Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
Volume 21, 2014 |
La pédagogie inversée : recherche sur la pratique de la classe inversée au lycéeRÉSUMÉ : Cette rubrique présente une étude sur la pédagogie inversée au lycée en cours de sciences physiques et chimiques. Cette étude montre que les élèves de bon niveau en sciences dans le système de classe traditionnelle sont globalement moins performants en classe inversée alors que les élèves de niveau plus faible dans la classe traditionnelle sont plus performants dans le système de classe inversée. Cette inversion de la performance est à rapprocher avec une adaptation des élèves de bon niveau au système traditionnel et une tendance à travailler plus pour les élèves de moins bon niveau lorsqu’ils sont dans un système de classe inversée. MOTS CLÉS : Classe inversée, pédagogie inversée, performance, lycée, sciences physiques et chimiques. ABSTRACT : This paper presents a study on the inverted teaching method of physics and chemistry courses at the high school level. This study shows that students achieving high grades in the traditional classroom setting are globally less successful in the flipped classroom setting, while the lower-achieving students in the traditional classroom demonstrate a better performance in the flipped classroom. This inversion of student performance is surely explained by the adaptation the high-achieving students have made to the traditional system, and the tendency of the lower-achieving students to work harder in the flipped classroom setting. KEYWORDS : Flipped classroom, inverted teaching method, high- and low-achieving, performance, high school, physics and chemistry. 1. IntroductionLe modèle transmissif
est dans nos institutions éducatives le modèle pédagogique
le plus répandu, il est le modèle de référence pour
de nombreux enseignants principalement dans le secondaire
(Beauvais, 2003).
Un modèle traditionnel dans lequel « pour apprendre,
l’élève doit être attentif, écouter, suivre,
imiter, répéter et appliquer » (Gagnebin et
al., 1997, p. 36). Cette pédagogie traditionnelle transmissive
« est réglée selon deux phases successives : une
phase d'acquisition (la leçon), une phase d'utilisation des connaissances
(l'exercice d'application) » (Champagnol, 1974, p. 21). On
pourrait ajouter que la première phase – dite d’acquisition
– se déroule en classe, la seconde – dite d’application
– se déroule, quant à elle, en grande partie hors du temps
scolaire. Ce sont ces deux phases successives que la « classe
inversée » propose d’intervertir. Bien que la formalisation de la classe inversée soit relativement récente, un certain nombre de travaux ont étudié cette approche pédagogique. Ainsi, Bissonnette et Clermont ont réalisé une revue systématique des recherches portant sur la pratique de la classe inversée en rapport avec ses effets sur le rendement des élèves (Bissonnette et Clermont, 2013). Ces auteurs ont répertorié et sélectionné les articles publiés entre 2005 et 2013. Pour satisfaire aux critères de sélection, les articles devaient, outre répondre strictement au sujet, être fondés suivant un devis expérimental ou quasi-expérimental (avec un groupe témoin) et être publiés dans une revue à comité de lecture. Il s’avère que sur les deux cent cinquante-sept articles repérés, aucun n’a pu être retenu. Les auteurs de conclure que « les données probantes
associées à la classe inversée sont nettement insuffisantes
pour en recommander l’utilisation, particulièrement dans les
classes des écoles primaires et secondaires pour lesquelles nous ne
disposons actuellement d’aucun résultat de recherche sur la classe
inversée » (Bissonnette et Clermont, op. cit., p.
26). La présente recherche s’inscrit dans la continuité des conclusions de Bissonnette et Clermont et tâchera d’apporter un éclairage expérimental sur une pratique de classe inversée dans le secondaire, en lycée. Il s’agira notamment d’estimer les effets de l’apprentissage inversé sur le rendement des élèves. 2. Méthodologie de rechercheNotre étude concerne deux classes de première scientifique (n1=28 et n2=30) qui ont été suivies sur une année scolaire dans un lycée parisien. Pour ces deux classes, le cours de sciences physiques et chimiques1 a été conduit soit en enseignement traditionnel (leçon en classe et exercices d’application hors du temps scolaire) soit en enseignement inversé (leçon hors du temps scolaire et exercices d’application en classe). Ainsi, sur un total de quinze chapitres traités dans le programme, huit ont été abordés dans le cadre d’un enseignement traditionnel et sept dans le cadre d’un enseignement inversé. Deux enseignants de sciences physiques et chimiques ont travaillé de concert sur l’élaboration des séquences pédagogiques ; ils ont suivi une programmation commune pour chacune de leur classe. Pour les sept chapitres traités en classe inversée, la leçon était distribuée aux élèves sous format littéral (feuillets polycopiés), parfois des ressources numériques (sites internet, animations et vidéogrammes en ligne) pouvaient être proposées en fonction des sujets abordés afin de compléter la leçon. A l’issue de cette phase d’acquisition hors du temps scolaire, le cours2 inscrit à l’emploi du temps des élèves était consacré à la résolution d’exercices d’application dans l’esprit de l’instruction par les pairs ou peer instruction de Mazur (Mazur, 1997). Ainsi, des exercices sous format de questions à choix multiples étaient vidéo-projetés et les élèves répondaient anonymement avec un boitier de vote. Les résultats du vote étaient affichés (sans indication de la réponse correcte) et s’en suivait une discussion en groupe entre proposants et opposants avant que l’enseignant ne corrige l’exercice. Chaque cours commençait par un rapide contrôle – comme cela est souvent d’usage en classe inversée – qui permettait à l’enseignant d’apprécier, a posteriori, le niveau de connaissance effectif des élèves sur la leçon distribuée. L’enseignant pouvait ainsi mettre en relation d’éventuelles difficultés rencontrées en classe avec un défaut d’apprentissage de la leçon. Ce contrôle était noté et la note prise en compte dans la moyenne générale avec un faible coefficient (0,15). Tout au long de l’année scolaire, pour chaque évaluation
(sur une échelle de 20), chaque point de note a été
identifié suivant qu’il évaluait une notion acquise dans le
cadre d’un enseignement traditionnel ou dans le cadre d’un
enseignement inversé. Ainsi, nous avons pu, pour chaque
élève, calculer une moyenne annuelle sur 20 points relative
à un enseignement traditionnel – que nous appellerons ici
« moyenne académique », et calculer une moyenne
annuelle, toujours sur 20 points, relative à un enseignement
inversé – que nous appellerons « moyenne classe
inversée ». De plus, nous avons, pour chaque
élève, calculé un indice de performance en classe
inversée (Pi) qui est la différence algébrique entre la
moyenne classe inversée et la moyenne académique. Plus
l’indice de performance est élevé, plus l’impact de la
classe inversée sur la moyenne est bénéfique. Sur l’année, les contrôles proposés ont permis d’évaluer les cinq premiers niveaux d’objectifs pédagogiques (connaissance, compréhension, application, analyse et synthèse) de la taxonomie de Bloom qui en comporte six (Bloom, 1956). Nous avons choisi une approche expérimentale de type « essai croisé » : une même cohorte suivie dans deux situations expérimentales différentes : classe traditionnelle ou classe inversée. Dans cette approche méthodologique, chaque élève est son propre témoin ; la variabilité inter-élèves est supprimée au profit d’une variabilité intra-élève que nous cherchons précisément à explorer. Cet essai croisé permet d’obtenir des données individualisées pour chaque élève. Ces données seront donc un complément utile et éclairant lors de la phase d’entretien individuel. En effet, outre les données quantitatives des moyennes des élèves, nous avons procédé à l’administration d’un questionnaire en fin d’expérimentation ainsi qu’à une série de courts entretiens individuels semi directifs avec des élèves. Entretiens au cours desquels, il était demandé en préambule aux élèves de s’exprimer sur la classe inversée et sur les éventuels apports qu’ils auraient pu constater les concernant, sans plus autre précision. 3. RésultatsLes figures 1a et 1b en annexe comparent, pour chaque
élève, de chaque classe, les moyennes académiques en classe
normale aux moyennes obtenues en classe inversée. Les figures 2a et 2b en annexe reportent les indices de performance en classe
inversée pour chaque élève de chaque classe. Sur les cinquante-quatre élèves ayant répondu au questionnaire administré en fin d’année, une majorité d’entre eux préfère la classe en mode inversée (22 élèves). Cela étant, on remarquera également qu’ils sont très nombreux à ne pas afficher de préférence (19 élèves). Il n’y a donc pas de plébiscite de la classe inversée. Nous n’avons pas mis en évidence de rapport entre cette ventilation des choix et le niveau académique des élèves ou leur indice de performance. Il convient ici de mettre en avant que le faible effectif de l’étude impose un nécessaire recul sur les résultats chiffrés. Il faut comprendre ces chiffres comme des tendances qui apporteront un éclairage sur l’analyse qualitative des entretiens et qui vont suivre dans la discussion. 4. Discussion des résultats4.1. L’inversion de la performanceNous avons mis en exergue une tendance pour les élèves de bon niveau en classe traditionnelle à être généralement moins performants en classe inversée et une tendance pour les élèves de faible niveau en classe traditionnelle à être plus performants en classe inversée. Il convient dès lors de s’interroger sur les raisons susceptibles d’expliquer cette inversion de la performance. Pour ce faire, les entretiens avec les élèves peuvent apporter des éléments de réponse. 4.2. La place de la leçon et l’adaptation au systèmeLes données qui suivent sont issus la partie qualitative de l’étude, essentiellement des entretiens. L’élève performant, dans le système traditionnel,
est un élève adapté aux modalités de la
pédagogie transmissive. Nous avons vu qu’il devait écouter,
être attentif et suivre. On pourrait rajouter qu’il sait interagir
avec le professeur lors de la prise de note comme le souligne un
élève (EL11.2, niveau A, Pi :
-3,3)3 : « la
classe normale / on peut directement demander au prof / les
explications ». Cette valeur ajoutée du face à face
pédagogique au moment de la leçon est également
soulignée par une brillante élève (EL27.2, niveau A+,
Pi : +1,2) : « je préfère le
cours normal / c’est plus pratique pour moi / je préfère
comprendre en classe alors que quand on est chez nous on comprend pas
forcément tout / d’un coup / on peut pas poser de
questions ». Cette élève de préciser :
« en fait j’écoute beaucoup en cours / et en
règle générale je comprends bien donc après quand je
rentre chez moi / j’ai moins de travail ».
Il semblerait – et cela pourrait paraître paradoxal – que nombre d’élèves de bon niveau peinent à travailler leurs leçons à la maison dans les conditions de la classe inversée (EL05.2, niveau B, Pi : -1,7) : « quand / je travaille / chez moi j’ai moins de / facilités surtout / (...) du coup il y a pas d’explication d’un professeur / et j’ai moins / j’ai plus de réticences / je me mets moins au boulot tout de suite / alors que quand il y a / quand je le fais en classe / je comprends / et j’arrive à assimiler un minimum du coup les exercices qu’on me donne à faire / j’ai pas forcément besoin de relire le cours je sais déjà les faire / après ce que j’ai vu / du coup je trouve ça beaucoup plus facile ». Facile. Il est facile pour un élève adapté au modèle transmissif de s’y épanouir et d’y performer, adaptation d’autant plus aisée que l’environnement de classe est relativement fixiste comme le souligne ce même élève : « depuis le collège c’était comme ça / le cours à l’école / enfin en cours / on revoyait bien on posait des questions au professeur si on avait des problèmes de compréhension / si jamais il y avait quelque chose / enfin / une formule ou quelque chose qu’on comprenait pas qu’on voulait approfondir » (EL05.2, niveau B, Pi : -1,7). Ainsi, positionner la phase d’acquisition hors du temps scolaire peut dérouter4 les élèves que le système transmissif a valorisés et sélectionnés tout au long de leur scolarité pour leur qualité d’écoute, de prise de note et d’interaction avec l’enseignant au moment de la leçon. C’est un élément à prendre en compte dans la compréhension de la moindre performance révélée de ces « bons » élèves. 4.3. Le travail à la maisonLa question du travail à la maison vient d’être ébauchée par ces élèves de bon niveau qui nous expliquent que leur qualité d’écoute et d’interaction en classe peut les dispenser d’un travail soutenu hors du temps scolaire. Un autre excellent élève (EL09.1, niveau A+, Pi : -2,3) commente sa moindre performance en classe inversée en ces termes : « je travaille moins quand c’est en inversé / parce que chez moi j’ai pas forcément envie de travailler ». Ce commentaire apporte un éclairage nouveau en introduisant une absence de désir, de volonté à travailler à la maison. La classe inversée « demande beaucoup de travail » pour cette élève (EL03.1, niveau B, Pi : -1,9) de bon niveau qui, si elle reconnait l’intérêt de la méthode, admet cependant avec lucidité : « ça m’a pas aidé (...) / parce que je travaillais pas assez / les cours / donc du coup je les comprenais pas / alors qu’en classe t’es obligé de travailler (...) / parce que le prof il te l’impose / alors qu’en cours inversé c’est toi qui le décides si tu le veux ou si tu le veux pas / donc il suffisait qu’une semaine on voulait pas le faire et on comprenait pas le cours donc on avait une mauvaise note ». Ainsi, nous percevons que la faculté, pour un « bon » élève, de suivre efficacement une leçon en classe ne persiste pas forcément lorsqu’il s’agit de faire ce travail à la maison avec une leçon polycopiée. Pour autant, la leçon distribuée est de nature à ouvrir de nouveaux horizons à d’autres élèves moins performants dans le système traditionnel, comme nous le laisse comprendre cet élève, faible au demeurant (EL13.2, niveau D, Pi : +1,2) : « le fait d’avoir la leçon / ça me donne l’envie de la regarder / alors que quand j’écris j’ai une écriture pas très jolie donc ça me donne moins envie de la lire / ça me pousse vraiment à plus travailler ». Ce cas contraste fortement avec les autres. Cet élève nous décrit un certain désir de travailler inhérent aux modalités de la classe inversée, un désir presque pulsionnel dans l’acception étymologique et freudienne du terme. Une pulsion dont on imagine qu’elle peut redéfinir, pour cet élève faible en sciences physiques et chimiques, les contours de son rapport au savoir. Et du reste certains élèves faibles semblent s’inscrire dans une heureuse dynamique avec la classe inversée. Comme cet élève (EL19.1, niveau C, Pi : +2,2) qui déclare à propos de la classe inversée : « j’apprends plus / parce que on est obligé de compléter5 alors que / quand on remplit un cours en classe / enfin / j’ai pas forcément l’habitude de regarder les cours à la maison ». Un élève qui, s’il n’a pas la culture de revoir la leçon à la maison à l’instar de ses pairs de bon niveau, se meut dans un nouvel élan – et ce presque malgré lui – avec une notion d’obligation de travailler. Une vision partagée par cet autre élève très faible (EL16.2, niveau D, Pi : +3,8) qui performe en classe inversée : « (la classe inversée) c’est bien car on va dire on écrit pas trop / on a déjà le cours (...) / on a pas besoin en gros d’écrire / on réfléchit juste sur le sujet (...) / en fait / normalement / quand j’écris mon cours en fait / je réfléchis pas trop à retourner dans le cahier alors qu’en inversé t’es un peu obligé parce que t’a rien écris du cours et tu dois l’apprendre par cœur ». Un autre élève au niveau académique très faible (EL24.2, niveau D, Pi : +2,7) : « moi je trouve personnellement qu’il y a / pas trop de différences / mais / en inversé ça / ça nous oblige à travailler / parce qu’on sait qu’en cours on va pas le faire / et qu’on doit le faire à la maison ». Devoir et obligation tels sont les maître-mots assez prégnants et récurrents dans certains entretiens d’élèves. Ces élèves paraissent, par leur attitude, accepter les termes du contrat de transfert de responsabilité d’accès au savoir énoncé par l’enseignant. Cette mise au travail est également très liée avec le
contrôle de connaissances proposé en début de cours
inversé. Un contrôle qui semble particulièrement important
pour les élèves de faible niveau : « (la
classe inversée) ça me force plus à travailler (...) /
quand c’est en cours / après quand je rentre chez moi je
regarde pas trop le cours alors que quand c’est en inversé je
travaille plus et si c’était inversé on faisait une petite
interro » (EL14.1, niveau C, Pi : +2,1). Une
idée reprise par cet autre élève (EL22.2, niveau C,
Pi : +1,7) : « c’est automatique quand il y a
un contrôle après ben ça donne envie d’apprendre le
cours et d’avoir / une note facile / et après ça / et
après au gros contrôle c’est / comme on a retenu le cours ben
on sait des choses » alors que « ça donne pas
envie d’apprendre quand on fait un truc
normal6 ». Cet
élève nous dépeint la facilité –
« note facile » – et l’aspect
mécanique inconscient d’un schéma action/réaction
– « c’est automatique » – à
court terme pour des élèves qui paraissent avoir du mal à
se projeter dans le temps. 5. ConclusionIl ressort de notre étude que – paradoxalement et pour les deux classes observées – l’apprentissage au quotidien de la leçon à la maison, ne fait pas partie des habitus des élèves dans le cadre de la classe traditionnelle. Les élèves de bon niveau n’en éprouvent pas le besoin du fait certainement de la qualité de leur attention en classe, ils n’en ressentent pas l’envie non plus. De même, les élèves de niveau plus faible, n’ont guère l’envie de revoir la leçon régulièrement ou n’y pensent même pas. Dans le cadre de la classe inversée, les élèves de bon niveau ne semblent pas modifier leur comportement : ils ne compensent pas l’absence de leçon magistrale par un travail à la maison et ce, contrairement aux élèves de plus faible niveau. Ces derniers, se sentent obligé d’apprendre la leçon et souvent par cœur. Un de ces élèves (EL16.2, niveau D, Pi : +3,8) nous éclaire sur la valeur de la leçon sous format littéral : « les professeurs nous expliquent directement le cours / ce qu’il y a à comprendre ». Un peu comme si cette leçon distribuée était un prêt-à-penser polycopié, une « substantifique moelle » dont l’appropriation par un jeu d’action/réaction presque skinnerien était susceptible d’apporter une récompense, la fameuse « note facile ». Cela étant, la majorité des élèves travaillent les leçons pour l’évaluation normative en fin de séquence – et souvent au dernier moment. En somme, le rapport de force cognitif entre élèves s’inverse suivant le cadre pédagogique. Ce rapport est à deux contre un en faveur des élèves de bon niveau académique dans le cadre de la classe traditionnelle. Deux temps d’apprentissage pour les élèves de niveau élevé (écoute performante en classe et révision avant l’évaluation) contre un seul pour ceux de niveau plus faible (révision avant l’évaluation). Mais ce rapport passe à deux contre un, cette fois à l’avantage des élèves de faible niveau académique, lorsqu’il s’agit de la classe inversée. Deux temps d’apprentissage pour les élèves de niveau plus faible (apprentissage par cœur avant la séance de classe et révision avant l’évaluation) contre un seul pour ceux de niveau élevé (révision avant l’évaluation). C’est ce rapport de force cognitif inversé qui explique vraisemblablement les variations constatées de l’indice de performance des élèves. Nous pensions que cette étude – au travers des questionnaires
administrés et des entretiens avec les élèves –
permettrait d’apprécier les vertus supposées des phases
dialoguées entre pairs que nous considérions – et persistons
à considérer – comme étant la pièce
maîtresse de la classe inversée. Force est de constater que cela
n’a pas été le cas. Si certains élèves
reconnaissent que le cours inversé est plus animé, seulement deux
d’entre eux ont abordé cet aspect de dialogue en classe en
indiquant préférer « le cours inversé car on
interagissait tous ensembles » (EL25.2, niveau B,
Pi : +0,3) ou trouvant que « les boitiers de
vote sont bien et il est intéressant de comparer les réponses des
camarades » (EL05.2, niveau B, Pi : -1,7). Ce sont
les élèves qui, au final, ont orienté la teneur et la
coloration de ce travail dans sa composante d’accès aux savoirs,
plutôt que dans sa composante d’utilisation pratique de ces savoirs
au travers du dialogue argumenté par exemple. Cela ne signifie nullement
que la discussion entre pairs est sans effet mais plutôt que cet effet,
s’il existe, est moins prégnant au regard des élèves
qu’il ne le serait à celui du chercheur, or c’est au travers
du regard des élèves que notre étude s’est
fondée. La classe inversée telle que nous l’avons suivie au cours
d’une année scolaire révèle une inversion de la
performance des élèves par rapport à la classe
traditionnelle. Il convient toutefois d’avoir à l’esprit que
l’inversion de la performance ne signe en rien l’inversion du niveau
de l’élève. Un élève peut être moins
performant en classe inversée mais rester d’un niveau
convenable. BIBLIOGRAPHIEBEAUVAIS M. (2003). Savoirs-enseignés. Question(s) de légitimité(s). Paris : L'Harmattan. 264 p. BISHOP J. L., VERLEGER, M. A. (2013). The flipped classroom: A survey of the research. Communication présentée à l’American Society for Engineering Education, Atlanta, GA. BISSONNETTE S., CLERMONT G. (2013). Faire classe à l'endroit ou à l'envers, Formation et profession, 2013, pp. 32-40. BLOOM B. et coll. (1956). Taxonomy of educational objectives. Handbook I : Cognitive Domain. New York, McKay. CHAMPAGNOL R. (1974). Aperçu sur la pédagogie de l’apprentissage par résolution de problèmes. In: Revue française de pédagogie. Volume 28, pp. 21-27. GAGNEBIN A., GUIGNARD N., JAQUET F. (1997). Apprentissage et enseignement des mathématiques. Commentaires didactiques sur les moyens d’enseignement pour les degrés 1 à 4 de l’école primaire, Corome. MAZUR E. (1997). Peer Instruction: A User's Manual Series in Educational Innovation. Prentice Hall, Upper Saddle River, NJ. STRAYER J. F. (2007). The effect of the classroom flip on the learning environment: A comparison of learning activity in a traditional classroom and a flip classroom that used an intelligent tutoring system. Ohio State University. ANNEXESFigure 1a • Moyennes académiques (en
abscisse) vs moyennes en classe inversée (en ordonnée) pour
chaque élève de la classe 1
Figure 1b • Moyennes académiques (en
abscisse) vs moyennes en classe inversée (en ordonnée) pour
chaque élève de la classe 2
Figure 2a •
Ventilation du niveau des élèves en fonction de l’indice de
performance pour la classe 1
Figure 2b •
Ventilation du niveau des élèves en fonction de l’indice de
performance pour la classe 2 1Classiquement, dans le modèle transmissif qui prévaut au lycée, le déroulement des activités en sciences physiques et chimiques s’inscrit dans la temporalité suivante : leçon – TP (travaux pratiques)/TD (travaux dirigés) – évaluation normative en fin de séquence (d’après Beauvais, 2003, modifié), les exercices étant essentiellement prévus hors du temps scolaire. Lors de l’inversion de la classe la position, la finalité et les moyens des TP/TD n’ont pas été modifiés. 2Nous emploierons le terme de cours pour faire référence à la séance de classe. 3Nous indiquerons pour chaque retranscription d’entretien, le numéro de l’élève concerné, son niveau et son indice de performance (Pi) en classe inversée. 4Un phénomène déjà observé par Strayer (Strayer, 2007). 5Les leçons polycopiées distribuées par les enseignants en classe inversée pouvaient comporter des zones vierges à compléter après une recherche documentaire. 6« Truc normal » : comprendre évaluation normative en fin de séquence, ce que cet élève appelle également « gros contrôle ». | |
Référence de l´article :
Vincent FAILLET, La pédagogie inversée : recherche sur la pratique de la classe inversée au lycée, Rubrique de la revue STICEF, Volume 21, 2014, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 04/05/2015, http://sticef.org © Revue Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation, 2014 |