Observation de deux MOOC (Gamification et Writing in the
Sciences) et pistes de recherche
Marilyne ROSSELLE (MIS-UPJV)
|
RÉSUMÉ : Cette
rubrique présente les observations recueillies dans le cadre du suivi de
deux cours MOOC (Massive Open Online Courses) : Gamification et Writing in
the Sciences. Ces observations nous permettent d’apprécier ces
dispositifs lorsqu’ils sont utilisés par un étudiant
autonome dans ses apprentissages. Elles soulèvent aussi de nombreuses
questions de recherche. Nous pensons qu’il y a matière à
ouvrir un nouveau champ d’application des recherches en EIAH. Nous
présentons deux pistes de recherches : l’évaluation
entre pairs et la construction d’une plateforme réutilisant des
éléments des plateformes MOOC. Elle serait utilisée par
exemple comme objet de formation et de recherche pour une communauté de
chercheurs et de doctorants.
MOTS CLÉS : MOOC,
Coursera, Observations, Pistes de recherche, évaluation entre pairs,
évaluation des enseignements, plateforme MOOC pour chercheurs et
doctorants |
|
ABSTRACT : In
this paper, we observe two MOOCs (Massive Open Online Courses):
“Gamification” and “Writing in the Sciences”. Our
observations allow us to appreciate such frameworks for students that are
autonomous in their learning. They also raise many questions. We believe that
there are enough questions to define a new application domain for our research
in Technology Enhanced Learning. We also present two of our research interest:
peer assessment and design of a platform that could use MOOC platforms elements.
That platform would be used in some contexts that are different from the
original MOOC contexts, e.g. for researchers and PhD students.
KEYWORDS : MOOC,
Coursera, Observation, Research Questions, peer assessment, teaching assessment,
MOOC platform for researchers and PhD students |
1. Introduction
Nombre
d’articles, de blogs et même la conférence de Daphne
Koller à TED en 2012 présentent le phénomène
MOOC (voir par exemple Cisel
et Bruillard, dans ce recueil), mais peu de descriptions
détaillées de leurs modes de fonctionnement sont accessibles.
D’août 2012 à janvier 2013, une participation assidue
à deux MOOC (Gamification et Writing in the sciences) et
plus épisodique à d’autres cours de ce type, prenant tour
à tour la casquette de l’étudiant et celle de
l’enseignant-chercheur, nous permet de rendre compte de leurs
déroulements.
Après une brève présentation des caractéristiques
des MOOC observés, nous discuterons des évaluations qui y ont
été mises en place ainsi que de l’évolution du
dispositif d’apprentissage pendant la période d’étude.
Nous rassemblons, ensuite, diverses observations portant sur les
activités dans ces MOOC, sur le modèle sous-jacent
d’enseignement et sur quelques aspects économiques. La
dernière partie présente des pistes de recherche.
2. Caractéristiques des MOOC observés
2.1. Quelques caractéristiques générales
Initialement,
le sigle MOOC est apparu dans le contexte du connectivisme (Kop et Hill, 2008).
Le sigle MOOC se décline en Massive Open Online Courses ou en Massively Open Online Courses selon les auteurs. Par rapport aux cours en
ligne ouverts, l’ajout du ‘M’ traduit que ces cours
s’adressent à de nombreux étudiants. L’ordre de
grandeur va de plusieurs centaines à plusieurs dizaines de milliers
d’étudiants pour un cours. C’est un changement
d’échelle par rapport aux systèmes de e-learning
préexistants. Les sites de MOOC devaient permettre aux apprenants de
construire ensemble le cours et leurs connaissances avec l’aide de
l’enseignant. Cependant, de nombreux MOOC transposent actuellement le
modèle transmissif tout en ajoutant des touches d’activités
qui peuvent aussi avoir leur place dans un modèle moins transmissif.
Les MOOC sont accessibles à tous sans conditions. Ainsi aucune
inscription préalable dans une université, ni attestation
d’un niveau particulier, ni rapport avec un projet professionnel, avec des
études ou la profession au moment de l’inscription n’est
demandée. L’enseignement concerne une
« matière » habituellement enseignée à
l’université ou non. Il est dispensé par un enseignant de
formation ou de statut académique ou par un enseignant issu des
entreprises (qu’il ait un diplôme universitaire quelconque ou non).
Si la grande majorité des MOOC est dispensée en anglais, il
existe aussi, à ce jour, des MOOC en espagnol et le premier MOOC
francophone, ITYPA (Internet Tout Y Est
Pour Apprendre) s’est terminé en décembre 2012 avec
près de mille étudiants
Les MOOC sont dispensés sur des plateformes (la partie visible par
l’étudiant est le site délivrant les cours-MOOC). Le code
source de ces plateformes de MOOC est parfois propriétaire (Coursera),
parfois open source (edX, ventura lab, class2go, openMOOC, unedcomas). Certaines
sont régies par une entreprise privée (ou groupements
d’entreprises privées). C’est le cas de Coursera et
d’Udacity. D’autres sont dispensées par des groupements
d’universités comme edX (ex. X consortium) construit autour du MIT.
La presque totalité des MOOC sont gratuits pour les étudiants.
Notons qu’actuellement (et paradoxalement) les sites de MOOC issus du
privé n’intègrent pas d’encarts publicitaires dans
leurs MOOC. Leur modèle économique repose, pour le moment,
plutôt sur les conventions qu’elles passent avec les
universités et sur la mise en relation des entreprises avec les meilleurs
étudiants (voir Cisel
et Bruillard, dans ce recueil).
2.2. Liste des MOOC suivis
Les MOOC que nous avons choisi d’observer
(voir tableau 1), Gamification et Writing in the Sciences,
principalement en raison de leur thème, sont hébergés par Coursera. Coursera, géant et un
des leaders du mouvement MOOC, disposait, au 14 janvier 2013, d’au
moins 213 cours (ceux terminés et non encore annoncés pour une
future session n’étant pas comptés). Ces cours sont offerts
par des universités partenaires qui en assurent la création.
À la même date, 33 universités sont recensées, dont
une grande majorité d’universités américaines et
parmi elles de nombreuses universités prestigieuses ;
2 300 422 étudiants apparaissent comme inscrits sur le site de
Coursera.
Le Tableau 1 présente les informations principales concernant les deux MOOC que nous
avons suivis entièrement.
Titre du MOOC |
Équipe pédagogique |
Institution support |
Date de début |
Durée |
charge de travail hebdomadaire estimée |
Gamification |
KevinWerbach |
Université de Pennsylvanie |
27/08/12 |
6 sem. |
4 à 8 heures |
Writing in the Sciences |
KristinSainani |
Université de Stanford |
24/09/12 |
8 sem. |
4 à 8 heures |
Tableau 1 •
Quelques caractéristiques des MOOC observés
2.3. Description des étapes pour accéder au cours
Nous
avons participé à toutes les activités pédagogiques
proposées par les deux MOOC suivis.
L’offre de cours est accessible sur le site de Coursera, certains MOOC
étant mis en avant avec une accroche visuelle. Cette accroche comporte le
titre du MOOC, une illustration, le nom de l’université qui la
propose, la date à laquelle le cours commence (ou to be announced)
et la durée du cours en semaines. Nous pouvons aussi parcourir ces
annonces par « catégorie » ou par université.
Les catégories recouvrent les principaux domaines d’enseignement
(exemple : « biologie et sciences de la vie » ou
« lois »).
2.3.1. Fiche descriptive d’un MOOC
Chaque fiche d’information décrivant
un MOOC se compose de deux parties. La première comprend : le nom du
MOOC, le nom des enseignants composant l’équipe pédagogique,
l’université qui offre ce cours, une description en quelques lignes
de l’objet du MOOC, la date de début, la durée, la charge de
travail hebdomadaire estimée et une vidéo (ou parfois une image)
de présentation du MOOC de quelques minutes (1’45 pour Gamification). Cette vidéo est aussi accessible sur Youtube.
Les rubriques qui apparaissent dans la seconde partie dépendent de
chaque enseignement. Cette partie comprend une description un peu plus
détaillée du cours, une présentation des enseignants
(« instructors ») de l’équipe
pédagogique avec leur CV et les publications en rapport avec le cours, le
plan de cours (« syllabus »), les catégories
auxquelles appartient le MOOC, les prérequis
(« background ») et la FAQ (Foire Aux Question ou Frequently Asked Questions).
Le syllabus contient soit la décomposition en chapitres ou en
unités et éventuellement le nombre d’unités par
semaines, soit juste les sujets ou topics abordés dans le cours.
Les prérequis sont donnés à titre informatif. La FAQ
explique que les étudiants qui auront atteint un seuil dans
l’évaluation recevront un certificat, quelles ressources
pédagogiques supplémentaires sont nécessaires dans le MOOC,
qui devrait suivre le MOOC, en quoi consiste une session typique du cours, ce
que l’étudiant peut apprendre de ce cours, etc.
Pour la charge de travail estimée, elle est donnée sous la
forme d’un intervalle. Nous ne savons en général pas si
c’est l’enseignant qui l’estime, si cette valeur dépend
d’observations préalables, si elle ne comprend que le temps pour
regarder les vidéos sans pause et pour effectuer les devoirs dans le
temps que l’enseignant aurait alloué à un devoir sur table,
si elle prend en compte le temps de revoir les connaissances ou de
s’exercer à une technique découverte les semaines
précédentes. Le MOOC Think again est une
exception : l’enseignant estime la charge de travail à 5
à 6 h par semaine. Il précise ensuite « Vous devez vous
attendre à dépenser environ 2 heures par semaine à regarder
les conférences, encore 2 heures par semaine à faire les exercices
et environ 1 heure pour chaque test. Vous voudrez peut-être passer plus de
temps pour lire et participer aux forums de discussion ».
2.3.2. Inscription
Une fois un MOOC sélectionné, il
faut s’y inscrire et, sur Coursera, nous devons créer un compte.
L’identité fournie sera celle qui figurera sur le certificat
éventuellement délivré en fin de cours. Il convient donc de
bien gérer son identité en fonction de nos intentions
initiales : pour notre culture ou pour avoir un certificat que nous
pourrons présenter.
Actuellement, les certificats de Coursera ne sont ni reconnus pour
l’obtention de crédits dans les universités
américaines, ni comptabilisables comme ECTS dans la communauté
européenne. Mais Coursera est en pourparlers avec l’ACE
(American Council on Education) pour que ces certificats soient reconnus.
Il faut adhérer à un code d’honneur à chaque
inscription à un MOOC (Figure 1).
Figure 1 • Le code d'honneur de Coursera (en
août 2012)
L’étudiant peut s’inscrire plusieurs semaines avant que le
MOOC ne commence effectivement. Quand le MOOC est sur le point de commencer,
l’équipe pédagogique informe l’étudiant du
démarrage prochain du MOOC et donne d’éventuels conseils de
lecture, des logiciels à télécharger ou à acheter,
etc. C’est aussi l’occasion de donner l’URL d’un sondage
hébergé soit par Coursera, soit par l’université qui
dispense le cours. Ce sondage a pour but de cerner le public qui s’inscrit
au MOOC. Une partie de ce sondage est personnalisé pour chaque
enseignement, une autre comprend la tranche d’âge, le genre, le pays
de résidence, le statut (étudiant à plein temps,
employé à plein temps, etc.). Pour le MOOC Gamification, 80
% des étudiants qui y ont répondu ont déclaré ne pas
être des étudiants à plein temps. Ceux-ci ne sont donc pas
des étudiants au sens administratif du terme. Selon K. Werbach, il
s’agit de personnes qui se placent dans une perspective
d’apprentissage tout au long de la vie (lifelong learning), mais ce
n’est pas si sûr.
2.3.3. Description de l’enseignement
Dans Coursera, un
enseignement est défini par un ensemble cohérent de ressources
choisi par les enseignants. Les MOOC ne constituent pas de petites unités
avec un objectif précis que l’étudiant choisit pour se
composer son parcours comme dans la Khan
Académie. La cohérence de l’ensemble est du ressort des
enseignants. Les MOOC de Coursera sont aussi plutôt
conséquents : plusieurs semaines contre quelques heures dans
d’autres sites de MOOC.
Quand un enseignement débute, l’équipe met à
disposition des étudiants le curriculum, le rythme et
l’évaluation. Le curriculum décrit semaine par semaine
l’enseignement. Cette description est annoncée dès le
commencement du cours. Elle comprend, son objet, le nom d’un ou plusieurs
chapitres ainsi que les lectures, sites ou vidéos qui sont obligatoires
et celles qui sont facultatives. Les devoirs y sont annoncés. Par
exemple, le curriculum de Gamification précise qu’il y aura
un QCM (Homework) à la fin des trois premières semaines et
trois devoirs écrits (Writing Assignment) à partir de la
semaine quatre.
Avec Coursera, comme dans la majorité des MOOC, le cours commence
à une date fixée (il existe cependant quelques cours en
auto-apprentissage que l’étudiant peut prendre quand il le
souhaite). L’enseignement y est dispensé de manière
séquentielle et non individualisée : les matériaux de
cours sont annoncés semaine après semaine. Chaque semaine, ce sont
les mêmes vidéos qui sont présentées et les
mêmes devoirs qui sont annoncés pour tous. Il y a donc un rythme
type. Les étudiants peuvent regarder toutes les vidéos et faire
les devoirs et les QCM le premier jour où ils sont mis en ligne. Ils
peuvent aussi les faire à leur rythme, y compris après les dates
limites fixées pour les devoirs. Cependant les scores ne seront plus pris
en compte pour l’évaluation finale. De plus, pendant environ un
mois après la fin officielle du MOOC, il est encore possible de consulter
le wiki, les forums. Ensuite, l’enseignement est archivé. Dans ce
cas, seules les vidéos sont accessibles soit pendant encore 3 à 4
mois, soit quand l’enseignement est annoncé à nouveau.
Ainsi, depuis le 21/01/2013, nous n’avons plus eu accès au MOOC Gamification alors que les archives du MOOC Writing sont toujours
disponibles.
Les vidéos des cours durent très peu de temps : de
1’48 à 15’44 (minutes) avec une médiane à
10’17 pour Gamification pour un total de 800 minutes (moyenne de
2h15 par semaine). Pour le MOOC Writing le minimum est à
2’58, le maximum à 41’48 et la médiane à
14’16 pour un total de 750 minutes (moyenne d’1H22 par semaine). La
plupart des vidéos sont ponctuées par un à trois
écrans de questions. Chaque écran comprend une question de type
QCM ou une question accompagnée d’un champ de saisie de la
réponse. En cas de mauvaise réponse, il peut faire une seconde
proposition de réponse. Il peut alors consulter l’explication de la
réponse (facultativement) et poursuivre la vidéo. Ces
écrans permettent de tester la compréhension immédiate et
de soutenir l’attention.
3. Observation de l’évaluation et du dispositif
Nous abordons
successivement l’évaluation des étudiants, celle de
l’enseignement et l’évolution du dispositif pendant la
période d’observation.
3.1. Évaluation des étudiants
L’évaluation
des étudiants concerne bien sûr l’évaluation des
apprentissages visés par le MOOC. Elle suit certaines règles et
concerne différents types de devoirs. Nous abordons aussi
l’évaluation des pairs et détaillons
l’évaluation finale des étudiants.
3.1.1. Règles dans l’évaluation
Le syllabus annonce,
dès le début du MOOC, la date à laquelle les devoirs sont
dus (due date) ainsi qu’une date limite (hard deadline),
ultérieure ou identique à la précédente. Quand ces
deux dates sont distinctes les enseignants peuvent décider
d’appliquer éventuellement une pénalité à ceux
qui ont rendu leur devoir entre la date due et la date limite (e.g. appliquer un
coefficient 80% à la note obtenue). Par ailleurs, les enseignants
décident soit de répartir les dates limites
régulièrement tout au long de l’enseignement soit de les
fixer en fin de l’enseignement (l’apprenant choisit alors son rythme
librement) ; c’est le cas du MOOC Think
again.
L’étudiant peut faire un devoir même s’il n’a
pas rendu les devoirs précédents. Pour chaque devoir rendu, au
moment de la validation du formulaire d’envoi, l’étudiant
certifie que la soumission est bien un devoir personnel, en conformité
avec le code d’honneur du cours (en cochant une case ; tant
qu’elle n’est pas cochée le bouton de soumission n’est
pas actif).
3.1.2. Types de devoirs et évaluation associées
Dans les cours observés, nous avons
recensé trois types de devoirs : les QCM, les devoirs
rédigés en langue naturelle (ici en anglais) et les programmes
informatiques à réaliser ; à chacun d’entre eux
correspond un type d’évaluation différent.
Pour les QCM, l’étudiant remplit un formulaire en ligne, le
valide et reçoit immédiatement son score. Un QCM peut être
tenté à plusieurs reprises : entre 2 et 100. Ce nombre est
fixé par les enseignants. Ces derniers définissent aussi la
règle pour déterminer le score final (e.g. le meilleur de tous les
essais ou le dernier de tous les essais). Cette règle est clairement
annoncée. En cas de nouvelle tentative, le QCM qui est
présenté n’est pas identique au précédent mais
il en diffère peu : la plupart des questions sont identiques et sont
présentées dans le même ordre, seul l’ordre des
réponses proposées pour chaque question est modifié. Pour
un des QCM, nous avons repéré quelques questions
équivalentes qui pouvaient se substituer les unes aux autres. Dans une
question, nous avons aussi observé que les réponses fausses
proposées étaient différentes d’une tentative
à l’autre. Ces observations laissent à supposer que Coursera
propose un générateur de QCM assez riche. Par ailleurs, nous avons
observé que dans certains cours, les QCM sont associés à
chaque semaine de cours (évaluation formative ou sommative selon le cas)
ou à chaque vidéo de cours (évaluation formative).
Pour les devoirs écrits, le processus se déroule en quatre
étapes : (1) faire le devoir, (2) évaluer ses pairs, (3)
s’auto évaluer et (4) voir le résultat. Pour la
première étape, l’énoncé est donné
ainsi que les critères d’évaluation. Ces critères
sont identiques pour l’évaluation des pairs et
l’auto-évaluation. Une fois les trois premières
étapes terminées, l’étudiant doit attendre la fin de
la période d’évaluation par les pairs avant de consulter son
résultat.
Enfin les programmes informatiques sont un type de devoir pour lequel une
analyse automatique des réponses est partiellement possible (comme dans
d’autres disciplines telles les mathématiques). Ainsi dans le MOOC
d’Algorithmique 2,
les étudiants ont des programmes à écrire et les
enseignants ont mis à leur disposition un jeu d’essai (sous forme
de fichier) à fournir en entrée de leur programme. Les
étudiants doivent calculer une certaine valeur et la copier dans le
formulaire de réponses. Lorsque le formulaire est validé,
l’étudiant reçoit un score. Ici, le mécanisme de
validation mis en place n’est pas très élaboré :
il suffit de comparer la valeur donnée par l’étudiant avec
la valeur attendue. Une rétroaction peut aussi être
donnée.
3.1.3. Évaluation par les pairs dans les MOOC observés
Avant
d’évaluer ses pairs sur un devoir donné, il est
nécessaire d’avoir au préalable soumis ce devoir. Pour
évaluer ses pairs, l’étudiant applique les critères
d’évaluation annoncés avec le sujet du devoir, correspondant
à une évaluation quantitative et une évaluation
qualitative.
Pour l’évaluation quantitative, l’étudiant doit
donner une note selon une consigne précise. Par exemple, pour Gamification, le premier devoir consistait à argumenter
auprès du service marketing d’une entreprise, la proposition de
« gamifier » leur processus, en donnant des raisons. Si
l’étudiant à évaluer n’a donné
« aucune réponse ou une réponse complètement hors
sujet », il reçoit le score de 0, s’il fournit une raison
pertinente, il obtient le score 1, et le score 2 s’il fournit 2 raisons ou
plus.
L’évaluation qualitative, quant à elle, demande de mettre
en valeur ce qui est intéressant dans la proposition d’une part, et
ce qui aurait pu la rendre meilleure d’autre part. Les enseignants
insistent sur l’intérêt de faire des retours positifs et
constructifs, et de rester courtois dans les commentaires et
évaluations.
Ces évaluations quantitatives et qualitatives sont données par
cinq pairs dans les MOOC Gamification et Writing. La note finale
du devoir tient compte uniquement des évaluations quantitatives des
pairs.
Le processus d’évaluation entre pairs fait partie de la
pédagogie et contribue directement à l’évaluation
sommative des étudiants. Pour Coursera, Daphné Koller (Koller, 2012) le
justifie par les études présentées dans (Sadler et Good, 2006) qui montre que les évaluations données par les pairs sont assez
proches de celles données par les enseignants. C’est un moyen pour
renvoyer une évaluation faite par un humain pour les nombreux
étudiants qui soumettent un devoir. Ainsi, pour Gamification,
13 088 étudiants ont réalisé au moins une
évaluation d’un pair. Sur l’ensemble de ce MOOC, il y a eu
187 028 évaluations de pairs.
Enfin, cette évaluation entre pairs permet aussi le tutorat entre
pairs quand les enseignants l’ont prévu. Par exemple, dans Writing, l’étudiant reçoit l’évaluation
de cinq de ses pairs pour chacun des deux premiers devoirs. Dans le dernier
devoir, il doit réviser ses deux premiers devoirs au regard de ce
qu’il a appris dans le cours et de ce que lui ont retourné les
autres étudiants. Il y a ainsi plus de chance qu’il tienne vraiment
compte de leurs commentaires et de ce qu’ils lui ont appris.
3.1.4. Évaluation finale des étudiants
L’évaluation
finale du MOOC Gamification est composée à 35% par les QCM
de début de cours, à 35% par les notes obtenues aux trois devoirs
écrits incluant 5 évaluations de pairs chacun et à 30% par
l’examen final (un QCM). Un coefficient de 0,8 est appliqué
à chaque devoir pour lequel il n’a pas évalué
l’intégralité des devoirs qui lui été
assignés, la note que lui auront donné ses pairs est alors
diminuée de 20%. L’évaluation finale de Writing est
composée à 30% par les QCM des premières semaines, à
30% par la réalisation de 10 évaluations de pairs, à 30%
par la note donnée par les pairs aux deux devoirs écrits rendus et
à 10% par la réalisation de deux révisions de papiers. Dans
les deux cas, il est nécessaire d’atteindre 70% de la note maximale
pour obtenir un certificat.
Le Tableau 2 présente la place prise par l’évaluation des pairs dans ces
évaluations.
Gamification |
QCM |
Devoirs rédigés |
dont évaluation entre pairs |
Examen final (QCM) |
Total sans évaluation entre pairs |
35% |
35% |
7% |
30% |
93% |
Writing |
QCM |
10 évaluations entre pairs |
Devoirs rédigés |
Révisons des devoirs rédigés |
Total sans évaluation entre pairs |
30% |
30% |
30% |
10% |
70% |
Tableau 2 •
Contribution des devoirs et de l’évaluation entre pairs à la
note finale
Nous remarquons que le MOOC Writing accorde une place plus grande
à l’évaluation entre pairs dans la note finale (30%) que le
MOOC Gamification (7%). Ainsi, il est peu probable d’obtenir la
note maximale dans le MOOC Writing sans évaluer ses pairs, alors
que c’est possible pour le MOOC Gamification.
La Figure 2 nous
permet de donner quelques chiffres sur les étudiants qui ont
participé au MOOC Gamification.
La courbe bleue, au premier plan, présente les taux de participation
des étudiants aux différentes activités planifiées
au cours de cet enseignement (l’axe des abscisses est aussi un axe
temporel croissant de gauche à droite). Ainsi, sur un peu plus de
81 600 étudiants enregistrés, seul 61% ont regardé au
moins une vidéo (ainsi beaucoup s’inscrivent et ne vont consulter
aucune vidéo). 13% des étudiants ont passé l’examen
final.
La courbe rouge, au second plan, donne ces taux pour ceux qui ont
regardé au moins une vidéo. Ainsi parmi eux, 21% ont passé
l’examen final.
Ensuite, la courbe verte, au troisième plan, présente ces taux
pour tous les étudiants qui ont soumis au moins un travail (en abscisse,
homework = QCM, assignement = travail écrit). Ainsi parmi eux, 40% ont
passé l’examen final.
Figure 2 • Quelques
chiffres sur le MOOC Gamification(avec l’aimable
autorisation du Pr K. Werbach)
Enfin, la courbe violette, au quatrième plan, présente ces taux
pour les étudiants qui ont participé au premier devoir
écrit. Ainsi 80% d’entre eux ont passé l’examen final.
Ces devoirs écrits avaient pour but de développer des idées
personnelles. Ils demandent un investissement personnel, du temps, de la
créativité et de synthétiser différentes parties du
cours. Par ailleurs, comme l’évaluation des pairs est difficile et
chronophage (elle prend plus de temps que la réalisation des devoirs
lorsqu’elle est réalisée sérieusement), il est facile
d’imaginer que de nombreux étudiants ont dû renoncer à
ces devoirs par manque de temps, de motivation, ou pour toute autre raison.
Au final, sur 81 600 étudiants enregistrés 8 280 ont
reçu un certificat de complétion du cours soit environ 10%. Ce
chiffre est conforme au taux de réussite sur les MOOC. Cependant, les
taux de réussite calculés à partir du nombre
d’étudiants qui ont regardé au moins une vidéo, qui
ont réalisé au moins un QCM ou qui ont réalisé au
moins un devoir écrit sont plus élevés. Le Tableau 3 illustre ce
point de vue.
Pourcentage d’étudiants concernés |
Nombre
d'étudiants |
Action |
Taux
de réussite |
|
81600 |
inscrits |
10,1% |
61% |
49776 |
regardé au moins une vidéo |
16,6% |
52% |
25883 |
fait au moins
un QCM |
32,0% |
50% |
12941 |
rédigé au moins un devoir écrit |
64,0% |
80% |
10352 |
participé au devoir final |
80,0% |
Tableau 3 • Calcul
des taux de réussite
Dans ce tableau, les pourcentages de la colonne 1 concernent le pourcentage
du nombre d’étudiants de la ligne précédente. Les
actions se cumulent donc. Ainsi, 10352 inscrits, ont consulté au moins
une vidéo, ont réalisé au moins un QCM, ont
rédigé au moins un devoir écrit et ont participé au
devoir final. 80% d’entre eux ont obtenu le certificat de Gamification.
3.2. Évaluation de l’enseignement
Seul le MOOC Writing propose un questionnaire
d’évaluation de l’enseignement composé de 39
questions.
Pour les douze premières questions, l’étudiant doit
décider s’il est fortement d’accord, légèrement
d’accord, légèrement en désaccord et fortement en
désaccord avec la proposition faite. Par exemple, la question 1
est : je suis satisfait de ce que j’ai appris en sachant le temps que
j’ai passé sur ce cours.
Puis, huit questions portent sur les objectifs de l’étudiant au
début du cours (maîtrise du sujet, curiosité, etc.), sur les
raisons d’un arrêt de participation quand c’est le cas, la
difficulté du cours, les interactions avec les autres étudiants
(e.g. dans les forums), les différents composants du dispositif
d’enseignement-apprentissage (e.g. vidéos avec QCM inclus,
évaluation par les pairs, etc.), le nombre d’heures passées
en moyenne chaque semaine sur ce cours.
Enfin, neuf questions portent sur les contenus du cours. Ainsi,
l’étudiant doit dire si le cours a amélioré sa
compréhension de chaque partie clé du cours en choisissant entre,
« je n’ai pas participé à cette unité de
cours », « aucune amélioration »,
« un peu d’amélioration », « beaucoup
d’amélioration », « amélioration
complète et j’ai maintenant une maîtrise du
sujet ».
3.3. Évolution du dispositif d’enseignement-apprentissage entre
le premier et le dernier cours suivi
Nous témoignons ici de
l’évolution du dispositif d’enseignement-apprentissage
pendant la période d’observation. Ces évolutions du
dispositif sont souvent conservées pour chacun des cours
commençant ultérieurement.
Le 27 août 2012, le dispositif d’enseignement apprentissage du
MOOC Gamification comportait un seul bandeau de navigation pour
accéder aux annonces, au syllabus, aux devoirs, au wiki, au forum, aux
vidéos et pour rejoindre un groupe de travail, etc. De nouvelles annonces
apparaissaient dans l’ordre anti chronologique et de nouvelles ressources
(vidéos et devoirs) étaient ajoutées en début de
chaque semaine. Les nouvelles annonces ainsi que l’annonce de mise
à disposition de nouvelles ressources étaient doublées par
mail.
Le 24 septembre 2012, dans le MOOC Writing apparaît un nouveau
bandeau pour accéder directement aux nouvelles vidéos
ajoutées, les dates dues pour les devoirs ainsi que les dates limites et
un lien direct vers la page de soumission du devoir.
Le 26 novembre 2012, dans le MOOC Think Again, la plateforme
génère automatiquement un mail le vendredi soir contenant des
rétroactions pour l’étudiant sur ses activités de la
semaine : « vous avez suivi cinq vidéos cette semaine et
réalisé quatre devoirs ». Il ne distingue pas le fait
que vous avez regardé ou seulement téléchargé la
vidéo. De plus, à partir de la fin de la première semaine,
les vidéos et devoirs ont été mis en ligne dès le
vendredi soir pour répondre à la demande des étudiants qui
souhaitaient commencer à travailler le weekend. Les MOOC qui ont
commencé après cette date n’ont pas tous continué
cette démarche. Enfin, ce MOOC utilise largement l’outil de Google Hangout pour
des discussions synchrones avec des volontaires (ici, il n’y a pas de
liens avec la plateforme MOOC).
Le 27 novembre 2012, le MOOC d’Astronomie utilise
aussi l’outil de Google Hangout pour des visio-conférences
réunissant beaucoup d’étudiants en direct et l’outil
de sondage Easypolls pour décider
de la date et de l’heure de ces rencontres. Cependant, il faut être
invité pour participer au hangout. C’est dans le site du MOOC
d’astronomie qu’ont lieu les inscriptions pour ces
« hangout ».
Le 28 janvier 2013, dans le MOOC Online Education, les
étudiants sont invités à constituer des groupes de travail
d’au plus 21 étudiants, afin de réaliser ensemble les trois
premiers devoirs. Pour la constitution des groupes, les enseignants ont choisi Google Spreadsheet. Ici ils utilisent juste un tableau à deux
entrées : chaque ligne est un groupe, chaque étudiant ajoute
son nom dans une case vide correspondant à un groupe. Cependant, tout le
monde peut effacer une ligne, une colonne ou une case. Et c’est ce qui
s’est passé à plusieurs reprises. Cette solution a donc
été abandonnée. Les inscriptions dans les groupes se font
maintenant dans le forum (un sous-forum en fait). Enfin une autre
évolution concerne les forums. En effet, les enseignants de ce MOOC ont
ajouté un système de vote aux forums. Ainsi, les dix questions qui
récolteront le plus de votes recevront une réponse directe des
enseignants.
Une autre évolution constatée concerne les conditions de
l’évaluation par les pairs. En effet, dans le MOOC Gamification, il n’était pas clairement dit que chaque
étudiant soumettant un devoir devait en évaluer cinq. De plus, le
site ne présentait que trois liens vers des devoirs
d’étudiants à évaluer. Et ce n’est que lorsque
les trois devoirs étaient évalués que les deux derniers
apparaissaient. De nombreux étudiants ont alors été surpris
et n’ont pas évalué les deux devoirs restants. Tous les
étudiants qui n’ont pas rendu l’intégralité de
leurs cinq évaluations de pairs, se sont vus appliquer un coefficient de
0,8 sur le score donné par leurs pairs au premier devoir. Cependant, les
enseignants ont tenu compte de l’imprécision du départ et
des problèmes techniques en supprimant ce coefficient. La règle a
ensuite été clairement expliquée oralement et par
écrit dans la suite du cours et dans tous les cours qui ont suivi.
Toutes ces évolutions montrent que les développements et les
adaptations sont constants et rapides, rien que sur ce site de MOOC et donc que
le modèle de plateforme qui l’héberge est réactif et
encore en construction.
4. Autres observations
4.1. Activités et interactions des apprenants
Nous
n’aborderons pas les communications et les interactions des
étudiants vers les enseignants. En effet, il n’est pas possible
pour les étudiants de joindre les enseignants par mail (pas plus
d’ailleurs que l’équipe technique pour la plateforme
Coursera).
L’implication des étudiants dans les différentes
activités pédagogiques est variable selon les cours, comme nous
l’avons vu dans la section précédente. Ils peuvent aussi
participer à des activités facultatives. L’une d’elle
consiste à alimenter le wiki du MOOC, c’est-à-dire à
élaborer des articles sur le cours : résumé de son
contenu, liens vers des ressources supplémentaires. Une autre est
d’éditer les sous-titres des vidéos dans la langue de son
choix et de les mettre à disposition de tous dans un format prescrit.
Mais l’investissement le plus visible se situe dans les forums. Par le
dépôt de questions et la proposition de réponses, les
étudiants apprennent ensemble. En effet, l’équipe
pédagogique compte donc sur l’effet de nombre, sur la
répartition des étudiants dans le monde et sur le fait que les
étudiants peuvent s’apporter les uns aux autres de l’aide
pour que des questions trouvent des réponses, le temps médian pour
recevoir une réponse est de 22 minutes (selon Koller, 2012).
Le dispositif permet enfin de rejoindre un groupe d’apprenants par
localisation géographique. Les interactions ne concernent pas tous les
apprentissages. Elles sont conséquentes : 19 513 discussions
ouvertes dans le forum du MOOC Gamification (soit environ un quart du
nombre d’inscrits maximal et plus de deux fois le nombre de
certifiés). Les enseignants peuvent aussi être à
l’origine de compte Twitter. Par exemple, l’enseignant du
MOOC Gamification a créé deux hashtag en dehors du
site de MOOC : #gamification12 et #gamification12pics. Le premier a
reçu 2700 twits et le second a reçu 250 photos (via twits).
En dehors de ces activités facultatives, des activités
volontaires ont émergé. Par exemple, des étudiants ont
créé des groupes Facebook. Ainsi celui créé par les
étudiants du MOOC Gamification comportait 3 468 membres
à la date de fin du cours. Les étudiants ont aussi
créé volontairement des comptes Twitter, des groupes sous Meetup ou ailleurs. Et ce n’est que la
partie visible.
Dans Coursera, les actions facultatives ou volontaires de
l’étudiants ne sont valorisées sous aucune forme : ni
dans un système de points (hors évaluation finale), ni par des
badges, des médailles, des statuts. La qualité des contributions
n’est pas non plus évaluée, que cela concerne la pertinence
des questions dans les forums ou la justesse des réponses (ou des
évaluations par les pairs).
4.2. Modèle d’enseignement et théorie de
l’apprentissage sous-jacente
Dans les MOOC observés, l’enseignant
dispose du savoir de référence : il le transmet via les
vidéos et l’évalue via les devoirs qu’il propose. Il
s’agit d’un enseignement typiquement transmissif.
Ce modèle est hybridé par plusieurs autres modèles via
la présence du wiki, du forum et des évaluations des pairs et par
les pairs. En effet, vu le grand nombre d’étudiants,
l’enseignant ne peut répondre à toutes les questions (et
même à aucune question, cf. section 4.1). Les
étudiants sont donc encouragés à s’aider les uns les
autres en répondant aux questions posées dans le forum.
L’enseignant sait que ce jeu de question/réponse contribue à
l’apprentissage entre pairs (peer learning). Par ailleurs, la
co-écriture du cours dans le wiki, pourrait s’apparenter à
la
co-constructi(Siemens, 2005)connectivisme
(Siemens, 2005). Cependant, nous avons constaté que les wikis des cours
observés ne sont pas beaucoup utilisés. Enfin,
l’évaluation entre pairs nous rapproche de l’apprentissage
collaboratif et du socioconstructivisme. Mais peu d’activités ou de
tâches proprement collaboratives sont proposées dans le cadre des
MOOC.
Cependant, la nature de l’évaluation décidée par
les enseignants du MOOC Gamification, entraine qu’un
étudiant qui suit les cours, fait les devoirs, sans participer ni au
wiki, ni aux forums, ni même aux évaluations de ses pairs, peut
tout à fait obtenir son certificat. En effet, un étudiant qui rend
ses devoirs à temps est évalué par ses pairs. S’il
n’a évalué aucun des devoirs qui lui ont été
assignés pour l’évaluation de ses pairs, il peut encore
obtenir 93% (cf. Tableau
2) de la note maximale du MOOC (et ce pourcentage augmente s’il
réalise l’évaluation pour un ou deux de ses devoirs). Ce
type d’étudiants se cantonne au modèle transmissif. En ce
qui concerne le MOOC Writing, les activités pédagogiques et
les modalités de l’évaluation, font que les étudiants
ne peuvent obtenir leur certificat sans effectuer les évaluations de
leurs pairs. Cependant ils peuvent encore ne pas participer du tout au wiki et
au forum. De plus, les activités proposées ne sont pas
collaboratives.
Mais, tenant compte de l’évolution des MOOC, nous pouvons
augurer qu’ils vont très rapidement intégrer
différents modèles d’enseignement.
4.3. Aspects économiques
L’enseignement est gratuit pour
l’étudiant. Il est aussi gratuit pour l’enseignant.
L’université partenaire ne paie pas non plus pour qu’un de
ses cours soit hébergé. Mais elle supporte le coût de la
conception de ce cours.
Certains enseignants recommandent la lecture d’un livre dont ils sont
auteur ou co-auteur. Par exemple, le livre sur la Gamification, dont
l’enseignant du MOOC Gamification − est le co-auteur,
est présenté comme un approfondissement de ce cours. Il est
annoncé une dizaine de fois : avant le cours, pendant le cours dans
les messages sur la page d’accueil, dans des vidéos, à la
fin du cours et après le cours dans un mail plusieurs semaines
après la fin du cours. Autre exemple, le MOOC Think again conseille clairement la lecture optionnelle d’un livre − dont
les enseignants sont co-auteurs − dans le syllabus du cours pour
approfondir le sujet : (semaine 1, chapitre 1 et de 2 du livre). De
nombreuses vidéos renvoient aussi sur ces chapitres, tout comme des
mails. Enfin, le MOOC d’Astronomie recommande
l’achat d’une licence pour un an d’un logiciel de
planétarium. L’éditeur du logiciel consent une
réduction spéciale au Courserian (étudiants de Coursera)
à condition d’utiliser une url spéciale. Vu le nombre
d’inscrits à ces MOOC, les sommes en jeu sont potentiellement
considérables. Coursera perçoit-il une commission ?
Par ailleurs, Coursera affiche que son modèle économique repose
aussi sur la mise en lien des étudiants avec de futurs employeurs (via
ses Coursera Career Services).
Coursera est un site de MOOC intéressantes, même si elle a une
approche paradoxale de la diffusion des connaissances. En effet, elle est
élitiste : elle veut diffuser « les meilleurs cours, des
meilleurs enseignants, des meilleurs universités » et
repérer les « meilleurs étudiants »
d’une part. Et d’autre part, elle veut diffuser massivement ses
cours gratuitement. Les observations menées dans les différents
MOOC nous conduisent à proposer différentes pistes de
recherche.
5. Questions et pistes de recherche
Les observations
présentées dans les sections précédentes
soulèvent de nombreuses questions. Ces questions conduisent à des
pistes de recherche qui portent sur les MOOC en tant que cours et en tant que
sites de MOOC. Ces pistes étant très nombreuses, nous nous
limiterons à présenter ici celles que nous aimerions suivre.
5.1. Questions concrètes
5.1.1. Y’a-t-il vraiment apprentissage ?
Dans les recherches en éducation en
général et en EIAH, en particulier, l’expression
« évaluation de l’apprenant » signifie
l’évaluation des apprentissages de l’apprenant au cours
d’un enseignement donné. C’est l’enseignant qui
définit un mode d’évaluation des apprentissages. Il est le
seul à pouvoir le faire car il connait le domaine d’apprentissage
et les objectifs et le contexte pédagogiques qu’il a
fixés.
Ce qui pose question, ce sont les chiffres que nous avons pu observer ici. En
effet, dans Coursera, le seuil de 70% pour obtenir le certificat est-il
suffisant pour affirmer que les étudiants ont atteint une maitrise
significative du cours ? Ce seuil est actuellement le même pour tous
les cours observés. Cependant, nous ne savons pas comment il a
été fixé.
Une autre question concerne le calcul de la note finale. En effet, nous avons
observé que 80% des étudiants qui ont consulté au moins une
vidéo, réalisé au moins un QCM, rédigé au
moins un devoir écrit et participé au devoir final, ont obtenu le
certificat pour le MOOC Gamification. Quelle est la valeur d’un tel
certificat avec un tel taux de réussite ?
5.1.2. Quelle est la place de la triche ?
La question de l’évaluation en ligne des connaissances acquises
par l’étudiant est corrélée à celle de la
place de la triche dans les évaluations. En effet, quand les cours sont
donnés dans le monde entier, tous les étudiants ne peuvent
composer en même temps. La composition asynchrone est inéluctable.
Une forme de triche est la copie de devoirs d’autres étudiants,
que ces derniers diffusent sur Internet. Contre cette diffusion des
réponses, les enseignants peuvent surveiller les forums pour
détecter et éliminer les réponses qui y apparaitraient.
Cependant, les étudiants peuvent diffuser les réponses par des
canaux que les enseignants ne peuvent pas contrôler (autres forums,
studyroom, meetup). Des outils adaptés seraient souhaitables pour
décourager ces pratiques.
Une autre forme de triche est le plagiat. Lorsque le plagiat concerne des
informations récupérées sur Internet, il est
détectable avec des logiciels ou des moteurs de recherche (si Google est
l’ami des étudiants, il est aussi celui des enseignants !),
même si ces solutions sont imparfaites. En revanche, si le plagiat
concerne des devoirs déposés sur le site du MOOC, est-il possible
de comparer autant de devoirs pour détecter le plagiat. De plus, quand
dans un cours sur l’écriture d’articles scientifiques (MOOC Writing), le devoir consiste à reprendre un article
déjà publié et à en re-rédiger une partie, il
est inévitable que des groupes de mots se retrouvent dans les deux
versions. Dans ce cas, l’utilisation de moteurs de recherches pour
détecter le plagiat n’est pas fiable. Mais le fait que cette
utilisation ne soit pas possible ouvre une brèche dans laquelle se sont
engouffrés de nombreux étudiants. L’enseignante de ce cours
s’est d’ailleurs fait piéger en éditant dans une
vidéo, un devoir soumis par un des étudiants du cours qui, en
fait, était copié depuis Internet.
Une autre question est celle de l’identité de celui qui rend les
devoirs. Rien ne prouve que celui qui valide l’envoi du devoir soit celui
dont le nom figurera sur le certificat.
Cela montre que le problème de triche dans les devoirs
déposés dans les MOOC mérite d’être
approfondi.
5.1.3. Évaluations des enseignements et des enseignants.
Le MOOC Writing in the Sciences se terminait par une évaluation
de l’enseignement. Dans le questionnaire construit pour cette
évaluation, aucune des réponses ne pouvait donner lieu à un
règlement de compte entre les étudiants et les enseignants. Aucune
ne peut être interprétée comme une évaluation de la
personne ou un jugement de valeur sur la personne. C’est un travers qui se
retrouve dans de nombreux formulaires d’évaluation de
l’enseignement et qui a été souligné dans (Morinet-Lambert et al., 1998).
Dans le cas de l’évaluation des enseignements, il est important
de connaître l’objectif de cette évaluation. Est-ce pour
améliorer l’enseignement la prochaine fois qu’il sera
donné ? Cette évaluation contribuera-t-elle à
l’évaluation de l’enseignant en vue d’une
promotion ? Dans ce dernier cas, à quelles dérives pourrait
donner lieu une telle démarche ? Quelles pressions pourraient subir
les enseignants ?
Les dernières questions du formulaire cité dans cette section
permettent d’identifier si une partie de cours est difficile à
comprendre pour un nombre significatif d’apprenants ou pour une
catégorie d’apprenants. Ce genre d’informations, permet
d’adapter son cours pour l’avenir ou de prévoir des
rétroactions spécifiques à une catégorie
d’apprenants.
5.2. Pistes de recherche
5.2.1. Autour de l’évaluation entre pairs et de
l’auto-évaluation
Le processus d’évaluation entre pairs contribue directement
à l’évaluation sommative des étudiants, dans
Coursera. Pour justifier ce choix, Coursera s’appuie sur les études
de (Sadler et Good, 2006).
Cependant, nous ne savons pas si les conditions de ces études sont
réunies dans chaque MOOC de Coursera. Aucune de nos observations ne nous
permet de le savoir. Ainsi, nous nous demandons si ces évaluations par
les pairs sont toujours pertinentes. Nous souhaiterions étudier ces
aspects.
Par ailleurs, nous ne connaissons pas l’algorithme de distribution des
revues aux apprenants.
Ainsi, nous souhaitons étudier les systèmes qui permettent de
mettre en place l’évaluation entre pairs et
l’auto-évaluation. Nos objectifs sont d’en cerner
l’ingénierie, de contribuer à leur amélioration et de
pouvoir les transposer dans d’autres contextes. Les contextes auxquels
nous pensons sont ceux des enseignements en présence ou hybride à
l’université, mais aussi dans celui de l’écriture de
rapport de stages ou d’écriture d’articles pour les jeunes
chercheurs, tous à but formatif (évaluation formative, car une
évaluation soulèverait des problèmes juridiques).
Nous souhaitons aussi étudier l’intérêt
d’endosser différents rôles dans ces évaluations entre
pairs.
À long terme, ce système pourrait être repris ou extrait,
pour en faire un service ou un composant autonome, ou bien un système
épiphyte. Il pourrait ainsi être utilisé dans un LMS
(Learning Management System) ou dans une plateforme MOOC.
5.2.2. Création d’une plateforme utilisant les MOOC dans
d’autres contextes
Cette
piste de recherche est d’élargir l’utilisation des MOOC dans
un contexte différent de ceux pour lesquels il a été
prévu initialement, en le combinant à d’autres approches.
Un exemple de contexte d’utilisation est celui d’un enseignement
en présence ou hybride à l’université, où le
nombre d’étudiants avoisine la centaine. Un autre exemple est celui
qui consiste à définir une plateforme destinée à une
communauté de chercheurs et de doctorants dans le but de partager et de
capitaliser des savoirs, savoir-faire et d’acquérir de nouvelles
compétences. Un dernier exemple est celui de la préparation
d’une conférence de jeunes chercheurs. Nous avons conscience que
dans ces trois exemples, nous nous éloignons de la dimension massive, au
moins provisoirement.
Pour les autres approches, nous pensons que les LMS (Learning Management
Systems), les C3MS (Community, Content & Collaborative Management Systems),
les logiciels de gestion de communautés d’apprentissage et ceux
issus du CSCL (Computer-Supported Collaborative Learning) proposent
déjà des fonctionnalités qui nous semblent
intéressantes pour étudier l’apprentissage. Nous voulons
étudier la possibilité de combiner ou d’hybrider plusieurs
approches. Par exemple, nous souhaitons pouvoir intégrer des
activités collaboratives riches comme les jeux sérieux ou les
débats structurés où les participants endossent les
rôles d’Avocats, de Procureurs ou d’Observateurs (APO).
Dans le sigle MOOC, le dernier O correspond à ouvert. Or, nous
trouvons actuellement, deux types d’interprétation de
l’adjectif « ouvert », suivant le sens qu’ils
attribuent à open. Dans le premier type de MOOC, ce sont les
contenus qui sont ouverts : ils sont partagés en ligne gratuitement.
Cependant, ces contenus sont dans une structure rigide et qui ne change pas (ou
très peu) entre le début et la fin d’un cours. C’est
le cas de Coursera pour les cours. Dans le second type de MOOC, c’est la
conception du MOOC qui est ouverte : les participants décident de ce
qu’ils apprennent, comment ils apprennent et comment ils interagissent
avec les autres participants. C’est le cas d’Udacity. C’est
dans l’esprit de cette dernière interprétation que nous
voulons nous inscrire. Ainsi, nous souhaitons que pour certains cours MOOC, les
étudiants aient la possibilité d’intégrer des outils
au fur et à mesure.
L’enjeu est, à court terme, d’arriver à combiner
rapidement différents éléments pour constituer un
dispositif d’enseignement-apprentissage intégré et
cohérent.
À moyen terme, nous souhaitons disposer d’une plateforme pour
réaliser cette intégration. Pour la partie qui concerne
l’ingénierie de la plateforme, nous voulons étudier les
architectures de plateformes MOOC existantes en les comparant à celles
des systèmes cités plus haut (LMC, C3MC, etc.).
Et à plus long terme, nous ambitionnons que les enseignants,
même peu à l’aise avec les TIC (Technologies de
l’Information et de le Communication), puissent utiliser cette plateforme.
Ils pourront concevoir leur dispositif, l’utiliser aisément et le
faire éventuellement évoluer pour une autre session
d’enseignement. La plateforme pour concevoir et déployer le
dispositif n’est pas nécessairement la même que celle pour
l’utiliser.
Pour l’exemple de la plateforme pour les chercheurs et doctorants, nous
pensons à des cours sur la méthodologie de la recherche dans le
domaine (poser une problématique, monter une expérimentation,
analyser les données recueillies, concevoir une enquête par
questionnaires, faire un état de l’art, etc.). Nous pensons
également à des cours sur la manière d’écrire
un article (de rédiger une bibliographie), de rédiger un appel
à projet, etc. Ce serait aussi un endroit pour acquérir un langage
commun pour le travail pluridisciplinaire ou multidisciplinaire (e.g. concepts
clés de psychologie cognitive, de linguistique, d’ingénierie
des systèmes d’informations).
Par exemple, un cours de préparation d’une publication pour une
conférence de jeunes chercheurs comprendrait quelques vidéos et
documents avec une démarche, des conseils, des bonnes pratiques, des
astuces, des règles (e.g. ne pas réduire les marges pour tenir
dans le nombre de pages alloué), etc. Les étudiants devraient
réaliser différents devoirs (présenter l’idée
de l’article, la problématique). Pour chacun d’eux, ils
seraient évalués par des pairs (éventuellement en
intégrant des rôles). Le dernier devoir consisterait à
rédiger l’article tel que le doctorant pourrait le soumettre
à la conférence en tenant compte au mieux des retours pertinents
reçus pour les devoirs précédents.
L’évaluation porterait sur la forme et sur le fond.
L’expérience serait très formatrice pour les doctorants. De
plus, chacun aurait une connaissance de quelques papiers en venant à la
conférence. Les discussions n’en seraient que plus riches.
6. Conclusion
Dans cette rubrique nous
avons décrit l’observation de deux MOOC pour lesquels nous avons
participé à toutes les activités pédagogiques : Gamification et Writing in the Sciences. Ces observations nous ont
permis d’apprécier un tel dispositif pour un étudiant
autonome dans ses apprentissages. Elles ont permis aussi de soulever de
nombreuses questions et de dessiner quelques pistes de recherche.
Parmi ces questions, nous citons celles qui concernent les acteurs, leurs
interactions, les autres aspects sociaux et les usages. Certaines concernent les
théories et pratiques de l’apprentissage, l’évaluation
des étudiants, mais aussi des enseignants, les ressources
pédagogiques. Des questions portent aussi sur les sites de MOOC, la
sécurité et l’authentification dans celles-ci.
Nous pensons qu’il y a matière à réunir des
personnes qui souhaitent investir et structurer ce champ de recherche. Autour
d’elles, toute personne qui aurait un intérêt pour ces MOOC
pourrait trouver un domaine d’application ou
d’expérimentation de son cœur de recherche.
Nous nous intéressons particulièrement à
l’évaluation entre pairs d’une part et à la
création d’une plateforme réutilisant des
éléments des plateformes MOOC pour une communauté de
chercheurs et de doctorants dans un objectif de formation à la recherche
par la recherche. Une première étape pourrait consister en
l’étude des architectures des plateformes de MOOC et
d’expérimenter des cours MOOC en vue de construire un premier outil
qui pourrait servir de base aux recherches ultérieures.
Références
CISEL
M., BRUILLARD É., (2012). Chronique des MOOC. Sciences et Technologies
de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la
Formation, Vol. 19. Disponible sur Internet :
http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2012/13r-cisel/sticef_2012_cisel_13r.htm
(consulté le 31/1/2013).
KOP R., HILL A. (2008). Connectivism: Learning theory of
the future or vestige of the past? The International Review of Research in
Open and Distance Learning, Vol.9 n°3, ISSN: 1492-3831.
MORINET-LAMBERT J., MACRELLE M., BRONNER A, COCHET. J.
(1998). Évaluation des enseignements à l’Université
Henri Poincaré. Colloque Interuniversitaire sur les Méthodes
d’évaluation - CIME’98, Poitiers, France, juillet
1998.
SADLER P, GOOD E. (2006). The Impact of Self-and
Peer-Grading on Student Learning. Educational Assessment, Vol. 11,
n°1, p.1-31, Disponible sur Internet :
http://www.cfa.harvard.edu/sed/staff/Sadler/articles/Sadler%20and%20Good%20EA.pdf
(consulté le 31/1/2013).
SIEMENS G. (2005). Connectivism: A learning theory for
the digital age. International Journal of Instructional Technology and
Distance Learning, Vol. 2. n°1, Disponible sur Internet : URL
:(http://www. itdl.org/Journal/Jan_05/article01. htm (consulté le
1/2/2013).]
Sitographie
Algo2 (2013). ROUGHGARDEN T.
Algorithms: Design and Analysis, Part 2, Stanford,
https://class.coursera.org/algo2-2012-001/ (consulté le 31/12/2013).
Astronomy (2013). PLESSER R., Introduction to Astronomy, Duke University,
https://class.coursera.org/introastro-2012-001/ (consulté le 31/1/2013).
Plateforme MOOC Coursera, https://www.coursera.org/ (consulté
le 31/1/2013).
Easypolls : site de sondage en ligne, http://www.easypolls.net/
(consulté le 31/1/2013).
Gamification (2012). WERBACH K., Gamification, Pennsylvania,
University https://www.coursera.org/course/gamification/ (consulté le 31/10/2012).
Google Hangout (2013). Site de chat vidéo,
https://tools.google.com/dlpage/hangoutplugin/ (consulté le 31/1/2013).
ITYPA, MOOC francophone : Internet Tout Y est Pour Apprendre http://www.itypa.MOOC.fr/ (consulté
le 31/1/2013).
Kahn Academy, https://www.khanacademy.org/ (consulté le 31/1/2013).
KOLLER D. (2012). TED Talk: What we are learning from online
education. http://www.ted.com/talks/daphne_koller_what_we_re_learning_from_online_education.html
(consulté en juillet 2012).
Meetup Réseau de groupes locaux, http://www.meetup.com/
(consulté le 31/1/2013).
OnlineEd (2013). WIRTH F., Fundamentals of Online Education :
Planning and Application, Georgia Institute of Technology,
https://class.coursera.org/foe-001/ (consulté le 31/1/2013).
ThingAgain (2013). SINNOTT-ARMSTRONG W., NETA R., Think Again: How to
Reason and Argue, https://class.coursera.org/thinkagain-2012-001/
(consulté le 31/1/2013).
Writing (2012). SAINANI K., Writing in the Sciences, Stanford,
https://www.coursera.org/course/sciwrite/ (consulté le 30/11/2012)
Writing (2013) SAINANI K. Questionnaire après le cours de Writing in
the Sciences, http://www.u-picardie.fr/mlr/recherche/evaluationEnseignement/
|