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Impacts des TIC sur la qualité des apprentissages des
étudiants et le développement professionnel des enseignants :
vers une approche systémique.
Marcel LEBRUN (UCL, Louvain-la-Neuve, Belgique)
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RESUMÉ : Dans cette synthèse, nous proposons diverses approches
méthodologiques, illustrées d'applications concrètes dans
le contexte de la mise en place de dispositifs hybrides sur une plateforme
d'eLearning, afin de mieux comprendre les rapports systémiques entre des
configurations technologiques (outils, usages) et leurs impacts sur
l'apprentissage des étudiants et sur le développement
professionnel des enseignants du supérieur. Des pistes sont ouvertes afin
de mieux comprendre ces rapports interactifs et de définir ainsi des
perspectives pour des recherches plus fines et mieux circonstanciées.
MOTS CLÉS : eLearning,
impacts, apprentissage, enseignement, méthodologies |
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ABSTRACT : In
this paper, we propose different methodological approaches, illustrated by
concrete results from observations of hybrid learning environments on a LMS
platform, in order to better understand reciprocal influences between
technological setups (tools, uses) and their impacts on students learning and on
teachers professional development in higher education. Tracks are opened in
order to better understand these global interactions and to promote consecutive
narrower researches.
KEYWORDS : e-Learning,
impacts, learning, teaching, methodology |
1. Introduction
Cela fait une trentaine d’années, depuis
les débuts de l’EAO (Enseignement Assisté par Ordinateur)
dans les années 80 jusqu’à nos jours, que les rapports entre
les technologies et les pédagogies font couler beaucoup d’encre.
Les potentiels des technologies éducatives, des logiciels
d’apprentissage aux plateformes d’eLearning en passant par le
cédérom interactif, ont vite fait croire qu’une couche
technologique rajoutée aux formes d’enseignement habituel allait
produire l’amalgame salutaire au renouvellement d’une école
en quête de résonance avec une société
elle-même en quête de savoir-faire, de compétences ... Une
école et une société, toutes deux également
confrontées au renouvellement et à l’accroissement rapides
des savoirs, aux nécessités de l’apprendre toute la vie
durant, aux pressions socio-économiques aussi, etc.
Les recherches les plus fréquentes, souvent construites sur une
comparaison « avec et sans technologie » et axées sur
les effets en termes de « réussite » des apprenants
dans un contexte limité (par exemple : une institution donnée, un
outil particulier, une discipline spécifique) ont la plupart du temps
été marquées par un no significant difference, un
phénomène amplement relevé dans la littérature (Russell, 2009).
Remarquons que ces effets en demi-teinte peuvent être étendus
à des recherches « avec telle ou telle méthode
pédagogique comparée à l’enseignement dit
traditionnel ». Les méta-recherches pionnières de Kulik et al. allaient également déjà dans ce sens, les
légères différences observées entre les dispositifs
étant bien souvent entachées de variance importante ou alors
noyées dans un bruit de fond lié à la variété
des disciplines, aux différentes méthodes pédagogiques
encadrant les outils, ainsi qu'aux modalités d'évaluations des
apprentissages réalisés (Kulik et al., 1980).
Environ vingt ans plus tard, Morgan dans son analyse des effets des LMS
(Learning Management System) parle de pédagogies accidentelles
pour les qualifier (Morgan, 2003).
Les causes les plus probables de ces résultats peu probants et peu
décisifs, en termes de stratégie institutionnelle, par exemple,
sont selon nous :
- soit que le véhicule technologique n’implique pas
nécessairement une refonte des ressources ou de la pédagogie
utilisée (le dispositif pédagogique) ... pas plus que le camion
qui amène les victuailles au supermarché n’améliore
la nutrition d’une communauté (Clark, 1983),
- soit que les objectifs, les méthodes et les
évaluations se modifiant par les usages « bien
pensés » des TIC (les Technologies de l’Information et de
la Communication), la comparaison avec des approches plus traditionnelles est
rendue difficile ou caduque,
- soit encore que les effets recherchés (en termes de
compétences ou de savoir-être) restent hors de portée des
évaluations certificatives encore largement basées sur des
compétences de bas niveau comme la restitution ou l’application (Bloom, 1956).
De manière plus générale encore, les méthodes de
formation mises en place « autour des outils » restent
fortement marquées par l’amateurisme ou l'improvisation alors que
les technopédagogues nous disent, depuis longtemps, l’exigence
pédagogique nécessaire à l’élaboration de ces
dispositifs en ligne, hybride ou à distance : Tardif, en 1996
déjà, proclamait avec raison qu’une pédagogie
rigoureuse est une condition incontournable pour que les TIC tiennent leurs
promesses (Tardif, 1996).
Selon nous, c’est probablement là que réside le
problème : les technologies sont certes porteuses de
potentiels pour le développement pédagogique mais, afin
d’en retirer les valeurs pédagogiques espérées, elles nécessitent d’être encadrées par des
dispositifs pédagogiques basés sur des méthodes plus
incitatives et interactives, soutenus par de nouveaux rôles des acteurs,
enseignants et étudiants, et finalisés au développement des
compétences humaines, sociales et professionnelles de ces acteurs (Figure
1).
Figure 1. Une représentation systémique
des rapports entre technologies et pédagogies
La circularité évoquée dans la figure
précédente s'appuie sur des cohérences internes, celle des
technologies qui incluent et dépassent l'artefact et l'outil pour devenir
instrument de construction des savoirs (Rabardel, 1995),
et celle des pédagogies ou plutôt de l'accompagnement
pédagogique qui vise à doter les apprenants d'occasions où
ils puissent apprendre (Brown et Atkins, 1988).
Nous avons illustré les interactions proposées entre les deux
pôles de la figure ci-dessus dans un article dont le titre est
évocateur : Quality towards an expected harmony: pedagogy and
technology speaking together about innovation (Lebrun, 2007).
Cet article présente, à différents niveaux (apprentissage,
formation, institution), cette cohérence pédagogique, globale et
systémique, « outils-méthodes-objectifs »
à laquelle s’ajoute des modalités d’évaluation
des compétences toujours en construction. Elle est proche de
l’alignement constructiviste (Biggs, 1996) que
nous complétons dans cet article par la prégnance manifeste des
technologies dans l’âge de l’information qui
caractérise notre troisième millénaire. Il est important de
remarquer que ces cohérences souhaitées et ces circularités
à mettre en action sont souvent marquées, dans ce document ou
ailleurs, de « normativité de bonne intention ou
inspirée par des études scientifiques » : les
technologies peuvent ..., l’impact positif des technologies
nécessite ..., à la condition d’aligner les
objectifs, les méthodes ... Cependant, que ce soit sur le pôle
« Technologies » ou sur le pôle
« Pédagogies », ces intentions, ces objectifs, ces
normes sont modulés par les perceptions, les habitudes des acteurs dont
nous avons parlé.
Il nous semble finalement intéressant de compléter ce rapide
tour d'horizon et de lui donner force en évoquant la démarche Learning Outcomes préconisée par l'Union Européenne
en matière d'enseignement supérieur : des objectifs (les
compétences que l'étudiant devra développer et dont il
devra faire preuve au terme du programme), des méthodes (centrées
sur l'activité de l'apprenant mesurée en ECTS, comme, par exemple,
l'apprentissage par problèmes, l'apprentissage par projet,
l'apprentissage collaboratif ...), des évaluations (formatives et
certificatives permettant à l'apprenant de démontrer ce qu'il sait
faire) ... Mais, où sont donc, dans ces démarches, les outils, les
instruments pourtant évoqués explicitement mais laconiquement sous
la compétence de « littéracie
numérique » ou implicitement au travers des usages
évoqués par des compétences transversales comme chercher et
valider l’information, travailler en équipe, savoir communiquer
?
Sur le plan de la recherche, ce sont ainsi des méthodes
d’investigation de la circularité globale entre technologies et
pédagogies que nous préconisons, des approches qui articulent
tout à la fois les outils, les usages et les méthodes mises en
place « autour de l’outil, les impacts attendus et
mesurés sur l'apprentissage, les mobiles (résistances ou
incitants) des enseignants et des étudiants utilisateurs de TIC, les
impacts sur leur métier, sur leur développement professionnel (Lebrun, 2007).
Idéalement, ces recherches s'appuieront sur la collecte d'information
auprès des différents acteurs impliqués (responsables
institutionnels, gestionnaires TIC, enseignants, étudiants), à
différents niveaux d’implication (motivations, outils, usages,
instruments cognitifs) et à différents niveaux structurels
(institution, gestion des programmes de formation, apprentissages
réalisés).
Les plateformes d'eLearning, par la variété des outils
proposés et des dispositifs pouvant y être
développés, nous paraissent constituer un terrain
intéressant pour de telles investigations, un terrain où se
rencontrent et se réifient les outils (pôle
« Technologies ») et les méthodes de formation
(pôle « Pédagogies ») pour devenir des
instruments de construction de connaissances et de compétences pour les
apprenants, de réflexivité et de développement
professionnel pour les enseignants, de promotion et d’innovation dans les
institutions. En outre, comme nous assistons à l’heure actuelle,
dans la plupart des institutions, à un mélange de dispositifs en
présence, hybrides, à distance et ceci tout au long des
études des étudiants, nous pouvons espérer mesurer dans ces
contextes diversifiés des effets à la fois différentiels et
longitudinaux amenés par les TIC.
En ce qui nous concerne, nous entendons par dispositif un ensemble
cohérent constitué de ressources (matérielles et humaines),
de stratégies, de méthodes et d’acteurs interagissant dans
un contexte donné pour atteindre un but. Le but du dispositif
pédagogique est de faire apprendre quelque chose à
quelqu’un ou mieux (peut-on faire apprendre ?) de permettre à
« quelqu’un » d’apprendre « quelque chose » (Lebrun, 2005b).
En ce qui concerne l’hybridation, nous la considérons comme un
mélange fertile et en proportions variables de différentes
modalités de formation, en présence et à distance (Charlier et al., 2006) mais aussi entre des postures d’enseignement transmissif
(l’enseignement au sens strict n’exige plus la présence
physique en un temps et un lieu donnés, mais peut sortir de
l’ex-cathedra pour atteindre l’étudiant où il se
trouve) et des postures davantage liées à l’accompagnement
de l’apprentissage. Les dispositifs hybrides que nous
considérons ici sont ainsi supportés par une plateforme
technologique (un rassemblement d’outils) et leur caractère hybride
provient d’une modification de leurs constituants (ressources,
stratégies, méthodes, acteurs et finalités) par une
recombinaison des temps et des lieux d’enseignement et
d’apprentissage : il s’agit donc bien d’un continuum dont
une dimension est liée au rapport présence-distance et une autre
au rapport « enseigner » -« apprendre ».
La notion très actuelle de flipped classroom illustre bien cette
hybridation. Nous l’avons résumée ainsi : lectures
at home and homework at school (Lebrun, 2011).
Dans le cadre de ce document, nous souhaitons investiguer de manière
empirique l’impact de ces technologies sur l'apprentissage dans
différents dispositifs pédagogiques et étayer le fait que
les valeurs ajoutées des technologies pour l’apprentissage
nécessitent des dispositifs adéquats fondés sur des
pédagogies actives, incitatives et interactives. Cette nomenclature nous
a été inspirée (Lebrun, 2005b) par les travaux de Lesne qui, outre les modes de travail pédagogique
(MTP) à orientation transmissive ou normative, distinguent les MTP de
type incitatif à orientation personnelle et de type appropriatif
davantage construit sur les interactions sociales (Lesne, 1977).
Notre approche nous paraît essentielle pour compléter une
littérature rarissime (au-delà des discours, des enquêtes
sur les usages ou la satisfaction des usagers) et éparse sur les effets
des TIC sur l'apprentissage en général et sur le
développement professionnel (la mutation) des enseignants et pour
éviter la part aléatoire de ces impacts que décrivait
Morgan : There is little empirical evidence that course management
systems actually improve pedagogy. Study findings suggest, however, that using a
CMS does invite faculty to rethink their course instruction and instructional
environment, resulting in a sort of accidental pedagogy (Morgan, 2003).
Néanmoins, il est opportun de situer les recherches
présentées ici comme quelques pièces au sein d'une
constellation de travaux précurseurs et qui sont aujourd’hui
mutualisés dans le collectif
Hy-SUP1 qui réunit des
chercheurs européens de 7 institutions (Burton et al., 2011).
Ainsi, parmi d’autres, cette synthèse de nos travaux
antérieurs, constitue un modeste jalon temporellement marqué du
cheminement vers les recherches actuelles plus amples que nous
préconisons.
Après une présentation des recherches effectuées
(contexte temporel et institutionnel, cadrage et variables investiguées,
modèles de référence et méthodologies de recherche
mises en œuvre), les résultats suivants seront
analysés : (1) les opinions générales quant aux TIC,
entre 2001 et 2006, d’étudiants et d’enseignants, (2) les
outils utilisés par ces derniers et leurs usages accompagnés (3)
d’une observation longitudinale (entre 2004 et 2007) de ces usages, (4)
les effets des TIC, perçus par les uns et les autres, sur
l’apprentissage en fonction des dispositifs pédagogiques mis en
place. Il s’agira aussi de montrer (5) combien ces effets
spécifiques sont dépendants des perceptions
générales quant aux TIC et de (6) mettre en évidence, parmi
les mobiles déclarés quant aux évolutions
pédagogiques perçues, certaines caractéristiques des outils
comme leur simplicité ou leur intuitivité.
2. Présentation des recherches effectuées
2.1. Contexte
C’est dès le début des
années 2000, qu’est apparue, à l’Université
catholique de Louvain (UCL), l’idée de mettre à la
disposition des enseignants un outil qui leur permettrait de déployer
facilement des dispositifs pédagogiques à valeur ajoutée
pour l’apprentissage. Cette proposition « technique »
s’inscrivait dans l’objectif premier de l’IPM (Institut de
Pédagogie universitaire et des Multimédias) de favoriser par
différentes approches le développement professionnel des
enseignants. Après une année (2000-2001) d’utilisation
d’une plateforme commerciale choisie pour la multiplicité et la
richesse des outils et fonctionnalités qu’elle proposait et gardant
en point de mire le souhait d’une appropriation autonome et progressive
des enseignants, nous nous sommes rendus à l’évidence
suivante : même si la plateforme initialement choisie permettait de
réaliser des dispositifs pédagogiques élaborés et
complexes, elle rendait les choses simples compliquées, un
élément rédhibitoire dans la perspective de promotion et
d'évolution de la pédagogie par la technologie. Considérant
qu’il n’était pas opportun d’ajouter des
difficultés techniques aux déjà difficiles et profondes
mutations pédagogiques espérées et nécessaires, il
fut alors décidé de mettre à la disposition des enseignants
une panoplie d’outils simples (par exemple, dépôt de
documents, forum, générateur d’exercices). Le succès
fut immédiat en termes d’utilisations, d’usages innovants et
de demandes d'accompagnement envers les conseillers technopédagogiques de
l'IPM. Claroline (pour Classroom on line) était née sous le
nom « local » d’iCampus, l’appellation actuelle
de cette plateforme à l’UCL (Lebrun, 2004) ; (Lebrun, 2005a).
Dans les textes fondateurs (De Praetere, 2003) ; (Lebrun, 2004),
nous trouvons l’hypothèse générale suivante qui fonde les recherches exposées ici brièvement : une plateforme, simple, intuitive, comme Claroline, devrait permettre
aux enseignants de s’occuper de ce qui importe le plus,
l’apprentissage des étudiants. Ils devraient ainsi progressivement migrer vers des dispositifs pédagogiques plus riches, plus
interactifs, plus proactifs.
Nous souhaitons également mettre en évidence ici un dernier
point qui apparaît en filigrane dans ce document. Il s'agit d'une
interrogation que nous nous sommes posés très tôt dans le
déroulé de l'histoire de l'intégration des TIC dans notre
institution : Quelles sont les perceptions « générales
ou contextuelles » quant à l'impact des TIC chez nos acteurs,
enseignants et étudiants ? S’agit-il du précieux temps que
cela prend ? Le coût des équipements ? Le soutien disponible ?
En bref, il s'agit de percevoir les moteurs et les freins que nous avons
déjà évoqués comme bémol aux
circularités et cohérences proposées à la Figure 1.
Avant de s'intéresser aux impacts des technologies sur l'apprentissage
des étudiants et sur le développement professionnel des
enseignants, il est bon de recueillir « l'état
d'esprit » de ces acteurs quant à ces dernières.
2.2. Cadre des recherches présentées
C'est dès 2001, qu'avec des collègues de l'UCL, nous avons
sondé, parmi d'autres éléments contextuels comme les
possibilités d'accès et les compétences envers les TIC, les
opinions d'étudiants en ce qui concerne l'introduction de TIC dans
l'enseignement. Sont-elles considérées comme des freins ou alors
comme des moteurs pour l'efficience et l'efficacité de l'enseignement et
de l'apprentissage (Reding et al., 2001) ?
Des recherches comparables avaient alors également été
menées chez les enseignants.
Les mêmes outils méthodologiques utilisés dans ces
recherches ont été réutilisés dans les
recherches présentées ici (recueil de données en 2006
et 2007) afin de déceler des évolutions éventuelles dans le
contexte, l'état d'esprit, l'atmosphère quant aux TIC
pourrions-nous dire, des étudiants et enseignants.
Ceci étant dit et considéré comme toile de fond et avec
le souhait de structurer davantage les arguments présentés dans
l’introduction quant à l’importance du dispositif
pédagogique « qui entoure » l’outil,
nous2 nous sommes posés, au
cours de ces dernières années, les questions
suivantes (qu’il est intéressant de positionner sur la
circularité illustrée en Figure 1) :
- quels sont les outils effectivement utilisés par les
enseignants dans l’arsenal des outils proposés par la
plateforme ? Des outils de transmission, des outils favorisant le travail
collaboratif, des outils incitant au travail personnel ? des instruments
cognitifs ? (Figure 1 : pôle
« Technologies » et potentiel des outils technologiques pour
le développement pédagogique)
- observons-nous une évolution dans l’utilisation des
outils et dans leurs usages ? En effet, une plateforme simple,
intuitive pourrait tout aussi bien conduire à une fossilisation des
pratiques qu’à une véritable émancipation des
modalités pédagogiques dans notre contexte universitaire ;
(Figure 1 : pôle « Pédagogies » et
nécessité de transformation des pratiques pédagogiques)
- et, but ultime de l’enseignement, la qualité des
apprentissages des étudiants est-elle réellement promue, en termes
de valeurs ajoutées tout au long de dimensions favorables à
ce mécanisme complexe d’appropriation de connaissances et de
développement de compétences ? (Figure 1 : interactions
constructives entre les deux pôles et valeurs ajoutées sur le plan
des apprentissages)
L’hypothèse générale, présentée plus
haut, porte ainsi sur plusieurs domaines ou ensembles de variables :
(1) les perceptions générales des étudiants et des
enseignants quant aux TIC plongées dans un univers de formation
(2) les outils connus et utilisés ainsi que les usages qui en sont
faits par les enseignants et les étudiants,
(3) la possibilité de développer réellement des outils
technologiques simples et intuitifs permettant aux enseignants de
s’occuper de ce qui importe le plus, l’apprentissage des
étudiants,
(4) le développement professionnel des enseignants induit par la mise
en place, l’analyse et l’évaluation d’usages
progressifs des TIC,
(5) l’impact global sur l’apprentissage des étudiants et
finalement,
(6) la compréhension de cet impact en fonction des outils et des
usages proposés par l’enseignant.
Le schéma ci-dessous (Figure 2) articule quelques unes de ces
considérations. Nous y avons utilisé le terme
« eLearning » pour souligner les articulations
recherchées entre le « e » (Pôle
« Technologies » de la Figure 1) et
« Learning » (Pôle
« Pédagogies »).
Figure 2. Articulation des variables
présentées dans cet article
Dans cet article de synthèse et de perspective, nous ne pouvons
présenter dans le détail l’ensemble des recherches que nous
menons depuis quelques années dans le contexte de l'enseignement
supérieur. Des articles plus ciblés présentent le cadre
conceptuel de notre analyse sur les rapports entre technologies et
pédagogies (Lebrun, 2007),
l’ensemble des données et des analyses effectuées sur les
outils, les usages, les perceptions des étudiants quant aux valeurs
ajoutées d’apprentissage (Docq et al., 2008),
et finalement sur les impacts en termes de développement professionnel
des enseignants (Lebrun et al., 2009).
C’est à une mise en perspective, complétée
d’analyses rendues nécessaires par cette synthèse et par
notre intention méthodologique, que cet article souhaite s’atteler.
Il offre un cadre compréhensif (au sens quasi étymologique)
à des recherches plus spécifiques, plus localisées ou plus
précises portant sur la médiatisation des ressources ou la
médiation (Meunier et Peraya, 2004),
sur l’apprentissage collaboratif en ligne (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001),
sur l’hybridation des dispositifs (Charlier et al., 2006) et la porosité (entre le cadre institutionnel et le cadre de la vie
quotidienne) de ces derniers suite à l’émergence du Web 2.0 (Caron et Varga, 2009),
sur la formation des enseignants et les postures professionnelles de ces
derniers (Lameul, 2008),
sur les valeurs ajoutées des TIC (Docq et al., 2010) et les conditions de l’émergence de celles-ci (Barrette, 2005),
etc. L’imposant handbook de référence de Voogt et
Knezek (Voogt et Knezek, 2008) montre combien il est utile de disposer de cadre élargi afin de mettre en
évidence les déterminants, les conditions et les effets des
technologies sur l’enseignement et l’apprentissage. Nous tentons
d’y contribuer dans cette publication.
2.3. Modèles de référence
Mesurer les impacts d’outils technologiques sur l’apprentissage
demande de pouvoir jauger leurs effets (usages effectifs, perceptions des
apprentissages, etc.) le long de dimensions représentatives de
l’apprentissage. Le modèle pragmatique de Lebrun propose
différentes dimensions (Lebrun, 2005a) ; (Lebrun, 2007) issues d’une synthèse de travaux qualitatifs portant sur : (1)
les compétences telles que postulées par différents acteurs
de la Société, (2) les méthodes pédagogiques
préconisées par les Sciences de l’éducation afin
d’activer les apprentissages et d’ainsi atteindre les objectifs
visés et (3) les potentiels des outils technologiques issus des
recherches dans le domaine des technologies éducatives. Nous retrouvons
ici, mais sur un autre plan, l’une des cohérences
présentées plus haut, celle entre les objectifs (1), les
méthodes (2) et les outils (3). Par exemple, si la compétence au
travail d’équipe est abondamment citée par
différentes autorités (directions d’institutions, acteurs
politiques, Union européenne), l’apprentissage collaboratif peut
fournir un terrain d’exercice et de validation de cette compétence
et, les outils synchrones et asynchrones ou encore les réseaux sociaux
peuvent soutenir cette activité. C’est au travers d’une
analyse comparative de ces différents domaines (discours des acteurs,
Sciences de l’éducation et recherches sur les TIC) à la
recherche de facteurs d’apprentissage communs qu’a été
conçu ce modèle pragmatique illustré à la Figure
3.
Figure 3. Un modèle pragmatique pour analyser
les effets de dispositifs (avec ou sans TIC) sur l’apprentissage
Ce modèle est présenté comme utile pour concevoir et
analyser des dispositifs basés sur les technologies et visant des valeurs
ajoutées en termes d’apprentissage ainsi que pour évaluer
les effets de tels dispositifs. Les cinq dimensions de ce modèle
pragmatique sont résumées ici : les activités de l’étudiant (centrales dans le modèle) portent sur des
ressources internes (les connaissances déjà-là) et externes
(les ressources fournies ou à rechercher) nommées informations dans le modèle et sont orientées vers la production de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences.
Les moteurs de l’engagement de l’étudiant dans la
tâche, de sa persévérance et du soutien formatif à
son activité sont nommés dans ce modèle motivation(s) et interaction(s) (Lebrun, 2005b).
En ce qui concerne le développement professionnel des enseignants, il
est considéré dans son cheminement de formes transmissives
d’enseignement (mode réactif) vers des formes interactives (mode
interactif) pour se prolonger vers des formes incitatives (mode proactif)
davantage focalisées vers l’attention et le soutien à
l’individu apprenant (Lebrun et Viganò, 1995a) ; (Lebrun et Viganò, 1995b) ; (Lebrun, 2008).
2.4. Méthodologies de recherche mises en oeuvre
C'est dès 2000-2001, au début de la réflexion sur
l’utilisation de l’Internet dans notre institution et à
l'aube de l’émergence des outils qui allaient s'appeler
« plateformes d'eLearning ou d'apprentissage en
ligne », que nous avons relevé, dans une population de 330
étudiants de l'UCL, les perceptions des freins (les obstacles) et des
moteurs (les incitants) quant à l'utilisation des TIC dans la formation.
Les outils méthodologiques étaient constitués d'un ensemble
de 9 items-obstacles et de 9 items-appuis auxquels était adjointe une
échelle d'accord (Reding et al., 2001).
Des données (non publiées) relevées, à la même
époque et avec les mêmes outils méthodologiques,
auprès d'enseignants (N=80) ont également été
récoltées. Nous avons utilisé à nouveau ces
mêmes instruments dans les enquêtes de 2006 (chez les
étudiants) et de 2007 (chez les enseignants) dont il est question
ci-dessous et qui constituent un des objets principaux de cet article.
Cohérents avec l'approche présentée ci-dessus,
d’autres instruments de recueil d’informations simultanés
avec les précédents de 2006 et 2007 et portant sur les domaines
cités plus hauts, ont été menés avec les outils
méthodologiques suivants :
- l’observation des statistiques d’utilisation des
outils auxquelles nous pouvons accéder, d’année en
année, au travers des bases de données de la plateforme;
- une enquête effectuée auprès des
enseignants utilisateurs de la plateforme iCampus : outre des
données signalétiques portant sur le sexe, l’âge, la
carrière, la faculté, la discipline ... nous avons recueilli,
à propos de l’un de leurs cours, des informations sur les outils
utilisés, les usages effectifs et les perceptions quant aux valeurs
ajoutées pour l'apprentissage (N=153);
- une enquête effectuée auprès des
étudiants utilisateurs de la plateforme en suivant le même
schéma que l'enquête auprès des enseignants et en proposant
des items comparables (N=1179).
Ces enquêtes (réalisées donc à partir de 2006)
proposaient principalement des choix simples (les outils utilisés),
l’identification des usages principaux au sein d’une liste, des
échelles d’accord (pas du tout d’accord, plutôt pas
d’accord, plutôt d’accord, tout à fait d’accord)
sur des propositions relatives aux valeurs ajoutées perçues pour
les apprentissages.
3. Résultats principaux
3.1. Les opinions quant aux TIC en toile de fond.
Nous présentons ici les résultats
(Tableau 1) obtenus en 2001, pour les étudiants (N=330) et les
enseignants (N=80) et en 2006-2007, pour les étudiants (en 2006, N=1179)
et les enseignants (en 2007, N=179). Il s'agit en fait du pourcentage d'accord
(les réponses plutôt d'accord et tout à fait d'accord
rassemblées) avec les 9 items-obstacles (les technologies étant
considérées par les répondants comme un obstacle à
la formation) et les 9 items-appuis les technologies étant
considérées par les répondants comme un appui à la
formation).
|
|
Pourcentage d'accord
Enseignants - 2007 |
Pourcentage d'accord
Etudiants - 2006 |
TIC =
Obstacles |
2001 |
38 +/- 8 % |
62 +/- 7% |
2006-2007 |
17 +/- 4 % |
27 +/- 5% |
TIC =
Appuis |
2001 |
78 +/- 5 % |
60 +/- 9 % |
2006-2007 |
74 +/- 2% |
66 +/- 9% |
Tableau 1. Pourcentages d'accord avec les
propositions Obstacles ou Appuis des TIC dans l'enseignement
Dans la limite des barres d'erreur (purement statistique), nous constatons
:
- les opinions des enseignants, que ce soit en 2001 ou en 2007, sont
généralement plus « enthousiastes » que
celles des étudiants : les TIC sont moins considérées comme
un obstacle et sont davantage considérées comme un appui.
- une nette diminution par rapport à 2001, chez les enseignants et
chez les étudiants, de la perception des TIC considérées
comme un obstacle (pratiquement un facteur 2). Chez les enseignants
(enquête réalisée en 2007), les deux items-obstacles
principaux en 2001 (« le temps que cela prend » - 75%
d'accord pour cet obstacle en 2001 et 42% en 2007 - et « le manque de
soutien disponible » - 68% en 2001 et 29% en 2007) sont en nette
régression. L'item-obstacle qui régresse le plus est celui
lié aux compétences nécessaires, allant d'un pourcentage
d'accord de 40% en 2001 à 10% en 2007. Chez les étudiants
(enquête réalisée en 2006), on remarque une nette diminution
des items-obstacles « manque de formation » (85% en 2001
à 27% en 2006), « aisance face aux outils
technologiques » (60% en 2001 à 14% en 2006) et une diminution
relativement plus faible de l'obstacle lié aux coûts (59% en 2001
à 33% en 2006).
- une relative stagnation moyenne de la considération des TIC comme
un appui à l'enseignement. Chez les enseignants, tous les
items-appuis sont en très légère diminution (cependant non
significative) sauf un item-appui en progression significative :
« pouvoir communiquer avec les étudiants » qui passe
de 55% d'accord en 2001 à 78% d'accord en 2007. Chez les
étudiants, les plus fortes (significatives) augmentations des
pourcentages d'accord portent sur les items-appuis suivants : « le
gain de temps » (de 46% en 2001 à 79% en 2006), « le
goût pour la technologie et la création » (de 43% en 2001
à 65% en 2006) et « la communication avec
l'enseignant » (de 63% en 2001 à 87% en 2006).
Plusieurs recherches ont analysé depuis les nôtres ces
perceptions des étudiants à propos des TIC (Raby et al., 2011).
Nous y ajoutons les points de vue des enseignants, une approche longitudinale et
une étude des obstacles à leur utilisation. Nous reviendrons sur
ce point plus loin en nous focalisant sur des perceptions plus
spécifiques en termes d'enseignement et d'apprentissage. Ainsi, nous
verrons au point 3.5 comment ces perceptions globales des effets positifs ou
négatifs des TIC, exprimées ici en termes d'opinions, influent ou
non sur la perception plus spécifique des effets sur l'apprentissage.
3.2. Outils et usages
En ce qui concerne les outils utilisés sur la plateforme par
les étudiants et les enseignants, les résultats globaux ne sont
guère étonnants. Aux questions (enquêtes de 2006 et 2007),
relatives à l'utilisation effective des outils, ce sont les outils de
transmission d’informations (par exemple, la description du cours, les
documents, les liens, les annonces) qui arrivent en tête avec des
fréquences de l’ordre de 80% des répondants pour les deux
groupes. Ensuite, des outils d’interaction (les groupes, les forums) et
des outils d’incitation au travail personnel ou de groupe (les exercices,
les travaux) se présentent avec des fréquences de l’ordre de
50% des répondants (Docq et al., 2008).
Des outils plus récents ou alors généralement moins connus
(comme le Wiki) ou plus sophistiqués (comme le parcours
pédagogique, générateur d'apprentissage plus dirigé)
arrivent en queue avec des fréquences de tout au plus 15%.
En ce qui concerne les usages principaux de la plateforme, le tableau
ci-dessous (Tableau 2) confirme les résultats tirés des outils.
Les résultats en grisé mettent en évidence les trois choix
les plus fréquents.
Parmi les usages principaux (on demandait aux répondants de choisir
leurs 4 usages principaux), on constate que le trio de tête est le
même pour les enseignants et pour les étudiants : la
plateforme est surtout utilisée pour diffuser des informations, des
notes, des ressources complémentaires.
Tenant compte de tous les cours que vous avez sur iCampus, vous utilisez
principalement iCampus pour ... |
Fréquence de choix de l’item, en % |
Enseignants |
Etudiants |
1. Diffuser / consulter des éléments d’information |
77 |
85 |
2. Diffuser / télécharger les notes de cours |
54 |
88 |
3. Communiquer les travaux / envoyer les travaux au professeur |
24 |
23 |
4. Encadrer en ligne les étudiants / communiquer avec le
professeur |
19 |
15 |
5. Proposer / réaliser des auto-évaluations |
5 |
6 |
6. Faire travailler les étudiants en collaboration / travailler en
groupe avec d’autres étudiants |
18 |
13 |
7. Maintenir la communication en dehors des activités en classe |
41 |
12 |
8. Proposer / consulter des ressources complémentaires au cours |
50 |
44 |
9. Offrir / consulter des ressources qui ne pourraient être rendues
disponibles autrement (ex. multimédia) |
20 |
35 |
10. Rendre disponibles / réaliser des exercices |
32 |
17 |
11. Rendre disponibles des travaux / consulter les travaux d’autres
étudiants |
16 |
10 |
Tableau 2. Usages principaux de la plateforme
On remarque les plus faibles taux pour les modalités interactives
(collaboration et communication) et incitatives (exercices et
auto-évaluations) avec des différences notables chez les
enseignants (taux d'accord plus élevé) et chez les
étudiants (taux plus faible).
Serait-ce une image instantanée ou encore un signe d’une
fossilisation ou d’une stagnation des pratiques par les technologies, les
enseignants (et les étudiants) ne faisant que reproduire les anciennes
pratiques avec les nouveaux outils ? Mais qu'en est-il de
l’évolution de ces pratiques ?
3.3. Évolution ou stagnation des modalités
pédagogiques
Armés des considérations précédentes relatives
à une bonne concordance des distributions des outils et des usages
proposés dans le cadre des enquêtes, nous avons consulté les
bases de données de la plateforme iCampus quant à
l’évolution de l’utilisation des outils au cours des
années. Pour cela, nous avons considéré non seulement le
fait que l’outil soit activé ou non dans la plateforme mais aussi
le degré de son utilisation mesuré par le nombre d’objets
présents dans les différents outils : le nombre de ressources
dans les dossiers de documents, la quantité d’exercices
proposés, le nombre de forums et de sujets dans les forums, le nombre de
sessions de travaux ouvertes ... Cela donne un indice global qui permet de se
faire une bonne idée des outils mais aussi partiellement et
quantitativement des usages. Des détails de cette méthodologie
sont explicités par ailleurs (Lebrun et al., 2007).
Dans le graphique ci-dessous (Figure 4), il faut savoir que, entre les
années illustrées (2004 et 2007), le nombre de dispositifs de
formation ou de cours sur la plateforme en question a doublé.
Figure 4. Rapports des usages de différents
outils entre 2004 et 2007 (valeur attendue 2) et leurs erreurs statistiques
Dans une considération homogène, on pourrait s’attendre
à ce que les indices globaux liés aux différents outils,
tels que mesurés ici, aient également doublés en donnant un
rapport entre 2007 et 2004 de 2 sur l’échelle verticale. Ces
résultats nous paraissent intéressants dans le sens où ils
présentent une stagnation si ce n’est un léger recul relatif
des outils d’information (documents, description) et un renfort
significatif, dans la limite des barres d’erreur, d’outils porteurs
de davantage d’interaction (forums, par exemple) et d’incitation
(exercices, par exemple).
Il s'agit ici d'un outil de mesure simple qui permet de monitorer
l'évolution différentielle (les outils, les uns par rapport aux
autres) et temporelle (au fil des années) des usages des
différents outils. Il s'agit d'une information importante pour les
responsables institutionnels à la recherche d'effets quantitatifs en
rapport avec les investissements consentis.
Cependant, les effets observés ne peuvent être imputés
aux seules présence et disponibilité des outils de la
plateforme. Des facteurs comme un message institutionnel encourageant ces
formes actives et interactives d’enseignement, comme la présence
d’un institut de soutien aux enseignants (Service de pédagogie
universitaire ou autre), comme la disponibilité d’un fonds de
soutien aux innovations pédagogiques, comme des mesures de valorisation
des efforts des enseignants innovateurs expliquent sans doute une partie de ces
résultats. La méthodologie de recherche proposée ici est
une sonde intéressante pour jauger les évolutions
souhaitées et dont les résultats sont à exploiter et
à préciser dans des recherches ultérieures. Il serait ainsi
évidemment intéressant de reproduire une telle méthodologie
dans d’autres lieux, dans d’autres contextes avec d’autres
plateformes comme Moodle, Dokeos, Spiral ... Les évolutions dont nous
parlons, liées à des conceptions relatives aux statuts des savoirs
et aux rôles des formateurs, prennent un temps certain qu'il n'est pas
aisé de quantifier : des recherches longitudinales portant sur plusieurs
années sont à encourager. Ceci démontre la
nécessité d’entreprendre des recherches amples,
contextualisées (contextes des institutions, des programmes de formation
et des référentiels de compétences associés, des
méthodes mises en place...), ce qui nous semble hélas être
éloigné des préceptes en vigueur dans les sciences
fondamentales (définition et réduction des variables
indépendantes et dépendantes, blocage des variables
intermédiaires et contextuelles...). Comme nous le disons souvent
« les étudiants ne sont pas des particules
élémentaires » !
3.4. Les effets des technologies sur l’apprentissage
Comme nous l’avons dit dès l’introduction, de nombreuses
recherches se sont penchées sur les effets des technologies sur
l’apprentissage « assisté par ordinateur ». Vu
le caractère interactif des variables liées aux technologies et
aux pédagogies (Figure 1) ainsi que la difficulté de les isoler
des contextes et d’isoler leurs composantes, les résultats sont
souvent restés en demi-teinte. Par exemple, les recherches basées
sur la comparaison des dispositifs avec ou sans technologies, ont montré
que cette seule variable « indépendante »
était relativement inopérante pour expliquer les variances des
résultats. Le changement de surface apporté par les technologies
ou au contraire les changements majeurs opérés dans le dispositif
(objectifs, méthodes, rôles, ressources, évaluations)
rendent la comparaison caduque ou alors ne permettent pas de se prononcer sur
les effets attendus, trop de variables intermédiaires ou contextuelles
noyant ces derniers.
Par rapport à cet état de fait, nous proposons ici deux
approches concertées :
- Plutôt que de comparer des dispositifs (avec et sans
technologies) finalement difficilement comparables (voir l'introduction), nous
avons profité de la configuration hybride de notre institution (nos
étudiants rencontrent sur une année académique ou tout au
long de leurs études, des cours traditionnels transmissifs en amphi et
aussi des dispositifs élaborés d’apprentissage sur
plateforme) pour interroger directement les étudiants (et les
enseignants) sur la valeur ajoutée (par la technologie) qu’ils
percevaient quant à leurs apprentissages (étudiants) ou aux
occasions d'apprentissages mis en place (enseignants)
- Plutôt que de travailler sur des variables, liées aux
résultats obtenus aux interrogations et aux examens, trop sujettes
à des variations peu ou difficilement contrôlables, nous nous
sommes ainsi intéressés aux perceptions des
étudiants quant aux apprentissages réalisés.
Malgré son caractère subjectif, cette approche nous paraît
être une mesure relativement directe (les items concernent des facteurs
d'apprentissage et non les produits) et, comme les pédagogues de la
motivation l’ont bien montré (Viau, 1994), ce
sont pourtant ces perceptions de l’environnement qui in fine déterminent largement les apprentissages subséquents.
Il s’agit pour nous de tenter dépasser les résultats du no significant différence observé dans les
méta-recherches citées en introduction.
3.4.1. Approche globale
Nous avons donc proposé, en 2006 et 2007, aux étudiants
utilisateurs de la plateforme (ainsi qu’aux enseignants), 26 propositions
portant sur des valeurs ajoutées des technologies quant aux
apprentissages. Elles sont toutes rédigées en termes de
« plus » ou
« davantage » d’un dispositif en ligne par
rapport à un enseignement « traditionnel » dans
lequel l’enseignant n’utilise pas de plateforme : « Les
tâches proposées aux étudiants sont plus
intéressantes », « Les ressources que le professeur
propose sont de natures plus variées », « Les
étudiants sont davantage actifs quand le professeur utilise iCampus dans
le cours », « Grâce à iCampus, j’ai
davantage d’interactions avec le professeur », « Les
évaluations sont plus souvent basées sur la production des
étudiants » ... Cette approche vise donc à demander aux
participants aux enquêtes de se prononcer directement sur les
différences perçues plutôt que de mesurer ces
éléments dans un dispositif « sans
plateforme » et dans un autre dispositif « avec
plateforme ». Ces 26 propositions sont réparties sur les 5
dimensions du modèle pragmatique d’apprentissage
présenté plus haut (Figure 3) : les ressources
(informations), les activités, les productions, les facteurs de
motivation perçus et les interactions sollicitées dans le
dispositif. C’est ainsi que dans les exemples d’items donnés
ci-dessus, on retrouve successivement les dimensions : motivation,
information, activités, interaction et productions.
Les résultats détaillés de cette recherche ont
été présentés ailleurs (Docq et al., 2008).
Pour une présentation concise des résultats, nous avons
regroupé les modalités « tout à fait
d’accord » et « plutôt
d’accord » pour constituer un paramètre global
d’accord. Ce sont les dimensions Informations (items 1, 3 et 4), Motivation (item 6) et Interaction (items 2, 24 et 25) qui
émergent des résultats comme le précise le tableau
ci-dessous (Tableau 3) dans lequel nous présentons en grisé les
résultats des cinq items ayant reçu les plus hauts accords (pour
les étudiants et les enseignants) quant aux valeurs ajoutées du
dispositif en ligne que les participants à l’enquête devaient
choisir.
Items
P : questionnaire « Professeur »
E : questionnaire « Etudiant » |
Pourcentage de sujets ayant répondu
« plutôt d’accord » ou « tout
à fait d’accord » |
Enseignant |
Étudiant |
1 |
P : Je propose aux étudiants des ressources de natures plus
variées.
E : Les ressources que le professeur propose sont de natures plus
variées. |
73 |
63 |
3 |
Les étudiants apprennent davantage à utiliser les TIC. |
70 |
57 |
4 |
Les étudiants développent davantage leurs compétences
en recherche d’information. |
48 |
64 |
6 |
P : Je constate que mes étudiants sont plus motivés.
E : Les étudiants sont plus motivés quand le professeur
utilise iCampus. |
38 |
46 |
23 |
Je gère plus facilement les travaux de groupe grâce à
iCampus. |
54 |
34 |
24 |
P : Grâce à iCampus, j’ai davantage
d’interactions avec les étudiants.
E : Grâce à iCampus, j’ai davantage
d’interactions avec le professeur. |
67 |
44 |
25 |
P : J’offre plus d’occasions aux étudiants
d’interagir entre eux.
E : Les étudiants ont plus d’occasions d’interagir
entre eux. |
51 |
64 |
Tableau 3. Items de valeurs ajoutées de la
plateforme ayant reçu les accords les plus élevés
Nous précisons encore une fois qu’il s’agit bien
d’accords exprimés sur des valeurs ajoutées et non pas de
comparaisons : la mesure directe que nous faisons est la perception de la
différence entre le cours en ligne, objet de l'enquête choisi par
le répondant, et un cours dans lequel l'enseignant n'utilise pas de
plateforme.
Si nous analysons ces deux « top 5 » (en grisé),
celui des enseignants et celui des étudiants, nous voyons se
dégager quatre catégories de changements dont deux
liées à des compétences liées au Lifelong
Learning (compétence en recherche d’information,
littéracie numérique et travail d’équipe, le
« I » et le « C » des TIC) et deux
liées à des dimensions motivationnelle et organisationnelle :
- Le développement de compétences liées
à l’apprentissage tout au long de la vie : utiliser davantage
les TIC (cité dans le top 5 des deux publics) et chercher des
informations (cité par 64% des étudiants).
- L’augmentation des interactions sociales : entre
étudiants (cité dans le top 5 des deux publics) et avec les
étudiants (du point de vue de 67% des enseignants).
- Une augmentation de la motivation, chez 46% des
étudiants.
- Une facilité logistique d’organisation des travaux
de groupe, chez 54% des enseignants.
Ces recherches, antérieures de quelques années, sont à
la fois complémentaires aux travaux récents de (Raby et al., 2011) en ce qui concerne, par exemple, les paramètres liés à la
motivation et à l'acculturation technologique et relativement conformes
en ce qui concerne les items liés à l'accès à
l'information et aux interactions entre les enseignants et les étudiants
et entre les étudiants. Ici, de nouveau, des différences
significatives apparaissent entre les étudiants et les enseignants
interrogés.
Les paramètres d’accord globaux (moyenne sur les 26
propositions) restent cependant un peu faibles, en tout cas en dessous de ce que
pourraient attendre des évangélistes de la technologie
éducative : 39% pour les enseignants et 38% pour les
étudiants, un taux qui exprime le degré d’accord avec
des impacts positifs des TIC sur l’apprentissage. On est encore loin de la
révolution copernicienne annoncée, mais on progresse.
3.4.2. Une analyse plus détaillée ... Un rapport entre
technologies et pédagogies ?
Ces résultats globaux sont cependant entachés d’une
variance importante liée aux dispositifs effectivement vécus par
les étudiants ou alors effectivement mis en place par les enseignants (Lebrun et al., 2009).
Il s'agit ici d'une perspective originale qui tente de nuancer les
résultats des recherches en fonction des dispositifs effectivement
vécus par les acteurs. C’est rarement le cas, vu la
difficulté de catégoriser les dispositifs, et nous tentons
d’apporter une solution pragmatique à cette
nécessité. Nous avons abordé cette problématique de
deux manières :
(a) Nous avons analysé le paramètre d’accord global (la
moyenne sur les accords par rapport aux 26 propositions d'avantage de la
plateforme technologique par rapport à des formes traditionnelles
d'enseignement) en fonction du nombre d’outils de la plateforme connus et
utilisés par les participants aux enquêtes. Cette méthode
d’investigation reste large, les participants répondant
éventuellement en intégrant probablement, par un effet de halo,
une perception globale de plusieurs cours qu’ils ont
expérimentés sur la plateforme, mais elle suffit, nous
semble-t-il, dans cette approche exploratoire.
Figure 5. Perceptions des valeurs ajoutées pour
l’apprentissage (étudiants)
Le graphique ci-dessus (Figure 5) présente (en ordonnée) ce
paramètre d’accord global avec les valeurs ajoutées (les 26
propositions) de la plateforme en fonction du nombre d’outils connus et
utilisés (en abscisse) par les étudiants, l'échelle allant
de 1 (un seul outil utilisé) à 12 (tous les outils proposés
ont été utilisés).
Une analyse plus fouillée montre que la partie gauche est surtout
constituée d’outils de transmission, la partie médiane y
ajoute principalement les outils d’interaction et la partie droite est
constituée de l’ensemble des outils avec une part notable et
supplémentaire des outils d’incitation. La recherche Hy-SUP,
à laquelle nous contribuons, a produit récemment une typologie des
dispositifs hybrides qui conforte cette gradation dans la richesse du
dispositif : type 1, dispositif centré enseignement et acquisition
de connaissances ; type 3, dispositif centré enseignement mettant
à disposition des outils d’interaction ; type 5, dispositif
ouvert centré apprentissage ... (Burton et al., 2011).
On remarquera que le paramètre d’accord global avoisine les 25%
(accord sur les valeurs ajoutées) dans la partie gauche pour aller vers
plus de 50% dans la partie droite marquée par la richesse
pédagogique des dispositifs vécus par les étudiants. L’enrichissement du dispositif est, selon nous, obtenu par une
attention particulière à celui qui apprend (on dépasse
l’enseignement transmissif que ce soit avec ou sans TIC) et aussi à
une activation de facteurs d’apprentissage comme l’activité
(l’incitation à l’activité) et
l’interactivité (la mise à disposition de l’apprenant
d’occasions de co-construction). Des auteurs fondamentaux (Dewey, Piaget,
Vigotsky ...) ne nous contrediraient pas.
Il s'agit là d'un effet relativement
« spectaculaire » par rapport aux effets ténus des
recherches évoquées précédemment qui amalgament des
dispositifs parfois très différents rencontrés par les
étudiants. Ils démontrent l’importance de dépasser la
variable indépendante « avec ou sans TIC » (le
pôle « Technologies « de la Figure 1) pour tenir
compte de ses interactions avec le dispositif pédagogique,
élaboré ou non, construit « autour » ou
« avec » l’outil (le pôle
« Pédagogies » de la Figure 1).
(b) Mais, au-delà des outils utilisés, qu’en est-il des
usages effectifs ? Même si « l’outil n’est que
l’outil » et même si nous pouvons comprendre que les
outils dont nous parlons induisent des usages (effet catalyseur), ce sont
néanmoins ces derniers qui prévalent en termes
d’apprentissage des étudiants : Our review provides
convincing evidence that information technology can enhance learning when the
pedagogy is sound, and where there is a good match of technology, techniques
and objectives (Kadiyala et Crynes, 2000).
Nous avons abordé la question des usages au travers de 11 propositions
(voir le tableau 2) qui décrivent des activités de natures
transmissives ou réactives, incitatives ou encore interactives.
Le graphique ci-dessous (Figure 6) montre en abscisse ces usages (la
numérotation est donnée au Tableau 2) et en ordonnée le
paramètre global d’accord moyen sur les valeurs ajoutées
pour l'apprentissage.
Figure 6. Usages de la plateforme (de 1 à 11
– Tableau 2) et perception globale des valeurs ajoutées pour
l’apprentissage
Malgré la sensibilité légèrement moindre de cet
indicateur par rapport à la densité d’outils utilisés
dans le dispositif (voir Figure 5), on remarque cependant quelques items qui
sortent sensiblement du lot (au-delà des barres d’erreur
purement statistique) : l’item (4) « Communiquer avec le
professeur », l’item (6) « Travailler en groupe avec
d’autres étudiants » et l’item (7)
« Maintenir la communication en dehors des activités en
classe ».
Encore une fois, ce sont des ingrédients de l'un des deux
« moteurs » du modèle pragmatique
d’apprentissage qui sont mis en avant dans les éléments
influençant la perception des valeurs ajoutées pour
l’apprentissage : les modes d’interaction supportés par les outils. En particulier, l’item 7 démontre
une des caractéristiques de l’hybridation : la
possibilité de maintenir les interactions en dehors de
l’activité de la classe. Un apprentissage sans distance promu par
l’enseignement à distance ? Une composante majeure de
l’apprentissage tout la vie durant ? Les modifications de
« l’espace-temps de l’apprentissage et de la
formation » sont bien une des opportunités et en même
temps un des effets des outils TIC dans l’univers de l’information
et de la communication.
3.5. Des effets sur l'apprentissage nuancés par la perception
générale des TIC ?
Au point précédent, nous avons observé un pourcentage
d'accord moyen de 39% (enseignants) et 38% (étudiants) avec des
propositions positives quant aux effets des TIC sur l'apprentissage. Nous
venons de le voir, ces résultats moyens présentent des variations
importantes relativement aux outils proposés et aux usages effectifs
dans les dispositifs pédagogiques. Mais qu'en est-il de la
dépendance de ces résultats (effets des TIC sur l'apprentissage)
par rapport aux opinions générales des acteurs par rapport
à ces technologies (voir le point 3.1) ? Comment la perception des
impacts des TIC sur l'apprentissage est-elle influencée par de opinions
plus générales comme « Cela coûte
cher », « Les TIC prennent beaucoup de temps »,
« Je n'ai pas les compétences nécessaires » ?
Cette question dans son ampleur fera l'objet d'une autre publication mais nous
en donnons ici des résultats généraux résultants des
enquêtes auprès des étudiants (en 2006, N=1179).
Le tableau ci-dessous (Tableau 4) présente les pourcentages d'accord
moyens (sur les 26 propositions d'effets positifs sur l'apprentissage de la
plateforme iCampus) exprimés par les étudiants répartis en
quatre catégories : ceux en (1) accord ou en (2) désaccord sur les
(1) appuis et les (2) obstacles.
Pourcentage d’accord avec les valeurs ajoutées pour
l’apprentissage |
Etudiants en désaccord |
Etudiants en accord |
Items-Obstacles |
38,9 +/- 0,3 % |
35,8 +/- 0,4 % |
Items-Appuis |
31,2 +/- 0,4 % |
42,9 +/- 0,3 % |
Tableau 4. Pourcentages d'accord avec les
propositions d'effets positifs des TIC sur l’apprentissage pour quatre
catégories d'opinions générales sur les TIC
Nous l'avions vu précédemment (Tableau 1) : environ un tiers de
nos étudiants étaient réservés quant au fait que
les technologies puissent présenter un appui, un avantage pour la
formation ... ils montrent également le plus faible pourcentage d'accord
avec les propositions de valeurs ajoutées des technologies pour
l'apprentissage (31,2%). Les étudiants en accord, avec les appuis
généraux présentent, quant à eux, les accords les
plus élevés avec les valeurs ajoutées des TIC pour
l'apprentissage (42,9%). Rappelons que si les obstacles déclarés
par rapport à l'utilisation des TIC se sont effondrés entre 2001
et 2006-2007, les perceptions des appuis que les technologies présentent
n'ont pas connu une réelle progression (point 3.1). Au-delà des
formations techniques auxquelles on pourrait penser pour sensibiliser les
étudiants à l’utilisation des TIC pour leurs apprentissages
(l'aisance par rapport aux technologies et les compétences
nécessaires constituant de moins en moins un problème), nous
pensons à de véritables formations conduisant à une
appropriation des usages (des routines) ainsi qu'à une acculturation
numérique progressive dans les études. A l'heure de l'apprendre
à apprendre, à quand des formations, non pas seulement sur les
outils mais, sur l'apprentissage avec les TIC, à quand des formations
à l'apprentissage « tout court » ? Selon nous,
qu’il s’agisse des méthodes pédagogiques mises en
place pour développer des compétences (demander un rapport
scientifique aux étudiants pour qu’ils expérimentent la
recherche d’informations, les faire travailler en groupe pour qu’ils
développent la compétence au travail d’équipe) ou
qu’il s’agisse de l’utilisation des TIC, on pense trop souvent
qu’il suffit de plonger l’étudiant dans le dispositif pour
qu’il apprenne. Le Learning by doing a ses limites. S’il
s’agit de développer des compétences, une formation à
la méthode ou à l’usage s’impose et une validation de
la compétence développée est nécessaire.
3.6. Des outils simples ?
Dans le contexte décrit plus haut et de notre hypothèse
générale, nous avons présenté le fait que le
développement de l’outil Claroline était inspiré par
deux considérations : une impulsion institutionnelle pour promouvoir
des apprentissages de qualité et le souhait d’offrir des outils
simples pour que les enseignants puissent se consacrer, au-delà des
difficultés techniques, à ce qui finalement importe le plus :
l’apprentissage des étudiants. Est-ce le cas ?
Ces considérations ne sont qu’une approche de variables
qu’il nous paraîtrait aussi utile de considérer,
simultanément à celles présentées ici, dans la
recherche des effets des TIC : utilité et utilisabilité
perçues, efficacité et efficience ... (Davis, 1989).
Dans l'enquête dont nous avons déjà parlé (2007)
et dont la méthodologie a été décrite dans un
article antérieur (Docq et al., 2008),
153 enseignants volontaires se sont exprimés à propos des mobiles
qui les poussent à utiliser la plateforme de l’UCL.
Précisément la question était : « Quelles
sont les (quatre) raisons les plus importantes qui vous ont motivé
à adopter iCampus (le nom donné à la plateforme Claroline
dans notre institution) dans votre enseignement ? »
Parmi les 11 raisons proposées, on trouve des
éléments de nature personnelle (goût des technologies),
pédagogique (rendre les pédagogies plus actives), institutionnelle
(souhait pressenti des autorités), en résumé, des
motivations tant internes qu'externes.
Les quatre raisons les plus souvent citées sont (dans
l’ordre d’importance, les fréquences
s’échelonnant de 80 à 60%):
- Pour simplifier la mise en place de mon enseignement
- Suite à la facilité d’utilisation
d’iCampus
- Dans l’intention d’améliorer
l’apprentissage des étudiants
- Pour aller vers des pédagogies plus actives.
Notre hypothèse du rôle inducteur de technologies simples et
intuitives pour l’amélioration de la pédagogie s’en
trouve confortée, mais demandera encore de nombreux travaux
ultérieurs. Associés aux résultats relatifs aux
modifications des usages au cours du temps (présentés aux points
3.2 et 3.3), ces derniers confortent notre hypothèse
générale (présentée à la fin du point
2.1) sur la migration (catalysée ou accélérée par
les technologies) des enseignants vers des dispositifs pédagogiques plus
riches, c'est-à-dire composés d’outils variés et
dynamisés par des usages plus interactifs et plus proactifs des
différents acteurs (point 3.4.2).
4. Conclusions
Nombreuses sont les discours et les publications qui
prétendent, souvent de manière triomphale, à un impact
positif des technologies sur la qualité des enseignements et des
apprentissages. Ils sont généralement bâtis sur la
supposition que les utilisations efficaces des technologies, accompagnées
dès lors de méthodes pédagogiques plus actives ou
interactives, devraient avoir un tel effet.
La condition nécessaire technologique est non suffisante. Plus rares
(inexistantes à notre avis) sont les productions scientifiques qui ont
tenté d’étayer cette supposition et d’en analyser les
relations entre les constituants technologies et pédagogiques (Figure 1).
Sans cette analyse fine, les résultats généraux les plus
fréquents conduisent bien souvent au phénomène du No
Significant Difference, pénalisant pour la promotion institutionnelle
et sociétale de ces activités technopédagogiques ou alors
à des résultats positifs difficilement reproductibles et parfois
accidentels. Nous avons voulu contribuer à une approche
pragmatique et empirique à la fois au niveau des données
recueillies, des domaines investigués simultanément (par exemple,
à la fois, les outils, les usages et les effets mesurés chez les
étudiants et les enseignants) et longitudinalement et, des
méthodologies de recherche mises en place.
(a) Une étude des perceptions générales des TIC (le
coût, le temps, les compétences requises, la formation
nécessaire ...) nous semble préalable et indispensable pour cadrer
les effets éventuels des TIC sur les facteurs d'apprentissage. Ils
conduisent (point 3.1) au constat que l'acculturation numérique progresse
en constatant les résultats des recherches plus récentes par
rapport aux recherches antérieures effectuées dès 2000-2001 (Reding et al., 2001).
Néanmoins, on peut en conclure que « apprendre avec le
numérique » est une préoccupation qui devrait percoler
des recherches actuelles pour atteindre les pratiques et la formation de
étudiants et des enseignants. À quand des formations pour
« apprendre avec les technologies » ? À quand
des formations pour apprendre à l’ère du
numérique ?
(b) Notre recueil de données sur les usages des outils de la
plateforme Claroline à l'UCL (point 3.2) a montré, au cours des
années, un (lent) mouvement statistiquement valide entre des usages plus
traditionnels basés sur la transmission (dépôt de documents,
d’informations relatives aux contenus et à l’organisation...)
vers des usages à caractère plus interactif, on apprend avec les
autres, ou plus incitatif, proactif, on apprend « en soi »
(point 3.3). Ces études longitudinales devraient se déployer
ailleurs, en d’autres contextes et sur d’autres plateformes afin de
consolider nos conclusions. C’est un des buts de la recherche Hy-SUP dont
nous avons parlé.
(c) Mesurer l’impact pédagogique de tels outils est difficile.
Nous nous sommes penchés ici principalement sur la perception des
étudiants et des enseignants quant aux apprentissages (point 3.4), en
nous basant sur les cinq dimensions du modèle pragmatique
d’apprentissage que nous avons proposé dès 1995 et que nous
avons présenté plus haut. Comment pourrait-on mesurer des impacts
sur les apprentissages sans disposer d’un modèle
d’apprentissage, sans disposer d’une jauge pour le mesurer dans ces
diverses dimensions ? Même si ces perceptions de valeurs
ajoutées d’une plateforme sur l’apprentissage restent
modestes (un pourcentage moyen d’accord avec les propositions de valeurs
ajoutées pédagogiques d’une plateforme d’apprentissage
en ligne d’environ 38%), nous avons montré qu’elles
dépendaient de la richesse (la variété et la
complémentarité des outils et des usages) du dispositif
pédagogique mis en place par l’enseignant et des composantes
motivationnelles et interactives. Ici aussi, il serait intéressant de
répéter ces mesures au cours du temps, en d’autres lieux.
Cet impact pédagogique doit également être analysé en
fonction de l'appropriation, par les différents acteurs, de la culture
numérique (point 3.5).
Cette synthèse de travaux réalisés dans le cadre de
l'Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias de
l'Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve apporte des
éléments qui corroborent l'hypothèse générale
d'impacts des TIC sur le développement professionnel des enseignants et,
au-delà, sur la perception, par les étudiants, de la
qualité des apprentissages effectués. Des instruments de mesure
concrets sont aussi proposés afin de mesurer ces impacts. Conscients des
limites inhérentes à ce travail prospectif, liées au grand
nombre de variables intermédiaires et contextuelles soulignées
dans cet article, nous apportons ainsi des éléments concrets
à la question du rôle catalyseur des TIC dans le cadre de
l'innovation dans l'enseignement et de la qualité des apprentissages :
une plateforme d'eLearning, simple, intuitive et ouverte à des
modalités variées d'enseignement constitue-t-elle un outil de
formation pédagogique et de développement professionnel pour les
enseignants ?
Les recherches présentées ici et le cadre ample multi-factoriel
que nous suggérons pour mieux comprendre les effets des TIC sur
l’apprentissage des étudiants et le développement
professionnel des enseignants, trouveront encore des développements dans
le cadre des recherches, menées au niveau européen, par le
collectif Hy-SUP à propos des dispositifs hybrides (typologie et effets).
Une première partie de cette recherche a conduit à une typologie
de ces dispositifs (Burton et al., 2011) qui confirment nos données antérieures (Lebrun et al., 2009).
La deuxième partie consacrée aux déterminants et aux effets
de ces dispositifs est en cours. Les résultats attendus permettront sans
nul doute de consolider les dimensions proposées dans ce document et
d’étendre la portée compréhensive des
démarches entreprises ici.
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1 Le projet HY-SUP 2009-2012 (DG.
Education et Culture. Programme pour l’éducation et la formation
tout au long de la vie) est coordonné par l’Université Claude
Bernard Lyon 1 (E. Bettler et N. Coltice). Ce projet associe des chercheur-e-s
et enseignant-es des universités de Fribourg (B. Charlier et A. Rossier),
de Genève (N. Deschryver, C. Peltier, D. Peraya, A. Ronchi et E.
Villiot-Leclercq), de Louvain-La-Neuve (F. Docq, M. Lebrun, C. Letor et A.
Liétart), de Lyon 1 (C. Batier et C. Douzet), de Luxembourg (R. Burton, G.
Mancuso et E.Renneboog) et de Rennes 2 (B. Albero, J. Eneau, G. Gueudet, G.
Lameul, M. Nagels).
2 L'auteur remercie ses
collègues de l'IPM, Françoise Docq et Denis Smidts pour leur
soutien et leurs apports dans les recherches communes présentées
ici et dont cet article constitue une synthèse.
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