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Volume 13, 2006
Article de recherche



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Enrichir les interfaces de forums par
la visualisation d’analyses automatiques des interactions et du contenu

 

Angélique DIMITRACOPOULOU Université de la Mer Égée

Éric BRUILLARD STEF, IUFM de Créteil

 

RÉSUMÉ : Alors que les forums de discussion asynchrone deviennent de plus en plus répandus et utilisés en formation, la recherche les concernant s’intéresse plus à l’amélioration de leurs caractéristiques et fonctionnalités de base qu’à assurer une meilleure prise de conscience des interactions, des échanges et du contenu mis en jeu. Or, de nombreuses analyses des comportements des participants aux forums de discussion mettent en évidence des difficultés récurrentes. Ce texte explore une nouvelle direction de recherche, celle de l’analyse automatique des interactions et du contenu des échanges dans les forums de discussion à visée éducative. Il s’agit d’aider à concevoir des interfaces enrichies, ouvrant à de multiples lectures des échanges et offrant un support pour la prise de conscience des contributions des participants via des représentations multiples et diversifiées et pour une assistance métacognitive directe aux participants des forums (étudiants, tuteurs ou modérateurs), ainsi que pour une assistance cognitive aux observateurs des interactions d’un forum (enseignants, chercheurs, etc.).

MOTS CLÉS : Conception d’outils de forum, outils d’analyse des interactions, analyse de contenu, métacognition, autorégulation, situations d’apprentissage, hypertexte

ABSTRACT : Even if asynchronous discussion forums are currently used in education, the underlying research continues focusing more on the improvement of the basic functionalities than to a better awareness of exchanges, interactions and emerging content. This paper explores a new research direction in the design of technology based learning environments: computer based interaction analysis in educational forums. The aim is to contribute in the design of enriched forums’ interfaces allowing alternative representations of posted messages, and to provide support on the awareness of participants’ contributions via multiple and diversified visualisations of interaction analysis indicators, offering a metacognitive assistance to forum participants (students, tutors, moderators), as well as a cognitive assistance to observers of interactions (teachers, researchers, etc.).

KEYWORDS :  forum tools design, interaction analysis tools, content analysis, metacognition, self regulation, educational context, hypertext

 

1. Introduction

L’utilisation des forums de discussion pour la communication ou la construction de connaissances s’est considérablement accrue lors de cette dernière décennie. On y a maintenant couramment recours pour mener des situations d’apprentissage dans des contextes d’éducation formelle ou informelle, que ce soit ou non à distance.

Pourtant, un certain nombre de problèmes rencontrés par les participants des forums sont relatés de manière récurrente dans la littérature scientifique. On peut citer notamment le manque de participation, une piètre qualité des contributions, l’existence de comportements peu favorables à la collaboration, etc. Les causes sont souvent attribuées au manque de confiance en eux des contributeurs en raison de la mauvaise qualité de leur écriture, de leur anxiété, etc. (Nonnecke et Preece, 2001). Si on peut envisager d’y remédier par des stratégies pédagogiques appropriées mises en œuvre par les tuteurs (ou modérateurs) des forums, d’autres sources de difficulté demeurent. Ainsi, les étudiants pâtissent d’une surcharge d’information, ils ne peuvent ni créer une image de leur propre activité en comparaison à celle des autres participants, ni facilement se représenter l’activité de leur groupe dans son ensemble, afin d’améliorer le type ou la qualité de leurs contributions ; la communication dans le groupe tend à se désorganiser et à perdre en cohésion, en raison de la pression interpersonnelle et de la confusion qui peut être générée autour de l’objet même de la discussion. Et on ne peut envisager de résoudre ces problèmes par la simple application des « meilleures » stratégies possibles de gestion de la discussion ou par la mise en place de cadres pédagogiques.

Parallèlement, les modérateurs (ou tuteurs, selon les terminologies employées ou les contextes d’utilisation) eux-mêmes doivent résoudre des problèmes ardus : la gestion d’un forum leur demande une attention soutenue pour assurer une participation adéquate, c’est-à-dire des contributions régulières durant une période, pour orienter la discussion vers des directions productives, pour éviter la dispersion, etc. (Salmon, 2001). Pour cela, les modérateurs doivent constamment faire l’effort de dépister, collecter et analyser l’information nécessaire à la gestion de la discussion. Il leur faut trouver les informations utiles dans les échanges et leurs contenus, pour amorcer une évaluation fiable des performances des étudiants et élaborer un feedback signifiant. En effet, il faut organiser et analyser des données, afin de faire émerger la dynamique du processus d’interaction et d’apprentissage. La plupart des forums n’offrent pas un soutien suffisant et adapté pour assister ces modérateurs. Cette lacune conduit à une importante surcharge de supervision, de gestion et d’évaluation rendant réellement difficile l’utilisation significative de forums dans des situations éducatives quotidiennes.

Plus largement, indépendamment d’un contexte éducatif, différents auteurs relèvent les anomalies dans les modalités de conversation induites par les forums. Ainsi, (Reyes, 2005) décrit quatre écueils souvent constatés :

- difficultés interactionnelles : différence entre le message comme unité et les messages auxquels les personnes se réfèrent, cela conduit à des pertes d’information et des confusions dans les références ;

- difficultés de convergence : absence de mécanisme pour favoriser la convergence des interactions (consensus, connexions entre idées, synthèse) ;

- difficultés de tour de parole : écart entre l’ordre temporel et hiérarchique des messages, gestion des fils (threads) parallèles ;

- difficultés de perception du groupe : manque de conscience des régularités structurelles des interactions dans un groupe.

On connaît finalement assez mal l’activité déployée par les participants à un forum. Plusieurs études mettent toutefois en évidence une forme de participation assez irrégulière. ((Reyes, 2005), p. 64), citant McElhearn (2000), constate que les utilisateurs concentrent leur activité de réponse dans une petite période de temps, fonctionnant comme une sorte de buffer, ce que l’on a également constaté dans différentes études menées en formation d’enseignants, parlant de rafales de messages (Fluckiger, 2005) ou de pluri-participations ponctuelles (Bruillard et al., 2006). Les participants répondent à des messages de différents fils ; leur réponse dépend non des interventions d’un seul fil, mais tiennent compte de tout ce qui s’est passé auparavant. Les interventions sont dans les conversations en cours et il n’est pas si simple de les ranger dans le bon fil, si tant est qu’il y en ait un. Cela rend difficile le suivi des conversations.

L’ensemble des difficultés que l’on vient d’énumérer dans l’utilisation des forums, surtout dans une visée éducative, conduit à s’interroger sur la façon d’améliorer les logiciels de forum, notamment en concevant des interfaces plus adaptées, incluant des fonctionnalités nouvelles. Une première approche consiste à améliorer l’interface de base (modalités de visualisation et d’action des utilisateurs) par exemple pour permettre de soutenir des conversations multi-fils (Reyes, 2005). Une seconde approche, apparue récemment, s’attache à offrir des informations supplémentaires issues de l’analyse automatique des interactions et du contenu des échanges des forums. Il s’agit de produire des interfaces enrichies, afin :

    - aider à la prise de conscience des contributions des participants via des représentations multiples et diversifiées, en produisant des interfaces de lecture alternatives et plus puissantes ;

    - offrir une assistance métacognitive directe aux participants de forums (étudiants, modérateurs), ainsi qu’une assistance cognitive aux observateurs des contributions d’un forum (enseignants, chercheurs, etc.).

Dans ce texte, nous proposons d’explorer la combinaison de ces deux approches dans la conception des forums, déjà envisagée par différents chercheurs (Biuk-Aghai et Simoff, 2001), (Dimitracopoulou et al., 2005), en présentant une réflexion sur leurs potentialités, leurs limites et les perspectives que l’on peut actuellement dégager.

Pour ce faire, nous présenterons d’abord les outils d’analyse des interactions et du contenu (nommés outils AIC dans la suite), leurs modalités générales de fonctionnement et les utilisateurs à qui ils s’adressent. Nous verrons ensuite un cadre conceptuel pour l’analyse des interactions permettant d’en dégager certains aspects sous-jacents. Puis, nous présenterons un état de la question dans le champ de l’analyse automatique des interactions, en nous centrant sur certaines caractéristiques essentielles des indicateurs d’analyse. Nous discuterons les usages potentiels de ces indicateurs et nous conclurons ce texte par des perspectives de développement et de recherche, notamment permettant d’explorer les effets de ces outils sur leurs utilisateurs.

2. Interfaces standard de forum et processus d’analyse des interactions

Si on peut recenser un grand nombre de logiciels de forum, ils n’offrent finalement qu’assez peu de différences entre eux (on peut consulter le site de David R. Woolley. Il maintient une longue liste de logiciels de forums pour le web, gardant même trace des « défunts », http://thinkofit.com/webconf/forumsoft.htm). Concernant leur structure de présentation, on trouve essentiellement deux formes :

- en tableau ou chronologique : chaque message est au même niveau et ne fait que suivre ou précéder un autre message dans le temps ;

- en arbre ou hiérarchique : chaque message est vu comme une réponse à un message antérieur, ce qui permet plusieurs niveaux de réponses.

(Woolley, 1998) nous rappelle que le débat entre la forme linéaire (en tableau) et en arbre (threaded, en fils) existe depuis la création des systèmes de conférence et que chacune d’entre elles a des avantages et des inconvénients. Il est plus facile de naviguer dans une structure linéaire, par ailleurs plus proche de la conversation en face à face. Mais la structure en arbre apparaît plus riche. Elle est bien adaptée aux applications de type question-réponse alors que la forme linéaire favorise des discussions en profondeur. Le problème évoqué précédemment des interventions en rafales montre que la structure en arbre, qui pourrait apparaître mieux structurée, pose des problèmes compte tenu des formes d’activité mises en œuvre par les utilisateurs.

Comme nous l’avons signalé en introduction, la pauvreté d’interaction offerte (tant en écriture qu’en lecture) pose des problèmes récurrents aux utilisateurs, nécessitant la conception de nouveaux outils d’écriture et de lecture. Cette question se pose encore avec plus d’acuité dans un cadre éducatif pour lequel, des outils d’analyse des interactions s’avèrent très utiles. Toutefois, plusieurs auteurs soulignent certaines limites de la seule analyse des interactions (Huynh Kim Bang, 2005). Ainsi, les auteurs de Netscan (Fiore et al., 2002) concluent une partie de leurs recherches sur le besoin d'analyser le contenu des messages pour réellement comprendre la nature des interactions. Plusieurs projets portent sur le repérage de thématiques à partir de l'analyse des champs lexicaux. (Lagus et al., 1999) fournissent avec Websom une carte des thèmes d'un corpus permettant ensuite sa représentation visuelle à plusieurs niveaux de détail puis son exploration. Mais son utilisation nécessite des messages assez longs pour y repérer des thèmes pertinents. (Sack, 2000) définit son outil ConversationMap comme un explorateur de contenu de newsgroups. Il permet d'appliquer aux discussions plusieurs méthodes d'analyse en parallèle de type sémantique, thématique et par les réseaux sociaux. Les analyses sémantique et thématique travaillent avec un dictionnaire puis affichent une carte reliant les thèmes en fonction de leur proximité dans les messages.

Il semble ainsi que nombre d’auteurs s’accordent sur l’intérêt, voire la nécessité, de représenter le contenu même des échanges pour en faciliter la lecture et la compréhension. Nous souscrivons à cette prise de position et dans la suite de ce texte, nous allons décrire différents outils d’analyse d’interaction, prenant en compte aussi bien l’interaction proprement dite (qui intervient, quand, où, etc.) que les produits des interactions (le contenu même des échanges, c’est-à-dire le contenu des forums de discussion). Nous allons tout d’abord préciser à qui peuvent s’adresser les résultats produits par ces outils d’analyse.


Figure 1. Profil général des utilisateurs des outils d’analyse des interactions et du contenu

En effet, différentes catégories d’utilisateurs peuvent en bénéficier. D’abord, les participants à une activité de communication ou d’apprentissage dans un forum (c’est-à-dire les élèves ou étudiants, les modérateurs, tuteurs, formateurs, enseignants). Ensuite, les différents types d’observateurs d’un forum, qui souhaitent, par exemple, vérifier le fonctionnement technique (administrateurs), estimer la qualité de l’interaction entre les apprenants (modérateurs, enseignants) ou analyser les événements qui se produisent ainsi que leurs développements (figure 1).

Le système lui-même, ou les outils associés d’analyse, adoptent également un rôle d’observateur lorsqu’ils prennent en compte les résultats des analyses afin de produire des messages à destination des différents participants.

Concernant ces outils d’analyse des interactions, ils peuvent être soit intégrés, c’est-à-dire constituer une composante d’un logiciel de forum, soit indépendants et échanger des données avec différents types de logiciels de forum. Dans le premier cas, les résultats des analyses (c’est-à-dire la valeur des indicateurs) peuvent être présentés dans l’interface même du forum ou être affichés dans un espace différent, selon le choix des concepteurs.

Pour donner une idée du fonctionnement des outils d’analyse au plan générique, on peut en présenter brièvement les phases principales (figure 2). Les participants interagissent via le forum, autour d’un ou plusieurs sujets de discussion, formant ainsi un ou plusieurs groupes. Afin d’analyser les interactions, un outil AIC applique la majeure partie, voire la totalité, des processus suivants :

Figure 2. Étapes des processus d’un outil d’analyse des interactions et du contenu (AIC) générique

Choix ou filtrage des données : les données sont choisies en filtrant l’ensemble des données disponibles à partir des deux grandes sources : (1) les fichiers de log enregistrant toutes les actions, (2) le produit des interactions (les messages postés, leurs caractéristiques et leurs contenus), dans des phases intermédiaires ou finales.

Application des méthodes de traitement des données : différentes formes d’agrégation et de traitements des données sont choisies, pouvant nécessiter l’exécution de prétraitements pour obtenir les formats d’entrée souhaités.

Production des indicateurs : la phase précédente permet de produire une série d’indicateurs de base. Combinés et retraités avec des données supplémentaires (figure 2, ligne a) ou avec d’autres indicateurs, ils permettent d’obtenir des indicateurs dérivés, souvent plus complexes, donnant un certain reflet du mode ou de la qualité de la contribution individuelle (par ex., nombre relatif des contributions du type « explication »), du mode ou de la qualité de collaboration (répartition du travail, propagation d’un fil de discussion, densité ou cohésion d’un groupe, etc.), du processus ou de la qualité du produit final (profondeur d’un fil, degré d’activité autour d’un sujet de discussion, etc.).

Modèle produit : le résultat des traitements opérés par les outils d’analyse peut se limiter à fournir une information sur quelques aspects de l’interaction, mais peut également correspondre à un ensemble cohérent d’informations relativement complet, auquel on peut attribuer le statut de modèle de l’interaction.

Présentation à l’interface : l’utilisateur peut lire les valeurs des indicateurs d’analyse des interactions à l’interface de l’outil AIC. Certains indicateurs peuvent se re-présenter à l’interface standard du forum lui-même (figure 2, ligne c), s’ils sont utiles durant l’interaction, permettant une meilleure prise de conscience de l’espace commun (workspace awareness).

Notons que s’agissant de la forme de présentation des valeurs des indicateurs aux utilisateurs, on peut distinguer trois cas de figure :

1. Valeurs brutes, de type numérique ou (alpha)numérique, textuel ou de type diagramme (patterns, structures) ;

2. Valeurs graduées via un mécanisme de calibrage, selon une norme prédéfinie et adaptée à un contexte donné de l’interaction ;

3. Valeurs jugées ou évaluées : des valeurs calibrées sont interprétées en les comparant (figure 2, ligne b) aux valeurs correspondantes des indicateurs d’un modèle de référence (correspondant souvent à un modèle souhaitable ou même idéal). A partir de cette comparaison l’outil soit exprime une évaluation sur la qualité (par exemple, une collaboration jugée mauvaise), soit entreprend la production de messages explicites de conseil à l’utilisateur pour que ce dernier puisse évaluer ou améliorer son comportement.

Finalement, lorsque les outils sont adaptables et paramétrables par les utilisateurs eux-mêmes (apprenants, modérateurs...), il est possible (figure 2, ligne d) de choisir les indicateurs qui vont s’afficher, de définir certaines normes pour ces indicateurs et de spécifier les attributs du modèle de référence, si on en a défini un.

Nous verrons un certain nombre d’exemples de ces indicateurs et de leurs modes de visualisation dans la section 4. Auparavant, nous allons définir des concepts sous-jacents au concept d’indicateur d’analyse des interactions, nous aidant à recenser l’état de la question.

3. Cadre conceptuel pour l’analyse des interactions

Un outil d’analyse des interactions présente quatre caractéristiques principales : (a) le type de données qu’il peut recevoir en entrée, (b) les catégories d’indicateurs qu’il calcule (comme résultat), (c) son champ de validité, (d) les utilisateurs intéressés par ses résultats, selon les concepteurs. Pour comprendre ce qu’il peut offrir, un concept est central, celui d’indicateur d’analyse des interactions, résultat des analyses effectuées.

Ces indicateurs constituent des variables qui décrivent, représentent ou même évaluent, un facteur relatif au mode, au processus, ou à la qualité de l’activité du système cognitif considéré, ainsi qu’aux caractéristiques ou à la qualité du produit de la discussion qui a eu lieu dans un forum. Ils fournissent des moyens d’abstraire, de synthétiser, d’inférer et souvent de visualiser des informations.

Nous allons passer en revue plusieurs considérations importantes pour l’analyse des interactions.

(C1) Considérer tous les participants et les systèmes cognitifs qui se forment dans le milieu de discussion et distinguer le « point de vue » d’analyse des interactions sur les participants

Un forum de discussion est un espace social d’interactions. Une interaction est « une action qui affecte ou peut affecter le processus de discussion. La seule exigence requise est que l’action elle-même, ou son effet, puisse être perçue par au moins un des participants, autre que celui qui l’a réalisée », adapté de (Martinez et al., 2003a). Une telle définition fournit une vue générique de l’interaction, sans restriction particulière quant à la source des données ou la perspective d’analyse, et offre un critère opérationnel pour sélectionner les « entrants » de l’analyse des interactions. En outre, elle est simple à traiter et permet de prendre en compte des problèmes connus comme le silence et l’inactivité.

Mais quelles entités prendre en compte dans un forum ? On pourrait ne considérer que les individus inscrits et impliqués directement dans ce forum. Cependant, en se fondant sur les hypothèses de la « cognition distribuée » (Salomon, 1993), (Hutchins, 1995) mais aussi sur les théories sous-tendant l’apprentissage collaboratif (Stahl, 2006), apparaît clairement l’intérêt de considérer les groupes qui se forment (à l’intérieur desquels les individus sont distingués ou non), de même que la communauté en son ensemble, afin de prendre en compte les systèmes cognitifs dans lesquels les individus participent, et de s’intéresser à leur évolution. Même si les choses sont souvent analysées d’un point de vue monodimensionnel, nous considérons que, pendant la discussion, l’agent principal n’est pas seulement le membre individu ou le groupe vu comme un ensemble, mais que ces deux aspects sont importants, de même que l’ensemble de la communauté formée par les individus et les groupes discutant selon des modes variés. Un processus d’apprentissage (au moins au niveau de l’enseignement primaire et secondaire) implique forcément, outre les apprenants, les enseignants ou plus généralement les modérateurs, indépendamment de la signification de leur rôle spécifique dans la situation. Trop focaliser sur les individus apprenants conduit à négliger les autres agents impliqués (Dimitracopoulou, 2001), alors que ces agents peuvent former un ou plusieurs systèmes cognitifs, dans le sens de la théorie de la cognition distribuée.

En conséquence, tous les agents impliqués dans le processus de discussion sont importants et doivent être pris en compte par l’analyse des interactions. Ainsi, nous avons besoin de considérer plusieurs niveaux : (a) les individus étudiants, (b) les modérateurs (enseignants ou non) impliqués, (c) l’administrateur éventuel du système, (d) chaque groupe ou sous-groupe qui se forme, (e) les classes de groupes apparus, (f) la communauté des participants (apparents ou non). Cela conduit à identifier une caractéristique interne de l’indicateur d’analyse d’interactions, le « point de vue de l’indicateur » sur les systèmes cognitifs formés par les participants.

(C2) Faire émerger et identifier la nature principale d’un indicateur sur les aspects diversifiés du comportement des participants

La discussion sur un forum est un processus actif de construction des connaissances par un groupe. C’est un processus social de co-construction des connaissances, au cours duquel le développement du contenu des connaissances se déroule en même temps que le développement de capacités de type social, comme les compétences de coopération, de coordination et de collaboration dans un groupe et une communauté (Stahl, 2006). Interviennent donc, de manière souvent interreliée, des aspects typiquement cognitifs (discussion profonde sur le contenu) et des aspects sociaux se référant notamment à l’auto-organisation du groupe. Interviennent également des habiletés de nature affective, dans la construction des relations dans un groupe. L’empathie, les émotions, les motivations, la gestion des relations, sont des aspects qui apparaissent, dans un contexte de discussion, et on peut essayer de les identifier, en considérant une dimension affective.

Ces trois dimensions cognitive, sociale et affective du comportement des participants peuvent être mises en évidence par des indicateurs appropriés et déterminent leur « nature » potentielle. Notons que disposer d’indicateurs de natures différentes et complémentaires, pour des participants à un forum de discussion, peut avoir un rôle déterminant sur le processus de régulation (qui est un des objectifs inhérents à un outil d’analyse des interactions). Des recherches sur le plan sociocognitif ont ainsi mis en évidence l’importance des dimensions affectives dans le processus d’autorégulation (Winne, 1995), (Zimmerman, 1995).

(C3) Utilisateurs et participants sont des entités différentes. Aux utilisateurs des outils d’analyse des interactions peuvent être fournis des indicateurs offrant différents types d’assistance

Il est utile de différencier, d’une part, les participants d’un forum et, d’autre part, les utilisateurs des outils d’analyse des interactions. Bien qu’il puisse s’agir des mêmes personnes, leurs besoins, leurs rôles et les systèmes cognitifs formés sont différents dans les deux situations. Ainsi, les utilisateurs des outils peuvent parfois assumer des rôles complémentaires dans le but de réguler le comportement du groupe, le contrôle de la discussion pouvant se distribuer parmi tous les acteurs impliqués, humains ou artificiels (apprenants, modérateurs, administrateur, le système de forum) (Dimitracopoulou et al., 2004).

Un indicateur peut offrir différents types d’assistance, comme on va le voir dans les sections suivantes : simple « prise de conscience » des interactions qui ont eu lieu, « appréciation » du mode ou de la qualité d’aspects spécifiques, ou même « évaluation » formelle. Par conséquent, une caractéristique est à considérer, celle de « type d’assistance ».

(C4) Un indicateur est une variable au sens mathématique à laquelle est attribuée une série de caractéristiques

Un indicateur d’analyse des interactions est une variable. Elle prend des « valeurs » et ces valeurs ont « une forme » (par ex. numérique, alphanumérique). Cela peut même correspondre à un motif identifié ou à la représentation continue d’un processus. La valeur a « un statut », c’est-à-dire, qu’elle peut être brute (sans unité définie), calibrée ou interprétée. Ce statut détermine une caractéristique particulièrement significative que nous venons de voir, le « type d’assistance » offert aux utilisateurs. Le calibrage des valeurs d’indicateur est fortement dépendant du contexte et des conditions d’utilisation des forums, par des participants spécifiques ; par conséquent ce calibrage a un « champ de validité » qui doit être explicité.

Cette variable fluctue dans un « champ de validité » (directement lié aux dépendances de l’indicateur ainsi qu’au calibrage final de sa valeur), l’indicateur correspondant peut prendre une série spécifique de valeurs dans un contexte donné. Ce champ doit être défini, exploré et ses limites bien établies. De manière générale, doivent être pris en compte le contenu et le contexte de l’activité, ainsi que le profil et les rôles non seulement des participants, mais aussi des utilisateurs de ces indicateurs.

Chaque indicateur, en tant que variable, peut être indépendant ou dépendant d’autres variables, voire même d’autres indicateurs d’analyse d’interactions. Ainsi certains indicateurs sont dépendants du temps (contribution hebdomadaire), d’autres peuvent être considérés comme étant indépendants du temps (densité du réseau), étant le plus souvent définis à la fin d’une période bien déterminée. Dans tous les cas, cette distinction est plutôt relative à l’intervalle de temps au cours duquel l’indicateur est mesuré ou calculé. Certains indicateurs dépendent du contenu de la discussion asynchrone (le type de discussion ou même le sujet de la discussion). Enfin, des indicateurs élaborés dépendent des valeurs d’autres indicateurs inférieurs dont ils dérivent.

La figure 3 donne les attributs et les caractéristiques les plus importants des indicateurs, selon les différentes considérations que nous venons de développer. La caractéristique essentielle d’un indicateur est certainement sa « nature », c’est-à-dire son objet, qui peut être en rapport avec une dimension cognitive, sociale ou affective.

Figure 3. Les attributs et les caractéristiques du concept d’indicateur d’analyse des interactions

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, un indicateur est calculé à partir de données d’interaction, c’est-à-dire d’actions des participants du forum, du contenu des messages, des valeurs d’autres indicateurs calculés. Il peut représenter un système cognitif individuel (par ex., la contribution par semaine d’un acteur individuel), ou un système cognitif formé de plusieurs personnes (par ex., le groupe d’un sujet de discussion pour l’indicateur « niveau de collaboration du groupe »), adoptant ainsi un des « points de vue » possibles sur les systèmes cognitifs ayant émergé durant l’interaction.

Enfin, un indicateur est implicitement ou explicitement conçu pour un profil spécifique d’utilisateur (parmi les précédents participants du forum, ou les observateurs du forum, ou le système lui-même).

4. De l’analyse des interactions à l’enrichissement de l’interface : état de la question et nouvelles tendances

Nous allons maintenant passer en revue les indicateurs d’interaction, qui ont été proposés dans divers travaux et réalisations sur les forums de discussion, ainsi que leurs attributs principaux, essentiels pour donner une certaine qualité au résultat de l’analyse présentée aux utilisateurs. On distingue plus particulièrement les caractéristiques suivantes :

(a) la nature de l’indicateur d’interaction, c’est-à-dire son objet et son but (analyser et offrir un soutien à un aspect particulier de type cognitif, social, etc.) ;

(b) le statut des valeurs de l’AIC, déterminant le type d’assistance offerte par l’indicateur à ses utilisateurs ;

(c) le point de vue de l’indicateur sur les participants : quel est le système cognitif visé et représenté par l’indicateur calculé (point de vue individuel, du groupe considéré comme un ensemble, etc.).

En outre, un aspect essentiel, qui n’est pas nécessairement une propriété inhérente de l’indicateur, puisqu’il dépend souvent des choix des concepteurs de l’outil AIC, concerne la représentation et la visualisation des variations de l’indicateur en fonction des autres variables dépendantes ou indépendantes (par ex., le temps) ; il correspond, en effet, à ce que l’utilisateur va souvent percevoir comme résultat de l’analyse. Un dernier aspect concerne la puissance interprétative de l’outil AIC, c'est-à-dire de l’ensemble des indicateurs produits par un outil concernant une session spécifique.

Dans cette section, nous explorons les différents attributs ou propriétés des indicateurs d’interaction que nous venons d’énumérer. A partir d’une analyse de l’état de l’art, nous allons présenter les réalisations actuelles ainsi que les nouvelles tendances, afin d’en tirer des conclusions sur les potentialités et perspectives pour la conception d’interfaces enrichies susceptibles d’assister participants et observateurs d’un forum.

4.1. Les caractéristiques centrales des indicateurs d’interaction : état de la question

4.1.1. La nature d’un indicateur d’interaction

La nature d’un indicateur correspond aux aspects de l’interaction qu’il tend à faire émerger. Il est relié (directement ou indirectement) à une ou plusieurs des dimensions suivantes :

- dimension cognitive, indiquant quelque chose sur les opérations cognitives du groupe, relatives au processus et au contenu de l’activité de dialogue.

- dimension sociale, liée aux activités de communication, de coopération ou de collaboration d’un groupe ou d’une communauté des participants.

- dimension affective, liée à la situation affective des participants.

(A) Indicateurs de nature cognitive : les indicateurs cognitifs concernent les interactions des participants reliées à la tâche et au contenu de l’activité de dialogue. Ces indicateurs se réfèrent au :

(a) processus de l’activité (par ex., l’indicateur « profondeur de l’enchaînement »). Ainsi on peut visualiser la profondeur moyenne de l’arbre de discussion en fonction du temps (par ex., par semaine ; (Gerosa et al., 2005), figure 4).

(b) produit/contenu de l’activité (par ex., la « cohérence du sujet de la discussion »). Ainsi, « le sujet-clé des contributions de chaque membre » calcule le sujet central des messages postés par chaque membre, identifié par des mots-clés grâce à l’outil d’analyse i-Bee (Michizuki et al., 2005), ou « le nombre des messages postés par catégorie de post/ou par sujet », indicateur calculé à l’intérieur de l’environnement FLE2 qui incorpore une sorte de forum (Morch et al., 2003), (Chen, 2004).

Figure 4. L’indicateur « profondeur de discussion » (discussion depth) représenté ici par des arbres de discussion selon différentes périodes de temps (Gerosa et al., 2005)

Concernant les usagers de ces indicateurs cognitifs, ils peuvent être très différents. Trois cas typiques permettent d’apprécier la valeur d’usage de ces indicateurs.

(i) Indicateurs cognitifs utiles au modérateur d’un forum. On peut citer l’indicateur « distribution des catégories de messages » par participant ou par groupe, par profondeur d’arbre, etc. (Gerosa et al., 2005), (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005). Certains forums offrent la possibilité de choisir une catégorie de message à poster (parmi une liste de catégories souvent prédéfinies par le modérateur) qui correspond en plus au contenu qui va être développé. Cette indication de catégorie donne un aspect sémantique à l’analyse des relations entre les messages. L’indicateur « grandeur moyenne des messages par catégorie de message », calculé à partir du nombre de caractères par catégorie (Gerosa et al., 2005), fournit un autre exemple. Cette information peut permettre au modérateur de distinguer des messages qui se différencient du cas moyen, pour envoyer un message approprié à une liste spécifique de participants ou à l’ensemble du groupe de discussion.

(ii) Indicateurs cognitifs pour les participants à la discussion asynchrone, notamment pour autoréguler leur comportement et choisir par exemple de faire une contribution plus cohérente et plus adaptée, compte tenu des contributions des autres membres. Ainsi l’indicateur « conformité du message » mesure le degré de cohérence d’une contribution par rapport au message posté auquel il est relié (outil Degree dans (Barros et Verdejo, 2000)). De même, l’indicateur « degré d’activité d’un sujet de discussion » (Michizuki et al., 2005) mesure cette activité à partir de mots clés des messages dans un certain laps de temps, en procurant ainsi des indications sur le sujet central de discussion de la plupart des participants, dans la période courante. Dans ce cas, les mots clés à calculer sont à définir par le modérateur de l’outil AIC (i-Bee tool).

Figure 5. L’indicateur « quantité de caractères par catégorie de messages » (Gerosa et al., 2005)

(iii) Indicateurs cognitifs utiles au système. Enfin, sans être présenté aux protagonistes, l’indicateur peut être utile au système d’analyse des interactions ou au forum lui-même, permettant alors d’offrir d’autres fonctionnalités ou des présentations alternatives de lecture de l’interface d’action d’un forum. En particulier, il peut être intéressant d’associer un forum au contenu abordé dans une formation, approche adoptée par George dans Confor (George, 2003).

(B) Indicateurs de nature sociale : ces indicateurs se réfèrent aux modes ou à la qualité de communication, ou même de coopération et de collaboration d’un petit groupe ou d’une communauté, participant à un ou plusieurs sujets thématiques d’un même forum de discussion. Parmi les indicateurs ayant une valeur d’interprétation relativement élevée, on peut noter ceux qui favorisent la « prise de conscience de l’espace du travail » (workspace awareness), (Gutwin et Greenberg, 2002), ceux qui rendent compte de « la qualité de la collaboration » au cours de la discussion et ceux qui fournissent un « état des relations établies entre les participants ».

(a) La « prise de conscience de l’espace du travail » concerne les actions et les contributions des autres membres, dans l’espace de lecture et d’action d’un forum, et est fondée sur des indicateurs simples comme « le nombre des nouveaux messages postés », « qui est en ligne », « le nombre des messages non lus » par un individu. Un indicateur similaire mais plus élaboré est celui de « complexité » qui représente la complexité des interactions et rend explicite le degré de difficulté à poursuivre toutes les conversations dans un forum (Reyes, 2005).

Figure 6. L’indicateur « Statut social » (Reyes, 2005)

(b) Les indicateurs soutenant la collaboration au sein de la discussion asynchrone. La majorité des indicateurs existants permettent de caractériser la participation. Ainsi, le « degré de présence » dans un forum mesure la distribution et la fréquence des contributions des participants depuis l’ouverture d’une discussion sur un forum (Dringus et Ellis, 2004). Lurking produit une catégorisation des contributions (au début, au milieu, à la fin, à la dernière minute) suivant le délai de la réponse vis-à-vis du message initial (Dringus et Ellis, 2004). Le « niveau d’interaction dans un forum » mesure la distribution et la fréquence des contributions des participants selon qu’ils initient un nouveau fil ou répondent à un message précédent (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005).

Figure 7. Patterns de collaboration dans les fils de discussion d’un forum (Simmoff, 1999)

D’autres indicateurs soutiennent la coordination parmi les membres, ainsi « coordination » mesure le degré de communication qui apparaît parmi les membres d’un groupe, à partir de trois autres indicateurs de plus bas niveau d’interprétation quantifiant les messages de type coordination, initiative et argumentation (Degree), (Barros et Verdejo, 2000). « Dispersion de discussion » représente la distribution des actions dans le forum (DIAS), (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005).

Enfin, des indicateurs se référent à la qualité de la collaboration. « Niveau de contribution » représente le niveau de l’activité (activeness) de chaque membre. « Patterns de collaboration apparus dans les fils de discussions » (figure 7) fournit une visualisation simultanée de la profondeur et du nombre de messages (Simmoff, 1999). « Interactivité du groupe » mesure les messages en réponse à des messages postés par d’autres membres (DIAS), (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005).

(c) La « Construction des relations » : une sous catégorie significative des indicateurs sociaux représente les relations sociales des participants à un forum. Ainsi les diagrammes d’analyse de réseaux sociaux représentent entre autres des informations relatives aux relations établies au sein d’un groupe tel le « degré de centralité des acteurs » (figure 8), (Martinez et al., 2003b).

Ce type de diagramme permet également de repérer les membres isolés, ainsi que ceux qui dominent les interactions (Cho et al., 2002), (Reffay et Chanier, 2003). On peut citer aussi la « cohésion du groupe » qui représente l’habilité d’un groupe à « tenir » ses membres, c’est-à-dire le nombre minimum de participants qui déconnectent le groupe, s’ils partent (Reyes et Tchounikine, 2005).

(C) Indicateurs de nature affective : ils cherchent à caractériser la manière plus ou moins personnelle et approfondie d’interagir (par exemple dans un processus de réflexion critique). En général, la participation effective dans un discours ou dans un processus d’apprentissage nécessite une maturité émotionnelle, de la prise de conscience, de l’empathie, du contrôle, une connaissance et une prise en compte des émotions des autres personnes, de leurs motivations, une capacité de gestion des relations (Mezirow, 2000). Les qualités et les habiletés de nature affective interviennent de manière significative dans la construction des relations dans un groupe.

Figure 8. Diagramme d’analyse des réseaux sociaux, indicateur du degré de centralité des acteurs

Cette dimension affective est apparue très récemment dans le champ de l’analyse des interactions. Avec les systèmes existants, on peut identifier deux cas différents.

(a) État émotionnel et de motivation : Par exemple, l’indicateur « motivation individuelle » représente la motivation en fonction du temps (Reimann, 2003). Pour le calculer, les individus sont invités à indiquer et exprimer leur propre niveau de motivation, chaque fois qu’ils font une contribution au forum. Cet indicateur est présenté aux membres avec celui du groupe dans son ensemble, accompagné également de l’indicateur «contribution au groupe» de chacun des membres (dans un diagramme en camembert). Selon l’auteur, cet indicateur procure un sentiment de bien-être (well being).

(b) D’autres indicateurs de nature affective représentent le statut social d’un membre dans le groupe de participants à la discussion. Deux sous-cas peuvent être distingués :

- Récompense attribuée implicitement par les actions des autres membres, tel l’indicateur « statut social » (Reyes et Tchounikine, 2005). Chaque participant au forum peut obtenir l’information concernant son statut dans la communauté, correspondant à son prestige. Il est relié à sa participation ainsi qu’au statut des participants du groupe auquel il appartient. L’indicateur ne prend pas seulement en compte le nombre des interventions de chaque membre, mais il considère aussi le prestige des autres membres. En effet, le statut d’un individu dépend de l’impact de ses interventions sur l’activité du groupe (visibilité des participants). On peut voir l’évolution du statut d’un participant d’une position périphérique (statut bas) à une position centrale (statut élevé) durant une période.

- Récompense attribuée par le système, tel l’indicateur « statut dans la société » (Vassileva et al., 2004). Il est calculé uniquement à partir des contributions (ici, du nombre des documents partagés par un membre dans un système de co-contribution de matériel éducatif relativement à un cours). Des catégories hiérarchiques sont établies, selon des valeurs calibrées, exprimées de manière métaphorique (membres d’or, d’argent ou de bronze). Chaque membre est représenté par une étoile dont la taille dépend du nombre de fichiers déposés. Selon les auteurs, cet indicateur s’appuie sur la visibilité sociale de chaque membre.

Dans tous les cas, il est à noter que la dimension affective s’utilise plutôt pour des fonctions d’observation et d’autorégulation et n’influence pas, jusqu'à présent, les indicateurs qui peuvent intervenir sur les fonctionnalités de l’interface standard du forum.

De nouvelles tendances de recherche se consacrent à la définition d’indicateurs significatifs pouvant être calculés de manière automatique.

Il reste encore beaucoup à faire pour produire des indicateurs cognitifs analysant plus en profondeur le processus d’activité (individuelle ou collaborative) ainsi que celui des produits de la discussion dans un forum. Cela nécessite de progresser dans l’analyse automatique du contenu.

Concernant les indicateurs sociaux, les progrès de la recherche sur les phénomènes qui apparaissent dans des situations de cognition de groupe devraient donner des idées de plus en plus claires sur les catégories d’indicateurs de nature sociale dont nous aurons besoin. Certains chercheurs considèrent que ces indicateurs produisent plutôt des vues abstraites fonctionnant comme des substituts aux communications orales en contact direct et des signes organisationnels (Reimann, 2003). Pourtant, il nous semble que le rôle de ces indicateurs sociaux ne peut se borner à être des substituts à la communication directe. Ils contribuent à faire émerger des aspects des processus cognitifs de groupe ou des structures qui ne pouvaient être identifiés ou représentés autrement. En ce sens, il semble assez prometteur de continuer la recherche d’identification d’indicateurs sociaux appropriés susceptibles d’offrir un soutien tant au niveau de l’interface de lecture d’un forum, qu’au niveau de l’aide à l’autorégulation.

Enfin, les indicateurs de nature affective constituent une nouvelle dimension qui devrait être explorée de façon plus systématique dans les années à venir.

4.1.2. Types d’assistance fournie par un indicateur

Les outils d’analyse des interactions offrent une assistance aux usagers en leur fournissant des indicateurs d’interaction. Le type de cette assistance est directement lié au « statut » des valeurs des indicateurs, correspondant à un des trois cas suivants : (a) valeur brute, (b) valeur calibrée selon une norme prédéfinie, (c) valeur calibrée prise en compte par le système afin de prendre une décision et de présenter à l’utilisateur, dans la plupart des cas, une sorte de jugement sur la qualité du comportement des participants au forum, ou une suggestion, un guidage direct sur la manière de continuer.

En tenant compte du statut des valeurs des indicateurs, nous pouvons distinguer trois types généraux d’assistance :

(a) Prise de conscience : seule une valeur brute est fournie. Par exemple, le nombre de participants en ligne est 15, le pourcentage de contributions suivant un fil est de 20%, les mots-clés les plus fréquents de la semaine courante sont « culture et dimension ». A charge pour les usagers d’estimer eux-mêmes si la valeur fournie correspond à une situation ou à un comportement adéquat (si cette estimation est nécessaire), en comparant éventuellement cette valeur à des normes implicites selon leur connaissance du contexte. Dans certains cas, les valeurs brutes sont suffisantes, par exemple si elles fournissent un support à la mémoire (concernant notamment les actions passées du même individu) ou offrent une vision alternative des contributions d’un ensemble de participants.

Figure 9. Indicateurs de prise de conscience à l’interface de logiciels commerciaux (PhpBB)

(b) Appréciation ou estimation : une valeur calibrée est fournie selon une norme soit prédéfinie par les concepteurs soit par les utilisateurs eux-mêmes si l’outil est adaptable. Ainsi, les indicateurs « messages lus par rapport aux messages postés par un individu » = 97-3, alors que la norme est de 70-30 dans un contexte spécifique, « niveau d’activité d’un participant » est « endormi ». La norme peut être signalée d’une façon directe ou indirecte via une métaphore, offrant ainsi de manière correspondante une estimation directe ou indirecte. Citons également le « degré d’activité d’un sujet de discussion », incorporé dans l’outil de forum i-Bee (Michizuki et al., 2005), qui calcule la fréquence des mots-clés récents des messages postés et présente les valeurs obtenues via une métaphore florale (flowering period, flower full bloom, bud of flower), voir la figure 10.

(c) Évaluation : la valeur d’indicateur est calibrée et, en plus, il y a une évaluation stricte du caractère approprié de cette valeur. Elle est présentée à l’utilisateur sous forme :

- d’une note, attribuée parmi les participants, par exemple le « membre en or » (Vassileva et al., 2004) ;

- d’un jugement, selon une échelle. Par exemple, le « niveau de collaboration » peut être jugé awful (très mauvais), de même la « créativité » peut être jugée poor (dans l’outil Degree, (Barros et Verdejo, 2000)) en fonction des indicateurs dépendants « degré de complexité », et « originalité ou richesse des idées », calculés suivant les catégories de contribution (en supposant qu’une contribution de type « proposition » implique plus de créativité qu’un post de type « commentaire ») ;

- d’une suggestion ou d’un guidage. Dans ce cas, le système prend en compte la valeur de l’indicateur afin de décider d’envoyer un message à un participant ou à l’ensemble du groupe, les enjoignant, par exemple, de lire plus souvent les contributions des autres (Chen, 2004).

Figure 10. Forum i-bee : visualisation simultanée d’indicateurs offrant une assistance d’estimation, utilisant une métaphore (Michizuki et al., 2005)

Les indicateurs offrant une assistance de prise de conscience de nature cognitive ou sociale sont plutôt développés pour enrichir l’interface, soit par des informations directement présentées aux participants du forum, soit par des informations prises en compte par le système lui-même qui, à son tour, offre des points de vue alternatifs au niveau de l’interface de lecture du forum. Dans le premier cas, les indicateurs offrent une sorte de mémoire externe, présentant les actions passées ou servant de substitut aux signes de communication et d’organisation en direct.

Les indicateurs qui aident à estimer la qualité des processus ou du produit de la discussion, s’adressent directement aux participants ou aux observateurs humains d’un forum. Ils servent de support à la réflexion, la métacognition et enfin l’autorégulation pour un individu ou pour un groupe. Les indicateurs fournissant une évaluation s’adressent soit directement aux participants soit au système de forum. Si un grand nombre de systèmes, suivant la tradition classique de l’intelligence artificielle, offrent une telle assistance, il est nécessaire de poursuivre les recherches selon le type de forum, l’objectif de la discussion asynchrone, le profil des participants, etc.

Au cours des prochaines années, la recherche devrait permettre de calibrer des indicateurs dans des contextes spécifiques, ce qui fournira plus d’indicateurs offrant une certaine forme d’estimation. Les possibilités accrues d’outils adaptables directement par les utilisateurs, tenant compte des multiples paramètres influençant les normes pour le calibrage de ces indicateurs (le contexte, la situation d’apprentissage spécifique, les conditions, etc.), devraient conduire à une utilisation plus étendue de tels outils. Enfin, les présentations indirectes des « normes » via des métaphores, particulièrement adaptées pour des jeunes utilisateurs, devraient connaître un usage croissant.

4.1.3. Points de vue des indicateurs d’analyse d’interaction sur les systèmes cognitifs

Dans un contexte social de communication ou de discours, on peut observer la formation d’une multitude de systèmes cognitifs. La question est alors de savoir comment les indicateurs disponibles peuvent représenter ces différents systèmes cognitifs. Selon l’analyse des interactions, on peut distinguer quatre cas généraux :

1. Point de vue individuel, mesurant ou représentant les actions (processus) ou la contribution (produit) de chaque individu séparément.

2. Point de vue de groupe, qui peut être soit indifférencié, s’agissant du groupe entier sans s’intéresser aux contributions individuelles, soit différencié lorsque l’information concerne l’ensemble du groupe en permettant de distinguer la contribution spécifique de chacun des membres.

3. Point de vue de communauté, cette dernière étant considérée comme un groupe de groupes, avec également un aspect différencié (offrant en même temps des informations sur les individus qui jouent un rôle spécifique, comme les coordinateurs ou les modérateurs) ou indifférencié.

4. Point de vue de société, correspondant à un ensemble de communautés partielles (par ex., la communauté des étudiants utilisant les mêmes forums, un certain nombre d’entre eux étant actifs et différents pendant une période relativement longue).

Concernant le point de vue individuel, il s’agit souvent d’indicateurs simples, « catégories des messages postés par participant », « nombre des réponses par message par participant et par semaine » (Chen, 2004), « nombre de messages non lus par individu, postés par d’autres participants » (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005), parfois d’indicateurs plus sophistiqués comme celui de « statut social » de chaque individu (Reyes, 2005) voir la figure 6.

S’agissant de points de vue de groupe indifférencié, un exemple typique est l’indicateur « acteurs actifs », qui représente le nombre d’acteurs ayant posté au moins un message pendant une période de temps, indicateur numérique souvent représenté par un graphe en fonction du temps, avec des intervalles prédéfinis (outil CAF), (Fessakis et al., 2004). De même, l’indicateur « niveau de collaboration du groupe » (outil Degree) dans (Barros et Verdejo, 2000) est défini à partir d’une série d’indicateurs sous-jacents (quantité de travail, argumentation, initiative, conformité, etc.) ; sa valeur a une forme littérale, un statut calibré et elle est même interprétée par le système, qui l’évalue (du pire, au meilleur). Enfin le « niveau d interaction dans un groupe » est un indicateur qui pourrait calculer, dans le cas d'un forum, les objets manipulés (messages lus et messages écrits) en réponse aux actions des autres participants (Schummer et al., 2005) et les présenter sous la forme d un graphe en fonction du temps.

Très souvent, une métrique pour un participant se transforme en une métrique pour le groupe. On va ainsi calculer le temps actif de présence dans un forum pour une personne et ensuite le temps moyen pour tous les participants (donc pour le groupe). Toutefois, ce type de mesure ne donne aucune information sur l’interaction entre les membres d’un groupe et ne peut refléter le fait qu’un rythme individuel de travail peut être influencé par le rythme des autres participants (Schummer et al., 2005). Il faut reconnaître qu’un grand nombre d’indicateurs concernent dans ce cas un groupe indifférencié, ce qui n’est sans doute pas la meilleure manière de rendre compte du groupe (passage d’une métrique individuelle à une métrique pour le groupe).

Concernant les indicateurs de point de vue de groupe différencié, on rencontre deux exemples typiques :

« Indicateur de contribution dans un groupe » (figure 11) : les valeurs de cet indicateur sont visualisées par un graphe polaire incorporant des étiquettes circulaires (bullets) représentant les participants (DIAS), (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005). La distance entre la position d’une étiquette et la circonférence du cercle est proportionnelle au statut de contributeur du participant. La taille de l’étiquette est proportionnelle au nombre de types de messages postés.

Figure 11. Exemple d’indicateur de point de vue de groupe différencié (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005)

Le « degré de centralité des acteurs » (figure 8) est calculé par des techniques d’analyse des réseaux sociaux et visualisé par un socio-diagramme. L’indicateur représente le nombre de liaisons qu’un participant maintient avec d’autres participants (Martinez et al., 2003b). Chaque participant est souvent représenté par un cercle ou une étoile dans le socio-diagramme, avec son nom ou le code correspondant (connu seulement par l’individu lui-même et l’administrateur du système) (Hlapanis et Dimitracopoulou, 2007).

Pour les indicateurs de point de vue de communauté, on peut retenir deux exemples typiques :

Figure 12: Exemple d’indicateur de point de vue différencié de communauté (Dillenbourg et al., 2002)

L’« indicateur du niveau d’activité des groupes » (figure 12) a été appliqué pour refléter le niveau d’activité de groupes utilisant un système en ligne de gestion pédagogique, avec des contributions par envoi de messages et de fichiers (Dillenbourg et al., 2002). Il peut être utilisé avec des forums autorisant l’attachement de fichiers dans les messages postés. Il représente les contributions des membres assumant des rôles différents (groupes différents, médiateurs, etc.). Le médiateur peut naviguer de la vue globale de la communauté à des vues locales de certains groupes, en cliquant sur les petits cercles. Cet indicateur s’adresse au médiateur d’un forum (un enseignant ou un étudiant en charge du rôle de coordinateur), afin d’identifier facilement des groupes ayant besoin d’aide ou d’encouragement.

L’indicateur d’activité relative des groupes (figure 13) présente, sous la forme d’un diagramme en bâtons, l’activité de chaque groupe pour une période initialement choisie, comme un pourcentage de l’ensemble de l’activité. L’initiation aux discussions et l’utilisation des différents types des messages sont pris en compte. La valeur moyenne du pourcentage des contributions dans la période choisie est affichée (DIAS).

Actuellement, l’analyse automatique des interactions fournit des indicateurs qui, dans la plupart des cas, adoptent seulement un point de vue individuel ou un point de vue de groupe avec une distinction individuelle. Très peu adoptent un point de vue de groupe indifférencié ou de communauté et aucun ne donne un point de vue de société, que ce soit dans des forums ou même dans d’autres environnements de communication ou d’apprentissage. Le plus souvent, lorsqu’il s’agit d’un groupe, les indicateurs ne présentent ni la qualité du groupe comme un ensemble ni les interactions et structures internes. Ainsi, certains des indicateurs distinguent simplement les individus en s’appuyant sur des intentions de compétition.

Figure 13: Exemple d’indicateur de point de vue différencié de communauté
(Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005)

Les communautés de recherche autour de l’apprentissage ou du travail collaboratifs, bien qu’essayant d’analyser les facteurs influençant les interactions et les phénomènes associés à la collaboration, se focalisent plutôt sur la mesure des effets au niveau individuel, négligeant les phénomènes qui apparaissent en cognition de groupe (Stahl, 2006). Ainsi, le manque d’indicateurs pertinents confirme cette dérive, montrant la nécessité d’études plus approfondies et réellement focalisées sur les phénomènes de cognition de groupe.

4.2. Propriétés centrales des outils d’analyse d’interaction et du contenu

4.2.1. Visualisations (variations des indicateurs et combinaisons)

Les outils AIC constituent soit des composants internes des systèmes de forum, soit des outils complets indépendants qui leur sont associés. Dans la plupart des cas, on ne présente pas aux usagers les valeurs statiques des indicateurs, mais leurs variations ou leurs co-variations, voire même les décisions prises par le système sur la base de ces valeurs, ce qui donne des visualisations intéressantes sur différents aspects des interactions.

Pour discuter de ces différentes formes de visualisation, il est important de distinguer d’une part le cas des indicateurs (et les visualisations correspondantes) pris en compte par le système de forum pour offrir des fonctionnalités ou des informations au niveau de l’interface de base (notamment pour faciliter la lecture) et, d’autre part, les visualisations produites qui offrent une base d’observation sur les interactions et un support à la métacognition.

A) Visualisations présentées au niveau de l’interface de base ou de lecture

Comme nous l’avons rappelé (section 2), les interfaces classiques en arbre supposent implicitement que le contexte nécessaire pour comprendre un message se restreigne aux messages de son fil de discussion. On ne peut atteindre un message sans connaître le titre de son fil. Or, l’activité réelle des utilisateurs contredit cette assertion. En effet, sauf si les auteurs font preuve d’une très grande rigueur, le sujet d’un fil tend naturellement à s’écarter du titre du premier message. Cet écart rend impossible le repérage d’un thème dans un fil sans le lire en entier et un fil peut traiter de plusieurs thèmes. En outre, le dernier message d’un fil ne se limite pas à répondre aux messages antérieurs de ce fil. En répondant à un fil, un auteur a aussi en mémoire tous les autres fils précédemment lus. De cette manière, un fil de discussion n’est jamais indépendant des autres fils et l’on peut souvent voir un thème traité de fil en fil.

Reyes a proposé une nouvelle interface de lecture des forums, permettant de superposer une vision chronologique et une vision par fils.

Figure 14. Interface de lecture (Reyes, 2005)

Dans l'étude d’un forum mené à Caen, (Lucas, 2005) propose de considérer le forum, non pas comme une succession de fils de conversation indépendants, mais plutôt comme une succession de messages constituant un unique récit collectif. Ce récit se composerait de périodes distinctes lors des discussions : ouverture, proposition, dramatisation, consensus et conclusion. Ces périodes seraient repérables par des indices comme la taille des messages, leur ton, leur fréquence et l’emploi de certaines expressions. Il y aurait ainsi une cohérence d’ensemble des messages, indépendamment des fils, correspondant à des tendances générales.

(Huynh Kim Bang et Bruillard, 2005) ont repris cette approche originale, encore peu explorée, pensant que considérer le forum comme un texte, avec de multiples structures non limitées aux seuls fils de discussions, pouvait aider à résoudre certains problèmes de lecture des interfaces classiques. Il s’agit en fait de considérer le contenu d’un forum comme un ensemble de fragments de textes ayant certaines propriétés et des liens explicites entre eux, c’est-à-dire un hypertexte dans lequel il peut être utile de fournir différentes navigations selon les envies et besoins des lecteurs. Huynh Kim Bang a développé une maquette pour tester ces idées, proposant une interface articulant une vue globale, inspirée de celle conçue par Reyes, et des vues locales.

Figure 15. Vue globale de l’interface Bobinette (Huynh Kim Bang, 2005)

Cette vue globale donne un aperçu de la dynamique des messages. Certaines caractéristiques de chacun d’entre eux peuvent être présentées, notamment la proportion des mots d’un thème, permettant des explorations thématiques. Cela peut guider vers la lecture de messages jouant un rôle particulier ou une liste de messages traitant d’un sujet particulier, indépendamment des fils dans lesquels ils apparaissent.

Figure 16. Vue locale de l’interface Bobinette (Huynh Kim Bang, 2005)

Une vue locale permet d’accéder au contenu des messages et met en évidence certaines caractéristiques jugées importantes. En développant des idées similaires, on pourrait concevoir une interface orientant la lecture vers un sous-ensemble des messages traitant de thèmes repérés, jouant un rôle particulier dans la discussion, etc.

B) Visualisations présentées au niveau de l’interface d’observation de l’interaction

On peut classer les types principaux de visualisation selon le nombre de variables pris en compte.

On trouve d’abord des graphes typiques montrant la variation de variables en fonction du temps (figure 17), notamment pour les indicateurs fortement dépendants de la variable temps, comme le taux de participation, le niveau d’interaction, le degré d’activité des acteurs, la popularité d’un sujet de discussion, etc.

Figure 17. L’indicateur « valeur d’interaction » en fonction du temps (Schummer et al., 2005)

D’autres représentations montrent la co-variation des deux variables à un moment donné ou dans une période spécifiée (par ex., messages lus par rapport aux messages postés).

Figure 18. Visualisation des indicateurs multiples en utilisant des métaphores : i-Tree (Nakahara et al., 2005)

Enfin, certains systèmes offrent une visualisation simultanée d’un certain nombre de variables (qui ne co-varient pas nécessairement) ou l’état d’un certain nombre d’indicateurs dans un même intervalle de temps. Dans la plupart des cas, il s’agit d’indicateurs complémentaires, visualisés dans la même représentation, correspondant à l’analyse des interactions d’un individu, d’un groupe, ou de toute une communauté (figure18). Ainsi, dans i-Bee, la visualisation est produite par un diagramme de correspondances multiples, incorporant trois variables, la popularité de chaque sujet de discussion, le degré d’activité de chaque participant, le sujet principal de discussion de chaque participant, visualisées par des métaphores : l’abeille (bee) (valeurs : active, flying and sleeping), la floraison (flowering period, full bloom, bud flower), la direction de la tête des abeilles et la distance entre les abeilles et les fleurs. De même, dans l’outil i-Tree (Nakahara et al., 2005), quatre variables sont représentées : le nombre de messages postés par participant, les messages lus par participant, le nombre des réponses et le ratio des réponses. Les métaphores utilisées sont celles de l’arbre : grosseur du tronc et nombre de branches en fonction du nombre de messages ; nombre de feuilles et degré de verdeur des feuilles selon le nombre de messages lus, les feuilles tombant lorsque les messages ne sont plus lus ; fruits rouges pour chaque message de réponse d’un autre participant ; teinte du ciel plus bleutée pour un ratio de réponse élevé (voir figure 18).

Si la plupart des visualisations concernent les indicateurs qui dépendent du temps, représentés par les graphes typiques correspondants, on commence à voir apparaître des tendances nouvelles et prometteuses.

- Des visualisations incorporent simultanément plusieurs indicateurs permettant de percevoir d’un seul coup d’œil une image complète de l’interaction, représentation dont l’utilité est attestée par des résultats de recherche, au moins pour les modérateurs (Petrou et Dimitracopoulou, 2003).

- L’utilisation de métaphores pour représenter les valeurs des variables peut offrir un cadre signifiant pour la visualisation simultanée des valeurs calibrées de plusieurs indicateurs.

La visualisation des relations sociales, actuellement représentées par des variations des diagrammes de réseaux d’analyses sociales ou par des diagrammes de correspondances multiples, peut rendre des services. Néanmoins, la représentation des relations sociales doit encore être explorée afin d’identifier une variété suffisante et pertinente (Reffay et Chanier, 2003).

Figure 19a. Première semaine de forum


Figure 19b. Évolution de diagrammes d’analyse de réseaux sociaux (première et troisième semaine), (Hlapanis et Dimitracopoulou, 2007)

En outre, certains indicateurs peuvent être considérés comme indépendants du temps, s’agissant d’estimer la qualité du processus ou la qualité de l’interaction ou du produit de la discussion. Les calculer dans des périodes de temps courtes n’a pas grand sens. Pourtant, il peut être intéressant de prendre en compte et de visualiser les changements qui apparaissent dans des périodes différentes d’interaction. La comparaison des valeurs de ces indicateurs est souvent très utile et puissante en termes d’interprétation (figure 19). Le forum i-Bee donne la possibilité d’observer l’évolution de l’état de l’interaction dans des périodes différentes (Michizuki et al., 2005) Très peu d’outils rendent cette fonctionnalité aisément accessible aux utilisateurs (participants ou observateurs).

4.2.2. Modèle produit par l’analyse des interactions et son expressivité

L’objectif principal de l’analyse des interactions, pour l’observation d’un forum, est de créer une image globale mais aussi détaillée de l’interaction et de la qualité du processus et de ce qui a été produit, afin de permettre aux participants d’y réfléchir et de s’autoréguler. Cette image, plus ou moins complète, est une sorte de modèle de l’interaction.

Nous pouvons distinguer trois niveaux d’expressivité des modèles fournis par les outils AIC actuels.

(a) Bas niveau : ces outils produisent un nombre limité d’indicateurs non connectés entre eux. C’est souvent le cas des composants simples d’analyse des interactions incorporés dans des forums spécifiques.

(b) Niveau intermédiaire : ces outils offrent un ensemble cohérent mais souvent partiel. Ils analysent un aspect de l’interaction ou s’adressent uniquement à un profil spécifique d’utilisateur (par ex., les modérateurs). Un exemple caractéristique de cette catégorie est l’analyse qui résulte de l’outil Degree (Barros et Verdejo, 2000), qui produit un ensemble cohérent relatif à la qualité de collaboration (figure 20).

Figure 20. Relations entre les indicateurs de Degree pour obtenir l’indicateur de « collaboration »

(c) Niveau élevé : cela correspondrait aux modèles intégrant des ensembles d’indicateurs cohérents pour une série d’aspects différents des interactions et de ce qui a été produit (par ex., aspects cognitifs, sociaux et affectifs).

Cette catégorisation représente l’état actuel d’un champ en émergence, dans lequel encore très peu d’outils AIC actuels produisent une image complète de l’interaction.

La puissance des modèles est reliée à la valeur interprétative des indicateurs. La plupart des outils actuels produisent des indicateurs de faible valeur interprétative (taux de participation, pourcentage des réponses aux messages, etc.). Peu de systèmes proposent des indicateurs de niveau d’interprétation élevé (tel l’indicateur « qualité de la collaboration » et sa définition, figure 20), (Barros et Verdejo, 2000).

Des travaux focalisés, approfondis, mais complémentaires d’un nombre croissant de chercheurs, contribuant au champ d’analyse des interactions, devraient aider à produire graduellement des modèles plus complets, c’est-à-dire des résultats d’analyse des interactions susceptibles d’offrir :

(a) une image complète d’une variété d’aspects (qualité du produit de discussion, qualification du processus de discussion, etc.), des ensembles plus complets d’indicateurs que l’on pourrait qualifier de modèle du processus de discussion,

(b) un ensemble d’indicateurs adaptés aux différents systèmes cognitifs qui se forment aux cours des discussions,

(c) des indicateurs adaptables dans des différents contextes de discussion asynchrone.

Pour le moment, on constate un développement d’outils d’analyse d’interaction conçus plutôt pour les administrateurs et les modérateurs de forum, alors qu’il y a encore peu d’outils pour les étudiants ou seulement des indicateurs partiels. En effet, certains outils produisent des indicateurs qui analysent vraiment les interactions pour permettre aux modérateurs de superviser, modérer, ou même évaluer le processus. Concernant les participants, et spécialement dans un contexte éducatif, dans la plupart des cas, il ne s’agit que d’indicateurs de base, offrant seulement des informations au niveau de la prise de conscience (combien de messages nouveaux, qui est en ligne, etc.). Ce manque ne permet pas de résoudre les difficultés d’intégration des forums dans des utilisations quotidiennes, surtout dans un contexte éducatif où le besoin de superviser et d’évaluer est extrêmement fort.

De nouvelles tendances de recherche prennent en compte les différents profils et les rôles des utilisateurs (Marcos et al., 2004), (Dimitracopoulou et al., 2004). En effet, une vision plus complète et dynamique est nécessaire pour étudier les différents systèmes cognitifs formés et explorer de nouvelles fonctionnalités, notamment en offrant des outils adaptables et optionnels (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005) pouvant permettre autant de spécifier les ensembles d’indicateurs les plus pertinents que de calibrer les valeurs des indicateurs d’une façon signifiante pour un contexte spécifique de discussion asynchrone.

5. Types d’utilisation des outils d’analyse des interactions

Nous avons distingué cinq grandes catégories d’utilisateurs potentiels des outils d’analyse des interactions et du contenu : (1) les étudiants, (2) les modérateurs, tuteurs ou enseignants, (3) les administrateurs d’un système de forum, (4) les chercheurs, ainsi que (5) le système lui-même. Chacun de ces acteurs peut utiliser les outils AIC afin d’obtenir une aide ou un support dans sa prise de décision suivant différentes dimensions, selon le ou les rôles qu’il assume. Aussi est-il utile d’examiner les utilisations par chacun de ces acteurs des outils d’analyse d’interaction et de contenu, dans un contexte éducatif, suivant un point de vue répondant à la question : quelles utilisations des outils AIC pour quelle prise de décision ? Par ailleurs, il peut être souhaitable que les mêmes outils soient utilisés par ces acteurs, afin qu’ils prennent des décisions sur des dimensions complémentaires.

Figure 21. Dimensions de prise de décision des acteurspendant l’utilisation des outils d’analyse d’interactions

Les types d’utilisations varient, selon les rôles dans la situation d’apprentissage, les objectifs, les caractéristiques et la structure de l’activité de discussion, ainsi que le contexte de l’interaction. On peut cependant donner des exemples indicatifs de prises de décision pendant l’usage des outils AIC par les acteurs (figure 21).

Laissant de côté les utilisations spécifiques des chercheurs et des administrateurs, nous allons présenter rapidement quelques exemples correspondant aux acteurs étudiants et modérateurs dans un contexte éducatif. S’agissant de l’acteur « système », nous avons déjà présenté les deux principaux types d’utilisation (offrir des possibilités enrichies à l’interface de lecture ou produire des messages de conseil ou de guidage aux participants) dans les sections précédentes.

5.1. Étudiants et prises de décision fondées sur les informations produites par les outils AIC

L’apprentissage étant vu comme un processus actif de construction des connaissances par un groupe, cela nécessite une participation croissante et active dans les discussions (voir section 3). L’autorégulation implique de surveiller l’activité courante, en la comparant à un modèle idéal de la situation sociale de dialogue et en contrôlant les actions lorsque apparaissent des divergences entre ce modèle et la réalité. Selon (Tschan, 2002), un modèle de l’interaction est rarement partagé de façon profonde par les membres d’un groupe. Afin de stimuler la réflexivité du groupe, Nelson (1999, cité par (Jermann, 2004), p. 49) propose d’inviter les membres à réfléchir sur leur fonctionnement de manière régulière alors qu’ils ne le font, le plus souvent, que lorsqu’un disfonctionnement apparaît. (Losada et al., 1990), quinze années auparavant, se référant à un contexte sans technologies informatiques, proposaient d’encourager la réflexivité d’un groupe en fournissant à ses membres un rapport sur leur fonctionnement.

Ainsi, l’une des principales raisons d’utilisation des outils AIC, par les étudiants, est de les aider à prendre conscience de leur propre fonctionnement au sein du groupe, du fonctionnement des autres participants ainsi que de celui du groupe dans son ensemble. Il s’agit pour eux de réfléchir sur la représentation proposée, le modèle qui leur a été fourni, en prenant aussi en compte leur propre modèle mental, conçu au cours de la participation, puis de mettre en œuvre des opérations métacognitives, afin de prendre une décision et de juger s’il est nécessaire d’ajuster leur comportement ou d’accomplir de nouvelles actions, afin d’autoréguler leur propre fonctionnement (actions/activité) ou d’influer sur la régulation du groupe ou même de la communauté.

S’il n’y a pas encore de recherches complètes sur l’ensemble des prises de décision des étudiants lorsqu’ils utilisent des outils d’analyse des interactions, on peut toutefois en distinguer plusieurs types fournissant une partie du spectre des régulations possibles. Ces prises de décision peuvent concerner, d’une part, la régulation de leurs propres actions à un niveau individuel ou au niveau du groupe et, d’autre part, l’organisation même du processus de discussion.

5.1.1. Régulation de leurs propres actions

Régulation du degré ou du mode de participation individuelle (aspects sociocognitifs)

Dans une situation de consultation régulière des outils AIC, des étudiants peuvent adapter leur comportement. Ainsi, s’ils ont accès au degré de participation des individus, membres d’un forum de discussion, lorsqu’ils constatent que leur propre niveau de participation est bas par rapport aux autres, ils tendent à augmenter ces pourcentages, en postant plus de messages (Nakahara et al., 2005), (Vassileva et al., 2004).

Toutefois, selon plusieurs recherches, les indicateurs dédiés à la réflexion augmentent souvent la participation, mais pas toujours la qualité des contributions (Cheng et Vassileva, 2005), (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2006), (Zumbach et al., 2005). Ce résultat est en partie lié à la qualité de l’ensemble des indicateurs offerts dans chaque cas, mais aussi aux méthodes de recherche employées. En effet, on a besoin de recherches plus informatives et de type interprétatif.

Par exemple, dans une étude de cas impliquant des étudiants de premier cycle, ces derniers, ayant à leur disposition des diagrammes d’analyse de réseaux sociaux, semblent s’être plus connectés avec leurs collaborateurs, en essayant d’interagir plus avec les autres afin d’améliorer la qualité de la conversation (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2006). Une autre étude expérimentale des mêmes auteurs, impliquant des étudiants de second cycle, montre l’effet de l’indicateur « structure de l’arbre » sur une meilleure participation à différents fils de discussion, en comparaison avec un groupe contrôle (qui n’avait pas à sa disposition cet indicateur).

Régulation de l’estimation de l’appréciation de la contribution d’un individu par les autres dans un groupe

L’indication de l’appréciation de la participation d’un étudiant par les autres individus du même groupe peut s’avérer utile. Une étude exploratoire (Bratitsis et Dimitracopoulou à paraître, 1000) révèle ainsi un phénomène intéressant. Au début (les premières semaines où ils observaient les indicateurs), les étudiants considéraient que recevoir un certain nombre de réponses sur une de leurs contributions, indiquait leur « acceptation » par les autres membres du groupe. Progressivement, cette idée s’est modifiée, l’indication du nombre de membres ayant lu leur message s’avérant autant, voire même plus significative. Cette considération a été validée, en observant les indicateurs visualisés examinés par les utilisateurs. Alors qu’au début de la discussion, les indicateurs présentant le nombre d’usagers postant des réponses à leurs messages étaient plus demandés que ceux fournissant le nombre de membres ayant « lus » leurs messages (95% et 55% valeurs moyennes correspondantes), ces pourcentages s’inversent vers la fin de la discussion.

Régulation du groupe sur le contenu de la discussion (aspects cognitifs)

Si très peu de recherches impliquent des indicateurs d’analyse de contenu, en raison de l’état encore embryonnaire de l’analyse automatique de contenu, deux cas de prise de décision méritent d’être cités. Ils proviennent d’une recherche exploratoire de (Michizuki et al., 2005) sur l’outil i-Bee, dont les indicateurs (présentés dans la section précédente) sont calculés à partir de mots-clés.

En examinant les protocoles des étudiants utilisant la visualisation de l’outil i-Bee, les chercheurs ont mis en évidence un cas où les élèves ont identifié des points communs de discussion, sur des messages postés par des participants différents, ce qui les a incité à lire et à re-lire les messages correspondants, dans le but de répondre aux sujets qui discutaient des mêmes aspects. L’autre cas relevé montre les opportunités offertes par les indicateurs pour favoriser la réflexion sur l’évolution de sujets particuliers de discussion au niveau du groupe.

5.1.2. Régulation de la gestion du processus de discussion

Dans des activités de discussion structurées en plusieurs phases, il est nécessaire d’organiser et de gérer le processus global de cette activité. Des étudiants considèrent que quelques groupes d’indicateurs, tel l’« indicateur de l’activité relative » (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2005), les aident à remarquer notamment des périodes de participation croissante au cours de la discussion. Par ailleurs, en désignant le début ou la fin des phases distinctes, cela les aide à mieux percevoir la planification effective de l’activité, leur fournissant des indications précieuses sur comment et quand ils devraient agir. Durant des phases de coordination et des phases de résumé/synthèse, dans deux études expérimentales (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2006), les étudiants ont exprimé leurs préférences. Ainsi, ils apprécient certains indicateurs susceptibles de les aider à décider si les réponses reçues sont suffisantes, afin soit de débuter l’étape suivante soit d’attendre encore un peu, et ceux leur permettant d’identifier les étudiants les plus actifs, qui auront une meilleure appréciation de l’ensemble de l’activité, afin de les contacter et de leur demander leur assistance, en formant un petit sous-groupe pour produire ce résumé/synthèse.

Les cas qui viennent d’être cités ne constituent que quelques exemples d’utilisations par les étudiants des outils d’analyse des interactions. De nouveaux exemples ne tarderont pas à être diffusés. En tout cas, il est à noter, qu’en général les étudiants apprécient d’avoir ces indicateurs à leur disposition. A titre d’illustration, on peut relever la réaction d’une étudiante lors d’un entretien avec un chercheur (Bratitsis et Dimitracopoulou à paraître, 1000) : « les indicateurs nous aident à évaluer notre participation et révèlent si on respecte ou non le processus de discussion ».

En plus, ces simples exemples nous montrent que les indicateurs AIC, et leur utilisation par les étudiants, affectent le comportement des participants et, par extension, leur processus d’apprentissage. L’effort déployé par les étudiants pour améliorer leur statut de participant, dans l’activité de discussion, peut conduire à leur faire atteindre un niveau significatif d’engagement, facilitant le raisonnement critique et le maintien de discussions effectives (Pallof et Pratt, 1999), (Garisson et al., 2001), (Schellens et Valcke, 2005).

5.2. Modérateurs/enseignants et prise de décisions fondée sur les outils d’analyse des interactions

On peut distinguer trois grandes catégories d’utilisation des outils AIC par les modérateurs de discussions asynchrones : aide à la décision sur le type d’intervention à entreprendre ; support à l’évaluation sommative des participants ; aide à l’autoévaluation et l’autorégulation de leurs propres interventions/actions en tant que modérateurs.

5.2.1. Décision sur le type de modération à entreprendre

Dans une discussion asynchrone en cours, disposer d’indicateurs relatifs permet de comparer les « arbres de discussion » et d’intervenir, si nécessaire, afin de garantir un nombre minimal de branches ou même de « feuilles », par un nombre suffisant de messages (voir un exemple en formation à distance, (Gerosa et al., 2005)).

De façon similaire, lorsque la catégorisation des types des messages est appliquée, les indicateurs relatifs aident les modérateurs à identifier la direction prise par la discussion. Ainsi, si un arbre ou une branche ne contient que des messages d’argumentation, sans aucun message de confrontation (ce qui, en général, n’est pas favorable dans une pratique d’argumentation), il peut être utile d’intervenir. De même, une contre-argumentation excessive devrait attirer l’attention des modérateurs.

Les indicateurs peuvent aussi faciliter l’identification de participants ne postant que des messages très courts, en essayant surtout d’apparaître comme étant les plus actifs, tentant de « tromper » l’outil d’analyse des interactions (Bratitsis et Dimitracopoulou, à paraître), (Cheng et Vassileva, 2005). Dans de telles circonstances, les modérateurs peuvent consulter une combinaison d’indicateurs représentant le taux de participation, ainsi que la taille des messages postés, de même que le nombre des messages lus, etc. De façon analogue, cela peut aider à identifier des étudiants ayant tendance à n’agir qu’à la fin et ne participant pas de manière active tout au long du processus (Gerosa et al., 2005).

Dans la plupart des cas, les modérateurs sont aussi chargés des tâches de gestion du processus de l’activité de discussion, impliquant la formation des groupes, la coordination, etc. Ainsi, lorsqu’ils souhaitent proposer une sous-tâche à un étudiant spécifique, par exemple préparer le sommaire de la discussion, la consultation d’indicateurs peut les aider (par exemple Classification indicator, (Bratitsis et Dimitracopoulou, 2006)) pour identifier l’étudiant qui participe le plus ou au contraire un étudiant qui est relativement passif.

5.2.2. Évaluation des étudiants

L’évaluation de la discussion sur un forum peut s’effectuer tant au niveau individuel qu’au niveau du groupe. S’agissant de l’évaluation individuelle, et plutôt de l’évaluation sommative, il n’y a pas encore d’outils bien établis pour la supporter complètement, ni certainement de consensus sur la manière de procéder. Un exemple de support partiel, avec une approche particulière de l’évaluation, a été appliqué à l’université à distance AULA (Gerosa et al., 2004).

Les outils AIC peuvent fournir une évaluation préliminaire de la qualité d’une discussion. L’objectif de certains chercheurs (Gerosa et al., 2005), (Bratitsis et Dimitracopoulou, à paraître) est d’explorer la possibilité d’avoir un aperçu des discussions sans avoir à lire le contenu de tous les messages, lorsqu’une analyse automatique du contenu n’est pas disponible. Pour cela, une combinaison d’indicateurs est nécessaire, afin d’indiquer les messages importants à lire. Différents indicateurs permettent de sélectionner les fils de discussion les plus importants, ce qui diminue l’effort de lecture et d’analyse pour le modérateur, ce qui s’avère très pratique lorsque des groupes de taille conséquente interagissent.

En tous cas, il faudrait développer des recherches sur la manière d’évaluer l’activité des étudiants (que cette évaluation soit ou non automatique) dans des discussions asynchrones en essayant de mieux comprendre comment les forums peuvent être utilisés pour favoriser un engagement actif et le discours dans des contextes éducatifs (Garisson et al., 2001), (Jarvela et Hakkinen, 2003), (Jeong, 2003). Une question essentielle est de déterminer les facteurs pédagogiques et contextuels permettant d’obtenir des conversations de qualité (Jarvela et Hakkinen, 2003).

5.2.3. Autorégulation des stratégies de modération

Il n’y a pas encore de recherche ayant étudié comment les modérateurs prennent en compte les informations fournies par les outils d’analyse des interactions, afin d’étudier leur propre fonctionnement. Toutefois, à partir des recherches similaires dans d’autres contextes – outils d’analyse des interactions pour la résolution collaborative synchrone de problèmes (Petrou et Dimitracopoulou, 2003) –, on peut induire deux cas d’utilisation.

D’abord, une réflexion en cours d’évolution de la discussion peut orienter le choix d’une nouvelle intervention dans le cas où le modérateur juge son intervention précédente peu efficace ou pour simplement retenir des conclusions générales sur l’efficacité ou les conditions d’applications d’interventions similaires.

Ensuite, à l’issue d’une session de discussion asynchrone, l’étude des valeurs des indicateurs disponibles, pour toutes les phases significatives d’évolution de la discussion, permet de réfléchir sur les phénomènes apparus et les effets de ses propres interventions (ou absence d’intervention) sur la dynamique et la qualité de la discussion qui a eu lieu. Une telle réflexion peut conduire à valider des stratégies de modération et des interventions spécifiques entreprises dans des conditions précises ou au contraire à identifier des cas, où d’autres types d’interventions pourraient être plus efficaces.

5.3. Perspectives d’utilisation des outils d’analyse des interactions

Comme nous venons de le voir, des utilisations des outils d’analyse des interactions et du contenu dans les forums peuvent être aisément énoncées et sont déjà attestées. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment en termes de recherches sur l’étude approfondie des effets des nouvelles fonctionnalités offertes par l’analyse automatique des interactions. Jusqu’alors, différentes recherches ont montré que, si les participants des forums de discussion s’intéressent à ces nouvelles fonctionnalités, leur effet est loin d’être optimal.

D’abord, il faudrait mieux connaître et prendre en compte les usagers. On se contente trop souvent de mesurer des changements de comportement pendant la discussion (Nakahara et al., 2005), (Michizuki et al., 2005), (Reyes, 2005) et on collecte trop rarement des données sur la manière dont les utilisateurs perçoivent ces indicateurs et sur leurs besoins. Les concepteurs n’impliquent pas les utilisateurs dans une approche participative.

Il serait également nécessaire d’étudier en profondeur la manière dont les nouvelles fonctionnalités des interfaces enrichies ainsi que des indicateurs influencent le raisonnement et le comportement des usagers (par exemple, avec des observations et des entretiens pendant le fonctionnement). Ces effets seraient aussi à étudier à long ou moyen terme, non juste sur une ou deux sessions.

Ensuite, il faudrait étudier les modalités de visualisation des indicateurs utilisés. Comment les utilisateurs sont à même de les percevoir (problème de visibilité), de les lire (ergonomie cognitive, problème de lisibilité), de les interpréter et de les utiliser (problème d’utilisabilité) ? En particulier, vérifier les écarts éventuels entre les intentions des conceptions et l’interprétation des utilisateurs. Toutefois, les quelques expérimentations que nous avons citées attestent d’une certaine acceptabilité des indicateurs proposés.

Enfin, il faudrait davantage de collectes de données dans des contextes naturels d’utilisation, prenant notamment en compte le contexte d’utilisation ainsi que la culture dominante. Existe-t-il une culture propice à l’autoévaluation ? Y a-t-il des critères et des normes implicites ou explicites pour juger la qualité de la participation et surtout de la contribution ? Il faut également tenir compte de phénomènes de scolarisation, induisant des contrats spécifiques avec les participants, contraignant leur participation ou induisant certaines formes de participation sujettes à observation, voire à évaluation (voir par exemple, (Campos, 2004) pour des modalités d’évaluation à l’université). En particulier, introduire des modes d’évaluation des activités sur un forum de discussion intégrant certaines modalités de participation (nombre de messages envoyés, longueur des messages, types de messages, etc.) a un effet immédiat d’incitation, les participants adaptant leur comportement à ce qu’ils perçoivent comme étant attendu, sans toujours améliorer la qualité de leur participation et plus largement la qualité de l’interaction dans un groupe.

Un autre type de question devrait émerger avec la diffusion d’outils d’analyse des interactions. En effet, il convient d’être prudent dans leur utilisation : renvoyer à quelqu’un une image de son comportement n’est jamais anodin. Rendre publique une telle image encore moins. Ainsi des questions de nature déontologique et éthique devront être posées et devraient se préciser au fur et à mesure de l’intégration de ces outils dans des formations à caractère non expérimental. Elles sont d’ordre culturel et ne seront pas traitées de la même manière selon les pays (en particulier les questions d’anonymat et de protection de la vie privée). Les formations seront amenées à passer des contrats clairs entre tous les membres, quant aux modalités d’utilisation de ces outils d’analyse des interactions.

6. Conclusion et perspectives

Le champ de l’analyse des interactions dans les activités collectives à visée éducative est une direction de recherche nouvelle, dans le cas des forums de discussion. Son objet principal est d’offrir une interface de lecture enrichie (en intégrant des fonctionnalités mises en œuvre par l’analyse des interactions) et une assistance cognitive et métacognitive aux participants et observateurs des discussions asynchrones par la visualisation d’informations pertinentes.

Plusieurs champs de recherche peuvent contribuer à son développement de par leurs considérations théoriques, leurs développements technologiques et leurs résultats de recherche (Dimitracopoulou et al., 2005) : (i) le domaine de l’intelligence artificielle appliquée à l’éducation, (ii) le CSCW ou TCAO (Computer supported collaborative work ou travail coopératif assisté par ordinateur), qui a notamment permis de faire émerger la notion de workspace awareness ou de « prise de conscience de l’espace du travail » (Gutwin et Greenberg, 2002), (iii) les applications technologiques des sciences sociales qui ont produit des outils d’analyse des interactions a posteriori pour les chercheurs (par ex., Observer, XT, Noldus), sans oublier l’apport général des sciences humaines et sociales, des analyses manuelles pouvant ouvrir de nouvelles pistes ou attester de résultats intéressants.

6.1. Un bilan sur les outils existants

Examinons maintenant, à la lumière de l’analyse des interactions, les liens entre les deux approches étudiées consistant d’une part à améliorer l’interface de lecture et d’autre part à offrir des informations pour la méta-réflexion et l’observation des forums. En particulier, quelles caractéristiques des indicateurs AIC y sont utilisées ?

Concernant l’interface de lecture, les indicateurs visibles (c’est-à-dire ceux présentés aux utilisateurs) sont surtout de nature sociale et offrent une aide à la prise de conscience de l’espace de travail. Les indicateurs invisibles (leurs valeurs sont prises en compte par le système sans que l’usager en soit informé) sont le plus souvent de nature cognitive, l’interface présentant des représentations alternatives de l’espace de travail.

Concernant les interfaces des outils d’observation des interactions, les indicateurs, le plus souvent transparents aux utilisateurs, sont soit sociaux (représentant les interactions du groupe) soit cognitifs ou même affectifs, et sont présentés pour favoriser des prises de conscience ou donner certaines estimations. D’autres indicateurs sont pris en compte par le système qui, à son tour, évalue les participants ou les guide.

Jusqu'à présent, dans les outils développés, on trouve surtout des outils de forum exploitant l’analyse des interactions pour enrichir l’interface standard en offrant des informations simples (avec des indicateurs sociaux de bas niveau), ainsi qu’un nombre très restreint d’outils de forum prenant en compte des indicateurs afin d’offrir des interfaces de lecture alternatives. En parallèle, un petit nombre d’outils de forum incorporent ou sont associés à des outils AIC, qui calculent des indicateurs fournissant une aide métacognitive aux participants ou une assistance cognitive aux observateurs, tels i-Bee et DIAS.

Finalement, aucun système n’incorpore encore vraiment les deux approches (interface de lecture et interface d’observation/réflexion). En particulier, aucun système n’offre conjointement des interfaces alternatives et des indicateurs élaborés de méta-réflexion. Mais le nombre actuel restreint d’interfaces enrichies de forums n’est pas surprenant compte tenu de la nouveauté de cette voie de recherche consacrée à l’analyse automatique des interactions.

6.2. Vers la conception des nouveaux indicateurs

La recherche sur la conception d’interfaces enrichies de forum doit prendre en compte différentes dimensions.

D’abord concevoir des indicateurs AIC pertinents. Pour cela, il faudrait élaborer un registre étendu d’indicateurs significatifs calculés de manière automatique. Même si la recherche a beaucoup progressé, il reste encore beaucoup à faire avant de pouvoir disposer d’indicateurs cognitifs analysant effectivement les processus de discussion, ainsi que leurs produits. Des progrès dans l’analyse automatique du contenu pourraient contribuer de manière importante à dépasser les limitations existantes, sachant toutefois qu’il y a certainement des limites à ce que l’on peut mettre en place de manière automatique (voir (Desjardins, 2002), pour une analyse). On peut également faire l’hypothèse de régularités structurales de certains forums, du type de celles mises en évidence par (Lucas, 2005) ou (Clouet, 2005). De telles structures pourraient fournir des repères dans le déroulement d’une discussion.

De nombreux indicateurs sociaux ont été proposés par les chercheurs ces dernières années. On peut penser que l’avancée des recherches sur les phénomènes liés à la cognition humaine fournira des idées plus claires sur les types d’indicateurs nécessaires et sur leur signification. Il nous faut, en effet, combler le fossé entre des indicateurs facilement récupérables et calculables (indicateurs techniques et computationnels) et ceux qui s’avèrent importants pour la gestion de la discussion (indicateurs psychologiques ou pédagogiques) (Jermann, 2004).

Une autre piste importante serait de mieux identifier le statut des indicateurs « prise de conscience », « estimation » ou « évaluation » et « guidage ». Alors que la plupart des indicateurs actuels offrent une assistance au niveau de la prise de conscience (fournissant une sorte de mémoire externe, donnant d’autres points de vue, des informations sur les actions des autres membres), il conviendrait d’offrir une assistance pour l’estimation ou, mieux encore, pour l’évaluation. Mais c’est une question de recherche redoutable. Dans les deux cas, il importe de calibrer les valeurs des indicateurs dans des contextes spécifiques en prenant en compte des facteurs multiples (style d’activité de discussion, grandeur du groupe ou de la communauté, rôles des individus dans le groupe, âges des membres, etc.) (Caspi et al., 2003), (Williams et Murphy, 2002).

Des visualisations plus puissantes sont également à concevoir. Des systèmes fournissent déjà non de simples indicateurs statiques mais leurs variations, notamment sous forme de graphes en fonction du temps. Deux voies prometteuses de recherche sont récemment apparues : des visualisations incluant un certain nombre d’indicateurs complémentaires dans la même représentation et l’utilisation de métaphores dans la représentation de valeurs calibrées, ce qui peut avoir un puissant effet.

6.3. Vers la conception de nouvelles interfaces enrichies

Fournir une conception complète des outils AIC et des interfaces enrichies est un objectif important. Cela conduit à accentuer nos efforts dans plusieurs directions.

S’adresser à une plus grande variété de profils et de rôles pour les utilisateurs, ce que ne font pas encore les outils actuels, par ailleurs plutôt conçus pour les administrateurs et les modérateurs que pour les participants aux forums. Pourtant, des usagers différents ont, en général, besoin d’ensembles d’indicateurs différents ou encore de représentations différentes du même indicateur.

Incorporer des indicateurs reconnaissant des points de vue multiples sur les systèmes cognitifs formés, notamment sur ceux qui émergent durant une discussion asynchrone. Cela apparaît essentiel pour prendre en compte la dynamique de la cognition d’un groupe. Pour cela, il faudrait mieux explorer les points de vue non différenciés sur ces systèmes et faire adopter simultanément plusieurs points de vue à un ensemble d’indicateurs.

Concevoir des outils ayant une grande puissance explicative. Les systèmes actuels n’offrent qu’un nombre restreint d’indicateurs, non connectés entre eux, alors qu’il faudrait offrir une image complète des divers aspects de l’interaction (cognitive, sociale, affective), en prenant en compte tant les interactions que le contenu de la discussion.

Enfin, pour le développement effectif des interfaces enrichies, deux aspects nous paraissent cruciaux :

- Identifier et incorporer des méthodes d’analyse des interactions plus puissantes. Pour le moment, les analyses statistiques sont privilégiées alors qu’il faudrait davantage d’analyse du contenu et plus largement, convoquer une grande variété de méthodes d’analyse complémentaires

- Concevoir des interfaces enrichies adaptables. Cela peut aider à résoudre le problème du champ de validité restreint des indicateurs (visibles ou invisibles) et surtout répondre aux besoins variés des usagers. Il s’agit de créer des interfaces adaptables permettant aux usagers d’une part de choisir les ensembles d’indicateurs les plus pertinents dans un contexte de discussion donné et d’autre part d’ajuster ces indicateurs en définissant leurs normes (en adaptant le calibrage de leur valeurs).

Remerciements

Le premier auteur remercie le Kaleidoscope Network of Excellence (FP6-2002-IST-507838 Technology Enhanced Learning, TEL), 2003-2007, dont les activités de recherche (JEIRPS), ICALTS et Interaction Analysis (IA), ont inspiré le travail présenté. Nous remercions également les relecteurs de STICEF dont les remarques ont permis une amélioration notable de ce texte.

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A propos des auteurs

Angélique DIMITRACOPOULOU est professeur de l’université de la Mer Égée, en Grèce, au département de sciences humaines, dans le domaine de la conception des EIAH. Elle a une maîtrise en sciences physiques et a soutenu, en 1995, un doctorat à l’université Denis Diderot (Paris 7, LIREST). Elle est l’auteur de plus de 120 articles concernant les TICE, en particulier la conception d’EIAH (systèmes de collaboration, de modélisation, de tutorat intelligent, outils supportant des communautés d’apprentissage, etc.), les activités d’apprentissage en sciences et la politique d’intégration des TICE dans différents contextes et systèmes éducatifs.

Adresse : TEPAES Department, University of the Aegean, 1, Av. Democratias, GR85100, Rhodes, GREECE

Courriel : adimitr@Rhodes.Aegean.gr

Toile : http://www.ltee.gr/adimitr

Éric Bruillard est professeur des universités en informatique à l'IUFM de Créteil. Ses recherches portent, depuis plus d'une vingtaine d'années, sur les questions de conception et d'usage des technologies issues de l'informatique dans l'éducation. Elles ont été menées d'abord avec le Centre mondial de l'informatique (années 80) puis en relation avec l'INRP (institut national de recherche pédagogique) avec le département TECNE, au LIUM (laboratoire d'informatique de l'université du Maine) et au Greyc (équipe IsLand), maintenant au sein de l'UMR STEF. Elles s'inscrivent à l'articulation entre l'informatique, les sciences de l'éducation et les sciences de l'information et de la communication. Elles couvrent des questions de didactique de l'informatique, de didactique des progiciels et de formation des enseignants aux technologies issues de l'informatique.

Adresse : UMR STEF ENS Cachan – INRP, Bâtiment Cournot - ENS de Cachan, 61 av du Président Wilson 94235 Cachan cedex

Courriel : eric.bruillard@creteil.iufm.fr

Toile : http://www.stef.ens-cachan.fr/annur/bruillard.htm

 
Référence de l'article :
Angélique DIMITRACOPOULOU, Éric BRUILLARD, Enrichir les interfaces de forums par la visualisation d’analyses automatiques des interactions et du contenu, Revue STICEF, Volume 13, 2006, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 21/02/2007, http://sticef.org
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Mise à jour du 23/03/07