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Volume 18, 2011
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Intégration des espaces institutionnels et personnels pour l'apprentissage

 

Yvan Peter (LIFL, Lille), Sabine Leroy (INSTITUT TELECOM, Lille), Eric Leprêtre (LIFL, Lille)

 

RÉSUMÉ : Les environnements d'apprentissage institutionnels sont en général structurés suivant les besoins et objectifs des organisations qui les utilisent et prennent peu en compte les besoins des apprenants. En contrepoint, la sphère des services Web 2.0 en perpétuelle expansion a permis l'émergence d'environnements personnels d'apprentissage construits de manière ad hoc par les apprenants. Nos travaux s'intéressent à l'articulation entre ces deux types d'environnements afin de permettre une appropriation par les apprenants de leur apprentissage. Cet article présente un prototype d'intégration de scénarios pédagogiques (espace institutionnel) et de blogs (espaces personnels) qui pose les bases d'une architecture d'intégration plus générale.

MOTS CLÉS : Web 2.0, Espace Personnel d'Apprentissage, environnement d'apprentissage, LMS, blog

ABSTRACT : Institutional learning environments are generally designed to fit organisational needs and objectives and take little consideration of learners needs and preferences. Meanwhile, the Web 2.0 service world is perpetually expending and has enabled the emergence of personal learning environments built in an ad hoc manner by learners. In our work, we are interested in the articulation of these two kinds of environments to enable learners to appropriate their learning. In this article we will more particularly present a prototype of the integration of pedagogical scenarios (institutional space) and a blog (personal space).

KEYWORDS : Web 2.0, Personal Learning Environment, LMS, blog

 

1. Introduction

Les plates-formes d’apprentissage en ligne ou Learning Management Systems (LMS) sont devenues un support incontournable aujourd’hui pour les universités et dans le cadre de la formation en entreprise. Elles permettent l’organisation des enseignements, l’affectation des apprenants aux enseignements, l’accès aux ressources pédagogiques et leur structuration. La conception et l’usage de ce type de plate-forme sont essentiellement guidés par les besoins de l'organisation et elle est donc imposée aux apprenants. La plate-forme de formation offre dès lors un monde clos qui peut être perçu comme rigide par les apprenants et qui est par nature déconnecté des expériences d'apprentissage quotidiennes. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l'apprentissage tout au long de la vie et l'apprentissage professionnel.

En parallèle, les services Web 2.0 tels que les réseaux sociaux, les sites de partage de ressources (e.g., del.icio.us) ou les blogs rencontrent un fort engouement et sont utilisés quotidiennement dans le cadre des loisirs ou du travail. La possibilité de combiner ces services et les informations qu'ils hébergent a mené à l'émergence d'un nouveau type d'environnement d'apprentissage : les Environnements Personnels d’Apprentissage ou Personal Learning Environments (PLE). Les PLE sont un assemblage ad hoc et opportuniste de services Web 2.0 constitué pour supporter un objectif d'apprentissage. Ils permettent de rassembler l'information existante, d'en produire et d'inscrire cet apprentissage dans les réseaux sociaux et les communautés pertinentes facilitant ainsi le partage et la création collaborative de savoir.

A priori, ces deux approches sont totalement différentes : la première est centrée sur l’institution, ou sur le cours dispensé, la deuxième est centrée sur l’apprenant. Bien que les LMS commencent à intégrer des services du Web 2.0, ils ne parviendront jamais à suivre l’évolution rapide de nouveaux services sur Internet.

Par ailleurs, si les PLE semblent supporter idéalement un apprentissage socio-constructiviste, ils ne s'intègrent pas a priori dans un apprentissage formel, c'est à dire faisant l'objet d'une validation des connaissances acquises. Pour cette raison, il nous semble essentiel de travailler sur l'articulation de ces deux types d'espaces (institutionnel et personnel) et d'environnements (Fiedler et Kieslinger, 2006). Dans cette optique, nous avons commencé à travailler sur l'utilisation des scénarios pédagogiques (Peter et al., 2008) afin de définir les activités d'apprentissage (point de vue institutionnel) qui pourront être réalisées par les apprenants via les services de leur choix (espace personnel). Dans un premier temps, nous allons présenter les différents concepts associés au plates-formes et environnements d'apprentissages avant de décrire l'architecture globale que nous visons. Ensuite nous présenterons le prototype effectivement réalisé avant de conclure.

2. LMS, Web 2.0 et PLE

2.1. Les plates-formes d'apprentissage

Les Learning Management Systems que l'on pourrait traduire littéralement par systèmes de gestion de l'apprentissage offrent une solution intégrée pour l'organisation de l'enseignement et de l'apprentissage. Les fonctions principales consistent à fournir l'accès aux ressources pédagogiques de manière structurée (fonction de gestion de contenu), à gérer l'inscription des apprenants dans les cours et à suivre les activités et résultats des apprenants sur la plate-forme. De ce fait, ces plates-formes sont organisées selon les besoins institutionnels plutôt que selon ceux des apprenants. Cette approche soulève une critique grandissante face au succès des services Web 2.0 par nature plus ouverts et versatiles (Dalsgaard, 2006), (Mott et Wiley, 2009), (Softic, 2009), (Wilson et Liber, 2007). Les critiques principales que l'on peut recenser sont les suivantes :

- ils constituent un monde clos dans lequel les services et les données sont structurés suivant l'organisation du cours sans possibilité d'adaptation et d'appropriation de l'environnement par l'apprenant ;

- ils sont centrés sur l’institution et cherchent notamment à faciliter l'administration des enseignements. A ce titre, ils offrent un espace d'apprentissage homogène qui prend peu en compte les besoins personnels des apprenants. La répartition des droits sur la plate-forme ainsi que les choix d'organisation placés entre les mains du formateur renforcent la relation asymétrique entre l'enseignant et les apprenants ;

- l'accès aux ressources et aux services est généralement limité dans l'espace et le temps car basé sur l’inscription des apprenants à un cours pour une certaine durée. Les apprenants n'ont donc pas la possibilité de faire référence aux ressources ni aux interactions qui ont pu avoir lieu par exemple sur les forums au delà du semestre ou de l'année.

Les LMS remplissent une fonction importante pour les institutions en facilitant la gestion des enseignements. Toutefois, leur mode de fonctionnement est largement tourné vers les besoins de l'institution au détriment d'une appropriation par les apprenants qui sont placés dans un cadre contraint et fermé. Cela est également en contradiction avec la volonté de rendre les apprenants plus autonomes dans leur organisation et la gestion de leurs objectifs d'apprentissage, notamment dans le cadre de la formation professionnelle.

2.2. Web 2.0 et réseaux sociaux

La « révolution » Web 2.0 correspond plutôt à une évolution des usages qu'à un changement drastique des technologies de l'Internet. Les principales propriétés du Web 2.0 sont (Anderson, 2007), (O'Reilly, 2005) :

- le passage à un mode de production et de publication individuel. L'amélioration de l'utilisabilité apportée notamment par des technologies type Ajax a permis l'essor de services permettant à tout un chacun de publier des informations à un niveau personnel ou collectif ;

- un traitement et une organisation collectifs de l'information, notamment via l'utilisation de mots clés (tags) qui permettent l'émergence d'un vocabulaire commun au sein d'une communauté d'utilisateurs (i.e., les folksonomies) ;

- une grande masse de données produite par les utilisateurs de manière volontaire ou implicitement par l'analyse de leurs comportements (e.g., les recommandations Amazon basées sur les achats précédents) ;

- un accès ouvert aux données et aux services (via des API publiques). Cela permet d'accéder aux données pour les transformer et les agréger afin produire de nouvelles informations. De même il est possible de combiner différents services pour offrir un service à valeur ajoutée.

Dans le cadre de l'apprentissage, les technologies Web 2.0 sont appréciées pour leur capacité à supporter des pédagogies constructivistes grâce à la facilité de production et de manipulation d'informations à un niveau individuel ou collectif (Duffy et Bruns, 2006), (Mcloughlin et Lee, 2007). Les principaux types de services associés au Web 2.0 sont les suivants (Franklin et Harmelen, 2007) :

- les blogs sont une sorte de journal de bord qui peut être utilisé au niveau individuel ou en groupe. Les contributions sont ordonnées de manière à ce que les plus récentes soient présentées en premier. Des extensions multimédia permettent d'adjoindre au texte des photos ou des vidéos.

- les wikis permettent la production et l'organisation coopérative de contenu. Wikipédia en est l'exemple le plus significatif ;

- les systèmes de balisage (tagging) et de gestion collective de liens (social bookmarking) supportent l'émergence de systèmes de classification et le partage de ressources pertinentes au sein d'une communauté particulière ;

- les fils de nouvelles (news feeds) et la syndication permettent d'intégrer les informations issues d'un site dans un autre site et d'être informé des nouveautés. Cela permet à l'utilisateur d'être notifié plutôt que d'avoir à surveiller de manière active un ensemble de sites.

Le fondement des services Web 2.0 consiste à supporter la production et la publication individuelle d'informations ainsi que l'organisation de ces informations sous une forme pertinente à un niveau individuel ou collectif. Contrairement au modèle dominant dans les LMS, sur lesquels les ressources sont construites et structurées pour l'apprenant qui n'a qu'à les consommer, les services Web 2.0 supportent plutôt des approches constructivistes dans lesquelles l'apprenant va lui-même produire les ressources d'apprentissage (Duffy et Bruns, 2006), (Seitzinger, 2006). L'aspect social du Web 2.0 quant à lui favorise les approches collaboratives (Downes, 2010).

2.3. Les environnements personnels d'apprentissage

Les environnements personnels d'apprentissage (PLE) s'appuient sur les services Web 2.0 et les réseaux sociaux. Ils sont centrés sur l'utilisateur qui va les construire de manière ad hoc par agrégation des services et des réseaux sociaux pertinents pour un centre d'intérêt donné. Le concept a émergé de l'aspect pervasif des services Web 2.0 et en réaction au contrôle institutionnel de l'environnement d'apprentissage. Il n'y a pas actuellement de définition consensuelle des Environnements Personnels d'Apprentissage (Fiedler, 2010). Pour Wilson, les PLE constituent un style d'usage plutôt qu'une plate-forme proprement dite (Milligan et al., 2006). Malgré tout, quelques travaux ont émergé qui ont pour objectif de fournir une infrastructure logicielle pour la réalisation de ces environnements. Dans la suite nous donnons une description de ces différents environnements.

2.3.1. Systèmes d'agrégation de flux

Les systèmes d'agrégation de flux visent à étendre les fonctionnalités des lecteurs de flux RSS standards pour supporter les formations en ligne. GRSShopper (Downes, 2010) est à la fois un collecteur de flux qui permet de récupérer les contributions des apprenants sur leurs blogs personnels en se basant sur des balises spécifiques et un système de distribution des contributions collectées. Ces contributions peuvent être distribuées aux apprenants par différents moyens tels que le mail ou un flux RSS et permettent ainsi de suivre les conversations qui émergent dans le cadre d'un cours. Sur le même principe, EduFeedr cherche à faciliter le suivi des activités des apprenants (Põldoja et Laanpere, 2009). Ce prototype met en évidence les interactions entre apprenants (en se basant sur les commentaires entre blogs) et facilite l'accès à ces interactions.

Ces deux systèmes s'adressent à une catégorie particulière de cours appelés "Massive Open Online Course" (MOOC) dans lesquels des centaines ou milliers d'apprenants peuvent participer et pour lesquels des outils sont nécessaires pour extraire les interactions pertinentes ou conversations qui émergent des contributions au cours (Mackness et al., 2010).

2.3.2. Plates-formes de mashup

Quelques plates-formes orientées agrégation (mashup) ont commencé à émerger. Parmi celles-ci, on peut citer PLEX, un des premier prototypes, qui permet d'intégrer des informations de différents services Web 2.0 au sein d'un client lourd (JISC, 2005). La majorité des autres travaux suit une approche client léger en constituant un environnement accessible via le navigateur.

Pour les auteurs de la plate-forme MUPPLE les compétences mises en œuvre pour apprendre (e.g., organisation, collaboration...) sont aussi importantes que les concepts à apprendre proprement dits. La mise en œuvre de l'environnement personnel d'apprentissage par l'apprenant est alors le fruit de ses compétences et résulte de l'apprentissage réalisé (Mödritscher et Wild, 2009). Afin de proposer aux apprenants la création et le paramétrage de leur PLE, ils ont développé une plate-forme d'agrégation (mash-up) selon une architecture à trois niveaux permettant l'intégration des sources d'informations (e.g., flux RSS), la gestion de ces sources ainsi qu'un niveau présentation permettant d'agréger les différentes interfaces des services sur une même page Web. Cet environnement est paramétrable grâce à un langage intitulé Learner Interaction Scripting Language (LISL) basé sur des triplets {action – résultat – outil}. Ces scripts peuvent être capitalisés sous forme de bonnes pratiques pour des apprentissages ultérieurs.

PLEF (Chatti, 2009) et son extension PLEF-Ext (Chatti et al., 2009) constituent une plate-forme pour l'agrégation d'informations et de services. Elle utilise les technologies du web sémantique pour faciliter l'assemblage des services par l'utilisateur. La description sémantique des services (méthodes, paramètres en entrée et en sortie) est utilisée pour automatiser l'assemblage ou au minimum aider l'utilisateur dans la mise en correspondance des paramètres en sortie avec les paramètres en entrée d'un autre service. La plate-forme prend ensuite en charge les communications et les transformations de données potentielles pour permettre une utilisation transparente pour l'utilisateur du nouveau service défini.

2.3.3. Environnements basés sur les Widgets

Un autre moyen de constituer un PLE est d'agréger un ensemble de Widgets sur une page Web permettant ainsi de regrouper l'accès à un ensemble de services et de sources d'informations. Les pages d'accueil personnalisées telles que iGoogle ou NetVibes peuvent servir de base pour construire un tel PLE (Ivanova, 2009). (Sire et al., 2009) définissent un espace web comme une configuration représentant l'agrégation d'un ensemble de Widgets. Cette configuration peut être partagée et déployée sur des portails hétérogènes. Les auteurs proposent un langage XML de description qui est utilisé pour le partage et l'adaptation. (Taraghi et al., 2010) étudient la conception d'un PLE basé sur les Widgets en utilisant la technologie JavaFX pour agréger aussi bien des services institutionnels que des services Web 2.0 et permettre l'adaptation par les utilisateurs.

3. Scenario

Nous avons choisi IMS-LD (IMS, 2003) qui utilise la métaphore théâtrale pour spécifier un scénario pédagogique : un cours est vu comme une pièce, divisée en un ou plusieurs actes (activités). Les activités, ensemble de tâches individuelles ou collectives, sont réalisées par les acteurs en fonction de leur rôle et du scénario d'apprentissage lui-même et référencent un environnement (le décor de la pièce de théâtre), défini par l'ensemble des services (wiki, blog,...) et objets pédagogiques nécessaires à leur exécution. Tous les rôles (tuteur ou apprenant) doivent être synchronisés à la fin de chaque acte (activité) avant de traiter l'acte suivant.

Le scénario choisi est l'exemple bien connu « What Is Greatness ?» initialement créé par James Dalziel (Dalziel, 2003) et repris par l'Open University of the Netherlands (Tattersall, 2004) qui illustre un travail collaboratif entre un tuteur et des apprenants. Comme le montre le diagramme d'activité UML (Figure 1), le scénario comporte une unité d'apprentissage composée d'activités pédagogiques, regroupées en deux étapes, comportant chacune un point de synchronisation.

La première étape comporte des activités dédiées aux apprenants (L1.1 et L1.2) et des activités liées au tuteur (T1.1) qui sont exécutées parallèlement.

Pour chaque apprenant, l'étape 1 consiste en deux activités (L1.1, L1.2) exécutées séquentiellement. La première activité étudiante (L1.1) est la lecture individuelle d'un texte d'introduction sur le cas "What is Greatness?" à partir de ressources qui proviennent d'un fichier texte ou de sites internet. La deuxième activité (L1.2) est la saisie de quelques remarques sur le sujet. Parallèlement, le tuteur peut suivre le processus de saisie de chacune des remarques étudiantes (T2.1). En validant cette première activité, il détermine le point de synchronisation et clôt toutes les activités de la première étape (L1.1, L1.2 et T2.1).

Figure 1 : Diagramme d'activité du scenario « What Is Greatness? »

Lors de l'étape 2, les étudiants voient de manière anonyme les réponses de chacun et chaque apprenant peut ensuite annoter, s'il le souhaite, chacune des réponses des autres participants et ce, de manière anonyme (activité L2.1). Le tuteur quant à lui, reçoit toutes les remarques annotées qui ont été saisies par les apprenants et peut envoyer un retour concernant les remarques et les annotations faites sur ces remarques (activité T2.1). Enfin, quand il clôture cette activité, l'étape 2 devient elle aussi inaccessible pour chacun des étudiants et le scénario est terminé.

Ce scénario a été conçu pour un usage sur une plate-forme d'apprentissage ou au moins au moyen de l'environnement Web associé au moteur d'exécution de scénarios pédagogiques. Nous verrons dans la suite comment cela se déroule sur des services Web 2.0.

4. Architecture

Notre objectif est de définir une infrastructure permettant d'intégrer un ensemble de services et de sources d'informations et de les combiner pour constituer un environnement pour l'apprentissage utilisable par les apprenants ainsi que par les enseignants. Pour cela, cette infrastructure doit :

- permettre d'intégrer les services nécessaires à travers différents protocoles de type REST ou Web Services ;

- être personnalisable par l'utilisateur qui doit pouvoir utiliser les services qui lui conviennent tout en assurant le lien avec les autres utilisateurs que ce soit l'enseignant ou d'autres apprenants ;

- assurer la transmission des informations entre les services éventuellement après transformation de manière à favoriser la visibilité des activités entre les différents acteurs.

Dans le cadre des infrastructures d'entreprise, ce type de fonctionnalité est assuré par un bus de service ou Enterprise Service Bus (ESB) (Menge, 2007). La figure 2 présente le principe d'utilisation de l'ESB. Différents connecteurs permettent d'intégrer les différents protocoles nécessaires à la communication avec les services. Il est possible de définir des règles de routage et de transformation suivant les messages et/ou les services émetteur ou destinataire. Ainsi, une contribution sur un blog d'apprenant sera connue via le fil d'information de celui-ci. Cette contribution pourrait être automatiquement enregistrée sur del.icio.us pour un groupe d'apprenant ou pour un tuteur et une notification peut être émise sur Twitter.

Figure 2 : Architecture d’intégration

5. Prototype réalisé

Afin de progresser de manière itérative dans l'intégration des différents services et d'obtenir un premier prototype fonctionnel, nous avons réalisé l'intégration de deux services emblématiques : un service de blog représentatif du Web 2.0 et de l'espace personnel et le moteur d'exécution de scénarios pédagogiques CopperCore qui constitue la vision institutionnelle du processus d'apprentissage. Nous présentons dans la suite les technologies utilisées, CopperCore d'une part et les protocoles d'intégration de blog d'autre part avant de décrire le fonctionnement du prototype.

5.1. CopperCore

Coppercore est issu des travaux du projet IST aLFanet (Active Learning for Adaptive Internet) (Santos et al., 2004). Il constitue l'implémentation de référence du standard IMS-LD. Coppercore offre une interface en ligne de commande faisant office d'interface d'administration ainsi qu'un client Web remplissant le rôle d'environnement d'apprentissage. Il a également été intégré à l'éditeur RELOAD afin de permettre le test des scénarios depuis cet environnement d'édition. Coppercore est basé sur l'environnement Java 2 Enterprise Edition et fournit trois types d'interfaces afin de faciliter son intégration dans les environnements d'apprentissage (cf. Figure3) :

- un ensemble d'objets Java constitue une API masquant au développeur les détails de l'accès au moteur selon les principes de J2EE (en particulier l'accès aux composants EJB session) ;

- les interfaces RMI des composants EJB ;

- des interfaces de type Services Web basées sur WSDL qui permettent une intégration en milieu hétérogène.

Figure 3 : CopperCore – architecture et interfaces.

Ces trois types d'interfaces offrent les services d'exécution et d'administration qui composent le cœur d'un moteur d'exécution de scénarios pédagogiques.

5.2. Atom et Atom Publishing Protocol

Atom (Nottingham et Sayre, 2005) rentre dans la catégorie des formats de syndication. C'est à dire qu'il permet de publier les modifications apportées à une ressource Web. Il s'agit typiquement de sites de type blog mais cela peut également s'appliquer à d'autres types de ressources comme des gestionnaires de contenus. Atom permet de décrire des flux (feed) comprenant une collection d'items (entries). Ces éléments sont décrits par des métadonnées (titre, auteur...). Un item correspond à un contenu de la ressource Web (e.g., un article de blog, une photo...).

Atom Publishing Protocol (APP) complète Atom en offrant un protocole permettant la modification d'une ressource Web : ajout, modification ou suppression de contenu. Pour cela, APP s'appuie sur les méthodes HTTP (GET, POST, PUT, DELETE). Ces deux standards combinés permettent d'interagir avec un service de type blog aussi bien en lecture qu'en écriture.

5.3. Fonctionnement du prototype

Notre prototype comporte deux facettes : une facette enseignant permettant d’avoir accès au suivi des apprenants et aux informations pertinentes pour l'apprentissage, une facette étudiant qui lui permet de travailler au travers des services et outils du Web 2.0 qu’il veut utiliser. Le scénario d'usage du prototype est visible Figure 4.

Figure 4 : Fonctionnement du prototype.

Le scénario IMS-LD peut être édité avec un éditeur quelconque puis déployé sur CopperCore. Notre prototype recherche périodiquement les activités disponibles pour chaque utilisateur impliqué et les publie sur son blog personnel. Le prototype scrute également les flux Atom de ces blogs pour déterminer si des activités ont été réalisées (en se basant sur les balises utilisées) de manière à notifier CopperCore. Outre la publication du scénario IMS-LD dans CopperCore, il est nécessaire de configurer l'infrastructure d'intégration de manière à ce que celle-ci connaisse pour chaque apprenant les détails nécessaires à la publication sur le blog personnel.

Si on prend le cas concret du scénario « What is greatness? » cela nous donne le processus suivant (c.f., figure 5) :

1. Selon le scénario IMS-LD, la première activité est publiée sur le blog personnel de chaque étudiant avec les références vers les documents introducteurs.

2. Ayant lu les documents, chaque apprenant peut donner sa vision de la grandeur sous forme de nouvelle contribution sur leur blog. En utilisant la même balise que celle utilisée lors de la publication de l'activité, cela permet au prototype de savoir que l'activité est réalisée (en surveillant le flux Atom).

3. Quand le prototype détermine qu'une activité est terminée, il peut notifier le tuteur suivant différents canaux : Twitter, un flux Atom agrégeant les contributions ou tout autre moyen permettant d'inclure un lien vers la nouvelle contribution.

4. Le tuteur peut valider la contribution de l'apprenant via un commentaire. La validation de l'acte déclenche le passage à l'acte suivant.

5. L'activité suivante est publiée sur les blogs apprenants indiquant de lire et commenter les autres contributions.

6. Les apprenants peuvent accéder aux autre contributions et faire des commentaires.

7. Pendant ce temps, le tuteur peut suivre les commentaires et évaluer le travail réalisé via des commentaires sur les blogs personnels. Quand le tuteur est satisfait, il peut clore l'activité, ce qui termine le scénario.

Figure 5 : Déroulement du scénario dans les différents espaces

6. Conclusion

Le rapport 2009 de Gartner Group sur les nouvelles technologies situe le Web 2.0 dans une phase d'usage généralisé et plus mature (i.e., au delà des utilisateurs précoces et des prototypes semi-fonctionnels) (Gartner, 2009). Cela signifie que ces technologies font maintenant partie du paysage, y compris dans le domaine de l'apprentissage. La dimension personnelle de ces technologies est un défi pour l'institution tout comme pour l'enseignant car elles changent l'équilibre du contrôle traditionnel. Les PLE ont émergés comme moyen pour les apprenants de regagner une part d'autonomie dans l'organisation de leur espace d'apprentissage et dans la gestion de leurs objectifs. Toutefois, il nous semble que dans le cadre de l'apprentissage formel, l'enseignant doit pouvoir structurer l'apprentissage et les activités de manière à assurer un ensemble de résultats pertinents. Pour cela, il nous semble que l'intégration des espaces personnels et institutionnels à travers l'agrégation des services est un bon moyen de bénéficier de l'encadrement institutionnel tout en préservant l'espace et les réseaux personnels.

Le prototype décrit dans cet article constitue une première approche. Il est désormais nécessaire d'intégrer d'autres types de services afin de pouvoir constituer un environnement d'apprentissage significatif qui permettra une évaluation en milieu écologique. Quelques scénarios du type apprentissage par projet devront permettre d'identifier les services pertinents ainsi que les flux d'information nécessaires entre les services et entre les différents acteurs (apprenants et enseignants) de manière à supporter au mieux le processus d'apprentissage. Sur cette base, nous pourrons compléter l'infrastructure d'intégration et définir les règles de routage et de transformation d'information nécessaires. Une étape supplémentaire consistera à extraire des motifs utiles de routage et de transformation d'informations en considérant les objectifs pédagogiques afin de constituer des blocs permettant la constitution de comportements plus complexes.

A plus long terme, on peut envisager de tirer partie du Web sémantique pour déterminer de manière plus élaborée le déroulement des activités. En effet de plus en plus de services Web 2.0 exportent des données en RDF permettant d'obtenir des informations sémantiques sur l'utilisation du service (Softic, 2009). On pourra alors suivre l'activité de manière plus transparente qu'avec l'utilisation explicite de tags identifiant l'activité terminée. En réalisant une requête concernant les activités d'un utilisateur ou d'un groupe, on pourra alors déterminer des événements intéressants (e.g., la fin d'une activité) ou contrôler certaines propriétés (e.g., l'interaction au niveau d'un groupe).

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A propos des auteurs

Yvan PETER, est Maître de Conférences en informatique à l'Université Lille 1 et membre de l'équipe NOCE du laboratoire LIFL. Sa recherche porte sur les infrastructures logicielles pour les EIAH notamment dans le cadre des scénarios pédagogiques, de l'apprentissage mobile et des environnements personnels d'apprentissage.

Adresse : Université Lille 1 - LIFL, Bât Ext-M3, Cité Scientifique, 59655 Villeneuve d'Ascq

Courriel : Yvan.Peter@univ-lille1.fr

Toile : http://www.lifl.fr/~petery

Sabine LEROY, diplômée de Polytech'Lille (option Informatique Microélectronique Automatique) est actuellement enseignant-chercheur à TELECOM Lille 1, une école d'ingénieurs dans le domaine des STIC. Depuis 1993, elle y enseigne notamment les bases de données et la conception de Systèmes d'Information aux étudiants en présentiel et à distance. Ses activités de recherche et développement se situent dans le domaine des Systèmes d'Information et de l'Enseignement à distance (EAD). Elle se focalise sur les environnements pour les étudiants à distance et sur la conception d'outils pédagogiques.

Adresse : Institut TELECOM, TELECOM Lille 1, F-59653 Villeneuve d'Ascq

Courriel : sabine.leroy@telecom-lille1.eu

Eric LEPRETRE est Maître de Conférences en informatique à l’Université Lille 1, membre de l'équipe Noce du laboratoire LIFL. Ses travaux portent sur l'appropriation des plateformes communautaires dans un contexte d'apprentissage. A partir de traces d'usages, il évalue les sentiments exprimés et sous-jacents lors des échanges entre pairs.

Adresse : Université Lille 1 - LIFL, Bât Ext-M3, Cité Scientifique, 59655 Villeneuve d'Ascq

Courriel : eric.lepretre@univ-lille1.fr

 

 
Référence de l'article :
Yvan Peter, Sabine Leroy, Eric Leprêtre, Intégration des espaces institutionnels et personnels pour l'apprentissage, Revue STICEF, Volume 18, 2011, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 7/12/2011, http://sticef.org
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Mise à jour du 8/12/11