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La méthode des Pléiades :
un formalisme
pour favoriser la transférabilité et l’instrumentation des
scénarios pédagogiques
Emmanuelle
VILLIOT-LECLERCQ LIG,
Université Joseph
Fourier
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RÉSUMÉ : Cet
article se situe dans le contexte de la recherche en EIAH
(Environnements
Informatisés pour l’Apprentissage Humain), et il porte plus
particulièrement sur la dimension de la scénarisation
pédagogique instrumentée. Il vise à explorer et à
proposer des formalismes d’expression des scénarios
pédagogiques qui permettraient à un scénario
d’être facilement réutilisable par un enseignant et un
concepteur pédagogique. Notre méthodologie de recherche est
fondée sur une double approche : une approche par
modélisation et une approche centrée usager. Elle vise
l’élaboration de modèles théoriques en interaction
avec les praticiens de la formation et intègre des évaluations aux
diverses étapes de la modélisation. Nous présentons dans
cet article deux recherches complémentaires : une recherche
exploratoire sur les différents formalismes possibles pour
l’expression des scénarios qui nous a conduite à la
construction d’un formalisme, le formalisme des Pléiades. Cette
méthode de formalisation des scénarios vise à permettre
l’explicitation des intentions des enseignants et à favoriser la
transférabilité des scénarios.
MOTS
CLÉS : Scénario
pédagogique, conception pédagogique, scénarisation,
formalisation, méthode des Pléiades, réutilisation,
transférabilité, instrumentation. |
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ABSTRACT : Our
work is situated in the context of TEL (Technology Enhanced Learning)
research.
It concerns more particularly the instrumented educational design and
scenarisation field. In this context, our research problem was the
expression
modalities of learning scenarios which would allow a scenario to be
easily
reusable by teachers and educational designers. Our research
methodology is
based on a double approach: a modelling approach and a user centered
approach.
It aims at the elaboration of theoretical models in interaction with
the
educational practitioners and it integrates evaluations at the
different
modelling stages. We present in this article two additional researches:
an
exploratory research on formalisms for the expression of the scenarios
which led
to us to the construction of a method, the method of Pleiads, which
allows the
explicitation of the teachers’ intentions and facilitates the learning
scenario transferability.
KEYWORDS : Learning
scenario, educational design, educational scenarisation, formalisation,
method
of pleiads, reusability, transferability, instrumentation.
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1.
Introduction
L’objet de la recherche
porte sur les pratiques de conception des scénarios pédagogiques
dans le contexte d’utilisation des TICE. Pour Charlier (Charlier, 2000),
l’évolution des pratiques de conception d’un enseignant dans
un contexte d’utilisation des TICE "peut concerner ses routines, ses
décisions de planification ou ses connaissances, de même que les
actions mises en œuvre, les interactions avec les pairs et la
réflexion exercée sur l'action".
Nous nous intéressons plus particulièrement aux
changements
induits lors de la phase de planification et nous constatons que, dans
ce
processus de préparation de la situation d’apprentissage,
l’enseignant est amené à définir plus
précisément les activités, les acteurs, les ressources
produites et utilisées ainsi que les interactions qu’ils
entretiennent entre eux.
La tâche de conception sort de la sphère individuelle
dans la
mesure où on en partage le résultat, notamment au sein de
communautés de pratiques et de sites thématiques ou
disciplinaires.
Ce partage de pratiques donne lieu à la mise en commun
dans des
banques de descriptions de déroulement d’activités, ou de
ressources ainsi que d’un ensemble d’informations de type
métadonnées. Ces descriptions sont nommées
"scénarios" ou "séquences", ou lesson plans en
anglais (Leleu-Merviel
et al, 2002). Ces
scénarios sont sous forme écrite, soit narrative, soit
structurée via des fiches descriptives et intègrent les TICE comme
supports ou ressources.
Or, des travaux ont montré qu’il existait un problème de
réutilisation de ces scénarios au sein de ces communautés (Roberston, 2006).
Si le partage est désormais évident, la réutilisation ne
l’est pas. La réutilisation d’un scénario
pédagogique peut partir d’un besoin (gain de temps, apport
d'idées nouvelles, découvertes de nouvelles approches
pédagogiques, enseignant en formation, etc.). Mais pour certains
auteurs,
il faut également que les conditions favorables soient réunies.
Cromier et Herandez (Cromier et
Herandez, 2006) ont montré que la réutilisation des objets pédagogiques
nécessitait la convergence de quatre conditions, que nous pouvons par
extension appliquer aux scénarios : il faut qu’ils existent, il
faut être ouvert à les réutiliser, il faut qu’ils
soient réutilisables et il faut être capable de les
réutiliser. Une autre condition que nous pourrions ajouter :
il faut
aussi que l’on puisse trouver les scénarios qui nous
intéressent, ce qui pose le problème de l’indexation.
De fait, dans un contexte de conception pédagogique, la
question de la
réutilisation des scénarios pédagogiques pose la double
question de l’essaimage et la transférabilité des
savoir-faire pédagogiques au sein de communautés de pratique et de
la formalisation des scénarios pédagogiques en vue de leur
opérationnalisation dans un contexte de situations d’apprentissage
instrumentées par les TICE. Notre contribution ne traite pas
directement
de la question de l’opérationnalisation mais de celle plus amont de
la formalisation des scénarios pédagogiques. Le problème du
formalisme est abordé dans son sens large de formalisme de description
et
d’expression des scénarios dont l’objectif est à terme
d’en faciliter l’opérationnalisation.
Dans cet article, nous faisons le point sur les modes
d’expression des
scénarios pédagogiques dans le champ de praticiens de
l’éducation, et des problèmes qui se posent en termes de
transférabilité et d’instrumentation de ces
scénarios. Nous abordons ensuite ces questions sous l’angle de la
formalisation en faisant un panorama des approches de formalisation
pédagogique existantes. Nous présentons à l’issue de
cette étude un travail de recherche et développement pour
dégager des premières pistes pour définir plus
précisément une méthode de conception associée
à un formalisme d’expression des scénarios, la
méthode des Pléiades, afin de soutenir leur
transférabilité et leur instrumentation.
2. Concept
et description des scénarios pédagogiques dans le
champ des praticiens
2.1. Définition du scénario dans le champ de praticiens
de
l’éducation
Le terme "scénario" est couramment
utilisé dans les domaines artistiques, notamment
cinématographique, mais aussi dans les domaines de la gestion, de
l’informatique, des télécommunications et de
l’ergonomie (scénario de navigation, d’interaction). Son
utilisation est plus récente dans le domaine de l’éducation
où le terme est complété par l’adjectif
pédagogique, ou le complément de nom d’apprentissage. Le
concept de scénario pédagogique complète ou remplace
d’autres termes plus couramment utilisés par les enseignants :
"cours", "séquence", "situation d’apprentissage".
Dans le cadre d’une étude menée par l’INRP sur les
pratiques de scénarisation, les termes de séquence
pédagogique et de scénario pédagogique sont les plus
cités pour l’ensemble des personnes interrogées (Villiot-Leclercq
et Pernin, 2006).
Le terme de séquence pédagogique semble fortement utilisé
en raison de son introduction dans la formation d'enseignants à
l’IUFM. Une question ouverte associée a permis de relever une
abondance de termes utilisés dans des sens approchants :
"activités pédagogiques", "maquette pédagogique",
"synopsis", "déroulé pédagogique", "module
d’enseignement", "progression pédagogique", "parcours
pédagogique", "scénario d’usage", "scénario
d’encadrement", "scénario de diffusion", "séquence de
tâches", "session", "story-board", "trames conceptuelles",
"séquence d’apprentissage".
2.2. Expression des scénarios pédagogiques dans le
champ des
praticiens de l’éducation
Ils se présentent sous forme de fiches ou de
formulaires. Ils
constituent des entités relativement abstraites lorsque la description
est structurée autour de quelques rubriques-clés comme dans
les lesson plans ou si elle suit la
structure de guide de conception
de scénarios pédagogiques comme celui de (Bibeau, 2000).
Les lesson plans s’organisent autour
de grandes
rubriques qui constituent des sortes de métadonnées :
titre, auteur, sujet, niveau, objectifs d’apprentissage, matériel,
déroulement chronologique avec des suggestions pour l’enseignant,
l’évaluation et une appréciation personnelle sur les
conditions d’efficacité du scénario. Des travaux (Tsitouridou, 2006) ont recensé les termes les plus utilisés dans ces fiches et leurs
équivalents. Ils constituent une sorte de thesaurus ad hoc dans
lequel on pioche pour décrire les scénarios pédagogiques.
On retrouve les termes suivants (leurs équivalents
rencontrés
lors de l’analyse étant indiqués entre parenthèses) : but (objectif général, objectif), compétence (habileté visée, objectif spécifique, résultat
attendu ...), compétence disciplinaire (objectif
référentiel, compétence du domaine), compétence
transversale, déroulement (déroulement de
l’activité, réalisation, pendant, situation
d’enseignement/d’apprentissage), discipline (matière
visée, contenu disciplinaire), domaine (domaine
d’apprentissage, thème général), durée, évaluation (correction, bilan de séances), mise
en
situation (avant, introduction), niveau (niveau d’enseignement,
degré, niveau scolaire, public), objectivation, phase
pédagogique (approche pédagogique, démarche
d’intervention, démarche pédagogique), présentation de l’activité, réinvestissement (transfert, le mot du maître, pour aller plus loin, après,
activités connexes, enrichissement, approfondissement), ressources (ressources requises, matériel), résumé (description courte du projet, description), séance (séquence, étape).
L’avantage de ces termes est qu’ils sont familiers aux
enseignants et qu’ils permettent de décrire différents
aspects du scénario en les organisant par rubriques ou catégories
dans des formulaires ou des fiches. Il manque cependant la dimension
"rôle" que l’enseignant et l’élève peuvent
prendre dans le scénario et qui est étroitement liée
à la nature et l’objectif de l’activité
d’apprentissage. Cette dimension "rôle" a été mise en
avant dans les travaux sur les langages de modélisation
pédagogique tels qu’IMS Learning Design.
D’autre part, l’expression du scénario uniquement via
une
liste de rubriques pose un certain nombre de problèmes en termes
d’une part, de transférabilité et d’autre part,
d’instrumentation des scénarios.
2.3. Le problème de la transférabilité des
scénarios pédagogiques
Les scénarios ainsi décrits sont mis à la disposition
des autres enseignants sur des environnements partagés ou sur des sites
académiques et nationaux. Dans ce contexte, ils visent à
être partagés et réutilisés en partie. Or, il se pose
actuellement un problème de transférabilité de ces
scénarios, la capacité de ces derniers à être
réutilisés dans un contexte différent
d’apprentissage. Les différents aspects du problème ont
été bien identifiés par le travail de (Macedo-Rouet, 2007) :
- diversité dans la
description des activités contenues
dans les scénarios
- manque de précision de description du déroulement du
scénario
- lieu d’expression d’une perception personnelle du
scénario plus que de véritable volonté de mutualiser ce qui
a été fait.
- manque de formation à la rédaction de
scénarios
D’autre part, les choix pédagogiques de l’enseignant
sont
rarement explicités et l’approche pédagogique semble
périphérique par rapport aux autres rubriques, alors qu’elle
devrait être centrale et constituer le socle explicite du
scénario.
2.4. Le problème de l’instrumentation des scénarios
pédagogiques
La majorité des scénarios ainsi décrits et disponibles
sur Internet visent à mettre en œuvre des situations
instrumentées par les TICE. Cette instrumentation peut être
partielle ou plus étendue dans le but que le scénario tout entier
se déroule dans un environnement technologique de type plate-forme.
Dans ce contexte, l’enseignant ou le concepteur
pédagogique est
amené à aller au-delà de la simple description
« à plat » du scénario. Au moment de la
conception, il doit aussi indiquer les processus d’interaction qui vont
être à l’œuvre entre les différents
éléments du scénario : interaction entre les
activités, interactions entre les différents acteurs du
scénario et leurs différents rôles, interaction entre les
rôles et les activités, interaction entre les ressources et les
activités. Or, la description par rubriques propose une description
statique du déroulement et elle ne permet pas de définir la
façon dont le scénario pédagogique va s’organiser
(qui va réaliser l’activité ? quelle ressource va
être utilisée pour cette activité et par qui ? quelles
sont les conditions de clôture de l’activité ?).
Cette forme de description est insuffisante pour qu’un
enseignant
reprenne un scénario existant et définisse les paramètres
et les interactions en jeu entre les acteurs, les activités, les
ressources afin d’en permettre l’exécution sur une
plate-forme.
Une des solutions pour avancer sur les problèmes de
transférabilité et d’instrumentation des scénarios
est, en partant de l’existant, de travailler à
l’émergence d’expressions plus formelles de scénarios
offrant une certaine généricité tout en restant proches des
habitus de conception des enseignants ou des concepteurs
pédagogiques.
3. La
problématique de la formalisation des
scénarios
Formaliser se comprend comme la réduction
"d’un système de connaissances à ses caractères
formels" (TLF, 2007),
c’est-à-dire que les différents travaux que nous
présentons ci-dessous s’intéressent à la forme du
scénario et à l’élaboration des notions et des
règles associées pour définir sa formalisation. Dans le
domaine des EIAH, l’enjeu de la formalisation (David et al., 2007), (Emin et al., 2007) est d’une part, à court terme, la description et la structuration,
dans un langage partagé, de la situation d’apprentissage dans toute
sa complexité, et d’autre part, à moyen terme,
l’opérationnalisation des scénarios sur un ENT
(Environnement Numérique de Travail), c’est-à-dire
l’instrumentation du scénario par les TICE.
Il existe actuellement un ensemble de propositions de
langages et
d’approches pour formaliser un scénario pédagogique. Nous en
présentons dans le paragraphe suivant.
3.1. Les propositions de formalisation existantes
3.1.1. MISA
Paquette (Paquette, 2002) propose une méthode d’ingénierie pédagogique, MISA
(Méthode d’Ingénierie des Systèmes
d’Apprentissage) qui se présente comme une méthode de
soutien « à la conception d’un système
d’apprentissage supportant trente-cinq tâches ou processus
principaux et quelques cent cinquante tâches secondaires » (Paquette, 2002) p. 119.
La scénarisation pédagogique apparaît dans cette
méthode, sous la forme de scénario pédagogique, lors de la
réalisation du "devis pédagogique" à la phase nommée
"architecture pédagogique". Le scénario pédagogique
n’est donc pas défini isolément mais il prend sa source dans
d’autres éléments de documentation comme l’objectif de
formation, les publics cibles, les orientations pédagogiques et le
réseau des événements d’apprentissage. Il est aussi
défini en étroite relation avec le contenu des unités
d’apprentissage et les propriétés des activités qui
le composent.
La méthode MISA permet d’exprimer de façon
formalisée un scénario pédagogique (Paquette, 2002),
mais ce formalisme d’expression s’inscrit dans une démarche
d’ingénierie pédagogique assez complexe, plus
destinée à une communauté de concepteurs
pédagogiques qu’à des enseignants du secondaire par exemple.
La méthode est également très dépendante de sa
représentation graphique en MOT qui a évolué vers MOT-LD
(Learning Design).
3.1.2. Le langage CPM
Le langage CPM-Cooperative PBL Metamodel (Laforcade et al,
2005) propose une approche centrée sur un langage graphique. Ce langage est
basé sur UML (Unified Modeling Language). Il concerne les deux
premières phases du processus de conception pédagogique
(étape de l’expression des besoins et étape d’analyse
et de conception) et vise à modéliser des situations
problèmes coopératives. Il est composé à la fois
d’un méta-modèle qui permet de définir les concepts "stéréotype" et leurs relations, et un
profil "méta-classe", une syntaxe concrète qui
définit l’expression graphique (" icône") des
concepts et leurs relations ainsi que leur utilisation dans les
diagrammes
UML.
Le méta-modèle repose sur la prise en compte de la
structure
hiérarchique d’une situation problème coopérative,
sur les aspects pédagogiques et sur les aspects sociaux. Destiné
à des ingénieurs pédagogiques ainsi qu’à
l’ensemble d’une équipe pluridisciplinaire impliquée
dans la conception, ce langage nécessite des connaissances de base en
UML.
L’intérêt du langage CPM est qu’il permet
d’exprimer un scénario de type situation-problème et
qu’il a été implanté dans un outil-auteur afin de
soutenir des ingénieurs pédagogiques dans le processus de
conception, de suivi et de maintenance des modèles de
situation-problème. Cependant, selon ses auteurs, le langage est
outillé mais il n’est pas encore associé à une
véritable méthode de conception et se trouve pour l’instant
fortement relié à un type d’approche pédagogique.
3.1.3. LDL et la méthode des « 4
piliers »
Le langage de modélisation (LDL) s’appuie sur un
méta-modèle issu de travaux dans le domaine de
l’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (Martel, 1998), (Martel et al, 2007), (Ferraris et al.,
2007).
Il représente une alternative à IMS-LD.
Dans ce langage, la structure formelle du scénario
pédagogique
est décrite par un ensemble d’éléments : une
structure qui permet de décrire l’activité et les
interactions présentes a priori au sein d’une
activité ainsi que la façon dont elles s’organisent ; une enceinte qui permet d’exprimer le
ou les lieux de
l’activité ; les rôles que l’on peut
affecter aux différents acteurs de l’activité ; la
description d’une interaction qui est décrite par
une
action, mais à qui on associe des informations du type (qui ?
quoi ? où ? comment ?) ; les
positions des
rôles (définissant les positionnements des acteurs par rapport aux
activités en train de se dérouler). Des règles permettent de tester les différentes positions.
Ce langage a été utilisé pour formaliser des
scénarios pédagogiques en Sciences de la Vie et de la Terre dans
le domaine de l’apprentissage collaboratif (Ferraris et al.,
2005).
Il est en cours d’exploitation dans le projet SVL (Shared Virtual
Laboratory) dans Kaléidoscope dont l'objectif est de fournir une
infrastructure logicielle pour instrumenter l'expérimentation des EIAH (Adam et al, 2007).
Le langage LDL vise ici à permettre l’orchestration et
l’automatisation d’un scénario d’expérimentation
complexe qui intègre un ensemble de questions de type QCM
réalisées au format IMS-QTI (IMS Question and Test
Interoperability), un outil de simulation TPElec et un outil de suivi (Guéraud et al., 2007).
L’ensemble du scénario a pour objectif, d’un point de vue
didactique, de déstabiliser les idées fausses
(misconceptions) des élèves en électricité (Michelet, 2005).
Ainsi, le langage LDL basé sur le méta modèle
présenté ci-dessus permet d’exprimer un scénario
d’orchestration des différentes activités
pédagogiques (QCM, utilisation de simulation, etc.), en sollicitant les
acteurs, en gérant la transition entre les activités, et en
restituant les traces (résultat de chaque activité,
déroulement général, etc.).
Ce langage possède une méthode associée permettant de
s’abstraire du langage en lui-même et de le penser en fonction du
cadre interactionnel dans lequel les activités d’apprentissage vont
se dérouler. (Martel et al., 2007) montrent que les activités d’apprentissage reposent sur 4 piliers
fondamentaux : l’organisation des activités
(préparation, etc.), l’apprentissage (finalité didactique et
stratégie d’apprentissage), l’observation des
activités (possibilité pour l’enseignant de suivre le
déroulement de l’activité), l’évaluation. Dans
cette méthode, spécifier une activité revient à
spécifier, pour chaque pilier, un scénario : un
scénario d’organisation, un scénario d’apprentissage,
un scénario d’observation, un scénario
d’évaluation.
3.1.4. IMS Learning Design
Ce langage (IMS, 2003) propose
un cadre conceptuel qui met l’activité au centre du processus de
conception pédagogique, tout en identifiant les relations que
l’activité entretient avec les rôles et les ressources. Ce
langage a été largement présenté et nous renvoyons
à l’abondante littérature sur le sujet. De nombreux travaux
ont montré que ce langage n’était pas destiné
à être manipulé par des enseignants (Koper et
Tattersall, 2005).
Ainsi, Nodenot (Nodenot, 2005) analyse les limites de la proposition IMS-LD selon trois
aspects : sa
capacité à décrire des activités
d’apprentissage, sa capacité à décrire des
activités collaboratives, sa capacité à rendre compte de la
structuration et de la dynamique des scénarios d’apprentissage. Il
en tire les conclusions suivantes : IMS-LD est un langage
complet, formel,
interopérable, compatible avec d’autres standards, mais
« au détriment de la flexibilité par rapport aux
théories de l’apprentissage » (p.61). Il souligne aussi
la difficulté pour un concepteur de décrire le déroulement
de l’activité, la ressource support ou produite, d’avoir une
vision contextuelle de la façon dont un outil va être
utilisé dans l’activité, et de décrire la
façon dont les activités coopératives vont se
synchroniser.
3.1.5. Bilan
L’étude des formalismes existants montre qu’il existe
d’un côté des formalismes destinés à la
description et à la spécification des situations
d’apprentissage (MISA et CPM) qui sont très liés, pour
l’un à la démarche d’ingénierie
pédagogique qui demande un niveau d’expertise très
élevé (Henri et Maina,
2007),
et pour l’autre à une approche pédagogique précise,
la résolution de problème. D’un autre côté, il
existe des formalismes « informatiques » comme
IMS-LD, qui
permettent de spécifier les différents paramètres du
scénario pédagogique pour qu’un système informatique
puisse l’interpréter et l’exécuter sur une plate-forme
mais qui ne sont pas destinés aux enseignants (Koper et
Tattersall, 2005).
A l’intersection, le langage LDL et sa méthode des 4 piliers
proposent à la fois des éléments de spécification et
d’opérationnalisation qui ont déjà été
validés en situation de classe.
La plupart de ces propositions sont issues de recherches
en informatique et
partent du problème de l’opérationnalisation des
scénarios pour remonter plus ou moins explicitement vers celui plus
amont
de leur expression formalisée par les enseignants. Dans le processus de
scénarisation, illustré par le cycle de vie du scénario en
7 étapes (Pernin, 2007),
cette phase amont correspond à la phase appelée de
« conception initiale » qui engendre l’ensemble des
autres phases du cycle (contextualisation pédagogique,
implémentation technique, exécution, évaluation,
adaptation, réutilisation).
De fait, la question de la formalisation des scénarios
pédagogiques doit se poser en relation étroite avec les usagers,
« conception dans l’usage » (Guin et Trouche,
2007) et en fonction des points de vue issus des différents champs de
sciences
humaines (sciences de l’éducation, linguistique, sciences
cognitives, etc.). La problématique qui se pose est donc avant tout
interdisciplinaire et elle nécessite un investissement plus marqué
des domaines des sciences humaines.
La proposition de formalisme que nous présentons dans
cet article est
fortement influencée par ces derniers champs de réflexion. Elle
n’a pas l’ambition de contester les autres formalismes mais de
présenter un autre point de vue, un autre angle d’attaque. Nous
reprenons d’ailleurs aux formalismes existants les grands concepts
saillants comme la notion centrale d’activité
d’apprentissage et de rôles mais le point de départ de
notre réflexion porte sur la démarche de formalisation des
scénarios elle-même.
Notre hypothèse est que la « mise en
forme » que
nécessite la démarche de formalisation ne doit pas se faire au
détriment de l’intention pédagogique initiale mais
qu’au contraire, elle doit permettre la sauvegarde du sens de la
situation
d’apprentissage souhaitée.
Pour cela, le formalisme doit être fondé sur des
sémantiques (« ensemble des mots, des notions se rapportant
à un même domaine conceptuel ou psychologique ») (CNRTL)
et une structuration (manière de regrouper, de hiérarchiser
l’information, etc.) qui sont d’une part familières à
l’enseignant ou au concepteur pédagogique et qui d’autre
part, reflètent explicitement ses intentions et ses choix
pédagogiques.
A partir de ces hypothèses, nous présentons dans les
paragraphes suivants, un ensemble de propositions qui vise à
répondre à notre problématique de recherche initiale sur
les modalités d’expression de scénarios pédagogiques
transférables et instrumentés par les TICE.
4.
Propositions pour une expression formalisée des scénarios
pédagogiques
Dans cette partie, nous présentons la
méthodologie générale que nous avons suivie pour mener nos
recherches et les deux travaux qui ont été réalisés
dans ce cadre : un premier travail exploratoire sur le format
d’expression des scénarios et un second travail qui a abouti
à la proposition d’un formalisme, le formalisme des
Pléiades, qui permet d’exprimer les scénarios de
façon formalisée et d’intégrer les intentions
pédagogiques sous-jacentes en explicitant l’approche et les choix
pédagogiques.
4.1. Méthodologie générale
Notre travail de recherche se fonde sur la méthode
développée par l’Université de Sussex centrée
sur l’humain "Human Centred Research" (HCD) et utilisée dans de
nombreux travaux comme ceux de (Luckin et al., 2006).
Cette méthode nécessite d’identifier dès le
début les utilisateurs et de les impliquer dans la modification et la
validation des différents artefacts. Pour cela, le chercheur peut
exprimer les artefacts sous différentes représentations et au
travers de différentes activités. Cette méthode se
présente sous la forme d’un processus cyclique de recherche, de
développement, de communication qui vise à affiner
l’artefact grâce à une meilleure compréhension des
besoins des usagers et du contexte. Chaque cycle est composé d’une
proposition initiale, d’une évaluation et d’une
révision de la proposition. Nous appuyons notre méthodologie sur
cette vision cyclique et itérative pour répondre au
problème de la réutilisation des scénarios
pédagogiques existants.
Pour notre recherche, nous avons enrichi cette approche
par une phase de
modélisation dans la mesure où cette approche centrée
usagers vise à l’élaboration de modèles
théoriques mais qui doivent être "utiles" et "acceptables" pour des
usagers potentiels.
Grâce à cette méthode, nous allons construire
progressivement une réponse aux besoins de formalisation des
scénarios pédagogiques et aux besoins de soutien au processus de
réutilisation. Notre travail, destiné à se poursuivre
au-delà de ces deux travaux, permet de proposer une première
réponse au problème de la transférabilité et de
l’instrumentation des scénarios pédagogiques.
Dans la perspective de cette approche centrée humain,
notre travail de
recherche cible les enseignants dans un contexte académique et les
concepteurs pédagogiques dans un contexte d’entreprise. Dans la
mesure où il ne s’agit pas de construire des modèles pour la
formation à la scénarisation, mais des modèles pour la
réutilisation de scénarios formalisés, nous avons fait le
choix de recourir pour chaque étape à un petit nombre
d’usagers ayant déjà une expérience plus ou moins
forte en conception pédagogique et intégrant les TICE dans leurs
pratiques.
Notre méthodologie se compose de trois cycles de
recherche. Le premier
cycle vise à explorer les différentes pratiques de
scénarisation. Ce premier cycle s’inscrit dans un projet
institutionnel mené par l’INRP, projet CAUSA-E-praxis qui
donné lieu à des articles (Pernin et Emin 2006), (Villiot-Leclercq
et Pernin 2006), (Pernin, 2007) auxquels on pourra se reporter. Dans cet article, nous détaillons
uniquement les travaux des deux derniers cycles menés au sein de
l’équipe MeTAH.
Le second cycle s’intéresse au problème de
l’expression des scénarios en lien avec la question du format de
représentation : un ensemble de patrons de scénarios,
construits avec des premières hypothèses de formalisation, est
proposé aux enseignants sous différentes formes de
représentation (textuelle et diagramme d’activité UML).
Un troisième cycle nous a permis de construire en nous
enrichissant
des résultats des cycles précédents un formalisme d’expression des scénarios pédagogiques, le formalisme
des Pléiades.
4.2. Etude exploratoire sur les formats d’expression
des
scénarios
4.2.1. Contexte et objectif de recherche
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un travail
mené au sein de l’équipe ARCADE du laboratoire CLIPS-IMAG
(actuellement Equipe METAH, Laboratoire LIG) de Grenoble sur la
structuration de
modèles de scénarios à partir de différents
formalismes (Villiot-Leclercq
et al., 2006).
Notre objectif de recherche était d’une part, d’enrichir
des formalismes existants et d’autre part, d’évaluer leur
acceptabilité auprès d’utilisateurs potentiels, mais aussi
de dégager des pistes pour aller vers un formalisme non plus seulement
descriptif mais qui intègre des paramètres explicitant comment le
scénario devra se dérouler sur la plate-forme cible et qui
pourront être directement mis en œuvre ou exprimés via les
langages de modélisation existants. Ce formalisme recherché vise
à terme à faciliter la transférabilité et la
réutilisation des scénarios pédagogiques dans
d’autres contextes d’utilisation.
Pour cette recherche exploratoire, nous avons proposé
deux formats
d’expression en nous appuyant sur les travaux portant sur les
formalismes
existants d’expression des scénarios et nos propositions sont en
cohérence avec les résultats de l’enquête de
scénarisation relatifs aux formats d’expression des
scénarios (Villiot-Leclercq
et Pernin, 2006).
Ces derniers indiquaient que les usages étaient partagés entre
différents formalismes : 41 % déclarent décrire leurs
scénarios sous la forme d’un texte structuré, 49% sous la
forme d’une fiche type, et 41% sous la forme de schémas ou figures.
Notre modélisation s’est appuyée sur les hypothèses
suivantes :
Il peut y avoir diverses formalisations du modèle de
scénario
et par là même différents processus de conception d’un
scénario pédagogique.
- Les scénarios
peuvent avoir différentes
granularités.
- Les scénarios
peuvent être composés d’un
regroupement d’activités et d’activités
élémentaires
- Les scénarios
orchestrent les interactions entre les
différents objets et acteurs du scénario (par exemple, flux
d’une ressource d’un acteur à l’autre, transformation
des ressources au fil des activités, etc.).
- Les différentes
représentations et les formats
associés sont complémentaires.
Deux formats d’expression enrichis ont ainsi été
proposés : un format narratif et un format de type diagramme
d’activité. Ces deux formats sont détaillés un peu
plus loin.
Pour appuyer notre étude, nous avons choisi d'exprimer
six
scénarios caractéristiques : débat, colloque, projet,
exercice, démonstration, et étude de cas. Nous sommes partis des
travaux sur les différents types d’approches pédagogiques
identifiées. Nous avons choisi d’axer le contenu des
scénarios sur la lecture croisée de l’image et du texte en
histoire-géographie et en lettres selon les instructions officielles
des
programmes : "travailler l'articulation écrit/oral/image tant
en
lecture qu'en production". Les six scénarios ont été
décrits à la fois dans le format narratif enrichi et dans le
format graphique enrichi, soit douze descriptions de
scénarios.
4.2.1.1. L’expression narrative enrichie
Cette forme d’expression est la plus naturelle pour
l’enseignant.
Si on demande à un enseignant de décrire un scénario
d’apprentissage, il choisira le plus souvent de nous
« raconter
» ce scénario. Il inscrira ce scénario dans un temps et un
lieu, il décrira les différentes actions réalisées
par différents acteurs du scénario : apprenant, enseignant,
groupe, classe. Ces derniers peuvent prendre différents
rôles : apprenant, animateur, enseignant, présentateur, etc.
Nous proposons d’enrichir cette narration par un jeu de couleurs afin
de
bien faire ressortir les composants du scénario. Nous avons choisi
d’exprimer en vert les acteurs du scénario ; en noir
souligné, les actions réalisées par les acteurs au cours
des activités ; en bleu des éléments contextuels de contenu
; en rouge des éléments contextuels de mise en œuvre (tableau
1). L’avantage de ce formalisme est qu’il est en langage naturel et
qu’il est accessible à tous les enseignants. Il reste, cependant,
peu détaillé sur les types d’activités et la nature
des documents.
Tableau 1. Exemple
de modèle de scénario
« étude de cas » sous format textuel enrichi
4.2.1.2. Le diagramme d’activité enrichi
Nous avons choisi de nous appuyer sur le format
graphique des diagrammes
d’activité UML. Ce formalisme graphique a l’avantage de
représenter la durée sur une ligne verticale du temps et de bien
séparer les acteurs selon les différentes colonnes. A chaque
acteur est associée une série d’activités qui
regroupent des actions auxquelles sont liées des ressources.
L’avantage de cette représentation est d’exprimer la
façon dont se déroulent les activités intra-acteurs et
inter-acteurs : en simultané ou en séquence, avec ou non des
points de synchronisation. De même, il est plus facile d’exprimer
les flux des ressources entre les acteurs ou la façon dont elles sont
modifiées par les actions de l’acteur au cours d’une ou
plusieurs activités. Certaines recherches avaient déjà fait
le choix d’exprimer les scénarios d’apprentissage sous cette
forme graphique (Faure et
Lejeune, 2005), (Giacommini
Pacurar, 2005), (Ferraris et al.,
2005).
Cependant, d’autres travaux ont montré l’insuffisance de ce
formalisme pour exprimer des éléments spécifiques à
un dispositif d’apprentissage et la nécessité de
l’enrichir de façon graphique (Laforcade et al,
2005).
Nous proposons d’enrichir ce formalisme graphique :
- en étiquetant, dans les scénarios, un groupement
d’activités que nous nommons "pléiade
d’activités" ;
- en mettant ainsi en évidence, par l’étiquetage
des pléiades d’activités, les tâches typiques et
récurrentes au sein du scénario et entre les
scénarios ;
- en indiquant si les actions se déroulent de manière
séquentielle ou non ;
- en reliant les ressources aux activités en tant
qu’input
et output, et en exprimant leur type (choisies, produites, existantes,
etc.) et
leur état (complètes, partielles, brouillon, etc.) ;
- en indiquant les flux de documents d’un acteur à
l’autre ;
- en identifiant des points de contacts entre les
scénarios afin
d’intégrer ces modèles dans un réseau, de croiser les
types de scénarios, et d’identifier la granularité du
scénario.
Nous présentons un extrait de l’exemple de scénario
"projet" exprimé sous la forme d’un diagramme
d’activité enrichi (figure 1). Dans cette expression graphique, les
colonnes correspondent aux différents rôles (enseignant, apprenant,
groupe, classe). L’axe vertical représente l’axe du temps et
les différentes bulles contiennent les activités
distribuées entre les rôles. L’enrichissement du diagramme
d’activité se situe au niveau des activités qui sont par
endroits regroupées dans des boîtes plus larges dans la mesure
où elles visent un même but (chercher des informations, analyser
les informations, etc.). Elles sont dans ce cas là appelées
"pléiades d’activités". Enfin, nous indiquons le flux des
ressources entre les rôles et les activités et le changement
d’état d’une ressource. Ainsi, il peut s’agir
d’un document au stade de brouillon qui, au fil des activités et en
fonction des rôles qui le manipulent, s’améliore et prend le
statut de document diffusable devant la classe.
4.3. Evaluation
4.3.1. Objectif
Les objectifs de cette évaluation sont d’évaluer
l’acceptabilité des différents formalismes enrichis
utilisés pour exprimer les différents scénarios et
l’acceptabilité des principes de structuration proposés. Le
but est de regarder si les enseignants comprennent les scénarios
proposés avec ces différents formats d’expression et quel
format ils trouvent le plus adapté à la compréhension et
à l’expression de leurs intentions pédagogiques.
4.3.2. Echantillonnage et collecte des données
Six enseignants du secondaire issus de disciplines des
sciences humaines
(lettres et histoire-géographie) ont participé à
l’évaluation.
Nous avons demandé à chaque enseignant, individuellement
d’explorer les six scénarios puis de les annoter afin de proposer
des modifications ou de donner des suggestions sur le scénario au
niveau
du vocabulaire, du déroulement proposé, etc. Le support
était le papier.
Un questionnaire visait à récolter des informations sur
les
scénarios qui se rapprochaient le plus de leurs pratiques, de leurs
préférences et sur le format qu’ils trouvaient le plus
adapté pour décrire un scénario adapté à
leurs intentions pédagogiques.
Nous avons analysé qualitativement les annotations sur
les
scénarios ainsi que les questionnaires.
4.3.3. Résultats sur le format privilégié
Le questionnaire contenait un ensemble de questions sur
les types de
scénarios eux-mêmes, mais surtout une question sur la
préférence des usagers entre les deux formats. Ce sont les
réponses à ces questions qui sont présentées et
analysées dans ce paragraphe.
Deux enseignants ont exprimé une préférence
marquée pour le format narratif. Les arguments avancés sont ceux
de la facilité ("facile à écrire"), de la lisibilité ("lisible"), de la familiarité ("plus proche
de la linéarité du déroulement temporel d’une
séance").
Deux autres enseignants ont exprimé leur préférence pour
le format graphique. Pour eux, les avantages sont la clarté ("on voit
d’un seul coup d’œil d’où l’on part et
où l’on doit arriver"), la bonne visibilité des interactions
entre les activités et les ressources ("on sait quelles ressources sont
utilisées ou produites et à quel type d’activité on
se livre"), et les interactions entre les différents
éléments du scénario ("le format graphique a
l’avantage de préciser les rôles de chacun et
l’interactivité de l’ensemble"). Ce format graphique peut
être également diffusable, selon l’un des enseignants,
auprès des élèves : "il pourrait être
présenté (remanié) aux élèves pour leur
permettre de comprendre les objectifs poursuivis".
Un enseignant a exprimé sa préférence pour les deux
formats en avançant leur complémentarité :
« Les deux se complètent bien : le format textuel
permettant d’imaginer le scénario dans son déroulement
chronologique, le schéma permettant de comprendre le fonctionnement des
interactions mises en œuvre par le scénario ».
Le dernier enseignant a trouvé quant à lui des points
négatifs aux deux formats : "la forme graphique ne permet pas
d’apporter suffisamment de précision ("1 mot + une flèche =
ambiguïté"). La forme textuelle ne permet pas une vision
synthétique du scénario sauf si un système
d’hyperlien permet de "zoomer" sur l’aspect voulu, à partir
d’une première page synoptique". Il propose un format de type
textuel hypermédia.
4.3.4. Discussion des résultats
Concernant les résultats de
l’évaluation, ils ne permettent pas de pencher pour tel ou tel
format mais, au contraire de mettre en évidence leur complémentarité. Ils permettent également de
mettre
en évidence ce que les enseignants apprécient et attendent
d’un formalisme : la clarté de la structuration
pédagogique, la facilité d’expression,
l’importance de l’activité d’apprentissage (choix des termes, de son positionnement par rapport aux autres
activités), la possibilité d’exprimer
précisément les interactions entre les différents
éléments du scénario (les activités, les
ressources, les rôles, les outils).
4.3.5. Synthèse et prolongements
Ces premiers éléments de résultats nous ont
amenés à centrer notre travail de formalisation d’une part,
sur l’activité elle-même et sur les interactions
qu’elle entretient avec les autres éléments du
scénario (ressources, outils, connaissances, etc.), et d’autre
part, sur la structuration elle-même du scénario. De fait, nous
avons approfondi les hypothèses émises, précédemment
présentées dans la méthodologie et qui nous avaient permis
de proposer une première structuration des activités, notamment
dans le format graphique afin d’aboutir à
l’énoncé de trois principes de
formalisation :
- Les activités
d’apprentissage sont
inter-reliées ;
- Lorsqu’elles sont
inter-reliées, elles constituent une entité identifiable et qui fait sens en soi ou
par rapport aux
autres regroupements du scénario ;
- Ces entités sont
l’espace où circulent un
ensemble d’objets de connaissances porteurs (document, image) et
producteurs de connaissances entre des acteurs qui interagissent au
sein des
activités.
Ces principes ont été ensuite mis en relation avec le
critère de granularité qui permet d’identifier trois grains
différents pour exprimer le scénario (Pernin et
Lejeune, 2004) :
les activités élémentaires, les séquences
d'activités et les unités de structuration pédagogique.
Cette définition linguistique des différents niveaux de
granularité permet d’identifier le grain du scénario
pédagogique et de le positionner dans une sorte de taxonomie.
Cependant,
nous pensons que le problème est d’aller au-delà de la
simple possibilité de désigner le grain d’un
scénario. Il s’agit d’aller vers la possibilité
d’attribuer une identité au scénario. A partir du
moment où l’on va au-delà de la désignation, vers la
constitution d’une identité, il est possible d’attacher
à cette identité un ensemble de concepts, de
propriétés et de principes qui vont permettre de caractériser le scénario et d’aller vers une
expression plus formelle.
Pour aller plus loin, nous reprenons les trois principes
dégagés et l’un des concepts fort issu de ce travail, le
concept générique de pléiade d’activités que nous exploitons en association avec le principe
d’entité de sens. Dans la partie suivante, nous présentons
la méthode des Pléiades, qui propose un formalisme de description
pouvant prendre le statut d’une méthode de conception de
scénarios dans la mesure où elle repose sur des concepts et des
principes, et que des règles de conception peuvent être
dégagées.
5. Le
formalisme des Pléiades
5.1. Les objectifs du formalisme des Pléiades
La méthode des Pléiades (Villiot-Leclercq
et David, 2007) offre un cadre formel et une méthode opérationnelle pour la
réutilisation des scénarios dans la mesure où elle vise
à partager un scénario pédagogique au sein d’une
communauté de pratique, formaliser un scénario pédagogique,
adapter un scénario pédagogique à un contexte,
instrumentaliser un scénario pédagogique. En ce sens, notre
proposition se présente comme un formalisme d’expression
(description et spécifications) des scénarios pédagogiques
intégrant des règles et des principes méthodologiques pour
décrire un scénario, se l’approprier, le réutiliser,
etc. Le terme « méthode » est utilisé dans ce
sens.
Ce formalisme est principalement destiné à des
enseignants et
des concepteurs pédagogiques pour concevoir des scénarios
pédagogiques, pour s’approprier des patrons de scénarios et
les adapter à leur contexte et leurs intentions pédagogiques, et
pour pouvoir exprimer des scénarios jouables sur une plate-forme.
5.2. Cadre théorique
Lorsque l’on regarde le ciel, les Pléiades sont un
regroupement
d’étoiles identifiables visuellement, et cohérent qui, au
regard des autres objets de l’espace, fait sens et qu’on peut
nommer. "Les Pléiades, ou amas M45, sont un amas ouvert d'étoiles
qui s'observe dans l'hémisphère nord, dans la constellation du
Taureau "(Wikipédia, 2007).
C’est une entité qui fait sens au sein d’une
pluralité de formes et de noms.
Notre proposition repose conceptuellement sur la
métaphore
astronomique des Pléiades, regroupement d’étoiles dans le
ciel. Ce regroupement est perçu comme un ensemble cohérent par
notre œil et notre cerveau, une forme à qui l’on a
donné une identité.
Cependant, au-delà de la métaphore, le formalisme des
Pléiades (Villiot-Leclercq,
2007) trouve son ancrage théorique dans les approches en psychologie
cognitive,
et plus particulièrement dans celle des théories de la forme, Gestalt théorie (Guillaume, 1979).
Le terme gestalt est un mot allemand issu du verbe gestalten « mettre en forme ». La gestalt est le
résultat de cette action et désigne « une forme
structurée, complète et prenant sens pour nous » (Wikipédia, 2007).
Selon cette approche, notre cerveau, au travers des perceptions, est
capable de
structurer les informations, de les classifier et de les ordonner de
façon cohérente. Ces informations qui ont une signification
particulière pour chacun permettent à un regroupement de formes et
de sens de se détacher de l’ensemble, du fond (principe de
distinction fond-forme). En recoupant différentes informations issues
de
notre système perceptif, le cerveau peut regrouper des
éléments épars (principe du regroupement) selon des lois de
similarité, de proximité et de continuité. Par extension,
un enseignant, devant un ensemble d’éléments potentiels du
scénario, chaque élément étant pluriel (des
activités, des ressources, des outils, etc.) peut en situation de
conception structurer le scénario, par ce même processus de
distinction et de regroupement, en fonction de ses intentions et du
sens
qu’il attribue à ce regroupement.
Nous proposons de définir plus avant ces processus de
distinction et
de regroupement dans le contexte de la conception du scénario. En
fonction de ses intentions et du contexte, l’enseignant peut opérer
des agrégations d’activités qui ont un sens du
point
de vue pédagogique et didactique. Chaque agrégation peut avoir une
granularité plus ou moins forte.
Dans notre approche, cette dernière n’existe que par la
perception et l’intention d’un individu donné. Mais sous
cette forme, dans cette gestalt, elle peut être
perçue,
comprise, partagée par et avec un autre individu et
réutilisée. Elle est porteuse d’un sens intimement
associé à un contexte et à des intentions individuelles.
Cependant, dans un processus de conception pédagogique, il est
nécessaire que ce sens soit explicité afin d’être plus
facilement appréhendé par un autre que soi et
transférable.
5.3. Pourquoi filer la métaphore ?
Nous proposons d’utiliser cette métaphore astronomique
comme
point de départ pour exprimer les différentes granularités
du scénario. Une métaphore peut se définir comme un
"procédé de langage qui consiste dans un transfert de sens par
substitution analogique" (Britannica, 2007).
L’intérêt de recourir à une métaphore est
d’amorcer le passage d’une recherche exploratoire et descriptive
à une approche plus conceptuelle qui permet d’envisager une
modélisation plus fine des processus à l’œuvre. De
plus, la métaphore permet d’introduire de la cohérence
là où il existe la différence et la pluralité. On a
vu combien la notion de scénario était porteuse de
différentes visions. Pour Ricœur (Ricœur, 1975),
"métaphoriser, c’est voir comme, c’est voir le semblable"
malgré la différence. C’est aussi aller au-delà du
linguistique, vers le conceptuel et une forme d’abstraction.
Si nous repartons des différents niveaux de granularité
du
scénario et que nous leur attribuons, via cette métaphore une
identité, nous pouvons décliner les différents grains du
scénario de la façon suivante :
- Une activité
élémentaire d’apprentissage
est une "Etoile d’action" ;
- Un regroupement de
plus d’une activité
élémentaire d’apprentissage est une
"Pléiade" ;
- Plusieurs
regroupements de plus d’une activité
élémentaire d’apprentissage sont une "Constellation".
5.4. Concept central du formalisme des
Pléiades
La méthode des Pléiades
s’appuie sur le concept d’entité signifiante
d’apprentissage. Une entité se définit comme "comme une
chose réelle mais représentable
uniquement"(TLF, 2007) par une image, un concept.
Il s’agit de prendre, comme unité de base, l’unité
de sens d’un ensemble d’activités. Une activité
pouvant, à elle seule, être considérée comme une
entité qui a un sens en terme de visée pédagogique. Cet
ensemble d’activités constitue une entité qui fait sens dans
la situation d’apprentissage. Cette entité signifiante peut
être conceptuellement identifiée comme un ensemble de taille
variable, "une pléiade", "une constellation", "une étoile",
possédant une identité et des frontières au sein
d’une situation d’apprentissage plus vaste. Ces entités
entretiennent entre elles des liens de précédence, de
hiérarchie, etc. A chaque entité est associé un ensemble de
propriétés auxquelles il est possible d'attribuer des valeurs.
5.5. Caractéristiques du formalisme des Pléiades
5.5.1. Propriétés des différentes entités
Nous avons
défini pour les entités "étoile", "pléiade",
"constellation", un ensemble de 13 propriétés précisées ci-dessous.
La granularité : la méthode
des Pléiades
permet de définir des scénarios de grains différents : un
scénario de type "étoile" correspond à une activité
élémentaire d’apprentissage ; un scénario de
type "Pléiade" est un regroupement de plus d’une activité
d’apprentissage ; un scénario de type "constellation" contient
à la fois une ou des activités élémentaires et un ou
des regroupements d’activités de type "Pléiade".
Famille de regroupement (nom) : le regroupement
d'activités peut s’effectuer selon leurs buts, leur thème ou
leur appartenance à une phase d’intervention pédagogique. En
ce sens, il est signifiant au regard de l’ensemble des autres
regroupements reliés. Cette propriété permet de donner un
sens et une identité à un ensemble d’activités. Si le
regroupement correspond à une phase pédagogique, on peut par
exemple étiqueter la pléiade d’activités avec le
concept associé à cette phase : "évaluation",
"réinvestissement" ou "mise en situation" par exemple. S’il prend
son sens dans le fait que l’ensemble des activités sont
tournées vers le même but, on peut nommer la pléiade
d’activités de la façon suivante : "recherche",
"analyse", "production" ou "diffusion" par exemple.
Statut : un regroupement
d’activités peut être
optionnel ou obligatoire au regard du scénario, du public, etc.
Stratégie d’apprentissage :
les stratégies
d’apprentissage seront précisées selon la taxonomie de
Lasnier (Lasnier, 2000) qui distingue les stratégies cognitives (activation, acquisition,
élaboration, organisation des connaissances, intégration,
transfert), les stratégies affectives (réception, motivation,
gestion du stress, coopération, résolution de conflit), les
stratégies de gestion (temps, ressources matérielles, ressources
humaines, environnement), les stratégies métacognitives
(planification, contrôle, régulation et évaluation).
Stratégie d’enseignement :
les stratégies
d’enseignement seront également précisées selon la
taxonomie de Lasnier (Lasnier, 2000) qui distingue les stratégies magistrales (exposé,
démonstration pratique), les stratégies de travail individuel
(pratique autonome, session de travail individuel, apprentissage par
problème), les stratégies interactives (groupe de discussion, jeu
de rôle, modelage, pratique guidée, apprentissage pas à
pas), les stratégies socioconstructivistes (enseignement par les pairs,
tutorat, travail en équipe, apprentissage collaboratif, apprentissage
par
projets, étude de cas).
Temps : il s’agit du temps
prévu par
l’enseignant pour la réalisation du regroupement
d’activités.
Densité : la densité d'une
entité est le
nombre d'étoiles qui la composent. Les valeurs peuvent aller de 1
à n activités.
Constituants : cette
propriété permet de
définir pour chaque entité l’intitulé des
activités la constituant.
Orchestration :
l’orchestration intervient entre les
entités et à l’intérieur des entités notamment
lorsqu’elles correspondent à une pléiade ou à une
constellation. Les activités constituant l’entité peuvent
être réalisées dans un ordre particulier ou sans ordre ou
encore de façon mixte (par exemple, une activité est
imposée au début puis le cheminement devient libre). Cette
propriété permet d’instaurer des liens entre les constituants.
Conditions de démarrage et de clôture :
L’ouverture ou la clôture de l’entité peut être
le fait de l’enseignant, de l’élève ou d’une
contrainte temporelle.
Distribution : une entité
peut être attribuée
à une seule personne, (l’élève, l’enseignant,
l’expert, etc.), soit distribuée entre plusieurs personnes ;
il est nécessaire de préciser les rôles au sein de cette
interaction.
Eléments de connaissances :
il s’agit des
connaissances en jeu dans le regroupement d’activités.
Eléments supports : il
s’agit des ressources
(proposées et produites) et des outils au service du regroupement
d’activités.
Les différentes propriétés présentées ont
des portées différentes. Une partie d’entre elles a une
portée plutôt descriptive et une autre une portée
plutôt d’organisation autour de la propriété
"constituants". Nous récapitulons ces deux types de
propriétés dans le tableau suivant (tableau 2).
Propriétés descriptives |
Propriétés organisatrices |
Granularité (étoile, pléiade,
constellation),
Famille de regroupement (mise
en situation, évaluation, etc.),
Stratégie d’enseignement
(magistrale,
socioconstructiviste, etc.),
Stratégie d’apprentissage (élaboration
de
connaissance, organisation, gestion du travail d’équipe),
Statut (obligatoire,
optionnel),
Densité (nombre d’activités),
Eléments de connaissances (en
jeu dans
l’activité) |
Constituants (activités),
Orchestration (ordre des
activités), Distribution (répartition des rôles sur les activités),
Condition de démarrage et de clôture (qui et à
quel moment de l’activité),
Eléments de supports (ressources/outils
utilisés
ou produits pendant les activités) |
Tableau 2. Tableau
récapitulatif des
différents types de propriétés du formalisme des
Pléiades
L’ensemble des caractéristiques de la méthode permet de
définir un formalisme d’expression des scénarios
pédagogiques.
5.5.2. Un exemple de patron « débat »
formalisé avec la méthode des pléiades
Dans
le formalisme des Pléiades, les valeurs attribuées aux
propriétés par un enseignant au moment de la conception restent
modifiables en fonction d’un ensemble de variables de la situation
d’apprentissage. Par exemple, un collègue qui souhaiterait, dans un
autre contexte, réutiliser un scénario formalisé avec la
méthode des Pléiades n’aurait qu’à changer les
valeurs des propriétés.
Cependant, les valeurs des propriétés peuvent être
contraignantes dans le sens où le regroupement d’activités
ou l’activité elle-même ont été
identifiés ou sont considérés comme valeur expressive
d’une approche pédagogique (étude de cas, résolution
de problème, etc.) ou d’une situation d’apprentissage
spécifique (travail en équipe, analyse de documents, etc.).
C’est en ce sens que ce formalisme nous permet de proposer des patrons
de
scénario qu’on réutilise et que l’on peut modifier,
dans une certaine mesure (le contenu, l’intitulé des
activités, l’ordre) en fonction du contexte d’apprentissage
(discipline, spécificité du public, modalités
d’apprentissage-distance, présence, hybride, etc.).
Afin d’illustrer cette méthode, nous proposons de
formaliser un
scénario de type débat. Nous reprenons les travaux de (Baker et al., 2002) sur le débat argumentatif pour dégager la
spécificité de cette approche pédagogique. Pour ces
auteurs, il est nécessaire de rassembler des conditions favorables
à l’émergence d’un débat : une tâche
propice, préparation des participants, choix de bons partenaires, une
description claire du terrain de discussion. Nous présentons un exemple
de formalisation d’un scénario débat extrait d’une
banque de scénarios (Banque de
scenarios, 2007) et qui porte sur la question « pour ou contre le
nucléaire ». Pour une plus grande lisibilité, nous
exprimons la formalisation du scénario sous forme de tableau (tableau
3).
Le scénario représenté est de grain "constellation",
puisqu’il regroupe les différentes pléiades
d’activités : "comprendre le fonctionnement d’un
débat", "rechercher des informations sur le nucléaire", "formation
des groupes de travail", "formation intra-groupes", "formation
inter-groupe",
"écriture individuelle d’un texte de synthèse".
Propriétés |
Scénario débat sur le nucléaire inter-groupe |
Granularité |
Constellation |
Famille de regroupement |
Débat |
Stratégie d’apprentissage |
Activation et élaboration de connaissance, travail
collaboratif et
gestion de conflit, régulation |
Stratégie d’enseignement |
Stratégie socio-constructiviste |
Statut |
Obligatoire |
Densité |
6 |
Constituants (de type pléiade à ce niveau) |
1. Comprendre le fonctionnement d’un débat
(s’entraîner)
2. Rechercher des informations sur le nucléaire (préparer)
3. Formation des groupes de travail
4. Discussion intra groupe
5. Discussion inter groupe
6. Ecriture individuelle d’un texte de synthèse |
Temps |
6h |
Orchestration |
{1 ; 2 ; 3 ;
4 ; 5 ; 6} |
Condition de clôture |
Choix de l’enseignant |
Distribution |
Enseignant-élève sur regroupement {1} ;
Enseignant
sur {3} ; élèves-élèves {4 ;
5 ; 6} |
Eléments de connaissances |
Energie nucléaire |
Eléments supports |
Ressources utilisées :
Elèves (site sur le nucléaire, visionner une émission
de RC)
Ressources produites :
Elèves (synthèse)
Services : ENT, Chat, Editeur de texte partageable |
Tableau 3.
Formalisation du scénario
« débat » sur le nucléaire avec la
méthode des Pléiades
Nous pourrions formaliser de la même façon la pléiade
"rechercher des informations sur le nucléaire" en
définissant les activités associées et leur orchestration
mais aussi la façon dont elles sont distribuées entre les
différents groupes. Puis, chacune des activités définies
pourrait être à son tour ainsi formalisée.
5.5.3. Apport du formalisme des Pléiades à la
transférabilité des scénarios
L’élaboration du formalisme des Pléiades vise à
répondre aux différents critères dégagés
à l’issue du premier travail de formalisation :
facilité, structuration, activité d’apprentissage au
cœur du scénario et ses interactions avec les autres composants
(acteurs, ressources, outils) tout en permettant l’intégration des
intentions pédagogiques et didactiques par la possibilité
d’attribuer aux propriétés les valeurs spécifiques
à l’approche pédagogique choisie par l’enseignant ou
en fonction des connaissances à acquérir : il
réutilise tel quel le scénario formalisé, il
réutilise des regroupements signifiants de ce scénario (par
exemple des pléiades d’activités), dont il peut modifier les
valeurs des propriétés selon son contexte et ses intentions.
Enfin, le concept d’entité signifiante, qui sous-tend cette
méthode, propose un type de structuration qui vise à mettre en
évidence l’organisation pédagogique d’un
scénario d’un point de vue structurel et non plus uniquement
chronologique ou séquentiel. Le scénario formalisé et
intégrant les intentions pédagogiques peut alors être aussi
plus facilement réutilisable et nous apportons ainsi un
élément à la première partie de notre
hypothèse générale. Un enseignant peut réutiliser un
scénario entier ou des morceaux d’un scénario (par exemple,
il peut réutiliser uniquement une pléiade "débat" ou
"formation des équipes" ; il peut également réutiliser
une seule activité ou deux activités du scénario).
Contrairement aux premiers formalismes proposés dans
l’étude exploratoire, le formalisme des Pléiades est
conceptuellement indépendant de toute représentation et peut
servir à exprimer des scénarios sous format graphique, narratif ou
tableau, etc. Le tableau donne le schéma général de la
méthode des Pléiades. Les relations verticales sont des relations
d'héritage, elles doivent se comprendre "est un" : une
constellation
est un scénario, une pléiade est un scénario, une
activité est un scénario. Un scénario possède des
propriétés de description et des propriétés
d’organisation, et par héritage, une constellation possède
une description et une organisation, de même pour une pléiade et
pour une étoile. Une constellation est composée de
pléiades, une pléiade est composée d'étoiles.
Figure 2. Schéma général de la méthode des
Pléiades
5.5.4. Apport du formalisme des Pléiades à
l’instrumentation et à l’opérationnalisation des
scénarios
La méthode des Pléiades permet aussi d’exprimer des
scénarios pédagogiques instrumentés par les TICE dans la
mesure où, par le biais de propriétés, elle donne la
possibilité de définir la plupart des éléments et
des interactions qui constituent le scénario afin de le rendre
exécutable sur une plate-forme cible. En effet, la méthode des
Pléiades possède des propriétés descriptives
facilitant son indexation, mais surtout des propriétés
organisatrices qui permettent de dégager la structure du scénario
et de décrire son déroulement. Dans un contexte
d’instrumentation, le scénario ainsi formalisé pourra
être opérationnalisé sur un ENT (Environnement
Numérique de Travail).
Dans cette perspective, il est nécessaire pour rendre le
scénario opérationnel qu’il puisse être compris
formellement par des systèmes informatiques, et cela de manière
partiellement ou complètement automatique. Le formalisme et la
méthode des Pléiades ont l’ambition de se situer au niveau
du CIM (Computer Independant Model) de la chaîne de transformation des
modèles dans la mesure où ils s’adressent à des
praticiens de la formation. En ce sens, il doit être possible
d’établir des règles de transposition partiellement
automatisée du CIM "Pléiades" vers des langages au niveau du PIM
(Platform Independant Model) (IMS-LD, LDL) ou d’opérationnaliser
directement le formalisme dans un environnement informatique, ce que
nous avons
fait pour pouvoir l’expérimenter avec les usagers potentiels
(enseignants et concepteurs pédagogiques)
5.6. Evaluation du formalisme des Pléiades
5.6.1. Méthodologie
L’objectif est d’évaluer l’utilité et
l’acceptabilité de la méthode des Pléiades dans un
contexte de réutilisation d’un scénario existant et
formalisé avec la méthode. Nous avons voulu évaluer la
capacité de cette méthode à favoriser le transfert d’un scénario existant en permettant le double processus
d’appropriation et d’adaptation d’un scénario existant
à un contexte spécifique.
5.6.1.1. Outillage de la proposition :
opérationnalisation du
formalisme dans ExploraGraph
Dans le cadre de cette évaluation, nous précisons que le
formalisme et les modèles ont été implantés dans
l’environnement de scénarisation ExploraGraph (Dufresne, 2001).
Cette implantation constitue une première tentative
d’opérationnalisation et une démarche nécessaire pour
que le formalisme prenne corps et se matérialise de façon
concrète dans une représentation.
Nous avons choisi cet environnement pour plusieurs
raisons. Tout
d’abord, le premier intérêt de cet environnement est
d’offrir à la fois un mode auteur et un mode navigateur. Le mode
auteur nous permet de représenter un patron scénario
formalisé avec la méthode des Pléiades sous la forme
d’un graphique. Ce patron peut être manipulé en mode
édition par l’enseignant dans le cadre d’une
réutilisation. Le mode navigateur permet à un utilisateur final
(enseignant ou apprenant) d’explorer le scénario formalisé
à partir de la même représentation graphique. Le
scénario peut alors être opérationnalisé.
Il a alors fallu définir des règles liant le formalisme
des
Pléiades et le formalisme graphique d’ExploraGraph. Dans
l’environnement, il a fallu définir de quelle manière chaque
propriété du formalisme pouvait être exprimée :
granularité, famille de regroupement, stratégie
d’enseignement et d’apprentissage, statut, densité,
constituants, temps, orchestration, distribution, éléments de
connaissances et éléments supports.
Pour cela, nous avons répertorié les éléments de
l’interface ExploraGraph et nous avons défini les règles
établissant les correspondances entre les propriétés et les
choix de représentation. Ainsi, pour la propriété
« orchestration », l’ordre entre les activités
d’un regroupement ou entre des regroupements d’activités peut
être indiqué par un lien de précédence de couleur
bleu (sur un axe horizontal) et un lien de hiérarchie appelé
« lien de composition » de couleur jaune (sur un axe
vertical). L’ensemble des règles d’intégration du
formalisme de Pléiades est détaillé au chapitre 9 et les
annexes associées dans (Villiot-Leclercq,
2007).
Certaines limites à l’intégration ont été
mises en évidence, notamment sur trois aspects : l’expression
de l’ensemble des rôles intervenant dans les scénarios,
notamment dans le cas de collaboration, l’association de l’ensemble
des ressources et outils aux différentes activités, le choix
restreint de type de nœuds.
Cependant, le modèle de représentation sous-jacent à
ExploraGraph est suffisamment riche pour nous avoir permis d’exprimer
de
manière plus ou moins explicite dans une interface et de manière
graphique les scénarios exprimés via le formalisme des
Pléiades, le rendant ainsi manipulable.
5.6.1.2. Public
L’évaluation a été réalisée
auprès de huit usagers : quatre enseignants participant à la
deuxième année du projet CAUSA et quatre concepteurs
pédagogiques de l’entreprise Symetrix. Il s’agit
d’usagers-experts qui intègrent et utilisent les TICE dans leurs
pratiques quotidiennes et sont sensibilisés à la définition
de ce qu’est un scénario pédagogique.
L’intérêt d’utiliser des usagers-experts est
qu’ils sont à la fois en mesure de poser un regard critique sur la
proposition de formalisme et le prototype de soutien, mais aussi
d’identifier les différents contextes et les conditions dans
lesquels ces derniers peuvent être utiles et acceptables.
5.6.1.3. Modalités de collecte
L’usager remplit un premier questionnaire qui vise à
recueillir
ses connaissances sur différents types d’approches
pédagogiques, sur sa façon de formaliser son scénario et
sur son profil. Une première tâche consiste, dans le navigateur
d’ExploraGraph, à s’approprier le patron de
scénario "étude de cas" instancié et formalisé avec
la méthode des Pléiades. Un second questionnaire est posé
à l’issue de cette tâche, et il vise principalement à
définir si l’usager a pu s’approprier le patron "étude
de cas" et à quelles conditions. Une seconde tâche consiste
à adapter, dans l’éditeur, le patron de scénario
"étude de cas".
A l’issue de cette tâche, un troisième questionnaire est
posé et il vise d’une part, à définir si
l’usager a pu adapter le scénario et à quelles conditions,
et si la méthode des Pléiades et le formalisme associé sont
acceptables d’un point de vue sémantique et dans quelle mesure ils
peuvent être utiles à une tâche de réutilisation.
L’analyse des données se fait à partir des
éléments d’observation relevés lors de la tâche
d’adaptation, des réactions enregistrées lors des phases de
manipulation, et à partir des réponses aux questionnaires
(à chaque question correspond un critère). Les résultats
sont détaillés dans (Villiot-Leclercq,
2007),
et nous ne présentons dans ce présent article que les
résultats saillants.
5.6.2. Résultats sur l’apport du formalisme à
l’appropriation du scénario et sur son expressivité
Pour cette tâche, le formalisme des Pléiades a permis
aux
usagers d’avoir une vision claire du patron de scénario au point
que les usagers qui ne l’avaient jamais mis en œuvre se
déclarent capables de le concevoir et de l’utiliser avec des
élèves. Il a également permis aux usagers de se trouver en
situation familière lorsque ces derniers entraient dans
l’exploration de l’organisation du scénario. En effet, cette
dernière est "proche de l’organisation d’un module de
formation" et permet tout de suite d’appréhender le patron et "les
grandes lignes".
Concernant l’exemple de scénario formalisé avec la
méthode des Pléiades, il a été cité à
de nombreuses reprises en liaison avec l’organisation du scénario
qu’il semble venir renforcer en donnant une profondeur aux
intitulés de la structure. L’exemple illustre concrètement
les différentes entités du formalisme des Pléiades et leur
donne un surplus de sens. Il apparaît comme une aide à la
compréhension du formalisme dont il vient renforcer
l’utilité.
5.6.3. Résultats sur l’apport du formalisme à la
réutilisation et à la transférabilité du
scénario « étude de cas »
Dans l’environnement, l’usager avait à sa disposition un
ensemble d’éléments de soutien pour l’aider dans sa
tâche d’adaptation (suggestions, etc.). Or, l’apport du
formalisme semble plus fort que l’apport des différents artefacts
de soutien : l’organisation du scénario en regroupement
d’activités a été mise en première position
par six usagers sur huit.
Cet apport important est également mis en avant au
travers des
commentaires aux réponses au troisième questionnaire.
L’ensemble des usagers a le sentiment d’avoir réussi à réutiliser le patron de scénario proposé et à le transférer dans leur contexte de
conception et
d’apprentissage. Les arguments avancés portent sur
l’organisation du scénario ("scénario bien
formalisé", "logique de regroupement", "architecture"), sa
proximité avec des habitudes de conception qui le rend ainsi familier ( "adapté à ma façon de concevoir un
scénario"), et sa flexibilité dans la mesure où
cette structuration permet "d’ajouter ou de supprimer des choses sans
remettre en cause l’ensemble du scénario".
L’ensemble des usagers considère que le scénario
qu’ils ont produit est partageable, réutilisable au sein
d’une communauté de pratique et par eux-mêmes dans un autre
contexte. Les commentaires mettent l’accent sur la capacité du
formalisme des Pléiades à organiser le scénario de
façon claire et à le rendre familier d’un point de vue
sémantique, pédagogique et structurel :
"scénario structuré", "tous les éléments
importants pour la transmission ou le partage me semblent être
réunis", "vocabulaire simple mais partagé", "correspond à
peu près à un découpage séquences/activités
que l'on a l'habitude d'utiliser", "on a les grandes lignes, les
grandes
étapes", "méta-modèle", "il fait appel à une
structure type pour ce genre de scénario qui est facilement adaptable,
le
scénario utilise une structure générale qui peut servir de
modèle", "la méthode pédagogique est très
employée en éco-gestion, donc familière", "la
présentation hiérarchisée, regroupée,
séquencée facilite le travail de même que les liens
hypertexte», «structuration en regroupement d'activités".
Les résultats de l’observation de la tâche
d’adaptation mettent en avant les différents degrés de
réutilisation et de transférabilité. Certains usagers ont
peu modifié en indiquant que ce qui était décrit leur
convenait, tandis que deux autres usagers ont fait des modifications
conséquentes, un dernier usager a effectué près de
vingt-cinq modifications (suppression des activités, notamment dans la
pléiade "analyse du cas", changement de l’ordre des
activités). L’intérêt de ces résultats est
surtout qu’ils permettent de cerner l’objet de la
réutilisation et du transfert via les choix d’adaptation
effectués. Nos observations portaient sur trois axes :
l’activité d’apprentissage (constituant), l’ordre
(orchestration), et la pléiade (entité exprimée par sa
granularité). Nous avons considéré que l’adaptation
du contenu était systématique dans la mesure où les usagers
apportaient avec eux un contenu spécifique au scénario
qu’ils voulaient mettre en place, nous ne nous étendrons donc pas
sur cet aspect. La majorité des adaptations a porté sur les
activités (ajout, suppression, modification des intitulés) et
très peu sur les Pléiades, c’est-à-dire
l’entité elle-même regroupant des activités (2 ajouts,
1 suppression, 3 modifications de la valeur de l'étiquette "famille").
Cette adaptation très forte sur les activités, la partie
"constituants" dans nos propriétés révèle la
nécessité qu’a l’enseignant ou le concepteur de nommer
avec son langage les activités d’apprentissage dans des termes qui
lui sont familiers, de les ordonner selon ses propres schémas
cognitifs,
de donner au scénario une tonalité pédagogique
familière via des activités d’apprentissage dont il a
l’habitude et qu’il a déjà
expérimentées. Cette adaptation du scénario à un
contexte d’apprentissage et à des intentions pédagogiques
spécifiques affecte effectivement les valeurs de la
propriété pivot d’une entité, la
propriété constituant, mais en revanche, elle n’affecte pas
la structuration du scénario en entité signifiante.
L’organisation par entité signifiante a en effet été
maintenue par l’ensemble des usagers, conférant une certaine
unité structurelle à l’ensemble des scénarios
produits à l’issue de l’évaluation et leur permettant
d’être qualifiés de "réutilisables". Pourtant, chaque
usager a le sentiment d’avoir produit un scénario spécifique
à son contexte et à ses intentions.
Ces résultats viennent renforcer les premières pistes
dégagées lors de l’évaluation des deux premiers
formalismes proposés sur la nécessaire capacité d’un
formalisme à donner une vision claire de l’organisation et des
interactions entre les différents éléments du
scénario. Le formalisme des Pléiades permet de donner une
première réponse aux attentes exprimées par ce premier
groupe d’enseignants partenaires.
5.6.4. Le formalisme des Pléiades, vers la création
d’une zone de familiarité entre généricité du
langage et spécificité des intentions : un enjeu
sémantique
Ces derniers résultats montrent également que la
dimension
formelle, abstraite de la description n’est pas celle que veulent et
peuvent manipuler les praticiens, et que la puissance d’un formalisme
vient de sa capacité à s’adapter à la
spécificité de chaque enseignant ou concepteur (ses choix
terminologiques, ses choix pédagogiques, etc.) tout en
préservant une certaine unité et homogénéité,
voire généricité. La tension entre
spécificité et généricité naît, nous
semble-t-il, d’un manque de familiarité de l’usager à
la fois avec ce qui est présenté comme le formalisme de
description à utiliser et avec le résultat de la formalisation.
Or, les résultats de l’évaluation du formalisme des
Pléiades font apparaître très nettement que cette zone de
familiarité peut exister, notamment lorsque l’enseignant ou le
concepteur parvient à attribuer des valeurs spécifiques à
son contexte à des propriétés qui sont
génériques. Cette zone de familiarité se dessine lorsque
l’enseignant ou le concepteur s’approprie facilement un patron de
scénario formalisé avec les Pléiades et parvient à
l’adapter à son contexte, lorsqu’il arrive à projeter
le scénario adapté dans une boucle de réutilisations
possibles, soit par lui, soit par d’autres collègues.
La terminologie des propriétés du formalisme reste
relativement
générique afin de permettre à la description de maintenir
sa dimension formelle, gage d’une instrumentation possible des
scénarios. En revanche, les valeurs attribuées à ces
propriétés sont exprimées par l’enseignant ou le
concepteur avec leurs mots, leur langage, ou à partir de propositions
issues des travaux dans le domaine de l’apprentissage qui leur sont
tout
de même familières (notamment pour les stratégies).
Les résultats à la question sur les propriétés
nous montrent effectivement que certains termes choisis peuvent être
difficilement compréhensibles et nécessitent sûrement
d’être revus et enrichis par les différentes propositions des
usagers : "densité", "famille de regroupement", "constituant",
"orchestration", "statut", "éléments contextuels". En revanche,
ces termes posent un peu moins de problème lorsqu’ils sont
illustrés par une valeur correspondante. La majorité des usagers
déclare qu’ils n’auraient eu aucune difficulté
à modifier pour leur contexte les valeurs proposées dans le
tableau. Cette déclaration reste à valider, lors d’une
prochaine évaluation, par une véritable mise en situation qui
viserait à demander aux usagers, en situation de conception comme de
réutilisation, de donner ou de modifier les instances des
propriétés. Il est vrai que ces concepts peuvent être
ambigus et mériteraient d’être simplifiés. Nous sommes
conscients que l’expression des propriétés, bien que
formelle doit être accessible aux enseignants et aux concepteurs
pédagogiques.
Dans cette perspective, nous souhaitons, en interaction
avec des enseignants,
poursuivre notre travail de validation et améliorer dans ce sens
l’expression des propriétés afin que les choix
terminologiques ne soient pas un obstacle à l’utilisation de la
méthode.
6.
Conclusion
Dans cet article, nous avons proposé deux
formalismes de description des scénarios pédagogiques, un
formalisme narratif enrichi d’une part, et un formalisme graphique
enrichi
d’autre part. L’évaluation de ces deux formalismes a
débouché sur un ensemble de préconisations pour aller vers
un formalisme à la fois familier et en adéquation avec les
souhaits exprimés des enseignants et assez abstrait pour qu’il
permette aux scénarios ainsi formalisés d’être aussi
instrumentés par les TICE et réutilisables.
Nous avons ainsi élaboré le formalisme des Pléiades dont
nous avons présenté les grandes lignes et une première
évaluation. Il repose sur le principe que le scénario peut
être perçu a priori et a posteriori comme un ensemble
d’entités qui ont une forme et un sens, ensemble ou
indépendamment, pour chacun d’entre nous, selon notre perception
personnelle et selon nos intentions respectives. Ces entités sont
constituées d’une activité ou d’un regroupement
d’activités d’apprentissage qui font sens les unes par
rapport aux autres. Ce formalisme vise à répondre à la
contrainte d’explicitation de ce que le concepteur veut faire tout en
demeurant relativement proche des habitudes des enseignants, ce qui
peut
être difficilement réalisable dès que l'on s'approche
d'expressions formelles. En ce sens, ce formalisme est un intermédiaire
entre un mode d’expression de type narratif, proche de celui des
enseignants et un mode d’expression « machine ». En effet,
le formalisme des Pléiades vise à maintenir la création
d’énoncés et leur mise en interaction, préservant
ainsi l’expression du sens, à l’inverse d’un mode
d’expression de type langage de modélisation où le sens,
pour l’enseignant, est découpé et dispersé parmi une
multitude d’énoncés déconnectés les uns des
autres.
L’évaluation du formalisme des Pléiades constitue une
première évaluation et vise à montrer à la fois
l’expressivité du formalisme des Pléiades et sa
capacité à favoriser la transférabilité et la
réutilisation des scénarios dans des contextes de conception et
d’apprentissage différents. Ces premiers résultats devront
évidemment être consolidés par d’autres
expérimentations avec un public plus élargi, au sein de situations
d’apprentissage collaboratives (David et al., 2008) ce qui permettra de renforcer le formalisme et de confirmer la zone de
familiarité à la fois cognitive et sémantique qui
s’est dessinée à l’issue de cette première
évaluation. Un autre travail en cours est d’évaluer la
capacité effective du formalisme à exprimer des scénarios
qui pourront par la suite être opérationnalisés via des
langages de modélisation pédagogique comme LDL et IMS-LD.
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propos des auteurs
Emmanuelle VILLIOT-LECLERCQ
est Docteur en Information,
Cognition et Apprentissage de l’Université Joseph Fourier de
Grenoble et Ph.D. en Didactique de l’Université de Montréal.
Après avoir exercé des charges d’enseignante en lettres dans
le secondaire, de formatrice TICE à l’IUFM de Grenoble et
d’assistante de recherche au LICEF et à HEC Montréal, elle
travaille actuellement comme consultante e-learning R&D dans la
société Symetrix, et elle est à ce titre
détachée partiellement comme Ingénieur de Recherche dans
l’équipe METAH du laboratoire LIG de l’Université
Joseph Fourier sur la problématique de la scénarisation
pédagogique. Ses intérêts de recherche couvrent le domaine
des EIAH (Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain) et
du
soutien à la conception de scénarios pédagogiques.
Adresse : LIG,
Bureau 211, Bât. C
,110 av. de la chimie – Université Joseph Fourier, BP 53 - 38041
Grenoble
Courriel : emmanuelle.villiot-leclercq@imag.fr
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