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Évaluation des effets d’entraînements avec
tablette tactile destinés à favoriser l’écriture de
lettres cursives chez des enfants de Cours Préparatoire
Caroline Jolly (LPNC, UMR5105, Grenoble),
Edouard Gentaz (CNRS et FAPSE,
Université de Genève, Suisse)
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RÉSUMÉ : L'écriture
manuscrite est une activité complexe qui nécessite la
maîtrise et la coordination de compétences cognitives,
perceptivo-motrices et linguistiques, et qui requiert plusieurs années
d'apprentissage. Dans ce contexte, nous avons évalué les effets de
deux entraînements – avec tablette tactile ou avec papier –
destinés à favoriser l'écriture de lettres cursives chez
des enfants de Cours Préparatoire (CP) présentant des
difficultés de tracés. Les entraînements avec tablette
comportaient des vidéos montrant le tracé des lettres
entraînées en écriture cursive, vidéos qui
étaient absentes dans les entraînements sur papier. L'analyse
comparative des caractéristiques cinématiques de l'écriture
avant et après entraînement a montré une amélioration
significative des performances, et en particulier de la fluidité des
tracés, des enfants entraînés sur tablette tactile par
rapport aux enfants entraînés sur papier ou non
entraînés. Ces résultats sont discutés en relation
avec les spécificités des apports des tablettes tactiles.
MOTS CLÉS : apprentissage ;
écriture cursive ; interface tactile. |
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ABSTRACT : Handwriting
is a complex activity involving perceptuo-motor, cognitive and linguistic
skills, and requires several years of formal training for a correct mastering.
In this context, we evaluated two different trainings – using a touchpad
or on paper – aiming at improving cursive letters handwriting in 1st-grade
children presenting a delay in handwriting acquisition. The training using a
tactile interface included demo videos showing the correct sense of production
of cursive letters. A comparative analysis of the kinematic characteristics of
handwriting before and after training showed a significant improvement of
handwritten performances, in particular at the level of writing fluency, in
children trained on the touchpad compared to children trained on paper or to
non-trained children. These results are discussed in regards to the specificity
of contributions of tactile devices.
KEYWORDS : cursive
handwriting; learning; tactile interface. |
1. Introduction
L'écriture est un
acquis culturel essentiel au fonctionnement de notre société. Elle
est à la base de nombreuses productions aussi bien scolaires que
professionnelles. Cependant, son acquisition est loin d'être triviale. En
effet, apprendre à écrire est une activité complexe qui
nécessite la maîtrise et la coordination d'habilités
diverses, cognitives, perceptivo-motrices, attentionnelles et linguistiques (Blöte et Hamstra-Bletz, 1991) ; (Zesiger, 1995) ; (Vinter et Zesiger, 2007) ; (Bara et Gentaz, 2007), (Bara et Gentaz, 2010).
De Ajuriaguerra, Auzias et Denner (De Ajuriaguerra et al., 1979) résument parfaitement la singularité de l'écriture en
soulignant qu'elle est « à la fois praxie et langage ».
Etant donné l'impact des tracés de lettres manuscrites sur
d'autres activités d'écriture comme la copie ou la production de
textes (Berninger et al., 1997) ; (Bourdin et Fayol, 1994), (Bourdin et Fayol, 2000) ; (Graham, 1990) ; (Jones et Christensen, 1999),
et le fait que les difficultés en écriture nécessitent une
remédiation (Smits-Engelman et van Galen, 1997),
il nous apparaît donc important d’évaluer les effets de
nouveaux entraînements destinés à favoriser les
tracés de lettres cursives chez des enfants d’âge
scolaire.
Chez l'adulte, l'écriture manuscrite nécessite moins de
ressources attentionnelles et cognitives que chez l'enfant, car les processus
neuro-moteurs impliqués sont largement automatisés. En
conséquence, nous oublions que c'est une activité hautement
élaborée qui nécessite de longues heures
d’entraînements (Blöte et Hamstra-Bletz, 1991) ; (Viviani, 1994) ; (Chartrel et Vinter, 2004) ; (Vinter et Zesiger, 2007).
Comme nos ressources mnémoniques et attentionnelles sont limitées (Barrouillet et Camos, 2001) ; (Gavens et Camos, 2006),
l'automatisation des tracés permet donc de libérer des ressources
qui peuvent alors être utilisées pour les aspects linguistiques de
l'écriture.
D'un point de vue expérimental, l’écriture peut
être étudiée à trois niveaux en fonction de la taille
des unités prises en compte : lettres, mots, ou textes (Vinter et Zesiger, 2008).
Bien que seul le troisième niveau d'analyse reflète
l'activité d'écriture véritable et permet d'étudier
les aspects de composition, c'est-à-dire la manière dont un sujet
va transcrire un message sous forme écrite, l'étude des deux
autres niveaux est cependant particulièrement informative sur les
processus neuro-moteurs sous-jacents à l'apprentissage normal et
pathologique de l'écriture. Ainsi, la production de mots permet
l'étude des processus orthographiques, et l'étude de la production
des lettres permet d'étudier les aspects perceptifs et moteurs de
l'écriture. Nous savons que les trois niveaux sont interdépendants
et s'influencent mutuellement. Plusieurs études ont montré que les
processus grapho-moteurs interfèrent avec la construction et la
production de textes. Ainsi, l’élaboration du contenu, la
réalisation textuelle et la transcription puiseraient dans les
mêmes (et limitées) ressources cognitives. Par exemple, la
qualité d’un texte est meilleure quand les enfants dictent leur
production à une autre personne que lorsqu’ils
l’écrivent eux-mêmes (Graham, 1990).
De même, les enfants parviennent mieux à rappeler
l’information et à produire des phrases à l’oral
qu’à l’écrit (Bourdin et Fayol, 2000).
Des études évaluant les effets des entraînements sur le
niveau d'écriture ont également permis de mettre en
évidence un lien entre le tracé de lettres et la production de
textes (Graham et al., 2000).
L'apprentissage de l'écriture débute à
l’école maternelle. L’enfant acquiert progressivement des
compétences nécessaires à l’acte graphique, il
apprend à écrire son prénom en lettres majuscules, scriptes
et cursives, à copier quelques mots simples, et à écrire
les lettres sur une ligne puis entre deux lignes. Les premiers
entraînements consistent en des exercices de copie à partir de
modèles, une tâche proche du dessin. Au fur et à mesure de
l'apprentissage, l'enfant construit une représentation visuelle de la
lettre, qui guide sa production, et une représentation motrice,
spécifique à chaque lettre (Bara et Gentaz, 2007) ; (Bara et Gentaz, 2010) ; (Zesiger, 1995).
Dès le début de l’apprentissage de l’écrit, les
enfants peuvent se servir des représentations motrices des lettres pour
construire leurs représentations visuelles. Ainsi, des psychologues
montrent, chez des enfants japonais de troisième et de cinquième
années de primaire, que la mémorisation de lettres est meilleure
lorsque les enfants les apprennent en les écrivant que lorsqu’ils
les voient (Naka, 1998).
Renforcer les liens entre les compétences perceptives et motrices
améliorerait la mémorisation des lettres (Longcamp et al., 2005) et pourrait permettre de favoriser la compréhension du principe
alphabétique chez les jeunes enfants.
Les apprentissages de l'écriture et de la lecture sont
également étroitement liés et s'influencent mutuellement (Frith, 1985) ; (Dehaene et al., 2011).
Au début de l'apprentissage, ces activités se fondent sur un
ensemble de connaissances et de processus communs ou en forte interaction, comme
par exemple les connaissances du système alphabétique. La
reconnaissance visuelle des lettres est donc essentielle puisqu'elle est le
premier processus mis en jeu dans la lecture (Massaro et Klitzke, 1977) ; (Adams, 1990) ;
pour revue, (Dehaene et al., 2011).
Les méthodes multisensorielles s’appuient sur l’existence
d’un lien fort entre l’écriture et la lecture et supposent
que renforcer ce lien permettrait d’améliorer les
compétences en lecture des enfants. En d’autres termes, ces
expériences suggèrent que les aspects liés à la
programmation et à l'exécution motrice (évalués par
exemple par la vitesse du tracé de lettres isolées) sont
liés aux aspects de composition et de génération de textes
écrits, et soulignent donc l’importance pour l’enfant
d’acquérir un tracé fluide et automatique (rapide et sans
lever de crayon ou pause). Dans ce travail, nous allons examiner le
développement des tracés de lettres à travers deux causes
de progrès, les effets des entraînements multisensoriels et les
apports des interfaces haptiques ou tactiles.
1.1. Le développement des tracés de lettres
L'écriture manuscrite des lettres est gérée par des
règles de production motrice (Goodnow et al., 1973).
Pour écrire leurs premières lettres, les enfants utilisent en
général les mêmes règles de production motrice que
celles utilisées pour le dessin. Les règles de production du
dessin influencent l’écriture de la même manière que
l’apprentissage de l’écriture engendre par la suite des
changements dans ces règles. En France, le sens de rotation de
l’écriture des lettres cursives, qui se fait dans le sens
anti-horaire, impose des contraintes motrices fortes et de ce fait ne serait pas
utilisé spontanément par les jeunes enfants. En effet, ce
n’est que vers trois ou quatre ans que les enfants sont capables de
produire des cercles dans le sens des aiguilles d’une montre ainsi que
dans le sens inverse avec chaque main (Lurçat, 1974).
Cette compétence particulière serait un pré-requis pour
l’acquisition de l’écriture, mais le changement dans
certaines de ces règles (comme le changement du sens de rotation par
exemple) est une acquisition difficile pour le jeune enfant, qui
nécessite une pratique intensive des activités
d’écriture.
Au fur et à mesure de l'apprentissage de l’écriture, des
différences aussi bien quantitatives (vitesse) que qualitatives
(lisibilité) vont apparaître. L’émergence de ces
différences s'explique non seulement par l'apprentissage en classe mais
également par la maturation du système moteur qui permet à
l'enfant d’exécuter les gestes fins requis pour former les lettres.
L’évolution de l’écriture avec l’âge
concerne à la fois les aspects statiques (forme, taille, agencement des
lettres dans l’espace) et cinématiques de l’écriture
(durée, vitesse, nombre et durée des pauses, etc.). Entre 7 et 10
ans, on observe une progression globale des différents indices statiques
et dynamiques, avec en particulier une diminution progressive de la taille des
lettres, de la durée des tracés, et du nombre et de la
durée des pauses. La variabilité des productions pour un
même enfant tend également à diminuer. En parallèle,
on observe également une forte augmentation de la vitesse. A partir de 10
ans, les changements observés sont mineurs et vont dans le sens
d’une amélioration de l’automatisation et de la
fluidité de l’écriture.
1.2. Les causes de progrès
1.2.1. Le passage d'un contrôle rétroactif à un
contrôle proactif
En psychologie cognitive, il est classique de distinguer deux grands modes de
contrôle des mouvements : un contrôle en boucle fermée
(rétroactif) et un contrôle en boucle ouverte (proactif) (Zesiger, 1995).
Dans le premier mode, une trace motrice stockée en mémoire
à long terme détermine le début du mouvement qui est
ensuite ajusté en temps réel grâce aux feedbacks
sensori-moteurs. Ce mode de contrôle s’applique ainsi à des
mouvements dont la durée est suffisamment importante pour permettre ces
modifications (supérieurs à 100ms). En revanche, le contrôle
en boucle fermé s’applique à des mouvements très
rapides. Il suggère que le mouvement est entièrement
programmé par avance et donc exécuté sans
référence aux indices sensoriels. En réalité, quel
que soit le mouvement, le mode de contrôle n’est jamais exclusif,
mais intègre à la fois des feedbacks et des programmes moteurs
dont la contribution respective dépend de la tâche et de
l’expertise des participants (Desmurget et Grafton, 2000) ; (Zesiger, 1995).
Le mode de contrôle des mouvements serait
essentiellement rétroactif au début de l’apprentissage. Les
enfants utilisent, au cours du tracé de la lettre, les feedbacks
sensoriels (visuels et kinesthésiques) issus de leurs propres mouvements
manuels (Zesiger, 1995).
Avec l’apprentissage et l’automatisation, un mode de contrôle
proactif des mouvements deviendrait dominant. Ainsi, les enfants
n’auraient plus besoin de feedbacks sensoriels pour tracer une lettre, car
ils pourraient se baser sur un « programme moteur » comprenant des
commandes motrices centrales nécessaires et suffisantes pour la tracer
correctement et rapidement. En d’autres termes, les changements dans les
aspects statiques et cinématiques de l’écriture,
observés lors des premières années d’apprentissage,
pourraient être la conséquence du passage d’une
stratégie de contrôle rétroactif, basé sur les
feedbacks sensoriels, à une stratégie de contrôle proactif,
basé sur une représentation interne du programme moteur.
On constate également aussi que l’absence de feedback visuel a
des effets plus importants chez les jeunes enfants que chez les enfants plus
âgés et les adultes. En l’absence de feedback (yeux
bandés), la durée du mouvement, et la dysfluence (i.e. le nombre
de pics d'accélération et de décélération)
augmentent (Chartrel et Vinter, 2006).
Les différences entre « avec » et « sans feedback
» sont plus importantes pour les enfants de 8 et 9 ans. En l’absence
de feedback visuel, les enfants auraient tendance à essayer de maximiser
les informations kinesthésiques en augmentant la taille des lettres
produites. Ces feedback pourraient contribuer à
l’élaboration des représentations internes du mouvement sur
lesquelles s’appuient les enfants plus âgés et les adultes.
1.2.2. L'augmentation de la taille de l'unité du programme
moteur
La taille de l’unité de base du programme moteur
évoluerait également au cours de l’apprentissage de
l’écriture. En utilisant une tâche de copie de phrases,
Préteur et Telleria-Jauregui (Préteur et Telleria-Jauregui, 1986) ont étudié l’évolution de l’empan de
transcription (nombre de séquences écrites sans recours au
modèle) chez des élèves de première année
d’école élémentaire (CP). Ils ont montré que
la taille des unités transcrites sans recours au modèle augmente
au cours de l’année scolaire. En début d’année,
les élèves recopient des morceaux de lettres, puis des lettres
entières et, en fin d'année, des morceaux de mot ou des petits
mots entiers. L’acquisition de l’écriture se traduirait donc
par l’augmentation de la taille des unités contenues dans le
programme moteur.
En résumé, la qualité et la vitesse
d’écriture augmentent graduellement avec l’âge mais
tendent à stagner du point de vue de la qualité à partir de
la troisième année d’école élémentaire.
L’acquisition de l’écriture se traduit par (i)
l’élaboration de programmes moteurs de plus en plus
sophistiqués, (ii) un passage progressif d’un contrôle
rétroactif des mouvements d’écriture vers un contrôle
proactif, et (iii) une augmentation de la taille de l'unité de base du
programme moteur.
1.3. Comment apprendre à tracer des lettres ?
L’enseignement de l’écriture a pour premier objectif
d'aider les enfants à automatiser les aspects moteurs de
l’écriture, en proposant différents exercices
spécifiques (Bara et al., 2004).
Certaines activités de pré-écriture, comme tracer des
arcades et des cercles, permettraient de préparer efficacement les
enfants à l’apprentissage de l’écriture. La
qualité du tracé de lettres des enfants de maternelle qui
reçoivent ce type d’entraînement s’améliore de
manière significative en comparaison d’un groupe contrôle (Smits-Engelsman et al., 2001).
Les méthodes d'apprentissage de l'écriture consistent
principalement à montrer aux enfants comment reproduire les lettres selon
un « modèle ». L’enfant doit être capable de
percevoir non seulement la forme du modèle mais également la
déviation de sa propre production par rapport au modèle. Les
entraînements à l’écriture dirigés par
l’enfant se basent sur l’utilisation d’une réflexion
systématique de l’enfant après chaque exercice
d’écriture (Jongmans et al., 2003).
Ce type d'entraînements semble améliorer la qualité
d'écriture (i.e. la lisibilité) chez des enfants faibles
scripteurs, mais pas les caractéristiques cinématiques de leur
écriture.
Il semblerait que la présentation visuelle des lettres associée
à des commentaires verbaux sur la manière de les former donne de
meilleures performances dans la qualité du tracé des lettres en
comparaison d’une présentation uniquement visuelle (Berninger et al., 1997).
Ces résultats suggèrent que la capacité des enfants
à percevoir précisément la forme des lettres est un facteur
important pour le développement de l’écriture. La perception
et la mémorisation de la forme des lettres constitueraient donc la
première étape dans l'apprentissage de l'écriture. En
outre, une étude comparative de différents types
d’apprentissage (moteur, visuel ou visuo-moteur) de
l’écriture de lettres cursives chez l’enfant
pré-scripteur a montré l’importance des informations
visuelles dynamiques dans cet apprentissage (Vinter et Chartrel, 2010).
Plus récemment, nous avons montré chez des enfants de 5-6 ans que
l’exploration visuo-manuelle de lettres en relief dans un
entraînement de préparation de l’écriture
améliorait leur reconnaissance et la qualité globale de leur
tracé par rapport à une exploration seulement visuelle (Bara et Gentaz, 2011).
1.4. Apport d'une interface visuo-haptique dans l'apprentissage de
l'écriture
Les dispositifs haptiques sont des interfaces permettant à
l’utilisateur d’interagir avec le monde virtuel via le sens du
toucher. Contrairement aux interfaces traditionnelles qui fournissent des
informations visuelles et auditives, les interfaces haptiques
génèrent des signaux mécaniques (forces, vibrations,
mouvement) qui stimulent les voies kinésthétiques du sujet (Hayward et al., 2004) pour revue. De ce fait, le guidage par interface haptique a été
largement utilisé pour l'apprentissage de l'écriture (Bluteau et al., 2008) ; (Henmi et Yoshikawa, 1998) ; (Srimathveeravalli et Thenkurussi, 2005).
Dans une étude précédente, nous avions
développé une interface visuo-haptique ergonomique nommée
Télémaque (Hennion et al., 2005).
Ce dispositif utilise un stylo guidé par un bras-robot à retour de
force (PHANToM ®). La cinématique des mouvements utilisés par
Télémaque est basée sur les règles de production
motrice décrites par Lacquaniti, Terzuolo et Viviani (Lacquaniti et
al. 1983). Ce dispositif a été testé auprès
d'enfants de grande section de maternelle (GS) et de CP, dans le but de leur
apprendre à reproduire des lettres selon un modèle non seulement
statique mais également dynamique (Palluel-Germain et al., 2007).
Nos résultats montrent que l’utilisation de Télémaque
est bénéfique dans l’apprentissage du tracé des
lettres aussi bien chez les scripteurs débutants (GS, 5-6 ans) que chez
les enfants de CP (6-7 ans). Les enfants entraînés avec
Télémaque présentent en particulier une écriture
plus fluide après entraînement. Ces observations suggèrent
que Télémaque permettrait à l'enfant d'incorporer les
règles de production motrice, et les aiderait à passer d’une
stratégie de contrôle rétroactif à une
stratégie de contrôle proactif basé sur une
représentation interne du programme moteur. En outre, cette interface
pourrait être particulièrement intéressante dans la
remédiation contre les problèmes de distorsion de
l'écriture (lettres de forme incorrecte ou irrégulière,
lettres disjointes, problèmes de proportionnalité entre lettres,
etc.).
1.5. Apport d'une interface tactile dans l'apprentissage de
l'écriture
Malgré l’intérêt que présente clairement le
dispositif Télémaque, il n’est malheureusement pas possible
à l’heure actuelle de l’utiliser à grande
échelle dans les écoles ordinaires en raison de leur coût
(en achat et en suivi). En outre, la technologie du bras-robot est relativement
éloignée d'une situation réelle d'écriture en milieu
scolaire. Dans ce contexte, nous avons donc récemment cherché
à élaborer un nouveau type d’entraînements à
l'écriture utilisant une technologie beaucoup plus accessible : une
tablette tactile. Il s’agit en fait d’un écran
d’ordinateur tactile sur lequel on écrit directement à
l’aide d’un stylo adapté. L'apport principal de nos
entraînements par rapport à des entraînements classiques sur
papier est qu’ils incluent des démonstrations du tracé des
lettres sous forme de vidéos, que l’enfant peut visionner plusieurs
fois dans son espace de travail proche (plan horizontal de son bureau/cahier).
En effet, il a été montré que la colocalisation des espaces
de travail visuel et manuel favorise l’intégration multisensorielle (Congedo et al., 2006).
En outre, cette technique représente un environnement plus
écologique et plus proche d'une situation d'écriture en milieu
scolaire que le bras-robot Télémaque. De plus, l’utilisation
de ce matériel rend les exercices davantage attractifs du fait de leur
caractère multimodal et sans jugement, ce qui est un avantage en
particulier pour les enfants n’aimant pas les exercices
d’écriture. Enfin, les exercices proposés sont
évolutifs et peuvent donc être adaptés pour chaque enfant en
fonction de ses difficultés propres ou en fonction de son niveau
scolaire.
Nous avons donc généré des exercices
d’écriture semblables à ceux utilisés lors des
entraînements avec Télémaque, que nous avons ensuite
testés auprès d’enfants de GS afin d’évaluer
les effets de ce nouveau type d’entraînements sur
l’apprentissage du tracé de lettres (Jolly et al., 2013).
Nos résultats montrent une amélioration de la fluidité
d'écriture plus importante pour les enfants entraînés sur la
tablette tactile par rapport aux enfants ayant réalisé des
entraînements classiques sur papier. On observe en particulier chez les
enfants entraînés sur tablette une diminution du temps de crayon en
l'air, une diminution de la durée des tracés, ainsi qu'une
augmentation de la vitesse moyenne d'écriture. Ainsi, tout comme
Télémaque, ce type d'entraînements sur tablette tactile
pourrait aider le système moteur à intégrer les
règles de production motrice.
Dans la continuité de ces recherches, nous souhaitions
déterminer si nos entraînements pouvaient également
être bénéfiques non plus dans les premières
étapes de l'apprentissage de l'écriture chez des enfants
tout-venants, mais pour des enfants plus âgés (CP)
présentant un simple retard en écriture non associé
à un trouble des apprentissages. Notre hypothèse était que
l'ajout des vidéos montrant le tracé correct des lettres devrait
également entraîner une amélioration des performances des
enfants faibles scripteurs, tout comme nous l'avons observée chez les
enfants de GS. Les enfants faibles scripteurs tracent généralement
des lettres plus grosses que les enfants normo-scripteurs, mais ils les tracent
plus vite. Ceci s'explique par le principe d'isochronie, selon lequel la
durée du mouvement est constante quelle que soit la longueur du
tracé (Binet et Courtier, 1893) ; (Lacquaniti et al., 1983) ; (Wright, 1993).
Ainsi, pour une même lettre à tracer, si la taille de la lettre
augmente, la vitesse de traçage augmente donc proportionnellement, mais
la durée totale du tracé ne varie pas. Dans ce contexte, si nos
entraînements avec la tablette tactile améliorent la
fluidité d'écriture des enfants faibles scripteurs, nous devrions
donc observer une amélioration de certains paramètres
cinématiques de leur écriture tels que la vitesse et la taille des
lettres.
2. Méthode
2.1. Participants
Soixante-dix enfants scolarisés en classe de
CP dans des écoles primaires des environs de Grenoble ont
participé à cette étude. Ces enfants ont été
répartis en deux groupes en fonction de leurs productions écrites
avant entraînement (performances en pré-test), en accord avec les
enseignants. Le premier groupe de 42 enfants (27 garçons ; Mage = 6.4 ans, SDage = 0.25)
présentait des performances en écriture standard pour des enfants
de cet âge. Ce groupe n'a pas suivi d'entraînement particulier en
plus du travail effectué en classe, et a donc servi de groupe
Contrôle permettant d'évaluer la progression scolaire. Le second
groupe de 28 enfants (19 garçons ; Mage = 6.3 ± 0.25 ans) comprenait des
enfants ayant été repérés par les enseignants comme
présentant des difficultés en écriture. L'analyse de leurs
performances écrites en pré-test a confirmé ces
difficultés (cf. partie Résultats). Ces 28 enfants ont
été aléatoirement séparés en deux
groupes : un premier de 17 enfants (13 garçons ; Mage = 6.2 ± 0.25 ans) qui a suivi
les entraînements sur tablette tactile, et un deuxième groupe de 11
enfants (6 garçons ; Mage = 6.4 ± 0.33 ans) qui a
réalisé les mêmes exercices mais sur papier. Nous nous
réfèrerons à ces deux groupes sous les termes de
« groupe tablette » et « groupe papier »
respectivement. Aucun des enfants inclus dans cette étude ne
présentait de trouble avéré des apprentissages.
Cette étude a été réalisée en accord avec
la Déclaration d'Helsinki. Elle a été préalablement
approuvée par le comité d'éthique du laboratoire. Elle a
été menée avec le consentement écrit d'un parent de
chaque enfant, et en accord avec les conventions éthiques, entre
l'organisation académique (LPNC-CNRS) et les instances éducatives
(Inspection Académique).
2.2. Matériel et procédure
La tablette tactile (Wacom Cintiq©) était insérée
dans une planche de bois placée sur une table d'écolier, de
manière que la tablette soit dans la continuité spatiale de la
planche. L'enfant était confortablement installé en face de la
table (Figure 1).
Figure 1 • Dispositif utilisé pour les
entraînements. La tablette tactile est insérée dans une
planche de bois.
Les livres d’exercices virtuels ont été
générés à l’aide du logiciel Didapages© (Didapages 1, 2006).
Les exercices proposés consistaient en une copie de plusieurs lettres que
les enfants devaient tracer à partir d'un point de départ
indiqué, après visionnage d'une vidéo montrant le
tracé correct de la lettre (Figure 2).
Figure 2 • Exemple d'exercice
proposé.
Les lettres entraînées ont été choisies en accord
avec les enseignants : a, b, f, g, h, p, r, s, u et v. Chaque lettre
était tracée 10 fois lors de chaque entraînement, et les
enfants ont reçus 6 séances d'entraînement à raison
d'un entraînement par semaine, entre début janvier et
mi-février.
Les enfants des groupes « contrôle » et
« papier » ont passé un temps équivalent aux
enfants du groupe « tablette » sur l'ordinateur (jeux
interactifs).
2.3. Pré- et post-tests
L’évaluation des productions écrites des enfants a
été réalisée avant et après
entraînement sur la base d’une dictée, dans un ordre
aléatoire, des 10 lettres entraînées et de lettres non
entraînées qui ont servi de contrôles (c, d, e, i, j, l, m,
n, o et t). Les dictées ont été réalisées sur
une feuille placée sur une tablette graphique (Wacom© Intuos 3 A5
USB) à l'aide d'un stylo à bille (Intuos Ink Pen, Wacom©). Ce
système permet d'échantillonner les positions du stylo avec une
fréquence de 50 Hz et avec une résolution spatiale d'environ 0.1
mm. Chaque test durait environ 5 minutes. Chaque tracé était
ensuite analysé à l'aide du logiciel Scribble (Bluteau et al., 2010) ; (Jolly et al., 2010),
qui calcule 8 paramètres cinématiques rendant compte de la
fluidité d'écriture :
- - la longueur totale du tracé (en cm)
- - la durée totale du tracé (en secondes)
- - la vitesse moyenne (en cm/sec),
- - le nombre de traits qui constituent la lettre,
- - le temps de crayon en l'air qui correspond au temps total
(en secondes) durant lequel le stylo n'est plus en contact avec la tablette,
- - le nombre de pics de vitesse. Le calcul de ce
paramètre nécessite un filtrage préalable des
données brutes avec un filtre Butterworth d'ordre 3 à une
fréquence de coupure de 8 Hz (Butterworth, 1930),
- - le nombre de moments statiques, qui correspond au nombre
de périodes durant lesquelles la distance parcourue par le stylo est
nulle,
- - la pression moyenne du stylo sur la tablette.
2.4. Analyses statistiques
La moyenne et l'écart-type ont été calculées pour
chaque lettre et chaque paramètre. La comparaison des performances de
pré-test entre groupe contrôle et groupes entraînés a
été réalisée à l’aide d’un test
de Student. Les comparaisons des résultats entre les trois groupes
(contrôle, tablette, papier) avant et après entraînement ont
été réalisées par des ANOVAs avec le groupe comme
variable dépendante et les différents paramètres comme
variables inter-sujets.
3. Résultats
Une analyse comparative des performances en
pré-test des enfants du groupe contrôle (N=42) et des enfants des
deux groupes entraînés réunis (N=28) a tout d’abord
été effectuée à l’aide d’un test de
Student, afin de s’assurer que les performances des enfants ayant
été sélectionnés pour suivre les entraînements
étaient effectivement inférieures à celles des enfants du
groupe contrôle. Les résultats mettent en évidence une
différence significative entre le groupe contrôle et les deux
groupes entraînés réunis pour 5 paramètres : la
longueur des tracés (p = 0), la vitesse
(p = 0), le nombre de pics de vitesse
(p = 0.01), le nombre de moments statiques
(p < 0.001), et la pression (p = 0.03). Les
enfants ayant été choisis pour les entraînements
présentaient donc bien des difficultés en écriture par
rapport aux enfants contrôles.
La progression des performances en écriture de chaque groupe d'enfants
a ensuite été évaluée en calculant, pour chaque
lettre entraînée (a, b, f, g, h, p, r, s, u et v) et pour chaque
paramètre, la différence entre les résultats obtenus avant
et après entraînement. Les mêmes calculs ont
été faits pour les 10 lettres non entraînées (c, d,
e, i, l, m, n, o et t). Des ANOVAs ont ensuite été
réalisées pour mettre en évidence un éventuel effet
du groupe sur les performances des enfants. Les résultats obtenus mettent
en évidence un effet significatif du groupe sur trois paramètres :
la longueur, qui reflète la taille des lettres
[F(2,67) = 6.425, p = 0.002,
2p = 0.088], la vitesse moyenne
[F(2,67) = 9.52, p = 0.0001,
2p = 0.122], et le nombre de pics de
vitesse [F(2,67) = 5.99, p = 0.003,
2p = 0.08]. En particulier, la longueur
des tracés diminue significativement après entraînement pour
le groupe « tablette »
(M = -0.365 ± 0.88 cm) alors qu'aucune
progression n'est observée pour les groupes
« papier » (M = 0.018 ± 0.55
cm) et « contrôle »
(M = 0.015 ± 0.31 cm) (Figure 3A). De la
même manière, la vitesse moyenne des tracés diminue
après entraînement pour le groupe « tablette »
(M = -0.22 ± 0.45 cm/sec), alors qu'elle
augmente pour le groupe « papier »
(M = 0.094 ± 0.21 cm/sec) et n'est pas
modifiée pour le groupe « contrôle »
(M = -0.0005 ± 0.24 cm/sec) (Figure 3B). Enfin,
le nombre de pics de vitesse augmente pour le groupe
« tablette »
(M = 1.01 ± 3.11) mais
de manière moins importante que pour le groupe
« papier »
(M = 1.87 ± 4.04), alors qu'il diminue pour le
groupe « contrôle »
(M = -0.417 ± 2.8) (Figure 3C).
Figure 3 • Progression des
paramètres de longueur (A), vitesse (B) et nombre de pics de vitesse (C)
après entraînement pour le groupe contrôle, le groupe
entraîné sur papier, et le groupe entraîné sur
tablette.
En parallèle de cette amélioration des paramètres
quantitatifs de l'écriture, nous observons également une
amélioration qualitative de l'écriture des enfants
entraînés avec la tablette tactile. Quelques exemples illustratifs
de lettres tracées par des enfants de ce groupe avant et après
entraînement sont présentés dans la Figure 4.
Figure 4 • Exemple de lettres tracées lors des
tests de dictée effectués avant et après entraînement
par dix enfants du groupe ayant réalisé les entraînements
sur tablette tactile.
L'ensemble de ces résultats témoigne donc d'une augmentation
significative de la fluidité de l'écriture uniquement chez les
enfants ayant suivi les entraînements sur la tablette tactile.
4. Conclusion
Dans cette étude, nous avons
évalué les effets d'entraînements avec tablette tactile sur
la fluidité des tracés de lettres cursives isolées chez des
enfants de CP présentant des difficultés en écriture. Nos
résultats montrent une amélioration significative de
l'écriture des lettres uniquement chez les enfants entraînés
sur tablette tactile. Nous observons en particulier une diminution de la taille
des lettres et de la vitesse moyenne d'écriture, et une augmentation du
nombre de pics de vitesse moins importante que celle observée pour le
groupe d'enfants entraînés sur papier. La diminution concomitante
de la taille des lettres et de la vitesse est en accord avec le principe
d'isochronie, selon lequel pour un même tracé, la durée du
mouvement d'écriture reste constante quelle que soit la taille du
tracé (Binet et Courtier, 1893) ; (Lacquaniti et al., 1983) ; (Wright, 1993).
En outre, la diminution de la vitesse moyenne que nous observons est en accord
avec des études antérieures, qui montrent que l'augmentation de la
vitesse moyenne d'écriture se fait principalement entre 8 et 10 ans (Maeland et Karlsdottir, 1991) ; (Sassoon et al., 1989).
Enfin, des résultats obtenus récemment au laboratoire ont mis en
évidence une diminution importante de la vitesse moyenne
d'écriture entre la grande section de maternelle et le CP (C. Jolly,
résultats non publiés). L'ensemble de ces observations
témoigne donc d'une augmentation de la fluidité d'écriture.
Ces résultats sont en accord avec nos précédentes
études montrant l'apport d'entraînements utilisant
Télémaque (Palluel-Germain et al., 2007) ou la tablette tactile (Jolly et al., 2013) sur l'apprentissage de l'écriture chez des enfants de GSM. Ainsi, les
exercices que nous proposons pourraient être utilisés en milieu
scolaire pour aider à l'apprentissage de l'écriture chez les
enfants faibles scripteurs.
Comment expliquer les effets bénéfiques des entraînements
sur tablette tactile ? Ces effets pourraient être dus à la
composante dynamique de nos entraînements, c'est-à-dire aux
vidéos montrant le tracé des lettres dans le même espace de
travail d’écriture. En effet, les vidéos de
démonstration constituent la différence principale entre les
entraînements réalisés sur la tablette tactile et ceux
réalisés sur papier. Dans le système scolaire,
l’enseignement de l’écriture consiste principalement à
montrer aux enfants comment reproduire les lettres selon un modèle. Or,
dans la classe, l'enseignant ne peut montrer aux enfants qu'un nombre
limité de fois comment tracer les lettres. En outre, lorsque les enfants
réalisent des exercices d'écriture sur papier, ils ne disposent
que d'un modèle statique qui ne leur permet donc pas de corriger un
éventuel sens de production erroné. Bien que cette approche
convienne à la grande majorité des enfants, elle semble poser
problème aux enfants présentant des difficultés en
écriture qui peuvent avoir besoin d'un plus grand nombre de
démonstrations. Du fait des vidéos qu'ils contiennent, nos
entraînements pourraient ainsi représenter une solution pour ces
enfants. En outre, ils facilitent le travail en autonomie des enfants. Enfin, le
tableau sur lequel l'enseignant écrit est parfois loin de l'enfant, alors
que les vidéos se situent dans l'environnement de travail de l'enfant,
permettant ainsi de mieux capter son attention. On sait en outre que la
colocalisation des espaces de travail visuel et manuel favorise
l’intégration multisensorielle (Congedo et al., 2006).
Une autre hypothèse, que nous devons également prendre en
compte, est l'aspect attractif de l'environnement numérique, qui pourrait
simplement favoriser une meilleure participation des enfants dans la tâche
demandée, entraînant par conséquence de meilleures
performances écrites. Bien que les dictées de pré- et
post-tests aient été réalisées avec un stylo et une
feuille de papier, et que les enfants des groupes
« contrôle » et « papier » aient
également utilisé l'ordinateur pour des jeux, il serait
néanmoins essentiel dans une prochaine étude que les enfants du
groupe « papier » réalisent également les
entraînements sur la tablette tactile, mais sans vidéos, ceci afin
d'écarter totalement l'hypothèse d'un simple effet du à
l'attractivité de l'environnement numérique.
La technologie utilisée dans cette étude est
intéressante du point de vue financier, et bien plus abordable pour les
écoles que le système expérimental du bras-robot. Elle
représente cependant un certain coût, qui reste encore une
limitation à son transfert en milieu scolaire. En outre, elle implique
l'utilisation d'un ordinateur, ce qui nécessite donc quelques
compétences en informatique de la part des enseignants, un aspect qui
peut parfois être limitant. Dans ce contexte, l'émergence
récente et le développement massif des interfaces tactiles offre
de nouveaux supports pour le développement d'exercices
d'entraînements à l'écriture. Nous envisageons donc de
développer nos entraînements sur ce type d'interfaces, dont le
coût moindre et surtout la facilité d'utilisation devraient les
rendre particulièrement attractives pour les enseignants et pourraient
à terme permettre leur utilisation à grande échelle dans
les écoles.
Il serait également intéressant de tester les apports de nos
entraînements sur l'acquisition de l'écriture des chiffres. En
particulier, l’orientation spatiale des lettres et des chiffres semble
être l’attribut le plus difficile à acquérir, comme le
montrent des études chez de jeunes enfants (Adams, 1990) ; (Gibson et al., 1962) ou chez des enfants présentant des troubles de l’apprentissage (Liberman et al., 1971) ; (Terepocki et al., 2002).
Ainsi, une très grande partie des jeunes enfants (4-5 ans) passent par
une étape « normale » au cours de
l’apprentissage pendant laquelle ils présentent des
difficultés à discriminer et les chiffres et certaines lettres de
leur image en miroir, et/ou à tracer ces caractères correctement (Cornell, 1985) ; (Della Sala et Cubelli, 2007) ; (Schott, 1999), (Schott, 2007) ; Pegado et al., 2011).
Ce problème disparaît le plus souvent après une
période d’apprentissage plus ou moins longue, mais il peut devenir
très handicapant pour l’enfant s’il persiste. Dans ce
contexte, il serait donc intéressant de tester si des entraînements
comprenant des vidéos montrant le tracé des chiffres peuvent
être bénéfiques pour l'apprentissage de l'écriture
des chiffres, en particulier en diminuant l'écriture en miroir. Enfin,
nos entraînements permettant d'améliorer l'écriture
d'enfants faibles scripteurs, il serait également intéressant de
tester si ce type d'entraînements peut permettre d'améliorer
l'écriture d'enfants dysgraphiques (Jolly et al., 2010) ; (Huron, 2011).
Remerciements
Nous remercions les directeurs d'école et les
enseignants, les enfants ainsi que leurs parents pour leur participation. Nous
remercions également Sébastien Boisard qui a
développé le logiciel Scribble utilisé pour l'analyse des
traces d'écriture. Ce travail a été financé par le
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et par l'Université
Pierre Mendès-France de Grenoble.
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A
PROPOS DES AUTEURS
Caroline
JOLLY est docteur en biologie, chargée de recherche CNRS au Laboratoire
de Psychologie et NeuroCognition de Grenoble. Elle a rejoint l'équipe
Psychologie et Neurocognition des systèmes sensori-moteurs dirigée
par Edouard Gentaz fin 2008, avec qui elle a travaillé sur les
mécanismes sous-jacents à l'apprentissage de l'écriture et
à ses troubles chez l'enfant.
Adresse : 1251 avenue centrale, BP47,
38040 Grenoble cedex.
Courriel : caroline.jolly@upmf-grenoble.fr
Edouard GENTAZ est docteur en psychologie cognitive.
Après avoir été directeur de recherche CNRS au sein du
Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de Grenoble où il dirigeait
l'équipe Psychologie et Neurocognition des systèmes
sensori-moteurs, il est actuellement détaché du CNRS en tant que
Professeur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de
l'Education de l'Université de Genève où il dirige le
groupe de recherche : Développement perceptivo-moteur, affectif et
social de la naissance à l'adolescence. Il est, entre autres,
spécialiste des apprentissages scolaires fondamentaux tels que la
lecture, l'écriture et la géométrie.
Adresse : Faculté de Psychologie
et des Sciences de l’Education, Université de Genève, 40
boulevard du Pont d’Arve, 1211 Genève 4, Suisse.
Courriel : edouard.gentaz@unige.ch
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