One of the Web’s contributions would
be an easy access for students to sources of expertise other than their
teachers. Many authors hypothesize that ICT use would contribute to the
development and expression of critical thinking. With this paper, we explore
this phenomenon though a deleuzean lens (the smooth/striated dichotomy) by
analysing empirical studies on this topic. Precisely, we examine whether the
school environment is conducive to developing and expressing critical thinking.
Empirical studies show, at best, mitigated outcomes: globally, it would be
exaggerated to claim that ICTs foster critical thinking.
KEYWORDS : ICTs,
critical thinking, Web, virtual forums, smooth, striated.
|
1. Introduction : Racines de l’alliance entre pensée
critique et technologies
There's a time when the
operation of the machine becomes so odious, makes you so sick at heart that you
can't take part! You can't even passively take part! And you've got to put your
bodies upon the gears and upon the wheels, upon the levers, upon all the
apparatus -and you've got to make it stop! And you've got to indicate to the
people who run it, to the people who own it- that unless you're free the machine
will be prevented from working at all! (American Rhetoric, 2007),
p. 2.
Ces paroles, prononcées par l’activiste étudiant Mario
Savio sur le campus de l’Université Berkeley en 1964, se situent
dans l’esprit d’une époque, une Zeitgeist, qui anime
les sociétés occidentales de la deuxième moitié des
années soixante jusque dans les années soixante-dix, et qui
culminera, en France, avec mai 1968. À cette époque, Bourdieu et
Passeron publient La reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970),
Illich écrit Deschooling Society (Illich, 1971) et
Freire, La pédagogie des opprimés (1969), mais
publié en 1974 (Freire, 1974).
C’est dans ce terreau fertile qu’un élan nouveau galvanise le
discours sur la pensée critique et sa place à l’école
et dans les universités (un premier élan avait été
donné, dans la foulée des idées de John Dewey sur la
pensée réfléchie, par George S. Counts aux
États-Unis dans les années 1920 et 1930, mais avait
été interrompu par la montée du patriotisme contingent
à la Deuxième Guerre Mondiale) (Lagemann, 2000).
Cette même époque voit les technologies de l’information
et de la communication (TIC) se développer à un rythme tel que
l’on entrevoit des bouleversements majeurs de la société
industrielle moderne. Plusieurs intellectuels se font alors les oracles
d’une nouvelle société
« postindustrielle » (Bell, 1976),
« postmoderne » (Lyotard, 1979) ou même d’un « village global » (Macluhan, 1964),
assis sur les fondations de l’explosion des
télécommunications. Dans ce nouveau monde, l’accès
à l’information se trouve facilité au point d’inonder
le sujet récepteur. Le contenu laisse en partie place à
l’emballage, qui se doit d’abord de susciter
l’intérêt de la cible du message. Du coup, c’est la
nature même du savoir et de sa construction qui s’en trouve
métamorphosée (Kumar, 1995).
C’est au confluent de ces deux mouvances que naît la question de
l’effet des TIC sur la consommation du savoir. Alors que certains
(Bell, Macluhan) se montrent optimistes, d’autres conçoivent le
développement soudain des média de masse comme
l’avènement d’une communication unidirectionnelle, d’un
monumental soliloque où l’individu est réduit au statut de
terminal désincarné (Baudrillard, 1972) ; (Baudrillard, 1985).
De leur côté, les pédagogues militants Freire et Illich
prônent la création de réseaux de partage de savoirs,
d’une forme de troc intellectuel, pour échapper à
l’hégémonie de l’éducation étatique. Les
avenues ouvertes par les TIC ne pourraient pas mieux cadrer avec le projet
subversif de ces auteurs. Entre les démultiplications du possible et les
nouvelles menaces, quel impact les TIC peuvent-elles avoir sur le
développement de la pensée critique ? C’est sur cette
alliance que nous porterons un regard conceptuel, appliqué au contexte
actuel de la classe.
2. Les TIC dans le projet éducatif
L’importance de l’intégration des
TIC aux programmes de formation francophones du Québec et du
Nouveau-Brunswick, pour se limiter à ceux-ci, est soulignée depuis
déjà plusieurs années. Au Québec, la huitième
compétence du référentiel de la formation à
l’enseignement consiste d’ailleurs à
« Intégrer les technologies de l’information et des
communications aux fins de préparation et de pilotage
d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de
l’enseignement et de développement professionnel » (Gouvernement du Québec, 2001) p. 107. Au niveau des curricula du primaire et du secondaire, la place de choix
présentement octroyée aux TIC est annoncée par le Plan
stratégique du ministère de l’Éducation, des Loisirs
et du Sport 2005-2008 (Gouvernement du Québec, 2005) et réaffirmée par le Programme de formation de
l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2006a), (Gouvernement du Québec, 2006b), (Gouvernement du Québec, 2006c).
De façon similaire, le rôle crucial des TIC en enseignement et
en formation à l’enseignement est mis de l’avant par
l’énoncé de mission de la Faculté des sciences de
l’éducation de l’Université de Moncton, au
Nouveau-Brunswick (Gouvernement du Nouveau-Brunswick, 2007).
Aux niveaux primaire et secondaire, le Nouveau-Brunswick fait figure de chef de
file au Canada dans l’intégration des TIC en milieu scolaire, comme
en fait notamment foi le projet d’accès direct à
l’ordinateur portatif (ADOP), une ambitieuse initiative visant
éventuellement à doter chaque élève et chaque
enseignant de la province d’un tel outil (Blain et al., 2007).
3. La pensée critique dans le projet éducatif
Par ailleurs, la pensée critique,
définie largement, désigne « un effort conscient de
concentrer ses pensées sur une situation en vue de décider quoi
faire ou quoi croire1 » (Daud et Husin, 2004) p. 478. Selon Lipman (Lipman, 2003),
la pensée critique 1) facilite le jugement parce qu’elle 2) est
guidée par des critères, 3) est auto-correctrice et 4) tient
compte du contexte. Paul (Paul, 1992) en
souligne, lui aussi, le caractère dirigé, discipliné. La
pensée critique serait donc apparentée au concept
d’Ideologiekritik, « un processus d’enquête
réflexive autodisciplinée qui permet de voir à travers et
au-delà des structures
idéologiques2 » (Norris, 1992) p.
113, et à celui de pensée réfléchie :
« le résultat de l'examen serré, prolongé,
précis, d'une croyance donnée ou d'une forme hypothétique
de connaissances, examen effectué à la lumière des
arguments qui appuient celles-ci et des conclusions auxquelles elles
aboutissent3 » (Dewey, 1910) p.
6. Cette habileté à porter un regard inquisiteur sur le savoir
occupe une place prépondérante dans les projets éducatifs
étudiés et ce, à plusieurs niveaux. Au Québec, il
s’agit d’abord d’une compétence essentielle en
formation à l’enseignement. Dans son référentiel de
compétences, le ministère de l’Éducation (2001)
écrit :
C’est pourquoi le pédagogue cultivé ne peut se limiter
à n’être qu’une courroie de transmission de contenus
produits en dehors de lui comme si ces contenus étaient neutres. Non
seulement il lui faut se les approprier et en saisir la structure mais il doit
aussi en voir les conditions d’émergence et les limites. En ce
sens, le maître doit être capable de procéder à une
lecture critique de la discipline enseignée et du programme de formation
(p. 64).
Au niveau scolaire, la capacité d’exercice du jugement critique
apparaît comme compétence transversale dans le Programme de
formation de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2006a), (Gouvernement du Québec, 2006b), (Gouvernement du Québec, 2006c) et transcende donc les cloisonnements disciplinaires.
Le Nouveau-Brunswick va dans le même sens, tant au niveau de la
formation initiale à l’enseignement (Université de Moncton, 2001) que de la formation générale de niveaux primaire et secondaire (Gouvernement du Nouveau-Brunswick, 2007).
En fait, le Ministère de l’éducation s’engage
même à :
Créer le Groupe d’action sur la pensée critique. Il
veillera à ce que l’ensemble des programmes d’études
et les mécanismes d’évaluation tiennent compte des
éléments de la pensée critique. De plus, il
s’assurera que les résultats d’apprentissage des programmes
d’études favorisent des activités éducatives qui
suscitent une participation active des élèves et stimulent leur
curiosité intellectuelle (p. 19).
4. L’exercice de la pensée critique
Il peut être à propos ici de
s’attarder sur ce que suppose l’exercice de la pensée
critique. Le premier exemple nous vient de Socrate, pour qui se connaître
soi-même consiste à observer ses pensées en se
plaçant au-dessus de ses sentiments et de ses opinions. Socrate objective
le savoir immédiat de l’opinion et des préjugés
à travers l’examen critique ; il questionne et déstabilise
ce qui, à première vue, semble évident. Ainsi, serait
critique celui qui, comme Socrate, mettrait en suspens ses certitudes,
questionnerait l’évidence, analyserait les
présupposés et dépasserait sa simple opinion. Les dialogues
socratiques semblent d’ailleurs montrer le caractère
aporétique de tout discours qui voudrait se poser sous une forme
dogmatique. Dans les projets éducatifs des sociétés
contemporaines, la pensée critique serait enracinée dans le projet
rationaliste des Lumières et de ses développements plus
récents par des penseurs comme Chomsky (Chomsky, 1988) ou Habermas (Habermas, 2005).
Dans ce cadre épistémologique, elle serait l’œuvre
d’un sujet kantien : disposant de la connaissance et du libre
arbitre, autonome, autocritique et transcendant (Norris, 1992).
Il ne s’agit donc pas d’une critique machinale ou spontanée,
ni d’un scepticisme permanent : la pensée critique requiert
l’analyse d’énoncés qui résulte en un doute
appuyé sur des arguments raisonnables (Polanyi, 1958) ; (Wittgenstein, 1969).
Suivant un auto-examen favorable de l’aptitude à la critique du
penseur, le doute peut avoir comme cible a) le contenu substantif des
énoncés, b) leur méthode de production ou c) leur source.
La critique subséquente peut être soit forte (en présence
d’une contradiction flagrante avec un référent
établi), soit faible (doute ou incrédulité
référant davantage à l’intuition). Dans les deux cas,
il y a présence d’une alternative déjà formée
aux énoncés critiqués. Or, la capacité de critiquer
des énoncés à partir d’un référent
donné (la science, la religion, etc.) suppose une connaissance suffisante
de ses axiomes. Pourtant, comme l’avance Polanyi (Polanyi, 1958) :
...la majeure partie de nos savoirs factuels est acquise de seconde main par
la confiance que nous octroyons à d’autres personnes ; dans la
grande majorité des cas, notre confiance est accordée à
l’autorité de certaines personnes, soit en vertu de leur fonction
publique ou comme les leaders intellectuels que nous
choisissons4(p. 240).
C’est le cas à l’école, où
l’État fournit un référentiel de jugement commun,
dont l’orthodoxie est défendue par l’évaluation des
apprentissages et la sanction des études. Dans ce contexte,
l’élève apprend les canons de la connaissance à
travers la confiance qu’il porte à ses enseignantes et enseignants.
La pensée critique des élèves envers le discours de ces
derniers n’est possible que a) s’ils disposent eux-mêmes
d’une expertise du sujet ou b) s’ils ont accès à cette
expertise. Or, dans ce deuxième cas, la seule base de jugement, des
énoncés comme de l’expertise, en l’absence d’une
expertise personnelle, demeure le sens commun. Autrement, devant deux experts
d’autorité équivalente, il est impossible de trancher sans
accéder directement aux faits et à leur analyse, qui requiert
l’expertise (Polanyi, 1958).
Devant ce paradoxe, l’un des apports de la Toile serait
l’accès facile pour les élèves à
d’autres sources d’expertise que leurs enseignantes et enseignants
(bien que la quantité astronomique d’information ainsi accessible
pose le problème inverse : la surabondance de positions, parfois
contradictoires, appelle aussi un jugement critique appuyé sur
l’expertise, mais dans une situation où l’intelligence de
l’ensemble du corpus s’avère impossible) (Katz et Macklin, 2007).
Plusieurs auteurs, par exemple Brey, Clark et Wantz (Brey et al., 2008),
DeLoach et Greenlaw (DeLoach et Greenlaw, 2007),
Eamon (Eamon, 2006),
Manzo, Manzo et Albee (Manzo et al., 2002) ou Tsui (Tsui, 2002),
promeuvent donc l’enseignement de la pensée critique et soulignent
son importance comme compétence dans un monde où
l’information est omniprésente. Qui plus est, ils font
l’hypothèse que l’utilisation des TIC, en particulier de la
Toile et de forums de discussion virtuels, contribuerait significativement au
développement et à l’expression de la pensée critique
de la façon évoquée au paragraphe précédent.
Or, des recherches antérieures dans des contextes plus traditionnels,
notamment les travaux de Lebrun, Bédard, Hasni et Grenon (Lebrun et al., 2006) sur le manuel scolaire, tendent à démontrer que l’expression
de la pensée critique à l’égard des contenus
notionnels ne serait pas tellement répandue, tant chez les enseignants
que chez les élèves. Avec ce texte, nous explorons ce même
phénomène, mais dans un cadre faisant cette fois appel à la
médiation des TIC. Nous en proposons une analyse conceptuelle
inspirée d’un regard deleuzien. Il s’agit notamment de se
demander si la forme scolaire s’avère propice à
l’expression et au développement de la pensée critique.
5. Cadre théorique : le lisse et le strié
Pour appréhender cette reproduction
intuitivement étonnante d’un rapport figé à
l’information et ce, malgré le recours à un médium
dynamique, nous ferons appel à la dichotomie deleuzienne lisse /
strié (Deleuze et Guattari, 1980).
Il s’agit ici, précisons-le, d’emprunter des
catégories conceptuelles pour décrire et interpréter un
phénomène, le lisse et le strié n’étant pas
des catégories empiriques.
5.1. Agencements
Dans un premier temps, définissons ce que Deleuze et Guattari (Deleuze et Guattari, 1980) entendent par agencement. Selon eux, contra Foucault, les agencements
sont avant tout de désir et non de pouvoir. Le désir est toujours
agencé tandis que le pouvoir est une dimension stratifiée de
l’agencement. Disons que les acteurs auxquels nous faisons
références, soit le Ministère de l’éducation,
le professeur et l’étudiant, en contexte d’appropriation
d’une nouvelle forme technologique, exigent une première lecture
d’agencement de pouvoir. La relation de contrôle et de discipline
instaurée par les agencements collectifs (l’école, par
exemple) a vite fait de devenir une ligne sédentaire dont la fonction
formalisée est d’éduquer :
Bien plus, plusieurs points coexistent pour un individu ou un groupe
donné, toujours engagés dans plusieurs procès
linéaires distincts, pas toujours compatibles. Les diverses formes
d’éducation ou de ‘normalisation’ imposées
à un individu consistent à lui faire changer de point de
subjectivation, toujours plus haut, toujours plus noble, toujours plus conforme
à un idéal supposé (Deleuze et Guattari, 1980) p. 161.
Ce supposé idéal aura changé plusieurs fois de masque
depuis la fin du XIXe siècle, sans pour autant miner sa
verticalité hiérarchique, croisée par un contenu de savoirs
horizontaux. L’agencement ministère de l’éducation /
professeur / étudiant est une ligne sédentaire, segmentée
par des points de riposte ou de résistance de la part de ceux
situés à un échelon inférieur sur la ligne
hiérarchique verticale. Notre ligne horizontale des savoirs a un
potentiel plus migrant. C’est-à-dire que le contenu est celui du
groupe dominant, mais que son interprétation et les possibles connexions
tissées par l’individu lui échappent : là
où Foucault voit des points de riposte et de résistance, Deleuze
et Guattari voient plutôt des pointes de création et de
déterritorialisation (la riposte ou la résistance demeure sur la
même ligne et a donc une portée quasi nulle, à moins
qu’il y ait scission, mais pour commencer sur quelle base ?).
Pour Deleuze et Guattari, le lien entre le lisse et le strié concorde
globalement avec celui liant le nomos (la culture) au logos (le
discours, la raison). Il s’agit donc d’une relation faite
d’interpénétrations plus ou moins striées
(composées de lignes diagonales, horizontales et verticales) ou lisses
(composées d’une diagonale libérée, brisée et
ondulée), d’un rapport entre les territoires contenu et en
mouvement. Dans notre cas, il s’agira de décrire le rapport entre
l’agencement enseignants / apprenants et l’univers scolaire, dont
l’information, l’objet de savoir. Mais précisons maintenant
nos catégories.
5.2. L’espace strié
D’un côté, l’espace strié est ordonné,
compartimenté, fermé et règlementé. Dans
l’espace strié, la ligne n’est toujours qu’un trajet
entre deux points. Autrement dit, toute dynamique, tout mouvement est
décrit par un point de départ et un point d’arrivée,
auxquels la trajectoire elle-même s’avère subordonnée.
L’espace strié est, de plus, organisé selon une politique de
l’action qui en fait immanquablement un travail, explicitement
orienté vers un but. Ainsi, « le striage [...] renvoie surtout
au pôle étatique du capitalisme, c’est-à-dire au
rôle des appareils d’État modernes dans l’organisation
du capital » (p. 614). L’école s’inscrit donc dans
la logique du strié, avec son temps compartimenté et marqué
par les sonneries, son curriculum élaboré et imposé par
l’État, son recours à des savoirs homologués et ses
classes fermées et divisées par groupes d’âge. Le
processus d’apprentissage y est subordonné à son point
d’arrivée : l’évaluation sommative. A
l’école, peu ou pas de place pour l’action libre :
l’activité doit y être laborieuse. Cette métrique de
l’univers scolaire découle du rôle de l’école
comme appendice de l’État capitaliste néolibéral, qui
exige d’elle la formation d’une main-d’œuvre
qualifiée et productive, du moins dans les sociétés
industrialisées (l’école comme institution publique ne prend
naissance d’ailleurs que dans ce contexte ; ailleurs, elle est
nécessairement parachutée du dehors).
5.3. L’espace lisse
De l’autre côté, l’espace lisse est amorphe,
informel, libre et immédiat. Dans cet espace, les points sont
subordonnés aux lignes : les trajets sont plus centraux à
l’appréhension des phénomènes que les destinations,
qui ne sont que transitions entre nouveaux trajets. C’est la logique du
nomadisme, où les changements de cap ne sont pas dictés par une
destination finale mais plutôt par les caractéristiques du parcours
et la nature variable des points d’arrivée. L’univers
n’est pas projet ou détermination, il est plutôt
haeccéité (Dasein), événement,
être-là. Cette logique décrit bien, selon nous, celle de la
Toile comme espace anarchique, dérèglementé, sans norme et
chaotique. Contrairement aux ressources didactiques usuelles, la Toile
n’est pas définie selon une séquence et son information
n’a pas été préalablement sassée pour en
éliminer l’ivraie. Contrairement à la classe, la Toile se
situe hors de la temporalité, les trajectoires ne sont pas
prédéfinies (la navigation s’opérant de lien en lien
sans nécessairement de destination précise) et le savoir
n’est pas présenté par une autorité
pédagogique comme étant exempt de doute. Il semble donc y avoir
plus de latitude laissée au jugement de l’acteur et à la
déterritorialisation de l’information glanée au hasard de la
navigation. Il ne faudrait néanmoins pas croire que la Toile est un
espace entièrement lisse : par exemple, les moteurs de recherche et
les sources d’information continue s’approvisionnent à partir
d’un espace strié. Ainsi, lors d’une recherche, les premiers
résultats fournis par le moteur de recherche sont les sites qui ont
été le plus consultés. De plus, les nouvelles apparaissant
sur la page d’accueil des domaines les plus populaires conduisent aux
agences de presse des principales sociétés de communication.
Enfin, les réseaux d’échange social sur la Toile sont
rapidement devenus une source inépuisable, pour le site opérateur,
d’informations sur la consommation, les goûts et les idées
des différents groupes, assez fermés, de personnes qui
échangent surtout de l’anodin consumériste.
Comme le suggèrent ces exemples de striage d’un espace
potentiellement lisse, le lisse et le strié ne sont pas
hermétiques : « Tantôt encore nous devons rappeler
que les deux espaces n’existent en fait que par leurs mélanges
l’un avec l’autre : l’espace lisse ne cesse pas
d’être traduit, transversé dans un espace strié ;
l’espace strié est constamment reversé, rendu à un
espace lisse » (Deleuze et Guattari, 1980) p. 593. Il y a donc potentialité de voir un espace strié absorber
un espace lisse ou, à l’inverse, de voir un espace lisse
transgresser les frontières d’un espace strié et y
introduire un certain niveau d’entropie.
5.4. Déterritorialisation
La propriété de l’espace lisse qui nous intéresse
par rapport à l’esprit critique est son pouvoir de
déterritorialisation, c’est-à-dire une émancipation
des conventions, des usages et des prêts-à-penser vers de nouveaux
usages (reterritorialisation). Il s’agit donc d’un effort
créatif de questionnement et de redéfinition de l’univers,
rendu possible par l’action libre (par opposition au travail normé)
de l’espace lisse. Les pointes de création et de
déterritorialisation sont de trois types : 1) relatives, 2) absolues
mais négatives et 3) positives absolues (d’où partent les
lignes de fuite). Décrivons ces trois types de
déterritorialisation en l’appliquant à notre sujet
d’intérêt : la Toile et la pensée critique.
La déterritorialisation relative pourrait s’illustrer par une
situation dans laquelle l’étudiant a un accès
contrôlé à la Toile. Prenons comme exemple un forum de
discussion configuré de sorte que l’étudiant appartienne
à un sous-groupe avec trois autres étudiants avec lesquels il
devra répondre à une question posée par le professeur.
Toujours suivant les directives du professeur, l’étudiant devra,
à l’intérieur d’une période de temps
donnée, a) discuter avec les collègues de son sous-groupe en
reprenant un argument pour l’approfondir et conclure son intervention en
relançant la discussion par une question, puis b) ajouter à son
intervention deux sources puisées dans un nombre limité de sites
jugés scientifiques et connus par le professeur. L’étudiant
est ici entouré de différents cercles concentriques : le
temps, les personnes avec qui il doit interagir, les balises de son
intervention, les sources où il peut puiser son information et
l’évaluation faite par le professeur. La
déterritorialisation est relative parce que l’étudiant est
constamment contraint dans son mouvement et rappelé à une
série de consignes. En imaginant un étudiant curieux dont la
question suscite un vif intérêt, il est possible que ce dernier
pousse ses recherches plus loin en sortant de l’espace strié
formé par les directives qu’il doit suivre pour obtenir une note
satisfaisante. L’étudiant aura ainsi quelques mouvements
d’envol à l’extérieur du cadre du forum. La Toile lui
permet de naviguer, surtout s’il maîtrise plus d’une langue,
de façon à poursuivre sa recherche avec des sources alternatives
dont les positions diffèrent de celles véhiculées par les
sources autorisées. Cependant, son envol est à tout moment
entravé par les directives qu’il doit suivre. Comme individu,
l’étudiant aura, dans cet exemple, été stimulé
par un contenu différent du contenu normatif et, malgré le fait
qu’il ne puisse pas l’exprimer à l’intérieur du
forum, il est possible qu’il exploite ces informations
ultérieurement.
Dans le deuxième cas de déterritorialisation, la ligne de fuite
est libérée mais continue de se segmenter et donc d’entraver
l’envol pour mener à une démarche récursive de
reproduction de l’ordre établi. Nous pourrions prendre
l’exemple de l’échange entre un professeur et un
étudiant en tenant compte de la ligne hiérarchique verticale sur
laquelle il est ancré. Ici, la pensée critique servirait à
l’étudiant pour questionner le professeur et l’échange
pourrait porter sur les conséquences de référer à
certaines sources d’information sur la Toile plutôt
qu’à d’autres, avec un retour cyclique partant
hypothétiquement d’un travail de fin de formation de premier cycle,
à un mémoire et une thèse de deuxième et
troisième cycle jusqu’à ce que l’étudiant se
retrouve à la place du professeur, dans une nouvelle ligne
hiérarchique statutaire verticale, et regarde à son tour un
étudiant du haut de son échelon. Autrement dit, comme la structure
de la production sociale désirante demeure et que nos objets de
désir nous sont enlevés par des figures répressives ou
oppressives, la relation de pouvoir ou la production sociale désirante
est reproduite en boucle. C’est cette structure qui segmente la ligne de
fuite et la rend négative parce qu’elle ne se détache pas de
ce qui la pousse initialement à se déterritorialiser.
Enfin, le troisième cas désigne la déterritorialisation
positive absolue, qui suppose que :
La subjectivation affecte la ligne de fuite d’un signe positif, elle
porte la déterritorialisation à l’absolu,
l’intensité au plus haut degré, la redondance à une
forme réfléchie, etc. Mais, sans retomber dans le régime
précédent, elle a sa manière à elle de renier la
positivité qu’elle libère, ou de relativiser l’absolu
qu’elle atteint. L’absolu de la conscience est l’absolu de
l’impuissance, et l’intensité de la passion, la chaleur du
vide, dans cette redondance de résonance (Deleuze et Guattari, 1980) p. 167.
Il s’agit donc de l’émancipation absolue du striage,
d’un nomadisme total, dont l’aboutissement porte autant de
libération que d’angoisse puisque l’individu ne reçoit
jamais l’approbation d’une validation exogène. Dans une
perspective éducative, il s’agit d’une quête de sens
libre et entièrement autonome, qui exclut l’idée même
de la pratique évaluative et qui, par conséquent, doit
opérer hors des structures officielles et légitimes.
Avec ce texte, il s’agit de voir si le striage de la forme scolaire
sera appliqué à l’espace lisse que constitue en son sein
l’usage de la Toile ou si, au contraire, l’incursion de
l’espace lisse qu’est la Toile permettra les transgressions du
striage propices à la manifestation de la pensée critique.
6. La Toile et la pensée critique : résultats de
recherche
Notre recherche de textes portant sur le lien entre
l’intégration des TIC en classe et l’expression de la
pensée critique a emprunté la trajectoire décrite
ci-après. D’abord, nous avons lancé une recherche de
documents sur la base de données ERIC, qui recense les publications du
domaine de l’éducation. Nous avons utilisé les
mots-clés critical thinking, ICT, information and
communication technology, technology, Internet et virtual. De la liste obtenue, nous n’avons conservé que les
documents qui rapportaient des résultats d’études
empiriques, peu importe la méthode de recherche utilisée. Ce sont
ces documents que nous avons analysé dans les paragraphes qui suivent.
La recherche soulève d’emblée quelques faiblesses du
recours aux TIC dans une perspective de stimulation de la pensée
critique, mais plusieurs forces aussi. D’une part, les moteurs de
recherche séparent souvent le contenu de son contexte, ce qui est
fréquent lors de la recherche d’images par exemple, et
mènent régulièrement à une consultation
incomplète ou biaisée des sources (Eamon, 2006).
D’autre part, la Toile regorge de contenus bruts,
c’est-à-dire qui ne sont pas préalablement
enchâssés dans une structure narrative (contrairement au
matériel didactique conventionnel) (Eamon, 2006), et
offre un niveau potentiellement élevé
d’interactivité, à travers divers types de simulations
notamment (Laurillard, 1993).
Compte tenu de ces paramètres, comment les TIC sont-elles
exploitées en classe et quel est leur effet réel sur la
pensée critique ?
Eamon (Eamon, 2006) situe d’entrée de jeu la Toile par rapport au manuel scolaire. Il
fait remarquer que s’il peut être reproché aux
méthodes narratives articulant les manuels d’histoire de se limiter
à développer la mémoire des élèves, ces
derniers « ...habitués à utiliser des manuels,
comprenaient difficilement une collection moins structurée de sources
dont le contenu n’avait pas été
prédigéré5 »
(p. 301). Or, nous l’avons vu, la pensée critique requiert un
minimum de compréhension des éléments à critiquer.
Ce premier constat suggère une certaine contagion du striage de
l’espace scolaire, qui strierait la pensée des individus qui y sont
exposés, de sorte que ces derniers se retrouvent en quelque sorte perdus
dans l’environnement sans repères de l’espace lisse
qu’est la Toile. On peut faire l’analogie du citadin
égaré dans l’espace nomade de la forêt ou de la
savane : l’appareil perceptuel et cognitif a été
conditionné à fonctionner dans un certain milieu et ses
stratégies ne peuvent sans effort être transférées
à un autre milieu, qui serait incommensurable au premier.
Avant d’aborder directement les résultats de recherche portant
sur l’effet du recours aux TIC sur l’expression et le
développement de la pensée critique, il importe de saisir en
sous-texte la latitude réelle qu’a procurée la Toile dans
les études recensées. Eamon (Eamon, 2006) souligne que « ...en un sens, l’approche expérientielle,
heuristique facilitée par la Toile est théoriquement sans limite,
mais requiert tout de même une médiation et demeure
sélectionnée en fonction de contraintes pratiques, souvent
non-virtuelles6 » (p. 309).
Ainsi, dans les cas analysés ici, les contenus, logiciels ou outils en
ligne utilisés étaient choisis et imposés soit par le
curriculum (Daud et Husin, 2004),
soit par l’enseignant (Ngai, 2007) ; (Shortridge et Sabo, 2005) ; (Sinclair et al., 2004).
Cette sélection externe des outils didactiques révèle une
première forme de striage commune dans la forme scolaire, surtout aux
niveaux élémentaire et secondaire. Ainsi, non seulement les
destinations mais parfois aussi les parcours eux-mêmes sont
déjà tracés, ce qui correspond à un usage
normé de l’espace lisse, ou à son striage. Dans les faits
donc, la Toile ne semble que rarement accessible comme espace lisse dans la
forme scolaire : son usage serait généralement soumis
à un striage préalable, celui de l’autorité
pédagogique dont traitaient Bourdieu et Passeron (Bourdieu et Passeron, 1970).
La prégnance de l’autorité comme déterminant de
l’action humaine a d’ailleurs été
démontrée de façon dramatique par Milgram (Milgram, 1963),
ce qui permet d’apprécier le poids de ce striage en contexte de
classe.
6.1. Recours à la Toile et pensée critique
Étudions maintenant le lien entre le recours à la Toile et la
pensée critique. De façon générale, les auteurs
s’entendent pour conclure que l’effet est minimal ou absent (Daud et Husin, 2004) ; (Shortridge et Sabo, 2005) ; (Sinclair et al., 2004).
Dans le cas de Daud et Husin, l’utilisation de concordancers7 en ligne dans un
cours d’anglais semble positivement liée, mais de façon
marginale, à ce que ces chercheurs considèrent comme quatre
dimensions de la pensée critique (raisonnement inductif, raisonnement
déductif, jugement de la crédibilité des affirmations,
identification des postulats sous-tendant une argumentation). Ainsi, dans cette
étude, la pensée critique est confondue avec des habiletés
cognitives de haut niveau (higher order cognitive processes). Si ces
habiletés peuvent être conçues comme nécessaires
à l’exercice de la critique, elles ne sont pas suffisantes pour la
définir. Notons que dans ce cas, le texte comme l’outil en ligne
sont présélectionnés par l’enseignant. Dans
l’étude de Shortridge et Sabo (Shortridge et Sabo, 2005) portant sur l’utilisation d’une ressource en ligne dans le cadre
d’un cours d’histoire, les résultats s’avèrent
peu concluants. Notons que, ironiquement, dans cette étude, c’est
l’adéquation du contenu même de l’analyse critique avec
la position historiographique « correcte » selon les enseignants
et le curriculum qui est opérationnalisée comme la manifestation
de la pensée critique. Ce striage particulièrement dense
confère donc au savoir homologué l’immunité contre la
critique (garantie par l’évaluation des apprentissages, ce qui est
souvent le cas, du reste). Il est alors permis de se demander ce qu’il
reste à critiquer. Enfin, l’article de Sinclair, Renshaw et Taylor (Sinclair et al., 2004) démontre bien un effet significatif de l’enseignement
assisté par ordinateur (computer-assisted instruction) sur la
pensée critique dans un cours de sciences, mais dans la direction
opposée à leur hypothèse. Autrement dit, comparativement
à des exercices pratiques visant le renforcement des habiletés de
base, le recours à l’enseignement assisté par ordinateur
aurait un effet négatif sur la manifestation d’habiletés
cognitives supérieures et de la pensée critique. Dans ce cas,
encore une fois, l’espace didactique est largement strié : des
outils utilisés au sujet de la leçon, tout est
préalablement sélectionné par l’enseignant.
6.2. Recours aux forums virtuels et pensée critique
Outre la Toile, une autre application des TIC associée au
développement de la pensée critique est l’utilisation de
forums de discussion virtuels. Maurino (Maurino, 2007),
d’entrée de jeu, prévient que ce médium pourrait
cependant s’avérer propice à la polarisation du discours et
au conformisme par désirabilité sociale. Il s’agit ici
d’un premier striage potentiel, soit le conformisme à la norme
sociale, dont l’impact a été éloquemment
démontré par Asch (Asch, 1951). Deux
recensions d’écrits tendent à établir
l’inefficacité des forums de discussion dans la promotion de la
pensée critique. D’abord, Maurino (Maurino, 2007) affirme que « ...la plupart des études affirment que les
discussions en ligne ont le potentiel de développer et de favoriser le
développement de la pensée critique et de l’apprentissage en
profondeur. Toutefois, il est largement affirmé que cela ne se produit
pas à un haut niveau ou dans une large
mesure8 » (p. 245). Puis,
Hopkins, Gibson, Ros i. Sole, Savvides et Starkey (Hopkins et al., 2008) notent « ...qu’il existe des preuves substantielles qui
suggèrent que, en pratique, les étudiants ne parviennent souvent
pas à atteindre les buts de promouvoir la pratique réflexive ou le
questionnement critique de haut niveau et ne débattent que rarement entre
eux de façon
significative9 » (p. 30).
Par ailleurs, si Yang, Newby et Bill (Yang et al., 2008) observent une augmentation des manifestations de pensée critique avec le
temps, il est difficile d’en imputer la responsabilité à
l’usage de l’outil virtuel. Angeli, Valanides et Bonk (Angeli et al., 2003),
de leur côté, constatent que les échanges portent
généralement sur des expériences personnelles et ne
traduisent pas vraiment l’exercice de la pensée critique. Ces
écrits soulèvent une autre forme de striage : le regard de
l’instructeur sur tout ce qui est exprimé dans ces forums, que ce
soit ou non à des fins d’évaluation. Cette surveillance
constante mais généralement indétectable n’est pas
sans rappeler l’idée de panoptisme comme instrument de
contrôle telle que développée par Foucault (Foucault, 1975).
Hope (Hope, 2005) reprend d’ailleurs ce concept pour explorer la surveillance des
élèves navigant sur la Toile au Royaume Uni et démontre que
ceux-ci sont conscients de la surveillance et de son effet dissuasif, bien
qu’ils la confrontent occasionnellement à travers diverses formes
de résistance.
7. Discussion : le lisse, le strié et la forme scolaire
L’examen attentif de ces résultats de
recherche laisse deviner la réaction homéostatique de la forme
scolaire à l’introduction d’un espace lisse dans les limites
de son striage : la forme scolaire déploie des mécanismes de
défense visant le maintien de son striage. Ce type de réaction a
d’ailleurs été documenté et théorisé
par Deconchy (Deconchy, 1996) dans ce qu’il nomme les systèmes orthodoxes, mais que l’on
pourrait tout aussi bien appeler les espaces striés. Il semble donc que,
comme le système orthodoxe défend son orthodoxie lorsqu’elle
est menacée, l’espace strié fera de même de son
striage. L’élément hérétique (espace lisse)
sera soit ramené à l’orthodoxie (strié), soit
expulsé du système.
Du point de vue de l’espace strié, des défenses peuvent
être déployées soit avant l’interaction avec
l’espace lisse, soit pendant (jamais après, puisqu’il serait
alors trop tard : le risque de contagion serait trop élevé).
Ex ante, le striage se manifeste et est défendu par les choix
préalables faits et imposés par les porteurs de
l’autorité pédagogique (Bourdieu et Passeron, 1970).
Dans la classe, le maître confronté à
l’intégration à sa leçon
d’éléments de l’espace lisse prendra soin de les
choisir inoffensifs, de les ordonner en séquence, d’en
définir les règles d’utilisation, de les digérer,
bref, de les strier. C’est ce que suggèrent les recherches
empiriques portant sur l’utilisation de la Toile et des forums
virtuels : le contenu de ces espaces lisses atteint rarement la classe
à l’état brut.
Pendant l’interaction avec la Toile ou les forums virtuels, le striage
est d’abord préservé par le conformisme et le biais de
désirabilité sociale vécu par les apprenants (une forme de
striage plutôt inhérente au sujet humain qu’à la forme
scolaire, mais renforcée par cette dernière par la suppression de
la sphère privée en contexte de classe). Ensuite, c’est la
surveillance panoptique (Foucault, 1975) ; (Hope, 2005) qui
assure le contrôle des transgressions. En somme, l’apprenant, soumis
à un contrôle interne et externe, conscient de la pression sociale
normative et de l’autorité du maître, dispose de bien peu de
latitude, même en situation d’interaction avec un espace lisse. Dans
les faits, des striages instrumentaux (tri et séquençage
préalable du matériel didactique, poids de
l’évaluation) et symboliques (règles et normes,
surveillance, autorité) confinent l’usage des TIC à un
striage peu favorable à l’éclosion de la pensée
critique. La forme scolaire, en supprimant l’autonomie et
l’autodétermination des apprenants dans les choix de destinations
et de trajets, freine leur motivation intrinsèque à explorer les
connaissances auxquelles ils sont confrontés et prévient la
manifestation de la pensée critique et du pouvoir d’agir (Ryan et Deci, 2000).
Le paradoxe observé entre la place prépondérante de la
pensée critique dans les projets éducatifs et sa manifestation
anémique en classe s’avère dont plus symptomatique de la
forme scolaire que de l’association avec l’intégration des
TIC. En fait, on pourrait dire que la pensée critique peine à se
manifester malgré le recours à la Toile et aux autres outils
virtuels et ce, parce que les TIC sont sujets, comme tous les supports
didactiques qui y sont antérieurs, au puissant striage de la forme
scolaire. Si la Toile demeure effectivement un espace lisse, son passage
à la classe exige un striage préalable ou concomitant qui lui
enlève ses vertus subversives et son potentiel de
déterritorialisation. La forme scolaire sait se protéger :
avant de laisser entrer Samson dans le temple, elle a soin de lui raser la
tête. Lipman (Lipman, 2003) fait d’ailleurs une réflexion similaire :
Ce que l'enfant découvre dès son arrivée à
l'école, c'est un milieu parfaitement structuré, où
l'enchaînement des événements obéit à des
règles strictes, au lieu d'être, comme jusqu'alors, fait
d'événements qui s'entremêlent. Au lieu de phrases faciles
à comprendre grâce au contexte, il y a un langage de classe,
plutôt uniforme et indifférent au contexte et dès lors,
rempli d'énigmes. La maison familiale naturellement pleine de
mystères a fait place à un environnement rigide, organisé,
dans lequel tout a sa place et son sens. Petit à petit, les enfants
perçoivent qu'un tel milieu les intéresse ou les stimule
rarement. Au contraire, il les vide du capital d'initiative, de la
capacité d'inventer et de l'aptitude à penser avec lesquels ils
étaient venus à
l'école10 (p. 13).
De plus, il y a lieu de questionner l’arrimage pédagogique des
TIC avec la visée de développement de la pensée critique.
Les écrits analysés semblent postuler que le simple accès
à la technologie, à la Toile en particulier, devrait stimuler le
développement et la manifestation de la pensée critique. Or,
souvent, de la même façon que le manuel scolaire fait office de
garant de la connaissance exacte (Lebrun et al., 2006),
la technologie déployée en classe pouvait se limiter à une
source où puiser les « bonnes réponses »,
remplaçant simplement une autorité par une autre. En
d’autres cas, la technologie était introduite dans la leçon,
mais sans s’accompagner d’un ajustement de l’intervention
éducative qui affecterait le contrat didactique (Brousseau, 1998).
Par conséquent, notre constat porte exclusivement sur
l’incapacité de la technologie qua technologie à stimuler
l’expression de la pensée critique et non sur le recours à
un cadre pédagogique spécifiquement élaboré en vue
de favoriser la pensée critique et qui mettrait à profit les TIC.
En ce sens, nous soulignons donc aussi une faiblesse observée dans les
études recensées, soit l’absence préalable
d’une conceptualisation de l’intervention pédagogique propice
à l’éclosion d’un rapport plus critique au savoir
scolaire.
8. Conclusion
Avec ce texte, nous proposions une réflexion
sur le lien entre l’usage de la Toile et de forums virtuels sur le
développement et l’expression de la pensée critique dans la
forme scolaire. Le discours ambiant, provenant de plusieurs essayistes
postmodernes et des énoncés de projets éducatifs
universitaires et scolaires, laisse entendre que la Toile devrait aiguillonner
la manifestation de la pensée critique. Toutefois, les recherches
empiriques menées à ce sujet présentent des
résultats au mieux mitigés : globalement, il serait
exagéré de prétendre à un effet facilitateur
systématique du recours aux TIC sur l’éclosion de la
pensée critique. Comment expliquer ce constat décevant et, pour
certains, contrintuitif ? Pour formuler une tentative de réponse
à cette question, nous avons emprunté à Deleuze et Guattari (Deleuze et Guattari, 1980) les concepts d’espace lisse et d’espace strié. Notre
hypothèse, validée en filigrane par les écrits empiriques
consultés, voulait que la forme scolaire, comme espace strié,
impose son striage à un espace lisse, la Toile par exemple, qui y serait
introduit. L’existence du striage de la forme scolaire a d’abord
été argumentée à partir des études sur
l’impact des TIC sur la pensée critique. Puis, il a
été proposé, toujours sur la base des cas examinés,
que l’espace lisse que représente la Toile n’atteint que
rarement la classe à l’état brut : un striage lui est
d’abord imposé, avant ou pendant la phase d’interaction des
apprenants avec le matériel. Nous en déduisions alors que si la
Toile ou les forums virtuels possèdent le potentiel de stimuler la
pensée critique, le striage inhérent à la forme scolaire
tend immanquablement à l’inhiber. Ce striage inclut notamment le
défaut de mettre en place, concomitamment à l’introduction
d’outils technologiques, un cadre d’intervention pédagogique
cohérent avec la valorisation de la pensée critique.
Notre conceptualisation ne peut prétendre qu’à un pouvoir
explicatif nécessairement limité cependant, notamment parce
qu’elle néglige de prendre en compte plusieurs variables
pertinentes à l’étude de la pensée critique, selon
l’angle d’entrée de Polanyi (Polyani, 1958) du moins. Pour donner deux exemples en lien avec l’un des thèmes
amenés par cet auteur, soit l’expertise, nous pouvons regarder la
pensée critique du point de vue 1) de l’instructeur et 2) de
l’apprenant (en conceptualisant l’éducation formelle sur le
mode, explicite ou tacite, de la transmission du savoir, par opposition à
une recherche autonome de sens, tel que le suggère notre analyse). Pour
l’instructeur, la décision de n’exercer aucun contrôle
sur les contenus étudiés en classe afin de stimuler la
pensée critique des apprenants comporte un niveau de risque
élevé, particulièrement parce que cette situation lui
suggère le besoin de détenir une expertise omnisciente. Le striage
peut alors être vu comme une protection pour l’instructeur, son
image et sa légitimité, plutôt que pour une forme scolaire
orthodoxe déterminée à limiter les espaces de
liberté (lisses). Le striage, dans cette optique, permet à
l’instructeur de s’assurer de posséder l’expertise
requise par sa leçon en contrôlant le contenu abordé. Pour
l’apprenant, le rapport au savoir peut difficilement en être un
d’expert en raison de la nature même de l’école et de
l’activité d’apprentissage. Étymologiquement, le mot
“école” provient du grec skholê (loisir
consacré à l'étude, leçon) et son sens pour
l’apprenant est peut-être encore mieux représenté par
sa traduction en innu-aimun (Montagnais), langue autochtone algonquienne du
Canada : katshikutamatsheutshuap,
l’endroit-où-l’on-va-apprendre. Au niveau sémantique,
nous pouvons invoquer la dichotomie apprendre / enseigner :
l’apprenant, conscient de son rôle d’apprenant, se voit par le
fait même conscient de son ignorance, de son absence d’expertise en
ce qu’il est venu apprendre. Cette subordination aux représentants
de l’autre pôle de la dichotomie et au savoir homologué leur
soustrait, à leur propres yeux, le droit et la compétence de
critiquer. En découle l’inéluctable soumission au striage et
le rejet tacite du projet de déterritorialisation que constitue la
critique, même devant un improbable espace lisse.
Ces hypothèses concurrentes (striage comme protection de
l’orthodoxie dans la forme scolaire versus striage comme protection de la
légitimité et de la crédibilité professionnelle)
peuvent être mises à l’épreuve, par exemple en
comparant les pratiques de recours à la Toile et aux environnements
virtuels d’instructeurs plus ou moins experts (pour peu que l’on
s’entende sur une définition et une mesure de l’expertise).
Si la première hypothèse (protection de l’orthodoxie) est
vraie, le niveau d’expertise ne devrait pas avoir d’impact sur les
pratiques de recours à la Toile. Dans le cas contraire, si le striage
vise plutôt la protection de la crédibilité professionnelle
de l’instructeur comme expert, un plus haut niveau d’expertise
devrait correspondre à un usage moins paramétré de la Toile
(ou un striage moins dense). La densité du striage serait, dans ce cas,
fonction inverse du niveau d’expertise de l’instructeur. Quant
à la manifestation de la pensée critique, nous pouvons
également tester les postulats de Polanyi (Polanyi, 1958),
en particulier celui voulant que l’expression de la critique
requière un niveau minimal d’expertise. Il y aurait alors lieu de
comparer le niveau de pensée critique d’apprenants possédant
de bonnes connaissances préalables des notions abordées avec des
apprenants néophytes. Ici, si c’est uniquement le striage
inhérent à la forme scolaire qui limite l’expression de la
pensée critique, l’effet du niveau de connaissances
antérieures des apprenants devrait être marginal, alors qu’il
sera déterminant si c’est plutôt le manque de connaissance
qui prévient la critique. Un autre test de l’effet du striage
intrinsèque à la forme scolaire serait de comparer le niveau de
pensée critique exprimé par des apprenants équivalents sur
un même sujet dans le cadre formel de la classe et dans le cadre plus
informel d’une discussion entre égaux. La contribution de
l’autorité pédagogique pourrait elle aussi être
manipulée avec un devis à deux conditions
expérimentales : cadre (formel versus informel) x organisation
(hiérarchique versus égalitaire). Notons ici que le cas d’un
groupe égalitaire (sans maître) dans un cadre informel
s’approche d’un espace lisse et, selon notre conceptualisation,
devait constituer la situation la plus propice à la pensée
critique. Il reste donc énormément à dire sur la question
de la pensée critique, sur ses déterminants et sur le rôle
que des espaces lisses comme la Toile peuvent jouer dans son
développement et son expression. Vu l’importance donnée
à cette compétence dans les projets éducatifs des
sociétés occidentales francophones, nous voyons difficilement
comment faire l’économie de ces investigations.
Bibliographie
American Rhetoric (2007). Mario Savio: Sit-In Address at Sproul Hall. Disponible sur
Internet :
http://www.americanrhetoric.com/speeches/mariosaviosproulhallsitin.htm
(consulté le 31 janvier 2009).
ANGELI C., VALANIDES N., BONK C.J. (2003). Communication
in a web-based conferencing system: The quality of computer-mediated
interactions. British Journal of Educational Technology, Vol. 34
no1, p. 31-43.
ASCH S.E. (1951). Effects of group pressure upon the
modification and distortion of judgment. In H. Guetzkow (ed.) : Groups,
Leadership and Men. Pittsburgh, PA: Carnegie Press, p. 177-190.
BAUDRILLARD J. (1972). Pour une critique de
l’économie politique du signe. Paris, France : Gallimard.
BAUDRILLARD J. (1985). The masses: The implosion of the
social in the media. New Literary History, Vol. 16 no3, p. 577-589.
BELL D. (1976). The Coming of Post-Industrial Society.
New York, NY: Basic Books.
BLAIN S., BEAUCHAMP J., ESSIEMBRE C., FREIMAN V.,
LIRETTE-PITRE N., VILLENEUVE D., FOURNIER H., CLAVET P., CORMIER M., MANUEL D.
(2007). Les effets de l’utilisation des ordinateurs portatifs
individuels sur l’apprentissage et les pratiques d’enseignement.
Rapport final. Moncton, NB : Centre de recherche et de
développement en éducation (CRDE).
BOURDIEU P., PASSERON J.C. (1970). La reproduction.
Éléments pour une théorie du système
d’enseignement. Paris, France : Minuit.
BREY R.A., CLARK S.E., WANTZ M.S. (2008). This is your
future: A case study approach to foster health literacy. Journal of School
Health, Vol. 78 no6, p. 351-355.
BROUSSEAU G. (1998). Théorie des situations
didactiques. Grenoble, France : La Pensée Sauvage.
CHOMSKY N. (1988). Language and Politics. Montreal, QC:
Black Rose Books.
DAUD N.M., HUSIN Z. (2004). Developing critical thinking
skills in computer-aided extended reading classes. British Journal of
Educational Technology, Vol. 35 no4, p. 477-487.
DECONCHY J.P. (1996). Systèmes de croyances et
représentations idéologiques. Dans S. Moscovici
(éd.) : Psychologie Sociale (5e éd.), Paris, France :
Presses Universitaires de France, p. 335-362.
DELEUZE G., GUATTARI F. (1980). Capitalisme et
schizophrénie 2 : Mille plateaux. Paris, France : Minuit.
DELOACH S.B., GREENLAW S.A. (2007). Effectively
moderating electronic discussions. Journal of Economic Education, Vol. 38 no4,
p. 419-434.
DEWEY J. (1910). How We Think. New York, NY: Prometheus
Books.
EAMON M. (2006). A "genuine relationship with the
actual": New perspectives on primary sources, history and the Internet in the
classroom. History Teacher, Vol. 39 no3, p. 297-314.
FOUCAULT M. (1975). Surveiller et punir. Naissance de la
prison. Paris, France : Gallimard.
FREIRE P. (2000/1974). Pedagogy of the Oppressed. London,
UK: Continuum.
Gouvernement du Nouveau-Brunswick, ministère de
l’Éducation (2007). Les enfants au premier plan. Fredericton, NB : Gouvernement du Nouveau-Brunswick.
Gouvernement du Québec, ministère de
l’Éducation (2001). La formation à l’enseignement.
Les orientations, les compétences professionnelles. Québec,
QC : Gouvernement du Québec.
Gouvernement du Québec, ministère de
l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2005). Plan
stratégique du ministère de l’Éducation, des Loisirs
et du Sport 2005-2008. Québec, QC : Gouvernement du
Québec.
Gouvernement du Québec, ministère de
l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2006a). Programme de
formation de l’école québécoise. Éducation
préscolaire, enseignement primaire. Québec, QC :
Gouvernement du Québec.
Gouvernement du Québec, ministère de
l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2006b). Programme de
formation de l’école québécoise. Enseignement
secondaire, premier cycle. Québec, QC : Gouvernement du
Québec.
Gouvernement du Québec, ministère de
l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2006c). Programme de
formation de l’école québécoise. Enseignement
secondaire, deuxième cycle. Québec, QC : Gouvernement du
Québec.
HABERMAS J. (2005). Truth and Justification. Cambridge,
MA: MIT Press.
HOPE, A. (2005). Panopticism, play and the resistance of
surveillance: Case studies of the observation of student Internet use in UK
schools. British Journal of Sociology of Education, Vol. 26 no3, p. 359-373.
HOPKINS J., GIBSON W., ROS I. SOLE C., SAVVIDES N.,
STARKEY H. (2008). Interaction and critical inquiry in asynchronous
computer-mediated conferencing: A research agenda. Open Learning, Vol. 23
no1, p. 29-42.
ILLICH I. (2000/1971). Deschooling Society. London, UK:
Marion Boyars.
KATZ I.R., MACKLIN A.S. (2007). Information and
communication technology (ICT) literacy: Integration and assessment in higher
education. Journal of Systemics, Cybernetics and Informatics, Vol. 5 no4, p.
50-55.
KUMAR K. (1995). From Post-Industrial to Post-Modern
Society. Oxford, UK: Blackwell.
LAGEMANN E.C. (2000). An Elusive Science. The Troubling
History of Education Research. Chicago, IL: University of Chicago Press.
LAURILLARD D. (1993). Rethinking University Teaching: A
Framework for the Effective Use of Educational Technology. New York, NY:
Routledge.
LEBRUN J., BÉDARD J., HASNI A., GRENON V. (dir.)
(2006). Le matériel didactique et pédagogique : soutien
à l’appropriation ou déterminant de l’intervention
éducative ? Québec, QC : Presses de
l’Université Laval.
LIPMAN M. (2003). Thinking in Education. New York, NY:
Cambridge University Press.
LYOTARD J.F. (1979). La condition postmoderne :
rapport sur le savoir. Paris, France : Minuit.
MACLUHAN M. (1994/1964). Understanding Media: The
Extensions of Man. Boston, MA: MIT (Triliteral).
MANZO A., MANZO U., ALBEE J.J. (2002). iREAP: Improving
reading, writing, and thinking in the wired classroom. Journal of Adolescent
& Adult Literacy, Vol. 46 no1, p. 42-47.
MAURINO P.S.M. (2007). Looking for critical thinking in
online threaded discussions. Journal of Educational Technology Systems, Vol. 35
no3, p. 241-260.
MILGRAM S. (1963). Behavioral study of obedience. Journal
of Abnormal and Social Psychology, Vol. 67, p. 371-378.
NGAI E.W.T. (2007). Learning in introductory E-commerce:
A project-based teamwork approach. Computers and Education, Vol. 48 no1, p.
17-29.
NORRIS C. (1992). Uncritical Theory. Postmodernism,
Intellectuals, and the Gulf War. Amherst, MA: The University of Massachusetts
Press.
PAUL R. (1990). Critical thinking: What, why, and how.
New Directions for Community Colleges, Vol. 77, p. 3-24.
POLANYI M. (1958). Personal Knowledge. Towards a
Post-Critical Philosophy. Chicago, IL: University of Chicago Press.
RYAN R.M., DECI E.L. (2000). Self-determination theory
and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and
well-being. American Psychologist, Vol. 55 no1, p. 68-78.
SHORTRIDGE A., SABO G. (2005). Exploring the potential of
web-based social process experiential simulations. Journal of Educational
Multimedia and Hypermedia, Vol. 14 no4, p. 375-390.
SINCLAIR K.J., RENSHAW C.E., TAYLOR H.A. (2004).
Improving computer-assisted instruction in teaching higher-order skills.
Computers and Education, Vol. 42 no2, p. 169-180.
TSUI L. (2002). Fostering critical thinking through
effective pedagogy: evidence from four institutional case studies. The Journal
of Higher Education, Vol. 73 no6, p. 740-763.
Université de Moncton, Faculté des sciences
de l’éducation (2001). Vers une pédagogie
actualisante : Mission de la Faculté des sciences de
l’éducation et formation initiale à l’enseignement. Moncton, NB : Université de Moncton.
WITTGENSTEIN L. (1969). On Certainty. Oxford, UK:
Blackwell.
YANG Y.C., NEWBY T., BILL R. (2008). Facilitating
interactions through structured web-based bulletin boards: A quasi-experimental
study on promoting learners' critical thinking skills. Computers &
Education, Vol. 50 no4, p. 1572-1585.
A
propos des auteurs
Jimmy BOURQUE, Ph.D. en éducation de
l’Université de Sherbrooke, est professeur agrégé
à l’Université de Moncton depuis 2006 et directeur
scientifique du Centre de recherche et de développement en
éducation (CRDE) depuis 2007. Il se spécialise en
épistémologie et en méthodes quantitatives de
recherche.
Adresse : Faculté des Sciences de
l’éducation, Université de Moncton, Campus de Moncton,18
avenue Antonine-Maillet, Moncton NB E1A 3E9, Canada
Courriel : Jimmy.Bourque@umoncton.ca
Natasha PRÉVOST est titulaire d’un Ph.D. en Gender Graduate program in the Humanities de l'Université
d’Utrecht en Hollande. Chercheure associée à l'Institut
de dessarollo regional de l'université de Granada, ses
intérêts de recherche portent sur les théories de la
philosophie poststructuraliste, de l'éducation transculturelle, de la
permaculture, des minorités, de l'auto-organisation communautaire et sur
la recherche création. Elle favorise les approches de recherche-action,
l'ethnographie, le multimédia et la vidéo documentaire.
Adresse : Cortijo La Casaría del
Mercado, Almegijar 18438, Granada, España
Courriel : natashaprevost@yahoo.ca
Mathieu LANG, Ph.D. en philosophie de
l’Université Laval, est professeur adjoint à
l’Université de Moncton depuis 2005. Il se spécialise en
philosophie de l’éducation, en éducation à la
citoyenneté et en pensée critique.
Adresse : Faculté des Sciences de
l’éducation, Université de Moncton, Campus de Moncton, 18
avenue Antonine-Maillet, Moncton NB E1A 3E9, Canada
Courriel : Mathieu.Lang@umoncton.ca
1 Notre traduction.
2 Idem.
3 Idem.
4 Notre traduction.
5 Notre traduction.
6 Idem.
7 Un concordancer est un
logiciel permettant de rechercher et d’accéder à des
occurrences lexicales (mots ou phrases) dans un corpus textuel.
8 Notre traduction.
9 Idem.
10 Notre traduction.
|