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Editorial du Numéro Spécial Forum
Le forum de discussion : un cas d’école pour
les recherches en EIAH
Éric
BRUILLARD STEF.
ENS Cachan. INRP.
Universud
1. Introduction
En janvier 2005, avec Mohamed Sidir et Georges-Louis
Baron, nous avons organisé un symposium sur la question des forums en
éducation. Faisant le constat du caractère
hétérogène et fortement contextualisé des
études et des recherches déjà abondantes consacrées
aux usages des forums, notamment en raison de leur grande diversité
(thématiques, communautés concernées, durées,
objectifs ou produits résultants), nous avions fait le pari de
réunir une vingtaine d’experts francophones pour faire le point sur
les questions posées par un type spécifique de forums, ceux
utilisés dans des contextes d’apprentissage, et notamment
d’interroger leurs dynamiques, leurs modes d’étude et
d’analyse. En nous appuyant sur les contributions de ce panel, nous avons
tenté d’élaborer une synthèse de résultats,
d’identifier des questions problématiques et un cadre
méthodologique susceptibles de fournir des pistes pour des travaux
ultérieurs. Nous souhaitions également proposer aux praticiens des
éléments d’analyse sur l’utilisation des forums dans
le cadre de formations y ayant recours.
Les différentes contributions discutées lors du symposium, que
l’on a appelé Symfonic (Symposium, formation et nouveaux
instruments de communication) reprenant la classique métaphore de
l’orchestre, ont été publiées en ligne (Sidir et al., 2005).
Nous avions également souhaité rédiger collectivement un
livre reprenant les différentes contributions et permettant de faire une
synthèse des thèmes débattus. Pour favoriser le dialogue,
nous avons recherché à croiser les points de vue en demandant aux
participants de s’associer dans la rédaction d’un chapitre.
Un sommaire avait été élaboré et un certain nombre
de contributeurs ont commencé à travailler.
Mais les choses ne se sont pas déroulées comme
c’était initialement prévu et le processus de
synthèse s’est avéré plus complexe et plus long que
souhaité... Le présent numéro spécial en est le
résultat. Il ne rend compte que partiellement des travaux qui ont
été discutés, notamment les approches relevant davantage
des « sciences de l’éducation » sont peu
représentées (le lecteur peut se reporter aux actes en ligne de Symfonic pour les consulter), mais il offre des points de vue
contrastés sur les forums de discussion en éducation. Par
ailleurs, la réflexion s’est poursuivie au colloque Jocair (Sidir et al., 2006).
Je vais dans un premier temps essayer de préciser la notion de forum,
au travers de ses utilisations, puis passer en revue ses
spécificités en éducation, surtout ce qui a trait à
l’éducation formelle, au sein d’institutions. Je distinguerai
alors trois types de recherche autour des forums en éducation permettant
notamment de situer les articles composant ce numéro spécial.
Enfin, j’essayerai de montrer en quoi les recherches sur les forums sont
caractéristiques des recherches actuelles dans le domaine des EIAH.
2. Qu’entend-t-on par forum de discussion en
éducation ?
2.1. Un spectre assez large de définitions
Afin de caractériser un forum de discussion,
viennent d’abord à l’esprit les définitions de nature
technologique, précisant les fonctionnalités offertes. Le site de
David Woolley propose ainsi une liste impressionnante d’outils forums pour
le web (http://thinkofit.com/webconf/index.htm). Mais, si la technique cadre les
possibilités, elle ne dit rien de l’usage social. Sur ce plan, un
forum peut être vu comme un espace public de discussion par écrit
doté de mémoire ou comme un ensemble d’interactions
asynchrones et médiatisées par l’écrit
électronique (Beaudouin et Velkovska, 1999).
De manière plus précise, selon (Mangenot, 2002),
la spécificité communicationnelle des forums est
caractérisée par une quadruple dimension écrite,
asynchrone, publique et structurée, aucun autre outil de communication ne
présentant cette même combinaison de caractéristiques.
Ainsi, l’aspect écrit différencie le forum
d’autres modes de communications utilisant la visio ou l’audio, mais
des schémas ou des émoticons peuvent être
insérés ; l’aspect asynchrone s’oppose au
caractère synchrone des messageries instantanées, mais le forum
permet parfois des interactions quasi-synchrones ; l’aspect public (ou semi-public, s’agissant de groupes) distingue de
discussions privées et l’aspect structuré différencie forum et liste de diffusion ou de discussion. On peut ajouter
deux traits importants des contributions : leur aspect collectif,
par opposition à un blog qui est la propriété de son
auteur, et leur permanence, qui résulte en partie des autres,
conduisant à la notion d’archive (le forum peut alors exister
au-delà de sa période d’activité).
Les diverses caractéristiques précédentes correspondent
en pratique à une très grande variété de dispositifs
et à des situations extrêmement contrastées. Si
l’étude des forums se rattache d’abord au domaine de la
communication médiatisée par ordinateur (ou CMC, computer
mediated communication), moins directement aux recherches concernant
l’éducation, les enjeux éducatifs y sont très
présents. A partir de l’étude de forums publics, (Barthel et al., 2000) montrent qu’ils offrent d’abord une source d’information
complémentaire et rapide, permettant d’échanger et de
partager des expériences de terrain (difficilement capitalisables sur
d’autres supports), de se détendre, de suivre le climat social. Ce
que l’on peut observer également sur les listes de diffusion
d’enseignants (Charlier et Daele, 2006).
Ainsi, pour des apprentissages hors des institutions classiques de formation, le
forum apparaît constituer une modalité de communication importante,
d’usage croissant avec le déploiement d’Internet. Nous allons
toutefois nous centrer sur les forums utilisés dans des cadres
institutionnels, ou ce que l’on peut dénommer éducation
formelle.
2.2. Quelles spécificités en éducation ?
Ces forums ont des caractéristiques particulières. Ils sont
fermés, leur durée de vie est programmée – soit
parce qu’ouverts selon une période de temps
déterminée, soit limités par la durée
d’existence de la communauté qui l’utilise–, ils sont
souvent non anonymes et les statuts sociaux sont pré établis.
Même en éducation formelle, on observe une grande
variété de formes : « café »,
« requêtes », élaboration collective d’un
texte, discussion sur un document, discussion autour d’une tâche...
Hammond (Hammond, 2005),
dans une revue d’articles sur les discussions asynchrones dans
l’enseignement supérieur, en distingue trois types : les
forums ouverts, sans guidage ou avec un guidage faible et une liberté de
participation ; les forums peu structurés dans lesquels les
apprenants sont censés accomplir certaines tâches de manière
individuelle et où des discussions collectives par groupe en
résultent ; les forums coopératifs associés à
des tâches précises, les apprenants devant travailler au sein de
petites équipes. La situation ne peut être dissociée
d’une intention éducative et d’un système
d’activité plus global. Dans une vision temporelle, les apprenants
communiquent par forum à un moment spécifique (dans une succession
d’activités) ou y recourent de manière continue (en
parallèle aux activités de formation).
Dans l’enseignement à distance, le forum est souvent vu comme
une solution magique aux problèmes d’isolement (une
« rustine sociale »), mais on observe une sur-utilisation
prescrite et une sous-utilisation réalisée. Les résultats
sont souvent décevants (Henri et Charlier, 2005) et les constats en formation ne sont pas à la mesure des
potentialités et espérances décrites dans les papiers de
recherche.
Pourtant, de nombreux argumentaires soulignent l’intérêt
des forums de discussion en formation. Comme le précisent (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001),
le côté asynchrone favorise la réflexion, la structuration
de la discussion. En outre, la trace peut être
récupérée et les messages triés, ainsi plusieurs
points de vue concurrents peuvent s’exprimer librement et plusieurs
raisonnements en parallèle peuvent être élaborés. Les
idées sont sauvegardées, les messages sont en mémoire et
deviennent des objets tangibles qui pourront être manipulés.
« Les échanges susciteraient la clarification des
idées, le partage des points de vue, la rétroaction, le
développement d’un langage commun et la recherche des solutions
communes » (Henri et Charlier, 2005).
De même, (Hammond, 2005) relève de nombreuses déclarations sur l’apport des
discussions en ligne asynchrones dans les études de cas
publiées : des discussions de haut niveau favorisent la construction
de connaissances ; le stockage des messages fournit un support à la
réflexion ; l’échange avec des interlocuteurs virtuels
élargit le champ d’expériences ; le forum est un moyen
très flexible, donc adaptable à de nombreuses situations ;
son utilisation est une valeur ajoutée à l’expérience
de l’apprenant et cette modalité est très pertinente dans
l’apprentissage professionnel... Toutefois, le point de vue
rapporté est celui de formateurs, pour lesquels il s’agit plus de
montrer l’apport des forums dans l’amélioration de la
formation et des pratiques des enseignants, que d’attester un effet
bénéfique sur les apprenants. Hammond concède
d’ailleurs que la vision est sans doute un peu optimiste. Aussi le
développement de recherches apparaît-il utile afin de faire la part
des choses entre potentialités et mises en place effectives, mieux
comprendre ce qui est en jeu et ce qui se déroule et, si
nécessaire, instrumenter différemment les formations.
3. Quelles recherches ?
Une abondance de recherches ont été
menées dans des contextes très disparates, avec une grande
diversité dans les méthodes d’investigation et
d’analyse, mais finalement peu de résultats attestés et,
selon (Henri et Charlier, 2005),
la scientificité de nombreuses études peut même être
mise en question. Les recherches ne concernent pas toutes strictement
l’éducation, et certaines viennent de champs voisins, notamment la
CMC (computer mediated-communication). Comme le propose (Peraya, 2005),
les questions peuvent être posées de manière pertinente en
se rapportant à un modèle général de la
communication médiatisée. Il s’agit ensuite de savoir en
quoi et comment des interactions en ligne conduisent à des
apprentissages.
On distinguera ici trois perspectives de recherche pour les forums de
discussion en éducation. Elles sont imbriquées,
interdépendantes mais susceptibles d’approches
spécifiques.
1. La première, plutôt située dans le champ de la CMC, se
centre sur les questions d’interaction et sur les communautés qui
échangent via les forums.
2. La deuxième, qui s’ancre plutôt dans le CSCL
(Computer-Supported Collaborative Learning), du côté des
sciences humaines et sociales, s’intéresse au contenu même
des échanges, dans la perspective d’y trouver des
« traces » d’apprentissage, intégrant si
nécessaire d’autres documents produits et les liens avec
d’autres activités dans lesquelles les apprenants sont
plongés.
3. La troisième a trait aux outils eux-mêmes, s’agissant
d’offrir de nouvelles fonctionnalités ou de modifier
l’interface proposée aux différents utilisateurs. Elle se
rattache également au CSCL, mais côté informatique.
3.1. Interaction et communautés
Ce premier type de recherche s’intéresse à
caractériser les formes d’interaction dans les forums de discussion
ainsi que les traces et les produits de ces interactions, et, de manière
duale, aux communautés dans lesquelles ces interactions ont lieu. Dans
une revue des recherches sur les communautés en ligne, (Preece et Maloney-Krichmar, 2003) distinguent quatre grandes méthodes d’investigation,
préconisant par ailleurs d’en développer un usage
conjoint.
Les premières sont de nature ethnographique. Elles permettent de
comprendre la dynamique des communautés en ligne en en fournissant une
compréhension approfondie, posant toutefois quelques problèmes
éthiques (d’autant plus s’agissant d’éducation).
On leur associe souvent des analyses de données comme l’analyse de
contenu, l’analyse du discours et divers types d’analyses
linguistiques.
Les deuxièmes tirent parti des données d’interaction que
l’on peut extraire et traiter, sans perturber les communautés qui
échangent. A partir de données de base simples (date de
création d’un message, identifiant d’un auteur, longueur et
structure des fils...) collectés sur un temps long pour un grand nombre
de communautés, on peut établir des mesures intéressantes (Schoberth et al., 2003).
Des méthodes statistiques sophistiquées permettent d’obtenir
des résultats importants, notamment sur des profils de participation, un
certain nombre d’entre eux sont présentés dans la
contribution de Reffay et Lancieri (dans ce volume).
Les troisièmes sont les questionnaires (ou entretiens, individuels ou
collectifs) et les quatrièmes les expérimentations et des
quasi-expérimentations. Dans ce dernier cas (voir par exemple (Ling et al., 2005)),
cela suppose une population assez nombreuse et des conditions
particulières. Il apparaît délicat de conduire ce type de
recherches dans le cadre d’activités éducatives
institutionnelles (notamment pour des raisons déontologiques).
Toutes ces études et recherches fournissent des sortes de
« modèles » de fonctionnement des communautés
en ligne, donnent des valeurs d’indicateurs
« standard » (pourcentage de contributeurs actifs,
pourcentage de silencieux, profondeur des fils...) et précisent comment
il est possible de les interpréter, tout en soulevant des questions
importantes et en proposant des éléments de réponse.
Comprendre l’impact de caractéristiques individuelles est un
premier apport. Ainsi, il semble que les utilisateurs expérimentés
(ayant une histoire déjà longue de l’utilisation des forums
ou des listes) n’ont pas le même comportement que les
néophytes. S’agissant des silencieux, qui observent le forum,
lisent les contributions, mais n’interviennent jamais : est-ce un
problème important ou uniquement circonstanciel ? Questions
d’économie non rivale (Gensollen, 2004) ?
Y aurait-il un profil du bon « apprenant forum » ou
faudrait-il prendre en compte des éléments culturels (un apprenant
japonais doit-il avoir le même comportement qu’un apprenant
américain) ?
Les études permettent également de situer les
spécificités du travail en groupe et de mieux comprendre un
certain nombre de phénomènes intervenant dans la
« vie » des communautés en ligne. L’apport des
théories issues de la psychologie sociale, notamment ce qui a trait
à la dynamique de groupe, est ici essentiel. Par exemple, l’absence
de pression sociale dans un groupe peut encourager l’individualisme, et
des apprenants peuvent profiter du groupe lui-même pour ne pas
« maximiser » leur engagement, comptant sur les autres pour
réaliser la tâche prescrite (social loafing).
L’analyse des réseaux sociaux (qui parle ou répond
à qui ?) fournit une image intéressante de dynamiques
à l’œuvre dans les formations (Reffay et Lancieri, dans ce
volume ; Sidir et al., dans ce volume). Comment sont
gérées les incivilités, les transgressions amenant le
rappel des règles, l’agressivité ? Comment apparaissent
les marques de convivialité, de coopération et d’entraide
(questions de don/contre don), comment l’humour intervient ?
L’étude du contenu des messages, notamment les formules
d’ouverture et de clôture, les formes d’adresse à
l’autre (impersonnel, vous, quelqu’un), l’utilisation de
certains commentaires métadiscursifs comme procédé
protecteur (en ouverture / « une petite question pour un
débutant » / ... / en clôture
« Pardonnez-moi... Si je comprends bien »), la
modalisation..., tout cela permet de mieux comprendre les rôles que chacun
peut prendre (Barthel et al., 2000).
Derrière ces questions de rôles et ces jeux de masque (analyses
inspirées des travaux de Goffman (Goffman, 1987)),
est souvent en jeu la construction des identités. Le facteur temps a une
importance cruciale, invitant à suivre l’évolution
diachronique des forums sur une certaine durée (voir Sidir et al.,
dans ce volume) et à identifier des phases dans leur déroulement
même. Ainsi (Audran, 2005) montre que dans des enseignements à distance, on « apprend
l’autre avant d’apprendre de l’autre », identifiant
différentes périodes : phase de rapport à soi et
d’appropriation, phase d’appropriation communicationnelle, phase de
prise de conscience de l’alter. Les dynamiques et les modifications des
modalités d’interaction sont des indicateurs importants sur
l’activité.
D’un côté, les analyses des traces d’interaction
peuvent fournir une sorte de cartographie des modalités de participation,
décrire le fonctionnement des échanges. De l’autre, les
analyses ethnographiques, les entretiens et questionnaires peuvent aider
à comprendre l’activité menée et le sens
attribué à cette activité par les participants. Mais toutes
ces analyses ne disent en général pas grand-chose
côté « apprentissage », à
l’exception de l’apprentissage même du forum. Si, à
l’instar de Wenger (Wenger, 1998),
on peut insister sur l’apprentissage social et mettre au centre le concept
de participation, synonyme d’apprentissage et de construction identitaire (Henri et Charlier, 2005),
d’autres points de vue sur l’apprentissage peuvent être pris
en compte. La question est d’identifier les modèles
d’apprentissage utilisés et de voir comment on peut les mettre en
évidence dans ce que produisent les participants aux forums.
3.2. Contenu des forums et apprentissage
Hammond (Hammond, 2005),
dans sa revue déjà citée des articles sur les discussions
asynchrones dans l’enseignement supérieur, relève que le
socio-constructivisme domine dans les références théoriques
citées pour l’apprentissage. Selon lui, quelques uns invoquent
également l’apprentissage conversationnel (Laurillard, 1993),
on trouve des références aux communautés de pratique mais
peu de papiers prenant comme point de départ la psychologie sociale,
à l’exception des travaux autour des réseaux sociaux.
Les réflexions les plus approfondies sur l’apprentissage avec
les forums se développent dans le champ du CSCL (Computer-Supported
Collaborative Learning), les théories de l’activité
apparaissent pour le moment comme les théories de référence (Bruillard, 2004).
L’apprentissage peut-être dans l’acquisition de connaissances
préexistantes, dans la participation à des groupes de travail,
mais également dans la création de connaissances, notamment dans
le développement d’instruments partagés de médiation (Paavola et Hakkarainen, 2005).
La question est alors d’inspecter les contenus des forums pour voir si
on peut y repérer des processus d’apprentissage, selon
différentes perspectives théoriques. La manière
d’opérer ce repérage pose un certain nombre de
problèmes discutés de manière récurrente dans la
littérature scientifique (Rourke et al., 2001),
notamment l’identification des unités d’analyse (le message,
le fil, une partie d’un message, etc.) et l’intérêt et
la fiabilité des grilles d’analyse et des codages
effectués.
Une revue récente de ces questions a été publiée
dans un numéro spécial de la revue Computers and education (Valcke et Martens, 2006). Dans l’un des articles, (De Wever et al., 2006) regrettent l’absence de standards dans les méthodes de recherche.
Se centrant sur les analyses des transcriptions, ils comparent 15 instruments
d’analyse de contenu et dressent un tableau très critique. Ils
observent des liens lâches entre les théories invoquées et
les instruments censés en dériver, même dans le choix des
unités d’analyse. La confiance qu’on peut accorder aux
analyses leur semble douteuse et ils regrettent que les instruments ne soient
pas comparés entre eux. Ils réclament la
réplicabilité des analyses et militent pour des recherches testant
des hypothèses.
Même s’il convient de se méfier des procès en
scientificité, la question de la construction d’instruments valides
semble préoccuper de nombreux chercheurs intéressés
à développer des méthodes éprouvées et
fiables pour l’analyse du contenu et des formes discursives des forums.
Toutefois, de tels projets se heurtent à des obstacles redoutables et
plusieurs limitations peuvent être énoncées.
D’abord, la multiplicité des grilles et unités
d’analyse répond à des objectifs très
différents des chercheurs ou à des types de discussion très
variées. Il peut s’agir de se focaliser sur le récit
lui-même correspondant au forum (voir l’utilisation de ThemAgora par exemple, Sidir et al., dans ce volume), sur la mise
en évidence de phases dans le déroulement du forum, sur des
structures argumentatives (avec des modèles du discours argumentatif),
sur l’évolution de l’utilisation du lexique ou des formes
linguistiques, etc. On peut comparer deux parties d’un même forum ou
tenter une analyse intrinsèque d’un forum. Les analyses
dépendent de la nature même du forum et du texte correspondant et
de ce que l’on souhaite y trouver.
Ensuite, les données que l’on cherche à analyser (le
contenu d’un forum) sont par nature partielles. Les apprenants peuvent se
contacter avec d’autres moyens techniques qui échappent à
l’enregistrement (notamment pour des raisons déontologiques). Les
facteurs contextuels sont nombreux et on peut difficilement en tenir compte. En
outre, si le forum n’est qu’un élément
d’activités plus vastes, il faudrait intégrer dans
l’analyse d’autres « produits » de
l’activité individuelle ou collective, d’autres discussions
ou d’autres documents. Par exemple, dans les travaux avec des enseignants
en formation professionnelle (Baron et Bruillard, 2006),
les stagiaires échangent des préparations de cours, construisent
des portfolios...
Enfin, les analyses se font a posteriori, elles paraissent difficiles voire
impossibles à automatiser (Desjardins, 2002) et la prise en compte du facteur temps, pour l’analyse de
l’évolution du contenu rend les choses encore plus complexes.
Quelle généricité des analyses ? La
nécessité de prendre en compte plusieurs dimensions conduit
à faire coexister plusieurs cadres théoriques ou d’analyse
pas toujours bien compatibles. Multiplier les points de vue accroît le
danger de confusion entre différentes perspectives
épistémologiques, phénomène déjà bien
repéré en CSCL (Bruillard, 2004).
Mais pourquoi analyser le contenu des communications
médiatisées par l’ordinateur ? C’est la question
que posent (Naidu et Järvelä, 2006).
Un moyen de mieux comprendre les processus de l’apprentissage collaboratif
et tenter de clarifier les constituants qui rendent une activité
collaborative productive. Certes, mais selon eux, il n’est pas possible de
trouver des preuves complètes d’apprentissage à partir de
« traces », telles les transcriptions des fils de
discussion, même si des analyses fouillées peuvent nous renseigner
sur certains processus critiques de collaboration ou d’argumentation. Plus
de perspective contextuelle dans l’analyse est encore
nécessaire.
Si le sens se construit dans l’interaction, étant en quelque
sorte un produit de cette interaction, avec un large spectre de valeurs
possibles en cours d’échange, aucune grille ne pourra capter
complètement ce qui se passe pendant le déroulement du forum. On
ne peut que reconstruire des histoires a posteriori. Mais les informations que
l’on peut fournir en cours, donnant une interaction enrichie, participent
de cette évolution du sens. Elles deviennent un élément de
l’interaction et sont susceptibles d’en modifier la trajectoire.
C’est ce qui est en jeu dans la troisième perspective de
recherche.
3.3. Fonctionnalités et interfaces
Dans cette perspective de recherche, il s’agit de soutenir les
interactions, la collaboration et l’apprentissage en mettant en place de
nouvelles fonctionnalités pour les logiciels de forum. Divers constats
indiquent que les outils de forum utilisés n’offrent pas un support
suffisant à l’activité de discussion. Ainsi, (Henri et
Lundgren-Cayrol, 2001, p. 71-76) listent différentes
limitations : le manque de présence sociale (nécessitant des
outils dits d’awareness) ; l’absence d’indices
paraverbaux (ton, attitude...), d’où une certaine incertitude dans
l’interprétation des messages ; un manque de sollicitation
pour exploiter la conversation ; le manque d’outils de
développement de la pensée, le texte reste plat et
linéaire ; une lecture séquentielle...On peut constater
également un manque de structuration des échanges,
nécessitant de trouver des règles de participation
spécifiques aux activités associées aux forums.
Les outils actuels peuvent constituer des freins à la communication et
à la discussion et il est nécessaire de les modifier pour
faciliter les interactions. Il s’agit alors d’élucider les
raisons de ces freins, qui sont autant techniques que pédagogiques, et
d’ébaucher des solutions, suivant des spirales de conception bien
connues. Les techniques informatiques jouent un double rôle, d’une
part elles interviennent pour ré-instrumenter les activités,
d’autre part, elles sont susceptibles d’aider à
interpréter les traces d’activité pour mieux en comprendre
les ressorts. Plusieurs dimensions sont concernées.
D’abord la lecture, à la fois pour la présentation et le
contenu : comment orienter la lecture d’un texte aux
caractéristiques particulières ? Une tradition
millénaire d’amélioration de la visibilité et de la
lisibilité des textes (par exemple, titres, sommaires, index,
règles typographiques, résumés, etc.), est à
revisiter avec l’écrit numérique, matériau
très malléable offrant de multiples possibilités de
traitement automatique, et l’écran comme support de lecture. Comme
le suggèrent (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001),
structurer les discussions peut faciliter la lecture et des analyses
linguistiques peuvent s’avérer utiles. Le contenu d’un forum
est un hypertexte et il est possible d’organiser des parcours
diversifiés dans un ensemble de fragments de textes (Dimitracopoulou et
Bruillard, dans ce volume).
Mais il peut s’agir aussi de faciliter la liaison entre le forum et
d’autres activités effectuées parallèlement, par
exemple en accrochant un forum de discussion à la structure conceptuelle
(ou chronologique) du cours ; également de faciliter les liens entre
participants, notamment pour mettre en place des systèmes
d’entraide. George et Bothorel, (dans ce volume) décrivent
différentes possibilités dans le cadre de la formation à
distance.
Intégrer d’autres formes de représentation et
d’autres outils peut enrichir les forums : des outils de
remue-méninges, de cartes conceptuelles, des outils d’analyse du
texte, i.e. utiliser les capacités multimédias du web. Les images
peuvent être intégrées, cependant modifiant alors ce que
l’on entend jusqu’à présent par forum, centré
sur l’écrit.
Une autre piste consiste à fournir des indicateurs
métacognitifs aux différents protagonistes des activités
éducatives intégrant des forums. Leur donner des indicateurs les
renseignant sur leur propre activité, celle du groupe, etc., est
susceptible de modifier leur participation, leur activité au sens large
en les aidant à prendre conscience de l’interaction, de la
qualité de la collaboration... (Dimitracopoulou et Bruillard, dans ce
volume). Ces recherches prolongent les travaux consacrés aux logiciels
qui observent l’activité d’un apprenant, l’analysent et
lui fournissent des conseils (tels les systèmes dits conseillers et
auparavant ce qui se rattachait à l’interaction didactique
discrète avec la notion de coach, voir (Bruillard, 1997).
Ce qui est nouveau, depuis une dizaine d’années, c’est
d’observer à la fois l’individu et le groupe et de
positionner l’individu par rapport au groupe (cela suppose des
activités en réseau où l’on tient compte de
l’activité du groupe). Dans le cadre de l’enseignement
à distance, compte tenu de la complexité croissante de ce
qu’un tuteur est amené à gérer, on cherche de plus en
plus à l’assister en lui fournissant un accès à la
fois visible et lisible à l’activité individuelle et
collective des apprenants, courant de recherche nommé instrumentation du
tuteur. En fait, une telle instrumentation peut au moins en partie être
également fournie aux apprenants et c’est ce qui est proposé
pour l’utilisation des forums de discussion.
3.4. Vers de nouvelles directions de recherche ?
Les directions de recherche que l’on vient de passer en revue
réfèrent à différents courants qui concourent
à mieux comprendre les forums de discussion ou à mieux soutenir
l’activité des participants. Les recherches fournissent ainsi des
guides pour l’action et Depover et ses collègues (dans ce volume)
présentent et discutent un certain nombre de résultats sur
l’utilisation des forums dans la formation à distance.
On constate un consensus des chercheurs sur la nécessaire combinaison
de plusieurs méthodes pour étudier un forum, au risque parfois
d’incohérences théoriques. Mais s’il faut combiner les
méthodes, il faut également multiplier les postures. Pour
comprendre ce qui se joue dans les forums utilisés en formation, il est
utile de travailler en contexte réel, c’est-à-dire sur des
formations existantes, avec des enjeux réels pour les apprenants et une
responsabilité effective pour les formateurs. La recherche action offre
alors des possibilités intéressantes et fournit des points de vue
complémentaires à d’autres modalités de recherche. En
particulier, elle peut documenter des études de cas qui inspirent les
acteurs de la formation. Cette orientation permet d’identifier les
difficultés de mise en place et les facteurs favorisants.
Mais comment articuler les recherches actions, les formations effectives et
les recherches plus ou moins proches des questions d’éducation,
dont on vient de voir qu’elles étaient utiles pour comprendre ce
qui se joue dans les formations. Autrement dit, dans quel but analyser les
forums ou comment concilier différents objectifs : mettre à
l’épreuve des hypothèses ; rendre intelligibles des
dynamiques ; réguler des interactions (formateurs) ; concevoir
(adapter) des systèmes ?
Des expérimentations basées sur des théories bien
attestées pourraient conduire à des résultats de
référence dans le domaine des forums éducatifs. Mais
conduire des expérimentations n’est pas si simple. Selon (Preece et Maloney-Krichmar, 2003),
intervenir sur le fonctionnement d’une communauté change la nature
même de cette communauté et est peu éthique. Conduire des surveys peut aussi s’avérer délicat car la population
d’une communauté peut changer d’un jour à
l’autre, ce qui rend l’étude de cas non biaisée
impossible. Même si, dans le cas de l’éducation formelle, les
communautés restent à peu près stables le temps de la
formation, les générations d’apprenants changent, comme leur
rapport aux technologies informatiques, notamment leurs utilisations des forums.
Ils peuvent ainsi avoir développé des compétences
communicationnelles, pas uniquement techniques. La réplicabilité
est rarement possible. En outre, les apports des théories ne sont pas si
faciles à caractériser et à utiliser. Ling et ses
collègues (Ling et al., 2005) ont ainsi essayé d’opérationnaliser des implications de
certaines théories de psychologie sociale sur la conception de sites
collaboratifs pour les mettre à l’épreuve dans des
protocoles expérimentaux. Les résultats obtenus sont plutôt
mitigés. Les auteurs, analysant leur démarche de travail,
concluent que les théories apparaissent comme de très bonnes
sources d’inspiration pour la conception, beaucoup moins pour la
prédiction.
Pour articuler les différentes recherches, il semble qu’il
faille s’appuyer sur deux principes contradictoires.
D’une part, faire l’hypothèse de
l’existence d’invariants, ou de lois générales, quels
que soient les forums étudiés, c’est-à-dire postuler
une certaine similarité entre les situations de communication via les
forums, quels que soient le nombre de participants ou le contexte.
On est alors conduit à tenter d’identifier des
régularités pour anticiper, créer des
« normes », discerner des écarts. Pour aller plus
loin, il serait nécessaire de distinguer entre différentes grandes
catégories de forums, auxquelles on associerait des
caractéristiques, une sorte de signature, comprenant à la fois des
indicateurs stables et une description de phases temporelles (reconnaissance de
motifs ou de périodes). Pour cela, l’importation de techniques
provenant d’autres disciplines (par exemple mathématiques,
linguistique...) et adaptées pour fournir des informations tant
qualitatives que quantitatives est un signe de maturité du domaine.
D’autre part, admettre l’importance des effets de
contexte, qui conduisent à des distorsions d’amplitude plus ou
moins grande sur la situation « de
référence ».
Pour la formation, les modèles « idéaux »
permettent de lister les paramètres importants, qui deviennent des
variables didactiques sur lesquels les enseignants peuvent jouer. Le nombre de
variables concernées, d’office convoquées dans une situation
réelle, rend les prédictions hasardeuses (ce qui explique
l’opérationnalisation difficile des théories), les analyses
a posteriori étant toujours possibles. Ainsi il s’agirait de
fournir des modèles épurés, des listes de paramètres
en documentant leurs effets individuels prévisibles, laissant aux acteurs
le soin de faire les combinaisons qu’ils jugent utiles en cours de
« jeu ».
Notons que le développement de l’utilisation des forums modifie
la relation des acteurs à ces forums, et que des formes de scolarisation,
des effets d’attentes réciproques entre formateurs et apprenants,
vont également modifier la nature même de la participation des uns
et des autres. Comme nous l’avons vu, l’instrumentation
développée permet aussi aux protagonistes d’avoir une
meilleure conscience des situations en cours et d’intervenir plus
facilement. Aussi, quels que soient les modèles proposés, ils
devront évoluer.
Par ailleurs, il y a un déficit de recherches sur la manière
dont les apprenants organisent leur propre activité (lecture
régulière ou épisodique, articulation avec d’autres
activités, etc.) et regarder les « acharnés »
des forums renseigne peu sur le comportement de la grande majorité des
apprenants. Les études de type ethnographique sont encore rares dans
l’éducation. Ainsi, même si les phénomènes de
construction identitaire demeurent importants, les classiques jeux de masque
sont différents, puisque, dans la majorité des formations, on ne
peut se cacher derrière une autre identité. Pour étudier
tout cela, on ne peut se contenter d’analyser ce que produisent les
apprenants, mais cela invite à regarder également leur
activité et l’évolution de leur système
d’activité, surtout si l’on envisage cette évolution
comme un apprentissage, en cohérence avec le cycle d’expansion
d’Engeström (Engeström, 2001).
4. Étude des forums et recherches en EIAH
La manière dont s’organisent les
recherches sur les forums en éducation illustre bien les problèmes
rencontrés actuellement en EIAH, champ de recherches dédié
aux environnements informatiques et à leur utilisation pour
l’apprentissage humain, c’est-à-dire
s’intéressant aux activités instrumentées
informatiquement en éducation.
Il est inutile de reprendre en détail l’histoire de ce domaine
depuis les années soixante-dix (Bruillard, 1997) pour constater que les problématiques de recherche et le contexte
général ont considérablement changé. Les recherches
ont permis d’éclairer des perspectives et ont fait évoluer
les offres technologiques. Les environnements actuels en sont un
héritage, bien qu’une certaine amnésie prévale dans
les domaines où la cumulativité des résultats de recherche
fonctionne très imparfaitement. Rappelons que les recherches autour de
SmallTalk à Xerox, avait pour premier objectif, selon Alan Kay,
inspiré par Logo de Papert, de construire une technologie accessible
à tous et d’abord aux enfants. C’est en grande partie une
réalité maintenant banale. Les ordinateurs, et les réseaux
ne sont plus des ressources rares mais fréquentes et ont modifié
une grande partie des activités humaines. Il ne s’agit plus
seulement de rencontres construites et encadrées avec les ordinateurs,
mais d’utilisations plus ou moins en continu (notamment avec les
dispositifs portables). Comment alors repenser les recherches sur la conception
et l’usage des dispositifs informatiques en éducation dans le
contexte actuel ?
Le cadre organisateur des recherches en EIAH concerne la conception
d’environnements destinés à l’apprentissage. Ce cadre
conduit à s’intéresser au cycle de vie d’un produit en
mettant les divers champs de recherche au service de ce projet de
réalisation et en associant étroitement recherche et
ingénierie (Tchounikine, 2002).
Dans cette orientation, les rôles des différents champs de
recherche se répartissent selon cet objectif de production et, que
l’on adopte un discours plus anthropocentré que
technocentré, que l’on développe de la conception
participative, cela ne change pas la vision globale du domaine,
privilégiant un point de vue informatique dont l’EIAH, en tant
qu’objet, est le point de focalisation.
Or, on ne construit plus ex nihilo, des machines sont
déjà installées, des dispositifs interconnectés, des
applications présentes, etc. La conception pédagogique
(design pédagogique) s’est aussi modifiée, elle se
base moins sur les résultats d’apprentissage pour
s’intéresser davantage à la manière dont on va
pouvoir supporter, encourager, structurer les interactions pour enrichir le
processus d’apprentissage (Depover et al., dans ce volume).
Une telle approche, orientée vers la conception d’un artefact
informatique, ne peut échapper à une contradiction : on fait
comme si c’était la machine (et le logiciel) qui permettait
d’apprendre alors que l’apprentissage se fait en situation et on
bute rapidement sur les questions de preuve ou de validation
d’environnements conçus pour résoudre des problèmes
éducatifs. Or, avec Martial Vivet (Bruillard et Vivet, 1994),
nous pensions que c’est dans la spécification des situations
qu’il fallait fonder la conception des environnements, et baser
l’évaluation sur les situations, non sur les instruments
utilisés. Nous avions également présenté la
métaphore de l’architecte, pour la formation, qui paraît
toujours d’actualité. Donner un rôle central à cette
figure de l’architecte des formations peut conduire à penser
différemment l’organisation des recherches en EIAH conjuguant
différents points de vue : instruments informatiques, acteurs et
systèmes sociaux.
En effet, des approches alternatives sont souhaitables. J’en ai
proposé une (Bruillard, 2006) se focalisant sur le rôle et les effets de l’instrumentation dans le
contrôle des apprentissages en distinguant trois niveaux, inspirés
de la distinction opérée par Leontiev : opérations
– conditions ; action – but ; activité – motif. Cette
façon de problématiser est compatible avec l’idée de
conception multi-échelle ou les approches par composants. Les
temporalités différentes sur chacun de ces niveaux (temps court,
temps moyen, temps long) permettent de mieux cibler les interventions possibles
des disciplines de recherche. Mais cette proposition doit encore être
complétée.
La question des forums de discussion en éducation montre la
nécessité de trouver un autre modèle que celui de
l’ingénierie pour penser les recherches en EIAH. Ce numéro
spécial illustre la richesse et la complexité de ce champ de
recherches. Il mélange les approches disciplinaires
(mathématiques, informatique, linguistique, sciences de
l’éducation...), les échelles d’observation des
phénomènes, les objectifs (compréhension,
détermination de modèles d’activité, conception de
nouvelles instrumentations...) dans un souci commun d’aider les acteurs
à mieux comprendre ce qui se passe et à développer de
meilleurs dispositifs de formation intégrant les forums.
5. Perspectives
Identifier des perspectives n’est pas
très simple dans un contexte d’évolution très rapide.
Il est cependant possible de remarquer qu’existent des spirales
d’enrichissement, permettant des formes de réutilisation de
l’expérience individuelle et collective (Mille et al., 2006) au cours même de l’activité, associant compréhension
et instrumentation des activités dans des intrications fortes entre
informatique et sciences humaines et sociales.
Ce phénomène assigne à la recherche des objectifs de
mutualisation : des corpus et des outils d’analyse, des
résultats et des contextes. Il faut sans doute améliorer la
catégorisation des forums. Il importe également
d’accompagner les développements pour prendre en compte les modes
d’appropriation des instruments par les utilisateurs (présentation
des données, visualisation de graphes ; nouveaux modes de lecture,
par exemple sans temporalité) et les re-créations dans
l’usage. Pour la formation, il est nécessaire d’aider les
formateurs et les tuteurs, de leur fournir une instrumentation adaptée,
alors qu’ils risquent de devenir sur-informés et de perdre leurs
repères.
D’anciennes questions vont prendre une importance croissante et de
nouvelles questions risquent de se faire jour, notamment avec le
développement de l’utilisation d’environnements virtuels tels Second Life, multipliant les interactions numériques :
lire un forum après une interruption, lire un forum passé (ou les
archives d’une liste de discussion), gérer la mémoire
d’une communauté, analyser le système
d’activités d’une communauté (et son évolution)
et intégrer les outils pour supporter ce système
d’activités (Bieber et al., 2002)...
Selon (Preece et Maloney-Krichmar, 2005),
dans leur introduction à un numéro spécial du Journal of
Computer-Mediated Communication, le champ de recherche sur les
communautés en ligne s’appuie sur des théories
fondées sur une longue tradition de recherches, principalement dans le
domaine des sciences sociales, plus particulièrement de la sociologie, de
l’anthropologie, de la psychologie sociale et de la linguistique. Il a
progressé de la recension d’études de cas
particulières et éparpillées à travers la
généralisation à partir d’exemples jusqu’au
développement de théories expliquant ce qui est observé.
Espérons que le champ d’étude des forums en éducation
acquière rapidement une maturité équivalente.
6. Remerciements
Je remercie chaleureusement Georges-Louis Baron pour
le travail mené en commun depuis très longtemps et pour
m’avoir aidé à terminer ce texte.
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Éric BRUILLARD
Rédacteur en chef de STICEF
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