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Leçons tirées du couplage entre un LCMS et un LMS
Erik Gebers HDS-UI ICS, Compiègne
Paul Campana, Fernand Ettori, Raphael Papi SPE, Corte
Manuel Majada UI ICS, Compiègne
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RÉSUMÉ : Les systèmes de gestion de formations se présentent le plus souvent comme des applications tout-en-un, prenant en compte aussi bien la diffusion des contenus de formation que leur production. Or, lorsque nous sommes confrontés à une problématique d’industrialisation de la production des contenus de formation, cette approche est insuffisante. Nous présentons dans cet article une architecture où la production et la diffusion des contenus sont assurées par des systèmes distincts. Malgré le problème d’interopérabilité intrinsèque à une telle approche, nous verrons que cette dernière est mieux adaptée à des contextes de production massive de contenus de formation. Sa mise en oeuvre dans le cadre du projet PISPN illustre les implications d’une telle architecture et nous permet de réaliser une étude pratique de l’interopérabilité de ces deux types de systèmes avec le standard SCORM.
MOTS CLÉS : Système de gestion de formations, systèmes de gestion de contenus de formation, ENT, SCORM, SCENARI, Blackboard, standards. |
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ABSTRACT : Learning Managing Systems tend to be all in one applications, managing both the production and the delivery of pedagogical content. However, when we are dealing with an industrialization approach of content production, such applications are hardly up to the task. In this paper, we present an architecture where content production and content delivery are ensured by distinct systems. Despite the intrinsic interoperability problem bound to such an approach, we will see that it is a better solution whenever dealing with the production of large volumes of pedagogical content. Its implementation in the PISPN project illustrates the implications of such an architecture and provides a practical case to study the interoperability of these two types of systems with the SCORM standard.
KEYWORDS : LMS, LCMS, SCORM, SCENARI, Blackboard, standards. |
1. Introduction
Dans le cadre de l’informatisation des ressources de formation, les universités utilisent des plates-formes logicielles pour la production de contenus de formation et pour la gestion du déroulement des formations. Cela concerne autant les cours de type "présentiel" que ceux "distanciel" ainsi que tous les dispositifs intermédiaires1 (Haeuw, 2004). Ces plates-formes peuvent être groupées sous la forme d’un système unique qui cumule les fonctions d’édition de contenus ou d’intégration de contenus produits avec des outils auteurs (word, powerpoint, flash...) à celles d’exploitation de ces contenus. L’alternative à ces systèmes tout-en-un, que nous présentons dans cet article, est une autre approche fondée sur deux plates-formes techniquement différentes, l’une dédiée à l’édition et l’autre à la gestion des formations. Naturellement, de cette dissociation émerge un besoin en matière d’interopérabilité entre les deux plates-formes afin qu’il n’y ait pas de rupture dans le cycle de vie des contenus de formation numériques. Nous verrons néanmoins que le recours à des systèmes distincts présente un intérêt organisationnel et fonctionnel pour la constitution d’une architecture logicielle de gestion des contenus de formation pour une institution.
Dans cet article, nous allons présenter tout d’abord quelles ont été les motivations de mise en place du dispositif informatique de l’Université de Corse ainsi que les critères utilisés pour le choix de l’architecture logicielle de leur Espace Numérique de Travail (ENT). Nous verrons ensuite plus en détail la mise en œuvre de notre dispositif, le problème d’interopérabilité mis en évidence et sa résolution proposée. Enfin, nous étudierons les résultats de ce travail pour dégager des perspectives et situer les évolutions envisagées pour le système.
2. Contexte, motivations et choix réalisés
2.1. Le projet PISPN
Le projet "Production Industrialisée de Supports Pédagogiques Numérisés" (PISPN) associe l’Université de Corse (UNIVCORSE), l’Unité d’Innovation Ingénierie des Contenus et Savoirs de l’Université Technologique de Compiègne (UTC-UIICS) et la Société Arobase (AROBASE). Il a débuté en novembre 2003 et doit aboutir, dans une durée impartie de 18 mois, à la production de contenus de formation numériques représentant environ 300 heures d’enseignement. Les formations visées proviennent de disciplines diverses (informatique, chimie, mathématiques, physique, biologie, langue, culture corse, histoire des sciences, droit et économie). Le projet doit in fine apporter l’outillage et la méthodologie de production de ressources à un projet de plus grande envergure : l’Espace Numérique de Travail (ENT) Montecristo. Il s’agit d’un "dispositif global fournissant aux acteurs du système éducatif de l’enseignement supérieur (étudiants, enseignants, etc.) l’accès, à travers les réseaux, à la quasi totalité des ressources, services et outils numériques en rapport avec leurs activités" (ENT, 2005). Il est par conséquent primordial que les choix technologiques faits dans le cadre du projet PISPN puissent être intégrés dans l’ENT.
Les contenus de formation sont des ressources documentaires (images, textes, sons...) agrégées et scénarisées pour une activité pédagogique donnée. Ce sont des objets pédagogiques qui contiennent des informations sur lesquelles s’appuient les activités pédagogiques, ce qui correspond à la notion "d’objet de connaissance" dans la classification introduite par Koper (Koper, 2003) ou encore de "ressource composite de manipulation de connaissances" introduite par Pernin et Lejeune (Pernin et Lejeune, 2004). La valorisation de ces contenus fait partie des objectifs du projet PISPN qui doit permettre leur utilisation dans des contextes multiples. En effet, les contenus seront utilisés selon cinq scénarii possibles d’intégration des TICE dans l’enseignement supérieur, distingués par la classification de l’outil Competice : le présentiel enrichi, le présentiel amélioré, le présentiel allégé, le présentiel réduit et le présentiel quasi-inexistant. De plus, ils doivent pouvoir être intégrés à d’autres dispositifs documentaires que celui de la diffusion des contenus de formation en ligne (bibliothèque universitaire et fonds documentaire régional). Ils doivent donc pouvoir être adaptés à différents supports (papier et écran, avec plusieurs déclinaisons selon la mise en forme mais aussi le niveau d’interactivité souhaité), qui conviennent à des contextes d’utilisation différents. C’est le critère multi-supports de l’ingénierie documentaire.
Toutefois nous ne souhaitons pas que le multi-supports se fasse au détriment des objectifs pédagogiques et didactiques du projet : nos contenus doivent être incitatifs à un apprentissage de qualité (interactivité, multimédia,...) et réduire l’impact des éléments bloquant l’apprentissage (lecture à l’écran, granularité trop importante, hétérogénéité des structures graphiques rencontrées...). Très concrètement, dans des contextes de formation en ligne, les contenus doivent permettre à chaque apprenant d’annoter à son gré le cours puis de retrouver ses notes et les enrichir à chaque nouvelle session de consultation du cours. À cela s’ajoutent des interactions de type QCM, questions ouvertes, rédaction de synthèses et résumés ainsi que des fonctions transversales telles que la navigation dans le cours d’après les annotations prises par l’apprenant lors de sessions antérieures.
2.2. Choix de l’architecture logicielle
Comme nous venons de le présenter, le projet PISPN s’intègre au projet plus large de l’ENT Montecristo. Il doit par conséquent apporter des briques logicielles qui viendront compléter l’ensemble des services mis à la disposition des utilisateurs de l’ENT. Pour la diffusion des contenus de formation en ligne, le choix de l’ENT Montecristo s’est porté sur le Learning Management System (LMS : Système de gestion de formations) Blackboard (BB), qui présente un ensemble de fonctionnalités attractives, des aspects économiques intéressants et une compatibilité assurée avec le socle logiciel de l’ENT. Quant à la production des contenus, notre choix ne s’est pas porté sur les fonctions de production incluses dans Blackboard. La plate-forme permet en effet d’insérer un fichier bureautique quelconque et propose également un outil éditeur HTML pour créer un contenu pédagogique. Ce contenu peut être structuré de manière hiérarchique ou séquentielle grâce à la gestion de paquets au format LRN, format de contenus de formation développé par Microsoft basé sur IMS Content Packaging. Le LMS permet en outre d’ajouter à ces contenus des ressources (image, son ou vidéo), de créer des évaluations (sous forme de QCM, questions ouvertes, exercices d’appariement...) et d’intégrer des liens vers d’autres ressources web. Lors de l’utilisation de l’éditeur, les ressources produites sont directement intégrées dans la plate-forme de diffusion, et prêtes à l’emploi. Malgré la compatibilité maximum entre contenus et plate-forme de diffusion assurée par cette solution, elle n’apporte pas de réponse suffisante aux besoins du projet puisqu’elle ne satisfait pas le critère multi-supports. En effet, les contenus devant être utilisés dans d’autres contextes, comme par exemple la consultation de leur version papier à la bibliothèque universitaire, ils doivent être utilisables sans le LMS.
Une autre possibilité pour la production des contenus de formation consiste à avoir recours à une brique logicielle dédiée à cette tâche : dans ce cas, il est nécessaire de mettre en place un format d’échange entre la brique de production et celle de diffusion, afin que la chaîne documentaire ne soit pas rompue. Le problème rencontré par l’Université de Corse, i.e. de massification des ressources documentaires numériques, est partagé par de nombreuses universités2 (Crozat et al., 2003). Il nécessite la mise en place d’une méthodologie de production et le recours à des outils spécifiques aux besoins liés à la production en masse de contenus, qui ne sont pas intégrés au LMS (Ettori, 2004). Les chaînes éditoriales répondent à ces besoins via une exploitation dirigée par des modèles documentaires et pédagogiques. Celle-ci apporte un contrôle uniforme et permet d’instrumenter la production et la publication de manière industrielle, contrôlée et rationalisée (Crozat, 2004). En effet, ces chaînes éditoriales utilisent un format de production réalisant la séparation entre fond et forme, généralement fondé sur le XML, ce qui permet d’assurer une malléabilité et une pérennité accrue des contenus. C’est par ce format de production pivot qu’une approche multi-supports peut être mise en œuvre : un même jeu de fichiers définissant un contenu de formation, en XML par exemple, sert de base à la production automatique de différents supports pour la formation (Figure 1). Dans le projet PISPN, la chaîne éditoriale SCENARIchain a été sélectionnée comme outil de production, notamment pour sa robustesse éprouvée dans des contextes de production massive (Bachimont et Crozat, 2004).
Figure 1 : Un système multi-supports et multi-usages
Nous avons donc in fine un système documentaire intégré à l’ENT Montecristo qui consiste en un outil de production, le progiciel SCENARIchain, et un LMS, Blackboard, qui assure le déroulement des formations. Cette architecture, comme nous le verrons, s’avère très flexible. La figure 2 illustre l’architecture logicielle pour la formation en ligne dans l’ENT Montecristo.
Figure 2 : La formation en ligne dans l’ENT Montecristo
3. Mise en œuvre
3.1. Le problème d’interopérabilité
Nous avons vu que le choix de deux briques logicielles dans l’ENT Montecristo, l’une pour la production de contenus de formation et l’autre pour la diffusion de ceux-ci, posait un problème d’interopérabilité entre ces briques. Le recours à un standard pour des contenus de formation apparaît comme la solution logique à ce problème, puisqu’elle assure l’interopérabilité entre les deux briques mais aussi entre ces briques et tout autre dispositif ayant adopté le standard. Parmi ceux-ci, AICC (Aviation Industry Computer based training Committee) (AICC) et SCORM (Sharable Content Object Reference Model) (ADL) se présentent comme les deux seules solutions applicables (puisque opérationnelles et englobant l’ensemble d’une formation). IMS Learning Design, standard européen émergeant, offre une alternative intéressante mais qui reste aujourd’hui au stade expérimental (Pernin et Lejeune, 2004). Le LMS Blackboard offre une compatibilité avec le standard SCORM, qui est plus adapté à la diffusion de formations par internet et intègre une partie des efforts de standardisation fournis par AICC. Ce standard, que nous avons choisi pour interfacer nos deux briques logicielles, intègre aussi un profil d’application des méta-données LOM (Learning Object Metadata) permettant la description des contenus de formation. SCORM est constitué d’un ensemble de spécifications, issues des travaux d’AICC, IMS (IMS) et IEEE (LTSC), qui ont été rassemblées et étendues par ADL (Advanced Distributed Learning), initiative du département de la défense américain à l’origine du standard, afin de permettre leur mise en œuvre en tant qu’un ensemble cohérent. Le standard comporte un modèle d’agrégation de contenus (Content Aggregation Model), la description d’un environnement d’exécution (Run-Time Environment) et d’un modèle de gestion du parcours de contenus (Sequencing and Navigation) (SCORM, 2004).
Du côté du LMS, la mise en œuvre a consisté à assurer la lecture et l’exploitation des contenus au format SCORM par le LMS Blackboard. Ce LMS est modulable et personnalisable grâce au système des "building blocks", applications développées afin de permettre l’extension d’une plate-forme Blackboard. Ces extensions peuvent concerner le contenu même de la plate-forme ou encore apporter à la plate-forme des modules d’évaluation des apprenants ou l’accès à une bibliothèque en ligne par exemple. Des guides techniques de création de "building blocks" sont en ligne ainsi qu’une base de connaissances et un forum de développeurs très actif (BBDEV). La compatibilité avec le standard SCORM est assurée par le "Blackboard Content Player Building Block", qui permet de déposer et de lire sur les plates-formes LMS Blackboard de versions 6.1 et supérieures des contenus conformes aux standards SCORM, IMS Content Packaging ou NLN. Une fois installé, le "building block" permet de réaliser le dépôt d’un contenu formaté SCORM sur le LMS par le biais de l’interface graphique standard. Au niveau de l’exploitation des contenus, un cours au format SCORM est traité de la même manière que les contenus produits par le LMS.
Du côté des contenus, le recours à ce standard a demandé une réflexion sur les transformations nécessaires pour passer du format XML de production à un ensemble de contenus HTML exploitant l’interface de communication SCORM. Pour ce faire, nous sommes partis du format de publication en HTML non-interactif de SCENARIchain, Quadra consultation, qui disposait d’un découpage des contenus en pages indépendantes, plus approprié au standard. SCORM divise ses cours en grains indépendants, appelés SCO (Shareable Content Object, i.e. Objet de contenu partageable), qui sont structurés dans un arbre appelé organisation. Un prototype de contenu a été construit et testé en utilisant les logiciels du projet RELOAD3 (RELOAD). Une fois le prototype stabilisé, sa génération a été automatisée, ce qui permet d’appliquer le même traitement à tous les autres contenus produits avec le logiciel SCENARIchain. In fine, un nouveau support est proposé pour tous les utilisateurs de SCENARI, intégrant désormais la remontée des prises de notes et des réponses aux exercices du contenu vers le LMS ainsi que le résultat des QCM et un suivi de l’activité de l’apprenant.
Notons que la solution offerte par le standard SCORM se présente comme la solution par défaut, étant le plus actuel des standards destinés aux contenus de formation et largement implémenté dans sa version 1.24. SCORM est en passe de devenir un standard de fait, qui a le mérite d’apporter une réponse à un problème présent, même si, comme nous le verrons par la suite, cette réponse est contraignante.
3.2. Contraintes liées au standard
Nous avons vu que SCORM était le choix par défaut pour adopter une approche standardisée dans le couplage entre les briques LCMS et LMS de l’ENT. Si ce choix convenait en termes d’interopérabilité, étant largement adopté par de nombreux produits et offrant un mécanisme de certification qui permet de s’attendre à des implémentations respectueuses des recommandations, en termes de fonctionnalités il s’est avéré restrictif. Nous présentons ici l’ensemble de contraintes que nous avons rencontrées lors de l’application du standard, pour lesquelles nous distinguerons celles qui sont inhérentes à la philosophie d’ADL et celles qui sont complètement ou partiellement résolues par la version 2004 de SCORM.
La première de ces contraintes, et non des moindres, consiste en l’approche de la formation que permet SCORM. Les contenus sont en effet prévus pour un déroulement automatique, contrôlé par la plate-forme, à usage unique. C’est-à-dire que les productions des apprenants, par exemple leurs réponses à des exercices ou annotations du contenu, sont sauvegardées sur la plate-forme mais ne sont pas accessibles d’une session à l’autre. Or nos contenus de formation et les interactions qu’ils proposent ne sont pas destinés uniquement à l’évaluation contrôlée des apprenants. Les apprenants doivent pouvoir les consulter à loisir, en retrouvant à chaque fois le travail qu’ils ont réalisé précédemment (annotations, réponses aux exercices...). À cette contrainte, qui concerne donc tous les champs destinés à la sauvegarde des interactions dans SCORM 1.2, s’ajoute un problème lié à la gestion des commentaires par le standard : ceux-ci bien qu’étant accessibles d’une session à l’autre, ne peuvent être qu’augmentés, jamais entièrement modifiés. Ce comportement est très gênant, si l’apprenant note par exemple une question à poser à son tuteur, il lui est impossible de la supprimer une fois que celle-ci a été résolue. Ces contraintes sont supprimées dans la version 2004 du standard, qui offre une gestion beaucoup plus dynamique des contenus de formation et des données qu’ils peuvent produire suite à l’activité des apprenants.
La deuxième contrainte que nous trouvons limitative dans ce standard concerne la philosophie des SCO, ces grains constitutifs de la formation au format SCORM. Dans le standard, ces objets sont associés dans un arbre hiérarchique pour constituer le plan de déroulement d’une formation. Tout d’abord, seules les feuilles de cet arbre peuvent pointer vers du contenu, les nœuds intermédiaires étant là pour structurer. Or une simple agrégation de grains traitant du même sujet selon un plan établi n’est pas suffisante pour donner une cohérence à l’ensemble, des articulations entre les grains sont nécessaires, celles-ci ne pouvant pas faire partie du grain car ils doivent être décontextualisés au maximum. Dans (Weller, 2004), il est par exemple proposé d’ajouter des grains dont le seul rôle est d’expliquer aux apprenants l’articulation du contenu, la réutilisabilité de ces grains est dès lors quasi-nulle. Ils doivent en effet proposer une introduction à une partie du plan, en expliquant quels points seront abordés et pour quelles raisons (introduction qui deviendrait caduque dès la suppression ou l’ajout d’un nouveau grain à l’arbre). Ce problème de contextualisation est lui aussi en partie résolu par la version 2004 du standard, qui permet l’ajout de grains de contenu à tous les niveaux de l’arbre structurant la formation. Toutefois, la production de grains de contenus à usage unique, qui ne correspondent pas aux critères d’indépendance vis-à-vis de leur contexte d’usage du standard, reste nécessaire pour que le contenu de formation présente une cohérence globale5.
La philosophie des SCO les définit également comme des blocs indépendants, certes, mais dont l’intérieur est invisible : ce sont des boîtes noires. Si cette approche permet d’assurer une grande liberté aux producteurs de contenus, qui peuvent utiliser tout format reconnu par un navigateur du moment que l’interface standardisée est présente, l’absence de visibilité de la structure interne des contenus correspond à une perte d’information : les principes de structuration logique et sémantique des contenus, développés par l’ingénierie documentaire et intégrés dans les outils de production de contenus tels que SCENARIchain, sont perdus lors de la transformation du contenu au format SCORM. Une des conséquences de cette perte d’information se traduit par l’impossibilité d’avoir une approche transversale dans l’utilisation de SCORM. Le contenu de formation étant constitué d’un assemblage de boîtes noires, nous ne pouvons pas exploiter la formation comme un tout. Par exemple, dans nos supports de formation web, nous intégrons la possibilité de produire la synthèse des annotations, c’est-à-dire que l’apprenant retrouve sur la même page l’ensemble des notes qu’il a créées et peut accéder directement aux parties du contenu où elles ont été prises (Figure 3). Ce type d’approche est malheureusement trop éloigné des choix de représentation des contenus du standard.
Figure 3 : Synthèse des productions de l’apprenant dans un support de formation produit avec SCENARIchain
Enfin, le standard présuppose que les SCO sont de petite taille, pour maximiser leur réutilisabilité. Cette supposition n’est pas explicite, aucune contrainte sur la taille d’un SCO n’est présente dans les spécifications, mais elle devient limpide lorsque nous regardons de plus près la taille des champs de données utilisés par le standard. Si le découpage en petites unités apparaît comme favorable à la réutilisation, il n’est pas nécessairement les plus approprié dans toute situation pédagogique (Jaakkola, 2003). Dans sa version 1.2, SCORM est très contraignant, n’offrant par exemple que 4096 caractères pour les commentaires d’un apprenant travaillant sur un SCO (sachant qu’ils ne sont pas modifiables, la limite est très vite atteinte). La version 2004 améliore nettement le tableau, en offrant cette fois un nombre plus important de champs (jusqu’à 255 commentaires par exemple, mais toujours limités à 4096 caractères). Le fait que la taille des champs de données et leur nombre soient fixés6 par le standard définit de manière implicite une limite pour la taille des SCO et pour l’interactivité que ceux-ci peuvent proposer. Une approche plus dynamique, telle que celle utilisée dans le standard IMS Shareable State Persistence (IMSSSP, 2004), peut apporter une solution à ce problème mais demande la mise en place de protocoles de négociation de ressources entre le contenu et le LMS.
4. Résultats
4.1. Le couplage standardisé
Le passage au standard SCORM s’est accompagné du constat d’une inadéquation partielle entre les fonctionnalités utilisées dans nos supports pré-existants et l’approche proposée par ADL. La production des contenus selon le standard s’accompagne donc d’une perte fonctionnelle, les fonctions transversales par exemple ont dû être abandonnées. De plus, nous devons ajouter à cette perte fonctionnelle l’impossibilité d’utiliser les champs du modèle de données pour la sauvegarde de toutes les productions des apprenants. Dans SCORM 1.2, les productions sont stockées dans un seul champ, celui de sauvegarde de données entre sessions, afin de permettre leurs récupérations par le contenu lors des relectures. Cela limite considérablement les possibilités de traitement de ces données par le LMS : le fait de ne pas avoir les informations stockées dans les champs dédiés aux interactions nous fait perdre une information sur la nature de ces productions (de quel type de production il s’agit).
Toutefois, le tableau n’est pas entièrement négatif, puisque si certaines fonctions ont dû disparaître de ces supports, les contenus publiés selon le standard SCORM gagnent néanmoins en fonctionnalités de suivi du travail des apprenants. C’est là un des avantages de la démarche, SCORM permet non seulement la sauvegarde des productions des apprenants mais aussi des informations concernant l’utilisation du contenu de formation. En fait le standard propose un ensemble de champs pour indiquer quelles parties d’un cours ont été parcourues, combien de temps l’étudiant leur a consacrées, les notes obtenues aux QCM... Toutes ces informations peuvent alors être exploitées par le LMS pour réaliser le suivi de l’activité de l’apprenant ainsi que des études statistiques sur des groupes d’étudiants.
Donc l’approche standardisée nous a permis non seulement de disposer de contenus interactifs pour lesquels les productions des apprenants sont persistantes, i.e. elles sont conservées par le dispositif et accessibles dans les contenus à chaque lecture, mais aussi de générer des données pour le suivi de l’activité des apprenants. Ces deux points amoindrissent l’impact des pertes fonctionnelles liées au passage au format SCORM. Si la sauvegarde des productions des apprenants perd malheureusement en valeur sémantique, puisque nous ne pouvons pas exploiter les champs du standard de manière satisfaisante, cela n’est que très peu pénalisant puisque les LMS n’exploitent pas à ce jour cette information. En définitive, le prix à payer pour rendre nos contenus interopérables a été l’abandon des fonctions transversales, qui devraient toutefois, nous l’espérons, faire leur apparition dans les LMS.
4.2. Pérennité et évolutivité de l’approche
Nous avions annoncé au début de cet article que l’utilisation de deux briques logicielles pour la production et la diffusion de contenus de formation numériques présentait des avantages liés directement à cette architecture logicielle. Bien que source de contraintes techniques, nous avons vu que le problème d’interopérabilité soulevé est aussi une garantie d’ouverture du dispositif informatique : non seulement les contenus ainsi produits sont conformes au standard SCORM mais en plus leur conformité au standard est soumise à l’épreuve à l’intérieur du dispositif informatique. De plus, si l’ENT Montecristo est amenée à changer l’une de ces deux briques logicielles, ce changement peut se faire indépendamment de l’autre brique tant que la brique remplaçante gère elle aussi ce format standardisé.
Mais si l’interopérabilité est accrue dans notre démarche, ce n’est pas l’unique raison de séparer la gestion documentaire des contenus de formation de la gestion de leur utilisation dans des activités pédagogiques. En effet, nous avons annoncé que l’un des objectifs du projet PISPN était de pouvoir constituer un fonds documentaire qui puisse alimenter aussi bien les dispositifs dispensant la formation que la bibliothèque universitaire ainsi que des archives documentaires locales. Nous partons donc d’un même fonds documentaire, où les contenus sont structurés logiquement, sans inclure leur mise en forme, et à partir de celui-ci nous générons par le calcul différents supports d’utilisation adaptés à différents usages (dont le support SCORM, pour l’intégration dans les LMS compatibles avec le standard). Or, comme les standards pour les contenus de formation ne sont pas stabilisés à ce jour, cette approche nous permet d’accompagner l’évolution des standards sans avoir besoin de modifier nos contenus de formation. Par exemple, des contenus SCORM 1.2 et 2004 ne sont pas compatibles tels quels, il est nécessaire de modifier les contenus SCORM 1.2 ou de les encapsuler dans une interface afin de les exploiter dans un LMS SCORM 2004. Le choix de l’un des standards pour la production de ses contenus peut alors s’avérer difficile : SCORM 1.2 est largement répandu mais moins performant que 2004 alors que ce dernier n’est pas encore suffisamment présent sur le marché7. Le passage par un outil de production documentaire tel que SCENARIchain nous permet de nous affranchir de ce choix et d’accompagner les évolutions des standard en créant des moteurs de publication adaptés à chaque nouvelle version du standard (Figure 4). Le fonds documentaire n’est pas modifié dans cette approche, il est indépendant du standard utilisé, et donc ici de SCORM. Le LMS Blackboard, avec son système de "buiding blocks" apporte une souplesse similaire du côté de la plate-forme de diffusion de contenus, où seul le module de diffusion de contenus standardisés doit être mis à jour pour accompagner l’évolution des standards. Cette approche nous permettra de même d’inclure les ressources du fonds documentaire dans des scenarii IMS LD lorsque ce standard sera mûr pour la production.
Figure 4 : Un LCMS travaillant avec des contenus structurés logiquement permet d’accompagner l’évolution des standards sans modifier les contenus
5. Conclusion
Dans le cadre du projet PISPN, l’utilisation de deux outils distincts, l’un pour l’édition des contenus et l’autre pour leur diffusion et leur exploitation, entraîne une méthodologie basée sur la dissociation des métiers. Cette dissociation est un gage de qualité par la spécialisation des outils et des compétences requises par les personnes impliquées dans la production et la diffusion de contenus documentaires (assistant-auteur, opérateur de saisie, gestionnaire de production, enseignant, administrateur de cours, etc.).
Sur le plan technique, cette méthode de travail basée sur deux outils distincts entraîne la réalisation d’une étape supplémentaire permettant l’interopérabilité des deux plates-formes logicielles, LCMS et LMS. Nous avons montré que cette étape d’interopérabilité pouvait être réalisée en se conformant au standard SCORM, qui est d’ores et déjà opérationnel. Son utilisation dans le projet PISPN s’est avérée concluante, malgré les contraintes qu’il impose sur la production de contenus de formation. Le succès de ce couplage standardisé entre la brique logicielle de production de contenus et celle assurant leur diffusion nous conforte dans notre choix d’une architecture dissociant les deux systèmes, gage d’une plus grande indépendance vis-à-vis de l’évolution des systèmes LCMS et LMS mais aussi des standards. Certes les standards ne permettent pas aujourd’hui de reproduire toutes les fonctionnalités désirées par les producteurs de contenus et leur intégration dans les LMS doit encore être améliorée, notamment en termes de suivi de l’activité des apprenants, mais néanmoins ils offrent dès à présent une solution acceptable. Enfin, l’architecture logicielle présentée ici, avec un LCMS et un LMS modulaires, permet de bénéficier rapidement de l’amélioration des standards et cela à moindre coût, puisque aucune modification n’est nécessaire sur les contenus de formation pour profiter d'une nouvelle version d'un standard ou même d'un nouveau standard.
Les auteurs tiennent à remercier leurs laboratoires pour leur soutien et l’Unité d’Innovation Ingénierie des Contenus et Savoirs pour leur encadrement.
Références
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Références complémentaires non citées dans l'article
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Pernin J.-P. (2003). Objets pédagogiques : unités d’apprentissage, activités ou ressources ?, Sciences et techniques éducatives, Hors-série Ressources numériques, XML et éducation, Hermès.
Pôle conseil Business Interactif. (2003). Etude des outils de gestion de ressources numériques pour l'enseignement, Etude commandée par le Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
1 Nous utiliserons pour cela la typologie des dispositifs de formations proposée par l’outil Competice
2 Notamment l’ensemble des universités impliquées dans le projet SCENARIsup : Université d’Aix-Marseille II - CIP, Université de Bordeaux I - Ulysse, Université de Corte, Université de Nancy II - Videoscop, Université de Rennes I - CIRM, École Nationale Supérieure des Télécoms (ENST) Paris, Université de Valenciennes et l'Université Paris XI.
3 Projet du Joint Information Systems Committee au Royaume-Uni visant à la production d’outils pour faciliter l’utilisation des standards du e-learning. Les outils SCORM Player et Metadata and Content Packaging Editor ont été utilisés.
4 Plus de 48 LMS ont été certifiés comme compatibles avec le standard SCORM 1.2 par ADL et de nombreux autres LMS proposent des implémentations qui n’ont pas encore été validées.
5 Nous ne parlerons pas ici des problèmes de cohérence graphique, or ils peuvent être une entrave à la réutilisabilité des contenus et doivent être pris en compte lors de la production des contenus de formation. Un assemblage de contenus de provenances variées avec des chartes graphiques hétérogènes ne fournira certainement pas un contenu de formation agréable à utiliser.
6 Le nombre des champs ne sont pas à proprement parler fixés par le standard, qui ne définit en fait que des valeurs minimum. Toutefois, un concepteur de contenu devra se plier à ces valeurs minimum s’il désire que ses contenus soient effectivement interopérables.
7 D’après ADL, seuls quatre LMS sont certifiés SCORM 2004.
A propos des auteurs
Erik Gebers est doctorant à l’université de Technologie de Compiègne. Ses activités de recherche sont encadrées par le laboratoire Heudiasyc, dans le thème DOC, en partenariat avec l’Unité d’Innovation Ingénierie des Contenus et Savoirs (UI-ICS). Ses travaux concernent les normes et standards pour le e-learning dans le cadre du suivi de l’activité de l’apprenant lorsqu’il utilise une ou plusieurs ressources documentaires.
Adresse : Laboratoire HeuDiaSyc - Unité d’Innovation Ingénierie des Contenus et Savoirs - Centre de Recherches de Royallieu BP 20529 60205 Compiègne cedex France
Courriel : erik.gebers@hds.utc.fr
Toile : http://www.hds.utc.fr/~egebers/
Paul Campana fait partie du service de FOAD de l’université de Corse. Diplômé de l’université de Corse en Intégration des Systèmes Informatiques en 2003 (DESS), il travaille aujourd’hui sur le projet PISPN pour la mise en œuvre d’une chaîne éditoriale numérique basée sur le progiciel SCENARIchain de l’UI-ICS de l’Université de Technologie de Compiègne. Il participe également à la production et la diffusion des enseignements du C2I à l’université de Corse depuis novembre 2003.
Adresse : Laboratoire SPE – Université de Corse – Faculté des Sciences et Techniques – Campus Grossetti, BP 52 20250 Corte
Courriel : pcampana@univ-corse.fr
Fernand Ettori est enseignant à l'université de Corse. Ses activités de recherches concernent principalement la transformation par les TIC du travail coopératif et collaboratif dans l'enseignement supérieur. Il participe aussi à la réflexion sur la mise en place du Certificat Informatique et Internet (C2I) sur l'université de Corse et plus généralement en France.
Adresse : Laboratoire SPE – Université de Corse – Faculté des Sciences et Techniques – Campus Grossetti, BP 52 20250 Corte
Courriel : ettori@univ-corse.fr
Raphaël PAPI est Doyen de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université de Corse. Il est également chef de projet coordonnateur du projet d’Environnement Numérique de Travail MONTECRISTO dans le cadre des campus numériques 2002 et responsable du projet de recherche PISPN pour la mise en œuvre d’une chaîne éditoriale numérique basée sur le progiciel SCENARIchain de l’UI-ICS de l’Université de Technologie de Compiègne dans le cadre de l’Appel Régional à Proposition 2003 financé par l’état et la région. Il coordonne la mise en place du C2i sur l'université depuis son expérimentation en 2003-2004.
Adresse : Laboratoire SPE – Université de Corse – Faculté des Sciences et Techniques – Campus Grossetti, BP 52 20250 Corte
Courriel : papi@univ-corse.fr
Manuel Majada, enseignant-chercheur responsable de l'UI ICS, a travaillé dans l'industrie dans le domaine des ressources humaines emploi-formation. Travaille depuis 1994 dans la conception de dispositifs de formation ouverte et à distance tant pour les grands comptes que pour les institutions publiques.
Adresse : Unité d’Innovation Ingénierie des Contenus et Savoirs - Centre de Recherches de Royallieu BP 20529 60205 Compiègne cedex France
Courriel : manuel.majada@utc.fr
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