Résultats et analyse d’une enquête sur la
revue STICEF
Éric Dané*, Éric
Bruillard**
*EDA,
Paris Descartes **STEF, ENS Cachan et
INRP
Quatre ans après le lancement de la revue STICEF, il nous a
semblé utile de faire un point sur sa consultation et d’interroger
les lecteurs sur la revue elle-même et son devenir. En effet, dans un
contexte où l’anglais s’affirme comme la langue d’échange des
travaux scientifiques, la place et le rôle d’une revue francophone
sont à interroger et la présente étude se veut un
élément du débat à mener sur l’avenir de la
revue STICEF.
Dans ce texte nous présentons d'abord quelques données
statistiques d'accès au site web de la
revue et les mettons en perspective avec les objectifs de STICEF. Ensuite,
nous présentons les réponses à un questionnaire en ligne
que nous avons soumis en juin 2007 auprès du public de la revue. Enfin,
l'ensemble de ces résultats fait l'objet d'une discussion par le
comité de rédaction de STICEF.
1. Statistiques de consultation du site web
Les statistiques présentées
ci-après sont fournies par l'application Webalizer à partir du
fichier de log du serveur (dont chaque ligne contient la date de la
requête, l'URL requise et l'adresse IP de l'expéditeur). Les
définitions (en anglais) des termes employés sont disponibles sur Webalizer Quick
Help. Pour de plus amples
explications sur la production des statistiques de consultation, on peut se
reporter à Simpletons Guide to Web
Server Analysis. Elles sont déclinées en plusieurs
statistiques :
- hits :
nombre total de requêtes reçues par le serveur durant une
période donnée
- files :
nombre de hits qui ont donné
lieu à l'envoi d'un fichier
- sites :
nombre d'adresse IP uniques d'origine des requêtes
- visits :
nombre d'ensembles de requêtes issues d'un même site dans un
intervalle de temps maximum
- pages :
nombre de requête d'URL de pages
(et non d'images, etc.)
- Kbytes :
quantité de données transférées
La figure 1 illustre l'évolution de ces différentes valeurs
(calculées par mensuellement) pendant la période allant
d’octobre 2006 à septembre 2007.
Figure 1. Évolution des accès au site
d’octobre 2006 à septembre 2007
Ces valeurs, que l'on retrouve logiquement ordonnées
(hits > files > pages et visits > sites), fluctuent au
cours de la période de manière synchrone : baisse en
décembre 2006, hausse en mars 2007 (nombre de hits maximum : 75904
dans le mois), baisse en juillet-août et reprise en septembre
(phénomène probablement dû aux grandes vacances...).
On remarque une hausse symptomatique du nombre de visites en juin (qui
atteint la valeur maximale de 10346 sur la période), mois durant lequel
le questionnaire présenté ci-après a été mis
en ligne ; cependant, durant ce mois, seules 163 requêtes sont
adressées à l'URL du questionnaire </phpsurveyor/>
À partir des classement mensuels des URL les plus demandées, on
peut remarquer, pour l'année 2007, que les URL les plus populaires sont
la page d’accueil (/) et les fichiers au format pdf d’articles parus
avant 2006.
Tableau 1. Pages les plus consultées en mai
2007
Ainsi par exemple, en mai 2007, on constate que c’est la version pdf de
l'article (Paquette et al., 2003) qui est la plus souvent téléchargée. Cette URL arrivant
d’ailleurs en premier résultat lors d'une requête via Google Scholar (requête="sticef
paquette"). Comparé avec celui d'avril 2007, on constate que ce
classement bénéficie d'une certaine stabilité.
Ces classements illustrent plusieurs caractéristiques
déclarées de STICEF. D’abord son caractère
francophone, puisque l’on y trouve des contributions issues du
Québec, de France et de Suisse. Ensuite, son aspect pluridisciplinaire,
puisqu’il y a des papiers ayant des dominantes différentes :
informatique, psychologie, didactique, sciences de l’information et de la
communication, sciences du langage. Enfin, on peut souligner l’importance
des rubriques (Boullier, Delepine, Halin) : le fait qu’elles soient
fréquemment consultées montre qu’elles jouent un rôle
non négligeable et intéressent le lectorat de la revue.
1.1. Origines des consultations
La figure 2 fournit la répartition par domaine d'origine des
requêtes d’accès à la revue. Ces domaines sont le
résultats d'identification des adresses IP d'origine des requêtes
reçues (Reverse DNS lookup - un processus qui n'aboutit pas toujours,
comme le montre la part importante d'adresses non résolues).
Au cours de l'année 2007, la répartition des domaines d'origine
n'évolue pas significativement. Au mois de septembre, on peut observer
que les domaines .net, .fr et .com sont nettement majoritaires, devant une
moindre présence du Canada, de la Belgique, du Maroc, de la Suisse et du
Portugal.
Figure 2. Répartition des accès par domaine
en septembre 2007
Si on met en perspective les différentes statistiques de consultation
que l’on vient de présenter avec les abonnements à la revue
STE dont est issue STICEF, on ne peut que constater une très nette
amélioration de la mise à disposition des articles. La revue Sciences et techniques
éducatives (STE) bénéficiait d’une centaine
d’abonnés qui étaient pour la plupart des
bibliothèques, ce qui ne permettait pas de nous renseigner directement
sur le nombre de lecteurs. Le passage en ligne avec STICEF a
considérablement augmenté le lectorat potentiel (le nombre de
personnes qui se sont identifiées sur le site est de l’ordre de
600, alors que cette inscription n’est pas obligatoire pour accéder
aux articles).
Mais si la masse de lecteurs s’est certainement étendue, les
statistiques disponibles n'indiquent en rien ce qu’ils pensent de la
revue, aussi avons-nous décidé de mener une enquête
auprès d'eux.
2. Enquête auprès des lecteurs de la revue STICEF
L’enquête lancée auprès des
lecteurs avait pour objectif de recueillir des avis et des réflexions sur
le rôle de la revue et d'éclairer sa politique éditoriale.
Son approche étant moins de recueillir des données quantitatives
que d'aider à déceler des tendances sur quelques questions
clés, nous avons privilégié les questions ouvertes,
laissant parfois un sens volontairement vague aux interrogations (voir
questionnaire en annexe).
2.1. Modalités de passation
Le questionnaire a été mis en ligne (à l’aide de
l’application Phpsurveyor, logiciel libre en PHP/MySQL, à
présent nommée Limesurvey,
installé sur le site web de Sticef) ; son adresse a
été envoyée aux abonnés de deux listes de diffusion
<infos@sticef.org> (628
abonnés) et <atief@imag.fr> (158
abonnés), c’est-à-dire respectivement les personnes qui sont
inscrites sur le site de STICEF et les membres de l’ATIEF.
Deux appels à répondre au questionnaire ont été
envoyés (le 7 juin 2007, puis une relance le 21 juin) et un appel
auprès des membres du(des) comité(s) de lecture et scientifique a
été envoyé par le rédacteur en chef.
À la date du 30 septembre 2007, le nombre de réponses
recueillies atteignait 46 ce qui est faible (<10%) par rapport aux nombre de
destinataires des appels à répondre. On peut observer ci-dessus un
diagramme montrant les dates de recueil des réponses ; on y observe
l'effet dynamique des appels et relances envoyés.
2.2. Profils des répondants
Les répondants sont tous impliqués dans l'enseignement
supérieur et/ou la recherche (on peut penser que les praticiens lecteurs
ne se sont pas sentis concernés par le questionnaire proposé). Ils
sont principalement maîtres de conférences (16 répondants)
ou professeurs des universités (15) et, dans une moindre mesure,
doctorants (4), ingénieurs de recherche (2) ou ATER (1). Ils
déclarent exercer dans des champs disciplinaires relativement
variés mais, pour une majorité en informatique (26) et en sciences
de l'éducation (11). Leurs institutions de rattachement sont
majoritairement des universités et parfois des écoles
d'ingénieur, des IUT ou des IUFM, situées pour la plupart en
France (38), aussi en Belgique (3), en Suisse (1), au Canada (2) et en
Algérie (1).
2.3. Points de vue sur la revue STICEF
L’apport principal de la revue pour les répondants, outre sa
fonction de diffusion de la recherche, est son côté
pluridisciplinaire (14 répondants) :
« Avec la conférence EIAH, la revue STICEF est la
manifestation la plus visible d'une communauté (un groupe) de chercheurs
francophones dans le domaine des TIC pour l'apprentissage.
Une possibilité de publier en français et d'avoir des retours
fiables de la communauté (les rapports des reviewers sont de
qualité) »
Quant à ses défauts ou à ses manques, c’est
« l'ouverture » qui est la plus fréquemment
citée à propos de son orientation disciplinaire
(« [la revue est] parfois trop
orientée vers l’informatique pour intéresser des personnes
en sciences humaines et sociales ») ainsi que la trop faible
place laissés aux
« réalisations
pratiques », ainsi qu’un souhait d’offrir plus de
place aux « chercheurs du
Sud ». En deuxième position, apparaît le manque de
reconnaissance institutionnelle par les
instances universitaires, scientifiques et d’évaluation,
difficulté qui semble liée à celle de la reconnaissance du
champ de recherche des EIAH :
« Elle manque peut-être encore de reconnaissance dans la
discipline informatique, mais elle n'est pas en cause en tant que telle. C'est
la communauté EIAH qui a ce problème. »
En fait, la revue apparaît contradictoirement trop centrée sur
l'informatique pour certains et pas assez reconnue par l’informatique pour
d'autres.
« [La revue est] peut être trop focalisé[e] sur une
vision restreinte de ce qu'est un EIAH. Manque d'articles sur les solutions
technologiques de base pour outiller le concepteur d'EIAH. Par rapport à
l'évolution des STIC en ce moment semble un peu en retrait.
[...] »
Se font également jour des interrogations sur la sélection des
articles opérée par la revue.
« L'ouverture interdisciplinaire est bien, il faut la maintenir. La
discipline d'origine des auteurs peut être multiple, ce qui compte ce sont
les critères d'acceptation d'un article dans la revue. Avoir des bons
critères de qualité c'est le plus important. Bien sûr, cela
demande du travail, un éditeur très disponible, plus de
reviewers... ce n'est pas simple.
Une forme d'écriture de papiers acceptables pour la revue qui devient
trop stéréotypée et un frein à terme.
L'évaluation des articles semble (dans sa dimension pluridisciplinaire
notamment) être encore une question ouverte. »
Sur la question de la langue de publication, la majorité des
répondants se prononcent en faveur du maintien du français (26)
:
« De mon point de vue, elle doit rester en français pour
garder son caractère francophone. C'est dans notre langue que nous
exprimons le mieux nos travaux. Il faut donc absolument garder ce moyen rendre
visible nos travaux. Par ailleurs, les revues internationales ne manquent
pas. »
Mais nombre d’entre eux sont favorables à la publication en
anglais (22), et quelques uns à celle dans d’autres langues (6). On
recense une proposition d’élargissement aux langues romanes, ce
qui, sans remettre en cause la priorité au français, pourrait
permettre de donner un niveau de reconnaissance international tout en
bénéficiant d'une intercompréhension entre langues romanes
potentiellement plus aisée (voir l’exemple de la revue In Cognito).
Concernant les autres évolutions qui semblent nécessaires, les
avis sont plus partagés. On notera des attentes par rapport au
référencement de la revue (6), notamment dans Journal Citation Index, ISI
Web Knowledge et Education Resource
Information Center, et à la place laissée aux lecteurs :
« J’aimerai un processus de relecture et d’acceptation
plus ouvert, basé par exemple sur le principe adopté par la revue JIME : Open
PeerReview »
Je crois que des articles sont d'autant plus intéressants que l'on
peut obtenir différents avis dessus. La revue JIME lie une section de
forum à chaque partie du document. Ceci peut être une piste. Ce qui
est plus intéressant est qu'ils permettent à un autre auteur
sélectionné de commenter l'article pour expliquer son point de vue
dessus. Ce nouveau point de vue éclaire/approfondit
énormément la lecture de l'article.
Peut-être pourrait-on typer les articles, type proposé par
l'auteur et accepté ou refusé lors de l'analyse du papier, par ex.
accepté comme papier de psychologie cognitive ou accepté comme
papier pluridisciplinaire à dominante informatique ou papier
informatique. Continuer à faire tout ce qui est possible pour la faire
"cataloguer" là où c'est possible.
Dans l’hypothèse où la revue resterait gratuite, les
suggestions de sources de financement sont dans l'ordre décroissant :
l'ATIEF (11), les laboratoires (10) et les subventions (7), les lecteurs (5),
des sponsors (4), la publicité (3), et les entreprises (1) ; est aussi
suggérée une réduction des coûts (3), à
côté de 5 répondants qui ne savent pas quoi répondre
et de 7 non réponses.
Concernant la question sur les nouvelles fonctionnalités
souhaitées, on recense un nombre important de non réponses (22) et
quelques satisfaits n'en désirent aucune (6) . Les suggestions
recensées sont de développer l'interactivité (7) par la
possibilité de commenter les articles ou de discuter sur des forums,
d'accéder aux statistiques de consultation (3), d'améliorer les
outils de recherche (3), d'assurer la gestion des soumissions en ligne (2).
Enfin, une majorité des répondants (31, 13 étant
contre) se prononce en faveur du maintien d'un recueil annuel sur support
papier, sous réserve que cela ne pose pas trop de problèmes de
financement.
La dernière question ouverte a recueilli 35 non réponses, 4 messages de satisfaction et
différentes suggestions, notamment celles d’inviter des seniors à faire des
contributions de type survey, de
maintenir les numéros spéciaux thématiques et (pour les
coordonnateurs) de les proposer en parallèle dans une revue
internationale (en anglais), d'aller vers plus d'internationalisation et enfin
de tisser des partenariats avec d’autres revues.
Pour terminer, citons cette interrogation sur la place des EIAH :
« C'est une question dure mais objective (puisque plusieurs
"jeunes" MCF se la posent). Est ce que "stratégiquement", il est
judicieux de passer du temps à publier en EIAH alors que c'est peu ou pas
reconnu et qu'à plus ou moins long terme, ils seront confrontés
à ce problème (financement de projet, financement de labo,
reconnaissance de publis, etc.)? Évidemment, je fais partie des gens qui
se posent cette question. Même si le domaine me passionne, il est possible
de mettre l'accent sur d'autres angles pour les publications et limiter
(malheureusement) le champ éducation à un domaine
d'application. »
3. Annexe
Questionnaire à propos de la revue STICEF
1. Profil du répondant
1.1 Nom (facultatif) :
1.2 Fonction(s) :
1.3 Institution :
1.4 Champ(s) disciplinaire(s) :
2. Point de vue général sur la revue
2.1 Quel est, selon vous, l'apport principal de la revue ?
2.2 Quels sont ses défauts ou ses manques ?
3. Évolutions souhaitées
3.1 Doit-elle rester en langue française, devrait-elle
s’ouvrir à d’autres langues ?
3.2 Voyez vous d’autres évolutions qui vous semblent
nécessaires ?
3.3 Dans l’hypothèse où la revue resterait gratuite,
quelles solutions de financement suggéreriez-vous pour en assurer la
pérennité ?
4. Fonctionnalités des supports
4.1 Quelles nouvelles fonctionnalités de la revue en ligne
souhaiteriez-vous ?
4.2 Pensez-vous important de maintenir un recueil annuel sur support
papier ?
5. Quel(s) autre(s) point(s) vous semblerait-il important
d’évoquer ?
A
propos des auteurs
Éric DANÉ est agrégé de
mécanique, ancien élève de l'ENS Cachan et actuellement
doctorant au laboratoire EDA de l'Université Paris Descartes
Adresse : Adresse : Laboratoire EDA,
Faculté des Science Humaines et Sociales, Université Paris
Descartes,
bureau J538b, 45 rue des Saints Pères, Paris 6 °ardt
Courriel : eric.dane@univ-paris5.fr
Toile : http://blogs.univ-paris5.fr/daneeric
Éric Bruillard est Rédacteur en chef de la revue Sticef
Adresse : UMR STEF ENS Cachan –
INRP, Bâtiment Cournot - ENS de Cachan, 61 av du Président Wilson
94235 Cachan cedex
Courriel : eric.bruillard@creteil.iufm.fr
Toile : http://www.stef.ens-cachan.fr/annur/bruillard.htm
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