Éducation, formation et apprentissages à
l’horizon 2030 : éléments issus d’un atelier de
prospective pour la recherche
Georges-Louis BARON (EDA, Paris-Descartes), Jean-Marie BURKHARDT (IFSTTAR,
Versailles)
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RÉSUMÉ : Le
projet PREA 2K30 (Prospective pour la recherche en Éducation et
Apprentissages à l’horizon 2030) est un atelier de réflexion
prospective soutenu par l’Agence nationale de la recherche qui a
fonctionné d’avril 2010 à août 2011. Il a visé
à identifier et à préciser les problématiques
majeures dans les 20 prochaines années relativement à
l’apprentissage et l’enseignement, en tenant compte de leurs
dimensions sociales, économiques et industrielles. Du point de vue
opérationnel, l’atelier a conçu un ensemble de
scénarios prospectifs et identifié des thèmes de recherches
jugés prioritaires. Cette contribution présente ses choix
méthodologiques et ses principales conclusions. Elle est
complémentaire d’une série d’autres documents
disponibles sur le site du projet (cf. http://prea2k30.risc.cnrs.fr/).
MOTS CLÉS : prospective,
éducation, formation, apprentissages, technologies de l'information et de
la communication |
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ABSTRACT : The
PREA 2K30 workshop (Prospective for Research in Education and Learning at the
2030 horizon) is a project funded by the French national agency for research
from april 2010 to september 2011. It has aimed at identifying and framing
research questions for the 20 next years, taking into account their social,
economic and industrial dimensions. From an operational point of view, the
project has elaborated a series of scenarios and identified research themes
considered as priorities. This contribution presents the methodological choices
and the main conclusions of the project. Complementary documents (mainly in
French) are available on the projet site: http://prea2k30.risc.cnrs.fr/
KEYWORDS : prospective,
education, learning, information and communication technology |
1. Introduction
L’atelier de
réflexion prospective PREA2K30 (Prospective pour la recherche en
Éducation et Apprentissages à l’horizon 2030),
mené en réponse à un appel d’offres de l’Agence
nationale de la recherche, a visé à identifier et à
préciser les problématiques de recherche majeures dans les 20
prochaines années relativement à l’apprentissage,
l’enseignement et la formation en tenant compte de leurs dimensions
sociales, économiques et industrielles. Pour cela, l’atelier a
identifié des tendances susceptibles de conduire à des ruptures
d’ici à l’échéance de 2030 et
élaboré un ensemble de scénarios prospectifs. Il
s’est ensuite fondé sur ces scénarios pour proposer des axes
de recherche lui paraissant prioritaires.
Ayant été responsables de ce projet, nous tentons ici
d’en rendre synthétiquement compte afin de soumettre ses
résultats à la critique des chercheurs et des praticiens. Nous
nous sommes efforcés de rester fidèles au travail accompli par les
partenaires qui y ont contribué et, en particulier, les membres du
comité de pilotage, que nous tenons à remercier chaleureusement
ici (cf. Annexe §2). Dans cet article, nous nous focalisons sur le cas de
la France mais le projet a aussi considéré la situation dans
d’autres pays et au niveau
mondial1. Cette contribution
présente les choix méthodologiques et les principales conclusions.
Elle est complémentaire d’une série d’autres documents
disponibles sur le site du projet (cf. http://prea2k30.risc.cnrs.fr/).
Une première partie décrit les participants et la
méthodologie suivie, en particulier l’analyse du domaine en
composantes et variables. Puis les grands enjeux identifiés autour des
évolutions à l’échéance 2030 sont
explicités. Une attention particulière est portée aux
questions liées à la recherche en éducation et formation.
Les scénarios élaborés sont ensuite
présentés. Enfin, nous évoquons quelques-uns des
thèmes identifiés. Un accent particulier est mis sur la question
des technologies de l’information et de la communication pour
apprendre.
2. Le projet et sa démarche
Le milieu de la recherche sur
l’éducation, la formation et les apprentissages est notoirement
fractionné et les disciplines et groupes d’acteurs qui y
opèrent tendent à se centrer sur leurs domaines respectifs. La
méthode de travail retenue a reposé par conséquent sur la
mobilisation de perspectives variées (recherche, entreprise, acteurs) et
d’expertises disciplinaires complémentaires afin de construire une
vision large du système et de pouvoir cibler aussi des ruptures. Il
s’agissait d’avancer vers une approche systémique des
apprentissages qui soit en même temps « fondée sur la
preuve ».
2.1. Participants (cf. Annexe)
Les personnes, les équipes et les institutions participantes
représentent différents champs pertinents pour le domaine
(technologies éducatives, contexte et conditions des activités au
travail, apprentissage implicite et explicite, éducation, formation,
élaboration et transmission des savoirs, socialisation de la
connaissance...). On y relève notamment :
- Les processus d’apprentissage, depuis les approches
cognitives jusqu’aux dimensions sociales et aux approches cliniques.
- Les curricula et leurs dynamiques
d’évolutions, s’agissant en particulier de la prise en compte
de controverses et de questions socialement vives.
- La conception des « technologies
numériques » dans l’éducation et la formation et
l’étude de leurs usages (ATIEF) ; en particulier la formation
et l’apprentissage au moyen de la réalité virtuelle et de la
réalité augmentée, grâce à la présence
de l’Association Française de Réalité Virtuelle et
augmentée (AFRV) et d’acteurs académiques (Centre
Européen de Réalité Virtuelle, École des Mines de
Paris, UTC, IRISA) et industriels (NEXTER, SNCF, Total Immersion) engagés
dans ce domaine depuis de nombreuses années.
- Les évolutions du travail et les liens entre âge,
travail, santé, et formation qui sous-tendent ces évolutions.
L’atelier s’est appuyé entre autres sur la présence de
spécialistes des questions de formation professionnelle et
d’apprentissage en lien avec le travail (CNAM, AFPA).
2.2. Méthode suivie pour encadrer l’exercice de
prospective
La méthode suivie a d’abord été très
analytique, puis inductive. On y repère quatre grands moments :
établir une base pour fonder l’analyse ; identifier un
système de variables pertinentes ; construire des
scénarios ; sélectionner des perspectives de recherche.
2.2.1. Établir une base pour fonder l’analyse
Dans une première étape, quatre groupes de travail
thématiques ont été constitués (GT1 à
GT4) :
- Cognition, processus d’apprentissage, évaluation des
apprentissages.
- Curricula, contextes formels et informels d’apprentissage,
modalités d’enseignement.
- Nouvelles ressources, nouveaux instruments.
- Évolutions des contraintes sur les activités
humaines (contraintes de travail, contraintes d’apprentissage) et
modalités de prise en compte de la diversité.
Les groupes thématiques ont eu pour objectif d’établir
des synthèses des données existantes, en France et dans le monde
sur la prospective et l’apprentissage, sur les évolutions
technologiques et sociales dans les différents secteurs de recherche et
d’étude, sur les processus d’apprentissage et
d’éducation, sur la formation professionnelle, sur la scolarisation
de nouveaux savoirs et instruments, etc. Chacun des groupes thématiques a
également mené des entretiens avec des acteurs
privilégiés afin de tenter d’effectuer une synthèse
des demandes sociales et économiques. Ce premier travail a permis
d’établir des constats tout à la fois sur le contexte
actuel, les tendances observées et les évolutions
anticipées dans d’autres travaux de prospective.
Pour faciliter les échanges et la dissémination des
informations, outre les réunions régulières du
comité de pilotage, deux symposia se sont tenus en
juin 20102 puis en
mars 20113. Les résultats
préliminaires du projet ont été discutés à
cette occasion.
2.2.2. Analyser le système « apprentissage,
éducation, formation professionnelle en France » et
élaborer des hypothèses
La deuxième étape, inspirée de la méthode des
scénarios utilisée en prospective (de Jouvenel, 1999),
a consisté à élaborer une décomposition du
système « apprentissage, éducation, formation
professionnelle en France » en variables regroupées au
sein de trois composantes internes (A, B, C, cf. ci-dessous). Un composant externe (E, cf. ci-dessous) recense les variables extérieures
à ce système qui ont néanmoins un impact sur son
évolution (par exemple les évolutions de la
démographie : vieillissement de la population, migrations
régionales et internationales).
Figure 1. Grandes
composantes considérées
Les 3 composantes internes (A, B, C) sont spécifiques au champ
de l’apprentissage et des systèmes d’éducation et de
formation, qu’il s’agisse de leur fonctionnement ou de la recherche
sur des thèmes et des questions les concernant :
- La composante A traite ainsi le champ de la recherche sur
l’apprentissage, l’éducation et la formation.
- La composante B regroupe les variables représentant les
dimensions qui influencent ou caractérisent l’organisation et la
régulation des systèmes de formation et
d’éducation.
- La composante C concerne les variables associées aux
ressources humaines et technologiques impliquées dans la mise en
œuvre de la formation, de l’éducation et des modalités
d’apprentissage possibles.
Pour chaque composante, 4 à 6 variables ont été
définies et retenues, leur liste est donnée ci-dessous.
Composante A — Recherches sur l’apprentissage et en
éducation et en formation
Var A1 : Organisation des champs de recherche, infrastructures et
financements
Var A2 : Objets des recherches
Var A3 : Modalités et acteurs de la recherche,
interdisciplinarité
Var A4 : Interactions entre connaissances/méthodes de
recherche/institutions et pratiques de formation
Composante B — Organisation et régulation des systèmes
de formation et d’éducation
Var B1 : Pilotage des systèmes, indicateurs, outils
(régulation, évaluation), organes et modalités de
décision
Var B2 : Périmètre et profils des populations
apprenantes
Var B3 : Niveau de formation et qualification
Var B4 : Modalités et parcours de
formation/scolarisation
Var B5 : Institutions de formation, dispositifs
certificateurs
Var B6 : Modes de structuration et de légitimation des
connaissances
Composante C — Ressources et mises en oeuvre
Var C1 : Production, diffusion, validation des ressources
Var C2 : Métiers de formateur et d’enseignant
Var C3 : Formes pédagogiques
Var C4 : Équipement technologique des
établissements
Var C5 : Usages et appropriation des technologies par les
acteurs
Var C6 : Fonctions et potentialités des technologies
Composante E — Externes
Var E1 : Populations et territoires, Démographie
(vieillissement, migrations), Urbanisation
Var E2 : Métiers, robotisation
Var E3 : Conditions de travail, formes organisationnelles des
entreprises
Var E4 : Sciences dans la société
Var E5 : Technologies : infrastructures, diffusion
sociale
Var E6 : Contexte économique et politique, Cultures et
Valeurs
Des hypothèses d’évolution pour les 20 prochaines
années ont été élaborées pour chaque
variable, ainsi que des hypothèses s’excluant
mutuellement4. Un tel processus
procède principalement de manière analytique. Nous avons cependant
eu tout à fait conscience de l’existence de moments de choix
reposant sur notre expertise collective, plus que sur un raisonnement purement
déductif. Par exemple, l’identification des hypothèses pour
chaque variable a été le fruit d’un consensus dans le groupe
de pilotage et certaines combinaisons ont été très vite
écartées car jugées incohérentes. De plus, les
variables n’ont pas toutes la même granularité, en
particulier, les variables de contexte. Le risque existe également que
certains phénomènes importants au niveau d’une variable ne
s’atténuent progressivement au cours du processus
d’élaboration de scénarios.
Pour donner un exemple, la variable C6, « Fonctions et
potentialités éducatives des technologies », concerne
les propriétés des outils technologiques mis en œuvre dans
les situations d’apprentissage et de formation. S’agissant des
évolutions possibles des technologies et des usages associés, 3
hypothèses contrastées ont ainsi été
émises :
C6H1 : développement d’artefacts à fortes
spécificités éducatives, avec diversité des
technologies et des fonctions. Cette hypothèse
d’évolution privilégie le fort développement de
ressources et d’environnements spécialement conçus pour
l’éducation et la formation, mettant en œuvre des
fonctionnalités diverses dont certaines sophistiquées (par exemple
utilisant des environnements de réalité virtuelle avec toutes les
fonctionnalités d’un système tutoriel intelligent).
C6H2 : usages majoritaires d’artefacts sans
spécificité éducative. Dans ce cas, les enseignants et
les formateurs utilisent majoritairement des artefacts qui n’ont pas
été spécifiquement conçus pour un usage
éducatif, formel ou informel (par exemple, un jeu vidéo sans
objectif pédagogique, sans suivi de l’apprenant), et
différents types d’outils qu’ils se sont appropriés
dans une visée didactique. Cependant, dans la formation professionnelle,
des actions de formation en ligne se développent, principalement à
l’initiative de services spécialisés, internes ou
mutualisés.
C6H3 : hétérogénéité forte du
développement et de l’usage d’artefacts à
spécificités éducatives. Dans ce cas,
l’évolution envisagée est une segmentation du
marché : d’une part, une offre commerciale
contrôlée par un faible nombre d’acteurs, proposant des
solutions fortement technologiques et onéreuses (par exemple, des
équipements lourds de réalité virtuelle), avec domination
de solutions marchandes basées sur des formats propriétaires.
D’autre part, il y aurait un fort usage d’artefacts sans fonction
spécifiquement éducative, pour le plus grand nombre
d’acteurs et d’institutions de l’éducation et de la
formation.
2.2.3. Construction des scénarios
La troisième étape a consisté à faire converger
les points de vue des différents groupes et à concevoir les
scénarios prospectifs. Ceux-ci ont été construits en deux
temps. D’abord des « micro-scénarios » propres
à chaque composante ont été élaborés par
combinaison des différentes hypothèses. Ensuite, les
micro-scénarios ont été combinés pour aboutir
à des macro-scénarios contrastés, selon un processus
incrémental. Dans un premier temps, le comité de pilotage en a
conçu six. Un examen attentif a permis de repérer des
recouvrements entre eux et de réduire finalement leur nombre à
trois (cf. section 5).
2.2.4. Identification de problématiques pour la recherche
In fine, les constats sur les recherches et le domaine, ainsi que
l’exploitation des scénarios produits, ont servi de base pour
identifier des problématiques vives et en tirer des recommandations en
termes de programmes de recherche. Nous avons essayé de ne conserver que
ce que nous considérions susceptible d’apporter des
éléments de connaissance utiles pour répondre aux
problématiques préoccupantes repérées dans plusieurs
scénarios.
Cette entreprise n’allait pas du tout de soi : nos conclusions
sont bien fondées sur une démarche raisonnée, mais elles
sont fortement dépendantes de la composition du groupe de pilotage. Elles
doivent être considérées non comme un résultat
scientifique mais bien comme une base d’information structurée
ouverte à partager et à faire évoluer pour aider à
une réflexion collective sur les thèmes et les enjeux de la
recherche sur l’éducation, la formation et les apprentissages pour
les années à venir. L’enjeu est de les enrichir et de
contribuer à faire évoluer les documents et les scénarios
sur la base des travaux et de l’avancement des recherches dans nos
différentes disciplines.
Nous allons maintenant présenter synthétiquement les
conclusions du projet.
3. Des enjeux forts et des incertitudes nombreuses...
3.1. Un manque de données fiables sur l’investissement en
recherche sur l’éducation, la formation et les apprentissages.
Il est facile de trouver des statistiques sur
l’évolution de la France : il y avait en 2008 environ
65 millions de personnes, soit un gain de 10 millions en 30 ans. Cet
accroissement est fort, relativement à d’autres pays d’Europe
(par exemple + 6 millions au Royaume Unis dans la même
période, +4 millions de personnes en Allemagne toujours sur la
même période, etc.). La population active représentait
environ 28 millions de personnes en 2010, se caractérisant en France
par un faible taux d’accès à la formation professionnelle et
des phénomènes différenciés d’accès,
par exemple selon le niveau de formation initial, le sexe et l’âge.
La même année, il y avait environ 15 millions d’enfants,
apprentis ou étudiants, 41 % des jeunes de 18 à 25 ans
étant encore scolarisés. On sait également que les
dépenses confondues pour l’éducation et la formation
représentaient ainsi environ 160.5 milliards soit approximativement
un peu plus de 8,4 % du PIB5, (un
peu plus de 82 % pour l’éducation et un peu moins de 18 %
pour la formation professionnelle).
On sait également estimer l’importance des investissements en
recherche et développement : les trois plus grands secteurs de
dépenses de recherche dans le secteur privé étaient
l’industrie automobile (17 % de la
DIRDE6), l’industrie
pharmaceutique (13 % de la DIRDE) et la construction aéronautique
(11 % de la DIRDE). Au total, les travaux de recherche et
développement exécutés sur le territoire national
représentaient une dépense de 41,1 milliards
d’euros.
En revanche, il ne semble pas exister de données concernant le montant
des dépenses de recherche plus spécifiquement
dédiées à l’éducation, la formation et
l’apprentissage. Une raison possible est le caractère transversal
de cette thématique, en regard des principales branches de la
recherche.
3.2. Quelques repères
En France en 2010, la part en PIB des dépenses publiques en faveur de
l’enseignement était assez élevée autour de 6 %,
malgré une légère diminution en 10 ans. Le taux
d’encadrement (nombre d’enseignants pour 100
élèves/étudiants) tous niveaux et tous
établissements confondus (public et privé) est en revanche le plus
faible de l’OCDE avec seulement 6 enseignants pour 100
élèves/étudiants7 (Barbier-Gauchard et al., 2010).
Si l’on distingue selon les niveaux de l’enseignement, les
données montrent un encadrement parmi les plus faibles au niveau de
l’enseignement primaire (5 enseignants pour 100 élèves) et
de l’enseignement supérieur (5 enseignants pour 100
étudiants) tandis que le taux d’encadrement est médian au
niveau du secondaire (7,5 enseignants pour 100 élèves). Les
coûts par élèves/étudiants sont également
faibles dans le primaire et dans le secondaire. Le constat persiste si
l’on se concentre uniquement sur les données pour le public. Par
ailleurs, la rémunération des enseignants statutaires est faible
en regard des comparaisons internationales. Depuis 10 ans, une tendance
générale à la baisse de l’emploi public dans
l’éducation est constatée, sauf pour certains pays comme le
Canada, l’Irlande et les Etats-Unis (Barbier-Gauchard et al., 2010).
Depuis 2002, l’effort financier de la Nation au profit de la formation
professionnelle et de l’apprentissage est resté stable à
1,5 % du produit intérieur
brut8. En 2005, les organismes
privés de formation représentaient en France 94 % des
organismes de formation, totalisant 77 % du chiffre d’affaires total
et accueillant 85 % des stagiaires (soit 7,4 millions). Le secteur
public et parapublic, qui ne représentait que 6 % des organismes de
formation et ne formait que 15 % des stagiaires, réalisait
près du quart du chiffre d’affaires (23 %) du fait de ses
formations plus longues. L’Éducation Nationale (dont le CNAM) et
les GRETA (Groupement d’établissements publics locaux
d’enseignement) étaient des intervenants importants de la formation
continue avec 13 % du chiffre d’affaires. Il en est de même
pour l’AFPA (4 % du chiffre d’affaires).
3.3. Enjeux associés à l’éducation et la
formation professionnelle
L’éducation et la formation sont depuis longtemps
associées à des enjeux citoyens très forts : favoriser
l’insertion et la réinsertion professionnelle des travailleurs,
permettre leur maintien dans l’emploi, favoriser le développement
des compétences et l’accès aux différents niveaux de
la qualification professionnelle, contribuer au développement
économique et culturel et à la promotion sociale. La loi du
4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de
la vie et au dialogue social9 opère un certain recentrage des enjeux sur des objectifs liés
à l’accès, au maintien et au retour à l’emploi,
et réaffirme la nécessité d’une formation tout au
long de la vie.
D’autres enjeux apparaissent aussi aujourd’hui :
- Contribuer à former des citoyens éclairés
à même de participer aux débats et aux décisions
dans la cité, dotés d’une certaine maîtrise des
environnements technologisés complexes dans lesquels ils baignent.
- Maintenir et développer la présence des
compétences et des expertises critiques pour les entreprises et le
pays. Cet enjeu dépend en particulier des choix politiques
d’éducation et de formation tant au niveau public que dans le
secteur privé.
- Conquérir et développer des marchés liés directement ou indirectement à l’éducation, la
formation et l’apprentissage. Cet enjeu se situe d’ailleurs tant au
niveau de la production que de la commercialisation des services, des produits
et des technologies en lien avec l’éducation, la formation et
l’apprentissage.
- Favoriser l’acceptation des innovations
technologiques par les citoyens (ex. génome en tant qu’outil de
sélection ; nucléaire...), les obstacles à cette
acceptation constituant en effet un problème important pour les
entreprises et les autres acteurs de ces domaines.
Il est à noter que des tensions fortes existent entre eux. Par
exemple, favoriser l’acceptation sociale d’une technologie à
un instant donné peut être en contradiction avec le
développement de la pensée critique, la complétude et la
transparence de l’information qu’implique l’objectif de former
des citoyens éclairés. De même, l’économie de
marché appliquée au champ de l’éducation et de la
formation peut s’accompagner d’un recentrage sur certains segments
les plus rentables, en même temps que de la disparition de l’offre,
lorsque le domaine ou la compétence visés sont faiblement
standardisables et/ou concernent une audience limitée.
D’autres évolutions, enfin, sont incertaines en
l’état de nos connaissances : par exemple, dans quelle mesure
les formations de type hybride (c’est-à-dire combinant
activités en présentiel et activités à distance)
qu’on voit se développer vont-elles se conformer à des
formes d’industrialisation où le travail vivant des formateurs est
remplacé par des ressources numériques gérées par
des plateformes logicielles ?
3.4. Tendances globales et incertitudes.
Un tiers des personnes en emplois en 2005 aura quitté le marché
du travail en 2020 (Warzee, 2009).
Dans les vingt ans à venir, trois tendances fortes apparaissent du point
de vue démographique : le vieillissement de la population, le
développement des grands centres urbains, le maintien des
inégalités territoriales.
En ce qui concerne la population active, on peut faire
l’hypothèse d’une augmentation du travail précaire,
une hausse du niveau de qualification des personnes embauchées, une
hausse de l’emploi féminin. Des bouleversements assez radicaux
des métiers et des professions sont attendus dans des secteurs
majeurs de la société. Ils sont d’ailleurs
déjà entamés dans certains domaines, comme la
médecine et les professions de santé. Les changements
sociotechniques sont en effet très rapides
(« infra-générationnels ») et touchent
les compétences, les valeurs et l’image de
soi, etc. De plus, ces changements impactent aussi bien la vie au
travail que la vie hors travail. La capacité à agir sur ces
changements reste essentiellement hétérogène selon les
acteurs (décideurs, praticiens, chercheurs, usagers...).
Une incertitude vive est liée aux valeurs dominantes au sein
d’une société, avec la possibilité, souvent
énoncée dans les travaux internationaux, de la disruption des
modèles actuels d’enseignement scolaire, conduisant à une
diminution du rôle de l’école publique, au
bénéfice de solutions personnalisées organisées au
sein d’un marché mis au service d’une vision utilitariste (Christensen et al., 2008).
Enfin, les crises (énergétiques, sociales, écologiques,
technologiques, etc.) sont susceptibles de modifier significativement les
tendances fortes identifiées.
3.5. Tendances dans le domaine des technologies de l’information et de
la communication
L’innovation technologique fait l’objet d’attentes fortes
en regard des enjeux portés par les différents acteurs
(politiques, entreprises, citoyens...). Ceci se produit dans un contexte de
désaffection pour les études scientifiques en France, de
méfiance vis-à-vis de la science au nom d’un principe de
précaution généralisé. Les technologies de
l’information et de la communication – et plus largement les
technologies émergentes – constituent aujourd’hui l’un
des domaines privilégiés en termes de moyens humains et financiers
pour la recherche, en particulier s’agissant de la recherche pour les
entreprises.
Les tendances globales repérées quant à
l’évolution de ces technologies sont les suivantes :
- Des composants électroniques de très petite taille
aux capacités de calcul plus importantes ;
- Une connectivité internet très haut débit et
à prix réduit, notamment dans les grandes villes ;
- Une banalisation d’objets communicants nomades ;
- Des réseaux IP à coûts
réduits ;
- Le développement d’une informatique « en
nuage » ;
- Une optimisation énergétique croissante des
systèmes ;
- Un interfaçage croissant avec d’autres
technologies : robotique, internet des objets, rendu et interaction
3D ;
- À plus long terme couplage avec la biologie, et le
développement de possibles technologisations du vivant ;
- Le développement d’un contrôle du travail et
des activités humaines, plus largement, des instruments de suivi des
comportements individuels ;
- Une diffusion croissante d’outils de fabrication et de
prototypage, comme les imprimantes
3D10.
Une tendance dans l’économie actuelle est également la
mise à contribution des usagers dans le travail de production et/ou la
valeur des services et produits, et cela dans de nombreux secteurs
d’activités en lien avec les nouvelles technologies. Mais plusieurs
formes d’évolution sont possibles du point de vue
économique, allant de l’extension de marchés captifs au
développement de formes plutôt collaboratives, voire libertaires.
On peut ainsi penser à la conception de logiciels libres, ou au
développement des plateformes de « crowd
sourcing » (« externalisation
ouverte »).
4. Le cas particulier de la recherche
4.1. Les chercheurs
Des chercheurs plutôt ingénieurs, majoritairement dans
l’entreprise, avec une faible représentation des disciplines
liées aux sciences humaines et sociales.
En 2010, les chercheurs en entreprise (137 000)
représentaient 56,7 % des chercheurs en France, et étaient
donc plus nombreux que ceux du secteur public (99 000) selon les
dernières données disponibles (MESR, 2010). Alors
que le doctorat est le premier diplôme dans les institutions publiques,
c’est le diplôme d’ingénieur qui domine dans le
privé (52,5 % des personnels déclarés comme chercheurs
dans le privé avaient comme diplôme le plus élevé un
diplôme d’ingénieur) tandis que 13 % seulement
étaient titulaires d’un doctorat (incluant le doctorat des
disciplines de santé). Une autre spécificité des chercheurs
en entreprise est qu’ils étaient plutôt jeunes, en
début de carrière, et que 12 % d’entre eux avaient un
niveau de diplôme inférieur à la licence.
D’après les données concernant l’emploi
scientifique en France en 2009 (MESR, 2009), les
chercheurs en entreprise étaient pour les deux tiers issus des sciences
de l’ingénieur ; les sciences humaines et sociales
étaient très faiblement représentées (moins de
1 %).
Des chercheurs moins nombreux dans le secteur public, titulaires d’un
doctorat, dont un quart dans les disciplines liées aux SHS.
En ce qui concerne les chercheurs dans le secteur public, les compositions
disciplinaires en 2009 étaient un peu plus équilibrées avec
un quart des chercheurs en sciences humaines et sociales et près de
30 % dans les disciplines Mathématiques et Informatique, sciences de
l’ingénieur et STIC. Une incertitude existe, étant
donné les politiques actuelles de réduction du déficit
public, quant au renouvellement du vivier avec le départ en retraite des
enfants du baby-boom.
Le développement d’un financement de la recherche par projets
à court terme
En France, l’Agence nationale de la recherche (ANR) est sans doute le
partenaire central dans le paysage. Mais deux autres points méritent
d’être soulignés. D’une part, de par ses programmes
cadres, l’Europe, qui valorise sans doute davantage que les instances
nationales la recherche-action et accorde une grande importance à la
valorisation de la recherche et à ses applications directes dans le monde
éducatif, joue un rôle très important. D’autre part,
des collectivités territoriales s’engagent également,
quoique de manière inégale, dans le financement d’actions
qui sont souvent à l’interface entre la recherche et
l’étude.
Quelle prise en compte intégrée des enjeux sociétaux
dans la recherche ?
Comme on peut le lire dans de nombreuses synthèses ou dans
l’affichage stratégique des institutions politiques et de
recherche, les différents domaines de la recherche s’orientent de
plus en plus vers une prise en compte intégrée des enjeux
sociétaux du développement durable et de santé
publique : sécurité alimentaire, santé et
bien-être au travail, climat et environnement, citoyenneté,
connaissances émergentes et savoirs non stabilisés etc.
Plusieurs incertitudes existent quant à la prise en compte effective de
ces enjeux et leur traduction dans des recherches.
Avec le poids croissant du financement externe de la recherche (programmes,
fondations, contrats de recherche, etc.), une incertitude concerne la place et
le périmètre de la prise de risques jugés comme acceptables
par les commanditaires de la recherche, ainsi que le cadre et les
échéances temporelles qui lui sont imposés. Une autre
incertitude concerne la place et le périmètre attribués
à la recherche pluri, multi voire inter-disciplinaire dans le paysage de
la recherche en général, au niveau mondial et français, et
plus spécifiquement dans le champ de l’éducation, de la
formation et des apprentissages.
Enfin la réelle capacité de la recherche à couvrir les
dimensions sociétales, humaines et organisationnelles dans la recherche
sur les technologies et l’innovation reste également incertaine,
alors que dans le même temps la multiplication des projets visant à
impliquer l’utilisateur, l’usager voire le citoyen suggère
que l’on assiste à une montée en puissance de projets liant
intimement recherche et conception de dispositifs pour des sujets/utilisateurs
humains.
4.2. La recherche sur l’éducation et la formation
4.2.1. Un champ étendu et dispersé
Une des conclusions des travaux au sein de l’atelier, qui rejoint les
conclusions du rapport Prost en 2001 (Prost, 2001), est
le maintien d’une grande dispersion des recherches sur
l’éducation et la formation, tant en termes de champs
disciplinaires convoqués que de théories mobilisées et de
méthodologies voire même de finalités des recherches
(prédire, comprendre, expliquer, agir...). Cette dispersion se manifeste
de différentes manières.
Les secteurs qui font explicitement référence, dans leur
dénomination, à un intérêt privilégié
pour les questions d’apprentissage, d’éducation et de
formation, sont multiples. Il est possible par exemple de citer plus d’une
douzaine de domaines de recherche, aux frontières relativement mobiles,
affichant explicitement une relation à l’éducation, la
formation ou les apprentissages (la liste qui suit est bien entendu non
exhaustive) :
- Didactiques disciplinaires
- Didactique professionnelle
- Droit de la formation
- Technologie éducative
- Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain
(EIAH)
- Ergonomie scolaire
- Neuro-éducation
- Psychologie de l’éducation
- Psychologie du développement
- Psychologie et ergonomie de la formation
- Sciences de l’apprentissage
- Sciences de l’éducation
- Sociologie de l’éducation
- etc.
Un facteur « d’entropie » supplémentaire,
réside dans le volume croissant des publications scientifiques, du fait
de deux facteurs combinés : l’accroissement de la
productivité des chercheurs en nombre de publications, d’une part,
et le périmètre accru des champs disciplinaires impliqués
dans la recherche sur l’éducation, la formation et les
apprentissages. Or les travaux de recherche intéressant directement
l’apprentissage, l’éducation ou la formation ne sont pas
tous, loin s’en faut, inscrits dans des disciplines ou sur des supports de
publications y faisant explicitement référence.
Un tel caractère fragmenté et hétérogène
des recherches s’explique aussi par l’ampleur et les multiples
dimensions des objets de recherches liés à l’apprentissage,
l’éducation et la formation. Ils touchent en effet à de
nombreuses sphères de l’activité humaine :
économique, politique, sociale et culturelle, psychique et psychologique,
etc. Une autre difficulté pour construire une image tant soit peu
fidèle du domaine relève de la pluralité et de la
diversité des modèles et des théories, à
l’intérieur comme à l’extérieur des champs
disciplinaires. Cette pluralité s’explique aussi par les
particularités des domaines de connaissances en termes
d’apprentissage, de situations d’apprentissage, d’enseignement
et de formation considérées.
4.2.2. Des difficultés à développer des travaux
pluridisciplinaires
Le besoin est néanmoins toujours réel de construire
l’articulation et l’intégration pluridisciplinaire des
recherches en lien avec l’apprentissage, l’éducation et la
formation. Dans le cas contraire, le risque existe de la prédominance
d’un paradigme et d’une façon unique de traiter et de
délimiter les objets de recherche. Par ailleurs, le consensus est fort
pour expliquer également la persistance de cette dispersion par la
difficulté à faire exister l’interdisciplinarité,
dans les recherches et ses structures, si ce n’est de façon
ponctuelle et transitoire. De façon encore accrue ces dernières
années, les systèmes d’évaluation des chercheurs et
des laboratoires privilégient d’ailleurs la
mono-disciplinarité, comme de très nombreuses revues de recherche.
Il y a par exemple une incertitude forte sur le soutien effectif que vont
apporter les structures de la recherche (CNRS, universités, centres de
recherche privés et publics, etc) et les agences
d’évaluation de la recherche aux actions à caractère
pluridisciplinaire.
En contrepoint du constat précédent, une difficulté
supplémentaire réside dans le manque d’outils et/ou de lieux
d’élaboration de panoramas cohérents et opérationnels
des recherches sur l’apprentissage, l’éducation et la
formation.
4.2.3. Une première liste de thèmes de recherche apparus comme
relativement peu investis
L’absence de cartographie d’ensemble détaillée et
complète des travaux menés dans les différentes
communautés de recherche rend très difficile
l’identification des thèmes ou objets de recherches sous-investis.
Un certain nombre de thèmes de recherche nous ont cependant semblé
relativement peu représentés en France, notamment :
- L’acquisition des compétences de haut niveau et des
fonctions cognitives supérieures (en plus des apprentissages primaires et
des fonctions exécutives ou de la simulation) ;
- L’apprentissage chez l’adulte à tous les
âges en dehors des recherches s’intéressant aux impacts
négatifs du vieillissement ;
- L’activité des formateurs, alors qu’il existe
une tendance récente à développer des recherches sur
l’activité des enseignants ;
- L’analyse des besoins des utilisateurs finaux et des
contextes réels d’utilisation des TICE, l’efficacité
des dispositifs mis en œuvre ;
- L’étude des populations apprenantes à besoins
spécifiques, en particulier en lien avec les technologies (TICE et autres
technologies émergentes).
5. Présentation synthétique des scénarios
Trois
macro-scénarios ont été élaborés, chacun
étant susceptible de deux types d’évolution en fonction de
l’évolution des variables de contexte. Les points essentiels de ces
scénarios sont présentés ici. Le lecteur pourra trouver une
version étendue et argumentée de ces scénarios à
l’adresse : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/75
5.1. Macro-scénario 1. Marché et personnalisation, R & D,
vers l’école et la formation à la carte : vers une
société du « fast food » éducatif
La libéralisation du marché de l’éducation et de
la formation, associé à un modèle dominant fondé sur
l’individualisation et la personnalisation des dispositifs, des ressources
et des technologies, a abouti à une société tendant
à l’industrialisation des services et des produits
d’éducation et de formation selon un scénario analogue
à celui du développement des entreprises de « fast
food » : nombre restreint de produits, assemblage lors de la
vente, standardisation, faible coût. Les hypothèses constitutives
de ce scénario sont indiquées dans l’encart
suivant :
• Apprentissage, éducation et formation :
« responsabilité individuelle » dans
l’orientation et le choix ;
• Désengagement de l’État, marché
concurrentiel et individualisation de l’offre ;
• Inégalités et disparités accrues entre les
acteurs ;
• Niveaux de sortie de la formation initiale plus précoces
qu’actuellement et baisse corrélative des niveaux de
qualification ;
• Deux segments contrastés dans les technologies
d’apprentissage : technologies haut de gamme de coût
élevé, solutions propriétaires à bas coût,
technologies disponibles non spécifiques ;
• Recherches en éducation et formation dispersées et
très finalisées, faible capitalisation.
5.2. Macro-scénario 2. Déconnexion Recherche/terrain, distance
éducation et formation, prééminence des experts
techniques
Ce scénario représente une continuité entre la situation en 2011 et celle de 2030, tant du point de vue des relations
entre monde de la recherche et monde de l’éducation et de la
formation, que du point de vue de l’organisation de la recherche et de son
pilotage. L’évolution des nouvelles technologies n’a pas
d’impact majeur dans cette configuration. Deux variantes peuvent
être distinguées, selon que les usages des technologies de
l’information et de la communication restent en marge des systèmes
d’éducation et de formation ou non. Les points saillants du
scénario sont donnés dans l’encart suivant :
• Subordination des contenus enseignés vis-à-vis de
l’emploi ;
• Soutien faible ou en baisse à la recherche en
éducation ;
• Inégalités croissantes entre les acteurs, en termes de
production, d’accès et d’utilisation des
ressources ;
• Dualité de la production de ressources pédagogiques par
des communautés et par le marché de
l’édition ;
• Gouvernement de la société sur la base
d’expertises techniques ;
• Peu de recherche ; certaines à court terme, en
concurrence, sur quelques thèmes liés à l’innovation,
maintien d’une recherche fondamentale en faible lien avec la pratique et
les exigences du terrain.
5.3. Macro-scénario 3. Formation « tout au long de la
vie » : un projet de société pris au
sérieux
Le scénario qui suit est fondé sur l’idée
d’une recherche soutenue, forte et diversifiée, articulant
plusieurs disciplines et domaines concernés par les technologies de
pointes, de la biologie jusqu’aux sciences humaines et sociales, en forte
interaction avec les acteurs et les besoins de terrain. Il nous semble avoir
l’intérêt de tirer les conséquences de tendances bien
repérées dont la conjonction n’est pas impossible. Les
hypothèses constitutives de ce scénario sont indiquées dans
l’encart suivant :
• Éducation et formation : un enjeu, un investissement et
une stratégie pour aller vers une société du
savoir ;
• Large diffusion de technologies variées et adaptées sur
la base d’une approche centrée-humains ;
• Appropriation continue de ressources élaborées
collectivement au sein des communautés et largement
accessibles ;
• Rapprochements recherche, éducation et formation ;
• Formation à et par la recherche des acteurs de
l’éducation ;
• Multiples liens directs entre la recherche et les pratiques selon
diverses formes ;
• Soutien affirmé aux recherches sur l’apprentissage,
l’éducation et la formation
6. Grands axes de recherche identifiés
Les trois scénarios ainsi que les constats
sur l’existant ont fourni la base à partir de laquelle nous avons
cherché à identifier des thématiques de recherche
importantes à explorer de manière approfondie. Nous avons
conscience que la procédure de choix a eu un caractère
fragile : les thèmes ont été définis par
consensus au sein du groupe, en cherchant ce qui était susceptible
d’apporter de l’information permettant de faire face aux
problèmes jugés importants. Nous avons ainsi abouti à une
liste de questions, plutôt longue, présentant des niveaux de
granularité disparates. Puis nous avons procédé par
regroupement pour aboutir à cinq grands axes thématiques. Ceux-ci
sont présentés ci-dessous, associés aux principaux
thèmes ou questions à partir desquels ils ont été
construits. Il convient de garder présent à l’esprit
qu’il s’agit d’un ensemble de propositions soumises à
la discussion.
Chacun des axes suivants nous semble pouvoir faire l’objet
d’investigations visant aussi bien à découvrir et à
mieux connaître des faits qu’à soutenir l’action. En
outre, les regroupements ont été volontairement faits de telle
sorte qu’ils puissent être instruits du point de vue des
différentes disciplines et non d’une seule. Ces exemples de
thèmes et de questions n’épuisent évidemment pas,
encore une fois, ce qu’il est possible — voire souhaitable —
de développer comme recherches sur les questions
d’éducation, de formation et d’apprentissage.
6.1. Relations citoyens, sciences, technologies
- Comment diminuer l’écart entre les connaissances
enseignées et l’état des connaissances scientifiques du
moment, s’agissant en particulier des savoirs nouvellement
identifiés et répertoriés ?
- Comment développer chez les apprenants des
compétences de haut niveau (pensée critique,
créativité, etc.) : processus, difficultés et
outils ;
- Comment favoriser, outiller et améliorer la participation
« éclairée » des citoyens aux débats
sur les savoirs et sur les connaissances non-stabilisées ?
- Quels domaines de connaissance apparaissent nécessaires en
termes d’éducation et de formation tout au long de la vie des
citoyens ? Barrières et catalyseurs pour leur diffusion et
l’appropriation ?
- Comment améliorer l’articulation et
l’intégration entre la recherche et les praticiens directement
concernés ?
6.2. Technologies, éducation et formation
- Comprendre et améliorer les processus de conception des
artefacts et des dispositifs technologiques pour l’éducation, la
formation et l’apprentissage ; étudier et favoriser la prise
en compte des besoins des utilisateurs finaux et contextes réels
d’utilisation des TICE, mesurer l’efficacité des dispositifs
mis en œuvre ;
- Étudier l’existant et les pratiques en situations
réelles, incluant des études empiriques et des évaluations
impliquant des dispositifs technologiques dans l’éducation, la
formation et l’apprentissage ;
- Étudier et améliorer les processus de conception des
technologies pour l’éducation, la formation et
l’apprentissage : EIAH, Réalité Virtuelle pour
l’apprentissage, Technologies de la mobilité pour
l’apprentissage et l’éducation ;
- Étudier et outiller la prise de décision en
matière de choix scolaire et d’orientation :
accessibilité des informations pour les apprenants et leur entourage,
outil d’aide à la décision, etc. ;
- Développer des recherches sur les populations apprenantes
à besoins spécifiques, en particulier en lien avec les
technologies (TICE et autres technologies émergentes) ;
6.3. Évaluation et prise de décision en éducation,
formation et apprentissage
- Méthodes et procédures d’évaluation des
dispositifs et ressources pour l’évaluation et la formation :
étudier la portée, la fidélité, la validité
et l’applicabilité ;
- Comprendre et évaluer les actions menées pour
améliorer l’accessibilité de la formation à tous. Il
s’agit notamment de comprendre une réalité paradoxale :
les personnes les moins formées au départ accèdent moins
à la formation quand elles avancent en âge ;
- Analyser et spécifier les besoins humains, organisationnels
et techniques en matière d’éducation et de formation :
quelles méthodes et quelle efficience dans quelles conditions ?
- Quelles théories mobilisées pour les
décisions de conception des systèmes, dispositifs et ressources
éducatives et pour l’apprentissage : nature,
caractéristiques remarquables et contribution
opérationnelle ?
- Évaluation des politiques publiques : quelles
méthodes pour quelle efficience ?
6.4. Interactions Apprentissage, Santé et Environnement
- Impact de l’accès à la formation sur la
santé et le bien-être. Influence de la santé sur
l’apprentissage : handicap, populations sensibles et modes de
scolarisations temporaires, lien santé, âge et
apprentissage ;
- Éducation, formation et apprentissage à la
santé et prévention ;
- Formation des soignants ;
- Éducation, formation et apprentissage à
l’environnement et au développement durable.
6.5. Systèmes Socio-techniques dynamiques, complexité et
cognition
- Acquisition des compétences de haut niveau et des fonctions
cognitives supérieures ;
- De quelle (s) façon (s) les parents étayent
l’activité éducative de leurs enfants dans des contextes
formels et non formels d’éducation ? Quelles
conséquences en termes d’apprentissage, de relations
parents-enfants ?
- Modèles de l’apprentissage implicite,
déterminants, barrières et assistances à
l’apprentissage implicite dans les situations d’activité
individuelle ou collective ;
- Modèles de l’apprentissage centrés sur
l’activité, apprentissage auto-régulé, apprentissage
dans les communautés épistémiques, apprentissage
organisationnel, apprentissage collaboratif ;
- Apprentissage, dés-apprentissage et
ré-apprentissage ; étudier par exemple, les processus et
facteurs liés au dés-apprentissage dans l’illettrisme, ou
encore le ré-apprentissage de nouveaux modes opératoires dans le
domaine professionnel (par exemple ré-apprentissage lié à
l’adoption de l’éco-conduite chez les usagers de la
route) ;.
- Apprentissage chez l’adulte.
7. Perspectives
Les thèmes de recherche
précédents concernent tous plusieurs communautés de
recherche et sont susceptibles d’intéresser également
praticiens et décideurs. Mais il est douteux que le milieu des chercheurs
s’en empare spontanément de manière coordonnée. Des
incitations venant d’une instance régulatrice de la recherche (par
exemple sous la forme du financement d’un programme thématique
d’une certaine durée) pourraient être déterminantes.
Cependant, plusieurs problèmes devraient être résolus.
La pluridisciplinarité, on l’a vu, pose problème dans un
monde où l’évaluation est principalement disciplinaire.
Par ailleurs, une question toujours ouverte est celle des ponts qu’il
est possible d’établir entre les différents acteurs de la
recherche, les praticiens et les décideurs. Comment élaborer des
contenus d’apprentissage prenant en compte les apports constatés
par la recherche ? Comment prendre en compte dans la recherche les
exigences des éducateurs et des apprenants ? Comment favoriser le
passage de la recherche de laboratoire à la recherche en classe ou sur
les lieux de formation ?
Le peu de visibilité de traductions opérationnelles des
résultats de la recherche ne signifie pas obligatoirement une absence de
connaissances de ces résultats, ou une résistance volontaire au
changement, mais peut également découler d’une
incompatibilité avec les contraintes de la situation réelle de
pratique (conditions contextuelles, conditions sociales, économiques, et
culturelles). Pour des auteurs comme Martinand (Martinand, 2002),
l’idée de transfert de savoir est une illusion :
« l’idée d’appliquer facilement un savoir
validé soulève plusieurs problèmes importants tenant
notamment à la distance entre modes de pensée des chercheurs et
des enseignants et à la différence entre “savoirs
mobilisateurs“, savoirs explicatifs et prédictifs habituellement
produits par la recherche ». Pour cet auteur, en revanche,
l'idée de transfert d’innovations, est intéressante, ce
transfert ayant un caractère souvent
« imprévisible ». Il insiste aussi sur les
idées de circulations des savoirs et de traduction, au sens de Michel
Callon.
La situation est particulière dans le domaine des EIAH, qui a comme
caractéristique d’être situé à
l’interface de plusieurs disciplines, de donner lieux à des types
d’approche très différents et d’avoir partie
liée avec l’innovation. Un des enjeux, ici comme ailleurs, est sans
doute moins la mise en cohérence des différents types
d’approches que la nécessité de la poursuite de
coopérations entre chercheurs et praticiens de différents
horizons.
Bibliographie
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8. Bibliographie supplémentaire
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bilbliographiques et sitographiques ont été utilisées pour
le projet. Celles qui suivent ont été sélectionnées
en raison de leur importance pour notre raisonnement
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153–194.
Annexe : organisation et fonctionnement de l’ARP Prea2K30
Partenaires
Pour atteindre ses
objectifs, PREA 2K30 s’est appuyé sur un consortium large
regroupant :
Des laboratoires de recherche reconnus œuvrant dans les multiples
disciplines s’intéressant à l’apprentissage, aux
technologies ou aux usages ;
Des entreprises, des associations, des acteurs et du monde social, de
l’éducation et de la formation. PREA2K30 regroupe une quarantaine
de partenaires, provenant de la recherche, de l’entreprise et du milieu
associatif.
Parmi eux, voici ceux qui ont eu une responsabilité de coordination du
projet :
- Université Paris Descartes, EDA, LATI et Axe
thématique prioritaire « Transmettre, apprendre,
savoir »
- Association française de réalité virtuelle,
AFRV
- Association des technologies de l’information pour
l’éducation et la formation, ATIEF
- Centre de recherche et d’études sur l’âge
et les populations au travail, centre d’études sur l’emploi,
CREAPT – CÉE
- École normale supérieure de Cachan, UMR STEF
- Institut de l’École normale supérieure, groupe
COMPAS
- Université Paris 8
- Université Toulouse 2
Personnes ayant significativement contribué au projet
Comité de pilotage du projet
G-L Baron et J-M Burkhardt (Université Paris Descartes) :
responsables du projet assistés de Ayuko Sedooka. François-Xavier
Bernard (Université Paris Descartes — EDA), Éric Bruillard
(ENS Cachan- STEF), Pierre Chevaillier (ENIB-LISyC, AFRV), Catherine Delgoulet
(Université Paris Descartes- LATI), Pascal Leroux (Université du
Maine- LIUM, ENSIM, ATIEF), Elena Pasquinelli (ENS Groupe COMPAS), A
André Tricot (Université de Toulouse-le-Mirail, CLLE), Christine
Vidal-Gomel (Université de Nantes – CREN).
Responsables des groupes thématiques
- Cognition, processus d’apprentissage, évaluation des
apprentissages (coordinateurs : E. Pasquinelli & A. Tricot).
- Curricula, contextes formels et informels d’apprentissage,
modalités d’enseignement (coordinateurs : F.-X. Bernard &
E. Bruillard).
- Nouvelles ressources, nouveaux instruments (coordinateurs :
P. Chevaillier & P. Leroux).
- Évolutions des contraintes de travail ou
d’apprentissage et modalités de prise en compte de la
diversité (coordinateurs : C. Delgoulet & C. Vidal-Gomel).
Autres personnes nous ayant particulièrement fait
bénéficier de leurs avis et critiques
Monique Baron (Université Paris 6), Jacques Wallet (Université
de Rouen).
Ressources en ligne
- Premier symposium : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/colloque/premier-symposium
- Second symposium : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/colloque
- Fiches variables : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/77
- Scénarios : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/75
- Analyse de points de vue étrangers : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/78
- Références bibliographiques : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/biblio
1Cf. par exemple : http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/78
2http://prea2k30.risc.cnrs.fr/colloque/premier-symposium
3http://prea2k30.risc.cnrs.fr/colloque
4http://prea2k30.risc.cnrs.fr/contribs/afficher/77
5À comparer par exemple avec
les 12 % du PIB attendus en dépenses de santé en France pour
2011.
6Dépense intérieure
de recherche et développement
7Les taux les plus forts ont de
l'ordre de 9 à 10 enseignants pour 100
élèves/étudiants.
8Ces données et les
suivantes sont issues du rapport de 2008 du conseil d'orientation pour l'emploi (COE, 2008)
9http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-vote/loi-du-4-mai-2004-relative-formation-professionnelle-tout-au-long-vie-au-dialogue-social.html
10Cf. la constitution des
laboratoires de fabrication -fab labs : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab et, en France, par exemple http://www.artilect.fr/.
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