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Vers une approche opérationnelle pour
l'évaluation des EIAH
Chieu VU MINH CLIPS-IMAG, Grenoble, France
Elie MILGROM INGI-UCL,
Louvain-la-Neuve, Belgique
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RÉSUMÉ : Le
constructivisme est une théorie de l'apprentissage qui postule que
l'individu apprend en construisant activement ses propres connaissances, sur la
base de ses connaissances préalables, qu’il ajuste et modifie au
long de son apprentissage. Plusieurs systèmes d'apprentissage
constructiviste basés sur les TIC ont été proposés
ces dernières années. Un problème critique relatif à
la conception et l'utilisation de ce type de systèmes est la
pénurie de moyens pratiques pour évaluer la conformité des
systèmes existants avec des principes pédagogiques du
constructivisme. Notre objectif de recherche est d'aider à concevoir et
à utiliser des environnements d'apprentissage constructiviste qui mettent
réellement en œuvre les principes du constructivisme. Pour ce faire,
nous avons proposé un ensemble de critères pour certains aspects
fondamentaux du constructivisme et nous les avons utilisés comme un cadre
utile pour concevoir et évaluer des environnements d'apprentissage. Dans
cet article, nous présentons et discutons trois approches, y compris la
nôtre, qui s'appuient sur des critères afin de faciliter
l'évaluation des environnements d'apprentissage constructiviste.
MOTS CLÉS : Constructivisme,
environnements d’apprentissage, critères
d’évaluation. |
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ABSTRACT : Constructivism
is a learning theory which states that people learn by actively constructing
their own knowledge, based on prior knowledge. A significant number of ICT-based
constructivist learning systems have been proposed in recent years. A critical
problem related to the design and use of this kind of systems has been the lack
of practical means for evaluating the actual conformity of such systems with
constructivist principles. Our research aims to help designing truly
constructivist learning environments. For that purpose, we have proposed a set
of operational criteria for certain aspects of constructivism and we have used
them as a useful framework both for designing and for analyzing learning
environments. In this paper, we present and discuss three approaches, including
ours, which are based on criteria to facilitate the evaluation of constructivist
learning environments.
KEYWORDS : Constructivism,
learning environments, evaluation criteria. |
1. Introduction
1.1. Environnements d'apprentissage constructiviste
Le constructivisme (Piaget, 1975) est une approche pédagogique qui "souligne que l'individu apprend mieux
s'il construit activement ses connaissances" (Santrock, 2001).
L'apprentissage constructiviste est un processus de construction et de
transformation des connaissances (Bourgeois et Nizet, 1999).
Voici un exemple d'apprentissage constructiviste proposé par Bruner (Bruner, 1973) :
Le concept de nombre premier semble être maîtrisé plus
aisément lorsque l'enfant, par la construction, découvre que
certains nombres de haricots ne peuvent pas être déposés, un
par case, de manière à remplir complètement les lignes et
les colonnes d’un tableau. De telles quantités de haricots ne
peuvent être déposées que soit dans une seule ligne ou
colonne simple, soit dans un tableau dans lequel il manque toujours un ou
plusieurs haricots pour obtenir un remplissage complet. Ces nombres, l'enfant
l’apprend, sont appelés "nombres premiers"... Il est facile pour
l'enfant d'aller de cette étape à la compréhension du fait
qu'un tableau "multiple" est un arrangement complet de quantités dans des
lignes et colonnes multiples. Ce sont les concepts de factorisation, de
multiplication et de nombres premiers qui sont visualisés dans cette
construction. (p. 428)
Un exemple d'apprentissage non constructiviste serait le cas dans lequel
l'enseignant demande à l'enfant de lire et de mémoriser une
définition textuelle du concept de nombre premier. Cette situation ne
favorise pas l'apprentissage, d’un point de vue constructiviste, parce
qu'elle peut amener l'enfant à un apprentissage passif ou "par
cœur" : l'enfant n'a pas les moyens de construire lui-même sa
propre conception de nombres premiers (Chieu, 2005).
De nombreux chercheurs en sciences de l'éducation soutiennent le
principe central du constructivisme présenté plus haut. Cependant,
il existe plusieurs théories constructivistes de l'apprentissage et de
l'enseignement (Driscoll, 2000).
Les chercheurs en sciences de l’éducation, en psychologie de
l’apprentissage, en didactique et en sciences des technologies de
l’information et de la communication pour l’apprentissage humain ont
développé une multitude d’aspects du constructivisme. Ces
variantes incluent l’apprentissage "génératif"
(generative learning) (CTGV, 1991), (Wittrock, 1985),
l’apprentissage par découverte (Bruner, 1986),
la cognition distribuée (Salomon, 1994),
la théorie de la flexibilité cognitive (Spiro et al., 1991).
Le constructivisme n'est qu'un des termes utilisés pour décrire
ces variantes.
De plus, ces dernières années, l'approche pédagogique
constructiviste a été adoptée par un nombre important de
concepteurs d'environnements informatiques qui affirment favoriser explicitement
l'apprentissage constructiviste (Kinshuk et al., 2004).
Nous constatons cependant le problème suivant en ce qui concerne ces
environnements informatiques pour l'apprentissage constructiviste : alors
qu’existent de nombreuses descriptions des principes pédagogiques
du constructivisme, nous n'avons trouvé que très peu de moyens pratiques pour aider les concepteurs, chercheurs et praticiens à
évaluer effectivement leur propres systèmes d'apprentissage selon
des principes constructivistes (Driscoll, 2000), (Jonnaert et Vander Borght, 2003), (Jonassen et Rohrer-Murphy, 1999).
En effet, si beaucoup de chercheurs en sciences de l'éducation tendent
à accepter l'hypothèse centrale du constructivisme
présentée plus haut, ces mêmes chercheurs ont proposé
un grand nombre de différentes implications pédagogiques à
partir des mêmes principes de base. Par exemple, le Cognition and
Technology Group de l’Université Vanderbilt (CTGV, 1991) et
Jonassen (Jonassen, 1999) ont soutenu que l'apprenant doit nécessairement faire face à des
situations complexes pour développer ses compétences en
résolution de problèmes. Spiro et ses collègues (Spiro et al., 1991),
qui s'intéressent à la flexibilité cognitive, ont
souligné : "revoir la même matière, à
différents moments, dans des contextes réarrangés, pour
différents objectifs, et selon différentes perspectives
conceptuelles, est essentiel pour atteindre les objectifs de l'acquisition de
connaissances avancées". Bourgeois et Nizet (Bourgeois et Nizet, 1999) ont exprimé le point de vue que la négociation sociale est
nécessaire pour que l'étudiant comprenne les points de vue de ses
pairs. Reeves et Okey (Reeves et Okey, 1996) et Shepard (1991) ont argumenté en faveur de méthodes
d'évaluation telles que l'interrogation, l'observation et la
réalisation de tâches "réalistes" (par exemple :
demander à l'apprenant d'écrire un essai, de conduire une
expérimentation ou de réaliser un projet). Toutes ces indications
sont certainement de nature à favoriser l’apprentissage
constructiviste, mais, de notre point de vue, elles sont trop
générales pour que les concepteurs, chercheurs et praticiens
puissent imaginer concrètement comment concevoir ou évaluer des
environnements d'apprentissage constructiviste.
1.2. Contributions
Notre objectif de recherche est d'aider les concepteurs, chercheurs et
praticiens à concevoir et évaluer des environnements qui
favorisent un apprentissage véritablement constructiviste. Pour cela,
nous devons clarifier ce que le constructivisme entraîne de manière opérationnelle. À cet effet, nous proposons un
ensemble de critères pour certains aspects majeurs du constructivisme et
nous utilisons ces critères comme un cadre qui facilite la conception et
l'évaluation des environnements d'apprentissage constructiviste, ou plus
précisément, pour cerner les conditions qui favorisent
l'apprentissage constructiviste. Nous définissons une condition
d'apprentissage comme une ressource d'information, un dispositif
pédagogique, un dispositif d'évaluation ou un moyen de
communication qui facilite la poursuite d'un objectif d'apprentissage par
l'apprenant.
Dans cet article, afin de valider notre hypothèse que l'approche
opérationnelle est effective pour l'évaluation des environnements
d'apprentissage constructiviste, nous analysons et discutons trois approches
(y compris la nôtre) qui s'appuient sur des critères en vue
de faciliter l'évaluation des conditions soutenant l'apprentissage
constructiviste.
1.3. Structure de l'article
Dans la section 2, nous introduisons une variété de paradigmes
du constructivisme. Dans la section 3, nous présentons notre analyse
de trois approches basées sur des critères pour
l'évaluation des conditions d'apprentissage constructiviste. Dans la
section finale, nous tirons de notre analyse plusieurs conclusions pour la
conception et l’évaluation des environnements informatiques pour
l’apprentissage humain (EIAH).
2. Les multiples paradigmes du constructivisme
Considérant les
différentes variantes du constructivisme, les chercheurs dans le domaine
de la psychologie de l'apprentissage, par exemple (Bourgeois et Frenay, 2002) ou (Santrock, 2001),
ont classifié les approches constructivistes en deux paradigmes
principaux : (a) une approche constructiviste cognitive fondée
principalement sur les travaux de Piaget (Piaget, 1975) et
(b) un nombre d'approches socioconstructivistes fondées, par
exemple, sur les travaux de Bruner (Bruner, 1996),
Doise et Mugny (Doise et Mugny, 1997) ou encore Vygotsky (Vygotsky, 1962).
Les tenants du premier paradigme postulent que l'apprenant construit de
nouvelles connaissances en transformant, organisant et réorganisant ses
propres connaissances préalables. Les chercheurs qui
préfèrent le deuxième paradigme postulent que
l’individu construit des connaissances grâce aux interactions
sociales avec d’autres personnes. La différence conceptuelle entre
les deux paradigmes est la différence entre le développement
individuel et la collaboration et l’interaction sociale (Rogoff, 1998).
Cette affirmation ne signifie pas que le constructivisme cognitif néglige
l’interaction sociale ou que le socioconstructivisme ignore le
développement individuel : les deux paradigmes tiennent compte des
deux aspects mais avec différentes emphases (Bourgeois et Nizet, 1999).
En effet, le socioconstructivisme se focalise davantage sur la question
suivante, à laquelle le constructivisme cognitif n’attache que peu
d’importance : dans quelles conditions et selon quelles
modalités l’interaction sociale favorise-t-elle
l’apprentissage ? Dans ce sens, on peut affirmer que le
socioconstructivisme n'est pas une alternative au constructivisme, mais
plutôt une variante qui attache une importance particulière aux
interactions sociales.
Examinons, pour commencer, deux questions majeures qui ont
préoccupé les psychologues de l’apprentissage :
qu’est-ce que connaître ? Qu’est-ce
qu’apprendre ?
En épistémologie, du point de vue de Piaget, la connaissance
n'est pas là, en dehors, externe à l'individu et en attente
d’être acquise. Elle n'est pas non plus complètement
préformée dans le cerveau de l'individu et prête à
émerger lorsque l'individu se développe. Au contraire, la
connaissance est inventée et réinventée tout au long du
développement de l'individu par les interactions de celui-ci avec le
milieu qui l'entoure. Pour renforcer ce point de vue, on peut utiliser
l’exemple proposé par Kuhn (1983) et cité dans Jonnaert
et Vander Borght (2003) :
Désirant connaître ce que représente, pour des
scientifiques, la théorie atomique, un chercheur nord-américain
interroge deux chercheurs reconnus par la communauté scientifique
internationale dans leur domaine respectif : la chimie et la physique. Il leur
demande si un atome d'hélium est ou n'est pas une molécule. La
réponse de l'un et l'autre ne s'accorde pas. Pour le chimiste, l'atome
d'hélium est une molécule. Ce dernier argumente sa réponse
en faisant référence à la théorie cinétique
des gaz. Pour le physicien, l'atome d'hélium n'est pas une
molécule. Ce dernier argumente sa réponse en affirmant qu'il ne
peut en apercevoir le spectre moléculaire. (p. 23)
Ces réponses ne sont pas contradictoires. Une telle situation est
fréquente (voir d'autres exemples dans Chieu, 2005).
Chacun, le chimiste et le physicien, construit sa définition d'un atome
d'hélium en fonction de son champ de référence. Un
scientifique peut faire coexister simultanément les deux
définitions dans sa "tête".
Alors que le premier paradigme (constructivisme cognitif) se focalise avant
tout sur l'acte de connaître chez le sujet individuel dans ses
interactions avec son environnement, le deuxième (socioconstructivisme)
appréhende la connaissance essentiellement comme le produit d'un groupe
social, d'une communauté engagée dans une culture et des pratiques
communes.
Pour ce qui est de l'apprentissage, Piaget s'intéresse avant tout aux
mécanismes d'interactions cognitives du sujet avec son environnement ici
et maintenant. Le socioconstructivisme met un accent supplémentaire sur
une composante particulière de l'environnement : les autres apprenants
avec lesquels chaque apprenant interagit.
Le processus d’apprentissage dans le constructivisme piagétien
s'articule autour de deux mécanismes indissociables : l'assimilation et
l'accommodation. On peut les décrire très schématiquement
comme suit (Bourgeois et Frenay, 2002) :
a. Assimilation : Au départ, l'individu active un certain
nombre de structures cognitives dont il dispose dans le répertoire
enregistré en mémoire et qu'il va utiliser pour traiter
l'information à laquelle il est confronté dans une situation
donnée. Dans l’exemple de l’apprentissage des nombres
premiers présenté dans la section 1.1, lorsque l’on donne
à l’enfant 12 haricots, l’enfant active ses connaissances
préalables de la factorisation et de la multiplication afin de mettre les
haricots dans un tableau complet de lignes et de colonnes (par exemple : 3
lignes de 4 colonnes).
b. Accommodation : Il peut arriver, en cours de traitement, que les
structures mobilisées s'avèrent inadéquates pour traiter
l'information. Emerge dans ce cas ce que Piaget appelle un conflit cognitif, une
perturbation des structures mobilisées, que l'individu va dès lors
s'efforcer de dépasser, de résoudre. Il peut le faire de deux
manières : soit, en utilisant des stratégies qui, au bout du
compte, permettent de résoudre le conflit tout en préservant
intactes les structures cognitives dans leur état initial, soit en
transformant les structures initiales en structures nouvelles permettant de
prendre en compte l'information initialement incompatible. Pour Piaget, ce n'est
que dans ce dernier cas que l'on peut parler d'apprentissage. Par exemple, dans
l’apprentissage des nombres premiers, lorsqu’on donne 11 haricots
à l’enfant, un conflit cognitif peut se produire chez lui car il
n’arrive pas à déposer 11 haricots dans un tableau complet
de lignes et de colonnes "multiples" (2 x 6 ou 3 x 4). Ce conflit cognitif
motive donc l’enfant à trouver une solution pour le surmonter. Il
peut ainsi, par exemple, transformer les structures initiales (la factorisation
et la multiplication) en structures nouvelles (la reconnaissance de la
différence entre deux groupes de nombres : le nombre 12 appartient
au premier groupe et le nombre 11 appartient au deuxième). Les nombres du
second groupe, l’enfant l’apprend ensuite, sont des nombres
premiers.
L’assimilation et l’accommodation sont indissociables, car une
tentative insatisfaisante d'assimiler une nouvelle information dans les
structures cognitives existantes peut avoir comme conséquence un certain
ajustement de ces structures cognitives (ainsi, accommoder l'information) et,
réciproquement, une telle accommodation affecte une assimilation
suivante, qui procédera maintenant en accord avec la nouvelle structure.
De plus, l'assimilation et l’accommodation constituent ensemble le
processus principal de développement : l’équilibration. Ce processus caractérise la
transition de l'individu d'un stade de développement au stade de
développement suivant. Par exemple, l’évolution d'un enfant
qui peut résoudre des problèmes concrets dans un mode logique
à un adulte qui peut résoudre des problèmes abstraits dans
un mode systématique et logique. A travers la trajectoire de sa vie, un
individu rencontre sans cesse des expériences "anormales" qui
créent des états de déséquilibre. L'individu ne peut
résoudre un état de déséquilibre qu’en
adoptant un mode plus adaptatif et plus sophistiqué de pensée.
Dans ce cas, l'individu atteint un nouvel équilibre : c’est
l’apprentissage.
Piaget a noté que l’équilibration se produit dès
la naissance d’un nouveau-né. Ce dernier nait avec un certain
nombre de réflexes innés (des structures cognitives primitives),
par exemple : la succion, la réaction aux bruits. En peu de temps, il
commence à modifier ces réflexes pour les rendre plus
adaptatifs : la succion d'un doigt, par exemple, devient une action
différente de la succion d’un mamelon.
Dans la perspective socioconstructiviste, l'apprentissage est
fondamentalement abordé comme le processus par lequel le savoir
circule, se construit et se transforme au centre d'un groupe social, d'une
communauté. Dans cette perspective, apprendre, pour le sujet individuel,
c'est participer à ce processus collectif et collaboratif de
co-construction du savoir, c'est s'inscrire dans une relation avec d'autres
membres du groupe qui promeut cette co-construction : c'est en participant que
l'on apprend et réciproquement. L'attention est donc portée en
priorité à la connaissance comme un processus et un produit
essentiellement sociaux, collectifs et collaboratifs, propres à un
groupe. Les processus individuels de connaissance et de pensée sont pris
en compte, mais toujours comme situés dans un contexte donné,
c’est-à-dire dans le cadre des interactions du sujet avec les
autres membres de la communauté à laquelle il appartient.
C’est pour cela qu’on s'intéressera autant à la
manière dont l'individu participe et contribue à la construction
et à l'usage des connaissances collectives propres à son groupe,
qu'à la manière dont le contexte dans lequel le sujet est
inséré et les interactions sociales conditionnent ses processus
cognitifs individuels (Bourgeois et Frenay, 2002).
Par exemple, pour rendre compte du mécanisme qui préside au
développement cognitif, c’est-à-dire au passage d'un stade
à l'autre, l’approche historico-culturelle de Vygotski souligne
à la fois le rôle central d'autrui avec lequel l’individu
interagit et celui de ce qu'il appelle la zone proximale de
développement, qui est délimitée, d'un côté,
par la tâche la plus difficile que l’individu peut réaliser
tout seul, sans aucune aide et, de l'autre côté, par la tâche
la plus difficile que le sujet peut réaliser avec l'aide d’autres.
En d'autres termes, si l'intelligence peut se développer, c'est parce
que, d'une part, l’individu interagit avec un environnement social qui
peut lui apporter l'aide dont il a besoin et, d'autre part, parce qu'il est
prêt à tirer profit de celle-ci. Donc, pour Vygotski, la question
centrale pour l'enseignant est d'identifier la zone proximale de
développement de l’apprenant dans tel ou tel domaine
d'activité et les modalités de relation les plus favorables
à l'apprentissage dans cette zone (Bourgeois et Frenay, 2002).
Bien qu'il n'existe aucun ensemble précis de pratiques
d’enseignement qui constitue de manière univoque une approche
constructiviste ou socioconstructiviste, beaucoup de chercheurs en
éducation ont suggéré une variété de
principes pédagogiques conformes aux principes du (socio)constructivisme.
Dans la section suivante, nous illustrons en détail comment les
chercheurs dans différentes disciplines interprètent le
(socio)constructivisme en vue de définir et d'évaluer les
conditions qui, selon eux, soutiennent l’apprentissage constructiviste.
Dans la suite, lorsque nous utiliserons le terme "constructivisme" sans plus le
qualifier, nous désignerons à la fois le constructivisme cognitif
et le socioconstructivisme.
3. Analyse de trois approches basées sur des critères
Dans cette section-ci, nous présentons notre
analyse de trois approches qui sont basées sur des critères pour
évaluer des conditions d'apprentissage constructiviste. Pour
réaliser une telle analyse de manière pertinente, il faudrait, de
notre point de vue, prendre en compte les rubriques suivantes :
a. Approche pédagogique : Le constructivisme comporte
beaucoup de variantes (Driscoll, 2000).
Pour comprendre le travail réalisé par les auteurs, il faut donc
comprendre le paradigme qui guide l’ensemble de la réflexion
qu’ils proposent (Jonnaert et Vander Borght, 2003).
b. Critères : Nous étudions quels critères
les auteurs définissent et pourquoi ils les proposent.
c. Application : Nous examinons comment les auteurs appliquent
leurs propres critères pour la pratique de l'évaluation des
conditions d'apprentissage.
d. Discussion : Sur la base de notre compréhension de
l’ensemble des critères proposés, nous discutons
l'utilité de ces critères pour la pratique.
e. Validation : Nous examinons quelles expériences les auteurs
ont réalisées pour valider la pertinence de leurs critères
dans des situations réelles d'enseignement. La question majeure est :
est-ce que les conditions qui satisfont l'ensemble des critères
favorisent véritablement l'apprentissage constructiviste chez un
apprenant ?
Par la suite, nous utilisons ces rubriques afin d'analyser des
critères proposés par Brousseau et Vázquez-Abad (Brousseau et Vázquez-Abad, 2003) dans la section 3.1, par Jonnaert et Vander Borght (Jonnaert et Vander Borght, 2003) dans la section 3.2 et par nous-mêmes (Chieu, Milgrom et Frenay, 2004), (Chieu et Milgrom, 2005), (Chieu, 2005) dans
la section 3.3. La section 3.4 est consacrée à la validation des
approches. Notre analyse a été réalisée en examinant
des documents publiés par les auteurs. Si l’analyse de notre propre
approche est plus élaborée que celle de deux autres, c'est parce
que nous avons proposé un plus grand nombre de critères que les
auteurs de la première approche et parce que nous avons appliqué
nos critères pour construire un EIAH concret, ce qui n'est pas le cas
pour les auteurs de l'approche SCI.
3.1. Critères proposés par Brousseau et
Vázquez-Abad
Brousseau et Vázquez-Abad sont didacticiens
à l'Université de Montréal. Ils ont examiné un
certain nombre de perspectives constructivistes et ont retenu certaines
caractéristiques essentielles du constructivisme en vue d'analyser un
exemple de travail et d'apprentissage collaboratif s’appuyant sur les TIC.
Ils ont conclu qu'une activité telle que celle de leur projet TACTICS
peut être considérée comme étant de nature
constructiviste.
3.1.1. Approche pédagogique
Les deux auteurs n’ont pas suivi une perspective constructiviste unique
pour l'évaluation de leur environnement d'apprentissage. Par contre, ils
ont examiné une pluralité de points de vue constructivistes pour
proposer une série de critères essentiels, selon eux, pour
garantir le constructivisme.
Ils s'appuient principalement et explicitement sur les travaux de Piaget
présentés dans la section 2. Ils adhèrent au point de vue
d'Astolfi (Astolfi, 1989) qui affirme que le constructivisme consiste en un ensemble de procédures
d'enseignement qui mettent l'étudiant au cœur de ses apprentissages.
En opposition à l'approche par transmission des connaissances, les
apprentissages doivent toujours être construits et reconstruits activement
par l'apprenant lui-même. Cependant, cela ne signifie nullement que
l'enseignant n'a pas un rôle central dans l'apprentissage. Au contraire,
les apprentissages doivent être orchestrés par l'enseignant dans le
cadre d'un modèle didactique où l'apprenant devient un acteur
essentiel de son savoir et qui le conduit à des ruptures
épistémologiques et à des dépassements
intellectuels.
Brousseau et Vázquez-Abad affirment, en outre, qu'il est pertinent de
prendre également en compte les concepts du socioconstructivisme, qui met
en avant le rôle des interactions sociales et des collaborations dans la
construction de savoirs chez l'apprenant (Wallon, 1941), (Vygotsky, 1962).
D'un point de vue socioconstructiviste, une nouvelle connaissance est d'abord
subjective, propre à un individu, et devient objective, commune à
un groupe, seulement lorsqu'elle est rendue publique et qu'elle est
acceptée socialement. La dimension "socio" du socioconstructivisme permet
donc à l'apprenant de donner du sens aux connaissances qu'il construit (Ernest, 1991).
Dans la section 3.1.3, nous verrons comment Brousseau et Vázquez-Abad
organisent la négociation sociale chez les élèves en vue de
favoriser l’apprentissage.
3.1.2. Critères
Après avoir examiné un certain nombre de perspectives
constructivistes, Brousseau et Vázquez-Abad ont défini trois
critères qui, selon eux, expriment les points communs majeurs de ces
perspectives :
a. Le constructivisme n'admet pas qu'une connaissance puisse être
transmise d'une personne à une autre.
b. Le savoir reconnu est un savoir pratique permettant à
l'apprenant de survivre, de résoudre des problèmes et de
réaliser des projets.
c. Les processus d'apprentissage doivent être centrés sur
l'apprenant et le conduire de façon individuelle et collective à
la construction de connaissances.
Les deux auteurs ont ensuite utilisé ces trois critères comme
un guide afin d'évaluer la nature constructiviste d'une activité
pédagogique (ou, plus spécifiquement, des conditions
d’apprentissage dans cette activité), comme présenté
dans la sous-section qui suit.
3.1.3. Application
Le projet TACTICS (Travail et Apprentissage Collaboratifs avec les Technologies de l'Information et des Communications) (Vázquez-Abad et al., 2003) a été conçu pour mettre en place une communauté
visant à promouvoir l'apprentissage collaboratif réparti des
sciences au niveau de l’enseignement secondaire. Depuis l'année
scolaire 2000-2001, le projet rassemble une communauté composée de
quelques centaines de chercheurs, d'étudiants diplômés,
d'enseignants et de leurs élèves de quinze à dix-huit ans
qui sont répartis géographiquement au Mexique et à
Montréal.
Le développement du projet s'appuie sur le modèle du
casse-tête en apprentissage collaboratif (Slavin, 1995),
modifié pour l'utilisation en mode réparti (Winer et al., 2000).
Ce modèle propose la division des apprentissages visés en une
série de regroupements équilibrés, complémentaires
et essentiels de manière à distribuer la responsabilité de
ces apprentissages et à créer la nécessité d'une
concertation et d’une synthèse pour arriver au résultat
désiré.
Les élèves de TACTICS sont organisés en équipes
de base, elles-mêmes formées de trois sous équipes (dites
d'experts) et regroupant trois ou quatre apprenants chacune. L'objectif
d'apprentissage des élèves est de mener une recherche
d'information et de produire une synthèse commune sur un thème
scientifique qu'ils auront choisi dans une liste de thèmes
préalablement établie par les enseignants et les chercheurs de la
communauté de TACTICS. Ces thèmes sont tous subdivisés en
trois sujets qui sont distribués à chacune des équipes
d'experts et dont elles sont responsables.
Activité |
Description |
Analyse |
Présentation de tous les participants |
Présentation personnelle aux coéquipiers |
Création d'un lien affectif entre participants |
Travail en équipe d'experts sur un des trois sujets du
thème |
Recherches sur Internet, à la bibliothèque, auprès de
parents, etc. pour produire conjointement un travail sur un des trois sujets du
thème; échange avec d'autres équipes d'experts ayant le
même sujet de recherche |
Construction de connaissances à la fois individuelle et
collective |
Résumé du travail de l'équipe d'experts et
préparation des questions |
Résumé du travail précédent et
préparation des questions pour susciter des discutions de deux autres
équipes d'experts dans l'équipe de base |
Organisation de connaissances, discussion entre pairs, production de
résumés |
Lecture des résumés, réponses aux questions et
correction |
Travail en groupe pour comprendre des résumés, répondre
aux questions et corriger des réponses de deux autres équipes
d'experts |
Construction de connaissances : individuelle, sociale et collective |
Préparation de la synthèse du thème de l'équipe
de base |
Pour chacune des équipes de base, à partir des trois
résumés produits, une première équipe d'experts note
les similitudes entre les trois sujets du thème de recherche, une seconde
en note les différences et une troisième rédige une
ébauche de la synthèse du thème en s'appuyant sur les
travaux réalisés par les deux premières |
Renforcement de la collaboration entre les trois équipes
d'experts |
Discussion et rédaction finale de la synthèse du
thème |
Pour remettre la synthèse du thème au public, les trois
équipes d'experts retravaillent ensemble l'ébauche de la
synthèse (réviser, corriger, améliorer et approuver) |
Négociation et discussions pour parvenir à la synthèse
finale |
Production de la page Web |
Production d'une page Web (publique) qui contient l'information des trois
travaux des équipes d'experts, de leurs trois résumés et de
la synthèse finale de l'équipe de base |
Transformation de connaissances |
Tableau 1 : Analyse de TACTICS
Brousseau et Vázquez-Abad utilisent leurs trois critères pour
analyser les conditions d’apprentissage créées pendant le
travail des élèves, qui est subdivisé en sept parties et
qui s'échelonne sur près de sept mois. Nous résumons le
résultat de cette analyse dans le Tableau 1.
3.1.4. Discussion
Brousseau et Vázquez-Abad ont examiné une variété
de perspectives constructivistes dans les deux paradigmes principaux
présentés dans la section 2 : le constructivisme cognitif et le
socioconstructivisme. Ils affirment choisir le constructivisme cognitif pour
proposer leurs trois critères (il n'y a que le troisième
critère qui aborde la construction collective de connaissances).
Cependant, il nous semble que, dans le cadre du projet TACTICS, les deux auteurs
se focalisent sur le socioconstructivisme : nous voyons apparaître la
collaboration, la négociation et les discussions plus souvent que le
développement individuel dans l'activité pédagogique mise
en œuvre dans TACTICS.
Les deux auteurs ont montré que, à la lumière de leurs
trois critères, les conditions d'apprentissage du projet TACTICS peuvent
être considérées comme étant de nature
constructiviste. Nous estimons, quant à nous, qu’il faudrait
clarifier les trois critères de manière plus opérationnelle en vue de permettre une analyse plus précise
et approfondie que celle des deux auteurs.
En effet, les trois critères sont encore trop généraux : il est difficile de les appliquer pour
évaluer des conditions d'apprentissage dans des situations d'enseignement
quelconques. Par exemple, nous trouvons difficile d’utiliser les trois
critères de Brousseau et de Vázquez-Abad pour évaluer
l'activité pédagogique de notre propre environnement
d'apprentissage (voir la section 3.3.3). Même dans leur analyse, il nous
semble qu'il est difficile pour le lecteur de reconnaître la pertinence
des trois critères par rapport aux conditions d'apprentissage fournies
par le projet TACTICS : on ne voit pas explicitement quelles conditions
d'apprentissage satisfont quels critères et comment la satisfaction des
critères est justifiée. A titre d’exemple, quel(s) est(sont)
le(s) critère(s) satisfait(s) par la deuxième activité
à propos de la production d'un travail sur un des trois sujets du
thème et comment est(sont)-il(s) satisfait(s) ?
Dans les sections suivantes, nous analyserons deux ensembles des
critères opérationnels, proposés par Jonnaert et
Vander Borght et par nous-mêmes.
3.2. Critères proposés par Jonnaert et Vander Borght
Jonnaert est professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke
; ses recherches portent sur l'apprentissage et les processus de
compréhension et de construction des connaissances mathématiques.
Vander Borght est professeur à l'Université catholique de Louvain
; ses recherches portent sur la didactique des sciences. Partant d'une approche
socioconstructiviste et interactive, les deux auteurs ont proposé une
grille qui peut être utilisée pour analyser différentes
définitions du concept de l'apprentissage (Jonnaert et Vander Borght, 2003).
3.2.1. Approche pédagogique
Les deux auteurs présentent une perspective socioconstructiviste et
interactive (le modèle SCI) dans un contexte scolaire. Ce paradigme
épistémologique se compose des trois dimensions
interdépendantes suivantes :
a. La dimension constructiviste cognitive : Selon les deux auteurs, la
perspective constructiviste s'appuie sur le double postulat suivant : (a)
l'individu construit ses connaissances à travers sa propre
activité ; (b) l'objet manipulé au cours de cette
activité n'est autre que sa propre connaissance. Ce double
postulat suppose donc, de la part de l'individu qui construit ses connaissances,
une activité réflexive sur ses propres connaissances. Cette
activité réflexive a pour fonction l'adaptation des connaissances
de l'individu aux exigences de la situation à laquelle il est
confronté.
b. La dimension "socio" liée aux interactions sociales : Dans
un contexte scolaire, les interactions sociales constituent une composante
importante de l'apprentissage : Jonnaert et Vander-Borght postulent que
l'élève construit ses propres connaissances dans et par les interactions avec les autres. Ces interactions sociales ont aussi une
double dimension : (a) il s'agit d'une part des interactions entre pairs ; (b)
il s'agit d'autre part des interactions entre l'apprenant et l'enseignant.
c. La dimension "interactive" liée aux interactions avec le milieu : Les apprentissages sont certes des processus individuels qui se
développent grâce aux interactions avec les autres, mais aussi
grâce aux échanges que l'individu établit avec le milieu qui
l'entoure. Ce volet s'appuie sur le postulat suivant : les apprentissages
scolaires ne peuvent se vivre qu'en situation ; les situations sont
à la fois source et critère des connaissances. La situation
à laquelle l'apprenant est confronté est source d'apprentissage,
car elle confronte les connaissances de l'apprenant aux exigences de la
situation. Elle en est aussi critère, car l'apprenant ne peut être
efficace dans cette situation que si ses connaissances sont pertinentes.
3.2.2. Critères
Pour clarifier le concept de l'apprentissage dans leur modèle SCI,
Jonnaert et Vander Borght ont proposé un ensemble de critères
opérationnels (Tableau 2) selon les trois dimensions
précédemment définies.
3.2.3. Application
Pour montrer l'utilité de leurs critères, les auteurs les ont
appliqués pour analyser un certain nombre de définitions du
concept de l'apprentissage dans la littérature. Nous illustrons une de
ces analyses (Jonnaert et Vander Borght, 2003, p. 261) dans le Tableau 2.
Définition : "(...) L'apprentissage est un processus ; la
modification d'acquis antérieurs fait partie intégrante de ce
processus ; c'est l'apprenant qui est le principal acteur de
l'apprentissage ; un apprentissage scolaire doit s'inscrire dans un contexte
porteur de significations pour celui qui apprend ; la logique de celui qui
apprend prime sur celle de la matière à enseigner.
(...) L'apprentissage se réalise essentiellement à travers les
conduites, les opérations ou les interventions de l'apprenant
lui-même ; l'élève réalise personnellement un certain
nombre de démarches pour s'approprier de nouvelles conduites et des
représentations d'objet, ou pour en changer ; l'apprentissage se
construit sur et avec les connaissances antérieures de
l'élève ; le processus d'apprentissage évoqué
est strictement sous la responsabilité de l'élève qui
apprend ; l'enseignant ne contrôle que partiellement la 'situation' dans
la quelle il place l'élève ; l'enseignant n'est pas maître
de l'apprentissage d'un autre, il contrôle simplement certaines conditions
dans lesquelles il place l'élève" (Jonnaert, 1995, p. 39) |
Dimensions |
Critères |
Analyse |
Commentaires |
(1) Constructiviste |
(1.1) Qui est l'acteur de l'apprentissage ? |
L'apprenant |
L'apprenant est le principal acteur, par ailleurs, c'est lui qui
contrôle le processus d'apprentissage. |
(1.2) L'apprenant réalise-t-il ses apprentissages sur base de ses
propres connaissances ? |
Oui |
Cette dimension est explicite dans la définition. |
(1.3) L'apprentissage a-t-il du sens pour l'apprenant ? |
Oui |
Cette dimension est explicite dans la définition. |
(2) Socio |
(2.1) L'apprenant réalise-t-il ses apprentissages en interaction avec
ses pairs ? |
non évoqué |
|
(2.2) L'apprenant réalise-t-il ses apprentissages en interaction avec
l'enseignant ? |
implicite |
L'enseignant contrôle certaines des conditions dans lesquelles il
place l'élève. |
(2.3) Des zones de dialogue sont-elles définies pour permettre les
interactions entre les apprenants, l'enseignant et l'objet d'apprentissage ? |
non évoqué |
|
(3) Interactive |
(3.1) L'apprentissage est-il réalisé à partir de
situations ? |
Oui |
L'apprentissage doit se faire en contexte signifiant pour l'apprenant. |
(3.2) L'apprenant doit-il découvrir l'objet d'apprentissage dans ces
situations ? |
non évoqué |
|
(3.3) L'apprenant doit-il interagir avec ces situations et l'objet
d'apprentissage ? |
non évoqué |
|
(3.4) La définition [du concept de l’apprentissage] permet-elle
d'établir une distinction entre l'objet d'apprentissage et les
connaissances de l'apprenant ? |
Oui |
La logique de l'apprenant est dissociée de celle de l'objet
d'apprentissage. |
(3.5) Existe-t-il des interactions entre l'objet d'apprentissage et les
connaissances de l'apprenant ? |
non évoqué |
|
Tableau 2 : Analyse d'une définition de
l’apprentissage constructiviste
La conclusion tirée par les auteurs est qu'aucune des
définitions analysées ne satisfait la totalité des
critères qu'ils ont proposés. Ils ont donc proposé leur
propre définition du concept d'apprentissage, qui satisfait l'ensemble
des critères (c'est-à-dire "apprenant" pour le critère 1.1
et "oui" pour les autres critères). Voici le résumé de la
définition :
Un apprentissage est un processus dynamique par lequel un apprenant, à
travers une série d'échanges avec ses pairs et l'enseignant, met
en interaction ses connaissances avec des savoirs dans l'objectif de créer de nouvelles connaissances adaptées aux contraintes
et aux ressources de la situation à laquelle il est actuellement
confronté dans l'objectif d'utiliser ses nouvelles connaissances dans des
situations non didactiques. (p. 266)
3.2.4. Discussion
Jonnaert et Vander Borght ont proposé leurs critères selon une
perspective socioconstructiviste et interactive. Bien que les auteurs
n'utilisent leurs critères que pour analyser des définitions du concept de l'apprentissage, nous pensons que ces
critères sont suffisamment applicables et opérationnels pour permettre d'évaluer des conditions d'apprentissage dans une
variété de contextes d'apprentissage, comprenant celui des EIAH.
En effet, pour examiner le caractère opérationnel de ces
critères, nous les avons appliqués pour analyser l'activité
pédagogique de notre propre EIAH, présenté dans la section
suivante (Chieu, 2005), et
nous avons trouvé que la réalisation de l'analyse n'était
ni difficile, ni laborieuse. Nous discuterons plus avant l’utilisation des
critères de Jonnaert et Vander Borght dans la section qui suit.
3.3. Critères proposés par Chieu, Frenay et Milgrom
Milgrom et Frenay sont professeurs à l'Université catholique de
Louvain. Milgrom effectue des recherches sur la pédagogie active dans le
contexte des EIAH ; Frenay s'intéresse aux processus d'apprentissage
et de transfert de connaissances et aux dispositifs pédagogiques dans
l'enseignement universitaire. Chieu est docteur en sciences appliquées de
l'Université catholique de Louvain; ses recherches portent sur
l'informatique et les sciences cognitives et pédagogiques dans le
contexte des EIAH. Ensemble, ils ont proposé une liste de critères
pour caractériser non pas la totalité des facettes du
constructivisme, mais uniquement certains aspects qu'ils jugent essentiels ;
cette liste de critères peut être utilisée comme un cadre
pour l'évaluation des conditions d'apprentissage dans une
variété de situations d'enseignement et d’apprentissage.
3.3.1. Approche pédagogique
Notre approche pédagogique s'appuie explicitement sur le
constructivisme cognitif. Dans ce paradigme, Driscoll (Driscoll, 2000) examine une variété de perspectives constructivistes et identifie
cinq facettes majeures relatives à la création de conditions
d'apprentissage : (a) le raisonnement, la pensée critique et la
résolution de problèmes (CTGV, 1991) ; (b)
la rétention, la compréhension et l'utilisation (Edelson et al., 1996) ; (c) la flexibilité cognitive (Feltovich et al., 1996), (Spiro et al., 1991) ; (d) l'autorégulation (Duffy et Cunningham, 1996) et (e) la réflexion attentive et la flexibilité
épistémologique (LDHG, 1992).
Parmi les cinq facettes du constructivisme, nous avons choisi de travailler
en premier lieu sur des critères pour caractériser la flexibilité cognitive et ce, pour trois raisons
principales. Premièrement, nous constatons que les principes
pédagogiques de la flexibilité cognitive reflètent les
caractéristiques de base du constructivisme (Spiro et al., 1991).
Deuxièmement, nous voyons que la flexibilité cognitive est un
point commun important à de nombreux chercheurs constructivistes (Bourgeois et Nizet, 1999), (Driscoll, 2000), (Spiro et Jehng, 1990).
Et, troisièmement, nous pensons que les TIC sont particulièrement
bien placées pour faciliter la création de conditions
d'apprentissage soutenant la flexibilité cognitive, comme Driscoll (Driscoll, 2000) et Wilson (Wilson, 1996) l’ont montré dans quelques exemples de hypermédias.
La flexibilité cognitive est « la capacité d'une
personne à structurer ou restructurer ses propres connaissances, de
différentes façons, afin de répondre de manière
adaptative à une variété de nouvelles
situations » (Spiro et Jehng, 1990).
Voici quelques exemples de flexibilité cognitive chez l'étudiant,
d'autres exemples figurent dans (Spiro et Jehng, 1990) et dans (Chieu, 2005) :
• Lorsque l'étudiant est confronté à un nouveau
problème, il essaie d'analyser systématiquement différents
aspects du problème et d'utiliser différentes approches qu'il a
appliquées avec succès dans le passé pour résoudre
des problèmes plus ou moins similaires en vue de trouver une solution la
plus complète possible.
• Lorsque l'étudiant est confronté à un nouveau
concept, il essaie de réaliser différentes activités
d'apprentissage dans différents contextes afin de rencontrer une
variété d'aspects du nouveau concept.
• Lorsque l'étudiant discute avec ses pairs, il essaie de poser
systématiquement des questions de nature à éliciter les
points de vue de ses pairs.
Pour favoriser la flexibilité cognitive dans l'enseignement, surtout
dans l'acquisition de connaissances avancées, Feltovich, Spiro et leurs
collègues (Feltovich et al., 1996) ont présenté une théorie de la flexibilité cognitive
dans laquelle ils ont argumenté en faveur de l'utilisation de multiples
formes de modèles pédagogiques, de multiples métaphores et
analogies et de multiples interprétations de la même information.
Un autre point de vue au sujet de la flexibilité cognitive,
proposé par Bourgeois et Nizet (Bourgeois et Nizet, 1999),
souligne que l'enseignant devrait encourager l'étudiant à explorer
le plus profondément possible de nouvelles connaissances, dans diverses
situations concrètes. D'autre part, ils ont ajouté qu’il est
nécessaire de donner des moyens permettant à l'apprenant
d'analyser et d’évaluer ces nouvelles connaissances "de
l'extérieur". Selon cette approche, l'enseignant est responsable de trois
activités : (a) encourager les étudiants à exprimer leurs
points de vue personnels, (b) organiser la confrontation des points de vue des
étudiants, et (c) fournir les outils méthodologiques permettant
aux étudiants de traiter ces différents points de vue.
Driscoll (Driscoll, 2000) a examiné les hypothèses suggérées par Spiro et ses
collègues et identifié deux conditions d'apprentissage principales
pour la flexibilité cognitive : (a) les multiples modes
d'apprentissage, c'est-à-dire les multiples représentations de
contenus d'apprentissage, les multiples façons et méthodes pour
explorer des contenus d'apprentissage ; et (b) les multiples perspectives sur
l'apprentissage, c'est-à-dire l'expression, la confrontation et le
traitement de multiples points de vue. Nous acceptons les deux conditions
d'apprentissage proposées par Driscoll parce qu'elles semblent incarner
différents points de vue suggérés par d'autres
théoriciens en éducation.
3.3.2. Critères
Composants d'apprentissage |
Conditions d'apprentissage |
Multiples modes d'apprentissage |
Multiples perspectives sur l'apprentissage |
Contenus d'apprentissage |
MM1 : le même contenu d'apprentissage présentant des concepts
et leurs relations est représenté en différentes formes
telles que le texte, les images, l'audio, la vidéo et les
simulations. |
MP1 : le même concept abstraire est expliqué, utilisé et
appliqué systématiquement avec d'autres concepts dans une
diversité d'exemples d'utilisation, exercices et études de cas
dans des situations appropriées, "réalistes" et complexes. |
Dispositifs pédagogiques |
MM2 : l'apprenant est encouragé à étudier le même
concept abstraire pour différents objectifs, en différents
moments, par différentes méthodes et activités telles que
la lecture, l'exploration, la discussion et la réorganisation de
connaissances. |
MP2 : lorsque l'apprenant est confronté à un nouveau concept,
il est encouragé à explorer le plus loin possible les relations
entre celui-ci avec d'autres concepts dans des situations appropriées,
"réalistes" et complexes.
MP3 : lorsque l'apprenant est confronté à un nouveau concept,
il est encouragé à explorer différentes
interprétations de celui-ci (par d'autres auteurs et par ses pairs),
à exprimer son point de vue personnel sur le nouveau concept et à
donner des feedback sur les points de vue d'autres personnes.
MP4 : lorsque l'apprenant est confronté à un nouveau concept,
il est encouragé à examiner, analyser et synthétiser une
diversité de points de vue sur le nouveau concept. |
Interactions humaines |
MM3 : le nombre de participants, le type de participant (l'apprenant,
l'enseignant, l'expert, etc.), les outils de communication et les localisations
(dans la classe, le campus ou le monde, etc.) sont variés. |
MP5 : pendant la discussion, l'apprenant est encouragé à
diversifier – le plus loin possible – les différents points
de vue à propos du sujet discuté. |
Dispositifs d'évaluation |
MM4 : pendant le processus d'apprentissage, l'apprenant est encouragé
à utiliser différents méthodes et outils
d'évaluation, en différents moments et en différents
contextes pour démontrer sa capacité à résoudre
différents problèmes. |
MP6 : pendant le processus de résolution d'un problème,
l'apprenant est encouragé à confronter de multiples façons
à résoudre le problème et de multiples solutions possibles
pour le problème. |
Tableau 3 : Ensemble des critères
opérationnels pour la flexibilité cognitive
Nous définissons un critère opérationnel pour la
flexibilité cognitive comme un test qui permet de répondre
aisément à la question de savoir si une condition d'apprentissage
reflète les principes pédagogiques de la flexibilité
cognitive. Pour proposer un ensemble complet de critères
opérationnels, nous avons d'abord considéré les deux
conditions d'apprentissage identifiées précédemment. Puis,
à partir de nombreuses implications pédagogiques proposées
par des chercheurs en sciences de l’éducation (voir la section
1.1), nous avons identifié quatre composants d'apprentissage importants :
(a) les contenus d'apprentissage (les exemples, exercices, études
de cas, etc.) ; (b) les dispositifs pédagogiques (les
méthodes et outils fournis aux apprenants pour explorer des contenus
d'apprentissage) ; (c) les interactions humaines (les moyens et
techniques pour engager l'enseignant et les apprenants dans des discussions) ;
et (d) les dispositifs d'évaluation (les problèmes et
outils pour déterminer si l'apprenant atteint ses objectifs
d'apprentissage). Finalement, pour chacune des deux conditions d'apprentissage
et pour chacun des quatre composants d'apprentissage, nous avons proposé
un ou plusieurs critères pour vérifier la présence de la
condition d'apprentissage dans le composant d'apprentissage. Nous avons
distingué les quatre composants d’apprentissage en vue de faciliter
la proposition et l’application de nos critères. Le Tableau 3
présente l'ensemble de ces critères opérationnels (MM =
Multiples Modes, MP = Multiples Perspectives). La section 3.3.3 explique la
pertinence de ces critères.
3.3.3. Application
Nous utilisons l'ensemble des critères opérationnels comme un guide (Chieu, 2005) afin de : (a) proposer un processus opérationnel pour créer des
conditions d'apprentissage favorisant la flexibilité cognitive, (b)
développer une plate-forme de e-Learning basée sur le Web
soutenant la flexibilité cognitive (COFALE : Cognitive Flexibility in Adaptive Learning Environments),
et (c) évaluer des conditions d'apprentissage favorisant la
flexibilité cognitive (par exemple un cours créé en
utilisant COFALE). Dans cette section-ci, nous montrons comment nous avons
évalué un cours géré par COFALE comme un exemple
d'utilisation de nos critères.
Nous avons utilisé COFALE pour concevoir un cours sur le concept,
fondamental en informatique, de récursion (Henderson et Romero, 1989).
De nombreux enseignants considèrent que l'enseignement et l'apprentissage
du concept de récursion sont difficiles (Anderson et al., 1988),
car le concept est complexe et peu fréquent dans la vie quotidienne. Pour
la discussion qui suit, nous supposons un apprenant "novice" (Bob), qui
maîtrise la programmation "traditionnelle" (dans notre cas : le
langage Java) avec le concept de l'itération. Bob utilise COFALE pour
apprendre le concept de récursion (c'est-à-dire développer
la capacité à utiliser la récursion pour résoudre
des problèmes). Nous supposons aussi qu'un tuteur et un certain nombre
d’autres apprenants (les pairs) participent à la même
expérience d'apprentissage. Par la suite, pour chacun de nos
critères relatifs à la flexibilité cognitive, nous montrons
comment COFALE fournit à Bob des situations d'apprentissage satisfaisant
le critère.
Bob voudrait développer sa capacité à implémenter
des solutions récursives pour une variété de
problèmes. Il navigue grâce au menu local ("Local Menu") et lit la
définition et les exemples des concepts importants :
récursion, algorithmes et méthodes récursifs (Figure 1 :
Zone 1). Puis, Bob est encouragé à explorer une situation à
propos des expressions arithmétiques (Figure 1 : Zone 2).
Figure 1 : Une partie de l'hyperespace d'apprentissage
de Bob
Critère MM1 : Dans la situation des expressions
arithmétiques, le concepteur du cours induit Bob à examiner les
multiples représentations du concept de récursion en utilisant les
hyperliens présentés dans la Zone 3 ou la Zone 4 de la Figure 1 :
une définition textuelle, deux simulations et une implémentation
en Java.
Critère MP1 : Après avoir exploré la
première situation (les expressions arithmétiques), Bob est
encouragé à explorer la deuxième situation à propos
de la recherche simple de textes en cliquant sur un hyperlien dans le menu
"Related Topics" (Figure 1, Zone 5). Dans cette situation, Bob voit comment
appliquer la récursion pour représenter un texte (une liste de
mots) comme une liste chaînée et rechercher une phrase dans un
document. Ici, le concepteur du cours a préparé une
diversité de situations pour aider Bob à comprendre comment
appliquer le concept de récursion dans différents contextes : les
expressions arithmétiques illustrent, de manière naturelle,
l'utilisation de la récursion dans les arbres binaires ; la
recherche simple de textes explique l'utilisation de la récursion dans
les listes chaînées.
Critère MP2 : Pendant que Bob explore la situation de la
recherche simple de textes, COFALE lui présente un hyperlien (dans le
menu "Related Topics") qui l'encourage à examiner le concept de listes
chaînées, qui est en relation avec la récursion, car les
listes chaînées sont un type particulier de structures de
données récursives. Similairement, pendant qu’il examine le
concept de listes chaînées, Bob peut retourner à
l'hyperespace de la récursion en cliquant sur un des hyperliens
présentés dans les menus "Related Topics" et "Learning History"
(Figure 1, Zone 6). Ce dernier menu contient les hyperliens vers les pages Web
que Bob a visitées récemment. Les deux menus aident Bob
également à naviguer intelligemment pour éviter de se
perdre dans l'hyperespace d'apprentissage.
Critère MM2 : À la fin de chaque page Web, COFALE
présente à Bob des activités d'apprentissage pour le guider
et l’amener à explorer l'hyperespace d'apprentissage. Par exemple,
après avoir exploré la situation des expressions ’contextes
pour étudier plus à fond le concept de récursion.
Figure 2 : Activités d'apprentissage
proposées à Bob
Critère MP3 : Pour satisfaire ce critère, COFALE propose
à Bob les quatre activités d'apprentissage suivantes :
a. Ajouter des commentaires sur les contenus d'apprentissage
créés par le concepteur du cours, par exemple : reformuler
les points principaux de la définition du concept de récursion
dans ses propres termes (Figure 2 : "Personal Comments").
b. Ajouter ses propres exemples, par exemple : un
phénomène récursif dans sa vie quotidienne (Figure 2 :
"Examples & Summaries").
c. Explorer des ressources externes, par exemple : les cours en ligne de
Java (Eck, 2004), (Kjell, 2003) dans
lesquels les auteurs illustrent un nombre important d'exemples récursifs
(Figure 2 : "Other Resources").
d. Explorer des hyperespaces d'apprentissage de ses pairs, par exemple se
loguer dans un espace d'apprentissage d'un apprenant "expert" afin
d’examiner ses exemples récursifs à lui (Figure 2 : "Peers'
Learning Hyperspace").
Critère MP4 : COFALE suggère à Bob de produire
des résumés sur les points de vue d'autres sources et de ses pairs
(Figure 2 : "Examples & Summaries"). Par exemple, COFALE fournit à
Bob un tableau vide lui permettant de confronter ses propres définitions
du concept de récursion, de méthodes récursives et de la
résolution de problèmes avec celles de ses pairs.
Critère MM3 : COFALE encourage Bob à travailler avec ses
pairs (Figure 2 : "Discussions"), parfois avec la participation du tuteur, en
utilisant de multiples outils de communication tels que les courriels, les
forums et les salles de conversation (chat rooms). COFALE incite aussi
Bob à utiliser un site Web (Java World, 2006) pour poser aux experts des questions à propos de la récursion.
Critère MP5 : Pour satisfaire ce critère, COFALE
attache, à chacun des outils de discussion, une liste de questions
générales et une liste de questions spécifiques en rapport
avec la récursion. Ces listes de questions permettent à Bob de
solliciter les points de vue de ses pairs. Ces questions incluent "Pourquoi ?",
"Quelle est la source de ton information ?", "Y a-t-il d'autres explications
pour cette question ?", "Pourquoi la récursion est-elle utile dans ce
problème ?", "Comment arrives-tu de l'énoncé du
problème à ta solution récursive ?".
Critère MM4 : A différents moments, par exemple
après l'exploration de multiples situations d'apprentissage, Bob est
amené à effectuer deux activités d'évaluation :
a. Tests individuels : Bob est confronté à une situation
d'évaluation dans laquelle le concepteur du cours lui demande de faire un
certain nombre de tests tels que calculer toutes les combinaisons des pas de 1
mètre, 2 mètres ou 4 mètres que peut utiliser un robot pour
effectuer un trajet de n mètres où n est un
nombre entier positif.
b. Travail en groupe : COFALE amène Bob à participer
à un groupe de deux ou trois étudiants pour résoudre des
problèmes non triviaux dans un système de fichiers à
structure arborescente ; il s’agit, par exemple, de lister de
manière récursive tous les fichiers et les sous-répertoires
dans un répertoire donné.
Critère MP6 : Dans la situation du robot, Bob est
encouragé à appliquer et comparer la méthode
itérative et la méthode récursive. Dans la situation de la
gestion de fichiers, le tuteur amène Bob et ses coéquipiers
à confronter et à comparer différentes solutions possibles
: (a) lister d'abord les fichiers et sous-répertoires dans le
répertoire donné, puis dans ses sous-répertoires et (b)
lister d'abord les fichiers et sous-répertoires dans les
sous-répertoires du répertoire donné, puis dans le
répertoire donné lui-même.
L’analyse précédente montre que le cours sur la
récursion satisfait tous les critères proposés plus haut
pour la flexibilité cognitive.
3.3.4. Discussion
Bien que notre approche se centre sur les principes pédagogiques de la
flexibilité cognitive, une seule des facettes du constructivisme
cognitif, nous n’avons pas ignoré la dimension de
l’interaction sociale (voir les critères MM3 et MP5, par exemple).
En effet, une analyse du cours de récursion sous COFALE effectuée
en utilisant les critères proposés par Jonnaert et Vander Borght
(voir la section 3.2) montre que l’activité pédagogique
présentée satisfait tous leurs critères (Chieu, 2005).
Nous pouvons donc affirmer que notre modèle pédagogique est
cohérent avec l’approche socioconstructiviste et interactive de
Jonnaert et Vander Borght.
Nous sommes convaincus qu'il est possible d'exploiter d'autres facettes du
constructivisme que la flexibilité cognitive (par exemple : la
résolution de problèmes) de manière similaire afin de
proposer des critères pour ces autres facettes. Cependant, à notre
avis, transformer des principes pédagogiques de la résolution de
problèmes en critères opérationnels sera difficile, car la
résolution de problèmes dépend du sujet à apprendre (Weber et Brusilovsky, 2001) :
on ne résout pas les problèmes de manière similaire en
mathématiques, en ingénierie ou en médecine.
En plus de notre analyse du cours de récursion, nous avons aussi
utilisé l’ensemble de nos critères pour évaluer un
certain nombre de EIAH existants (Chieu et al., 2006).
L'analyse montre qu'il y a de nombreuses manières d’exploiter les TIC afin de satisfaire ces critères. La
réalisation d’une telle évaluation n’est pas
très coûteuse (1 personne-heure en moyenne pour chaque EIAH). Nous
pouvons donc affirmer que nos critères pour la flexibilité
cognitive sont effectivement opérationnels.
Cependant, après avoir validé ces critères (voir la
section 3.4), nous devons encore formuler plusieurs remarques importantes pour
l’application de ces critères. Voir aussi les discussions de (Jonnaert et Vander Borght, 2003) à propos de l’utilisation de leurs critères :
• La qualité de la satisfaction des critères est
importante : l'ensemble des critères est là pour aider les
concepteurs, chercheurs et praticiens à créer et évaluer
des conditions d'apprentissage. Cependant, leur expertise dans le sujet
enseigné est essentielle. Par exemple, pour satisfaire le critère
MP1, le concepteur du cours doit être un expert en récursion pour
pouvoir préparer une diversité de situations
d'apprentissage significatives pour l'apprenant : préparer une
diversité de situations qui expliquent différents aspects ou
interprétations d'un nouveau concept (qualité) serait plus
important que préparer beaucoup de situations qui n'expliquent qu'un ou
deux aspects du nouveau concept (quantité).
• Il n'est sans doute pas nécessaire de satisfaire tous les
critères : à l’heure actuelle, il n'existe aucune preuve
qui montre que satisfaire tous les critères que nous proposons est
toujours préférable à satisfaire une partie de ces
critères. Il est possible que la satisfaction de quelques critères
suffit pour les cours introductifs et que satisfaire la plupart des
critères ou tous les critères est nécessaire pour les cours
avancés (Chieu et al., 2006).
Par exemple, le cours sur les concepts de vitesse, accélération,
distance, etc. en physique, qui a été conçu dans le cadre
du projet SimQuest (de Jong et al., 2004),
ne satisfait qu’une moitié de nos critères pour la
flexibilité cognitive, mais il a aidé néanmoins les
élèves à atteindre leurs objectifs d’apprentissage de
manière effective.
• Parmi les critères, certains sont plus importants que
d’autres : par exemple, le critère MP1 est plus important que
le critère MM1. En effet, les multiples représentations de
contenus d'apprentissage (MM1) facilitent la perception de l'apprenant à
propos d'un aspect d'un nouveau concept, mais c'est la diversité des situations d'apprentissage (MP1) qui suscite le conflit cognitif salutaire
chez l'apprenant. En réalité, satisfaire le critère MP1 est
plus difficile que satisfaire le critère MM1. Par exemple, nous avons
trouvé qu'à la fin des chapitres de nombreux livres de
référence, les auteurs présentent souvent des séries
d'exercices, mais ces derniers n'illustrent que peu d'interprétations
différentes d'un nouveau concept complexe (Chieu, 2005).
• Les critères ne sont pas totalement indépendants les
uns des autres : le concepteur de cours doit être conscient de cette
caractéristique pour appliquer effectivement l'ensemble des
critères. Par exemple, les critères MP3 et MP4 renforcent le
critère MM2, car ils encouragent l'apprenant à effectuer une
variété d'activités d'apprentissage.
• L'ensemble des critères proposés n'est pas
définitif : on peut certainement le modifier. Par exemple nous ne
doutons pas qu'il soit possible d’organiser un critère en
sous-critères ou de rassembler plusieurs critères en un seul
critère, ou même de refuser une partie de ces critères et
d'en proposer de nouveaux, selon l’interprétation personnelle que
chacun voudra donner à la flexibilité cognitive.
3.4. Validation des trois approches
Bien que TACTICS ait été utilisé pour promouvoir
l'apprentissage collaboratif au sein d'une communauté
d’élèves, nous n’avons pas trouvé
d’indications relatives à l’existence d’un volet
expérimental qui aurait permis de démontrer la cohérence
entre les trois critères proposés par les auteurs et les
conditions d'apprentissage fournies par TACTICS. Il n’est donc pas
possible de répondre à une question telle que "Après un
apprentissage avec l'aide de TACTICS, est-ce que chaque élève
construit véritablement ses propres connaissances par lui-même
plutôt que par transmission ?"
Les auteurs de la deuxième approche ne mentionnent pas
l’existence d’une expérimentation effectuée pour
valider l'ensemble des critères du modèle socioconstructiviste et
interactif qu'ils proposent. Ce n’est pas surprenant, parce que l'objectif
des auteurs, en proposant leurs critères, était essentiellement de
donner une définition la plus complète possible du concept
d'apprentissage en s’appuyant sur leur modèle socioconstructiviste
et interactif.
Quant à nous, nous avons réalisé une évaluation
préliminaire – et de portée limitée – de
notre approche par le cours que nous avons réalisé sur la
récursion. L’objectif principal de l’étude
était d’examiner des résultats d’apprentissage avec
l’aide de COFALE, en particulier la flexibilité cognitive chez
l’apprenant. Neuf étudiants de première année en
informatique à l'Université catholique de Louvain, avec certaines
connaissances préalables de la programmation en Java mais aucune
connaissance de la récursion, ont été répartis
aléatoirement en deux groupes : quatre dans le groupe de COFALE et cinq
dans le groupe de contrôle. Nous avons organisé l'étude en
quatre phases : pré-test, expérimentation, post-test, et
entretien. Les deux groupes ont été soumis aux mêmes
pré-test, post-test et questions lors de l'entretien. Pour la phase
expérimentale, ils ont reçu le même cours magistral (pendant
45 minutes) et les mêmes consignes (pendant 2 heures). Seule
différence : après le cours magistral, le groupe de COFALE a
exploré le cours sous COFALE et le groupe de contrôle a
exploré librement un chapitre d'un livre de référence (Lewis et Loftus, 2003) qui traite du sujet de la récursion (pendant 1 heure).
Un certain nombre de résultats encourageants pour l'apprentissage avec
l'aide de COFALE ont pu être dégagés de cette
première expérience. Les étudiants dans les deux groupes
ont maîtrisé la récursion à un niveau
appréciable. Cependant, le comportement d'apprentissage du groupe de
COFALE semble plus cohérent avec la flexibilité cognitive que
celui du groupe de contrôle. Par exemple : dans le post-test, les membres
du groupe de COFALE ont fait plus attention à activer leurs connaissances
préalables de différentes manières, à analyser de
différents aspects d'un nouveau problème et à proposer une
solution la plus complète possible que le groupe de contrôle; dans
l'entretien, le groupe de COFALE a défini le concept de récursion
plus clairement et plus correctement que le groupe de contrôle. De plus,
le commentaire suivant d'un étudiant du groupe COFALE peut montrer
l'effectivité des critères MM1 et MP1 (l'indication est en
italique) :
"COFALE est bon, personnalisé... Nous pouvons travailler n'importe
où, soumettre des exercices en ligne... Il n'y a pas beaucoup dans une
page Web... Beaucoup d'exemples, ils sont clairs et bien expliqués,
dans chaque exemple on ne donne pas la solution immédiatement, il y a une
page pour expliquer comment réfléchir, une page pour expliquer
comment arriver à la solution et une page pour présenter la
solution. Ceci aide à construire notre propre solution par
nous-mêmes."
Dans la section suivante, nous tirons des conclusions de l’analyse des
trois approches présentées.
4. Conclusion
Le Tableau 4 résume notre analyse de trois
approches basées sur des critères.
Auteurs |
Brousseau, Vázquez-Abad |
Jonnaert, Vander Borght |
Chieu, Milgrom, Frenay |
Approche
pédagogique |
Constructivisme cognitif, socioconstructivisme |
Approche socioconstructiviste et interactive |
Flexibilité cognitive |
Critères |
3 indications générales |
11 critères opérationnels |
10 critères opérationnels |
Application |
Analyse d'une activité pédagogique de TACTICS |
Analyse des définitions du concept de l'apprentissage |
Analyse des conditions d'apprentissage des EIAH |
Validation |
Pas d'expérimentation spécifique pour valider les
critères |
Pas d'expérimentation spécifique pour valider les
critères |
Evaluation préliminaire du cours sur la récursion |
Tableau 4 : Résumé de l'analyse des
trois approches
Les conclusions suivantes peuvent être tirées de notre analyse
:
• Il existe de multiples paradigmes du constructivisme : Bien
que les auteurs des trois approches s'appuient sur les mêmes principes de
base du constructivisme, ils les ont interprétés
différemment dans la pratique. En effet, nous nous focalisons sur le
développement individuel, tandis que les autres auteurs mettent
l’accent sur la combinaison entre le développement individuel et la
négociation sociale. Cependant, les auteurs des trois approches ont un
point commun : clarifier les principes pédagogiques en proposant des
critères, qui ont pour but de faciliter l'évaluation et/ou la
création de conditions d'apprentissage favorisant l’approche
constructiviste.
• Vers des critères opérationnels pour
l'évaluation des conditions d'apprentissage : Alors qu'il est
malheureusement pratique courante d’affirmer qu'une condition
d'apprentissage proposée favorise le constructivisme, sans toutefois
offrir la moindre forme de justification ou d'argumentation, les critères opérationnels peuvent être une grille d'analyse efficace
pour ce type d'affirmation. Nous soulignons le qualificatif
"opérationnel" puisque, d'après nous, des critères tels que
les indications générales de Brousseau et Vázquez-Abad ne
suffiraient pas pour réaliser des analyses pertinentes et
précises. Nous pensons que les critères opérationnels tels
que ceux proposés par Jonneart et Vander Borght ou les nôtres
fournissent un moyen facile et prêt à utiliser pour alléger
sensiblement un travail d’évaluation du constructivisme
effectif.
Les critères opérationnels présentés dans le
présent article peuvent être réutilisables dans une
variété de situations d'enseignement, tant pour la formation
traditionnelle (Jonnaert et Vander Borght, 2003) que pour les EIAH (Chieu et al., 2006).
Cependant, comme la discussion de la section 3.3.4 l’indique, ces
critères ne sont ni définitifs, ni normatifs, ni prescriptifs.
Chaque praticien doit trouver sa propre manière de les appliquer dans sa
situation d'enseignement, de les modifier en cas de besoin (par exemple, pour
mieux s'adapter à une situation particulière) ou de les rejeter et
de proposer de nouveaux critères (par exemple, pour son propre
modèle pédagogique). L'unique contrainte que les chercheurs,
concepteurs et praticiens devraient s'imposer dans tous les cas, c'est la
cohérence entre l'ensemble des critères qu’ils proposent et
l'approche pédagogique qu’ils poursuivent (Jonnaert et Vander Borght, 2003).
De plus, il faut noter que les auteurs de trois approches ont tenu à
montrer comment ils en sont arrivés à proposer leurs
critères; ceci est important parce que cela peut aider les chercheurs,
concepteurs et praticiens dans la création de leurs propres
critères. A titre d’exemple, afin de proposer des critères
opérationnels pour d’autres facettes du constructivisme que la
flexibilité cognitive, par exemple la résolution de
problèmes, on pourrait commencer par identifier des conditions
d’apprentissage favorisant la résolution de problèmes, puis
proposer des critères pour chacune de ces conditions
d’apprentissage et pour chacun des quatre composants d’apprentissage
présentés dans la section 3.3.2 (c’est-à-dire, les
contenus d’apprentissage, les dispositifs pédagogiques, les
interactions humaines et les dispositifs d’évaluation).
• Vers un processus opérationnel pour la création de conditions d'apprentissage adéquates : Une
tâche importante, différente de l'évaluation des
conditions d'apprentissage, est la création de conditions
d'apprentissage conformes à un modèle donné au sein du
processus de construction d'un environnement d'apprentissage (Jonnaert et Vander Borght, 2003) ; (Chieu, 2005).
La question principale est ici de déterminer comment concevoir un
environnement d'apprentissage soutenant les principes pédagogiques que
l'on a choisis ou, plus spécifiquement, satisfaisant un ensemble (ou
sous-ensemble) de critères. Après avoir proposé des
critères pour leur modèle SCI, Jonneart et Vander Borght ont aussi
fourni un processus pour aider les praticiens à créer des
conditions d'apprentissage en cohérence avec leur modèle SCI. Ce
processus précise les étapes à effectuer par les
concepteurs dans les trois phases principales d'un enseignement :
pré-active, interactive et post-active (pour plus de détails, voir
Jonnaert et Vander Borght, 2003, chapitre 6). De même, sur la base de nos
critères, nous avons proposé un processus opérationnel pour
aider les concepteurs à créer des environnements d'apprentissage
soutenant la flexibilité cognitive. Ce processus se compose
d’activités de conception organisées dans les trois phases
pré-active, interactive et post-active. Chaque activité se compose
d’une ou plusieurs opérations que les concepteurs peuvent effectuer
afin de créer ou d’évaluer des conditions d'apprentissage
pour les étudiants. Notre processus de conception satisfait tous les
critères pour la flexibilité cognitive (Chieu, 2005, chapitre
3).
Comme les critères, les processus de conception peuvent être
réutilisés afin de créer des environnements d'apprentissage
dans une variété de contextes d'apprentissage. Une fois encore,
les processus de conception ne sont pas définitifs : les concepteurs
doivent évidemment les adapter à leurs propres situations
d'enseignement.
• Vers une approche opérationnelle pour la conception des
EIAH : Nous considérons l'ensemble des critères et le
processus de conception décrits ci-dessus comme un cadre utile pour
guider les concepteurs et les constructeurs de plates-formes d'apprentissage
basées sur les TIC (voir COFALE dans la section 3.3). COFALE comporte non
seulement des outils pour l'apprenant (Chieu et Milgrom, 2005),
mais aussi des outils pour l'enseignant (Chieu, 2006). En
d'autres mots, les concepteurs peuvent utiliser l'ensemble des critères
et le processus de conception comme un modèle pédagogique et la
plate-forme COFALE comme un moyen technologique afin de créer des EIAH
soutenant explicitement la flexibilité cognitive. Un point important est
que la conception et l'implémentation de COFALE au niveau informatique
sont orientées vers l'ensemble de nos critères : chaque outil
d'apprentissage et chaque outil auteur dans COFALE doivent avoir une raison
d'être, c'est-à-dire être présents pour satisfaire un
ou plusieurs critères pour la flexibilité cognitive. Grâce
à notre approche opérationnelle, la charge pour le
développement de COFALE (6 personnes-mois) et pour la conception et la
réalisation du cours sur la récursion (8 personnes-heures) peut
être considérée comme relativement légère.
Cela nous permet d’affirmer que l'approche opérationnelle est
effective.
Un certain nombre de chercheurs dans le domaine des EIAH s'appuient sur nos
conclusions. Basque, Dao et Contamines (Basque et al., 2005),
par exemple, ont transformé des principes pédagogiques de
l'apprentissage "situé" (situated learning) en critères
opérationnels pour faciliter la conception et l'évaluation de leur
EIAH, nommé CSV (Colloque Scientifique Virtuel). Balacheff (1995) a
proposé un modèle "opérationnel", nommé cK¢,
pour clarifier le processus cognitif de la résolution de problèmes
chez l'apprenant. Luengo, Mufti-Alchawafa et Vadcard (Luengo et al., 2004), (Vadcard et Luengo, 2005),
à partir du modèle cK¢, ont appliqué une approche
opérationnelle pour la conception d'un EIAH dans un domaine complexe, la
chirurgie orthopédique.
• Vers des critères opérationnels pour
l'expérimentation des EIAH : Après la mise à
disposition d'un EIAH, un autre exercice que nous avons abordé dans la
section 3.4 est sa validation avec des apprenants en situation, en particulier
l'évaluation du comportement cognitif de ces apprenants. Cette
évaluation est importante parce qu'elle permet aux auteurs d'un EIAH de
savoir si leur environnement favorise véritablement l'apprentissage chez
l'étudiant, selon les principes pédagogiques qu'ils ont
appliqués (Chieu, 2005), (Wilson, 1997).
Cet exercice est ardu, car il est évidemment impossible de savoir ce qui
se passe exactement dans la "tête" de l'apprenant lorsqu'il apprend (Wilson, 1997).
Par exemple, lors de l'évaluation préliminaire de COFALE, il nous
a été difficile de trouver des questions pertinentes afin d'aider
les apprenants à exprimer ce qui se passe en eux pendant leur processus
d'apprentissage. Pour ce type d'exercice, nous pensons que les critères
opérationnels sont très utiles, comme ceux pour
l'évaluation des conditions d'apprentissage. Cependant, proposer des
critères pour l'évaluation du comportement cognitif chez
l'apprenant nous semble beaucoup plus difficile que proposer des critères
pour l'évaluation des conditions d'apprentissage, parce que ces
dernières sont observables tandis que le premier ne l'est pas. Nous
espérons que les chercheurs en sciences de l'éducation et en
cognition contribueront à résoudre ce type de problème dans
le futur.
Remerciements
Nous voudrions remercier les membres du
comité de lecture pour leurs commentaires pertinents et constructifs pour
améliorer la qualité scientifique du présent texte. Nous
remercions aussi Lucile Vadcard et Vanda Luengo (CLIPS-IMAG, Grenoble) pour
avoir lu attentivement et commenté une version précédente
du présent article.
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A
propos des auteurs
Chieu VU MINH est actuellement chercheur postdoctoral du
projet ThEMaT (Thought Experiments in Mathematics Teaching) à
l’University of Michigan, School of Education. Avant de
joindre ThEMaT, il était chercheur postdoctoral du projet TELEOS
(Technology-Enhanced Learning Environment for Orthopedic Surgery) au
laboratoire CLIPS du CNRS, Grenoble, France, où il a rédigé
le présent article. Il s’intéresse aux technologies
avancées pour favoriser l’enseignement et l’apprentissage,
d’un point de vue constructiviste, en particulier pour stimuler et
faciliter la flexibilité cognitive et la résolution de
problèmes.
Adresse : 610 E. University Ave. #534,
Ann Arbor, MI-48109, United States of America
Courriel : vmchieu@umich.eduai
Toile : http://grip.umich.edu
Elie MILGROM est professeur émérite au
Département d'Ingénierie informatique de l'Université
catholique de Louvain (UCL). Il a consacré les dernières
années de sa carrière à aborder une question que les
premières années de cette même carrière lui ont fait
apparaître comme cruciale pour tout enseignant-chercheur: que faire
pour que nos étudiants apprennent effectivement ce que nous souhaitons
qu'ils apprennent ? A ce titre, il a été un des promoteurs de
l'introduction de l'apprentissage par problèmes et par projets à
l'UCL et il a dirigé des recherches dans le domaine de l'utilisation des
technologies au service de l'apprentissage.
Adresse : INGI, Place Sainte-Barbe, 2,
B-1348 Louvain-la-Neuve
Courriel : Elie.Milgrom@uclouvain.be
Toile : http://www.info.ucl.ac.be/Bienv
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