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Pratiques pédagogiques instrumentées et
propriétés des outils : le cas des forums
François Mangenot Lidilem,
université Stendhal – Grenoble
3
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RÉSUMÉ : Partant
du principe que la structuration des interfaces de forums affecte le travail des
étudiants et des tuteurs, cet article analyse les rapports qui
s’instaurent entre les propriétés des outils et les
pratiques des utilisateurs. Il s'appuie pour cela sur un corpus constitué
de plusieurs forums pédagogiques utilisés dans des formations de
divers types. Le fil conducteur est la mise en relation de certaines
propriétés technologiques des outils, de pratiques
instrumentées récurrentes et des intentions communicatives
liées à ces pratiques. Après une présentation du
cadre théorique et du corpus étudié, l'article aborde
successivement deux dimensions des caractéristiques des forums :
leur place au sein de la plateforme et notamment leur lien avec les tâches
assignées, puis la manière dont sont structurés les
messages entre eux et les possibilités offertes en termes de fichiers
attachés. L'objectif est double : déterminer d'une part si
certaines caractéristiques semblent plus favorables que d'autres dans
certaines situations pédagogiques, suggérer d'autre part des
pistes d'amélioration des propriétés des forums.
MOTS CLÉS : Communication
médiatisée par ordinateur, ergonomie, forum, instrumentation,
plateforme, usages. |
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ABSTRACT : Considering
that the user-interface of a computer conferencing system (forum) affects how
students work within this system, this paper analyzes the relationship between
tool properties and user activities, based on data taken from several discussion
forums in different learning contexts. The underlying topic consists in trying
to establish a relationship between technological properties, common ICT-based
practices and their related communicative purposes. The theoretical framework
and the data corpus are first presented. The paper then discusses two
dimensions of forum properties: firstly, their location inside a Learning
Management System, particularly the path leading from the assignment to the
forum, and secondly the overall messaging structure and file attachment
possibilities. The scope is twofold: determining whether some features seem more
desirable in certain learning contexts and making a few suggestions for
improving forum properties.
MOTS CLÉS : Computer-Mediated
Communication, Ergonomics, Computer Conferencing, Tool Appropriation, Learning
Management System, Usage. |
De nombreux dispositifs de formation en ligne font une utilisation
prédominante, voire exclusive, des outils de communication de type forum.
Les différentes plateformes ou collecticiels (WebCT, Moodle, Dokeos, Quickplace, etc.) intègrent tous cet
outil, mais selon des ergonomies variables : chemin pour accéder au
forum, gestion des fils de
discussion1, possibilité
d’avoir une vue des messages en enchâssement, possibilité ou
non d’attacher des fichiers, etc. Peu de travaux jusqu’à
présent se sont penchés sur l’effet de ces variables
ergonomiques sur les pratiques des acteurs (enseignants et étudiants).
Comme l’écrit (Kear, 2001),
l’un des rares auteurs à avoir approfondi cette question, en
conclusion de son article : “differences between the
user-interfaces of computer conferencing systems affect how students work within
these systems” ou “interfaces can affect students’ work
at a practical level” (p. 97). La présente étude part de
cette prémisse et se penche sur des échanges pédagogiques
en ligne non pas pour en analyser le contenu communicatif ou le scénario
pédagogique, mais en mettant l’accent sur la manière dont
ils sont organisés et structurés par les systèmes et par
les utilisateurs. Quels rapports s’instaurent entre les
propriétés des outils et les pratiques réelles des
utilisateurs ? Comment les forums participent-ils alors à
l’accomplissement d’intentions communicatives (dans notre cas,
pédagogiques) ? Certaines caractéristiques techniques
semblent-elles plus favorables que d’autres à certains types de
communication pédagogique ? On adoptera une démarche
"ethnosémiologique située" (Souchier et al., 2003),
le terrain d’analyse étant constitué de plusieurs forums
pédagogiques, appartenant à divers dispositifs de formation en
ligne s’étant déroulés ces dernières
années. Le fil conducteur sera la mise en relation de certaines
propriétés technologiques des outils, de pratiques
instrumentées récurrentes et des intentions communicatives
liées à ces pratiques. Après une présentation du
cadre théorique et du corpus étudié (§ 1), cette
étude abordera successivement deux dimensions des caractéristiques
"techno-sémio-pragmatiques" (Peraya, 1999) des forums : leur place au sein de la plateforme et notamment leur lien
avec les tâches assignées (§ 2), puis la manière
dont sont structurés les messages entre eux et les possibilités
offertes en termes de fichiers attachés (§ 3).
1. Revue de la question et cadre théorique
De très nombreuses recherches ont pris les
forums pour objet d’étude ; un symposium, Symfonic,
leur a été consacré en 2005 en France (Sidir et al., 2005),
certaines des communications ayant par la suite fait l’objet d’une
publication dans la revue Sticef (Bruillard, 2006).
Dans une revue bien documentée, (Hammond, 2005) distingue trois types de recherches, selon qu'elles se situent dans le champ des
sciences de l’éducation, dans le champ de l’analyse des
médias ou dans le champ de la psychologie sociale. Les premières
mettent l’accent sur l’enseignement et l’apprentissage, les
secondes sur l’impact des médias sur les individus et les groupes,
les dernières sur le comportement des individus dans les groupes. Nous
nous concentrerons ici sur la seconde catégorie, la moins
documentée selon cet auteur. Suite à cette revue, nous
présenterons le cadre théorique, la méthodologie et le
corpus retenus pour cette étude. Mais une précision
préalable doit encore être apportée : nous ne prendrons
en compte, dans cette étude, que des utilisations pédagogiques
pour lesquelles les étudiants ont "une tâche commune, plus ou moins
précise, à réaliser dans un espace temporel défini" (Depover et al., 2006),
ce qui exclut les forums simplement juxtaposés à une
formation.
1.1. Recherches sur les propriétés des forums
Les premiers travaux sur les forums pédagogiques, recensés par (Bullen, 1997),
n’accordaient que très peu de place aux caractéristiques
techno-sémiopragmatiques2 des
forums. Or, la prise en compte de ces caractéristiques est fondamentale
au moment de concevoir "les modalités de prise en compte des
échanges à distance dans le processus de design
pédagogique" (Depover et al., 2006) (p. 1). Par ailleurs, dans une perspective de développement informatique,
"le repérage de certaines marques et structures dans les discours
échangés et leur croisement avec l’analyse des
propriétés des outils informatiques" (Mangenot, 2004) (p. 110) peut conduire à l’amélioration de ceux-ci (George et Bothorel, 2006), (Depover et al., 2006), (Dimitracopoulou et Bruillard, 2006).
Une telle perspective sémiopragmatique est par contre celle de
Marcoccia, qui s’est penché sur les forums grand public (Marcoccia, 2000), (Marcoccia, 2004).
En s’appuyant sur une analyse des smileys dans ces forums, il
avance que la communication médiatisée par ordinateur (CMO) serait
calquée sur la communication orale dont elle emprunterait certaines
caractéristiques et simulerait celles qu’elle ne peut reproduire (Marcoccia, 2000).
Partant des observations de Marcoccia mais prenant en compte les
spécificités des usages pédagogiques, (Mangenot, 2004) a proposé une caractérisation générale de
l’outil forum selon une "quadruple dimension écrite, asynchrone,
publique et structurée". On remarquera que les trois premières
caractéristiques sont inhérentes à l’outil (quoique
commencent à apparaître des forums vocaux), tandis que la
dernière, à laquelle la majeure partie de cette étude sera
consacrée, peut varier fortement d’un outil à
l’autre.
Si l’on se penche donc sur cette question de la structuration,
il convient sans doute de distinguer tout d’abord les forums grand public
et les forums pédagogiques. Pour (Marcoccia, 2004),
qui s’intéresse aux premiers, les possibilités de
structuration favorisent les digressions : "les discussions en ligne sont
souvent désorganisées et confuses, à cause du
développement fréquent de nombreux fils de discussion et de
conversations parallèles" (p. 26). (Herring, 2004),
dans le cadre d’une analyse des échanges dans deux forums
professionnels du réseau Usenet, estime pour sa part qu’un
des rôles des modérateurs consiste à veiller au respect du
thème à l’intérieur des fils, ce qui peut diminuer la
tendance à la "fragmentation thématique". Ces observations, qui
pointent une faiblesse potentielle de l’outil, devraient interpeller les
concepteurs de formations en ligne, sachant toutefois que ces dernières
sont à la fois plus finalisées, qu’elles
bénéficient d’un encadrement institutionnel et
qu’elles se situent la plupart du temps à l’intérieur
d’un outil englobant, la plateforme. Concernant la conception
d’interfaces de forum structurées en vue d’une plus grande
efficacité pédagogique, on lira avec profit la thèse de (Allaire, 2006),
qui conçoit puis analyse l’intégration de
l’environnement Knowledge
Forum3 dans la formation de
professeurs stagiaires ; cet environnement offre des possibilités de
structuration très sophistiquées, au point que l’on peut se
demander si l’appellation de "système de gestion des connaissances"
ne lui conviendrait pas mieux que celle de "forum".
Concernant les forums pédagogiques classiques, on distinguera
ici deux niveaux de structuration : un niveau "amont", qui concerne la
place du ou des forum(s) dans la structure globale de la plateforme et notamment
par rapport aux consignes et aux ressources conduisant à la
réalisation d’une tâche, et un niveau "aval", qui concerne
les possibilités de structuration d’un forum donné. Pour le
premier niveau, nous sommes en accord avec (George, 2003) quand il reproche aux forums des plateformes leurs faibles liens avec les
activités d’apprentissage. Concernant le second niveau,
l’étude de (Kear, 2001) se
révèle précieuse, en ce qu’elle montre clairement que
la manière dont le système structure et donne à voir les
fils de discussion a un effet en retour sur la manière dont les
étudiants utilisent le système et sur le caractère des
discussions : un système permettant de mieux distinguer,
graphiquement, les fils de discussion et l’arborescence à
l’intérieur de ces fils conduit à une discussion plus
cohésive, au sens où l’on observe moins de messages
isolés. (Hewitt, 2003),
pour sa part, grâce à une étude approfondie des traces
d’accès aux forums de 92 étudiants inscrits dans
différents cours à distance, relève la pratique la plus
courante, qu’il appelle "the unreadnote practice" :
l’étudiant se connecte à la plateforme, lit les messages non
lus (que le système permet de repérer) et y répond ;
à l’inverse, il retourne rarement lire les fils de discussion
antérieurs (18 % des événements de lecture) ;
quand il rédige une réponse, celle-ci est le plus souvent une
réaction à un message récent (80 % de l’ensemble
des réponses). Dans un autre article, le même auteur (Hewitt, 2005) avance que cette pratique est finalement assez logique, dans la mesure où
elle reflète la manière dont les étudiants traitent leur
courrier électronique, mais qu’elle peut être nuisible
à l’approfondissement des connaissances, qui nécessiterait
que l’on revienne plusieurs fois sur certains sujets en débat dans
le groupe. La recherche de Hewitt nous amène à considérer
que la fonctionnalité permettant de distinguer les messages lus des
messages non lus constitue un élément technologique de
structuration. Finalement, toutes ces études renvoient à la
question de l’appropriation des systèmes ; à ce propos, (O’Rourke, 2005) insiste sur le caractère dynamique de la relation entre les
propriétés des outils et les actions des utilisateurs :
"CMC environments are themselves artifacts, which therefore ought not to be
seen as nonnegotiable objects with direct and predictable effects on user
behavior. Rather, their features are exploited, and often subverted, by users
making active, strategic choices. In ecological terms, the properties of the
technology stand in a dialogic relation to the activities of users, giving rise
to dynamic affordances" (p. 435). On reviendra au paragraphe suivant sur
cette notion d’affordance.
Plusieurs auteurs se sont enfin interrogés sur l’interactivité des messages de forum. (Quintin et Masperi, 2006) synthétisent clairement, à partir de travaux antérieurs, la
question que l’on peut se poser : "la dominante discursive [...]
est-elle interactive, le sujet [de discussion] étant composé
principalement de messages qui "se répondent", ou au contraire est-elle
de nature monologique, les contributions de chacun étant simplement
juxtaposées à la suite les unes des autres, sans lien
évident entre elles ?" (p. 20). Comme le décrivent ces
auteurs, le système qu’ils observent (la plateforme Esprit)
ne permet pas de visualiser l’interdépendance entre les
échanges, ce qui oblige les utilisateurs à pallier cette lacune
par des marques verbales explicites d’adresse : "[Les sujets de
discussion] se présentent sous la forme d'un fil unique de messages
disposés de manière chronologique, le dernier message s'affichant
au-dessus des messages précédents, ce qui implique que
l'utilisateur qui souhaite répondre à un message
éloigné dans le fil de discussion est souvent amené
à y faire référence de manière explicite" (p. 12).
On peut considérer que cette question de l’interactivité se
pose au-delà de l’unité du fil de discussion, notamment dans
le cas des groupes qui choisissent d’ouvrir de nombreux fils (cf.
infra).
1.2. Cadre théorique
L’objectif de cette étude consiste à tenter
d’articuler le niveau technologique avec celui des usages sociaux et celui
des significations que prennent les situations instrumentées pour les
acteurs (dans notre cas, tuteurs et étudiants). Une première
approche permettant cette articulation serait la théorie des
affordances, clairement présentée et utilisée comme
cadre théorique dans la thèse de (Allaire, 2006).
Ce chercheur rappelle que cette théorie, issue d’une approche
écologique de la psychologie de la perception (Gibson, cité par
Allaire), met en avant les relations dynamiques qui s’instaurent entre un
être vivant et les propriétés de son environnement :
l’affordance ne désigne pas une propriété
d’un objet, mais la perception et l’utilisation de celle-ci par un
être vivant. Reprise en ergonomie (Norman, cité par Allaire) dans
un sens modifié, cette notion a permis de revisiter la question du design
informatique en mettant l’accent sur les caractéristiques des
interfaces incitant l’utilisateur à faire appel à telle ou
telle fonctionnalité ; la convivialité d’une interface
est alors liée à une perception aisée des
fonctionnalités du système. Cependant la relation outil /
utilisateur est à double sens : d’une part seules certaines
caractéristiques sont perçues ("affordances perçues" versus "affordances cachées"), d’autre part
l’utilisateur peut parfois entreprendre des actions non mises en avant par
le concepteur (Allaire parle alors de "fausses affordances"). Enfin, (Allaire, 2006) propose d’inclure dans la théorie la notion d’affordances
socionumériques (expression utilisée dans le titre de sa
thèse), notion permettant de tenir compte de la communication
humaine et mettant en avant ce que les environnements numériques
d’apprentissage offrent en termes de facilitation des interactions
sociales. Nous le suivrons sur ce point, notre propos étant centré
sur la communication instrumentée.
En synthèse, la théorie des affordances offre un cadre
intéressant pour évaluer certaines dimensions des environnements
socionumériques, notamment la question du design pédagogique mise
en relation avec les propriétés d’outils largement
paramétrables (comme c’est le cas du Knowledge Forum) ;
elle est peut-être moins adaptée à l’analyse a
posteriori d’usages d’outils à la fois différents
et plus rigides, comme les forums qui nous intéressent ici. Par ailleurs,
les deux sens différents attribués à ce terme en
psychologie et en ergonomie peuvent être sources de confusion, selon que
l’on y voit avant tout, de manière unidirectionnelle, les
possibilités (et limitations) offertes par un système aux
utilisateurs (tel est l’usage du terme – usage de plus en plus
courant - que font (Lamy et Hampel, 2007)),
ou bien, de manière plus écologique en accord avec la
définition première, une circulation à double sens entre
des propriétés technologiques et une appropriation par des humains
(voir O’Rourke, supra) ; cette dernière acception nous
paraît tout à fait compatible avec les approches
communicationnelles des usages des outils technologiques que nous allons
examiner maintenant, même si les auteurs cités ci-après
n’utilisent pas la notion d’affordance (peut-être
justement à cause de son ambiguïté).
Pour mener des analyses prenant en compte simultanément les dimensions
technologique, sociale et sémiologique, Souchier et al. (op. cit.)
ont proposé une "démarche ethnosémiologique située".
Pour ces auteurs, "l’alternative entre un double déterminisme
technique et social aboutit à une impasse, car il nous interdit de penser
la question du sens et celle de la médiation" (p. 33). L’analyse
doit alors combiner trois niveaux différents : "l’objet
technique institué comme média d’une part, le formatage du
processus de communication par le média d’autre part et, enfin, la
façon dont les usagers s’approprient le dispositif" (p. 34).
Précisons que cette démarche, dans le chapitre 3 de
l’ouvrage cité (Després-Lonnet et al., 2003),
est appliquée concrètement à l’usage de deux outils
de communication électronique, dans un cadre non
pédagogique : le courrier électronique et le clavardage. Les
auteurs comparent par exemple les "modes de représentation"
adoptés par une dizaine de services de webmails (p. 200-203), tout en
observant en parallèle les usages qu’en font des
étudiants ; concernant la taille de la fenêtre
d’inscription du message, qui varie dans des proportions
considérables d’un prestataire à l’autre, ils montrent
qu’elle détermine plus ou moins la taille du texte qui y sera
inscrit ("C’est petit, alors j’écris peu"). Ces
auteurs (op. cit., p. 218) citent également un utilisateur
qui réagit ainsi au fait que le système ICQ affiche les lettres au
fur et à mesure de leur
frappe4 : "ceci rend les rapports
plus proches du dialogue oral que pour les autres chats. En effet, lorsque
l’on voit un intervenant commencer à écrire, on a tendance
à regarder les lettres arriver comme on écoute quelqu’un
parler et donc à ne pas écrire pendant ce temps" ; pour eux,
cet exemple montre bien comment "le dispositif technique organise la pratique de
lecture". Signalons par ailleurs que (Develotte, 2006) a proposé la notion intéressante d’ "espace
d’exposition discursive" pour caractériser la manière dont
l’environnement technologique "pré-formate le format et le contenu
des échanges" (p. 90). (Després-Lonnet et al., 2003) insistent enfin sur les métaphores auxquelles recourent les outils
de communication, métaphores qui renvoient à des situations de
communication interpersonnelles et mettent ainsi en œuvre des
représentations de ce que sont les relations entre personnes. Comme
l'écrivent (Meunier et Peraya, 2004),
"la métaphore sert donc à la fois de cadre cognitif
d'interprétation mais aussi de modèle de comportement social et de
résolution de tâches" (p. 422).
1.3. Méthodologie
La principale difficulté que présente la démarche
décrite ci-dessus provient du grand nombre de données sur
lesquelles il convient d’appuyer les analyses :
fonctionnalités et interfaces des systèmes informatiques,
documentation et autres discours d’accompagnement, pratiques
réelles des utilisateurs (matérialisées par des
interactions en ligne), réactions des utilisateurs par rapport à
ces pratiques, éventuellement questionnaires et entretiens
d’explicitation. Une seconde difficulté provient de la
nécessité de mener une analyse croisée de ces
données.
La présente étude tentera avant tout de lier l’analyse de
deux types de données : les fonctionnalités et interfaces des
forums utilisés et les interactions en ligne qui ont eu lieu dans des
situations pédagogiques réelles. L’auteur de cet article
avait un statut d’observateur participant dans ces situations
pédagogiques, dans la mesure où il était soit concepteur de
la formation (corpus A, C et D, cf. 1.4), soit tuteur (corpus A, B et D).
Précisons que les consignes des tâches et la manière
dont elles sont présentées seront prises en compte en tant que
composante du corpus, dans la mesure où on peut les considérer
comme les actes de parole qui initient les échanges. Il aurait certes
été intéressant d’utiliser également certaines
réactions des tuteurs ou étudiants concernant l’ergonomie
des plateformes, réactions suscitées par des questionnaires et des
entretiens (corpus A et C), des travaux réflexifs (corpus B, C et D),
voire une discussion sur forum (corpus D), mais les données de ce type
étaient trop hétérogènes, d’un corpus à
l’autre, pour pouvoir être utilisées de manière
comparative ; on ne s’interdira toutefois pas de faire globalement
état de réactions d’usagers, quand celles-ci
possédent un caractère quasiment unanime.
Les interactions en ligne sur lesquelles s’appuient les analyses ont
été intégralement sauvegardées dans leur format
originel, en utilisant notamment les fonctionnalités de sauvegarde
(Moodle) ou de travail hors ligne (Quickplace) offertes par les
systèmes. Tous les forums étudiés datent les messages et
indiquent leur auteur, ce qui permet de reconstituer la chronologie des
interactions : un chercheur totalement extérieur aux données
aurait peut-être des difficultés à se représenter
l’état de tel ou tel forum à un moment T des
échanges, mais dans notre cas, l’observation participante a permis
de pallier cet inconvénient. Enfin, les plateformes indiquent le nombre
de messages que contient chaque fil de discussion, ce qui a facilité
certaines analyses quantitatives.
1.4. Corpus examiné, modalités de travail
Le corpus retenu pour cette étude correspond à
différents cours en ligne possédant plusieurs
caractéristiques communes : il s’agit toujours de formations
entièrement à distance en ce qui concerne la relation entre
étudiants et tuteurs, le travail en ligne est pris en compte dans
l’évaluation finale des étudiants, le forum constitue
l’outil de communication principal, voire unique, les forums sont
accessibles à tous les étudiants. Le tableau 1, qui
présente l’ensemble du corpus, fait ressortir d’autres
variables en ce qui concerne les modalités de travail.
On s’attardera sur les deux variables qui paraissent essentielles quant
à l’usage qui est fait du forum. La première concerne la
taille du ou des groupe(s) : on distingue deux cas, les groupes restreints
(de 3 à 8 étudiants) et les grands groupes (25 étudiants au
moins) ; le corpus étudié ne comporte pas de groupes de
taille intermédiaire, de tels cas étant d'ailleurs rares dans la
littérature. La seconde variable concerne ce qui est donné
à faire sur les forums : il s’agit soit de tâches
conduisant à une production (ou discussion) ouverte, soit d’un
produit devant être réalisé de manière collective
(coopération ou collaboration). Si l’on tient compte du fait que la
collaboration se réalise toujours en groupes restreints (ce qui est
conforme à toute la littérature sur les apprentissages
collectifs), on obtient alors trois cas de figure, en croisant les deux
variables : a) une approche par tâches en grand groupe, b) une
approche par tâches en groupes restreints, c) une approche collaborative
en groupes restreints. Concernant l’approche par tâches en grand
groupe, le forum était parfois l’espace même de
réception des productions (tout en abritant bien sûr des
échanges à propos de ces dernières), parfois simplement un
espace de discussion par rapport à une production à rendre
directement à l’enseignant. Une de nos hypothèses est que
certaines caractéristiques techniques des forums peuvent convenir
à certaines formes de travail et au contraire être moins
adaptées à d’autres.
|
Année, institution(s), nb d’étudiants et de tuteurs |
PF utilisée, fourniture des cours |
Modalités de travail |
A. Maîtrise FLE Canufle |
2001-2004. Consortium d’universités + CNED
25 étudiants, 2 tuteurs par cours |
Quickplace 2.0, puis 3.0.
Cours en PDF téléchargeables sur site CNED. |
Approche par tâches en grand groupe. Dans chaque cours, un forum par
tâche, une tâche par mois. |
B. Projet Learn-Nett |
2003-2004, Universités belges, suisses et Besançon. 17 groupes
de 4-5 étudiants, un tuteur par groupe |
Claroline.
Livret-projet en PDF dans "Documents" de la PF |
Approche collaborative.
Chaque groupe a son forum et son dépôt de documents. |
C. Projet "Le français en première ligne" |
Chaque année depuis 2002.
Différentes universités étrangères (Australie,
USA, Espagne, Japon) + une université française (Besançon,
puis Grenoble). De 21 à 80 étudiants, de 4 à 16 tuteurs |
WebCT, Quickplace 2.0, Dokeos 1.6, Moodle, Webboard
Tâches en ligne sur site Internet à part (2002 à 2005)
ou sur la plateforme (2005 à 2007, avec Webboard ou Moodle) |
Approche par tâches en groupes restreints de 2 à 8
étudiants (selon les années).
Un forum par tâche et par groupe. |
D. Master 2 pro FLE |
2006-2007
Université Grenoble 3, CNED
50 étudiants, 10 tuteurs. |
Dokeos 1.6.
Cours en PDF téléchargeables sur site CNED. |
Approche par tâches en grand groupe. Collaboration par groupes de 2 et
de 4 pour deux cours. |
Tableau 1 • Corpus de cours en ligne
fondés sur des forums
Concernant les plateformes, on remarque la grande variété de
systèmes utilisés. Cette étude se concentrera sur les
spécificités d’un collecticiel, Quickplace, et de
deux plateformes, Moodle et Dokeos, considérant que Claroline (corpus B) était très proche de Dokeos
1.6, en tout cas en ce qui concerne le forum. Les deux plateformes ont
été retenues à la fois pour leurs différences
notables en termes de fonctionnalités et parce qu’elles sont
très répandues. Le collecticiel présente pour sa part des
caractéristiques ergonomiques que nous n’avons trouvées dans
aucun autre système, caractéristiques susceptibles d’avoir
un effet sur les interactions en grand groupe.
2. En amont du forum : organisation de la plateforme
Les premières plateformes proposaient
typiquement deux entrées distinctes pour les ressources et pour la
communication en ligne : ainsi, l’utilisateur entrant dans Learning Space 2.0 (Mangenot et Miguet, 2001),
par exemple, devait choisir entre la "Médiathèque" et la "Salle de
cours" (outre l’agenda et l’accès aux profils), rubriques
qu’il était impossible de renommer ou de supprimer. (George, 2003) a
critiqué ce mode de structuration : "Dans les
plates-formes de formation en ligne actuelles,
les outils de communication se trouvent détachés des autres outils
et des activités d’apprentissage. Cette séparation
n’incite pas les apprenants à discuter à propos des
activités qu’ils réalisent, des questions qu’ils se
posent ou des difficultés qu’ils rencontrent [...]" (p. 104 ).
Précisons tout d’abord deux spécificités de notre
corpus : les forums étaient dans tous les cas l’outil par
lequel étai(en)t accompagnée(s) la/les tâche(s) prescrite(s)
d’une part, les contenus de cours, quand il y en avait (cas A et D),
étaient fournis sur un support "inerte" (papier ou fichier PDF non
interactif). Une tâche donnée comprenait donc toujours : a)
des consignes de production, b) un forum accompagnant sa réalisation. Les
ressources pouvaient être un chapitre de cours, des articles ou bien, dans
le cas de l’enseignement du français langue étrangère
(C), des fichiers multimédias (texte, son, image) créés par
les tuteurs. Dans tous les cas, la tentative avait été faite de
lier le plus possible, avec le moins de "clics" possibles, consignes, ressources
et forum (Mangenot, 2002) :
nous allons examiner comment cela a été obtenu avec les trois
systèmes pris en compte dans cet article.
2.1. Cas de Quickplace
Le collecticiel Quickplace comporte pour seules unités de
structuration des "Salles", des "Forums" et des "Pages" (ces dernières
correspondant aux messages des plateformes). Les salles peuvent contenir
d’autres salles, des forums et des pages, ce qui permet de structurer
l’ensemble. Il convient de noter une caractéristique : une
page placée en première position dans une salle s’ouvre
automatiquement quand l’utilisateur "entre" dans celle-ci.
L’utilisation faite de ce système dans le corpus A (proche du
corpus D, tant pour les modalités de travail que par le nombre
d’étudiants) avait consisté à adopter, pour chaque
cours, un mode chronologique strict : le premier jour de chaque mois,
durant six mois (novembre à avril) et pour chaque cours, des consignes de
travail correspondant à un (parfois deux) nouveau(x) chapitre(s) du cours
(fourni en PDF) étaient mises en ligne, avec la fonctionnalité
"page" ; sous cette "page" apparaissai(en)t le ou les forum(s)
lié(s) à la ou aux tâche(s) assignée(s) ; un
seul clic permettait ainsi d’aller de la lecture de la consigne au forum
de discussion (voir Figures 1 à 3). Une fois le mois terminé et de
nouvelles consignes affichées, le contrat pédagogique indiquait
clairement que l’enseignant-tuteur ne s’occupait plus que de la
nouvelle période. En outre, le collecticiel avait été
pré-formaté par la cellule TICE de l’université
Grenoble 3, ce qui donnait une ergonomie rigoureusement identique pour chaque
cours (à la couleur de l’interface près). Pour
résumer, l’étudiant entrait sur le collecticiel, choisissait
le cours sur lequel il voulait travailler, cliquait ensuite sur le mois en
cours, lisait la/les consigne(s), cliquait sur l’intitulé du forum
choisi (s’il y avait plus d’une tâche, les forums
étaient nommés "Activité 1", "Activité 2", etc.).
Ajoutons que l’étudiant désireux de revoir une discussion
relative à un point de cours pouvait facilement retrouver celle-ci. Dans
ces conditions, il n’est guère étonnant que les
questionnaires et entretiens réalisés avec ce public n’aient
mentionné aucun problème de désorientation (Mangenot et Miguet, 2001),
ce qui contraste avec le public du corpus D. L’inconvénient de
cette manière de procéder, sans doute, est d’obliger tous
les enseignants à se couler dans un moule relativement rigide. Quickplace a également été utilisé dans la
modalité de l’approche par tâches en groupes restreints
(corpus C, année 2003-2004). Concernant la présentation des
tâches, celle-ci était absolument identique à la description
qui précède. Une fois la tâche prise en connaissance, les
utilisateurs se répartissaient en petits groupes de deux ou trois
étudiants encadrés par deux tuteurs. Pour conclure, on peut dire
que le collecticiel Quickplace offre moins d’outils qu’une
plateforme mais par contre des possibilités de structuration assez
puissantes.
Figure 1 : Entrée dans un cours Canufle (système Quickplace)
Figure 2 • Entrée dans les
tâches du mois de novembre (Quickplace)
Figure 3 • Forum de Quickplace (fils, messages enchâssés et début
des messages)
2.2. Cas de Dokeos
Dokeos (ou Claroline) a été utilisée dans
les trois modalités pédagogiques différentes. Pour la
collaboration en groupes restreints (corpus B), chaque groupe possédait
son forum et son dépôt de documents et n’utilisait
pratiquement que ces espaces ; les consignes concernant la tâche
collaborative une fois téléchargées, les étudiants
n’avaient donc aucun problème pour trouver leur espace de travail.
Pour l’approche par tâches en petits groupes (corpus C), chaque
groupe avait également son forum et n’utilisait que cet outil,
couplé à un site Web où avaient été
placées les ressources et les consignes. On verra dans la partie suivante
comment étudiants et tuteurs de ces deux dispositifs ont structuré
leurs échanges dans le forum unique qu’ils avaient à leur
disposition. Pour l’approche par tâches en grand groupe (corpus D),
la plupart des enseignants ont utilisé l’outil "Parcours", qui
permet de présenter les tâches de manière chronologique avec
les ressources, la consigne et, accessible d’un seul "clic", le forum
dédié à la tâche (voir copie d’écran
à la Figure 4). Mais ils ont ensuite ajouté d’autres forums,
ainsi que d’autres outils ("Travaux", "Annonces", "Documents", etc.), ce
qui a abouti à une désorientation certaine, attestée par
tous les étudiants dans les travaux réflexifs et discussions. Un
des problèmes posés par la communication asynchrone, comme le
souligne (Kear, 2001), vient
de ce qu’il n’est pas nécessaire de terminer un sujet de
discussion pour en commencer un autre. On peut donc être tenté
d’avoir plusieurs forums qui fonctionnent en parallèle (pour un
même cours), mais cela occasionne alors une perte de temps aussi bien pour
les tuteurs que pour les étudiants, obligés d’aller lire les
nouveaux messages dans différents espaces (sans oublier le fait
qu’il y a plusieurs cours). Le problème se pose surtout avec les
grands groupes et il est aggravé quand, comme c’était le cas
avec le corpus D, la fonctionnalité de repérage des forums
contenant de nouveaux messages ne fonctionne pas de manière fiable, ce
qui a été signalé par la majorité des
étudiants et tuteurs. Mais si ce repérage avait bien
fonctionné, ne serait-on pas tombé dans le travers décrit
par Hewitt (cf. supra) ?
Figure 4 • Parcours de Dokeos (le
clic sur "Tâche chapitre 3" ouvre le forum, cf. Figure 5)
2.3. Cas de Moodle
En ce qui concerne Moodle, enfin, son mode d’utilisation dans le
cas du corpus C a consisté à réserver un fil de discussion
de forum à chaque tâche et à demander aux étudiants
de produire en répondant à un message initial (qui, dans Moodle, reste toujours affiché en premier) comportant consignes et
ressources. Cette manière de procéder est facilitée par le
fait que les messages de forum peuvent comporter un fichier attaché, ce
qui permet de fournir des ressources multimédias (voir partie suivante).
Cette utilisation n’a posé aucun problème de
désorientation, avec des groupes allant de 5 à 8 étudiants.
Chaque nouvelle tâche amenait la création d’un nouveau forum,
celui-ci venant s’ajouter sous les forums déjà existants. Un
étudiant donné ne travaillait que sur une seule tâche
à la fois et n’utilisait donc qu’un seul forum. Par ailleurs,
dans notre corpus, Moodle n’a jamais été
utilisé dans le cadre d’une approche par tâches en grand
groupe, mais on peut remarquer que le mode "hebdomadaire" de cette plateforme,
détourné en mode mensuel, permettrait de proposer une ergonomie
proche de celle qui avait été adoptée avec Quickplace ; seule la sous-structuration des forums en fils de
discussion, dont il va être question maintenant, pourrait présenter
un risque de désorientation dans le cas de grands groupes et
d’ouverture non contrôlée de fils.
3. La structuration des forums
Pour (Dimitracopoulou et Bruillard, 2006),
"si on peut recenser un grand nombre de logiciels de forum, ils n’offrent
finalement qu’assez peu de différences entre eux". Nous sommes en
désaccord partiel avec cette assertion. Si tous les systèmes de
forums présentent en effet des caractéristiques
sémio-pragmatiques communes (cf. supra), ils se distinguent
à la fois par la manière dont ils gèrent les fils de
discussion, par la présentation des messages à
l’intérieur des fils, par la possibilité d’attacher ou
non des fichiers. Ces trois dimensions vont être examinées,
après une rapide tentative de comparaison entre la discussion en face
à face et par forum.
3.1. Forum et discussion en face à face
(Dimitracopoulou et Bruillard, 2006) rappellent "les anomalies dans les modalités de conversation induites par
les forums" repérées par un certain nombre d’auteurs
qu’ils citent. Ils signalent notamment "les difficultés
interactionnelles", les "difficultés de convergence" et les
"difficultés de tour de parole". La discussion en face à face
semble rester le modèle recherché... Il est alors
intéressant de tenter de mettre les deux modes en regard du point de vue
des unités conversationnelles, comme dans le tableau ci-dessous
(Tableau 2), les unités de l’interaction en face à face
étant empruntées à (Kerbrat-Orecchioni, 1996).
Face à face |
Communication écrite asynchrone (forum) |
Difficultés potentielles avec les forums |
Interaction (unité de lieu, temps et acteurs) : durée
relativement brève (un cours, par ex.). |
L’ensemble du cours en ligne durant toute la période où
il est ouvert.5 |
L’interaction est beaucoup plus étalée dans le temps. (Marcoccia, 2003) parle de "conversations discontinues". Manquent les indices
posturaux-mimo-gestuels. |
Séquence (unité thématique ou pragmatique) |
Réalisation d’une tâche et/ou discussion (par forum ou
fil de discussion, selon les choix des
usagers).6 |
Plusieurs séquences peuvent se dérouler en parallèle,
ce qui est impossible en face à face. |
Echange (unité dialogale minimale, interdépendance entre
interventions initiatives et réactives) |
Fil de discussion, messages enchâssés, utilisation de
"re :", adresse explicite (cf. supra). |
La structure de l’échange (interrelation entre 2 messages) ne
se distingue pas toujours clairement. |
Tour de parole (niveau formel) |
Message |
Pas de nécessité de demander la parole, longueur
illimitée. En face à face, chacun parle à son tour, assez
brièvement. |
Intervention (unité fonctionnelle définie par rapport à
l’échange, peut être initiative ou réactive) |
Partie de message ou message entier répondant à un message
antérieur ou appelant une réponse. |
Selon les plate-formes, on ne voit pas toujours clairement qu’un
message (ou une partie de message) répond à un autre. |
Acte de parole |
Segment de message ou smiley |
(Rien à signaler) |
Tableau 2 • Comparaison entre les
discussions en face à face ou par forum
3.2. La question des fils de discussion
3.2.1. Description générale
Dokeos, Moodle et Quickplace présentent une
ergonomie très différente en ce qui concerne la gestion des fils
de discussion. On peut avancer que les concepteurs ont voulu mimer les
discussions en face à face pour Dokeos et Moodle, ce
qu’attesteraient notamment la dénomination "Sujet de discussion" et
le fait qu’un étudiant ne puisse pas effacer ou modifier un message
une fois qu’il l’a publié (Moodle laisse un
délai de grâce d’une heure...). Le collecticiel Quickplace, pour sa part, paraît plus proche d’un
système de gestion de base de données : on
n’écrit pas de message, mais on "crée" des documents pouvant
avoir différents formats (Develotte, 2006) ; on peut toujours tout modifier, les messages peuvent être
visionnés selon différentes vues (par auteur, titre ou date de
création), un peu comme dans un explorateur de fichiers.
Dans Dokeos et Moodle, un message initiant un nouveau fil de
discussion se voit doté d’un statut tout à fait particulier
par rapport aux autres messages (voir Figures 5 et 6) :
- Les fils de discussion forment de véritables menus, qui
structurent fortement le forum. C’est le titre donné au message
initial qui apparaît dans ce menu.
Figure 5 • Les fils de discussion en
menu, dans un parcours Dokeos (tâche de la Figure 4)
Figure 6 • Les fils de discussion dans Moodle (ici, une tâche est proposée dans chaque
fil)
- Si l’on clique sur un de ces fils et que l’on souhaite
rédiger un message, on ne peut que répondre à un message
existant, que ce soit le message initial ou bien tout autre message.
- L’ordre des fils de discussion – non
paramétrable - dépend du dernier message posté dans ce fil
et n’est donc pas stable (comme le serait un ordre par chronologie
d’ouverture des fils).
- Dans Moodle, on remarque que la photo et le nom de
l’initiateur du fil occupent un tiers de la largeur de
l’écran et attirent ainsi l’attention sur
l’identité de cet initiateur ; dans Dokeos, où
il n’y a pas de photo, c’est le titre qui attire le plus
l’attention.
Les utilisateurs se trouvent donc constamment face à un dilemme,
dès qu’ils souhaitent publier un message qui ne soit pas une
réaction directe à un message existant : doivent-ils
créer un nouveau fil, au risque de multiplier ceux-ci, ou bien
doivent-ils insérer leur message dans un fil existant, dont la
thématique semble correspondre au contenu qu’ils souhaitent
exprimer ? Quickplace ne possède pas ce système de
fils formant des menus, mais permet des messages initiatifs à tout
moment. Sa fonction d’incipit, qui affiche les deux premières
lignes (250 caractères environ) de chaque
message7 (voir Figure 3), joue un
rôle structurant ("voici de quoi le message parle...").
3.2.2. Quelques conséquences sur les usages en grand groupe
Ces caractéristiques aboutissent à deux contradictions, par
rapport à ce qui se passe lors d’une discussion en face à
face. D’une part, la possibilité de produire un acte de parole
initiatif (i.e. qui ne soit pas une réponse à un acte
antérieur, tout en restant dans le thème, ce qui est tout à
fait courant en face à face) conduit à une contradiction entre
l’action technique et l’action langagière :
techniquement, on est obligé de déclarer que l’on
répond à un message existant, le message initial du fil ou un
autre, alors que pragmatiquement, on initie un nouveau sujet ; si
l’on crée un nouveau fil pour chaque acte initiatif, le nombre de
fils devient alors beaucoup trop élevé. D’autre part, les
titres des fils de discussion sont rangés par ordre chronologique inverse
de dernier message reçu : si l’on estime que ces fils ont
été créés pour structurer le forum, en étant
attentif à ce que leur titre précise bien leur contenu, il
n’est pas logique que ces titres se réordonnent sans arrêt au
gré des messages ajoutés. Ceci dit, une présentation selon
un ordre antéchronologique de création (et non de dernier message
posté) présenterait aussi un inconvénient : les
étudiants auraient alors tendance à créer plus facilement
de nouveaux fils afin de bien mettre leur message en évidence (Mangenot et Miguet, 2001).
D’après les interactions observées, ces contradictions
sont surtout gênantes dans le cas des discussions en grand groupe ;
on constate ainsi souvent la création intempestive d’un fil ou le
placement d’un message dans un fil plus actif (donc situé plus haut
dans la liste) plutôt que dans le fil qui conviendrait au plan
thématique ; certains étudiants vont jusqu’à
répéter le même message à plusieurs endroits, pour
être sûrs d’être lus. La partie suivante montrera
quelques usages dans des groupes restreints.
Il existe par contre un type de tâche pour lequel le mode
d’organisation des fils de Dokeos et de Moodle ne semble
poser aucun problème : les tâches de type "exposé"
suivi de réactions. Il est en effet logique, d’un point de vue
thématique comme d’un point de vue interactionnel, que chaque
étudiant venant proposer son exposé ouvre pour cela un nouveau
fil ; et que les autres étudiants et le tuteur apportent un
feed-back dans le même fil. "Exposé" est ici entendu dans un sens
assez large : la première tâche d’un cours sur les
apprentissages collectifs assistés par ordinateur (corpus D) demandait
par exemple à chacun de faire un bilan de ses compétences
technologiques. Les bilans rédigés avaient une longueur
d’une page environ et ils ont souvent fait l’objet de commentaires
de la part des pairs ; une autre tâche de type "exposé" est
présentée à la Figure 4.
3.2.3. Gestion des fils de discussion dans les groupes collaboratifs
Ayant la chance de posséder dans notre corpus deux groupes
d’étudiants ayant collaboré par forum et entièrement
à distance dans des conditions assez comparables quant au laps de temps
(trois mois et demi), au nombre de membres dans les groupes (4 étudiants
+ 1 tuteur), à la production attendue (un scénario
pédagogique exploitant les TICE), au poids du travail collaboratif dans
l’évaluation du semestre d’études (15 % environ)
et au système utilisé (Claroline et Dokeos, dont les
forums sont identiques), nous avons effectué quelques relevés
quantitatifs concernant le nombre de fils de discussion ouverts par chaque
groupe, rapporté au nombre total de messages ; ces relevés
présentant quelques caractéristiques intéressantes
(cf. Tableaux 3 et 4), nous en proposons une brève
présentation et une première analyse, forcément
limitées et exploratoires. Précisons que dans les deux cas, les
étudiants étaient encouragés à utiliser
d’autres outils que le forum, notamment le clavardage et le
dépôt de documents, ce qu’ils ont fait dans des proportions
variables en ce qui concerne les outils synchrones ; mais le forum
était l’espace principal de collaboration, et même le seul
à faire l’objet d’interventions tutorales dans le cas du
corpus D.
3.2.3.1. Présentation des relevés
Les groupes concernés sont au nombre de 14 pour ce qui est du corpus B
(Learn-Nett, désormais LN), au nombre de 7 pour ce qui est du corpus D
(master FLE, désormais MF). Tous les groupes LN avaient un tuteur
différent ; les groupes MF avaient trois tuteurs, T1 qui encadrait
G15 et G20 (et qui avait encadré G2 de LN), T2 qui encadrait G16, G17 et
G19, et T3 qui encadrait G18 et G19 (et qui avait encadré G13 de LN). Une
première différence entre LN et MF saute aux yeux : la
proportion des fils ouverts par les tuteurs (ligne "fils tuteur") est
très inférieure dans MF (8 % vs. 44 %, en
moyenne), ce que l’on peut interpréter par une autonomie plus
grande des étudiants MF, plus âgés et à un niveau
d’étude plus avancé (bac + 5 au lieu de
bac + 3), ainsi peut-être qu’à une meilleure
expérience du tutorat chez les tuteurs ; on constate notamment que
les deux tuteurs ayant encadré à la fois LN et MF ont
considérablement diminué le nombre de fils qu’ils ont
ouverts (voir G2 vs. G15 et G20, G13 vs. G18 et
G19)8. Un seul tuteur (G9), qui est
aussi celui qui ouvre la plus grande proportion de fils (72 %), impose un
système d’ouverture et de nomination des fils ; dans les
autres cas, les étudiants ont une relative liberté d’ouvrir
des fils quand ils le jugent souhaitable.
|
G1 |
G2 |
G3 |
G4 |
G5 |
G6 |
G7 |
G8 |
G9 |
G10 |
Mess. |
295 |
481 |
347 |
204 |
128 |
383 |
301 |
341 |
271 |
182 |
Fils |
32 |
28 |
50 |
13 |
20 |
43 |
32 |
59 |
25 |
25 |
Fils tuteur |
19
59 % |
14
50% |
6
12 % |
6
46 % |
8
40 % |
15
35 % |
17
53 % |
16
27 % |
18
72 % |
5
20 % |
mess. / fils |
9,2 |
17,2 |
6,9 |
15,7 |
6,4 |
8,9 |
9,4 |
5,8 |
10,8 |
7,3 |
|
G12 |
G13 |
G14 |
Moyenne |
Mess. |
228 |
517 |
144 |
278 |
Fils |
27 |
63 |
18 |
34 |
Fils tuteur |
4
15 % |
37
59 % |
10
56 % |
44 % |
mess. / fils |
8,4 |
8,2 |
8 |
9 |
Tableau 3 • Messages par fils dans 14
groupes du corpus B (Learn-Nett, Claroline)
|
G15 |
G16 |
G17 |
G18 |
G19 |
G20 |
G21 |
Moy. |
Mess. |
229 |
95 |
329 |
180 |
164 |
133 |
463 |
227,6 |
Fils |
41 |
21 |
35 |
21 |
34 |
17 |
24 |
27,5 |
Fils tuteur |
4
10 % |
0
0 % |
3
9 % |
2
10 % |
2
6 % |
3
18 % |
1
4 % |
8 % |
mess. / fils |
5,6 |
4,5 |
9,4 |
8,6 |
4,8 |
7,8 |
19,3 |
8,6 |
Tableau 4 • Messages par fils dans 7
groupes du corpus D (Master FLE, Dokeos)
3.2.3.2. Analyse
Le nombre de messages est d’une grande variabilité selon les
groupes, mais les valeurs extrêmes sont très proches d’un
corpus à l’autre : 128 / 517 pour LN,
95 / 463 pour MF ; cet écart allant de 1 à plus de
4 peut difficilement être interprété car on ne connaît
pas les autres moyens de communication utilisés dans les
différents groupes : un groupe ayant moins communiqué par
forum a peut-être organisé de nombreux clavardages. On constate que
le nombre de fils ouverts par un groupe n’est qu’en partie
dépendant du nombre de messages échangés : les groupes
qui ont ouvert le plus grand nombre de fils (G3, G6, G8, G11, G13, G15 en ont
plus de 40) ne sont pas toujours ceux qui ont rédigé le plus grand
nombre de messages, à l’exception de G13. Le calcul qui semble le
plus intéressant et significatif est le nombre moyen de messages par
fil (ligne "mess./fils"), qui varie de 3,5 à 17,2 pour LN, de 4,5
à 19,3 pour MF : encore une fois, on est frappé par la
proximité de ces fourchettes d’un corpus à l’autre,
puis par la proximité du nombre moyen de messages par fil (9 et 8,6). On
observe ensuite dans les deux cas que la valeur la plus élevée
(ceux qui ont le plus grand nombre de messages par fil) est atteinte par des
groupes qui ont échangé un très grand nombre de messages
(G2 de LN et G21 de MF, avec respectivement 17,2 et 19,3
messages / fil, 481 et 463 messages). On peut enfin rapprocher le
nombre observé ci-dessus avec la moyenne de cinq messages par fil que (Marcoccia, 2004) a trouvé dans des forums grand public, où cet auteur observe de
nombreuses "conversations tronquées". Il n’est pas illogique que
des échanges pédagogiques, encadrés par des tuteurs,
témoignent d’une plus grande complétude
conversationnelle.
3.2.3.3. Pistes d’interprétation
On peut se demander si l’on n’observe pas, dans le cas des
groupes G2 et G21, une forme particulière d’usage des forums et de
leur division en fils. Mais il est difficile de dire si le fait
d’échanger de manière intensive par forum conduit à
gérer les fils de telle sorte à ne pas perdre l’ensemble de
vue, ou si au contraire une bonne organisation en fils dès le
départ conduit ces groupes à mieux apprécier
l’échange par forum et donc à y recourir de manière
plus massive. Dans la perspective de l’interactivité (cf.
supra), on peut également faire l’hypothèse que le grand
nombre de messages par fil correspond à des négociations plus
approfondies. Des analyses plus fines des forums de ces deux groupes, notamment
le développement des fils selon l’axe du temps et la manière
dont les messages se répondent, permettraient sans doute de
répondre à ces questions. L’observation
participante9 permet en tout cas de
dire qu’il s’agit dans les deux cas de groupes qui ont eu une
excellente collaboration, en termes de négociation,
d’interactivité, de répartition des tâches,
d’assiduité dans la participation, de résultat obtenu. On
peut alors faire l’hypothèse (qui ne reste qu’une
supputation, à ce stade) qu’il pourrait exister une
corrélation entre une bonne collaboration et une gestion des fils de
discussion consistant d’une part à ne pas multiplier ceux-ci et
d’autre part à avoir le maximum d’interactivité entre
membres du groupe à l’intérieur des fils même. A
l’inverse, le fait de multiplier les fils pourrait être le signe
d’une incapacité à approfondir les négociations,
incapacité se traduisant par une sorte de fuite en avant : il est
plus facile de faire de nouvelles propositions que de discuter les propositions
d’autres membres du groupe en vue d’un consensus.
L’observation participante du groupe 16 de MF (qui a ouvert 41 fils) irait
dans ce sens et rappellerait le cas bien connu en face à face des
élèves prenant la parole pour initier un nouveau sujet
plutôt que pour réellement entamer une négociation par
rapport aux interventions précédentes.
Il n’est pas possible d’aller ici plus loin dans
l’interprétation. Si l’hypothèse ci-dessus
était confirmée, on tiendrait alors un indicateur permettant, de
manière automatique, de fournir aux tuteurs une image d’une des
dimensions de la collaboration dans les groupes utilisant le forum comme moyen
principal d’échange. Une autre piste d’analyse consisterait
à examiner la collaboration de groupes utilisant un système de
forum différent, comme celui de Moodle, par exemple : est-ce
que le fait d’avoir une meilleure représentation des
échanges à l’intérieur des fils, grâce au
procédé de l’enchâssement (cf. supra), conduit
à une manière différente de gérer ces fils, comme
cela a été observé dans le cas de groupes restreints non
collaboratifs ?
3.3. L’organisation des messages à l’intérieur
d’un fil
(Dimitracopoulou et Bruillard, 2006) rappellent le débat – jamais tranché – entre la forme
linéaire et en arbre ; ils reprennent à leur compte
l’idée que la forme linéaire serait plus proche de la
conversation. Pour faire leur cette assertion, ils se fondent sans doute plus
sur la dimension chronologique (un tour de parole après l’autre)
que sur la dimension interactionnelle (interventions initiatives ou
réactives) des échanges en face à face. Certains
systèmes permettent d’ailleurs de choisir entre les deux formes,
comme on va le voir.
Quand un utilisateur "entre" dans un fil (ou, pour Quickplace, dans un
forum) :
- Dokeos propose deux vues, l’une "à plat" (par
ordre chronologique de publication des messages), l’autre "en
arborescence", la première étant la vue par défaut. La vue
arborescente, si elle retrace la structure de l’interaction (quels
messages sont réactifs par rapport à quels autres), ne montre que
les titres des messages, pas leur contenu, sauf pour le message qui initie le
fil (voir Figure 7).
- Moodle propose quatre vues : a) imbriquée (par
défaut) : les messages, dont le texte est visible, sont
enchâssés en fonction du message auquel ils répondent
(plusieurs niveaux d’enchâssement) ; les messages de premier
niveau (ceux qui répondent au message d’ouverture du fil) sont
présentés par ordre chronologique (voir Figure 8) ; b)
à plat avec le message le plus récent en premier, c) à plat
avec le message le plus ancien en premier (correspond à la
première vue de Dokeos) ; d) arborescente (correspond
à la seconde vue de Dokeos, le texte des messages n’est pas
visible, sauf le message d’ouverture du fil).
- Dans Quickplace, les messages sont traités comme
dans un explorateur de fichiers : on peut choisir leur mode
d’affichage (par titre, auteur ou date de dernière
modification) ; la vue par défaut est la présentation
antéchronologique (voir Figure 3). L’enchâssement des
messages reste toujours visible, quelle que soit la vue.
Figure 7 • Vue arborescente de Dokeos
Figure 8 • Vue des messages
enchâssés de Moodle
Dans toutes les vues de Dokeos et Moodle, le message qui initie
le fil est présenté en premier, texte visible ; cette
caractéristique est intéressante dans une perspective de
réalisation d’une tâche par fil, le premier message pouvant
alors être la consigne, qui reste ainsi toujours bien en évidence,
comme c’était le cas dans l’utilisation de Quickplace décrite au § 2.1. Dans le corpus C, ce mode de structuration des
échanges a été systématiquement utilisé avec Moodle, alors que cette plateforme aurait permis de placer les
tâches ailleurs que dans les forums : l’apprenant, après
être entré dans le fil de discussion et avoir lu la consigne de la
tâche, devait simplement cliquer sur
« Répondre » pour proposer sa production.
Concernant les usages, il est difficile de comparer Quickplace avec
les deux autres systèmes. (Celik et Mangenot, 2004),
dans le cas des tâches en grand groupe (corpus A), ont constaté la
fréquence des messages initiatifs rédigés par les
étudiants auxquels répond un seul message réactif de la
part de l’enseignant-tuteur ; parfois, l’étudiant
réagit au feed-back tutoral ; très rarement un autre
étudiant s’immisce dans ce type d’échange. Si
l’on considère qu’un message initiatif et les messages qui
lui répondent (ou qui répondent aux réponses) forment un
fil de discussion (mis en évidence par le système, voir Figure 3),
cette structure d’échange induit la création d’un
grand nombre de fils (au moins un par étudiant réalisant la
tâche) ; mais cette multiplication des fils est moins gênante
que dans Dokeos ou Moodle, étant donnée
l’ergonomie de Quickplace qui n’oblige pas
l’utilisateur à passer par une étape de "menu de fils" mais
permet au contraire de visualiser dès l’entrée dans le forum
l’ensemble des fils et des réponses, présentés de
manière enchâssée. Par ailleurs, (Mangenot, 2003) a montré que certaines tâches pouvaient induire des fils de
discussion initiés par les étudiants et présentant alors
des structures plus variées. Si l’on considère en outre la
"fonction d’incipit" de Quickplace, on peut estimer que dès
l’entrée dans un forum, l’utilisateur obtient un bon
aperçu des échanges ; la seule limite étant
liée au fait que seuls 20 messages s’affichent par
page-écran, les autres étant consultables par un bouton
"suivant".
Pour ce qui est de Dokeos et Moodle, on observe, si l’on
compare deux années du même corpus (corpus C), avec des
tâches relativement similaires en français langue
étrangère, une différence frappante quant au nombre moyen
de messages par fil : avec Dokeos, la moyenne est de 4,15 messages /
fil, avec Moodle de 10,65 messages /
fil10. Nous ferons ici
l’hypothèse, demandant à être vérifiée
par des analyses plus fines, que cette différence est liée
à la meilleure structuration des fils dans Moodle : la
structure de l’interaction étant plus évidente sur Moodle, les étudiants et tuteurs seraient moins tentés
d’ouvrir de nouveaux fils. Rappelons également une autre
observation de (Mangenot et Zourou, 2007),
portant sur des échanges à travers Moodle :
"On observe une très nette tendance dans tous les groupes, au fil du
semestre, à créer de moins en moins de fils de discussion, les
derniers forums-tâche n’en comportant plus qu’un seul dans
trois cas sur cinq ; cela a pour effet de concentrer les échanges
sur un espace commun et unique [...]. Nous risquerons ici une hypothèse
quant à ce phénomène : le désir de maintenir le
lien social aurait conduit les étudiants [...] à ne pas
éparpiller les espaces d’échanges sur la plateforme, cet
éparpillement présentant d’une part le risque qu’un
message passe inaperçu ou soit moins lu et conduisant d’autre part
à un sentiment de groupe moins fort" (p. 82).
Pour conclure sur cette question de l’organisation des messages
à l’intérieur d’un fil, l’on pourrait avancer
qu’un système proposant des vues variées est
préférable à un système ne proposant qu’une ou
deux vues des interactions ; mais encore faudrait-il être sûr
que les utilisateurs ne se cantonnent pas la plupart du temps à la vue
par défaut... Les analyses ici menées nous conduisent à
juger préférable que la présentation par défaut des
messages retrace la structure de l’interaction (messages initiatifs et
réactifs), quitte à ce que soient disponibles d’autres vues
optionnelles : en lecture, ce mode permet en effet de repérer au
premier coup d’œil qui répond à qui, ce qui ne peut que
faciliter la cohésion de la discussion (on a vu qu’une
conséquence semblait être le moindre nombre de fils de discussion
ouverts) ; en écriture, il évite de préciser
verbalement à qui l’on s’adresse, ce qui procure un gain de
temps. Dans ce cadre, et pour les systèmes structurés en fils de
discussion "par menus", on ne voit pas pourquoi il ne serait pas possible de
produire un message initiatif qui viendrait se ranger dans un fil
déjà ouvert.
3.4. Les fichiers attachés
Pouvoir attacher un fichier (texte, image, son, voire vidéo) à
un message de forum est une fonctionnalité permettant de dépasser
la seule communication écrite ou bien parfois de manipuler des
écrits ayant deux statuts différents, l’un plus
communicatif, l’autre plus scolaire. Les usagers ont par ailleurs pour la
plupart une grande habitude de cette fonctionnalité grâce au
courriel. Quickplace permet d’attacher un nombre illimité de
fichiers à chaque message, ce qui est bien dans sa logique de
collecticiel, d’autant plus que ce système ne dispose pas
d’un autre outil pour partager des documents. Moodle permet
d’attacher un seul fichier à chaque message de forum, ce qui a pu
conduire parfois, dans notre corpus, à une multiplication artificielle
des messages pour pouvoir fournir plusieurs fichiers son. Dokeos ne
permet pas d’attacher de fichiers aux messages de forums et l’outil
dépôt de documents n’est disponible qu’au sein
d’un groupe. Même dans ce dernier cas, des aller-et-retours peu
ergonomiques sont nécessaires pour passer de la consultation d’un
document à son commentaire dans le forum. Il s’agit là
d’un véritable handicap de cette plateforme (dans sa version
1.6).
(Mangenot et Zourou, 2007) ont montré, dans le cas d’un apprentissage du français en
ligne, le subtil jeu entre fichiers attachés et texte des messages pour
jouer sur le socio-affectif ou le cognitif : les tuteurs fournissent pour
la plupart des corrections approfondies par fichier attaché (parfois
sonores), tandis que les messages sont porteurs d’actes de langage plus
socio-affectifs. De même les étudiants rendent-ils souvent leur
tâche sous la forme d’un ficher attaché, leurs messages
étant conviviaux et faisant un grand usage des smileys.
Concernant les images, Dokeos, Moodle et Quickplace en
autorisent l’insertion dans les messages mêmes ; une image sous
forme de fichier attaché, cependant, présente l’avantage de
pouvoir être manipulée plus facilement. Signalons l’usage
très courant, par les tuteurs du corpus C (avec Moodle),
consistant à attacher un fichier Word combinant texte et images, voire
son.
Pour le son, il existe maintenant sur le marché des systèmes de
forums vocaux, et il est probable que les plateformes Open Source comme Dokeos et Moodle en seront bientôt pourvues ; mais
notre corpus montre qu’un forum classique permettant de joindre
aisément un fichier son aux messages présente
l’intérêt d’une certaine multimodalité,
particulièrement utile dans l’apprentissage des langues. Un
logiciel Open Source comme Audacity permet ensuite au tuteur
d’insérer des corrections à l’intérieur
même des enregistrements, pratique courante dans le corpus C (Mangenot et Zourou, 2007).
4. Conclusion
En conclusion, il nous semble possible, à
partir des utilisations observées dans nos corpus, de proposer un tableau
synthétique mettant en regard certaines intentions
pédagogico-pragmatiques que l’on peut avoir lorsque l’on
décide d’utiliser un forum en soutien à une tâche ou
à la collaboration avec l’exploitation de certaines fonctionnalités sémiotechniques offertes par les
plateformes (tableau 5).
On remarque à la lecture du tableau que le paramétrage
idéal de certaines de ces fonctionnalités (pour les plateformes
permettant ce paramétrage, comme Moodle et Quickplace)
dépend de l’intention de l’usager (enseignant ou
apprenant) : pour une recherche a posteriori, par exemple, un ordre
chronologique des fils et des messages est préférable, alors que
pour le repérage des messages récents, c’est l’inverse
qui est vrai ; ce qui plaiderait en faveur de forums pouvant être
paramétrés par l’usager en fonction de son intention. Il
semble par contre difficile de se prononcer sur la question des fils de
discussion organisés en menus ou non (Moodle et Dokeos vs. Quickplace) ; les deux modes présentent un
intérêt (meilleure structuration dans le premier cas, meilleur
rendu de la structure de l’interaction dans le second) et le choix devrait
revenir au concepteur de la formation, voire au tuteur - ou à
l’étudiant -, dans le cas de la collaboration.
Intention pédagogique et/ou pragmatique |
Fonctionnalités sémiotechniques des plateformes (PF) |
Mettre l’outil de communication à proximité
immédiate de la consigne de la tâche, pour éviter
l’errance dans la PF. |
Organisation de la PF : solution adoptée différente pour
chaque PF, par exemple la fonction "parcours" dans Dokeos, la consigne de la
tâche qui s’affiche dès que l’on entre dans un forum
dans Quickplace et Moodle. |
Repérer rapidement ce qui est nouveau (gain de temps pour le tuteur),
se faire repérer pour être lus (pour les apprenants). |
Outils de repérage des nouveaux messages (différents et plus
ou moins fiables selon les PF). Présentation des fils et des messages par
ordre antéchronologique. |
Organiser la discussion de manière à préserver une
cohérence thématique. |
Création de forums distincts attribués à une
tâche ou un projet. Possibilité de fournir quelques lignes de
description de ces forums (Dokeos, Moodle). Gestion des fils de discussion
(titrage, notamment). |
Permettre un retour aisé vers les échanges passés (par
exemple dans le cas fréquent d’un étudiant arrivant en
retard dans la formation ou ayant été "absent » durant
un certain temps).
Rechercher un message ou une discussion autour d'un thème
précis. |
Organisation claire des forums et des fils, description des forums.
Présentation des fils et des messages par ordre chronologique. Outils de
recherche internes à la PF. |
Viser une plus grande cohésion du groupe, une plus grande
interactivité entre les messages. |
Organisation des messages rendant visible la structure de
l’interaction. Possibilité de donner des titres significatifs aux
fils et aux messages (le titrage par défaut des messages réactifs,
"Re : + titre du message initiatif", n’encourage pas cette
possibilité). |
Susciter une bonne dynamique de groupe, une bonne négociation des
contenus. |
Gestion des fils de discussion. Organisation des messages rendant visible la
structure de l’interaction. Possibilité de donner des titres
significatifs aux fils et aux messages. |
Gérer les problèmes de
faces11, favoriser la dimension socio-affective
de la communication pédagogique. |
Fichiers attachés, possibilité d’utiliser des smileys.
Titrage des messages. Photo accompagnant le message. |
Corriger les productions en permettant à la fois à tous les
apprenants de voir (ou entendre) toutes les corrections mais sans que ces
dernières n’apparaissent trop directement.
N.B. : bien sûr, une correction trop négative ne doit pas
être postée dans un forum, même en fichier
attaché. |
Fichiers attachés. |
Permettre la production orale sans pour autant utiliser le mode
synchrone. |
Fichiers son attachés. |
Tableau 5 : Intentions
pédagogico-pragmatiques et fonctionnalités
1 On privilégiera ici la
dénomination "fil de discussion" (thread, en anglais), plus
neutre, à celle de "Sujet de discussion" (topic), utilisée
dans la plupart des plateformes.
2 L’adjectif a
été proposé par (Peraya, 1999) qui l’applique aux dispositifs de formation à distance
fondés sur Internet.
3 Présentation sur http://www.knowledgeforum.com. Ce
système commercialisé est issu des travaux du département
de psychologie cognitive de l'université de Toronto; il constitue une
évolution du projet CSILE (Computer-Supported Intentional Learning
Environments).
4 Le Journal du Net, dans sa fiche
ICQ (http://guide.journaldunet.com/fiche/522/),
indique que ce logiciel de messagerie est le seul qui permette de lire les
messages en cours de frappe.
5 On pourrait également
considérer que l’unité constituée par une tâche
et sa réalisation correspond à l’interaction. Mais si le
cours est constitué de plusieurs tâches liées par une
progression – voire un scénario – réalisées par
les mêmes acteurs, il est alors sans doute plus exact
d’établir un parallèle entre cours et interaction.
6 On notera que dans son analyse de
forums politiques, avec les mêmes outils de l’analyse
conversationnelle, (Marcoccia, 2003) considère que le fil de discussion correspond peu ou prou à
l’unité "séquence".
7 Cette fonctionnalité est
optionnelle : c’est le créateur du forum qui doit
décider de l’activer ou non.
8 Il nous paraît
évident qu’une plus grande proportion d’ouverture de fils par
les tuteurs témoigne d’une plus grande directivité.
L’expérience du tutorat peut conduire à moins vouloir
contrôler les échanges, à une moindre
directivité.
9 L’auteur de ces lignes
était le tuteur du G2 de LN et de G15 et G20 de MF et a participé
aux évaluations collectives du travail de LN et de MF.
10 Cette statistique porte sur 24
étudiants encadrés par 4 tutrices pour Dokeos, avec 3
à 4 tâches (selon les groupes) ayant généré au
total 287 messages, et sur 60 étudiants encadrés par 9 tutrices,
avec 4 à 6 tâches ayant généré 1288 messages
sur Moodle. Dans les deux cas, la majorité des fils est
initiée par les tuteurs.
11 Se référant
à Goffman, (Marcoccia, 1998) relève les problèmes de "faces" que peut engendrer le
caractère public de la communication par forum : "un
énoncé menaçant pour la face d’un des interactants
est lisible par tous et potentiellement mis en mémoire" (p. 17). Pour une
présentation synthétique de la notion de "face", voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Face_(Erving_Goffman).
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A
propos de l’auteur
François MANGENOT est professeur des
universités en sciences du langage, spécialiste de
l’apprentissage des langues et des apprentissages collectifs
assistés par ordinateur, auteur de nombreuses publications dans ces
domaines. Il est responsable de l’axe "Didactique des langues et TIC" du
laboratoire Lidilem.
Adresse : Université Stendhal, UFR
Sciences du langage, BP 25, 38040 Grenoble Cedex
Courriel : francois.mangenot@u-grenoble3.fr
Toile : http://w3.u-grenoble3.fr/lidilem/labo/
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