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Un cadre conceptuel et logiciel
pour la construction
d’environnements d’apprentissage collaboratifs
Jacques LONCHAMP LORIA,
Nancy
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RÉSUMÉ : La
diffusion effective de l’apprentissage collaboratif assisté par
ordinateur exige de passer d’une première génération
d’outils ad hoc, spécialisés et fermés à des
environnements beaucoup plus génériques, ouverts et
malléables. Ces environnements doivent en outre s’intégrer
à des ensembles plus vastes dédiés à
l’accompagnement des communautés d’intérêt et de
pratique indispensables pour former et guider concrètement les
enseignants concernés. Cet article définit un cadre conceptuel
pour l’apprentissage collaboratif puis une architecture fonctionnelle
reflétant cette vision et enfin un système qui implante cette
architecture.
MOTS
CLÉS : Apprentissage
collaboratif, CSCL, cadre conceptuel, généricité,
malléabilité, modélisation, communauté de pratique,
communauté d’intérêt. |
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ABSTRACT : Effective
dissemination of computer-supported collaborative learning requires
replacing a
first generation of ad hoc, specialized, and closed tools with generic,
open,
and malleable environments. Moreover, these environments should be
integrated
into larger systems aiming at supporting the communities of interest
and
communities of practice necessary for educating and guiding interested
teachers.
This paper firstly describes a conceptual framework for collaborative
learning.
It then proposes a functional architecture conveying that vision and
finally a
system that implements that architecture.
KEYWORDS : Collaborative
learning, CSCL, conceptual framework, genericity, malleability,
modelling,
community of practice, community of interest.
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1. Introduction
L’apprentissage
collaboratif assisté par
ordinateur ou Computer-Supported Collaborative Learning (CSCL) a
émergé en tant que champ de recherche multidisciplinaire au cours
des années 90 (Koschmann, 1996).
On a pu observer, durant la première décennie de son
développement, une production foisonnante de systèmes ad hoc
correspondant à des recherches focalisées à un niveau microscopique sur des situations
d’apprentissage données,
des contextes particuliers et cherchant à susciter des processus
d’apprentissage spécifiques (Lonchamp, 2006a).
Leur évaluation s’est fondée principalement sur le paradigme
expérimental, via des analyses statistiques de variables en relation
avec
les processus d’apprentissage, et plus marginalement sur des analyses
descriptives dans la tradition de l’ethnométhodologie (Stahl et al., 2006a).
Ces premiers travaux ont permis de faire émerger des concepts,
pratiques
et mécanismes d’intérêt général pour le
domaine. Au niveau macroscopique des politiques et
des processus
institutionnels, l’apprentissage collaboratif assisté par
ordinateur s’est imposé dans les esprits comme une voie possible
pour préparer les hommes à la société de la
connaissance, pour favoriser des apprentissages plus en profondeur que
dans les
démarches traditionnelles et pour mieux répondre aux attentes de
la ‘net génération’ (Resta et
Lafferière, 2007).
Le défi à relever aujourd’hui semble se situer à un niveau intermédiaire (Jones et al., 2007),
où doivent être inventées des approches et technologies
orientées vers la diffusion effective des pratiques
collaboratives de
l’apprentissage. Un certain consensus existe autour de
l’idée que les outils ad hoc, hyper spécialisés et
fermés doivent céder la place à des environnements "plus
riches et appropriés à des situations, conditions et contextes variés" (Dimitracopoulou, 2005),
"reconfigurables, adaptatifs, et offrant des collections d’affordances
et
de formes de guidage flexibles" (Suthers, 2005),
"très flexibles et adaptables" (Lipponen, 2002).
En effet, on imagine difficilement avoir à s’approprier un outil
différent pour chaque variante d’activité
d’apprentissage en collaboration. Ces futurs environnements
génériques et malléables devraient en outre pouvoir
s’intégrer au sein d’ensembles plus vastes
dédiés à l’accompagnement des communautés
d’intérêt et de pratique, indispensables pour former et
guider concrètement les enseignants souvent désarmés face
à ces nouvelles modalités d’apprentissage (Haatainen
et Korhonen, 2002).
C’est la voie qui est explorée ici. Cette recherche, située
au niveau intermédiaire entre approches microscopiques et
macroscopiques,
s’inscrit assez naturellement dans la tradition de la conception
itérative, caractérisée par une interaction entre
théories en cours d’élaboration et expérimentations
de prototypes successifs qui explorent l’espace des conceptions
possibles (Stahl et al., 2006a).
Cet article est structuré en quatre parties. La première
partie, section 2, définit le cadre conceptuel dans lequel
s’inscrit la recherche. Pour ce faire, les notions de collaboration et
d’apprentissage collaboratif sont tout d’abord explicitées.
Puis, une certaine vision de l’apprentissage collaboratif est
présentée, à travers les concepts de construction
collaborative des connaissances, de médiation par les artefacts,
d’étayage distribué, de construction collective de
l’activité et de son support. Cette analyse est
synthétisée en une douzaine de propriétés requises
fondamentales. La deuxième partie décrit une architecture
fonctionnelle visant à satisfaire ces propriétés requises.
Elle s’articule autour d’un noyau réflexif multi
modèles supportant les exceptions, de clients offrant un espace
d’interaction dual pour le partage étayé d’artefacts
et d’idées, et d’une plateforme d’accueil pour la
conception, la pratique, l’évaluation et la dissémination de
l’apprentissage collaboratif. La partie suivante discute la conception
détaillée d’un certain nombre d’aspects essentiels de
cette approche en faisant ressortir les apports les plus originaux.
Enfin, la
dernière partie décrit l’état actuel de la
réalisation, résultat d’un processus itératif de
conception et d’évaluation dont la continuation est
discutée.
2. Un cadre conceptuel
2.1. Collaboration et apprentissage collaboratif
Le concept de
collaboration mérite tout
d’abord être précisé. Selon Ingram et Hathorn, trois
conditions de base doivent être satisfaites pour que l’on puisse
parler de collaboration (Ingram et
Hathorn, 2004).
La première condition est une participation sensiblement
égale
de tous les apprenants. Si une seule personne ou un petit
nombre de
personnes monopolise la participation au détriment des autres, il est
difficile de parler de collaboration. La seconde condition réside dans
l’existence d’une véritable interaction entre les
apprenants. Il n’y a collaboration que s’il existe des
influences réciproques dans les processus cognitifs, perceptibles par
exemple à travers des références explicites ou implicites
aux contributions des autres. La troisième condition est la production
d’un résultat qui va au-delà de la simple somme des
contributions individuelles. La collaboration est plus que le
simple
échange d’informations ou d’idées. Elle implique la
synthèse des apports individuels débouchant sur un résultat qu’aucun participant n’aurait pu produire seul (Kaye, 1992),
c'est-à-dire sur la production de connaissances nouvelles par le
collectif.
Pour Dillenbourg, l’apprentissage collaboratif implique
quatre
ingrédients qui recoupent et prolongent la caractérisation
précédente de la collaboration (Dillenbourg, 1999) : (1) une situation collaborative, avec un groupe
d’apprenants
participant activement à une tâche commune, (2) des interactions collaboratives entre apprenants,
(3) des processus ou
mécanismes d’apprentissage collaboratifs, comme par exemple
la
résolution de conflits socio cognitifs, (4) l’ensemble
débouchant sur des effets mesurables à la fois
pour les
individus et pour le groupe. La situation collaborative,
artificiellement
créée contrairement au cas du travail collaboratif, doit
privilégier des formes d’interaction pouvant conduire à la
stimulation de mécanismes d'apprentissage. Elle nécessite de
réfléchir à :
- la taille des groupes la plus
favorable à la collaboration,
a priori plutôt faible,
- la durée d’activité de ces
groupes, a priori
plutôt courte,
- la composition des groupes, soit
homogène soit tirant parti
d’une certaine variété des connaissances et des
compétences,
- la nature de la tâche,
encourageant par exemple la
pensée critique,
- la diversité des actions que les
apprenants sont
autorisés à entreprendre, à travers un rôle unique ou
une diversité de rôles,
- la division de la tâche, en
notant que la séparation
programmée à l’avance en sous-tâches individuelles
avec un simple assemblage final des résultats obtenus correspond
plutôt à ce que l’on désigne sous le vocable
d’apprentissage coopératif.
De la même manière, au niveau des interactions
collaboratives,
il faut réfléchir à :
- leur mode, a priori plutôt
synchrone qu’asynchrone, en
tout cas dans la perception qu’en ont les participants,
- leur nature, a priori plutôt
négociable
qu’imposée et impliquant de ce fait une communication à
propos de la communication ou méta-communication (Bateson, 1973).
Dans une approche générique, la conception de
la situation
doit le plus possible être laissée à la discrétion
des enseignants. Il en va de même de la structuration
des
interactions, du procédé à suivre et de la manière
d’appréhender les effets de la collaboration. On y reviendra
dans la suite. Reste, pour tout environnement centré sur
l’apprentissage collaboratif, à créer les conditions de base
permettant à toutes les formes de collaboration de
s’établir, à savoir, (R1) une participation la plus
égale possible de tous les apprenants, (R2) une
interaction
véritable entre les apprenants et (R3) un processus
de
construction collaborative de connaissances. La section
suivante approfondit
ce dernier point.
2.2. La construction collaborative de connaissances
De nombreuses théories tentent d’expliquer comment des
connaissances nouvelles peuvent émerger au sein d’une
communauté (Paavola et al.,
2002).
Parmi celles-ci, le modèle de création des connaissances au sein
des organisations de Nonaka et Takeuchi se fonde sur la différenciation
entre connaissances tacites et connaissances explicites (Nonaka et
Takeuchi, 1995).
La connaissance tacite est définie par Polanyi comme non
verbalisée, intuitive, non articulée (Polanyi, 1962) et donc difficilement transférable (Spender, 1996).
Elle inclut un forte part de subjectivité (impressions, intuitions,
croyances, valeurs, émotions, tours de mains). Au contraire, la
connaissance explicite peut être codifiée. Elle est stockée
dans des artefacts matériels (textes, schémas, bases de
connaissances). Elle peut être transférée à travers
des moyens systématiques, comme des règles et des
procédures (Polanyi, 1962).
Le modèle de Nonaka et Takeuchi décrit le processus de
création de connaissances comme une spirale avec des allers-retours
répétitifs entre connaissances tacites et explicites, grâce
à quatre formes de conversion (cf. figure 1) :
- la socialisation ou conversion d'une connaissance tacite
vers une nouvelle connaissance tacite, essentiellement par le partage
des
expériences personnelles,
- l’externalisation ou conversion d'une connaissance
tacite en une connaissance explicite (concepts, modèles, théories
...),
- la combinaison ou conversion d'une connaissance
explicite en une autre connaissance explicite ; la
connaissance est
discutée, travaillée, reliée, repensée et
réutilisée sous une autre forme,
- l'internalisation ou conversion d'une connaissance
explicite en une connaissance tacite par intériorisation/assimilation
comme un schéma cognitif personnel.
Figure
1 • Le modèle de Nonada
et Takeuchi
Tout environnement d’apprentissage collaboratif doit
donc (R3.1) faciliter la socialisation c'est-à-dire les
échanges
informels de subjectivités, d’émotions, d’opinions, de
doutes, etc., (R3.2) faciliter l’externalisation par la
formalisation de la connaissance et sa justification, (R3.3) faciliter
la
combinaison par la comparaison, la synthèse, la
réorganisation, la généralisation et (R3.4) faciliter
l’internalisation, avec par exemple des moyens d’exploration
de
la connaissance et des moyens facilitant la réflexion personnelle.
2.3. La médiation par les artefacts
D’autres théories relatives à la construction collective
de connaissances, comme la théorie du knowledge-building (Bereiter, 2002),
mettent au centre du processus la création, le développement et la
discussion d’artefacts conceptuels (idées,
méthodes,
théories, modèles). Les points de vue contradictoires sont
fondamentaux dans ce processus d’élaboration des connaissances. Les
discussions autour des artefacts incluent le questionnement, la
proposition, la
justification, la critique, la clarification, la négociation,
l’agrément, la remise en cause, etc. Ce processus
d’élaboration est grandement facilité par la matérialisation des connaissances sous forme d’artefacts
(numériques) partagés ou shared knowledge artefacts (Paavola et al.,
2002).
Ces artefacts partagés ont des fonctions multiples de point de
focalisation, de mémoire, de contrainte et d’incitateur. On peut
noter au passage que certains artefacts produits ne contribuent pas
directement
à la construction des connaissances mais servent à négocier
les cadres de référence dans lesquels s’inscriront les
apprentissages (glossaires, taxonomies, modèles de domaines,
ontologies).
Miao propose un modèle conceptuel de l’apprentissage
collaboratif centré sur la médiation par les artefacts (Miao, 2000),
illustré par la figure 2. Les flux d’information
appelés ‘représentation’ et ‘exploration’
concrétisent les processus d’externalisation-internalisation de
Nonada et Takeuchi. La connaissance dans les mémoires individuelles des
apprenants et dans l’artefact numérique partagé peut
être dans un état ‘cohérent’ ou
‘incohérent’. La notion d’incohérence doit
être comprise ici de manière très large et recouvre tous les
aspects susceptibles de déclencher une réaction de
l’apprenant comme l’incomplétude, l’imprécision,
la contradiction, etc. Les conflits au niveau collectif conduisent à la
négociation d’un nouvel état cohérent pour
l’artefact partagé (par combinaison). Les conflits au niveau
individuel qui peuvent résulter de ces évolutions des artefacts
partagés, ou dissonances cognitives (Festinger, 1957),
conduisent à la construction de nouveaux schémas cognitifs
personnels caractérisant le processus d’apprentissage. Miao
dérive de ce modèle conceptuel trois familles de
propriétés requises pour tous les environnements
d’apprentissage en collaboration : faciliter la
représentation
de la connaissance (R3.2), faciliter l’exploration
de la
connaissance (R3.4) et faciliter la négociation
entre
apprenants (R3.3).
Figure
2 • Le modèle conceptuel
de Miao
Les artefacts numériques partagés ont des
propriétés physiques qui favorisent certains usages, modes de
pensée et objectifs (affordances). Suthers a
expérimentalement analysé comment les formes de
représentation utilisées par les apprenants peuvent influencer
leur collaboration, en face à face et à distance (Suthers et al.,
2003).
Par exemple, dans une collaboration en ligne avec Belvedere, le graphe
de
croyance apparaît être utilisé directement pour introduire de
nouvelles idées sans discussion préalable avec le chat. Ce dernier
outil sert essentiellement pour de brefs dialogues de confirmation ou
bien dans
les situations exceptionnelles ou problématiques qui nécessitent
une réflexion au niveau méta cognitif. Dans des
expérimentations plus récentes, Suthers montre comment certains
traits suggérés par les théories de la construction
collaborative de connaissances sont observés expérimentalement
lors de la manipulation en ligne des graphes de croyance (Suthers, 2006) : différences d’interprétation, construction d’un
terrain de compréhension partagé ou grounding (Clark et
Brennan, 1991),
enchaînements de transformations conduisant à une solution
partagée.
Dans une approche générique, l’environnement doit offrir
la possibilité de définir de nombreux types de
représentations externes et de les adapter à tout moment aux
besoins. Il doit offrir également la possibilité de manipuler
simultanément plusieurs vues complémentaires, soit
partielles,
soit situées à des niveaux d’abstraction différents,
soit correspondant à des systèmes de représentation
différents. Les rapprochements de vues ou les conversions entre vues
peuvent en effet être générateurs d’apprentissages.
Cette multiplicité des vues crée une nouvelle catégorie de
conflits, les conflits inter-vues, et complique les problèmes de
deixis,
c'est-à-dire de référencement des éléments
et actions au sein de l’espace partagé. La figure 3
complète le modèle conceptuel de Miao en intégrant ces
éléments et en rendant explicite la conjugaison tout à fait
essentielle entre communication interpersonnelle directe et
communication
indirecte via les artefacts numériques partagés.
Figure
3 • Le modèle conceptuel
étendu
2.4. L’étayage distribué
L’étayage traditionnel (scaffolding)
s’appuie sur
les enseignants et les documents de support à l’enseignement.
Quelques travaux ont tenté de caractériser ce type
d’étayage au niveau conceptuel. Bruner, par exemple, s’appuie
sur le concept de zone proximale de développement introduit par
Vigotsky,
c'est-à-dire de différence entre ce qu’un apprenant peut
faire seul et lorsqu’il est guidé par un tuteur (Vigotsky, 1978).
Il identifie six fonctions caractérisant ce soutien
provisoire à l’activité de l’apprenant par le tuteur,
orientées vers la motivation et le contrôle du processus (Bruner, 1983) :
l’enrôlement qui consiste à engager
l’intérêt et l’adhésion aux exigences de la
tâche, la réduction des degrés de liberté, la
démonstration (présenter des modèles de solutions), le
maintien de l’orientation, la signalisation des caractéristiques
déterminantes (faire comprendre les écarts) et le contrôle
de la frustration (éviter une trop grande dépendance à
l’égard du tuteur).
Aujourd’hui, de nombreux travaux s’intéressent au
potentiel des environnements informatisés pour apporter ce genre de
soutien aux apprenants engagés dans des activités collaboratives
d’apprentissage, ou ‘étayage logiciel’. C’est
souvent la tâche elle même, par son authenticité, qui est
censée assurer l’essentiel de la motivation. Le reste de
l’étayage n’est plus fourni par un enseignant unique mais distribué entre de nombreuses personnes (tuteurs et pairs) ainsi que des outils et des ressources. Puntambekar qualifie
cette situation
nouvelle d’étayage distribué (Puntambekar
et Kolodner, 2005).
Tout environnement d’apprentissage collaboratif doit faciliter (R4) l’étayage logiciel des apprenants et (R5) l’étayage interpersonnel tuteur-apprenant et
apprenant-apprenant. Pour Reiser l’étayage des apprenants
inclut des aspects liés à la structuration de la
tâche (planification, décomposition) et à la problématisation des concepts (Reiser, 2002).
Il s’agit de forcer l’apprenant à considérer certains
aspects comme des éléments à analyser, à
catégoriser, à relier à d’autres, etc.
L’étayage consiste donc tout à la fois et selon les cas
à simplifier la tâche ou à la rendre plus difficile pour
éviter que les apprenants restent à la surface des choses. De
manière plus analytique, le Scaffolding Design Framework (Quintana et al.,
2002) propose un ensemble de stratégies d’étayage articulé
autour des trois défis cognitifs majeurs pour les apprenants que
constituent la gestion du procédé collectif, la
compréhension (sense-making) et l’explicitation
(articulation). La table 1 résume ces stratégies.
2.5. La construction collective de l’activité et de son
support
La théorie de l’activité explique que la structure de
toute activité collective, décrite par Engeström en termes de
sujets, outils, objet (au sens de motivation), règles, communauté
et division du travail, est dynamique et évolue en permanence (Engeström, 1987).
Les règles, par exemple, peuvent être contournées,
renégociées et redéfinies. Concernant les outils, Jonassen
souligne qu’ils changent l’activité et sont à leur
tour modifiés par l’activité (Jonassen et
Rohrer, 1999).
Les sujets conduisent ces évolutions pour répondre aux nouveaux
besoins et aux contradictions qui apparaissent pendant le déroulement
de
l’activité. De nouvelles activités peuvent apparaître.
Engeström qualifie d’apprentissage expansif le processus
répété de production de nouvelles activités (Engeström, 2001).
Défis cognitifs |
Stratégies d’étayage |
La gestion du
procédé collectif |
Structurer les tâches (activités possibles, plans,
visualisations, ...)
Fournir des connaissances expertes sous la forme de conseils et guides
(sur
le contenu, le processus ainsi qu’au niveau méta cognitif)
Automatiser les tâches routinières |
La compréhension |
Se fonder sur la sémantique de la discipline
(concepts et
stratégies)
Utiliser des représentations visuelles, manipulables, multi-vues
Utiliser des représentations et une terminologie adaptées |
L’explicitation |
Faciliter l’explicitation des représentations
(invites
–prompting, gabarits de saisie – templates ...)
Faciliter l’explicitation des plans de travail et le monitoring |
Table 1. Le cadre
conceptuel de Quintana.
Un environnement de support à la coopération ne peut
donc pas
être conçu entièrement avant usage. Il doit pouvoir
être adapté aux évolutions de l’activité
impulsées par ses utilisateurs, correspondant à des changements
d’objectif, de moyens, de règles, de division du travail, etc. et
à la création de nouvelles activités. En informatique, on
parle de malléabilité des systèmes pour
désigner cette adaptabilité et cette flexibilité offertes
aux utilisateurs finaux (Bourguin, 2000).
Dans une approche générique on peut distinguer la malléabilité définitionnelle qui consiste à
adapter le système au contexte statiquement avant son utilisation et la malléabilité opérationnelle qui consiste à
faire évoluer le système dynamiquement pendant son fonctionnement.
La malléabilité définitionnelle permet aux
enseignants-concepteurs de définir, en tenant compte du contexte de
leur
intervention, une situation d’apprentissage, une certaine structuration
des interactions, un procédé à suivre et une certaine
manière d’appréhender les effets de la collaboration (cf.
section 2.1). La malléabilité opérationnelle permet aux
enseignants-tuteurs et aux apprenants d’adapter en permanence
l’activité et son support informatisé.
Toutes les tâches de conception, préparation, mise en
œuvre, adaptation et évaluation de l’activité et de son
support constituent un méta-procédé constitué
de méta-activités. Bardram en souligne le caractère
collectif à travers le concept de ‘co-construction’ (Bardram, 1998).
Dans le contexte spécifique des environnements d’apprentissage
collaboratif on peut penser à des méta-activités
collectives de conception de la situation et du procédé
d’apprentissage, d’adaptation statique du système
support en fonction de cette conception, de
monitoring du processus
d’apprentissage avec adaptation dynamique du support, de
post-analyse des résultats du processus d’apprentissage et de
développement pédagogique des enseignants au sein de
communautés de pratique et d’intérêt. Rappelons
qu’une communauté de pratique est une communauté
centrée autour d’une activité particulière, avec une
durée de vie égale à celle de l’activité. Elle
regroupe experts et débutants, ces derniers apprenant grâce au
soutien des premiers et grâce à une participation au départ
périphérique puis de plus en plus centrale à mesure de
l’acquisition des savoirs et des compétences (Lave et Wenger,
1991).
Au contraire, une communauté d’intérêt est un
réseau pérenne, centré sur un domaine et reflétant
une variété de points de vue. Elle permet un apprentissage par le
débat et la discussion qui va bien au delà du seul partage
d’informations (Arias et al., 1999).
Tout environnement d’apprentissage collaboratif doit donc (R6) être conçu pour l’évolution et offrir un haut
niveau de malléabilité, à la fois (R6.1) définitionnelle, dans le cas d’un
environnement
générique, et (R6.2) opérationnelle, ainsi
qu’un (R7) support aux méta-activités et aux
communautés de pratique et d’intérêt.
3. La conception générale
Dans le cadre
conceptuel précédemment
défini, l’objectif poursuivi peut être reformulé comme
étant la conception et la réalisation d’un système
facilitant la création et l’utilisation d’environnements
d’apprentissage malléables orientés vers la construction
collaborative de connaissances via le partage d’artefacts et
l’étayage distribué. Cette section présente les
choix généraux de conception effectués pour satisfaire
l’ensemble des caractéristiques requises reprises dans la table
2.
Réf. |
Caractéristiques requises |
R1 |
Favoriser une participation la plus égale possible
de tous les
apprenants |
R2 |
Favoriser une interaction véritable entre les
apprenants |
R3
R3.1
R3.2
R3.3
R3.4 |
Faciliter la construction collaborative de
connaissances nouvelles à
travers :
la socialisation (échanges informels entre apprenants)
l’externalisation (représentation de la connaissance –
multiple, adaptable, simultanée)
la combinaison (négociation entre apprenants)
l’internalisation (exploration de la connaissance) |
R4 |
Faciliter l’étayage logiciel des apprenants
(procédé, compréhension, explicitation) |
R5 |
Faciliter l’étayage interpersonnel
tuteur-apprenant et
apprenant-apprenant |
R6
R6.1
R6.2 |
Etre conçu pour l’évolution et offrir un haut
niveau de
malléabilité :
définitionnelle
opérationnelle |
R7 |
Offrir un support aux méta-activités (de
conception,
d’instanciation, d’exécution, de post-analyse, ...) et aux
communautés de pratique et d’intérêt. |
Table 2. Les
caractéristiques requises de
base
3.1. Un noyau réflexif multi modèles gérant les
exceptions
Comme expliqué précédemment à la section 2.5, un
système malléable (R6) est modifiable par ses utilisateurs, y
compris pendant son utilisation (malléabilité
opérationnelle – R6.2). On distingue trois approches principales
pour implanter la malléabilité (Mörch, 1995) : le paramétrage, l’intégration de
composants et la réflexivité. Le paramétrage consiste à
sélectionner une ou plusieurs valeurs d’un ensemble
prédéfini permettant d'adapter le système. Le concepteur du
système doit donc anticiper tous les besoins possibles, ce qui
n’est pas réalisable dans la plupart des cas.
L’intégration permet à l’utilisateur
d’incorporer et lier au système des composants, tels les plug-ins des navigateurs, de manière plus ou
moins transparente
et, dans certains cas, ‘à chaud’. En produisant de nouveaux
composants on peut répondre à des besoins émergeants. Mais
l’effort demandé pour le développement d’un composant
et son intégration est en général très
conséquent. La manière la plus directe d’assurer la
conformité d’un système à la structure
évolutive d’une activité, au sens de la théorie de
l’activité, est de le concevoir comme un système
réflexif. Un système réflexif inclut une
représentation explicite, ou modèle, de
l’activité qu’il supporte. Son comportement dépend de
cette représentation continûment testée et change quand la
représentation est modifiée, grâce à la relation
causale qui est implantée entre le modèle et le comportement du
système (Maes, 1987).
C’est l’approche de base retenue dans la proposition décrite
ici, complétée par du paramétrage pour certaines
adaptations de détail qu’il est possible d’anticiper.
La conception d’un méta-modèle (modèle de
modèle) permettant de modéliser toutes les activités
d’apprentissage collaboratif en vue d’une interprétation par
la machine et par l’homme constitue le défi majeur de ce type
d’approche. Dans le champ plus large du e-learning,
le
méta-modèle IMS Learning Design à trois niveaux a
été critiqué à la fois pour sa grande
complexité et pour son incomplétude, particulièrement pour
ce qui concerne la modélisation des activités en collaboration (Hernandez et
al., 2004).
La solution proposée ici associe un (sous-)modèle pour chaque
facette de l’activité d’apprentissage collaboratif en
reprenant l’analyse de Dillenbourg évoquée à la
section 2.1 : modèle de procédé, modèle
d’interaction, modèle d’artefact et modèle des
effets. Cette approche multi modèles permet de fournir des
moyens
d’adaptation définitionnels répondant aux besoins et aux
capacités de toutes les catégories d’utilisateurs :
- réutilisation pure et simple de
modèles
prédéfinis,
- construction de modèles par
combinaison de
sous-modèles de bibliothèque, c'est-à-dire en suivant un processus de configuration à un très haut niveau
d’abstraction,
- définition/adaptation de
sous-modèles grâce
à des langages visuels de haut niveau,
- développement complet de
sous-modèles avec le
langage de spécification de bas niveau, pouvant intégrer, comme on
le montrera ultérieurement, une part de programmation.
Le noyau réflexif proposé, nommé Omega+, permet de
générer des environnements client/serveur
spécialisés pour les situations et processus d’apprentissage
collaboratif synchrone définis par ces modèles. Il procure
également un ensemble d’outils prédéfinis (chat,
éditeur de texte partagé, tableau blanc partagé,
éditeur générique d’artefacts partagé) et de
mécanismes (contrôle du tour de parole, outils avancés de
référencement, de monitoring, de conscience de groupe)
sélectionnables et paramétrables, pour une adaptation fine aux
besoins de tel ou tel contexte. Il combine malléabilité via
les
modèles (statique et dynamique) et malléabilité via
la prise en compte des situations exceptionnelles. Par
exemple, dans le cas
où un protocole de prise de parole circulaire est en vigueur, il est
possible de sauter un participant du cercle quand il est temporairement
indisponible. Ce type de changement ponctuel ne remet pas en cause le
modèle d’interaction mais relève des mécanismes de
prise en compte des situations exceptionnelles. Un grand nombre de
contraintes
dérivant des modèles peuvent être inhibées ou contournées grâce à des mécanismes ad-hoc,
avec une information des autres participants assurée par le
système. La table 3 résume ces différentes formes de
malléabilité.
Actions |
Types de malléabilité |
Auteurs |
Objectifs |
Création/évolution d’un modèle en
bibliothèque |
définitionnelle |
Enseignant concepteur |
Enrichissement ou amélioration |
Adaptation d’un modèle lors de son instanciation |
définitionnelle |
Enseignant concepteur |
Adaptation spécifique à un contexte donné avant
utilisation |
Modification d’un modèle en cours d’exécution |
opérationnelle |
Tuteur enseignant ou élève |
Adaptation pour réagir à des circonstances
d’utilisation
données |
Contournement de contraintes par un mécanisme
ad-hoc |
opérationnelle |
Tuteur enseignant ou élève |
Adaptation pour réagir à un événement
exceptionnel |
Réglage de paramètres |
opérationnelle |
Tuteur enseignant ou élève |
Personnalisation dans les cas simples |
Table 3. Les
différentes formes de
malléabilité.
3.2. Un espace d’interaction dual pour le partage étayé
d’artefacts et d’idées
Le noyau
réflexif offre du côté
client un espace d’interaction dual, comprenant un
espace de
communication et un espace de travail (Dillenbourg et
al., 2005).
Cet espace dual permet la construction collaborative de connaissances à
la fois par la communication directe, dans l’espace de communication,
et
par la communication indirecte, via la construction collective
d’artefacts
dans l’espace de travail. Certains travaux démontrent qu’il
n’est pas facile pour les apprenants d’utiliser de manière
efficace un tel espace dual pour les échanges cognitifs et méta
cognitifs, même dans le cas le plus simple d’un chat et d’un
tableau blanc, et que différentes formes d’étayage peuvent
s’avérer utiles (Dillenbourg
et Traum, 1999).
Cette section discute les principaux choix de conception retenus pour
l’espace d’interaction dual offert par Omega+ à partir des
caractéristiques requises R1 à R5.
3.2.1. Favoriser une participation la plus égale
possible
La communication directe peut être contrainte par des
protocoles, soit
prédéfinis, soit ad-hoc c'est-à-dire
spécifiés via les modèles d’interaction. Par exemple,
l’égalité de participation est imposée par le
protocole d’interaction prédéfini de prise de parole
circulaire (Fuks et al., 2006).
Les protocoles ad-hoc incluant des rôles applicatifs tels que
‘présentateur’, ‘critique’,
‘réviseur’, ‘synthétiseur’, sont un autre
moyen de réguler la participation (Pfister et
Mülpfordt, 2002),
surtout lorsque ces rôles tournent entre les participants.
Par ailleurs, dans un espace dual, les protocoles
peuvent être
étendus pour contrôler à la fois la communication directe et
la communication indirecte : le ‘droit de parler’ est alors
étendu au ‘droit d’agir’ sur les artefacts
partagés (Lonchamp, 2007a).
D’une manière moins contraignante, les outils
métacognitifs permettant de visualiser les caractéristiques de la
participation peuvent également inciter les acteurs à
s’impliquer, soit directement par auto régulation, soit via
l’intervention d’un tuteur (Jermann, 2004).
Ces outils-métacognitifs sont définis en Omega+ via les
modèles des effets.
3.2.2. Favoriser une interaction véritable
La structuration du dialogue à l’aide d’ouvreurs de
phrase
– sentence openers (Soller, 2001) ou
de marqueurs sémantiques paramétrables est un premier moyen simple
offert par Omega+ pour inciter à une interaction effective :
questionnements, demandes de clarification, agréments, oppositions,
etc.
Les messages typés et les rôles applicatifs des
protocoles
spécifiés par des modèles explicites constituent un second
moyen pour susciter des formes particulières d’interaction. Par
exemple, jouer le rôle de relecteur incite à recourir à des
interactions du type ‘corriger’, ‘compléter’ ou
‘commenter’ (O’Donnel et
Dansereau, 1992).
Certains artefacts spécialisés, comme les
représentations explicites d’espaces de débat entre
apprenants (Baker et al., 2003),
peuvent également jouer ce rôle incitatif dans le cadre de la
communication indirecte.
Enfin, les moyens permettant de référencer aisément une
contribution à partir d’une autre (référencement
inter-outils et inter-espaces) facilitent certaines formes
d’interaction,
comme les réactions ou les questionnements (Lonchamp, 2007b).
3.2.3. Faciliter la construction collaborative des
connaissances
La socialisation (R3.1), c'est-à-dire les échanges
informels de
subjectivités, d’émotions, d’opinions, de doutes,
etc., n’est pas facile lorsque les apprenants ne sont pas en situation
de
face à face. L’ajout de canaux audio/vidéo en
complément à un chat traditionnel a des effets complexes à
analyser selon de nombreuses analyses. (Scholl et al., 2006),
par exemple, ne note pas d’effet mesurable sur la régulation du
dialogue et des effets sur le contenu de la tâche fortement
dépendants de la qualité de la vidéo. Le chat et le tableau
blanc partagé restent donc les outils de base standards pour les
échanges informels en situation distribuée.
L’externalisation (R3.2) est facilitée par la
variété des types d’artefacts offerts. Leur spectre va du
plus faiblement structuré, comme les graphes de concepts ou les
approches
fondées sur la métaphore de la carte (Cox et
Greenberg, 2000),
jusqu’aux modèles formels dotés d’une
sémantique opérationnelle permettant de les animer, comme les
réseaux de Petri. Il est important que tous ces types d’artefacts,
quels que soient leurs degrés de formalité, puissent être
définis à la discrétion des enseignants via les
modèles d’artefacts, en exploitant des ontologies issues de la
discipline et adaptées aux apprenants. Des caractéristiques
à renseigner lors de la construction peuvent également être
associées aux artefacts et à leurs composants via les
modèles, pour susciter et guider l’explicitation des
propriétés et la réflexion (prompting).
La composition (R3.3) requiert la possibilité de
manipulation
simultanée de plusieurs artefacts du même type ou de types
différents dans le même espace partagé, par exemple lors de
phases de rapprochement/comparaison. L’espace de travail offert par
Omega+
est configurable, via le modèle de procédé, et
multi-outils. L’exploration de la connaissance doit également
être facilitée. Les représentations hiérarchiques
(graphes multi niveaux) ou multi pages (tableau blanc avec défilement
de
pages), la possibilité de se situer dans une vue globale d’un
artefact complexe (vue miniature avec partie visible manipulable), la
possibilité de circuler dans l’historique d’une interaction
(historique des contributions du chat mais aussi historique de la
construction
des artefacts partagés) sont des exemples de mécanismes
répondant à ce besoin d’exploration.
3.2.4. Favoriser l’étayage logiciel des apprenants
Outre les aspects liés à la compréhension et à
l’explicitation déjà évoqués
précédemment, l’étayage concerne également la
gestion du procédé d’apprentissage. Ce point rejoint le fort
courant de recherche actuel sur le scripting en
apprentissage
collaboratif. Les scripts visent à structurer les processus en
définissant des séquences d’activités, en distribuant
des rôles et en structurant les interactions (Jermann et
Dillenbourg, 2003).
Des travaux récents distinguent les micro-scripts qui contraignent les
actions individuelles des apprenants lors des phases collaboratives et
les
macro-scripts qui décrivent la structuration globale du
procédé d’apprentissage (Dillenbourg
et Tchounikine, 2007).
Par exemple, les approches collaboratives fondées sur la rotation des
rôles sont spécifiées par un micro-script décrivant
la répétition d’une phase dans laquelle sont
différenciés plusieurs rôles applicatifs en termes des
interactions possibles, ainsi que l’affectation circulaire, statique ou
dynamique, des participants aux rôles (Pfister et
Mülpfordt, 2002).
Les macro-scripts correspondent à l’idée que les
tâches réalisées en collaboration par les apprenants doivent
s’inscrire dans des processus plus longs où elles cohabitent avec
des activités individuelles et des activités coopératives,
c'est-à-dire à base de communications asynchrones et
d’échanges de documents. Il peut s’agir par exemple de phases
de préparation avant les phases collaboratives, comme
l’écriture d’une position personnelle sur un thème
avant d’en débattre. La suite de cet article parle de
‘micro-processus’ et de ‘macro-processus’,
modélisés respectivement par des ‘modèles de
micro-procédé’ et des ‘modèles de
macro-procédé’. Ces modèles peuvent servir
simplement à informer à l’avance les participants du
procédé à suivre (Carell et al., 2005),
ou ils peuvent servir de base à un guidage pas à pas des
participants via leur interprétation par l’environnement (Wessner et al.,
1999).
Dans cette dernière approche, retenue par Omega+, il faut bien entendu
se
garder de sur-spécifier le procédé (Dillenbourg, 2002) et d’enfermer l’exécution dans un cadre trop rigide (Schmidt et
Bannon, 1992).
Un niveau élevé de malléabilité
opérationnelle est indispensable lorsque les modèles de
procédés, micros ou macros, sont interprétés par la
machine. Ces modèles de procédés, interprétés
par le noyau, impactent aussi de manière importante le côté
client du système.
3.2.5. Favoriser l’étayage interpersonnel
Ce type d’étayage est facilité pour partie par des choix
qui ne relèvent pas de l’environnement de support, comme par
exemple la composition des groupes d’apprenants. Le mélange
d’expériences ou de compétences variées favorise en
effet l’entraide entre pairs (Lai et Law, 2006).
Certaines fonctionnalités des outils de communication directe peuvent
également faciliter l’étayage entre apprenants ou par les
tuteurs. Par exemple, le chat doit offrir la possibilité de
communications privées, ou apartés, permettant une assistance
personnalisée plus discrète que par le canal de diffusion à
l’ensemble du groupe. Enfin, toutes les approches décrites à
la section 3.2.2 à propos de la facilitation des interactions
véritables contribuent bien entendu également à
l’étayage interpersonnel.
3.3. Une plateforme d’accueil pour la conception, la
pratique,
l’évaluation et la dissémination de l’apprentissage
collaboratif
Une des raisons de la faible dissémination sur le
terrain des outils
d’apprentissage collaboratif réside dans le manque
d’expertise technique et pédagogique des enseignants et le manque
d’assistance et de guidage qui leur est offert. La réponse
proposée ici, consiste en une plateforme d’accueil sur le web,
nommée Escole+, qui cherche à satisfaire plusieurs objectifs (R4,
R7) :
- assister les méta-activités
collectives de
conception, de mise en œuvre et d’évaluation des sessions
d’apprentissage collaboratif,
- supporter les macro-procédés
comportant, en plus des
sessions collaboratives instrumentées avec Omega+, des phases de
travail
individuel ou coopératif (asynchrone),
- accueillir les communautés de
pratique centrées sur
ces processus d’apprentissages collectifs,
- accueillir la communauté
d’intérêt pour
le travail collaboratif comprenant des enseignants simplement curieux,
intéressés ou pratiquants et des chercheurs spécialistes.
Tous les participants, y compris les apprenants, peuvent
accéder
à cette plateforme et aux outils collaboratifs à l’aide
d’un simple navigateur web.
Cette approche généralise les communautés de pratique
pour le développement professionnel des enseignants, comme Tapped In 2 (Schank et al., 2002),
en ajoutant à un support ‘orienté information’, un
support ‘orienté processus’. Le concept de C3MS
(Community, Content and Collaboration Management System)
est
également apparenté à ce qui est proposé ici. Un
C3MS étend un CMS (Content Management System), comme
Zope or
PostNuke, avec des briques pour la construction de scénarios socio
constructivistes : outils de communication et d’argumentation
(asynchrones
et synchrones), outils d’apprentissage
‘orientés-projets’, outils de conception de scénarios
... (Schneider et
al., 2002).
L’approche C3MS souffre de certaines insuffisances, liées aux
limitations des CMS comme noyau intégrateur. Spécialisés
dans les procédés de production de contenus web, les CMS ne
permettent pas par exemple de supporter des macro-procédés
arbitrairement définis.
3.4. L’architecture fonctionnelle
La figure 4 résume l’architecture fonctionnelle
correspondant
aux choix de conception générale qui viennent d’être
présentés. La section suivante discute la conception
détaillée d’un certain nombre d’aspects essentiels, en
mettant en avant les apports les plus originaux.
Figure 4.
L’architecture fonctionnelle
4. La conception détaillée
4.1. La modélisation des micro-procédés
collaboratifs
Bardram
souligne l’importance des plans pour guider le travail dans un contexte collectif (Bardram, 1997).
Un plan n’est pas une prescription rigide du travail à
réaliser mais un guide qui peut être modifié en fonction du
contexte en cours d’exécution. Dans Omega+ un
micro-procédé collaboratif est décrit comme une
séquence de phases se déroulant dans des pièces (espaces partagés) : phases simples, où
tous
les participants collaborent à la même tâche dans la
même pièce, et phases composées (split phases),
où les participants sont divisés en sous-groupes parallèles
collaborant à des tâches séparées dans
différentes pièces dont le démarrage et la fin sont
synchronisés. Un plan A→B→C ne prescrit pas obligatoirement
l’exécution des trois phases A, B, C dans cet ordre précis.
ABBC, AB, AB’C (où B’ est une version modifiée de la
phase B), ABCBC sont d’autres traces d’exécution possibles,
alors que les traces CBA et CCC par exemple ont une probabilité
beaucoup
plus faible d’être observées.
Concrètement, les participants jouant le rôle
prédéfini et transférable ‘d’opérateur
de la pièce’ ont deux boutons pour choisir la phase suivante
à exécuter, soit en suivant le plan (‘Suite’), soit en
sélectionnant n’importe quelle autre phase existant dans le plan
(‘Sauter’). Un modèle de micro-procédé
collaboratif comporte un ensemble de types de phases, un ensemble de
types
d’outils, des liens de précédence entre types de phases et
des liens d’inclusion entre type de phase et type d’outil. Chaque
type de phase est caractérisé par son nom, sa nature (phase simple
ou composée), sa description informelle, son modèle
d’interaction (cf. section 4.2) et le mode de coordination (cf. section
4.5) en vigueur dans la(les) pièce(s). Chaque type d’outil est
caractérisé par son nom, son type (éditeur de texte
partagé, tableau blanc partagé, éditeur d’artefacts
partagé), le fichier d’entrée à afficher
automatiquement en début de phase ou le type d’artefact
concerné, le fichier de sortie à créer automatiquement en
fin de phase et un booléen indiquant si l’outil est utilisé
en lecture seule.
Un modèle de micro-procédé peut être
créé hors ligne sur la plateforme Escole+, avec un éditeur
graphique partagé ou directement en XML. Il peut également
être créé interactivement par l’opérateur au
lancement du processus (les mêmes écrans servant à la
modification dynamique du modèle). Quand une instance de phase est
créée, l’opérateur :
- lui donne un nom (par défaut le
nom du type et un
numéro d’instance),
- définit les participants, si la
participation est
restreinte, et la correspondance entre participants et rôles
applicatifs
liés au modèle d’interaction (par exemple, qui est
Modérateur dans une phase avec un protocole de communication
modéré),
- peut donner des instructions
informelles aux participants,
- si c’est compatible avec le type
de protocole
utilisé, peut personnaliser le chat avec des ouvreurs de phrase, une
numérotation des contributions et la possibilité de
référencement explicite via ces numéros.
4.2. La modélisation des protocoles d’interaction
Les protocoles d’interaction implantent des types
spécifiques
d’échanges textuels adaptés aux situations
d’apprentissage collaboratives. L’ensemble des types
prédéfinis (comme ‘passage de jeton circulaire’,
‘modéré’, ‘contributeur unique’) peut
être étendu par des types applicatifs spécifiques. Ces
protocoles spécifiques sont définis par un ensemble de types de
rôles applicatifs, un ensemble de types de messages et un ensemble de paires adjacentes (Clark et
Schaefer, 1989) du type "si un participant jouant le type de rôle X émet le type de
message M1 alors un participant jouant le rôle Y (n’importe lequel,
le suivant dans un parcours circulaire, le même si X et Y sont
identiques
...) doit émettre un message de type M2". Le protocole définit
aussi quel(s) rôle(s) peu(ven)t parler en premier.
Un modèle d’interaction peut être créé hors
ligne sur la plateforme Escole+, avec un éditeur graphique partagé
ou directement en XML. Il n’est pas prévu de modification dynamique
de la structure des protocoles. Par contre, il est possible de changer
dynamiquement de protocole pendant une phase et différentes situations
exceptionnelles sont gérées pour certains protocoles, comme
le
saut d’un participant dans un ‘passage de jeton circulaire’ ou
l’exclusion temporaire d’un participant.
4.3. La modélisation des artefacts : l’éditeur
partagé générique
Le modèle, qui est en fait un méta modèle, décrit
comment l’éditeur générique sera adapté pour
manipuler des modèles cibles d’un certain type. Les modèles
cibles sont définis comme des graphes hiérarchiques dans
lesquels un nœud peut être raffiné en un sous graphe. Parmi
les modèles prédéfinis on trouve par exemple les automates
à états finis, les différents schémas UML, les
cartes de concepts, les réseaux de Petri, les graphes IBIS (Kunz et Rittel,
1970),
les graphes conceptuels (Sowa, 1984),
les
circuits logiques, les cartes déplaçables et empilables (Cox et
Greenberg, 2000).
Les enseignants peuvent en outre définir toute représentation ad
hoc à leur convenance en spécifiant trois aspects.
- La représentation visuelle des
types de composants :
nœuds (nom du type, icône pour le bouton de l’éditeur,
icône du nœud dans le graphe, position du libellé du
nœud, liste des propriétés à saisir pour chaque
nœud, avec pour chaque propriété son nom, son type, son
invite ...) et arcs (nom du type, icône pour le bouton de
l’éditeur, couleur, type de trait, type de flèche,
libellé fixe pour le type, présence ou non d’un
libellé d’instance ...).
- Les contraintes structurelles de
liaison des types de nœuds
par les types d’arcs, sous la forme d’un graphe de structure.
- La sémantique opérationnelle,
éventuellement
attachée aux nœuds du graphe et au graphe complet. La
spécification des actions se fait par programmation comme dans
CoolModes (Pinkwart, 2003).
Un nom d’action peut être associé aux nœuds. Ce nom
apparaît dans le menu contextuel associé au nœud et
déclenche une action locale. Cette action est spécifiée
dans la méthode de même nom de la classe associée au type de
nœud laquelle hérite de la classe prédéfinie du noyau DiagramNode qui permet l’accès à toutes les
informations utiles sur le nœud. Un composant de type ‘action’
peut également être associé au graphe. Il se traduit par un
bouton dans l’éditeur dont on précise le nom et
l’icône. Ce bouton déclenche une action globale sur le
graphe. Cette action est spécifiée dans la méthode de
même nom de la classe associée à ce type de graphe, laquelle
hérite de la classe prédéfinie du noyau DiagramFormalism qui permet l’accès à toutes
les
informations utiles sur le graphe. Toutes ces méthodes travaillent sur
une représentation mémoire du graphe stockée sur le serveur
et envoient des ordres de modification aux représentations visuelles
sur
les clients (changements de libellé, de couleur, d’icône
...). De la sorte, il est possible d’animer des représentations
comme les réseaux de Petri ou les circuits logiques et plus
généralement d’associer n’importe quel traitement aux
artefacts et à leurs composants.
L’éditeur partagé générique est
paramétré par un modèle d’artefact. Il offre en plus
de cette malléabilité définitionnelle un certain nombre de
fonctionnalités évoluées comme la possibilité de
circuler dans les niveaux des graphes, la possibilité
d’accéder et de circuler dans l’historique de leur
construction (Mühlpfordt et
Stahl, 2007),
une vue miniature indiquant la partie visible du graphe et permettant
sa
manipulation directe.
4.4. La modélisation des effets - les outils méta
cognitifs
Dans Omega+, le processus de construction de
représentations visuelles
de haut niveau à partir de données brutes de bas niveau (actions
réalisées sur les artefacts, messages échangés, ...)
est générique. Le modèle des effets décrit
l’ensemble des types de représentation qui permettent de suivre et
guider un procédé d’apprentissage donné. Le
modèle, formulé en XML, précise :
- des paramètres généraux (comme
l’intervalle de temps entre les mesures pour les séries
temporelles),
- les caractéristiques des
différentes
représentations visuelles : nom, description informelle, type
(histogrammes empilés, séries temporelles empilées ...),
libellés caractéristiques, et expressions de calcul à
partir des données brutes de bas niveau (les calculs peuvent être
réalisés au choix de l’utilisateur pour la seule phase en
cours ou pour l’ensemble du processus collaboratif).
Une réflexion est en cours pour spécifier également dans
le modèle des effets des patterns caractéristiques de situations d’interaction (ex : deux participants qui
modifient successivement un même élément d’un graphe
ou des éléments directement liés) ou d’actions
faites pour faciliter ces interactions (ex : un même
participant
qui modifie un graphe et immédiatement envoie un message lié
à la tâche sur le chat). Le comptage des occurrences de ces patterns doit permettre de caractériser
l’attitude des
participants vis-à-vis de la collaboration.
4.5. La coordination dans l’espace dual
L’espace dual proposé offre à la fois un espace de
travail multi outils et un espace de communication où l’interaction
doit pouvoir être régulée par des protocoles. Cela
soulève de nombreuses questions en termes de coordination des
utilisateurs :
- la granularité à laquelle il faut appliquer
des politiques de coordination : environnement, espace, artefact,
composants de
l’artefact,
- la possible coexistence de politiques de coordination
différentes,
- la relation entre coordination
de la communication et coordination
des actions sur les artefacts.
Omega+ offre un nombre limité de politiques
globales au niveau
de l’environnement. Ces politiques globales sont spécifiées,
pour chaque phase, dans le modèle de micro procédé
collaboratif. Chaque politique globale est définie en termes de
politiques locales au niveau des espaces. La table 4 résume
l’ensemble des possibilités offertes, décrites en
détail et illustrées dans (Lonchamp, 2007a).
Accès libre signifie une absence de restriction à
l’utilisation des outils de l’espace sans garantie de
cohérence du résultat (sauf si l’outil lui-même la
garantit automatiquement au niveau fin des composants de l’artefact).
La
‘prise de tour’ assure l’exclusivité
d’utilisation à travers la demande explicite par un bouton
d’un jeton unique (matérialisant le droit d’utiliser), le
rendu explicite du jeton par un autre bouton et une politique
d’affectation adaptable. Par défaut il s’agit d’une
politique de type premier arrivé premier servi (FIFO) mais qui peut
être adaptée dynamiquement. Il est par exemple possible de
définir une durée maximum d’inactivité avant
préemption. L’opérateur de la pièce, jouant le
rôle de modérateur, peut aussi passer explicitement le tour
à un autre participant. La régulation par un protocole, soit
prédéfini soit spécifié par un modèle
d’interaction, peut concerner l’espace de communication seul ou bien
être étendue à tout l’environnement.
Politique globale |
Politique dans l’espace de travail |
Politique dans l’espace de communication |
Accès libre |
Accès libre |
Accès libre |
Parler librement, agir exclusivement |
Prise de tour (adaptable) |
Accès libre |
Parler exclusivement, agir librement |
Accès libre |
Prise de tour (adaptable) ou protocole |
Accès exclusifs parallèles |
Prise de tour (adaptable) |
Prise de tour (adaptable) ou protocole |
Accès exclusif global |
Prise de tour (adaptable) ou protocole |
Table 4. Les
politiques de coordination
Grâce à cet ensemble de politiques, toutes les options
concernant l’acquisition du contrôle définies par Myers
-explicite, par protocole, par désignation (Myers et al., 2000)-,
à l’exception de l’acquisition implicite problématique
dans un contexte multi outils, et toutes les options concernant
l’abandon
du contrôle -rendu explicite, retrait explicite, préemption sur
inactivité- sont donc disponibles.
4.6. Le référencement dans l’espace dual
La possibilité de relier conversations et objets liés à
la tâche est fondamental pour établir compréhension et
attention partagées (Stahl et al., 2006b).
Les techniques de référencement sont extrêmement diverses.
Dans les textes on trouve des références spatiales ("le
carré bleu à droite"), temporelles ("ton dernier objet"), des
citations ("dans le post ou tu dis... "), l’utilisation des
noms ou
pseudos des participants et des références aux numéros
quand les lignes sont numérotées. Dans les éditeurs
graphiques partagés on trouve des mécanismes non persistants comme
les télépointeurs (Hayne et al., 1994),
les modifications d’apparence des objets désignés à
la souris (Suther et al., 2003) ou les pointeurs graphiques qui s’estompent progressivement (Dongqiu et
Gross, 1999).
On trouve également des mécanismes persistants comme les pointeurs
graphiques, les liens explicites inter-outils de Concert-Chat (Mühlpfordt et
Wessner, 2005),
les annotations textuelles (Fidas et al., 2001) et graphiques (Giordano et
Mineo, 2005) dont le positionnement désigne implicitement l’objet
référencé.
Les liaisons les plus complexes de type ‘plusieurs à
plusieurs’, importantes dans les espaces duaux multi outils, sont
difficilement exprimables avec ces techniques. Omega+ offre un
mécanisme
original et indépendant des applications, qui généralise
les annotations et autorise les référencements les plus complexes.
Les utilisateurs peuvent inclure dans tous les outils des deux espaces
des
annotations graphiques et textuelles libres sur des captures de
l’environnement (sticky annotated snapshot ou SAS).
Ces SAS peuvent
êtres imbriqués, donnant naissance à de véritables
fils de discussion. Les annotations purement textuelles et les
pointeurs sans
contenu apparaissent comme des versions dégradées des SAS. A
côté des utilisations normales pour le référencement
(par exemple la mise en correspondance des éléments de deux
graphes ou la mise en évidence des idées essentielles au sein
d’un ensemble de contributions textuelles), sont apparues des
utilisations
imprévues des SAS (Lonchamp, 2007b).
Tout d’abord, en tant que véritables objets
intermédiaires au sens de (Vinck et
Jeantet, 1995),
c'est-à-dire en tant que représentations partagées
éphémères, facilitatrices d’un processus de
conception collaborative. On a également observé d’autres
utilisations visant à contourner les contraintes strictes des
protocoles
de coordination. Soit comme espace privatif dans les configurations de
l’environnement en accès libre, afin de conduire une
réflexion personnelle isolée, car les SAS ne sont pas
partagés avant leur enregistrement. Soit comme échappatoire
à la non possession du jeton exclusif, car les SAS constituent des
moyens
d’expression toujours disponibles, au contraire des autres canaux, dans
les configurations de l’environnement en accès exclusif global. Ces
exemples illustrent parfaitement les interférences possibles entre
mécanismes qui rendent la conception des environnements collaboratifs
particulièrement délicate.
4.7. L’environnement de conception des modèles
Les modèles de (micro et macro) procédés,
d’interaction et d’artefact sont des graphes avec des
propriétés spécifiques attachées à leurs
composants. L’environnement de conception des modèles est
simplement un espace de travail collaboratif réutilisant
l’éditeur générique de graphes,
paramétré par le méta modèle correspondant,
étendu avec une action de génération de la
représentation interne XML des modèles. On peut facilement ajouter
à cet espace de travail d’autres outils, comme par exemple un
éditeur de cartes de concepts pour discuter des connaissances attendues
de l’apprentissage ou des outils de conception pédagogique
dédiés de plus haut niveau, à l’image de ce qui est
proposé dans (Soloway et al.,
1996).
On peut également envisager de définir des procédés
collaboratifs de construction des modèles ‘orientés
enseignants’ similaires aux procédés d’apprentissage
collaboratifs ‘orientés apprenants’.
4.8. La plateforme Escole+
Cette plateforme web a été structurée avec trois espaces
spécialisés :
- un espace pédagogique,
décomposé en
:
• un espace communautaire pour
l’échange
d’informations générales en mode asynchrone via des forums,
wikis, outils d’échange de documents, etc., au sein de la
communauté d’intérêt,
• un espace de conception, où les
modèles Omega+
ainsi que les macro-modèles de procédé coopératifs
sont développés par les enseignants et les spécialistes au
sein de sous-espaces spécialisés par projet (via
l’environnement de conception des modèles présenté
précédemment complété par des outils de
communication en mode asynchrone pour les communautés de pratique qui
se
constituent),
- un espace
d’apprentissage, où les enseignants
tuteurs et les apprenants exécutent les processus d’apprentissage
collectif pilotés par les macro-procédés au sein de sous
espaces dédiés,
- un espace
d’administration de la plateforme, pour
gérer les utilisateurs d’ESCOLE+, les rôles
génériques, les documentations, les sauvegardes, etc.
Le contrôle des macro-procédés collectifs au sein de
l’espace d’apprentissage pose des questions spécifiques. Peu
de plateformes de travail coopératif sur le web procurent un support de
type flot de tâches (workflow) et quand il est
présent
celui-ci n’offre en général qu’un niveau de
malléabilité très faible voire inexistant. Dans une
première expérimentation (plateforme Escole) un support de ce type
a été testé (Lonchamp, 2006b).
Il est apparu générateur de beaucoup de rigidités et de
lourdeur de mise en œuvre pour un gain relativement faible
d’automatisation de quelques tâches répétitives. Dans
le prototype actuel (plateforme Escole+) le recours à un tel support de workflow a été écarté. Comme la plateforme
permet de définir dynamiquement des espaces de travail
hiérarchisés, de leur affecter des ressources variées et de
contrôler les droits des différentes catégories
d’utilisateurs dans chaque espace (Lonchamp, 2007c),
le contrôle de l’avancement du macro-processus se fait simplement en
modifiant dynamiquement les droits d’accès aux sous espaces
où sont implantées les diverses activités individuelles,
coopératives ou collaboratives (via Omega+) définies dans le
macro-procédé. Ces sous espaces peuvent être
générés automatiquement à partir des modèles
de macro-procédé qui spécifient les activités, les
outils, les rôles applicatifs, les relations activités-outils et
les relations de précédence entre activités.
5. L’implantation et son évaluation
Omega+ est
développé en Java et peut
fonctionner soit comme une application client/serveur avec des
communications
par sockets sur un réseau local, soit comme une application web
(applets pour les clients et servlet pour le serveur) avec des
communications via un tunnel http pour passer les pare-feux. Escole+
s’appuie sur la plateforme de travail coopératif Libresource
(www.libresource.org), développé dans la même équipe
de recherche. Presque toutes les fonctionnalités du noyau de
l’architecture fonctionnelle présentée à la figure 4
sont implantées. Restent à développer l’outil
permettant l’analyse post-mortem des processus et l’outil permettant
de rejouer en différé les sessions collaboratives à partir
des traces.
Quelques tests ponctuels ont déjà été conduits
avec Omega+. Par exemple, un modèle de micro-procédé
collaboratif de conception objet a été créé pour des
étudiants spécialisés en informatique. Dans ce
modèle, des groupes de quelques étudiants reçoivent
l’énoncé d’une situation, visible dans
l’éditeur de texte en lecture seule en haut de l’espace de
travail situé à gauche de la figure 5. L’objectif
assigné consiste à construire un diagramme de classes UML à
partir de cet énoncé. Dans une première phase, les
étudiants doivent spécifier à partir de
l’énoncé un ensemble de cas d’utilisation sous la
forme de courtes descriptions textuelles (avec l’éditeur
partagé visible au milieu de l’espace de travail) et dessiner le
diagramme des cas les mettant en perspective (avec une spécialisation
par
méta modèle de l’éditeur générique de
graphes située en bas de l’espace de travail). La politique globale
‘parler librement, agir exclusivement’ est associée à
cette phase pour assurer un libre débat, comme lors d’un brainstorming mais avec une stricte
coordination au niveau des artefacts
partagés. La figure 5 montre le client de Julien qui possède
à cet instant le jeton pour agir (cf. le bouton
‘Libère’ en haut à gauche et les fonds blancs des
outils qui indiquent le droit de contribuer sauf pour l’éditeur en
lecture seulement). Tous les participants, y compris Julien, peuvent
communiquer
à tout instant via le chat situé dans l’espace de
communication à droite. Comme Julien joue le rôle
générique ‘d’opérateur de pièce’
il dispose également des boutons ‘Suite’ et
‘Sauter’, décrits section 4.1, pour contrôler le
déroulement du micro-procédé. La seconde phase constitue le
cœur du processus de conception. Les étudiants peuvent voir les cas
précédemment définis dans un éditeur en lecture
seulement (en haut à gauche de la figure 6). Ils les transforment en
diagrammes de collaboration (avec l’éditeur graphique
spécialisé par méta modèle du bas), en introduisant
de nouvelles classes au fur et à mesure dans le diagramme de classes
(avec l’éditeur spécialisé du milieu).
Figure 5. Le client
de Julien pendant la
première phase
Figure 6. La seconde
phase dirigée par un
modèle d’interaction
Pour garantir à la fois un travail organisé et une
égalité de participation, le protocole applicatif
‘Cercle’ est utilisé pour piloter l’ensemble de
l’environnement. Chaque élève peut prendre à son tour
le contrôle du client pour agir sur les artefacts et commenter sa
contribution à l’aide du chat. Le protocole prédéfini
‘passage de jeton circulaire’ n’a pas été retenu
car il impose que le jeton circule après chaque contribution. Un
protocole spécifique a été spécifié par
modèle qui autorise à émettre plusieurs messages avant de
passer explicitement le jeton à l’apprenant suivant dans un cercle.
La figure 7 montre ce modèle dans l’éditeur
générique de graphes de l’environnement de conception des
modèles quand l’utilisateur a choisi le type Protocol Model et l’instance ‘Cercle’. A chaque instant, un apprenant peut
uniquement sélectionner, grâce à la boîte combo en bas
du chat, un type de message en accord avec son rôle et les règles
du modèle (‘Dire’ ou ‘Passer’ pour le
détenteur du jeton, et aucun message pour les autres). L’historique
du chat reflète également l’utilisation de ce protocole.
Figure 7. Le modèle
de protocole
‘Cercle’
Cet exemple n’illustre qu’une petite partie des
fonctionnalités offertes par Omega+ à ses utilisateurs : le
guidage par un micro-procédé, le guidage par des politiques de
coordination ou des protocoles d’interaction ad-hoc, le guidage via des
artefacts exactement adaptés à la tâche. L’utilisation
des outils de référencement, des outils méta cognitifs, la
possibilité d’animer les artefacts ou de circuler dans
l’historique de leur construction, par exemple, ne sont pas
montrés. Un scénario d’utilisation plus complet devrait
aussi inclure des évolutions dynamiques par les
opérateurs comme le changement de la politique de coordination
en
vigueur pendant une phase, l’ajout interactif d’une phase nouvelle
après la phase en cours ou des exceptions, comme le saut d’un
participant dans un tour de rôle ou le transfert temporaire d’un
rôle entre participants.
L’environnement proposé, par sa richesse et sa
malléabilité, est non seulement difficile à illustrer mais
aussi, ce qui est plus grave, difficile à évaluer. Les approches
classiques évoquées dans l’introduction, qu’elles
soient quantitatives ou qualitatives, ne permettent en effet
d’évaluer les éléments de conception qu’en les isolant. Cette difficulté a été soulignée
dans d’autres approches : "Comme Co-Lab est un système très
vaste et riche, nos évaluations ont du se focaliser sur des aspects
spécifiques plutôt qu’évaluer le système dans
sa globalité" (van
Joolingen et al., 2005).
Or une question centrale posée par notre approche concerne la
capacité des enseignants à exploiter la malléabilité
définitionnelle (généricité par les modèles)
et la malléabilité opérationnelle offerte par Omega+.
Seules des études sur le long terme et transversales,
c'est-à-dire dans des contextes variés, pourront apporter des
éléments de réponse. C’est un autre
intérêt majeur de la plateforme Escole+ qui doit permettre de centraliser pour analyse une grande variété de
traces d’expérimentation et donc d’alimenter le processus de
conception itérative qui doit être poursuivi. Dans un premier
temps, nous comptons exploiter la malléabilité
définitionnelle pour comparer plusieurs variantes d’une
même tâche d’apprentissage collaboratif en modifiant les
paramètres liés au procédé, aux politiques de
coordination, à l’utilisation ou non des outils d’auto
régulation.
L’implantation actuelle d’Escole+ est détaillée
dans (Lonchamp, 2007c).
Avant de mettre en ligne Escole+ et Omega+, il importe d’une part de
terminer la réalisation des outils d’analyse qui font encore
défaut et d’autre part de garnir les bibliothèques
d’une collection initiale de modèles prêts à
l’emploi, correctement testés et couvrant une gamme
représentative de situations et de contextes d’apprentissage
collaboratif. Ceci, afin de faciliter l’amorçage du processus
d’appropriation par des communautés d’enseignants qui
sous-tend cette proposition.
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A
propos de l’auteur
Jacques
LONCHAMP est Professeur des Universités en Informatique à
l’Université Nancy 2 et chercheur au LORIA dans le projet INRIA
ECOO (Environnements pour la COOpération). Ses centres
d’intérêt sont le travail et l’apprentissage
collaboratif, la construction d’environnements génériques
paramétrés par des modèles, la modélisation des
procédés de développement logiciel.
Adresse : LORIA,
Equipe ECOO, Campus
Scientifique, BP 239, 54 506, Vandœuvre-lès-Nancy Cedex.
Courriel : Jacques.Lonchamp@loria.fr
Toile : www.loria.fr/~jloncham
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