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Volume 13, 2006
Article de recherche



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Un dispositif Web pour l'enseignement des mathématiques à l'université – quels impacts sur la performance et la motivation des étudiants ?

 

Mônica MACEDO-ROUET, Sandrine CHARLES, Muriel NEY, Christophe BATIER, Lionel HUMBLOT, Eddy MARQUEZ, Geneviève LALLICH-BOIDIN
Université Claude Bernard Lyon 1

 

RÉSUMÉ : De nombreuses universités en France ont créé des sites Web pédagogiques avec l'objectif de moderniser leur pédagogie et motiver les étudiants. Les étudiants apprennent-ils mieux avec ces dispositifs ? Sont-ils plus satisfaits et motivés pour apprendre ? Nous avons réalisé une étude expérimentale pour évaluer l'apport pédagogique d'un site Web lors de la réalisation de séances de TD en mathématiques pour les sciences de la vie. Contrairement à nos attentes, mais en accord avec d'autres études, les étudiants utilisant le site ont des moins bons scores que ceux utilisant un polycopié. La majorité des étudiants indiquent préférer imprimer le cours plutôt que le consulter en ligne, mais les étudiants se montrent satisfaits de la présentation  du site. Les conséquences de ces résultats pour la pédagogie universitaire sont discutées.

MOTS CLÉS : Site Web, pédagogie universitaire, utilisabilité, satisfaction, étude expérimental

ABSTRACT : Many French universities have recently designed educational Web sites with the aim of modernizing teaching and to improve students' motivation. Do students learn better with such tools? Are they more satisfied and motivated? We conducted an experiment to assess the efficiency of an educational Web site, in terms of performance in solving exercises though information search, and of satisfaction. Contrary to our predictions, but in line with other studies, students who used the Web site had lower scores than those who used a paper version of the materials. The majority of the students indicated that they prefer to print the documents instead of reading online, but the Web site's design is perceived as more pleasant. We discuss the consequences of the results for university teaching.

KEYWORDS : Web site, university teaching, usability, satisfaction, experimental study

 

1. Introduction

En France, l'utilisation des sites Web dans la pédagogie universitaire est un phénomène relativement récent, mais en plein essor. De nombreuses universités, encouragées par une politique d'incitation à l'usage des technologies informatiques, ont créé ces dernières années des plates-formes pédagogiques de type Web, adapté des contenus pédagogiques, multiplié le nombre d'ordinateurs par étudiant et généralisé l'accès aux réseaux de communication. Nombre d'étudiants utilisent actuellement des sites Web universitaires pour accéder à des informations sur leurs cours. L'objectif de ces innovations est d'inscrire l'enseignement universitaire dans l'évolution technologique des sociétés dites développées, mais aussi d'améliorer la transmission des savoirs et donner aux étudiants des "connaissances indispensables pour la vie d’aujourd’hui et de demain" (Fillon, 2004). Un rapport récent au Conseil d'Analyse Économique du Premier Ministre renforce cet objectif en considérant que l'effort actuellement réalisé en France en matière de TICE est "très insuffisant" et conclut que le premier pas à franchir serait de "faire en sorte que l'ordinateur soit, tout comme le livre ou le cahier, l'un des instruments naturels de l'enseignement"  (Curien et Muet, 2004). Dans ce contexte, une question importante du point de vue pédagogique se pose : est-ce que les étudiants apprennent mieux avec ces nouveaux dispositifs ?

A l'heure actuelle, nous disposons de peu de données fiables permettant de répondre à cette question, car le développement de sites Web pédagogiques n'a pas été accompagné dans la même mesure par des études systématiques et rigoureuses sur l'apprentissage des étudiants. Or, de telles études sont nécessaires pour connaître l'apport pédagogique réel de ces dispositifs. Il convient de définir ce que l'on entend par "apport pédagogique des sites Web". Si de multiples définitions peuvent co-exister, selon la perspective et le niveau d'analyse adoptés, nous avons choisi de nous centrer sur les effets de l'enseignement sur les connaissances et compétences acquises par les étudiants (par exemple, la capacité d'appliquer des connaissances théoriques dans des exercices). Dans ce sens, on parlera d'apport pédagogique lorsque l'installation et l'usage des sites ont pour résultat l'amélioration objective et mesurable des résultats obtenus par les étudiants dans des exercices portant sur les contenus de cours, par rapport à l'enseignement dispensé au moyen des ressources traditionnelles. Nous nous limiterons ici au cas des sites Web utilisés comme systèmes d'information dans le cadre de l'enseignement d'une discipline  universitaire. Cependant, nous pensons que nos analyses peuvent également s'appliquer à l'usage des sites Web dans l'enseignement secondaire général.

Pour étudier l'apport pédagogique des sites Web, nous avons cherché à mettre en oeuvre une approche de recherche basée sur la collecte de données provenant d'utilisateurs, faite dans des conditions contrôlées, et  la quantification des résultats. L'intérêt de cette approche est qu'elle permet d'obtenir des données généralisables (à conditions égales) et de reproduire l'étude dans d'autres contextes. Notre contexte était celui de l'enseignement des mathématiques pour les sciences de  la vie à l'Université Lyon 1. L'objectif de l'étude était de vérifier si le site Web pédagogique utilisé dans le cadre de cet enseignement permet aux étudiants de résoudre correctement autant (ou plus) d'exercices que les moyens traditionnels (ici un polycopié) et s’il satisfait et motive les étudiants.

2. Potentialités et limites des hypermédias pédagogiques

Dans les années 90 s'est répandu l'argument que les hypermédias (c'est-à-dire l'ensemble des procédés techniques qui forment la base des sites Web) constitueraient un dispositif innovant qui favoriserait la construction de connaissances nouvelles. S'appuyant sur des réflexions théoriques, divers auteurs ont affirmé que les hypermédias changeraient radicalement la relation entre auteurs et lecteurs (Landow, 1997), faciliteraient l'écriture et la lecture intertextuelles (Lajolo, 1998), favoriseraient l'apprentissage (Crowe et Zand, 2000), ouvriraient la voie à des produits de communication radicalement nouveaux (Balpe et al., 1996) et seraient vecteurs d'une "intelligence collective" (Lévy, 1997).

Face à ces attentes, il n'existe encore que peu de travaux de terrain. De plus, la plupart des recherches empiriques réalisées depuis montrent que l'apport pédagogique des hypermédias est en fait d'une portée limitée. Dillon et Gabbard (Dillon et Gabbard, 1998), dans une revue de littérature de référence, soulignent que les bénéfices des hypermédias éducatifs se limitent à certains types de tâches et profils d'apprenants. Il n'y a pas de preuve, affirment-ils, que les hypermédias soient généralement plus efficaces que les moyens traditionnels (papier) pour apprendre. Dans un article plus récent, l'un des auteurs fait essentiellement le même constat (Dillon, 2002) (Hall et al., 2003). Chen et Rada (Chen et Rada, 1996), ayant réalisé une méta-analyse sur l'efficacité des hypermédias dans l'éducation, arrivent à des conclusions similaires, soulignant  cependant que dans des tâches telles que la recherche d'informations spécifiques (par exemple, rechercher un mot dans un texte en réponse à une question), des utilisateurs novices (étudiants, élèves) résolvent le problème plus rapidement avec des documents papier qu'avec des documents hypermédias. Eveland et Dunwoody, dans une série d'études sur la lisibilité des sites de vulgarisation scientifique, observent que la lecture en hypertexte sur le Web entraîne une moins bonne compréhension de concepts scientifiques comparée à la lecture sur papier (Eveland et Dunwoody, 1998), (Eveland et Dunwoody, 2001), (Eveland et Dunwoody, 2002). Mais ils vérifient aussi que la compréhension peut être améliorée avec l'utilisation de "rappels du papier" dans l'hypertexte, par exemple, des numéros de page.

Savelsbergh et al. (Savelsbergh et al., 2000) ont constaté que des étudiants utilisant une interface informatique d'apprentissage de l'algèbre, en plus des cours traditionnels, n'ont pas de meilleures performances  que leurs collègues ayant seulement les cours. De plus, les étudiants qui ont utilisé l'interface disent avoir dépensé beaucoup d'efforts (perception de charge cognitive) pour apprendre à utiliser le système. De façon similaire, Maki et al. (Maki et al., 2000) ont observé que les étudiants suivant un cours de statistiques sur le Web ont la perception de devoir travailler plus que ceux qui suivent un cours traditionnel. Cependant, le fait de suivre le cours sur le Web diminue davantage l'anxiété des étudiants quant à l'usage de l'ordinateur. Enfin, Maki et Maki (Maki et Maki, 2000) observent que certaines stratégies, telles qu'offrir des crédits en récompense à l'utilisation des aides en ligne, encouragent la consultation de ces aides et améliorent la performance des étudiants aux contrôles continus, à condition que les aides soient bien structurées dans le "design" du site.

Plusieurs facteurs expliquent les difficultés signalées par les auteurs. D'une part, nous trouvons les facteurs ergonomiques. La faible lisibilité des écrans d'ordinateurs rend la lecture plus lente et coûteuse. Des études d'ergonomie et d'oculométrie ont montré que les conditions de lecture sont moins bonnes à l'écran que sur papier, car il existe à l'écran des problèmes de résolution, de typographie, de scintillement, de contraste entre autres (Caro et Bétrancourt, 1998), (Baccino, 2004), (Nielsen, 2000). Dans des conditions optimales, on a cependant observé que la lecture d'un texte sur écran n'est pas plus lente que celle d'un texte sur papier (Mayes et al., 2001). D'autre part, nous trouvons les facteurs liés à la maîtrise de l'écrit par les utilisateurs. L'utilisation  de documents hypermédias s'avère être une activité complexe, qui requiert des stratégies de lecture sophistiquées, comme par exemple, de naviguer entre différentes sources d'information à travers des liens associatifs, de reconnaître les sources, de garder en mémoire "qui a dit quoi", et de gérer sa navigation sans se désorienter. Ces stratégies correspondent à un modèle cognitif, le "modèle documentaire", que possèdent les lecteurs experts, mais pas les novices (Britt et al., 1999). Des expériences ont montré que, pour tirer parti de l'usage de sources multiples (prototype de la lecture hypermédiatique) il est essentiel que les lecteurs maîtrisent des connaissances avancées sur les textes, telles que les genres textuels et la structuration de l'information dans différents types de documents (Voss et Wiley, 2000). Enfin, les hypermédias soulèvent un problème de structuration et de consultation des contenus pédagogiques. Il ne suffit pas de mettre du contenu en ligne, mais il faut trouver une bonne structuration des cours, guider l'activité des étudiants et ne pas les laisser simplement "naviguer" (Benyon et al., 1997).

Malgré les contraintes cognitives qui peuvent exister dans l'utilisation des hypermédias, des enquêtes constatent que les étudiants ont une attitude positive envers ces dispositifs technologiques. Par exemple, Ney et Charles (Ney et Charles, 2003) ont observé que les étudiants se disent satisfaits de pouvoir utiliser le site Web de leur cours et que leur satisfaction globale de l’enseignement est beaucoup plus forte comparée à celle observée chez des étudiants ne disposant pas de site web. Macedo-Rouet et al. (Macedo-Rouet et al., 2003) ont observé, dans une étude expérimentale, que les lecteurs d'un magazine papier et ceux de la version Web du magazine étaient également satisfaits sur le contenu, mais les lecteurs en ligne ressentaient comme plus difficile et coûteuse la lecture des documents. Enfin, l'utilisation de certaines techniques pédagogiques pourrait encourager l'engagement des étudiants dans le cours. Par exemple, Kramarski et Ritkof ont montré que des consignes explicites pour l'adoption de stratégies d'étude faisaient augmenter le nombre d'arguments produits par les étudiants sur leur thème d'étude dans des interactions par e-mail (Kramarski et Ritkof, 2002). Il est possible qu'une telle motivation puisse jouer un rôle positif dans l'apprentissage, à condition que la qualité de présentation des documents sur écran soit optimale.

En somme, l'apport pédagogique d'un site Web dépend de nombreux facteurs et il n'est pas possible de l'évaluer sans faire appel à des données empiriques recueillies dans de bonnes conditions. L'évaluation doit faire référence à des tâches et à des objectifs précis, impliquer des utilisateurs réels, et mesurer leurs performances par rapport à la tâche et leurs perceptions sur le dispositif.

Dans cet article, nous analysons l'apport d'un site Web d'enseignement des mathématiques pour les sciences de la vie pour résoudre des exercices à l'aide de documents de cours. Le site en question ressemble sur plusieurs points à d'autres sites pédagogiques universitaires, bien qu'il ait ses particularités. Les questions posées sont celles de l'accès à l'information qui permet de résoudre des exercices et de la motivation : est-ce que le site Web permet de résoudre des exercices de façon aussi (ou plus) efficace qu'un document imprimé ? est-ce qu'avec un site Web les étudiants sont plus satisfaits des matériels pédagogiques et plus motivés pour apprendre ? Nous présentons les résultats d'une étude expérimentale menée auprès de 120 étudiants de premier cycle universitaire en sciences de la vie. Nous nous sommes intéressés, d'une part, à la performance des étudiants dans la résolution d'exercices mathématiques à l'aide, soit du site Web pédagogique, soit d'un polycopié avec le même contenu. D'autre part, nous nous sommes intéressés à leurs perceptions subjectives sur la facilité d'utilisation du site et du polycopié, et la satisfaction ressentie avec chacune des deux ressources. Nous présentons d'abord le cadre de l'étude, notamment le  site Web qui a fait l'objet de cette recherche et les questions de recherche qui lui sont associées. Ensuite, nous décrivons la méthode employée dans l'étude, suivie des résultats obtenus. Finalement, nous discutons ces résultats et leurs conséquences pour la pédagogie universitaire.

3. Un site Web pour l'apprentissage des mathématiques en Sciences de la Vie

En septembre 2001, l'Université Lyon 1 met en place une section pilote d'enseignement fondé sur les nouvelles technologies. Dans ce cadre, l'équipe pédagogique responsable de l'enseignement des mathématiques pour les sciences de la vie (Laboratoire de Biométrie – Biologie Evolutive, UMR CNRS 5558) crée un site Web appelé "MathSV" (figure 1). Le site fait partie d'un projet pédagogique plus général, qui a pour but de créer des conditions d’apprentissage plus personnalisées et de motiver davantage les étudiants (Ney et Charles, 2003). Les objectifs de MathSV, dans ce contexte, sont de : fournir aux étudiants de la documentation sur leurs cours (y compris des documents et contenus non exposés en cours magistral), mettre à disposition des exercices d'apprentissage d’une part et d'entraînement aux examens d’autre part, et encourager les échanges entre enseignants et étudiants, et entre étudiants. Outre les documents et exercices, d'autres outils existent sur le site, tel qu'un forum de discussion et un agenda hebdomadaire. Dans la version en vigueur à l'époque de l'étude, les différentes  parties du site étaient présentées dans un menu principal, localisé dans la partie supérieure centrale de l'écran.

Figure 1. Exemple d'une page de cours du site MathSV, version 2004. Source : http://spiral.univ-lyon1.fr/mathsv/ (URL de la version actuelle)

Plus précisément, le site est organisé en quatre rubriques : Cours, Tests, Agenda et Infos (Charles et al., 2003). La rubrique "Cours" contient les chapitres de cours (huit au total) accompagnés d'une synthèse ; des formulaires (formules les plus utilisées dans la résolution des problèmes) ; un glossaire des principaux concepts ; des exercices et des problèmes ; des annales (examens passés avec leurs corrections). La rubrique "Tests" contient des questions à choix multiples (QCM), avec des corrigés et des liens vers chaque chapitre correspondant à la bonne réponse. La rubrique "Agenda" contient le programme hebdomadaire de l’unité d’enseignement, des consignes sur les chapitres de cours à étudier, les exercices à préparer et les problèmes à résoudre, des informations pratiques et d’actualité scientifique en Biologie et Mathématiques. Cette rubrique donne aussi accès à un "bureau virtuel", qui permet à l’étudiant de consulter un tableau  récapitulatif de toutes ses visites au site, avec des cases en couleurs qui représentent les différentes activités et leurs résultats (par exemple, vert qui valide la lecture d’une synthèse de cours, rose et vert qui valident un exercice selon la note obtenue, etc.). Les résultats individuels sur les exercices sont affichés avec la moyenne du groupe, permettant à l’étudiant de comparer sa performance avec celle de l’ensemble. Finalement, la rubrique "Infos" contient une carte du site, un moteur de recherche et des informations de contact avec les membres de l'équipe pédagogique.

L'une des fonctions de MathSV est de permettre aux étudiants de travailler des notions mathématiques qui ne sont que rapidement abordées en cours magistral et de résoudre des exercices en faisant le lien direct avec des informations disponibles sur les chapitres de cours. Le site remplace (et complète) ainsi le traditionnel polycopié, autrefois distribué aux étudiants au début de l'année sous forme imprimée (actuellement les étudiants reçoivent une version résumée du polycopié). La résolution d'exercices avec le site se fait principalement lors des séances de travail tutoré (TT), sous la médiation d'un tuteur, mais les étudiants peuvent aussi le faire individuellement, à la maison, pour tester leurs connaissances et se préparer aux examens. Dans une séance de TT typique, les étudiants reçoivent la consigne de se connecter au site, d'aller sur la page des QCM et/ou exercices correspondant au chapitre de la semaine en cours, et d'essayer de les résoudre. Pendant la résolution des questions, les étudiants sont encouragés à consulter les chapitres de cours pour trouver les réponses. Quand l'étudiant estime avoir la réponse, deux cas de figure peuvent se produire. Dans la résolution des QCM, l'étudiant coche sa réponse sur un formulaire en ligne, et la correction est donnée automatiquement par le système. Dans la résolution d'autres exercices, l'étudiant compare sa réponse avec celle qui est affichée sur le site sur une page différente de celle de l'énoncé (accessible par un hyperlien). Dans les cas où l'exercice n'a pas de réponse affichée, c'est le tuteur qui indique si la réponse donnée par l'étudiant est bonne ou mauvaise. Pour ces activités, le tuteur va interagir individuellement avec les étudiants demandeurs pour les aider à comprendre une solution proposée ou les guider dans la résolution des exercices. Un QCM d'une douzaine de questions, ainsi que deux à quatre exercices, sont réalisés pendant une séance de TT.

Il est important de noter que préalablement à la séance de travail tutoré (TT), les étudiants suivent un ou deux cours magistraux sur le thème du chapitre, mais tous les points n'y sont pas exposés, donc une partie du contenu n'existe que sur les chapitres du site. Par ailleurs, les étudiants ont la possibilité de télécharger des versions imprimables des chapitres de cours, tel un polycopié.

L'interface graphique du site MathSV a été conçue par l'équipe pédagogique du projet, sur la base d'exemples de sites similaires et d'un travail original de développement de schémas de couleurs, typographie, illustrations, menus de navigation. L'équipe n'a pas fait appel à des critères explicites d'ergonomie ou à des grilles d'évaluation ergonomique durant la conception et mise en place du projet.

Des sondages réalisés entre 2001 et 2003, avec des étudiants ayant utilisé le site MathSV et d’autres pas, montraient que les étudiants étaient globalement satisfaits du dispositif pédagogique incluant l’utilisation du site (Ney et Charles, 2003). Cependant, ces sondages ont été renseignés volontairement par une partie des étudiants, donc il est possible que d'autres opinions aient été négligées dans l'enquête. Par ailleurs, les notes à l’examen final n’ont pas varié avec l’introduction de ce dispositif, pas plus que le contenu des copies d’examen qui semblent indiquer des difficultés dans la résolution d’exercices et de problèmes.

Mis en perspective avec les résultats des observations des années passées, les objectifs du dispositif MathSV, en particulier "permettre aux étudiants de résoudre des exercices tout en consultant les chapitres de cours" et "motiver les étudiants en sciences de la vie pour l'apprentissage des mathématiques", nous ont amenés à poser les deux questions de recherche : (a) "Est-ce que le site permet aux étudiants de résoudre les exercices de façon aussi (ou plus) efficace qu'un document imprimé ?" (b) "Dans quelle mesure les étudiants sont-ils satisfaits des matériels pédagogiques et plus motivés pour apprendre  ?"

4. Méthode

Un protocole d'étude expérimental a été mis en place avec l'accord des enseignants et des étudiants. Un chapitre du site (chapitre sur les équations différentielles) a été choisi comme thème de l'expérience de par son importance et sa place dans le programme.

Avant de réaliser l'étude avec les utilisateurs, nous avons entrepris une évaluation par inspection du site MathSV, en utilisant la grille ergonomique de Scapin et Bastien (Scapin et Bastien, 1997). Une telle évaluation est recommandée comme faisant partie des mesures pour détecter des éventuels problèmes d'utilisabilité d'un site et éventuellement suggérer des changements d'interface (Tricot et al., 2003). L'inspection nous a permis de constater certains problèmes d'ergonomie (par exemple, un problème de guidage dans le groupement des items, exprimé par différents types de menus changeant d'une rubrique à l'autre) et nous a conduit à suggérer des modifications, notamment sur l'organisation du contenu (format des menus), la typographie et couleurs employées, avec l'objectif d'améliorer l'ergonomie du site. Cependant, nous n'avons pas directement intégré ces modifications à la version Web définitive. Afin de nous assurer qu'elles représentaient de véritables améliorations ergonomiques, nous avons construit une version expérimentale du site et l'avons  testée en comparaison à la version initiale.

Les séances expérimentales ont été réalisées pendant les heures de cours pour encourager une participation massive des étudiants.

4.1. Participants :

Les participants (N=122) ont été recrutés parmi les étudiants inscrits en Deug-SV 1ère année (actuelle L1 de la Licence ST – Mention Biologie) de l'Université Claude Bernard Lyon 1. Ils avaient commencé leur première année universitaire en sciences de la vie six mois avant l'expérience. L'âge, le sexe et l'expérience d'utilisation du Web des participants ont été enregistrés préalablement à l'expérience. Les étudiants ont été appelés à répondre volontairement à des questionnaires, à un test de connaissances initiales, et à participer à une séance de résolution d'exercices. Cette séance s'est déroulée dans le cadre des travaux dirigés (TD). Les groupes de TD étaient constitués avant l'expérience (il n'était pas possible de modifier leur composition pour des raisons d'organisation pédagogique), mais l'attribution de ces groupes aux groupes expérimentaux a été faite de manière aléatoire. Les étudiants n'ont pas choisi le groupe expérimental auquel ils ont participé.

Les participants ont été répartis dans quatre groupes expérimentaux :

- Groupe 1 – site MathSV

- Groupe 2 – site modifié selon des recommandations d'ergonomie (même contenu)

- Groupe 3 – polycopié

- Groupe 4 – contrôle (disposant seulement de la liste d'exercices, sans chapitre de cours)

4.3. Matériel :

- Pré-test (connaissances initiales sur le thème) : questionnaire composé de 10 questions à choix multiples sur les Equations Différentielles. Un exemple de question était : "Cochez la seule équation différentielle du premier ordre à variables séparables". Les questions portaient sur des informations présentées en cours magistral et elles avaient pour objectif de contrôler le niveau de connaissances initiales des groupes expérimentaux.

- Document de cours : un chapitre de cours portant sur les équations différentielles a été utilisé. Il a été adapté selon trois formats : (a) site Web MathSV ; (b) site Web modifié dans sa forme (mais pas dans son contenu) selon les recommandations d'une grille d'ergonomie (Scapin et Bastien, 1997) ; (c) polycopié (même contenu, présenté sur papier et une table des matières ajoutée). Le chapitre sur les équations différentielles est composé de 7 sous-chapitres : introduction ("généralités"), équations différentielles du premier ordre, compléments sur les équations différentielles du premier ordre, équations différentielles du second ordre, solutions particulières, exemples d'application en biologie. Faisaient partie aussi du document de cours une liste des formules des primitives et un glossaire.

- Exercices : une série de 18 questions à choix multiples sur les équations différentielles a été rédigée. Elle contenait des questions de recherche d'information, des questions conceptuelles, des questions de calcul et des problèmes d'application des mathématiques à la biologie. Dix des questions étaient similaires à celles du test de connaissances initiales, avec seulement des modifications mineures sur l'énoncé et les données, et huit questions étaient nouvelles. Un exemple de question de recherche d'information était : "Dans l’exemple du chapitre 6 - Equations différentielles - du site MathSV sur la probabilité de rencontre, quelle est la méthode utilisée pour résoudre l’équation différentielle ?" Un exemple de question conceptuelle était : "Quelle est la définition d’une chronique ?" Un exemple de question de calcul était : "Résoudre cette équation différentielle du premier ordre à variables séparables " Un exemple de problème était : "Une maladie génétique provoque l’absence d’une substance A nécessaire à l’organisme. On décide d'injecter une quantité M0 de cette substance par piqûre intramusculaire. La vitesse d’élimination de cette substance du muscle vers le sang est proportionnelle à la quantité présente. Par analogie avec l'exemple sur la croissance pondérale d'un organisme, écrivez l’équation pour la quantité présente dans le muscle M".

- Questionnaire de motivation : le questionnaire était composé de 22 propositions, dont dix portaient sur la perception de l'utilisabilité et douze sur la perception de satisfaction du site. Les étudiants devaient déclarer leur accord avec les propositions sur une échelle type Likert de 5 points. Un exemple de proposition d'utilisabilité est : "Les informations étaient faciles à trouver". Un exemple de proposition de satisfaction est : "La palette de couleurs m'a plu".

4.4. Procédure :

L’expérience s’est déroulée sur trois séances de travail. La première séance a été consacrée aux questionnaires sur les données d'âge, de sexe et d'expérience d'utilisation du Web. Elle s'est faite pendant une réunion de rentrée avec les étudiants, en amphithéâtre. Les étudiants ont été informés des objectifs de la recherche par l’expérimentateur et ont été invités à répondre aux questionnaires sous forme papier. Au préalable, ils avaient reçu une explication et démonstration du fonctionnement du site MathSV sous sa forme actuelle. Les étudiants ont eu 15 minutes pour répondre aux questions.

La deuxième séance a été consacrée au questionnaire de connaissances initiales (pré-test). Elle s'est déroulée à la fin d'un cours magistral sur le thème des équations différentielles. La séance a duré 30 minutes.

La troisième séance a été consacrée à l'expérimentation proprement dite. Elle a consisté, pour les étudiants, à travailler comme dans une séance de travail tutoré. Les étudiants devaient résoudre une liste d'exercices sur les équations différentielles, tout en consultant le chapitre sur le même thème. Cependant, ils ne pouvaient pas faire appel au tuteur et ils devaient faire l'exercice individuellement. Les étudiants du groupe contrôle n'ont pas répondu aux questionnaires d'utilisabilité et satisfaction. La séance a duré environ 1h.

Les réponses aux questions n'étaient pas disponibles pendant la séance d'apprentissage. Les étudiants ont reçu la consigne de résoudre le maximum de questions possibles et de consulter le chapitre de cours pour trouver des informations et des réponses (à l'exception du groupe contrôle). Ils pouvaient prendre des notes et résoudre les problèmes sur papier, ainsi qu’utiliser des calculatrices.

5. Résultats

Nous présentons d'abord les résultats de performance (réussite aux exercices), ensuite de perception d'utilisabilité, puis de satisfaction. Des analyses préliminaires ont montré que les groupes expérimentaux n'étaient pas significativement différents en termes d'âge, de sexe, d'expérience d'utilisation du Web et de connaissances initiales.

5.1. Performance dans la résolution d'exercices

Un score individuel performance a été calculé comme le nombre de questions réussies, sur un total de 18 questions faisant partie de l'exercice sur les équations différentielles. Le score minimum observé était de 3, le maximum de 17, et la moyenne de 8.51 (SD=3.05).

Le Tableau 1 montre les scores moyens de performance dans chaque groupe.

Groupe

Moyenne

Écart-type

N

1. Site MathSV

8.44

2.55

43

2. Site modifié

8.95

2.50

38

3. Polycopié

11.67

2.85

18

4. Contrôle

5.43

1.93

23

Tableau 1. Scores moyens d'apprentissage.

Une ANOVA1 avec le média comme facteur inter-sujets a été utilisée pour analyser les résultats. L'effet du groupe était significatif, F(1,121)=21.96, p<.001. Cet effet explique 36% de la variance. Pour comparer les résultats des groupes deux à deux nous avons utilisé le test de Bonferroni. Les différences des moyennes sont significatives entre le groupe contrôle et chacun des autres groupes (g4<g1, g2, g3), et entre le polycopié et chacun des autres groupes (g3>g1, g2, g4), au seuil p<.01. Les moyennes obtenues avec les deux sites, MathSV et modifié, ne sont pas différentes entre elles (p>.05).

Conformément à notre attente le groupe contrôle a de moins bons scores que les autres groupes. Le fait de disposer de documents était donc une condition nécessaire à la résolution des exercices. En revanche, nous avons trouvé que le polycopié entraîne de meilleures performances  que le site Web, quelle que soit sa version.

5.2. Perception de "l'utilisabilité"

Les résultats de cette section et de la suivante ne concernent que les étudiants des groupes 1, 2 et 3 (N=99). Le groupe contrôle n'ayant pas disposé du chapitre de cours n'a pas évalué l'utilisabilité et la satisfaction avec ce matériel. Une vérification préliminaire montre que les propositions de notre questionnaire corrèlent relativement bien entre elles ; l'indice  de fiabilité "alpha de Cronbach", est de .63 pour les items d'utilisabilité et de .76 pour les items de satisfaction2. Cependant, nous avons décidé de présenter dans cet article l'analyse des réponses proposition par proposition, car elle apporte plus d'informations sur la perception des étudiants relativement à des points précis de l'usage du site que les indices globaux d'utilisatibilité et satisfaction.

Le questionnaire de perception de l'utilisabilité du site était composé de 10 propositions sur lesquelles les étudiants devaient déclarer leur accord sur une échelle type Likert de 5 points. Les réponses ont été classées en 3 catégories ("1,2-pas d'accord", "3-indécis" et "4,5-d'accord"). Nous avons calculé, pour chaque groupe expérimental, la fréquence des réponses dans chaque catégorie et pour chaque proposition. Ainsi, nous avons obtenu dix tableaux des fréquences groupe X proposition. Dans la suite de cette section nous avons regroupé, d'une part les réponses "plutôt pas d'accord" et "pas du tout d'accord" et, d'autre part les réponses "plutôt d'accord" et "tout à fait d'accord".

De façon générale, la majorité des étudiants ne sont pas d'accord avec les propositions qui indiquent des problèmes d'utilisabilité. C'est le cas, par exemple, de la proposition "la taille des caractères était trop petite" (74.7% des étudiants n'étaient pas d'accord). A l'inverse, ils sont d'accord avec les propositions qui indiquent des traits positifs d'utilisabilité. Par exemple, "le menu (table des matières) était clair et facile à utiliser" (63.6% d'entre eux étaient d'accord).

Le tableau 2 donne  le pourcentage d'étudiants d'accord avec la proposition dans chaque groupe, ainsi que la valeur du khi-deux et sa significativité. On note que la proposition qui recueille le plus d'accord est "je préfère imprimer le cours plutôt que le consulter en ligne" (69.8%, site actuel ; 78.9% site ergonomique ;  72.2% polycopié). A l'opposé, celle qui recueille le moins d'accord est "je me suis senti désorienté dans ce site (ou polycopié)" (9.3%, 7.9%, 0% respectivement). Dans les deux cas, les résultats sont indépendants du groupe.


Site  actuel
(N=43)

Site ergonomique
(N=38)

Polycopié
(N=18)

Khi-deux


×

×

×


Je préfère imprimer le cours plutôt que le consulter en ligne.

69.8

16.3

78.9

5.3

72.2

11.1

2.52

Les informations étaient faciles à trouver.

39.5

41.9

42.1

31.6

38.9

33.3

1.40

Le menu (table des matières) était clair et facile à utiliser.

51.2

23.3

63.2

15.8

94.4

0

10.53*

Les questions de maths étaient faciles.

4.7

67.4

13.2

65.8

5.6

44.4

6.69

Le nombre de clics (pages à parcourir) pour accéder à une information était excessif.

9.3

65.1

10.5

65.8

33.3

38.9

7.55

Il était difficile de passer avec les clics (en tournant les pages) d'une question au chapitre et vice-versa.

14.0

72.1

15.8

63.2

27.8

38.9

6.10

J'ai fait beaucoup d'efforts pour apprendre à utiliser ce site (polycopié).

4.7

81.4

10.5

76.3

5.6

72.2

1.94

Je me suis senti(e) désorienté(e) dans ce site (polycopié).

9.3

76.7

7.9

81.6

0

88.9

2.06

La taille des caractères était trop petite.

16.3

72.1

21.1

65.8

0

100

7.89

La lecture sur écran (papier) m'a fatigué(e).

37.2

41.9

42.1

31.6

0

88.9

17.58*

NB : "*" indique que la valeur de khi-deux est significative au seuil p<.05

Tableau 2 : pourcentage d'étudiants "d'accord" (√) et "pas d'accord" (×) avec les propositions concernant l'utilisabilité dans chaque média.

Pour deux propositions, le degré d'accord ou de désaccord varie significativement selon le groupe.

Le pourcentage d'étudiants d'accord avec la proposition "la lecture sur écran (papier) m'a fatigué" est de 37.2% dans le groupe site actuel, de 42.1% dans le site ergonomique  et de 0% dans le groupe polycopié. Alors qu'aucun étudiant ne trouve fatigante la lecture sur papier, presque la moitié des étudiants dans les conditions "site" trouve fatigant de lire sur écran. De plus, le menu est jugé "clair et facile à utiliser" par moins d'étudiants dans le site actuel, que dans le site ergonomique et polycopié : 51.2%, 63.2%, 94.4% respectivement.

Bien que le test d'indépendance ne soit pas significatif, les utilisateurs du site actuel sont moins d'accord que les autres avec l'idée qu'il était "difficile de passer de la question au chapitre et vice-versa" (14%, 15.8% et 27.8% respectivement), et que "le nombre de clics (pages) pour accéder à une information était excessif" (9.3%, 10.5%, 33.3% respectivement). Sur cette dernière proposition, les pourcentages d'étudiants "pas d'accord" sont de 65.1%, 65.8% et 38.9% dans les 3 groupes respectivement.

Enfin, les étudiants ne sont généralement pas d'accord avec l'idée que "les questions de maths étaient faciles", avec un pourcentage plus faible dans la condition polycopié (44.4%) que dans le site actuel (67.4%) et le site ergonomique (65.8%).

5.3. Perception de satisfaction

Le questionnaire de perception de satisfaction était composé de 12 propositions présentées sur la même échelle que le questionnaire de perception de l'utilisabilité. Les réponses à ce questionnaire ont été catégorisées et analysées de façon identique à la précédente.

La majorité des étudiants (63.6%) sont d'accord avec la proposition "je vois bien les avantages que ce site (polycopié) m'apporte". A l'inverse, 74.7% ne sont pas d'accord avec la proposition "je ne vois pas l'avantage d'utiliser ce site (polycopié) pour apprendre les maths". Pour deux propositions sur 12, la distribution des réponses n'est pas indépendante du groupe (voir tableau 3).

Le Tableau 3 donne le pourcentage d'étudiants d'accord avec la proposition dans chaque groupe. La majorité des étudiants est d'accord avec la proposition "je préfère utiliser un polycopié plutôt qu'un site Web avec le même contenu" (52.5%). Dans le groupe polycopié, plus que dans les autres groupes, ils sont d'accord avec cette proposition (48.8%-site actuel, 52.6%-site ergonomique, 61.1%-polycopié). En fait, les réponses relatives aux deux sites Web sont réparties dans les trois catégories (pas d'accord, indécis, d'accord), avec une proportion un peu plus grande d'indécis dans le site actuel (32.6%) que dans le site ergonomique (23.7%).

Enfin, les utilisateurs du polycopié sont plus d'accord avec la proposition "le site (polycopié) est exactement comme je l'attendais" (38.9%) que les utilisateurs des sites (27.9% et 23.7% pour le site actuel et le site ergonomique, respectivement), mais le test d'indépendance n'est pas significatif. Cependant, cette proposition comporte une ambiguïté. L'expression "comme je l'attendais" peut, en effet, vouloir dire "comme je le voudrais" (bonne qualité) ou "comme d'habitude" (correspond à ce à quoi je suis habitué). Si c'est la première acception qui l'emporte, cela veut dire que plus d'étudiants sont satisfaits avec le polycopié, mais si la deuxième interprétation prédomine cela veut simplement dire que les étudiants reconnaissent le polycopié comme plus habituel qu'un site Web, un sentiment qui pourrait changer à mesure que les sites deviennent monnaie courante dans la pédagogie universitaire. Nos données ne nous permettent pas de trancher sur cette question.


Site  actuel
(N=76)

Site ergonomique
(N=68)

Polycopié
(N=78)

Khi-deux


×

×

×


La palette de couleurs m'a plu.

39.5

14.0

21.1

34.2

16.7

38.9

7.99

Ce site (polycopié) est exactement comme je l'attendais.

27.9

14.0

23.7

18.4

38.9

16.7

1.74

Je ne suis pas satisfait de l'esthétique ce site (polycopié).

4.7

69.8

21.1

50.0

0

55.6

10.50*

Ce site (polycopié) me motive à étudier les maths.

37.2

25.6

39.5

28.9

33.3

27.8

0.47

Je n'arrive pas à gérer mon temps en utilisant ce site (polycopié).

18.6

46.5

26.3

42.1

16.7

50.0

1.03

Je ne vois pas l'avantage d'utiliser ce site (polycopié) pour apprendre les maths.

7.0

74.4

15.8

71.1

11.1

83.3

3.23

Ce site (polycopié) est bien adapté à mes besoins.

44.2

25.6

55.3

13.2

61.1

22.2

3.52

Je préfère utiliser un polycopié plutôt qu'un site Web avec le même contenu.

48.8

18.6

52.6

23.7

61.1

11.1

14.49*

Le travail avec ce site (polycopié) est compatible avec l'agencement des salles.

23.3

37.2

23.7

34.2

16.7

38.9

0.48

Ce site (polycopié) ne correspond pas à mes objectifs.

11.6

67.4

5.3

68.4

11.1

61.1

1.46

Il y a tout ce dont j'ai besoin dans ce site (polycopié).

37.2

32.6

36.8

36.8

55.6

33.3

3.23

Je vois bien les avantages que ce site (polycopié) m'apporte.

65.1

14.0

57.9

15.8

72.2

5.6

1.70

NB : "*" indique si la valeur de khi-deux est significative au seuil p<.05, "**" marginalement significatif

Tableau 3 : Pourcentage d'étudiants "d'accord" (√) et "pas d'accord" (×) avec les propositions concernant la satisfaction dans chaque média

Les utilisateurs du site actuel sont, à la fois, plus d'accord avec l'idée que "la palette de couleurs m'a plu" (39.5%-site actuel, 21.1%-site ergonomique, 16.7%-polycopié) et plus en désaccord avec l'idée que "je ne suis pas satisfait de l'esthétique de ce site (polycopié)" (69.8%, 50%, 55.6% pas d'accord respectivement). Pour ce dernier résultat, le test d'indépendance est significatif. Les étudiants du site ergonomique sont les moins satisfaits de l'esthétique du cours (21.1% d'accord avec la proposition).

La perception de "compatibilité du site (polycopié) avec l'agencement des salles" obtient moins d'accord parmi les étudiants du polycopié (16.7%), par rapport à ceux du site actuel (23.3%) et du site ergonomique (23.7%) ; tandis que la "difficulté à gérer le temps" obtient peu d'accord parmi les groupes polycopié et site actuel (16.7% et 18.6%, respectivement), par rapport au groupe site ergonomique (26.3%).

Il convient de noter que pour sept des douze propositions, la proportion des étudiants "indécis", i.e. qui ont répondu "3" dans l'échelle de satisfaction a varié de  28% (proposition 7, "bien adapté à mes besoins") à 56% (proposition 2, "comme je l'attendais") . Il est possible qu'une partie des étudiants n'aient pas voulu se prononcer sur ce sujet, ou que nos propositions ne reflètent pas clairement la notion de satisfaction. Cet aspect reste à éclairer.  

6. Discussion

Le développement des TICE en France ces dernières années est marqué par une politique d'incitation à l'accès et à l'usage des technologies dans l'enseignement universitaire. L'évaluation de l'utilité et de l'efficacité pédagogique de ces technologies reste quant à elle peu pratiquée et développée. Or, comme le souligne Marquet (Marquet, 2003), le simple accès aux TICE ne garantit pas l'obtention de résultats pédagogiques positifs, mais il crée  l'illusion selon laquelle la modernité technique s'oppose au caractère traditionnel des autres démarches pédagogiques. En utilisant un logiciel, un site Internet ou un enseignement à distance, les enseignants ont l'impression de créer des situations pédagogiques nouvelles, qu'ils espèrent être motivantes et formatrices pour les étudiants. Cependant, à l'heure actuelle, nous disposons de peu d'études permettant de vérifier si ces objectifs pédagogiques sont réellement atteints.

Dans ce contexte, l'objectif de notre étude était d'évaluer l'apport pédagogique d'un site Web d'enseignement des mathématiques pour les sciences de la vie. Nous nous sommes centrés sur la fonctionnalité de ce dispositif en tant que système d'informations qui permet à des étudiants de résoudre des exercices mathématiques, dans le cadre d'un chapitre de cours ciblé. En utilisant une méthodologie d'étude expérimentale, nous avons pu comparer les performances et les perceptions subjectives des étudiants travaillant avec un site Web et avec un dispositif traditionnel (polycopié).

Les principaux résultats montrent que les étudiants utilisant le polycopié résolvent plus d'exercices correctement que les étudiants utilisant un site Web. Par ailleurs, les étudiants trouvent plus facile d'utiliser le polycopié et ce pour plusieurs raisons (clarté de la table des matières, lecture moins fatigante à l'écran, etc) et la majorité préfère imprimer le cours plutôt que le consulter en ligne. Plus d'étudiants, cependant, sont satisfaits de la présentation du site original. Les modifications apportées à la version originale du site afin d'améliorer son ergonomie n’ont pas porté leurs fruits. En effet, quelle que soit la version du site, les résultats des étudiants ne sont pas significativement différents en termes de performance. Les groupes ne diffèrent pas non plus quant à leur perception d'utilisabilité (sauf par le fait que plus d'étudiants ont trouvé le menu de la version modifiée plus clair et facile à utiliser) ou de satisfaction (sauf par le fait que plus d'étudiants sont satisfaits de la présentation graphique du site original). Cela nous laisse penser que la version modifiée n'a pas changé de manière sensible l'ergonomie du site.

Par rapport aux expériences antérieures dans le même domaine, ces résultats confirment que l'apport pédagogique des sites Web peut s’avérer assez limité et qu’il importe de s’interroger sur les types de pédagogie qui bénéficieront réellement de ce genre de support.  Tout comme Savelsbergh et al. (Savelsbergh et al., 2000), Maki et al. (Maki et al., 2000) et Eveland et Dunwoody (Eveland et Dunwoody, 2001) nous avons trouvé que les étudiants utilisant le site Web disent devoir fournir plus d'efforts dans l'utilisation du matériel de cours (ils trouvent fatigante la lecture sur écran et le menu hypertexte moins clair que la table des matières). Ce constat rejoint celui d'une récente enquête européenne sur la perception des étudiants sur l'usages des TICE dans l'enseignement universitaire (Spot+, 2004). Notre interprétation de ces résultats est que le site Web faisant l'objet de notre étude s'est avéré être moins bien adapté que le polycopié dans un contexte de résolution d'exercices à l'aide de chapitres de cours, pour des raisons liées à la lisibilité sur écran et à la praticité de la consultation du support papier. En référence à la théorie de la charge cognitive (Sweller et al., 1990), (Van Merrienboer et al., 2002), notre étude suggère que la notion de charge pourrait expliquer (au moins en partie) les différences de performance entre des individus utilisant un système d'informations sur papier et un système informatisé de type site Web. Avec le site, les étudiants doivent dépenser une partie de leurs ressources cognitives pour la navigation et la lecture à l'écran, et cela se fait au détriment de leur performance.

Les leçons que l'on peut tirer de cette expérience sont toutefois limitées sur au moins deux points. Notre expérience s'est déroulée sur une période de temps restreinte et propose une photographie instantanée alors qu’une analyse à long terme pourrait révéler des différences, notamment au niveau de la rétention de l’information. De plus, l'usage d'un site Web constitue un phénomène relativement nouveau dans l'enseignement universitaire, auquel les étudiants pourraient s'habituer dans les années à venir, ce qui pourrait changer leurs attentes quant à ce dispositif. Finalement, notre étude concerne seulement un usage particulier des sites Web (recherche d'informations pour répondre à des questions). En particulier, cette recherche d’information a été construite à partir d’une seule source, et qui plus est, très structurée : organisée en sous-chapitres de cours en progression linéaire sachant que les énoncés des questions évoquent souvent les titres de ces sous-chapitres. On peut se demander si les résultats seraient inversés dans le cas d’une recherche d’information plus ouverte et moins structurée. Sur ce point, une nouvelle pédagogie impliquant un nouvel usage du site web a été mise en place en travaux tutorés à la suite de cette expérience et il serait intéressant d’en évaluer les apports pédagogiques avec la méthode expérimentale présentée ici.

Remerciements

Une partie de cette recherche a été financée par l'Agence Universitaire de la Francophonie, à travers une bourse de post-doctorat. Remerciement à Jean-François Rouet pour ses commentaires sur la première version de cet article.

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1 ANOVA : ANalysis Of VAriance

2 Sur l'indice voir :
http://pbil.univ-lyon1.fr/library/psy/html/cronbach.html


A propos des auteurs

Mônica MACEDO-ROUET est ingénieur de recherche au Centre National de la Documentation Pédagogique. Elle s'intéresse aux questions d'intertextualité et de lisibilité des documents électroniques.

Adresse : @4 téléport 1, BP 80158, Futuroscope Cedex

Courriel : monica.macedo@cndp.fr

Sandrine CHARLES est maître de conférences à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Elle s'intéresse à la pédagogie via les technologies de l'information et de la communication et est l'une des créatrices du site MathSV.

Adresse : Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive, UMR 5558, CNRS, Université de Lyon 1, 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622, Villeurbanne cedex.

Courriel : scharles@biomserv.univ-lyon1.fr

Toile : http://biomserv.univ-lyon1.fr/sitelabo/pageperso.php?id_personne=21


Muriel NEY est chercheur au CNRS. Elle s'intéresse à la pédagogie via les technologies de l'information et de la communication et est l'une des créatrices du site MathSV.

Adresse : Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive, UMR 5558, CNRS, Université de Lyon 1, 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622, Villeurbanne cedex.

Courriel : muriel.ney@imag.fr

Toile : http://muriel.batisseurs.com


Christophe BATIER est informaticien à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Il est responsable par l'implémentation des projets de cours en ligne à cette université.

Adresse : Université de Lyon 1, 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622, Villeurbanne cedex.

Courriel : batier@univ-lyon1.fr


Lionel HUMBLOT est informaticien à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Il a assisté à la création des versions originale et expérimentale du site MathSV.

Adresse : Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive, UMR 5558, CNRS, Université de Lyon 1, 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622, Villeurbanne cedex.

Courriel : humblot@biomserv.univ-lyon1.fr


Eddy MARQUES est informaticien à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Il a créé les fonctionnalités des bases de données permettant la réalisation de l'expérience.

Adresse : Université de Lyon 1, 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622, Villeurbanne cedex.

Courriel : eddy.marques@ifrance.com


Geneviève LALLICH-BOIDIN est professeur à l'Université Claude Bernard Lyon 1. Elle s'intéresse à la numérisation des documents techniques et a supervisé cette étude.

Adresse : 43, bd du 11 Novembre 1918, 69 622 Villeurbanne cedex, Bât Omega (RECODOC/DOCSI).

Courriel : Genevieve.Lallich-Boidin@univ-lyon1.frr

 
Référence de l'article :
Mônica MACEDO-ROUET, Sandrine CHARLES, Muriel NEY, Christophe BATIER, Lionel Humblot, Eddy Marquez, Geneviève Lallich-Boidin, Un dispositif Web pour l'enseignement des mathématiques à l'université – quels impacts sur la performance et la motivation des étudiants ?, Revue STICEF, Volume 13, 2006, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 10/04/2006, http://sticef.org
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Mise à jour du 1/02/07