Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
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Volume 19, 2012 |
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Le terme "serious game" regroupe les logiciels utilisant le jeu vidéo à des fins pédagogiques, politiques ou commerciales (Alvarez et Djaouti, 2010). Dans cet article, nous discuterons du serious game dédié à l'apprentissage de pratiques "métier". La dimension "jeu" y est exploitée pour profiter de différents types d'immersions et de leurs influences conjointes sur la focalisation de l'attention (Thon, 2008). La dimension pédagogique intervient quant à elle pour favoriser la prise de distance et une certaine réflexivité face aux contenus, par l'utilisation de commentaires notamment. Si ces deux dimensions immersion et distanciation contribuent à l'apprentissage, elles sont souvent décrites sur des temps distincts (Peterfalvi, 1991). Or l'immersion elle-même peut être décrite sur des degrés variables et comme fluctuante, conduisant l'apprenant dans des états allant de l'occultation du monde réel environnant à la prise de distance abrogeant toute illusion d'un ailleurs. Dès lors, cette fluctuation ne serait-elle pas le signe d'une cohabitation "naturelle" des deux dimensions ? Ainsi, plutôt que de déplorer cette instabilité, nous nous intéresserons particulièrement à l'immersion de type fictionnel et nous explorerons les bénéfices de ses fluctuations. Nous ne traiterons pas des degrés de l'immersion fictionnelle en eux-mêmes, mais des variations qui constituent, selon nous, autant d'opportunités pour relier le monde du jeu et les éléments pédagogiques que l'on souhaite voir acquérir. Si tel est le cas, est-il possible de provoquer et de régir ces variations ? Pour envisager cette instrumentation, nous présenterons le concept narratif de métalepse (partie 1). Fondée sur la transgression narrative et la renégociation de l'immersion fictionnelle, nous dégagerons ses caractéristiques ludiques et cognitives qui nous permettraient théoriquement de l'utiliser pour faire coexister les commentaires pédagogiques au cœur de l'expérience. La perspective de construire l'apprentissage en regard des théories du conflit sociocognitif nous amènera ensuite à interroger les instances énonciatrices du serious game et la relation sociale indirecte que peut y nouer l'apprenant (partie 2). A travers la construction du serious game nommé EHPAD™ destiné à un usage en amont d'une formation en présentiel, nous détaillerons l'application concrète des hypothèses investies dans l'écriture de deux versions d'une même mise en situation (partie 3). Nous poserons ainsi les bases d'une écriture narrato-cognitive en vue de vérifier, dans de futurs travaux, la capacité des métalepses à déclencher des conflits sociocognitifs. De cette confrontation théorique et empirique résulteront trois modalités de la métalepse et leurs effets attendus pour combiner jeu et apprentissage. 1. La métalepse omniprésenteLe serious game dévolu à l'apprentissage ne se contente pas de placer l'apprenant dans une situation virtuelle, il l'accompagne par des "commentaires pédagogiques" pour rapprocher la pratique ludique de la pratique "métier". Cet encadrement est d'autant plus important si le dispositif se veut autonome, ou si les interventions du formateur sont limitées – ou différées pour ce qui concerne le jeu EHPAD™ dont nous parlerons dans la partie 3. D'une manière générale, les commentaires sont donnés suivant diverses stratégies (locales ou transversales, précises ou synthétiques, etc.) qui cherchent toutes un équilibre : leur survenue doit à la fois être contextualisée par rapport au jeu, afin de lier les connaissances données par ces commentaires avec l'expérience fictionnelle vécue, et suffisamment détachée de cette expérience, afin d'autoriser un point de vue réflexif (Musset et Thibert, 2009). Cette double contrainte paradoxale nous a amenés à étudier le concept narratif de métalepse (1.1) qui s'est étendu au support informatique (1.2 et 1.3) en proposant une nouvelle attitude spectatorielle (1.4). 1.1. Fondements narratologiquesEn narratologie, la métalepse recouvre de nombreuses définitions, particulièrement dans le champ littéraire. Son principe a été initialement posé par Genette et décrit comme "toute intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans l'univers diégétique(1) (ou de personnages diégétiques dans un univers métadiégétique, etc.) ou inversement" (Genette, p. 244, 1972). En somme, par une intrusion, la métalepse remet en question la "frontière mouvante, mais sacrée entre deux mondes : celui où l'on raconte et celui que l'on raconte". Par exemple un personnage de roman n'est pas censé pouvoir s'adresser à son lecteur : le personnage est par nature figé dans le texte et ignore toute existence au-delà du monde qu'il habite (voir figure 1.). Au cinéma, la nouvelle vague en donne de nombreux exemples, dont celui bien connu associé au regard caméra de Belmondo alias Michel Poiccard dans "A bout de souffle", prenant à partie le spectateur : "Si vous n'aimez pas la mer... Si vous n'aimez pas la montagne... Si vous n'aimez pas la ville : allez vous faire foutre !"(2). L'interlocution était alors double et visait non seulement le spectateur, mais surtout les studios qui avaient refusé le tournage en extérieur. Dans les deux exemples ci-dessus, la réalité du monde créé par la fiction se mêle au réel du monde commun, site de sa genèse. Longtemps cantonnée dans les médias dits linéaires aux interactions symboliques ou imaginaires en mobilisant le plus souvent une dimension ludique et/ou fantastique (Di Crosta, 2009), la métalepse trouve dans les médias interactifs un nouveau terreau qui multiplie ses formes, définitions. Figure 1. Ordonnancement classique des couches narratives 1.2. Fiction interactive et renouveau de la métalepsePour Di Crosta qui s'intéresse à la fiction interactive, cette figure originelle de la transgression narratologique trouve son pendant instrumenté dans ce qu'elle nomme la "figure interfacée" (Di Crosta, 2009) : l'interface devient à la fois le moyen par lequel le "lecteur" peut désormais interagir concrètement avec l'histoire et un pivot autour duquel s'organisent diverses transgressions entre les couches narratives. Par exemple, le rôle de narrateur – appartenant à la couche de la médiation fictionnelle, donc distincte de la couche réelle extratextuelle – est investi par le lecteur à chacune de ses interactions ; le lecteur fabrique cycliquement l'histoire qu'il se raconte. Le programme change lui aussi alternativement de rôle, passant de celui de narrateur déroulant l'action à celui destinataire des décisions ordonnées par le lecteur ; pour Di Crosta, il prend un rôle de métanarrataire (Di Crosta, p. 145, 2009). Ces exemples soulignent la capacité du média informatique à rendre les frontières narratives plus permissives. Di Crosta généralise ces franchissements pour l'ensemble des instances énonciatives de ce type de dispositif, dans lesquelles elle inclut le dispositif lui-même. Ainsi, elle rend compte par les fictions interactives ou "films actables" d'un renouveau des métalepses à travers le lecteur, le programme et son auteur. 1.3. La métalepse fictionnalisanteBouchardon (Bouchardon, 2009) qui travaille sur les récits littéraires interactifs considère les métalepses sous un autre aspect en s'attachant aux limites des documents constituant l'espace fictionnel d'une œuvre numérique. Pour lui, dès lors que le récit renvoie par des liens vers des sources externes, qu'elles soient fictionnelles ou non (site web ou objet documentaire par exemple), leurs contenus une fois affichés sont récupérés par la fiction. S'il y a bien remise en question des frontières, ce n'est plus par le franchissement des contenus ou de l'utilisateur au travers des couches narratives, mais par une extension de la fiction pour étendre le "dispositif de lecture". Bouchardon qualifie ce principe de "métalepse dispositive". Par exemple, l'arrivée d'une pop-up affichant soudainement des actualités – informations pourtant non écrites par le récit de l'œuvre initiale – dilatera le cadre énonciatif pour que l'information soit mise en perspective et intégrée dans la fiction. Ainsi la fiction enfle en s'appuyant sur le dispositif jusqu'à englober lecteur et auteur. 1.4. Dispositif et attitude spectatorielleDi Crosta et Bouchardon considèrent tous deux la notion de dispositif, avec d'un côté une injection du réel dans le dispositif (partie 1.2) et de l'autre l'annexion du réel par la fiction (partie 1.3). La nuance que nous soulignons se résume par la direction dans laquelle les couches se rapprochent, respectivement par un mouvement "intramétaleptique", ou "extramétaleptique" pour reprendre les termes de W. Nelles (Pier, 2005) : dans un cas le réel s'immisce dans le dispositif et dans l'autre la fiction récupère le réel. Nous rapprochons ces deux mouvements de deux effets de la métalepse en général que l'on trouve notamment à l'œuvre dans le roman : tantôt un effet anti-illusionniste qui brise la suspension volontaire d'incrédulité et fait rejaillir le réel environnant ; tantôt un "effet de fiction" qui incorpore le réel dans la sphère fictionnelle. Nous rapprochons également ces mouvements des effets "contre-immersifs" ou "immersifs" décrits par Caira pour les jeux vidéo (Caira, 2011). Ainsi, toute interaction à un dispositif reconfigure la relation du lecteur à la fiction et au réel. Nous rejoignons donc pour les dispositifs interactifs la conclusion plus générale de Schaeffer (Schaeffer, p. 334, 2005) pour qui "le lecteur (ou spectateur) de fiction ne cesse de s'adonner à des opérations métaleptiques sans (nécessairement) en être conscient" dans des "mouvements répétés de sortie et de rentrée en immersion [sont] inhérents à la dynamique temporelle de toutes les expériences d'immersion fictionnelle". Si cette omniprésence de la métalepse la rend "naturelle" pour le serious game, nous nous intéressons particulièrement à celles qui sont perçues consciemment afin d'envisager qu'elles puissent modifier l'attitude spectatorielle. La métalepse pourrait ainsi être utilisée pour, comme le dit Genette, substituer à une "suspension d'incrédulité" – pacte de lecture classique pour la fiction – une "simulation ludique de crédulité" (Genette, p. 25, 2004b). Ici réside un premier point capital : si, en usant de certaines métalepses, un serious game perdait en immersion fictionnelle, il pourrait y gagner en amusement et prise de conscience, dans ce que Genette dénomme un "jeu captivant" (Genette, 2004a). 2. Vers une métalepse narrato-cognitiveAu-delà des effets ludiques qui viennent d'être esquissés, il s'agit en premier lieu d'explorer le potentiel narratif-cognitif de la métalepse, spécifiquement sa capacité à remettre en question les structures établies (2.1), ce qui s'apparenterait à une déstabilisation cognitive (2.2), et à faire émerger une relation sociale capable de l'amplifier (2.3). 2.1. Potentiel subversifEnvisager la portée cognitive des métalepses (au sens large) est leur prêter une ambition dépassant le statut de "plaisantes exceptions" décrit par Genette (Genette, 2004a). Nous présenterons ici la vision de deux auteures en décrivant les effets qu'elles lui reconnaissent sur le monde réel, de l'innocuité à la "transformativité". Ryan (Ryan, 2004), dans une approche narratologique, propose une vision nuancée suivant deux types : la métalepse rhétorique tout d'abord, maintient une distinction ou hiérarchie entre les mondes tout en permettant d'évoquer l'un au cœur de l'autre. Un auteur de romans qui suspend sa narration pour la commenter en est un exemple. L'auteur ouvre alors une fenêtre sur sa création, la dévoile comme issue de son imagination. Le lecteur circule alors entre la couche de l'histoire et celle de son créateur. L'histoire n'en subit aucune conséquence durable et la métalepse est décrite comme "inoffensive". Le lecteur replongera dans l'histoire à sa suite. Par contre, potentiellement plus problématique pour préserver les limites du "réel", la métalepse ontologique ouvre un passage entre les mondes en engageant leur interpénétration ou contamination mutuelle. Pour reprendre l'exemple ci-dessus, si l'auteur commente sa narration – en critiquant son style par exemple –, mais cette fois au sein de l'histoire, en étant lui-même au cœur de l'action, alors le lecteur tombe dans une boucle étrange : l'auteur ne peut logiquement pas écrire sur l'histoire et en être simultanément partie prenante ; cela reviendrait à ne pas interrompre la narration ou s'inventer soi-même. Dans ce cas, les frontières narratives canoniques sont remises en question dans l'esprit du lecteur. Malina (Malina, 2002), dont l'approche est à la fois narratologique et constructionniste va plus loin en terme d'effets et propose le concept de métalepse transformative. Elle s'appuie sur les romans de Samuel Beckett, Christine Brooke-Rose et Angela Carter, qu'elle considère comme des maitres de la métalepse. Elle y est décrite comme violente, avec pour objectif de semer la confusion et l'insécurité. Si comme pour Ryan, il s'agit d'une expérience de pensée, il y a pour Malina une actualisation réelle des effets de la métalepse dans la destruction et la reconstruction progressives des "cartes mentales" de son lecteur. Selon elle, si le rapport à la fiction peut laisser le lecteur à une distance sécurisante, immunisé du pire état de fait en représentation(3), il ne pourrait pas se protéger d'une soudaine déstabilisation de la hiérarchie par laquelle il donne sens au monde : la métalepse transformative limiterait le recours à la rationalité, jouerait sur les structures narratives (expansion et contraction des couches), ou encore décloisonnerait et recadrerait alternativement le champ énonciatif ; par des cycles quasi hypnotiques de déséquilibration-rééquilibration, cette métalepse engagerait une restructuration cognitive et modifierait par là même l'appréhension du réel, soit la construction individuelle de la réalité. Pour résumer, nous avons deux visions différentes, non antagonistes, s'appuyant sur deux corpus distincts, qui nous décrivent toutes deux des effets potentiels de la métalepse fondés sur la déstabilisation, à la fois cognitive et narrative. 2.2. Déstabilisation cognitiveQue l'expérience soit inconsciente, consentie ou activement co-construite, la métalepse revêt un potentiel subversif prêt à déborder son support narratif pour affecter le traitement cognitif de son lecteur. Pour préciser le principe d'une déstabilisation cognitive provoquée par la métalepse, nous le rapprochons des concepts de conflit cognitif (2.2.1) et sociocognitif (2.2.2). 2.2.1. Le conflit cognitif
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Figure 2. Interface générale |
Figure 3. Eléments du gameplay |
La seconde différence majeure réside dans la manière de délivrer les commentaires : pour l'une sous forme de textes pop-up (voir figures 4.) et pour la seconde, via le personnage se tournant face caméra (voir figures 5.).
Figure 4. Version classique |
Figure 5. Version collaborative |
Initialement, une troisième différence concernait l'accès à une information détaillant chaque choix, respectivement par l'intermédiaire de textes s'affichant à leur survol par la souris ou par une explication orale du personnage au clic d'un "?" (Voir figure 3.). Si la dimension "collaborative" était renforcée par la mise en scène de cette consultation, la lourdeur constatée dès les premiers tests nous a fait finalement généraliser l'accès par texte pour les deux versions. Il est à noter pour finir la présence d'un bouton "désaccord" qui a pour objectif de "donner la parole" à l'apprenant entre les choix, là où la situation se déroule traditionnellement sans son intervention. Nous préciserons son rôle en regard du paradigme sociocognitiviste par la suite.
Pour construire la version collaborative et proposer une meilleure intégration des commentaires dans l'expérience, la métalepse ontologique (cf. 2.1) nous a permis d'envisager une interpénétration des couches narratives, de confondre les différents énoncés et de ne conserver qu'une unique instance d'énonciation. Cette unicité permet ainsi de garder l'attention focalisée. Pour aborder sa mise en œuvre, deux stratégies ont été envisagées : soit l'histoire devait déborder son cadre pour fictionnaliser la couche supérieure, c'est-à-dire l'interface et ses commentaires textuels (cf. 1.3), soit les commentaires devaient quitter l'interface pour se mêler à l'histoire et être donnés depuis elle (cf. 1.4). Nous avons retenu la seconde option qui nous offre deux stratégies pour faire émerger un énonciateur et fonder une relation sociale.
La première stratégie privilégie un énonciateur fictif alors que la seconde utilise un énonciateur réel (cf. 2.2.2.2). Dans le premier cas de figure, la fiction domine et l'énoncé est assumé par l'un des personnages. Pour prendre la terminologie de Rabatel (Rabatel, 2003), l'énoncé est monologique, car le locuteur – celui qui produit les paroles, en l'occurrence l'aide-soignante – est à l'image et tend à se confondre avec l'auteur de l'énoncé : le personnage fait mine d'exprimer son point de vue en adressant à l'apprenant les commentaires qu'il fait siens. L'énonciateur réel est masqué par la fiction et l'énonciateur fictif devient l'interlocuteur principal de l'apprenant.
Avec la seconde stratégie par contre, la fiction est infiltrée par le réel et le personnage devient un simple relai diégétique : il parle pour un autre qui est hors de l'histoire. Ce cas de figure se rapprocherait d'un énoncé dialogique, où le locuteur affiche non seulement son point de vue, mais aussi, et plus probablement celui d'un autre, en l'occurrence l'auteur réel des commentaires. Or dans un contexte fictionnel, la coexistence de ce double extérieur à la fiction n'est pas tenable d'un point de vue ontologique : percevoir un énonciateur réel derrière les commentaires revient à appréhender la virtualité du personnage qui les énonce ; le personnage locuteur apparait alors subordonné à un auteur qui devient l'interlocuteur principal. Le personnage n'a plus d'existence propre.
Ainsi, suivant la stratégie utilisée et les éléments qui la favorisent, l'origine de l'énoncé est respectivement fictionnelle ou réelle. Les deux stratégies sont concurrentielles, produisant deux énonciateurs singuliers s'excluant l'un l'autre. Les deux stratégies étant intéressantes, nous les avons utilisées conjointement lors de l'écriture : en effet, si les premiers abords du jeu tendent vers la personnification de l'aide-soignante (stratégie 1), les dialogues sont par la suite parsemés de références au monde virtuel d'une part et à l'équipe de conception d'autre part. Par l'accumulation des ces éléments au fil de l'expérience, nous avons cherché à faire prendre conscience à l'apprenant de la médiation (stratégie 2) pour étendre la réalité du jeu vers le monde réel, pour passer d'un énonciateur fictif communément construit dans la fiction vers un énonciateur réel. Nous précisons ci-dessous leur inscription dans le serious game par l'utilisation de deux métalepses se distinguant par leur portée, c'est-à-dire l'espace de communication qu'elles entrouvrent.
Le regard caméra-interface de l'aide-soignante est pour EHPAD™ le premier élément favorisant la dimension sociale : ayant décidé de lui faire assumer les prérogatives pédagogiques, nous avons construit le personnage de l'aide-soignante de telle sorte qu'il manifeste une volonté d'échanger avec l'apprenant : il explicite ses intentions, discute les choix, voire souligne clairement son désaccord, les yeux dans les yeux. La mise en scène s'inspire de la pédagogie par l'image pour interpeller et impliquer le spectateur, soutenu par l'attitude, la disposition des visages et les registres de la parole (Jacquinot-Delaunay, p. 73, 1977). Nous voyons là des parallèles avec la démarche qui consiste à formaliser l'utilisation du regard pour les "agents pédagogiques animés" (Farouk et al., 2007) afin de le lier à des actes pédagogiques précis tels que "rétablir la confiance après déstabilisation" ou plus largement pour manifester empathie et écoute. Notre regard caméra depuis le jeu rejoint l'idée du regard direct porté par l'enseignant sur son élève et souligne la mise en relation, demandant à l'apprenant de prendre le personnage comme interlocuteur. Ainsi, le regard camera contribue à amorcer une relation intersubjective en provoquant chez l'apprenant l'impression subreptice qu'une entité – quand bien même virtuelle – a voulu croiser son propre regard. La relation se construit réciproquement du côté de l'apprenant, car pour interagir avec le jeu, il est amené à manifester une relation "interfacée" : il "conseillera" un choix au personnage et marquera parfois sa désapprobation par le bouton "désaccord".
D'un point de vue cognitif, les différents conflits pouvant être provoqués (cf. 2.2.1 et 2.2.2) sont réunis et personnifiés en un même point. En plus de devenir le foyer cognitif (l'objet de l'apprentissage) le personnage devient le second pôle social. Nous qualifions donc cette métalepse de sociocognitive (modalité 2). Notons que la fiction est momentanément remise en question lorsque l'effet d'illusion est brisé, et qu'elle doit se rétablir rapidement, sans quoi le dispositif ne peut laisser croire à l'existence du personnage et à la moindre relation avec lui. Si l'immersion ne revient pas, nous basculons alors vers la métalepse sociocognitive élargie, dont l'espace de communication est plus vaste.
Au-delà d'une relation possible avec le personnage virtuel (cf. 3.2.2), des éléments ont été placés pour faire basculer la relation en direction d'un énonciateur réel. L'objectif était de laisser le personnage dévoiler peu à peu la nature fictionnelle de l'expérience en faisant montre de sa virtualité ou en explicitant, par les dialogues, son rôle de simple acteur dans une histoire orchestrée. Dans ces moments, la métalepse agit à double titre : comme précédemment elle brise l'effet illusionniste de la mise en situation, mais elle dévoile en plus les coulisses du dispositif. Pour donner deux exemples, le personnage dira, lorsqu'une partie est perdue "qu'[il] retourne virtuellement au début du jeu pour attendre la prochaine partie" et lors d'une partie gagnée, que "[son] point de vue étant celui de l'équipe pédagogique, [il] en profite pour [vous] transmettre leurs félicitations". Ce second exemple reprend le principe exposé au point 1.1. où Belmondo l'acteur parle pour Godard le réalisateur, le rendant présent en arrière toile. La déstabilisation créée ouvre une brèche dans le dispositif communicationnel. L'énonciation passe du cadre diégétique à extradiégétique par le regard caméra, puis au cadre extratextuel par le dévoilement de la virtualité. Si l'effet est suffisamment marqué, on peut s'attendre à ce que le personnage de l'aide-soignante soit déchargé de toute responsabilité – concernant ses actes ou paroles – et que cette responsabilité soit réattribuée à un énonciateur réel, en l'occurrence l'équipe pédagogique suivant notre second exemple.
Un autre élément a été ajouté pour renforcer le sentiment d'une "communication" bidirectionnelle : le bouton "désaccord" (cf. 3.1). Les consignes précisent que ce bouton ne change pas le cours du jeu, mais permet aux concepteurs d’être averti qu'un élément heurte le point de vue de l'apprenant. Si le dispositif ne laisse aucun doute sur le fait que les concepteurs ne sont pas présents sur l'instant, l'écriture et l'ergonomie réactivent néanmoins leurs traces et leurs existences dans le monde réel (cf. l'interactivité intentionnelle au point 2.2.2.2). Cette circulation de l'énonciation s'appuie sur une métalepse que nous qualifions de sociocognitive élargie (modalité 3), dont la portée est maximale, ouvrant un espace de communication qui relie non seulement l'apprenant au jeu mais aussi à l'équipe de conception.
Pour synthétiser l'utilisation de la métalepse dans le projet EHPAD™, la modalité 1 correspondant tout d'abord à la métalepse minimale dégagée au point 2.2.1. Elle est "naturellement" à la base de la version classique, car les commentaires textuels suspendent la narration par l'arrivée de pop-up. Ensuite, les modalités 2 et 3 se mêlent dans la version collaborative. Pour cette version et suivant nos hypothèses, la quantité accumulée d'éléments dévoilant la virtualité du personnage déterminera laquelle des modalités 2 ou 3 prendra le pas sur l'autre.
Si Malina et Ryan décrivent comme théoriquement possible une accumulation infinie de couches énonciatives, elles pointent aussi les restrictions que se mettent les auteurs et celles qu'impose la capacité attentionnelle de tout lecteur. Finalement, Ryan constatent que le nombre de couches dépasse rarement 3 ou 4 (Ryan, p. 440, 2004). Partant de ce constat, notre exploration a donc cherché à réduire leur nombre au strict minimum pour concentrer l'attention sur une couche narrative singulière. Toutefois, en voulant pallier à ces limites de l'attention, nous en avons déjà aperçu de nouvelles avec les métalepses, notamment pour la modalité 3. En effet, d'un point de vue cognitif, les bénéfices attendus pourraient bien avoir leur revers en répartissant diversement l'attention ou en la focalisant à la périphérie de l'objet de l'apprentissage :
- en élargissant l'espace de communication, le nombre d'interlocuteurs pourrait augmenter : l'énonciateur réel ne serait alors plus traité comme une figure singulière "englobante", par exemple "l'équipe de conception", mais comme la multiplicité des figures constituant cette équipe, affaiblissant d'autant le point focal du conflit.
- la dimension ludique pourrait masquer le propos et l'enjeu pédagogique.
- l'efficacité de cette modalité 3 pourrait, comme pour la modalité 1 (cf. 2.2.1.2), s'affaiblir en fonction des répétitions. Dans ce cas, l'espace de communication se réduirait à nouveau à la fiction et la relation se bornerait au mieux au personnage virtuel (modalité 2).
Enfin, d'un point de vue social, si tant est que les éléments d'interaction satisfassent les prérequis du conflit sociocognitif – notamment donner à l'apprenant un sentiment de réciprocité, de coopération et celui de pouvoir exposer son point de vue –, il faudra encore vérifier que la régulation du conflit soit épistémique (Buchs et al., 2008), c.-à-d. qu'elle focalise la tâche et l'investissement cognitif, plutôt que relationnelle, car soumise alors à la complaisance ou le repli sur soi.
Comme évoqué au point 3.1, le serious game dans son entier est composé de trois situations reliées par un fil rouge narratif. À celles-ci s'ajoute le dispositif d'enquête, composé de quatre questionnaires auto administrés et intercalés entre les temps de jeux (voir figure 6.).
Figure 6. Déroulement des passations
Ce dispositif poursuit le travail exploratoire mené pendant la construction du jeu en vue de tester nos hypothèses. Pensé et intégré pour autoriser un plan d'expérience, son but est de recueillir la perception in vivo (Allain, 2012b) en répartissant les apprenants sur différentes configurations. Les items des questionnaires ont été soit construits pour opérationnaliser des questions de la sémio-pragmatique – notamment liées à la construction des espaces, des formes discursives et des relations affectives –, soit adaptés à partir d'échelles existantes, comme dans le cas du conflit sociocognitif. Les données recueillies feront l'objet d'une analyse quantitative, avec différents traitements statistiques (Chi2, Anova, etc.) et compareront en particulier les effets des deux versions de la situation 3 d'une part selon la posture plus ou moins collaborative adopté par l'apprenant vis-à-vis du personnage (Allain, 2012a) et d'autre part selon sa perception d'un énonciateur réel, s'il en est.
Cet article pose les premières briques d'une écriture narrato-cognitive utilisant la métalepse comme catalyseur du couple jeu et apprentissage. Une typologie de trois modalités a été dégagée décrivant les métalepses suivant leurs origines (sémiotiques, interactionnelles). Cette typologie a été décrite et illustrée pour envisager, au-delà des métalepses "naturellement" présentes (modalité 1), comment les susciter dans l'écriture des commentaires pédagogiques. En particulier, alors que notre question de recherche visait à instrumentaliser les variations de l'immersion fictionnelle, deux métalepses dénommées ici "sociocognitives" (modalité 2 et 3) ont été décrites pour leur capacité à assumer deux fonctions simultanées : celle de fondre les couches d'énonciations (fiction et contenu pédagogique) pour un traitement cognitif unique (temporel et ontologique) et celle d'adjoindre à l'univers du jeu une relation sociale afin de stimuler un conflit sociocognitif (en prise dans la fiction avec les personnages ou redirigée vers le monde réel et l'équipe de conception). Au-delà de l'enjeu cognitif, nous avons entrevu le potentiel ludique des métalepses ; la présence soulignée dans la littérature de cette dimension suggère de transformer la fiction en jeu, ou dit autrement, de faire un jeu des variations de la fiction. Ainsi notre proposition combine les dimensions narratives et cognitives, suggère un levier concret pour négocier immersion et réflexivité et esquisse une reformulation des origines ludiques du serious game.
La prochaine étape pour développer ce modèle d'écriture passera par les analyses quantitatives liées à l'expérimentation du jeu EHPAD™. Au-delà, d'autres projets d'écriture ont d'ores et déjà repris ces propositions et multiplié les déclinaisons ; ce seront autant d'occasions d'éprouver ou de reconduire l'analyse produite ici, autant d'occasions pour vérifier auprès des apprenants, la réception de la "relation sociale" envisagée par le concepteur dans la solitude de son écriture.
Les auteurs tiennent à remercier la société Dæsign qui porte le projet de recherche EHPAD™, le ministère français de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi (DGCIS) qui soutient son développement, ainsi que la Commission Européenne qui a financé le projet IRIS (FP7-ICT-231824). Par ailleurs, les auteurs remercient chaleureusement Daniel Schneider et Daniel Peraya du TECFA pour leurs précieux conseils lors de la rédaction de cet article.
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D'abord consultant indépendant pour le
cinéma et l'audiovisuel broadcast pendant une dizaine d'années, Sébastien ALLAIN collaborera à de nombreux projets pour des
grands comptes nationaux et internationaux. Initialement intéressé
par les enjeux filmiques, il s'orientera ensuite dans la conception et la
réalisation de projets interactifs pour explorer la relation du public
aux récits interactifs offerts par les NTIC.
Une reprise d'étude en 2007 formalisera cette démarche avec
l'obtention du Master II EIDI (Écriture interactive et Design
d'interaction) et la participation en 2008 au concours national « en
émergence » du ministère français de la Recherche
avec le projet de réalité augmentée mobile surfiD. Depuis
fin 2008, il travaille au sein de la société Dæsign
à l'élaboration de « serious games » narratifs
basés sur des simulations de relations interpersonnelles.
En 2009, il entamera un doctorat portant sur les dispositifs d'apprentissage
afin d'analyser la conduite de l'intentionnalité pédagogique. Ces
recherches visent une articulation entre le travail d'écriture et sa
réception auprès des apprenants. Le cadre théorique se
nourrit du cinéma documentaire, de la sémio-pragmatique et de la
narratologie cognitive. Le titre actuel de sa thèse est
« Serious game et perception du réel, lecture documentarisante
et potentiel cognitif ». L'approche est à la croisée des
Sciences de l'Information et de la Communication et des Sciences de
l'Éducation, sous la direction de Jacques Ibanez-Bueno et Nicolas Szilas,
Laboratoire IREGE Université de Savoie et Laboratoire TECFA
Université de Genève.
Sébastien ALLAIN enseigne à l'IAE Université de Savoie
et à Gobelins Annecy, École de l'Image.
Adresse : TECFA-FPSE, Université de Genève, CH 1211 Genève 4, SUISSE, et Pole i&i IREGE, Université de Grenoble, 4 chemin de Bellevue, 74944 Annecy le Vieux, France.
Courriel : Sebastien.Allain@univ-savoie.fr
Après avoir obtenu un diplôme
d'ingénieur en 1992, à l'ESIM (actuellement Ecole Centrale
Marseille), Nicolas SZILAS se dirige très rapidement vers la
recherche, en réalisant un DEA et une thèse en Sciences
Cognitives, à Grenoble, à la croisée de l'intelligence
Artificielle, de l'apprentissage, de la Communication Homme-Machine et de la
psychologie cognitive. Après un séjour post-doctoral à
Montréal, il monte en 1997 le département R&D d'une petite
société de multimédia/jeu, sur le thème des
personnages intelligents pour le jeu vidéo. Entre 1999 et 2001, il est
"Chief Scientist" au sein du département Innovation d'une grande
Société de Service en Ingénierie Informatique, mais en
parallèle, en tant que chercheur indépendant, il lance IDtension,
un programme de recherche sur le Drame Interactif, qui devra devenir son domaine
d'excellence pour la décennie à venir.
Après des contrats universitaires à l'Université Paris
8 puis à Macquarie University à Sydney en Australie, il entre en
2006 au laboratoire TECFA de l'Université de Genève,
spécialisé dans les technologies éducatives, en tant que
Maître d'Enseignement et de Recherche. Il y poursuit ses recherches sur le
« Drame Interactif », au travers de plusieurs projets
financés par l'Europe ou la Suisse. Il s'intéresse
particulièrement à l'utilisation de ces systèmes à
des fins d'apprentissage ou de formation, au développement de
modèles, outils et méthodologies permettant à des auteurs
de s'approprier ces nouvelles technologies d'écriture, à
l'exploration de nouvelles formes expressives s'appuyant sur la narration
interactive et enfin à la coopération et l'intégration
technologiques entre les différents acteurs académiques du
domaine.
TECFA-FPSE, Université de Genève, CH 1211 Genève 4,
SUISSE
Courriel : Nicolas.Szilas@unige.ch
(1) Le qualificatif diégétique réfère à la diégèse qui est l'univers spatio-temporel défini par le récit et sa narration.
(2) http://www.youtube.com/watch?v=bfukcKYjNGs
(3) L'auteur cite l'exemple d'une fiction mettant en scène une séquence de viol dont l'interprétation serait à même de choquer.
(4) Nous faisons d'ailleurs l'hypothèse que toute application informatique didactique partage cette modalité en exécutant des fenêtres d'aide.
(5) Cette version a été initialement baptisée "métaleptique" avant d'être renommée "collaborative". Ce changement, s'il est réducteur, a toutefois permis de simplifier la communication avec l'équipe de production, en rendant les enjeux posturaux plus concrets et en permettant une meilleure appropriation de chacun (au niveau du graphisme, de la mise en scène, etc.).
© Revue Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication pour l'Éducation et la Formation, 2012