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Volume 14, 2007
Article de recherche



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La méthode des Pléiades : un formalisme pour favoriser la transférabilité et l’instrumentation des scénarios pédagogiques

 

Emmanuelle VILLIOT-LECLERCQ LIG, Université Joseph Fourier

 

RÉSUMÉ : Cet article se situe dans le contexte de la recherche en EIAH (Environnements Informatisés pour l’Apprentissage Humain), et il porte plus particulièrement sur la dimension de la scénarisation pédagogique instrumentée. Il vise à explorer et à proposer des formalismes d’expression des scénarios pédagogiques qui permettraient à un scénario d’être facilement réutilisable par un enseignant et un concepteur pédagogique. Notre méthodologie de recherche est fondée sur une double approche : une approche par modélisation et une approche centrée usager. Elle vise l’élaboration de modèles théoriques en interaction avec les praticiens de la formation et intègre des évaluations aux diverses étapes de la modélisation. Nous présentons dans cet article deux recherches complémentaires : une recherche exploratoire sur les différents formalismes possibles pour l’expression des scénarios qui nous a conduite à la construction d’un formalisme, le formalisme des Pléiades. Cette méthode de formalisation des scénarios vise à permettre l’explicitation des intentions des enseignants et à favoriser la transférabilité des scénarios.

MOTS CLÉS : Scénario pédagogique, conception pédagogique, scénarisation, formalisation, méthode des Pléiades, réutilisation, transférabilité, instrumentation.

ABSTRACT : Our work is situated in the context of TEL (Technology Enhanced Learning) research. It concerns more particularly the instrumented educational design and scenarisation field. In this context, our research problem was the expression modalities of learning scenarios which would allow a scenario to be easily reusable by teachers and educational designers. Our research methodology is based on a double approach: a modelling approach and a user centered approach. It aims at the elaboration of theoretical models in interaction with the educational practitioners and it integrates evaluations at the different modelling stages. We present in this article two additional researches: an exploratory research on formalisms for the expression of the scenarios which led to us to the construction of a method, the method of Pleiads, which allows the explicitation of the teachers’ intentions and facilitates the learning scenario transferability.

KEYWORDS : Learning scenario, educational design, educational scenarisation, formalisation, method of pleiads, reusability, transferability, instrumentation.

 

1. Introduction

L’objet de la recherche porte sur les pratiques de conception des scénarios pédagogiques dans le contexte d’utilisation des TICE. Pour Charlier (Charlier, 2000), l’évolution des pratiques de conception d’un enseignant dans un contexte d’utilisation des TICE "peut concerner ses routines, ses décisions de planification ou ses connaissances, de même que les actions mises en œuvre, les interactions avec les pairs et la réflexion exercée sur l'action".

Nous nous intéressons plus particulièrement aux changements induits lors de la phase de planification et nous constatons que, dans ce processus de préparation de la situation d’apprentissage, l’enseignant est amené à définir plus précisément les activités, les acteurs, les ressources produites et utilisées ainsi que les interactions qu’ils entretiennent entre eux.

La tâche de conception sort de la sphère individuelle dans la mesure où on en partage le résultat, notamment au sein de communautés de pratiques et de sites thématiques ou disciplinaires.

Ce partage de pratiques donne lieu à la mise en commun dans des banques de descriptions de déroulement d’activités, ou de ressources ainsi que d’un ensemble d’informations de type métadonnées. Ces descriptions sont nommées "scénarios" ou "séquences", ou lesson plans en anglais (Leleu-Merviel et al, 2002). Ces scénarios sont sous forme écrite, soit narrative, soit structurée via des fiches descriptives et intègrent les TICE comme supports ou ressources.

Or, des travaux ont montré qu’il existait un problème de réutilisation de ces scénarios au sein de ces communautés (Roberston, 2006). Si le partage est désormais évident, la réutilisation ne l’est pas. La réutilisation d’un scénario pédagogique peut partir d’un besoin (gain de temps, apport d'idées nouvelles, découvertes de nouvelles approches pédagogiques, enseignant en formation, etc.). Mais pour certains auteurs, il faut également que les conditions favorables soient réunies. Cromier et Herandez (Cromier et Herandez, 2006) ont montré que la réutilisation des objets pédagogiques nécessitait la convergence de quatre conditions, que nous pouvons par extension appliquer aux scénarios : il faut qu’ils existent, il faut être ouvert à les réutiliser, il faut qu’ils soient réutilisables et il faut être capable de les réutiliser. Une autre condition que nous pourrions ajouter : il faut aussi que l’on puisse trouver les scénarios qui nous intéressent, ce qui pose le problème de l’indexation.

De fait, dans un contexte de conception pédagogique, la question de la réutilisation des scénarios pédagogiques pose la double question de l’essaimage et la transférabilité des savoir-faire pédagogiques au sein de communautés de pratique et de la formalisation des scénarios pédagogiques en vue de leur opérationnalisation dans un contexte de situations d’apprentissage instrumentées par les TICE. Notre contribution ne traite pas directement de la question de l’opérationnalisation mais de celle plus amont de la formalisation des scénarios pédagogiques. Le problème du formalisme est abordé dans son sens large de formalisme de description et d’expression des scénarios dont l’objectif est à terme d’en faciliter l’opérationnalisation.

Dans cet article, nous faisons le point sur les modes d’expression des scénarios pédagogiques dans le champ de praticiens de l’éducation, et des problèmes qui se posent en termes de transférabilité et d’instrumentation de ces scénarios. Nous abordons ensuite ces questions sous l’angle de la formalisation en faisant un panorama des approches de formalisation pédagogique existantes. Nous présentons à l’issue de cette étude un travail de recherche et développement pour dégager des premières pistes pour définir plus précisément une méthode de conception associée à un formalisme d’expression des scénarios, la méthode des Pléiades, afin de soutenir leur transférabilité et leur instrumentation.

2. Concept et description des scénarios pédagogiques dans le champ des praticiens

2.1. Définition du scénario dans le champ de praticiens de l’éducation

Le terme "scénario" est couramment utilisé dans les domaines artistiques, notamment cinématographique, mais aussi dans les domaines de la gestion, de l’informatique, des télécommunications et de l’ergonomie (scénario de navigation, d’interaction). Son utilisation est plus récente dans le domaine de l’éducation où le terme est complété par l’adjectif pédagogique, ou le complément de nom d’apprentissage. Le concept de scénario pédagogique complète ou remplace d’autres termes plus couramment utilisés par les enseignants : "cours", "séquence", "situation d’apprentissage".

Dans le cadre d’une étude menée par l’INRP sur les pratiques de scénarisation, les termes de séquence pédagogique et de scénario pédagogique sont les plus cités pour l’ensemble des personnes interrogées (Villiot-Leclercq et Pernin, 2006). Le terme de séquence pédagogique semble fortement utilisé en raison de son introduction dans la formation d'enseignants à l’IUFM. Une question ouverte associée a permis de relever une abondance de termes utilisés dans des sens approchants : "activités pédagogiques", "maquette pédagogique", "synopsis", "déroulé pédagogique", "module d’enseignement", "progression pédagogique", "parcours pédagogique", "scénario d’usage", "scénario d’encadrement", "scénario de diffusion", "séquence de tâches", "session", "story-board", "trames conceptuelles", "séquence d’apprentissage".

2.2. Expression des scénarios pédagogiques dans le champ des praticiens de l’éducation

Ils se présentent sous forme de fiches ou de formulaires. Ils constituent des entités relativement abstraites lorsque la description est structurée autour de quelques rubriques-clés comme dans les lesson plans ou si elle suit la structure de guide de conception de scénarios pédagogiques comme celui de (Bibeau, 2000).

Les lesson plans s’organisent autour de grandes rubriques qui constituent des sortes de métadonnées : titre, auteur, sujet, niveau, objectifs d’apprentissage, matériel, déroulement chronologique avec des suggestions pour l’enseignant, l’évaluation et une appréciation personnelle sur les conditions d’efficacité du scénario. Des travaux (Tsitouridou, 2006) ont recensé les termes les plus utilisés dans ces fiches et leurs équivalents. Ils constituent une sorte de thesaurus ad hoc dans lequel on pioche pour décrire les scénarios pédagogiques.

On retrouve les termes suivants (leurs équivalents rencontrés lors de l’analyse étant indiqués entre parenthèses) : but (objectif général, objectif), compétence (habileté visée, objectif spécifique, résultat attendu ...), compétence disciplinaire (objectif référentiel, compétence du domaine), compétence transversale, déroulement (déroulement de l’activité, réalisation, pendant, situation d’enseignement/d’apprentissage), discipline (matière visée, contenu disciplinaire), domaine (domaine d’apprentissage, thème général), durée, évaluation (correction, bilan de séances), mise en situation (avant, introduction), niveau (niveau d’enseignement, degré, niveau scolaire, public), objectivation, phase pédagogique (approche pédagogique, démarche d’intervention, démarche pédagogique), présentation de l’activité, réinvestissement (transfert, le mot du maître, pour aller plus loin, après, activités connexes, enrichissement, approfondissement), ressources (ressources requises, matériel), résumé (description courte du projet, description), séance (séquence, étape).

L’avantage de ces termes est qu’ils sont familiers aux enseignants et qu’ils permettent de décrire différents aspects du scénario en les organisant par rubriques ou catégories dans des formulaires ou des fiches. Il manque cependant la dimension "rôle" que l’enseignant et l’élève peuvent prendre dans le scénario et qui est étroitement liée à la nature et l’objectif de l’activité d’apprentissage. Cette dimension "rôle" a été mise en avant dans les travaux sur les langages de modélisation pédagogique tels qu’IMS Learning Design.

D’autre part, l’expression du scénario uniquement via une liste de rubriques pose un certain nombre de problèmes en termes d’une part, de transférabilité et d’autre part, d’instrumentation des scénarios.

2.3. Le problème de la transférabilité des scénarios pédagogiques

Les scénarios ainsi décrits sont mis à la disposition des autres enseignants sur des environnements partagés ou sur des sites académiques et nationaux. Dans ce contexte, ils visent à être partagés et réutilisés en partie. Or, il se pose actuellement un problème de transférabilité de ces scénarios, la capacité de ces derniers à être réutilisés dans un contexte différent d’apprentissage. Les différents aspects du problème ont été bien identifiés par le travail de (Macedo-Rouet, 2007) :

- diversité dans la description des activités contenues dans les scénarios
- manque de précision de description du déroulement du scénario
- lieu d’expression d’une perception personnelle du scénario plus que de véritable volonté de mutualiser ce qui a été fait.
- manque de formation à la rédaction de scénarios

D’autre part, les choix pédagogiques de l’enseignant sont rarement explicités et l’approche pédagogique semble périphérique par rapport aux autres rubriques, alors qu’elle devrait être centrale et constituer le socle explicite du scénario.

2.4. Le problème de l’instrumentation des scénarios pédagogiques

La majorité des scénarios ainsi décrits et disponibles sur Internet visent à mettre en œuvre des situations instrumentées par les TICE. Cette instrumentation peut être partielle ou plus étendue dans le but que le scénario tout entier se déroule dans un environnement technologique de type plate-forme.

Dans ce contexte, l’enseignant ou le concepteur pédagogique est amené à aller au-delà de la simple description « à plat » du scénario. Au moment de la conception, il doit aussi indiquer les processus d’interaction qui vont être à l’œuvre entre les différents éléments du scénario : interaction entre les activités, interactions entre les différents acteurs du scénario et leurs différents rôles, interaction entre les rôles et les activités, interaction entre les ressources et les activités. Or, la description par rubriques propose une description statique du déroulement et elle ne permet pas de définir la façon dont le scénario pédagogique va s’organiser (qui va réaliser l’activité ? quelle ressource va être utilisée pour cette activité et par qui ? quelles sont les conditions de clôture de l’activité ?).

Cette forme de description est insuffisante pour qu’un enseignant reprenne un scénario existant et définisse les paramètres et les interactions en jeu entre les acteurs, les activités, les ressources afin d’en permettre l’exécution sur une plate-forme.

Une des solutions pour avancer sur les problèmes de transférabilité et d’instrumentation des scénarios est, en partant de l’existant, de travailler à l’émergence d’expressions plus formelles de scénarios offrant une certaine généricité tout en restant proches des habitus de conception des enseignants ou des concepteurs pédagogiques.

3. La problématique de la formalisation des scénarios 

Formaliser se comprend comme la réduction "d’un système de connaissances à ses caractères formels" (TLF, 2007), c’est-à-dire que les différents travaux que nous présentons ci-dessous s’intéressent à la forme du scénario et à l’élaboration des notions et des règles associées pour définir sa formalisation. Dans le domaine des EIAH, l’enjeu de la formalisation (David et al., 2007), (Emin et al., 2007) est d’une part, à court terme, la description et la structuration, dans un langage partagé, de la situation d’apprentissage dans toute sa complexité, et d’autre part, à moyen terme, l’opérationnalisation des scénarios sur un ENT (Environnement Numérique de Travail), c’est-à-dire l’instrumentation du scénario par les TICE.

Il existe actuellement un ensemble de propositions de langages et d’approches pour formaliser un scénario pédagogique. Nous en présentons dans le paragraphe suivant.

3.1. Les propositions de formalisation existantes

3.1.1. MISA

Paquette (Paquette, 2002) propose une méthode d’ingénierie pédagogique, MISA (Méthode d’Ingénierie des Systèmes d’Apprentissage) qui se présente comme une méthode de soutien « à la conception d’un système d’apprentissage supportant trente-cinq tâches ou processus principaux et quelques cent cinquante tâches secondaires » (Paquette, 2002) p. 119.

La scénarisation pédagogique apparaît dans cette méthode, sous la forme de scénario pédagogique, lors de la réalisation du "devis pédagogique" à la phase nommée "architecture pédagogique". Le scénario pédagogique n’est donc pas défini isolément mais il prend sa source dans d’autres éléments de documentation comme l’objectif de formation, les publics cibles, les orientations pédagogiques et le réseau des événements d’apprentissage. Il est aussi défini en étroite relation avec le contenu des unités d’apprentissage et les propriétés des activités qui le composent.

La méthode MISA permet d’exprimer de façon formalisée un scénario pédagogique (Paquette, 2002), mais ce formalisme d’expression s’inscrit dans une démarche d’ingénierie pédagogique assez complexe, plus destinée à une communauté de concepteurs pédagogiques qu’à des enseignants du secondaire par exemple. La méthode est également très dépendante de sa représentation graphique en MOT qui a évolué vers MOT-LD (Learning Design).

3.1.2. Le langage CPM

Le langage CPM-Cooperative PBL Metamodel (Laforcade et al, 2005) propose une approche centrée sur un langage graphique. Ce langage est basé sur UML (Unified Modeling Language). Il concerne les deux premières phases du processus de conception pédagogique (étape de l’expression des besoins et étape d’analyse et de conception) et vise à modéliser des situations problèmes coopératives. Il est composé à la fois d’un méta-modèle qui permet de définir les concepts "stéréotype" et leurs relations, et un profil "méta-classe", une syntaxe concrète qui définit l’expression graphique (" icône") des concepts et leurs relations ainsi que leur utilisation dans les diagrammes UML.

Le méta-modèle repose sur la prise en compte de la structure hiérarchique d’une situation problème coopérative, sur les aspects pédagogiques et sur les aspects sociaux. Destiné à des ingénieurs pédagogiques ainsi qu’à l’ensemble d’une équipe pluridisciplinaire impliquée dans la conception, ce langage nécessite des connaissances de base en UML.

L’intérêt du langage CPM est qu’il permet d’exprimer un scénario de type situation-problème et qu’il a été implanté dans un outil-auteur afin de soutenir des ingénieurs pédagogiques dans le processus de conception, de suivi et de maintenance des modèles de situation-problème. Cependant, selon ses auteurs, le langage est outillé mais il n’est pas encore associé à une véritable méthode de conception et se trouve pour l’instant fortement relié à un type d’approche pédagogique.

3.1.3. LDL et la méthode des « 4 piliers »

Le langage de modélisation (LDL) s’appuie sur un méta-modèle issu de travaux dans le domaine de l’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (Martel, 1998), (Martel et al, 2007), (Ferraris et al., 2007). Il représente une alternative à IMS-LD.

Dans ce langage, la structure formelle du scénario pédagogique est décrite par un ensemble d’éléments : une structure qui permet de décrire l’activité et les interactions présentes a priori au sein d’une activité ainsi que la façon dont elles s’organisent ; une enceinte qui permet d’exprimer le ou les lieux de l’activité ; les rôles que l’on peut affecter aux différents acteurs de l’activité ; la description d’une interaction qui est décrite par une action, mais à qui on associe des informations du type (qui ? quoi ? où ? comment ?) ; les positions des rôles (définissant les positionnements des acteurs par rapport aux activités en train de se dérouler). Des règles permettent de tester les différentes positions.

Ce langage a été utilisé pour formaliser des scénarios pédagogiques en Sciences de la Vie et de la Terre dans le domaine de l’apprentissage collaboratif (Ferraris et al., 2005). Il est en cours d’exploitation dans le projet SVL (Shared Virtual Laboratory) dans Kaléidoscope dont l'objectif est de fournir une infrastructure logicielle pour instrumenter l'expérimentation des EIAH (Adam et al, 2007). Le langage LDL vise ici à permettre l’orchestration et l’automatisation d’un scénario d’expérimentation complexe qui intègre un ensemble de questions de type QCM réalisées au format IMS-QTI (IMS Question and Test Interoperability), un outil de simulation TPElec et un outil de suivi (Guéraud et al., 2007). L’ensemble du scénario a pour objectif, d’un point de vue didactique, de déstabiliser les idées fausses (misconceptions) des élèves en électricité (Michelet, 2005). Ainsi, le langage LDL basé sur le méta modèle présenté ci-dessus permet d’exprimer un scénario d’orchestration des différentes activités pédagogiques (QCM, utilisation de simulation, etc.), en sollicitant les acteurs, en gérant la transition entre les activités, et en restituant les traces (résultat de chaque activité, déroulement général, etc.).

Ce langage possède une méthode associée permettant de s’abstraire du langage en lui-même et de le penser en fonction du cadre interactionnel dans lequel les activités d’apprentissage vont se dérouler. (Martel et al., 2007) montrent que les activités d’apprentissage reposent sur 4 piliers fondamentaux : l’organisation des activités (préparation, etc.), l’apprentissage (finalité didactique et stratégie d’apprentissage), l’observation des activités (possibilité pour l’enseignant de suivre le déroulement de l’activité), l’évaluation. Dans cette méthode, spécifier une activité revient à spécifier, pour chaque pilier, un scénario : un scénario d’organisation, un scénario d’apprentissage, un scénario d’observation, un scénario d’évaluation.

3.1.4. IMS Learning Design 

Ce langage (IMS, 2003) propose un cadre conceptuel qui met l’activité au centre du processus de conception pédagogique, tout en identifiant les relations que l’activité entretient avec les rôles et les ressources. Ce langage a été largement présenté et nous renvoyons à l’abondante littérature sur le sujet. De nombreux travaux ont montré que ce langage n’était pas destiné à être manipulé par des enseignants (Koper et Tattersall, 2005). Ainsi, Nodenot (Nodenot, 2005) analyse les limites de la proposition IMS-LD selon trois aspects : sa capacité à décrire des activités d’apprentissage, sa capacité à décrire des activités collaboratives, sa capacité à rendre compte de la structuration et de la dynamique des scénarios d’apprentissage. Il en tire les conclusions suivantes : IMS-LD est un langage complet, formel, interopérable, compatible avec d’autres standards, mais « au détriment de la flexibilité par rapport aux théories de l’apprentissage » (p.61). Il souligne aussi la difficulté pour un concepteur de décrire le déroulement de l’activité, la ressource support ou produite, d’avoir une vision contextuelle de la façon dont un outil va être utilisé dans l’activité, et de décrire la façon dont les activités coopératives vont se synchroniser.

3.1.5. Bilan

L’étude des formalismes existants montre qu’il existe d’un côté des formalismes destinés à la description et à la spécification des situations d’apprentissage (MISA et CPM) qui sont très liés, pour l’un à la démarche d’ingénierie pédagogique qui demande un niveau d’expertise très élevé (Henri et Maina, 2007), et pour l’autre à une approche pédagogique précise, la résolution de problème. D’un autre côté, il existe des formalismes « informatiques » comme IMS-LD, qui permettent de spécifier les différents paramètres du scénario pédagogique pour qu’un système informatique puisse l’interpréter et l’exécuter sur une plate-forme mais qui ne sont pas destinés aux enseignants (Koper et Tattersall, 2005). A l’intersection, le langage LDL et sa méthode des 4 piliers proposent à la fois des éléments de spécification et d’opérationnalisation qui ont déjà été validés en situation de classe.

La plupart de ces propositions sont issues de recherches en informatique et partent du problème de l’opérationnalisation des scénarios pour remonter plus ou moins explicitement vers celui plus amont de leur expression formalisée par les enseignants. Dans le processus de scénarisation, illustré par le cycle de vie du scénario en 7 étapes (Pernin, 2007), cette phase amont correspond à la phase appelée de « conception initiale » qui engendre l’ensemble des autres phases du cycle (contextualisation pédagogique, implémentation technique, exécution, évaluation, adaptation, réutilisation).

De fait, la question de la formalisation des scénarios pédagogiques doit se poser en relation étroite avec les usagers, « conception dans l’usage » (Guin et Trouche, 2007) et en fonction des points de vue issus des différents champs de sciences humaines (sciences de l’éducation, linguistique, sciences cognitives, etc.). La problématique qui se pose est donc avant tout interdisciplinaire et elle nécessite un investissement plus marqué des domaines des sciences humaines.

La proposition de formalisme que nous présentons dans cet article est fortement influencée par ces derniers champs de réflexion. Elle n’a pas l’ambition de contester les autres formalismes mais de présenter un autre point de vue, un autre angle d’attaque. Nous reprenons d’ailleurs aux formalismes existants les grands concepts saillants comme la notion centrale d’activité d’apprentissage et de rôles mais le point de départ de notre réflexion porte sur la démarche de formalisation des scénarios elle-même.

Notre hypothèse est que la « mise en forme » que nécessite la démarche de formalisation ne doit pas se faire au détriment de l’intention pédagogique initiale mais qu’au contraire, elle doit permettre la sauvegarde du sens de la situation d’apprentissage souhaitée.

Pour cela, le formalisme doit être fondé sur des sémantiques (« ensemble des mots, des notions se rapportant à un même domaine conceptuel ou psychologique ») (CNRTL) et une structuration (manière de regrouper, de hiérarchiser l’information, etc.) qui sont d’une part familières à l’enseignant ou au concepteur pédagogique et qui d’autre part, reflètent explicitement ses intentions et ses choix pédagogiques.

A partir de ces hypothèses, nous présentons dans les paragraphes suivants, un ensemble de propositions qui vise à répondre à notre problématique de recherche initiale sur les modalités d’expression de scénarios pédagogiques transférables et instrumentés par les TICE.

4. Propositions pour une expression formalisée des scénarios pédagogiques

Dans cette partie, nous présentons la méthodologie générale que nous avons suivie pour mener nos recherches et les deux travaux qui ont été réalisés dans ce cadre : un premier travail exploratoire sur le format d’expression des scénarios et un second travail qui a abouti à la proposition d’un formalisme, le formalisme des Pléiades, qui permet d’exprimer les scénarios de façon formalisée et d’intégrer les intentions pédagogiques sous-jacentes en explicitant l’approche et les choix pédagogiques.

4.1. Méthodologie générale

Notre travail de recherche se fonde sur la méthode développée par l’Université de Sussex centrée sur l’humain "Human Centred Research" (HCD) et utilisée dans de nombreux travaux comme ceux de (Luckin et al., 2006).

Cette méthode nécessite d’identifier dès le début les utilisateurs et de les impliquer dans la modification et la validation des différents artefacts. Pour cela, le chercheur peut exprimer les artefacts sous différentes représentations et au travers de différentes activités. Cette méthode se présente sous la forme d’un processus cyclique de recherche, de développement, de communication qui vise à affiner l’artefact grâce à une meilleure compréhension des besoins des usagers et du contexte. Chaque cycle est composé d’une proposition initiale, d’une évaluation et d’une révision de la proposition. Nous appuyons notre méthodologie sur cette vision cyclique et itérative pour répondre au problème de la réutilisation des scénarios pédagogiques existants.

Pour notre recherche, nous avons enrichi cette approche par une phase de modélisation dans la mesure où cette approche centrée usagers vise à l’élaboration de modèles théoriques mais qui doivent être "utiles" et "acceptables" pour des usagers potentiels.

Grâce à cette méthode, nous allons construire progressivement une réponse aux besoins de formalisation des scénarios pédagogiques et aux besoins de soutien au processus de réutilisation. Notre travail, destiné à se poursuivre au-delà de ces deux travaux, permet de proposer une première réponse au problème de la transférabilité et de l’instrumentation des scénarios pédagogiques.

Dans la perspective de cette approche centrée humain, notre travail de recherche cible les enseignants dans un contexte académique et les concepteurs pédagogiques dans un contexte d’entreprise. Dans la mesure où il ne s’agit pas de construire des modèles pour la formation à la scénarisation, mais des modèles pour la réutilisation de scénarios formalisés, nous avons fait le choix de recourir pour chaque étape à un petit nombre d’usagers ayant déjà une expérience plus ou moins forte en conception pédagogique et intégrant les TICE dans leurs pratiques.

Notre méthodologie se compose de trois cycles de recherche. Le premier cycle vise à explorer les différentes pratiques de scénarisation. Ce premier cycle s’inscrit dans un projet institutionnel mené par l’INRP, projet CAUSA-E-praxis qui donné lieu à des articles (Pernin et Emin 2006), (Villiot-Leclercq et Pernin 2006), (Pernin, 2007) auxquels on pourra se reporter. Dans cet article, nous détaillons uniquement les travaux des deux derniers cycles menés au sein de l’équipe MeTAH.

Le second cycle s’intéresse au problème de l’expression des scénarios en lien avec la question du format de représentation : un ensemble de patrons de scénarios, construits avec des premières hypothèses de formalisation, est proposé aux enseignants sous différentes formes de représentation (textuelle et diagramme d’activité UML).

Un troisième cycle nous a permis de construire en nous enrichissant des résultats des cycles précédents un formalisme d’expression des scénarios pédagogiques, le formalisme des Pléiades.

4.2. Etude exploratoire sur les formats d’expression des scénarios

4.2.1. Contexte et objectif de recherche

Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un travail mené au sein de l’équipe ARCADE du laboratoire CLIPS-IMAG (actuellement Equipe METAH, Laboratoire LIG) de Grenoble sur la structuration de modèles de scénarios à partir de différents formalismes (Villiot-Leclercq et al., 2006).

Notre objectif de recherche était d’une part, d’enrichir des formalismes existants et d’autre part, d’évaluer leur acceptabilité auprès d’utilisateurs potentiels, mais aussi de dégager des pistes pour aller vers un formalisme non plus seulement descriptif mais qui intègre des paramètres explicitant comment le scénario devra se dérouler sur la plate-forme cible et qui pourront être directement mis en œuvre ou exprimés via les langages de modélisation existants. Ce formalisme recherché vise à terme à faciliter la transférabilité et la réutilisation des scénarios pédagogiques dans d’autres contextes d’utilisation.

Pour cette recherche exploratoire, nous avons proposé deux formats d’expression en nous appuyant sur les travaux portant sur les formalismes existants d’expression des scénarios et nos propositions sont en cohérence avec les résultats de l’enquête de scénarisation relatifs aux formats d’expression des scénarios (Villiot-Leclercq et Pernin, 2006). Ces derniers indiquaient que les usages étaient partagés entre différents formalismes : 41 % déclarent décrire leurs scénarios sous la forme d’un texte structuré, 49% sous la forme d’une fiche type, et 41% sous la forme de schémas ou figures. Notre modélisation s’est appuyée sur les hypothèses suivantes :

Il peut y avoir diverses formalisations du modèle de scénario et par là même différents processus de conception d’un scénario pédagogique.

- Les scénarios peuvent avoir différentes granularités.
- Les scénarios peuvent être composés d’un regroupement d’activités et d’activités élémentaires
- Les scénarios orchestrent les interactions entre les différents objets et acteurs du scénario (par exemple, flux d’une ressource d’un acteur à l’autre, transformation des ressources au fil des activités, etc.).
- Les différentes représentations et les formats associés sont complémentaires.

Deux formats d’expression enrichis ont ainsi été proposés : un format narratif et un format de type diagramme d’activité. Ces deux formats sont détaillés un peu plus loin.

Pour appuyer notre étude, nous avons choisi d'exprimer six scénarios caractéristiques : débat, colloque, projet, exercice, démonstration, et étude de cas. Nous sommes partis des travaux sur les différents types d’approches pédagogiques identifiées. Nous avons choisi d’axer le contenu des scénarios sur la lecture croisée de l’image et du texte en histoire-géographie et en lettres selon les instructions officielles des programmes : "travailler l'articulation écrit/oral/image tant en lecture qu'en production". Les six scénarios ont été décrits à la fois dans le format narratif enrichi et dans le format graphique enrichi, soit douze descriptions de scénarios.

4.2.1.1. L’expression narrative enrichie

Cette forme d’expression est la plus naturelle pour l’enseignant. Si on demande à un enseignant de décrire un scénario d’apprentissage, il choisira le plus souvent de nous « raconter » ce scénario. Il inscrira ce scénario dans un temps et un lieu, il décrira les différentes actions réalisées par différents acteurs du scénario : apprenant, enseignant, groupe, classe. Ces derniers peuvent prendre différents rôles : apprenant, animateur, enseignant, présentateur, etc. Nous proposons d’enrichir cette narration par un jeu de couleurs afin de bien faire ressortir les composants du scénario. Nous avons choisi d’exprimer en vert les acteurs du scénario ; en noir souligné, les actions réalisées par les acteurs au cours des activités ; en bleu des éléments contextuels de contenu ; en rouge des éléments contextuels de mise en œuvre (tableau 1). L’avantage de ce formalisme est qu’il est en langage naturel et qu’il est accessible à tous les enseignants. Il reste, cependant, peu détaillé sur les types d’activités et la nature des documents.


Tableau 1. Exemple de modèle de scénario « étude de cas » sous format textuel enrichi

4.2.1.2. Le diagramme d’activité enrichi

Nous avons choisi de nous appuyer sur le format graphique des diagrammes d’activité UML. Ce formalisme graphique a l’avantage de représenter la durée sur une ligne verticale du temps et de bien séparer les acteurs selon les différentes colonnes. A chaque acteur est associée une série d’activités qui regroupent des actions auxquelles sont liées des ressources. L’avantage de cette représentation est d’exprimer la façon dont se déroulent les activités intra-acteurs et inter-acteurs : en simultané ou en séquence, avec ou non des points de synchronisation. De même, il est plus facile d’exprimer les flux des ressources entre les acteurs ou la façon dont elles sont modifiées par les actions de l’acteur au cours d’une ou plusieurs activités. Certaines recherches avaient déjà fait le choix d’exprimer les scénarios d’apprentissage sous cette forme graphique (Faure et Lejeune, 2005), (Giacommini Pacurar, 2005), (Ferraris et al., 2005). Cependant, d’autres travaux ont montré l’insuffisance de ce formalisme pour exprimer des éléments spécifiques à un dispositif d’apprentissage et la nécessité de l’enrichir de façon graphique (Laforcade et al, 2005).

Nous proposons d’enrichir ce formalisme graphique :

- en étiquetant, dans les scénarios, un groupement d’activités que nous nommons "pléiade d’activités" ;

- en mettant ainsi en évidence, par l’étiquetage des pléiades d’activités, les tâches typiques et récurrentes au sein du scénario et entre les scénarios ;

- en indiquant si les actions se déroulent de manière séquentielle ou non ;

- en reliant les ressources aux activités en tant qu’input et output, et en exprimant leur type (choisies, produites, existantes, etc.) et leur état (complètes, partielles, brouillon, etc.) ;

- en indiquant les flux de documents d’un acteur à l’autre ;

- en identifiant des points de contacts entre les scénarios afin d’intégrer ces modèles dans un réseau, de croiser les types de scénarios, et d’identifier la granularité du scénario.

Nous présentons un extrait de l’exemple de scénario "projet" exprimé sous la forme d’un diagramme d’activité enrichi (figure 1). Dans cette expression graphique, les colonnes correspondent aux différents rôles (enseignant, apprenant, groupe, classe). L’axe vertical représente l’axe du temps et les différentes bulles contiennent les activités distribuées entre les rôles. L’enrichissement du diagramme d’activité se situe au niveau des activités qui sont par endroits regroupées dans des boîtes plus larges dans la mesure où elles visent un même but (chercher des informations, analyser les informations, etc.). Elles sont dans ce cas là appelées "pléiades d’activités". Enfin, nous indiquons le flux des ressources entre les rôles et les activités et le changement d’état d’une ressource. Ainsi, il peut s’agir d’un document au stade de brouillon qui, au fil des activités et en fonction des rôles qui le manipulent, s’améliore et prend le statut de document diffusable devant la classe.


Figure 1. Extrait de l’exemple du scénario « projet » exprimé sous forme graphique
(Villiot-Leclercq et al., 2006)

4.3. Evaluation

4.3.1. Objectif

Les objectifs de cette évaluation sont d’évaluer l’acceptabilité des différents formalismes enrichis utilisés pour exprimer les différents scénarios et l’acceptabilité des principes de structuration proposés. Le but est de regarder si les enseignants comprennent les scénarios proposés avec ces différents formats d’expression et quel format ils trouvent le plus adapté à la compréhension et à l’expression de leurs intentions pédagogiques.

4.3.2. Echantillonnage et collecte des données

Six enseignants du secondaire issus de disciplines des sciences humaines (lettres et histoire-géographie) ont participé à l’évaluation.

Nous avons demandé à chaque enseignant, individuellement d’explorer les six scénarios puis de les annoter afin de proposer des modifications ou de donner des suggestions sur le scénario au niveau du vocabulaire, du déroulement proposé, etc. Le support était le papier.

Un questionnaire visait à récolter des informations sur les scénarios qui se rapprochaient le plus de leurs pratiques, de leurs préférences et sur le format qu’ils trouvaient le plus adapté pour décrire un scénario adapté à leurs intentions pédagogiques.

Nous avons analysé qualitativement les annotations sur les scénarios ainsi que les questionnaires.

4.3.3. Résultats sur le format privilégié

Le questionnaire contenait un ensemble de questions sur les types de scénarios eux-mêmes, mais surtout une question sur la préférence des usagers entre les deux formats. Ce sont les réponses à ces questions qui sont présentées et analysées dans ce paragraphe.

Deux enseignants ont exprimé une préférence marquée pour le format narratif. Les arguments avancés sont ceux de la facilité ("facile à écrire"), de la lisibilité ("lisible"), de la familiarité ("plus proche de la linéarité du déroulement temporel d’une séance").

Deux autres enseignants ont exprimé leur préférence pour le format graphique. Pour eux, les avantages sont la clarté ("on voit d’un seul coup d’œil d’où l’on part et où l’on doit arriver"), la bonne visibilité des interactions entre les activités et les ressources ("on sait quelles ressources sont utilisées ou produites et à quel type d’activité on se livre"), et les interactions entre les différents éléments du scénario ("le format graphique a l’avantage de préciser les rôles de chacun et l’interactivité de l’ensemble"). Ce format graphique peut être également diffusable, selon l’un des enseignants, auprès des élèves : "il pourrait être présenté (remanié) aux élèves pour leur permettre de comprendre les objectifs poursuivis".

Un enseignant a exprimé sa préférence pour les deux formats en avançant leur complémentarité : « Les deux se complètent bien : le format textuel permettant d’imaginer le scénario dans son déroulement chronologique, le schéma permettant de comprendre le fonctionnement des interactions mises en œuvre par le scénario ».

Le dernier enseignant a trouvé quant à lui des points négatifs aux deux formats : "la forme graphique ne permet pas d’apporter suffisamment de précision ("1 mot + une flèche = ambiguïté"). La forme textuelle ne permet pas une vision synthétique du scénario sauf si un système d’hyperlien permet de "zoomer" sur l’aspect voulu, à partir d’une première page synoptique". Il propose un format de type textuel hypermédia.

4.3.4. Discussion des résultats

Concernant les résultats de l’évaluation, ils ne permettent pas de pencher pour tel ou tel format mais, au contraire de mettre en évidence leur complémentarité. Ils permettent également de mettre en évidence ce que les enseignants apprécient et attendent d’un formalisme : la clarté de la structuration pédagogique, la facilité d’expression, l’importance de l’activité d’apprentissage (choix des termes, de son positionnement par rapport aux autres activités), la possibilité d’exprimer précisément les interactions entre les différents éléments du scénario (les activités, les ressources, les rôles, les outils).

4.3.5. Synthèse et prolongements 

Ces premiers éléments de résultats nous ont amenés à centrer notre travail de formalisation d’une part, sur l’activité elle-même et sur les interactions qu’elle entretient avec les autres éléments du scénario (ressources, outils, connaissances, etc.), et d’autre part, sur la structuration elle-même du scénario. De fait, nous avons approfondi les hypothèses émises, précédemment présentées dans la méthodologie et qui nous avaient permis de proposer une première structuration des activités, notamment dans le format graphique afin d’aboutir à l’énoncé de trois principes de formalisation :

- Les activités d’apprentissage sont inter-reliées ;

- Lorsqu’elles sont inter-reliées, elles constituent une entité identifiable et qui fait sens en soi ou par rapport aux autres regroupements du scénario ;

- Ces entités sont l’espace où circulent un ensemble d’objets de connaissances porteurs (document, image) et producteurs de connaissances entre des acteurs qui interagissent au sein des activités.

Ces principes ont été ensuite mis en relation avec le critère de granularité qui permet d’identifier trois grains différents pour exprimer le scénario (Pernin et Lejeune, 2004) : les activités élémentaires, les séquences d'activités et les unités de structuration pédagogique.

Cette définition linguistique des différents niveaux de granularité permet d’identifier le grain du scénario pédagogique et de le positionner dans une sorte de taxonomie. Cependant, nous pensons que le problème est d’aller au-delà de la simple possibilité de désigner le grain d’un scénario. Il s’agit d’aller vers la possibilité d’attribuer une identité au scénario. A partir du moment où l’on va au-delà de la désignation, vers la constitution d’une identité, il est possible d’attacher à cette identité un ensemble de concepts, de propriétés et de principes qui vont permettre de caractériser le scénario et d’aller vers une expression plus formelle.

Pour aller plus loin, nous reprenons les trois principes dégagés et l’un des concepts fort issu de ce travail, le concept générique de pléiade d’activités que nous exploitons en association avec le principe d’entité de sens. Dans la partie suivante, nous présentons la méthode des Pléiades, qui propose un formalisme de description pouvant prendre le statut d’une méthode de conception de scénarios dans la mesure où elle repose sur des concepts et des principes, et que des règles de conception peuvent être dégagées.

5. Le formalisme des Pléiades

5.1. Les objectifs du formalisme des Pléiades

La méthode des Pléiades (Villiot-Leclercq et David, 2007) offre un cadre formel et une méthode opérationnelle pour la réutilisation des scénarios dans la mesure où elle vise à partager un scénario pédagogique au sein d’une communauté de pratique, formaliser un scénario pédagogique, adapter un scénario pédagogique à un contexte, instrumentaliser un scénario pédagogique. En ce sens, notre proposition se présente comme un formalisme d’expression (description et spécifications) des scénarios pédagogiques intégrant des règles et des principes méthodologiques pour décrire un scénario, se l’approprier, le réutiliser, etc. Le terme « méthode » est utilisé dans ce sens.

Ce formalisme est principalement destiné à des enseignants et des concepteurs pédagogiques pour concevoir des scénarios pédagogiques, pour s’approprier des patrons de scénarios et les adapter à leur contexte et leurs intentions pédagogiques, et pour pouvoir exprimer des scénarios jouables sur une plate-forme.

5.2. Cadre théorique 

Lorsque l’on regarde le ciel, les Pléiades sont un regroupement d’étoiles identifiables visuellement, et cohérent qui, au regard des autres objets de l’espace, fait sens et qu’on peut nommer. "Les Pléiades, ou amas M45, sont un amas ouvert d'étoiles qui s'observe dans l'hémisphère nord, dans la constellation du Taureau "(Wikipédia, 2007). C’est une entité qui fait sens au sein d’une pluralité de formes et de noms.

Notre proposition repose conceptuellement sur la métaphore astronomique des Pléiades, regroupement d’étoiles dans le ciel. Ce regroupement est perçu comme un ensemble cohérent par notre œil et notre cerveau, une forme à qui l’on a donné une identité.

Cependant, au-delà de la métaphore, le formalisme des Pléiades (Villiot-Leclercq, 2007) trouve son ancrage théorique dans les approches en psychologie cognitive, et plus particulièrement dans celle des théories de la forme, Gestalt théorie (Guillaume, 1979). Le terme gestalt est un mot allemand issu du verbe gestalten « mettre en forme ». La gestalt est le résultat de cette action et désigne « une forme structurée, complète et prenant sens pour nous » (Wikipédia, 2007). Selon cette approche, notre cerveau, au travers des perceptions, est capable de structurer les informations, de les classifier et de les ordonner de façon cohérente. Ces informations qui ont une signification particulière pour chacun permettent à un regroupement de formes et de sens de se détacher de l’ensemble, du fond (principe de distinction fond-forme). En recoupant différentes informations issues de notre système perceptif, le cerveau peut regrouper des éléments épars (principe du regroupement) selon des lois de similarité, de proximité et de continuité. Par extension, un enseignant, devant un ensemble d’éléments potentiels du scénario, chaque élément étant pluriel (des activités, des ressources, des outils, etc.) peut en situation de conception structurer le scénario, par ce même processus de distinction et de regroupement, en fonction de ses intentions et du sens qu’il attribue à ce regroupement.

Nous proposons de définir plus avant ces processus de distinction et de regroupement dans le contexte de la conception du scénario. En fonction de ses intentions et du contexte, l’enseignant peut opérer des agrégations d’activités qui ont un sens du point de vue pédagogique et didactique. Chaque agrégation peut avoir une granularité plus ou moins forte.

Dans notre approche, cette dernière n’existe que par la perception et l’intention d’un individu donné. Mais sous cette forme, dans cette gestalt, elle peut être perçue, comprise, partagée par et avec un autre individu et réutilisée. Elle est porteuse d’un sens intimement associé à un contexte et à des intentions individuelles. Cependant, dans un processus de conception pédagogique, il est nécessaire que ce sens soit explicité afin d’être plus facilement appréhendé par un autre que soi et transférable.

5.3. Pourquoi filer la métaphore ?

Nous proposons d’utiliser cette métaphore astronomique comme point de départ pour exprimer les différentes granularités du scénario. Une métaphore peut se définir comme un "procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens par substitution analogique" (Britannica, 2007). L’intérêt de recourir à une métaphore est d’amorcer le passage d’une recherche exploratoire et descriptive à une approche plus conceptuelle qui permet d’envisager une modélisation plus fine des processus à l’œuvre. De plus, la métaphore permet d’introduire de la cohérence là où il existe la différence et la pluralité. On a vu combien la notion de scénario était porteuse de différentes visions. Pour Ricœur (Ricœur, 1975), "métaphoriser, c’est voir comme, c’est voir le semblable" malgré la différence. C’est aussi aller au-delà du linguistique, vers le conceptuel et une forme d’abstraction.

Si nous repartons des différents niveaux de granularité du scénario et que nous leur attribuons, via cette métaphore une identité, nous pouvons décliner les différents grains du scénario de la façon suivante :

- Une activité élémentaire d’apprentissage est une "Etoile d’action" ;

- Un regroupement de plus d’une activité élémentaire d’apprentissage est une "Pléiade" ;

- Plusieurs regroupements de plus d’une activité élémentaire d’apprentissage sont une "Constellation".

5.4. Concept central du formalisme des Pléiades 

La méthode des Pléiades s’appuie sur le concept d’entité signifiante d’apprentissage. Une entité se définit comme "comme une chose réelle mais représentable uniquement"(TLF, 2007) par une image, un concept.

Il s’agit de prendre, comme unité de base, l’unité de sens d’un ensemble d’activités. Une activité pouvant, à elle seule, être considérée comme une entité qui a un sens en terme de visée pédagogique. Cet ensemble d’activités constitue une entité qui fait sens dans la situation d’apprentissage. Cette entité signifiante peut être conceptuellement identifiée comme un ensemble de taille variable, "une pléiade", "une constellation", "une étoile", possédant une identité et des frontières au sein d’une situation d’apprentissage plus vaste. Ces entités entretiennent entre elles des liens de précédence, de hiérarchie, etc. A chaque entité est associé un ensemble de propriétés auxquelles il est possible d'attribuer des valeurs.

5.5. Caractéristiques du formalisme des Pléiades

5.5.1. Propriétés des différentes entités

Nous avons défini pour les entités "étoile", "pléiade", "constellation", un ensemble de 13 propriétés précisées ci-dessous.

La granularité : la méthode des Pléiades permet de définir des scénarios de grains différents : un scénario de type "étoile" correspond à une activité élémentaire d’apprentissage ; un scénario de type "Pléiade" est un regroupement de plus d’une activité d’apprentissage ; un scénario de type "constellation" contient à la fois une ou des activités élémentaires et un ou des regroupements d’activités de type "Pléiade".

Famille de regroupement (nom) : le regroupement d'activités peut s’effectuer selon leurs buts, leur thème ou leur appartenance à une phase d’intervention pédagogique. En ce sens, il est signifiant au regard de l’ensemble des autres regroupements reliés. Cette propriété permet de donner un sens et une identité à un ensemble d’activités. Si le regroupement correspond à une phase pédagogique, on peut par exemple étiqueter la pléiade d’activités avec le concept associé à cette phase : "évaluation", "réinvestissement" ou "mise en situation" par exemple. S’il prend son sens dans le fait que l’ensemble des activités sont tournées vers le même but, on peut nommer la pléiade d’activités de la façon suivante : "recherche", "analyse", "production" ou "diffusion" par exemple.

Statut : un regroupement d’activités peut être optionnel ou obligatoire au regard du scénario, du public, etc.

Stratégie d’apprentissage : les stratégies d’apprentissage seront précisées selon la taxonomie de Lasnier (Lasnier, 2000) qui distingue les stratégies cognitives (activation, acquisition, élaboration, organisation des connaissances, intégration, transfert), les stratégies affectives (réception, motivation, gestion du stress, coopération, résolution de conflit), les stratégies de gestion (temps, ressources matérielles, ressources humaines, environnement), les stratégies métacognitives (planification, contrôle, régulation et évaluation).

Stratégie d’enseignement : les stratégies d’enseignement seront également précisées selon la taxonomie de Lasnier (Lasnier, 2000) qui distingue les stratégies magistrales (exposé, démonstration pratique), les stratégies de travail individuel (pratique autonome, session de travail individuel, apprentissage par problème), les stratégies interactives (groupe de discussion, jeu de rôle, modelage, pratique guidée, apprentissage pas à pas), les stratégies socioconstructivistes (enseignement par les pairs, tutorat, travail en équipe, apprentissage collaboratif, apprentissage par projets, étude de cas).

Temps : il s’agit du temps prévu par l’enseignant pour la réalisation du regroupement d’activités.

Densité : la densité d'une entité est le nombre d'étoiles qui la composent. Les valeurs peuvent aller de 1 à n activités.

Constituants : cette propriété permet de définir pour chaque entité l’intitulé des activités la constituant.

Orchestration : l’orchestration intervient entre les entités et à l’intérieur des entités notamment lorsqu’elles correspondent à une pléiade ou à une constellation. Les activités constituant l’entité peuvent être réalisées dans un ordre particulier ou sans ordre ou encore de façon mixte (par exemple, une activité est imposée au début puis le cheminement devient libre). Cette propriété permet d’instaurer des liens entre les constituants.

Conditions de démarrage et de clôture : L’ouverture ou la clôture de l’entité peut être le fait de l’enseignant, de l’élève ou d’une contrainte temporelle.

Distribution : une entité peut être attribuée à une seule personne, (l’élève, l’enseignant, l’expert, etc.), soit distribuée entre plusieurs personnes ; il est nécessaire de préciser les rôles au sein de cette interaction.

Eléments de connaissances : il s’agit des connaissances en jeu dans le regroupement d’activités.

Eléments supports : il s’agit des ressources (proposées et produites) et des outils au service du regroupement d’activités.

Les différentes propriétés présentées ont des portées différentes. Une partie d’entre elles a une portée plutôt descriptive et une autre une portée plutôt d’organisation autour de la propriété "constituants". Nous récapitulons ces deux types de propriétés dans le tableau suivant (tableau 2).

Propriétés descriptives

Propriétés organisatrices

Granularité (étoile, pléiade, constellation),

Famille de regroupement (mise en situation, évaluation, etc.),

Stratégie d’enseignement (magistrale, socioconstructiviste, etc.),

Stratégie d’apprentissage (élaboration de connaissance, organisation, gestion du travail d’équipe),

Statut (obligatoire, optionnel),

Densité (nombre d’activités),

Eléments de connaissances (en jeu dans l’activité)

Constituants (activités),

Orchestration (ordre des activités), Distribution (répartition des rôles sur les activités),

Condition de démarrage et de clôture (qui et à quel moment de l’activité),

Eléments de supports (ressources/outils utilisés ou produits pendant les activités)

Tableau 2. Tableau récapitulatif des différents types de propriétés du formalisme des Pléiades

L’ensemble des caractéristiques de la méthode permet de définir un formalisme d’expression des scénarios pédagogiques.

5.5.2. Un exemple de patron « débat » formalisé avec la méthode des pléiades

Dans le formalisme des Pléiades, les valeurs attribuées aux propriétés par un enseignant au moment de la conception restent modifiables en fonction d’un ensemble de variables de la situation d’apprentissage. Par exemple, un collègue qui souhaiterait, dans un autre contexte, réutiliser un scénario formalisé avec la méthode des Pléiades n’aurait qu’à changer les valeurs des propriétés.

Cependant, les valeurs des propriétés peuvent être contraignantes dans le sens où le regroupement d’activités ou l’activité elle-même ont été identifiés ou sont considérés comme valeur expressive d’une approche pédagogique (étude de cas, résolution de problème, etc.) ou d’une situation d’apprentissage spécifique (travail en équipe, analyse de documents, etc.). C’est en ce sens que ce formalisme nous permet de proposer des patrons de scénario qu’on réutilise et que l’on peut modifier, dans une certaine mesure (le contenu, l’intitulé des activités, l’ordre) en fonction du contexte d’apprentissage (discipline, spécificité du public, modalités d’apprentissage-distance, présence, hybride, etc.).

Afin d’illustrer cette méthode, nous proposons de formaliser un scénario de type débat. Nous reprenons les travaux de (Baker et al., 2002) sur le débat argumentatif pour dégager la spécificité de cette approche pédagogique. Pour ces auteurs, il est nécessaire de rassembler des conditions favorables à l’émergence d’un débat : une tâche propice, préparation des participants, choix de bons partenaires, une description claire du terrain de discussion. Nous présentons un exemple de formalisation d’un scénario débat extrait d’une banque de scénarios (Banque de scenarios, 2007) et qui porte sur la question « pour ou contre le nucléaire ». Pour une plus grande lisibilité, nous exprimons la formalisation du scénario sous forme de tableau (tableau 3). Le scénario représenté est de grain "constellation", puisqu’il regroupe les différentes pléiades d’activités : "comprendre le fonctionnement d’un débat", "rechercher des informations sur le nucléaire", "formation des groupes de travail", "formation intra-groupes", "formation inter-groupe", "écriture individuelle d’un texte de synthèse".

Propriétés

Scénario débat sur le nucléaire inter-groupe

Granularité

Constellation

Famille de regroupement

Débat

Stratégie d’apprentissage

Activation et élaboration de connaissance, travail collaboratif et gestion de conflit, régulation

Stratégie d’enseignement

Stratégie socio-constructiviste

Statut

Obligatoire

Densité

6

Constituants (de type pléiade à ce niveau)

1. Comprendre le fonctionnement d’un débat (s’entraîner)
2. Rechercher des informations sur le nucléaire (préparer)
3. Formation des groupes de travail
4. Discussion intra groupe
5. Discussion inter groupe
6. Ecriture individuelle d’un texte de synthèse

Temps

6h

Orchestration

{1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6}

Condition de clôture

Choix de l’enseignant

Distribution

Enseignant-élève sur regroupement {1} ; Enseignant sur {3} ; élèves-élèves {4 ; 5 ; 6}

Eléments de connaissances

Energie nucléaire

Eléments supports

Ressources utilisées :
Elèves (site sur le nucléaire, visionner une émission de RC)
Ressources produites :
Elèves (synthèse)
Services : ENT, Chat, Editeur de texte partageable

Tableau 3. Formalisation du scénario « débat » sur le nucléaire avec la méthode des Pléiades

Nous pourrions formaliser de la même façon la pléiade "rechercher des informations sur le nucléaire" en définissant les activités associées et leur orchestration mais aussi la façon dont elles sont distribuées entre les différents groupes. Puis, chacune des activités définies pourrait être à son tour ainsi formalisée.

5.5.3. Apport du formalisme des Pléiades à la transférabilité des scénarios

L’élaboration du formalisme des Pléiades vise à répondre aux différents critères dégagés à l’issue du premier travail de formalisation : facilité, structuration, activité d’apprentissage au cœur du scénario et ses interactions avec les autres composants (acteurs, ressources, outils) tout en permettant l’intégration des intentions pédagogiques et didactiques par la possibilité d’attribuer aux propriétés les valeurs spécifiques à l’approche pédagogique choisie par l’enseignant ou en fonction des connaissances à acquérir : il réutilise tel quel le scénario formalisé, il réutilise des regroupements signifiants de ce scénario (par exemple des pléiades d’activités), dont il peut modifier les valeurs des propriétés selon son contexte et ses intentions. Enfin, le concept d’entité signifiante, qui sous-tend cette méthode, propose un type de structuration qui vise à mettre en évidence l’organisation pédagogique d’un scénario d’un point de vue structurel et non plus uniquement chronologique ou séquentiel. Le scénario formalisé et intégrant les intentions pédagogiques peut alors être aussi plus facilement réutilisable et nous apportons ainsi un élément à la première partie de notre hypothèse générale. Un enseignant peut réutiliser un scénario entier ou des morceaux d’un scénario (par exemple, il peut réutiliser uniquement une pléiade "débat" ou "formation des équipes" ; il peut également réutiliser une seule activité ou deux activités du scénario).

Contrairement aux premiers formalismes proposés dans l’étude exploratoire, le formalisme des Pléiades est conceptuellement indépendant de toute représentation et peut servir à exprimer des scénarios sous format graphique, narratif ou tableau, etc. Le tableau donne le schéma général de la méthode des Pléiades. Les relations verticales sont des relations d'héritage, elles doivent se comprendre "est un" : une constellation est un scénario, une pléiade est un scénario, une activité est un scénario. Un scénario possède des propriétés de description et des propriétés d’organisation, et par héritage, une constellation possède une description et une organisation, de même pour une pléiade et pour une étoile. Une constellation est composée de pléiades, une pléiade est composée d'étoiles.


Figure 2. Schéma général de la méthode des Pléiades

5.5.4. Apport du formalisme des Pléiades à l’instrumentation et à l’opérationnalisation des scénarios

La méthode des Pléiades permet aussi d’exprimer des scénarios pédagogiques instrumentés par les TICE dans la mesure où, par le biais de propriétés, elle donne la possibilité de définir la plupart des éléments et des interactions qui constituent le scénario afin de le rendre exécutable sur une plate-forme cible. En effet, la méthode des Pléiades possède des propriétés descriptives facilitant son indexation, mais surtout des propriétés organisatrices qui permettent de dégager la structure du scénario et de décrire son déroulement. Dans un contexte d’instrumentation, le scénario ainsi formalisé pourra être opérationnalisé sur un ENT (Environnement Numérique de Travail).

Dans cette perspective, il est nécessaire pour rendre le scénario opérationnel qu’il puisse être compris formellement par des systèmes informatiques, et cela de manière partiellement ou complètement automatique. Le formalisme et la méthode des Pléiades ont l’ambition de se situer au niveau du CIM (Computer Independant Model) de la chaîne de transformation des modèles dans la mesure où ils s’adressent à des praticiens de la formation. En ce sens, il doit être possible d’établir des règles de transposition partiellement automatisée du CIM "Pléiades" vers des langages au niveau du PIM (Platform Independant Model) (IMS-LD, LDL) ou d’opérationnaliser directement le formalisme dans un environnement informatique, ce que nous avons fait pour pouvoir l’expérimenter avec les usagers potentiels (enseignants et concepteurs pédagogiques)

5.6. Evaluation du formalisme des Pléiades

5.6.1. Méthodologie

L’objectif est d’évaluer l’utilité et l’acceptabilité de la méthode des Pléiades dans un contexte de réutilisation d’un scénario existant et formalisé avec la méthode. Nous avons voulu évaluer la capacité de cette méthode à favoriser le transfert d’un scénario existant en permettant le double processus d’appropriation et d’adaptation d’un scénario existant à un contexte spécifique.

5.6.1.1. Outillage de la proposition : opérationnalisation du formalisme dans ExploraGraph

Dans le cadre de cette évaluation, nous précisons que le formalisme et les modèles ont été implantés dans l’environnement de scénarisation ExploraGraph (Dufresne, 2001). Cette implantation constitue une première tentative d’opérationnalisation et une démarche nécessaire pour que le formalisme prenne corps et se matérialise de façon concrète dans une représentation.

Nous avons choisi cet environnement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le premier intérêt de cet environnement est d’offrir à la fois un mode auteur et un mode navigateur. Le mode auteur nous permet de représenter un patron scénario formalisé avec la méthode des Pléiades sous la forme d’un graphique. Ce patron peut être manipulé en mode édition par l’enseignant dans le cadre d’une réutilisation. Le mode navigateur permet à un utilisateur final (enseignant ou apprenant) d’explorer le scénario formalisé à partir de la même représentation graphique. Le scénario peut alors être opérationnalisé.

Il a alors fallu définir des règles liant le formalisme des Pléiades et le formalisme graphique d’ExploraGraph. Dans l’environnement, il a fallu définir de quelle manière chaque propriété du formalisme pouvait être exprimée : granularité, famille de regroupement, stratégie d’enseignement et d’apprentissage, statut, densité, constituants, temps, orchestration, distribution, éléments de connaissances et éléments supports.

Pour cela, nous avons répertorié les éléments de l’interface ExploraGraph et nous avons défini les règles établissant les correspondances entre les propriétés et les choix de représentation. Ainsi, pour la propriété « orchestration », l’ordre entre les activités d’un regroupement ou entre des regroupements d’activités peut être indiqué par un lien de précédence de couleur bleu (sur un axe horizontal) et un lien de hiérarchie appelé « lien de composition » de couleur jaune (sur un axe vertical). L’ensemble des règles d’intégration du formalisme de Pléiades est détaillé au chapitre 9 et les annexes associées dans (Villiot-Leclercq, 2007). Certaines limites à l’intégration ont été mises en évidence, notamment sur trois aspects : l’expression de l’ensemble des rôles intervenant dans les scénarios, notamment dans le cas de collaboration, l’association de l’ensemble des ressources et outils aux différentes activités, le choix restreint de type de nœuds.

Cependant, le modèle de représentation sous-jacent à ExploraGraph est suffisamment riche pour nous avoir permis d’exprimer de manière plus ou moins explicite dans une interface et de manière graphique les scénarios exprimés via le formalisme des Pléiades, le rendant ainsi manipulable.

5.6.1.2. Public

L’évaluation a été réalisée auprès de huit usagers : quatre enseignants participant à la deuxième année du projet CAUSA et quatre concepteurs pédagogiques de l’entreprise Symetrix. Il s’agit d’usagers-experts qui intègrent et utilisent les TICE dans leurs pratiques quotidiennes et sont sensibilisés à la définition de ce qu’est un scénario pédagogique. L’intérêt d’utiliser des usagers-experts est qu’ils sont à la fois en mesure de poser un regard critique sur la proposition de formalisme et le prototype de soutien, mais aussi d’identifier les différents contextes et les conditions dans lesquels ces derniers peuvent être utiles et acceptables.

5.6.1.3. Modalités de collecte

L’usager remplit un premier questionnaire qui vise à recueillir ses connaissances sur différents types d’approches pédagogiques, sur sa façon de formaliser son scénario et sur son profil. Une première tâche consiste, dans le navigateur d’ExploraGraph, à s’approprier le patron de scénario "étude de cas" instancié et formalisé avec la méthode des Pléiades. Un second questionnaire est posé à l’issue de cette tâche, et il vise principalement à définir si l’usager a pu s’approprier le patron "étude de cas" et à quelles conditions. Une seconde tâche consiste à adapter, dans l’éditeur, le patron de scénario "étude de cas".

A l’issue de cette tâche, un troisième questionnaire est posé et il vise d’une part, à définir si l’usager a pu adapter le scénario et à quelles conditions, et si la méthode des Pléiades et le formalisme associé sont acceptables d’un point de vue sémantique et dans quelle mesure ils peuvent être utiles à une tâche de réutilisation. L’analyse des données se fait à partir des éléments d’observation relevés lors de la tâche d’adaptation, des réactions enregistrées lors des phases de manipulation, et à partir des réponses aux questionnaires (à chaque question correspond un critère). Les résultats sont détaillés dans (Villiot-Leclercq, 2007), et nous ne présentons dans ce présent article que les résultats saillants.

5.6.2. Résultats sur l’apport du formalisme à l’appropriation du scénario et sur son expressivité

Pour cette tâche, le formalisme des Pléiades a permis aux usagers d’avoir une vision claire du patron de scénario au point que les usagers qui ne l’avaient jamais mis en œuvre se déclarent capables de le concevoir et de l’utiliser avec des élèves. Il a également permis aux usagers de se trouver en situation familière lorsque ces derniers entraient dans l’exploration de l’organisation du scénario. En effet, cette dernière est "proche de l’organisation d’un module de formation" et permet tout de suite d’appréhender le patron et "les grandes lignes".

Concernant l’exemple de scénario formalisé avec la méthode des Pléiades, il a été cité à de nombreuses reprises en liaison avec l’organisation du scénario qu’il semble venir renforcer en donnant une profondeur aux intitulés de la structure. L’exemple illustre concrètement les différentes entités du formalisme des Pléiades et leur donne un surplus de sens. Il apparaît comme une aide à la compréhension du formalisme dont il vient renforcer l’utilité.

5.6.3. Résultats sur l’apport du formalisme à la réutilisation et à la transférabilité du scénario « étude de cas »

Dans l’environnement, l’usager avait à sa disposition un ensemble d’éléments de soutien pour l’aider dans sa tâche d’adaptation (suggestions, etc.). Or, l’apport du formalisme semble plus fort que l’apport des différents artefacts de soutien : l’organisation du scénario en regroupement d’activités a été mise en première position par six usagers sur huit.

Cet apport important est également mis en avant au travers des commentaires aux réponses au troisième questionnaire. L’ensemble des usagers a le sentiment d’avoir réussi à réutiliser le patron de scénario proposé et à le transférer dans leur contexte de conception et d’apprentissage. Les arguments avancés portent sur l’organisation du scénario ("scénario bien formalisé", "logique de regroupement", "architecture"), sa proximité avec des habitudes de conception qui le rend ainsi familier ( "adapté à ma façon de concevoir un scénario"), et sa flexibilité dans la mesure où cette structuration permet "d’ajouter ou de supprimer des choses sans remettre en cause l’ensemble du scénario".

L’ensemble des usagers considère que le scénario qu’ils ont produit est partageable, réutilisable au sein d’une communauté de pratique et par eux-mêmes dans un autre contexte. Les commentaires mettent l’accent sur la capacité du formalisme des Pléiades à organiser le scénario de façon claire et à le rendre familier d’un point de vue sémantique, pédagogique et structurel : "scénario structuré", "tous les éléments importants pour la transmission ou le partage me semblent être réunis", "vocabulaire simple mais partagé", "correspond à peu près à un découpage séquences/activités que l'on a l'habitude d'utiliser", "on a les grandes lignes, les grandes étapes", "méta-modèle", "il fait appel à une structure type pour ce genre de scénario qui est facilement adaptable, le scénario utilise une structure générale qui peut servir de modèle", "la méthode pédagogique est très employée en éco-gestion, donc familière", "la présentation hiérarchisée, regroupée, séquencée facilite le travail de même que les liens hypertexte», «structuration en regroupement d'activités".

Les résultats de l’observation de la tâche d’adaptation mettent en avant les différents degrés de réutilisation et de transférabilité. Certains usagers ont peu modifié en indiquant que ce qui était décrit leur convenait, tandis que deux autres usagers ont fait des modifications conséquentes, un dernier usager a effectué près de vingt-cinq modifications (suppression des activités, notamment dans la pléiade "analyse du cas", changement de l’ordre des activités). L’intérêt de ces résultats est surtout qu’ils permettent de cerner l’objet de la réutilisation et du transfert via les choix d’adaptation effectués. Nos observations portaient sur trois axes : l’activité d’apprentissage (constituant), l’ordre (orchestration), et la pléiade (entité exprimée par sa granularité). Nous avons considéré que l’adaptation du contenu était systématique dans la mesure où les usagers apportaient avec eux un contenu spécifique au scénario qu’ils voulaient mettre en place, nous ne nous étendrons donc pas sur cet aspect. La majorité des adaptations a porté sur les activités (ajout, suppression, modification des intitulés) et très peu sur les Pléiades, c’est-à-dire l’entité elle-même regroupant des activités (2 ajouts, 1 suppression, 3 modifications de la valeur de l'étiquette "famille").

Cette adaptation très forte sur les activités, la partie "constituants" dans nos propriétés révèle la nécessité qu’a l’enseignant ou le concepteur de nommer avec son langage les activités d’apprentissage dans des termes qui lui sont familiers, de les ordonner selon ses propres schémas cognitifs, de donner au scénario une tonalité pédagogique familière via des activités d’apprentissage dont il a l’habitude et qu’il a déjà expérimentées. Cette adaptation du scénario à un contexte d’apprentissage et à des intentions pédagogiques spécifiques affecte effectivement les valeurs de la propriété pivot d’une entité, la propriété constituant, mais en revanche, elle n’affecte pas la structuration du scénario en entité signifiante. L’organisation par entité signifiante a en effet été maintenue par l’ensemble des usagers, conférant une certaine unité structurelle à l’ensemble des scénarios produits à l’issue de l’évaluation et leur permettant d’être qualifiés de "réutilisables". Pourtant, chaque usager a le sentiment d’avoir produit un scénario spécifique à son contexte et à ses intentions.

Ces résultats viennent renforcer les premières pistes dégagées lors de l’évaluation des deux premiers formalismes proposés sur la nécessaire capacité d’un formalisme à donner une vision claire de l’organisation et des interactions entre les différents éléments du scénario. Le formalisme des Pléiades permet de donner une première réponse aux attentes exprimées par ce premier groupe d’enseignants partenaires.

5.6.4. Le formalisme des Pléiades, vers la création d’une zone de familiarité entre généricité du langage et spécificité des intentions : un enjeu sémantique

Ces derniers résultats montrent également que la dimension formelle, abstraite de la description n’est pas celle que veulent et peuvent manipuler les praticiens, et que la puissance d’un formalisme vient de sa capacité à s’adapter à la spécificité de chaque enseignant ou concepteur (ses choix terminologiques, ses choix pédagogiques, etc.) tout en préservant une certaine unité et homogénéité, voire généricité. La tension entre spécificité et généricité naît, nous semble-t-il, d’un manque de familiarité de l’usager à la fois avec ce qui est présenté comme le formalisme de description à utiliser et avec le résultat de la formalisation. Or, les résultats de l’évaluation du formalisme des Pléiades font apparaître très nettement que cette zone de familiarité peut exister, notamment lorsque l’enseignant ou le concepteur parvient à attribuer des valeurs spécifiques à son contexte à des propriétés qui sont génériques. Cette zone de familiarité se dessine lorsque l’enseignant ou le concepteur s’approprie facilement un patron de scénario formalisé avec les Pléiades et parvient à l’adapter à son contexte, lorsqu’il arrive à projeter le scénario adapté dans une boucle de réutilisations possibles, soit par lui, soit par d’autres collègues.

La terminologie des propriétés du formalisme reste relativement générique afin de permettre à la description de maintenir sa dimension formelle, gage d’une instrumentation possible des scénarios. En revanche, les valeurs attribuées à ces propriétés sont exprimées par l’enseignant ou le concepteur avec leurs mots, leur langage, ou à partir de propositions issues des travaux dans le domaine de l’apprentissage qui leur sont tout de même familières (notamment pour les stratégies).

Les résultats à la question sur les propriétés nous montrent effectivement que certains termes choisis peuvent être difficilement compréhensibles et nécessitent sûrement d’être revus et enrichis par les différentes propositions des usagers : "densité", "famille de regroupement", "constituant", "orchestration", "statut", "éléments contextuels". En revanche, ces termes posent un peu moins de problème lorsqu’ils sont illustrés par une valeur correspondante. La majorité des usagers déclare qu’ils n’auraient eu aucune difficulté à modifier pour leur contexte les valeurs proposées dans le tableau. Cette déclaration reste à valider, lors d’une prochaine évaluation, par une véritable mise en situation qui viserait à demander aux usagers, en situation de conception comme de réutilisation, de donner ou de modifier les instances des propriétés. Il est vrai que ces concepts peuvent être ambigus et mériteraient d’être simplifiés. Nous sommes conscients que l’expression des propriétés, bien que formelle doit être accessible aux enseignants et aux concepteurs pédagogiques.

Dans cette perspective, nous souhaitons, en interaction avec des enseignants, poursuivre notre travail de validation et améliorer dans ce sens l’expression des propriétés afin que les choix terminologiques ne soient pas un obstacle à l’utilisation de la méthode.

6. Conclusion

Dans cet article, nous avons proposé deux formalismes de description des scénarios pédagogiques, un formalisme narratif enrichi d’une part, et un formalisme graphique enrichi d’autre part. L’évaluation de ces deux formalismes a débouché sur un ensemble de préconisations pour aller vers un formalisme à la fois familier et en adéquation avec les souhaits exprimés des enseignants et assez abstrait pour qu’il permette aux scénarios ainsi formalisés d’être aussi instrumentés par les TICE et réutilisables.

Nous avons ainsi élaboré le formalisme des Pléiades dont nous avons présenté les grandes lignes et une première évaluation. Il repose sur le principe que le scénario peut être perçu a priori et a posteriori comme un ensemble d’entités qui ont une forme et un sens, ensemble ou indépendamment, pour chacun d’entre nous, selon notre perception personnelle et selon nos intentions respectives. Ces entités sont constituées d’une activité ou d’un regroupement d’activités d’apprentissage qui font sens les unes par rapport aux autres. Ce formalisme vise à répondre à la contrainte d’explicitation de ce que le concepteur veut faire tout en demeurant relativement proche des habitudes des enseignants, ce qui peut être difficilement réalisable dès que l'on s'approche d'expressions formelles. En ce sens, ce formalisme est un intermédiaire entre un mode d’expression de type narratif, proche de celui des enseignants et un mode d’expression « machine ». En effet, le formalisme des Pléiades vise à maintenir la création d’énoncés et leur mise en interaction, préservant ainsi l’expression du sens, à l’inverse d’un mode d’expression de type langage de modélisation où le sens, pour l’enseignant, est découpé et dispersé parmi une multitude d’énoncés déconnectés les uns des autres.

L’évaluation du formalisme des Pléiades constitue une première évaluation et vise à montrer à la fois l’expressivité du formalisme des Pléiades et sa capacité à favoriser la transférabilité et la réutilisation des scénarios dans des contextes de conception et d’apprentissage différents. Ces premiers résultats devront évidemment être consolidés par d’autres expérimentations avec un public plus élargi, au sein de situations d’apprentissage collaboratives (David et al., 2008) ce qui permettra de renforcer le formalisme et de confirmer la zone de familiarité à la fois cognitive et sémantique qui s’est dessinée à l’issue de cette première évaluation. Un autre travail en cours est d’évaluer la capacité effective du formalisme à exprimer des scénarios qui pourront par la suite être opérationnalisés via des langages de modélisation pédagogique comme LDL et IMS-LD.

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A propos des auteurs

Emmanuelle VILLIOT-LECLERCQ est Docteur en Information, Cognition et Apprentissage de l’Université Joseph Fourier de Grenoble et Ph.D. en Didactique de l’Université de Montréal. Après avoir exercé des charges d’enseignante en lettres dans le secondaire, de formatrice TICE à l’IUFM de Grenoble et d’assistante de recherche au LICEF et à HEC Montréal, elle travaille actuellement comme consultante e-learning R&D dans la société Symetrix, et elle est à ce titre détachée partiellement comme Ingénieur de Recherche dans l’équipe METAH du laboratoire LIG de l’Université Joseph Fourier sur la problématique de la scénarisation pédagogique. Ses intérêts de recherche couvrent le domaine des EIAH (Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain) et du soutien à la conception de scénarios pédagogiques.

Adresse : LIG, Bureau 211, Bât. C ,110 av. de la chimie – Université Joseph Fourier, BP 53 - 38041 Grenoble

Courriel : emmanuelle.villiot-leclercq@imag.fr

 

 
Référence de l'article :
Emmanuelle VILLIOT-LECLERCQ, La méthode des Pléiades : un formalisme pour favoriser la transférabilité et l’instrumentation des scénarios pédagogiques, Revue STICEF, Volume 14, 2007, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 19/02/2008, http://sticef.org
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Mise à jour du 22/02/08